Enders A., Histoire de l`Afrique lusophone, Paris, 1994

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Enders A., Histoire de l`Afrique lusophone, Paris, 1994
Enders A., Histoire de l'Afrique lusophone
Enders A., Histoire de l'Afrique lusophone, Paris, 1994
Chapitre III : La construction du « Troisième empire » (1822-1926)
I/ Au temps du commerce illicite
Des possessions parcellaires et dispersées : De fait dans textes constitutionnels des années 1820-1830
pas de séparation entre entre citoyens des provinces métropolitaines et citoyens des provinces d'outre-mer.
Séparation en « civilisés » et « indigènes » uniquement à partir de 1910. Ensemble des possessions outre-mer
possèdent un député au parlement de Lisbonne mais proportion tend à baisser au cours du XIXème siècle.
Début XIXème siècle empire portugais se résume à : Cap-Vert et Guinée, Angola, Mozambique ainsi que Sao
Tomé et Principe et Sao Joao Baptista d'Ajuda. Au cours du XIXème siècle revendication portugaise de
domination des territoires entre Guinée et actuelle Gambie se réduit du fait de pressions britanniques et
françaises. Encadrement administratif et militaire faible. Toutefois, présence d'un gouverneur métis foncé,
Honorio Pereira Barreto, en 1855. Présence portugaise se concentre autour de Bissau et Cacheu. A partir des
années 1840 longues campagnes de pacification par les Portugais contre les populations locales (animistes ou
islamisées) que sont les Balante, Papel, les Manding et les Foula. Angola est plus grande colonie portugaise en
Afrique durant première moitié du XIXème siècle. Colonie divisée en deux reinos de Benguela et d'Angola et
rapports entre monarchie portugaise et chefs locaux africains basés sur liens de vassalité périodiquement
renouvelés. Paiement du dizimo et en échange grande liberté d'action dans leur territoire pour les chefs
africains. Représentation coloniale très faible, souvent uniquement un commerçant blanc ou métis.
Mozambique est également territoire mal contrôlé où autorité portugaise ne s'exerce véritablement que sur les
distritos, bourgades avec présence de fonctionnaires portugais, quelques militaires et des représentants
d'administration des douanes, composant gouvernement du Mozambique. Distritos sont essentiellement placés
autour du Zambèze. Contrôle portugais sur immédiat arrière-pays des enclaves, notamment îles de Cabo
Delgado, Moçambique, Quelimane, Tete, Sofala, Inhambane et Lourenço Marques, grâce à système lâche de
traités et relations vassaliques, par exemple avec sultanats côtiers du nord. Dans intérieur du pays importance de
puissance des Etats indigènes anciens tels que Monomotapa, Manica et Barué, mais peu à peu débordés par
affirmation des « Etats secondaires » armés de fusils et s'appuyant sur décomposition des prazos de Coroa. A la
base les prazos sont des territoires détenus par seigneurs portugais avec allégeance à intérêts de couronne, mais
avec dans les faits grande autonomie contre versement d'une redevance. Importance de liens entre Mozambique
et Asie portugaise à travers élites métissées plus africaines que portugaises. Autorité portugaise faible contre ces
Etats guerriers. De plus impossibilité d'appui d'autorité portugaise sur missionnaires puisque suppression des
ordres religieux au cours des années 1830. Par conséquent, appel à des missions catholiques étrangères, mais
problème que, selon Portugaise, elles ont mauvaise influence sur populations indigènes et idée que
missionnaires critique colonisation portugaise, notamment autour de poursuite de traite négrière, à
l'international.
La difficile conversion au commerce licite : Interdiction de traite négrière dans ensemble des territoires
coloniaux portugais par Sa da Bandeira en 1836, mais pas suivie d'effet puisqu'impossibilité pour Etat portugais
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de l'appliquer face aux intérêts économiques locaux. Par ailleurs essor du café au Brésil durant années 1830
tend à stimuler demande de main d'oeuvre servile. Importance d'apport des colonies africaines puisque sur les
1,6 million d'esclaves transportés vers Brésil et Cuba, Angola fournit 45% du total. Au Mozambique commerce
d'esclaves tenu par sultanats du nord et stimulé par plantations françaises dans les Mascareignes. Du fait de
faiblesse économique de nombreux seigneurs des prazos ces derniers font de la traite ou passent sous
domination d'Etats africains, notamment royaumes de Monomotapa et Barué, ce qui affaiblit domination
portugaise dans intérieur des terres au cours des années 1830-40. A partir des années 1840 intensification de
chasse aux négriers. Importance d'interdiction du trafic par Brésil au cours des années 1850. Commerce
esclavagiste survit encore un peu dans sultanats du nord du Mozambique, notamment en direction de Mer
Rouge, péninsule arabique et îles occidentales d'océan Indien.
De « nouveaux Brésil » : Idée portée par Sa da Bandeira de faire d'Afrique des nouveaux Brésil,
notamment à travers développement des mines et plantations, particulièrement en Angola. De plus cela garantit
marché protégé aux marchandises métropolitaines. Gouvernement métropolitain proclame interdiction
progressive d'esclavage en 1858, mais devant difficultés pratiques extinction complète d'esclavage uniquement
en 1878. Toutefois, malgré fin d'esclavage, mise en place de formes de travail forcé. Abolition de ces formes en
1913, mais administration portugaise se réserve droit de faire appel à travailleurs africains pour travaux d'utilité
publique. Suite à abolition d'esclavage développement de ressources déjà présentes telles qu'exploitation de
l'orseille, du sucre, du café etc... Au cours de seconde moitié du XIXème siècle âge d'or des bourgeoisies
métisses qui domine maisons de commerce et administration locale, notamment grâce à plantations de canne à
sucre. Dans le même temps autorités portugaises décident de se lancer dans politique plus offensive du fait de
pression des conquêtes des autres nations européennes. De fait volonté de réannexer Congo. Pénétration dans
royaume du Kongo en 1856, mais impossibilité d'occupation des deux rives du fleuve Congo du fait de refus
britannique. En outre difficultés financières durant les années 1860 donc arrêt d'expansion. Dans le même
temps en Angola domination portugaise ne s'étend même pas sur ensemble de frange littorale.
II/ Les Portugais dans le Scramble
La renaissance de l'idée coloniale au Portugal : Idée de politique coloniale active est à nouveau à ordre
du jour à partir de milieu des années 1870. Toutefois, Portugal est maintenu à l'écart des initiatives vers Afrique.
Volonté pour Portugal d'éviter encerclement de ses colonies par autres puissances européennes.
La définition des frontières de l'Afrique portugaise : Importance des contentieux entre Portugal et
Angleterre au cours des années 1870 autour d'île de Bolama en Guinée et de Lourenço Marques en
Mozambique. En 1884 signature d'un traité luso-britannique qui reconnaît souveraineté portugaise sur les deux
rives du fleuve. Toutefois, obligation d'abandon de cela lors de conférence de Berlin en 1885. Dès lors volonté
de Portugal d'établir jonction entre Angola et Mozambique. Au cours des années 1880 règlement des différends
entre Portugal et France et Portugal et Allemagne. Toutefois, opposition forte d'Angleterre à jonction entre
Angola et Mozambique. Au début des années 1890 définition des frontières et présence de territoires
britanniques, nés des expéditions de Cecil Rhodes, entre Angola et Mozambique.
III/ Coloniser
A partir des années 1890 importance pour Portugal de coloniser entièrement ses nouveaux territoires.
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Toutefois, forte résistance des populations locales qui va durer jusque dans l'entre-deux-guerres. Pour Portugal
idée que colonisation suppose conquête, développement d'économie exportatrice et soumission de main
d'oeuvre indigène par travail et impôt.
Conquête, pacification, guerres : Néanmoins, dans un premier temps relative prudence des Portugais
suite aux défaites face à Etat secondaire du Massangano au Mozambique en 1869, par les Dembo en Angola en
1871-72 et les Floup en Guinée en 1878. Toutefois, scramble fait que nécessité de nombreuses campagnes pour
établir sa domination dans les faits face aux autres puissances européennes. De fait entre 1854 et 1916 45% du
budget d'Angola est concentré autour de guerre. De même engagement de 40.000 hommes en Angola entre
1848 et 1926. Au Mozambique importance de réduction des Etats secondaires entre années 1880 et 1914.
Anciens territoires des seigneurs de guerre sont transformés en plantations ou absorbés dans domaines des
compagnies concessionnaires. Malgré soumission globale existence d'épisodes de résistance depuis fuite des
populations assujetties au travail forcé jusqu'à révoltes ouvertes. Exemple des paysans d'une plantation de la
Compagnie du Mozambique qui se soulèvent 6 fois entre 1892 et 1896 contre prélèvement de l'impôt. Révoltes
embrassent parfois des territoires plus larges comme celle de certains Bakongo entre 1913 et 1916.
La Grande Guerre et l'Afrique portugaise : Durant Première Guerre mondiale présence des Portugais
aux côtés des Alliés. Fin 1917-courant 1918 opérations allemandes autour de frontière du Mozambique et à
l'occasion ralliement de certaines populations locales par profond sentiment anti-portugais. Importance de poids
de la guerre pour Mozambique notamment à travers réquisitions d'hommes et de nourriture qui déstabilisent
profondément les sociétés locales. De fait difficultés pour pouvoir portugais d'obtenir les porteurs dont il a
besoin de la part des populations locales. Tout cela exacerbe sentiment anti-portugais ce qui conduit à révoltes,
notamment d'une partie de la Zambézie en 1917. Pacification prend fin en Angola et en Guinée au cours des
années 1920, même si existence de répressions dans les îles Bijagos en Guinée en 1936 ainsi que contre
Hereros dans sud d'Angola en 1941.
Une économie coloniale : Importance d'exportation de produits tropicaux, notamment café, cacao et
oléagineux, depuis Sao Tomé et Angola vers Portugal vers fin du XIXème siècle. Toutefois, faiblesse de
commerce colonial portugais sous la République (1910-1926).
Importance de naissance d'aristocratie de planteurs et commerçants à Sao Tomé dans les années 1880
grâce à culture de cacao. Souvent ces individus sont des immigrants, pas forcément portugais, venus faire
fortune dans les colonies.
Importance de investissements étrangers dans les colonies portugaises, notamment pour construction
d'infrastructures lourdes dont rentabilité n'est pas assurée. Exemples de lignes de chemins de fer entre Lourenço
Marques et Pretoria en 1894 et entre Salisbury et Beira, le tout sur fonds britanniques. En Angola monopole de
Diamantes de Angola sur extraction et exploitation des diamants. Importance de présence des compagnies
concessionnaires dans colonies portugaises, notamment au Mozambique et ce à partir de 1878. Exemple de la
Compagnie du Mozambique, fondée en 1888, qui reçoit mission de construire chemin de fer entre Rhodésie et
Beira, Financement grâce à octroi de 50 ans de droits régaliens et monopole et exploitation du commerce contre
versement annuel de dividendes et de partie des bénéfices. Compagnie a haute main sur main d'oeuvre indigène
(avec culture forcée du coton) et sur perception d'impôt. Privilèges comparables sont accordés à compagnie de
Nyassa en 1894 dans extrême nord du Mozambique. Compagnie du Boror est dominée par intérêts français.
Expérience mozambicaine est mise en place en Angola, mais peu de succès. In fine compagnies
concessionnaires sont de mauvaises affaires et faillites sont nombreuses. Importance des relations, notamment
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économiques, entre Mozambique et Afrique du Sud. De fait importance de transferts de main d'oeuvre
mozambicaine vers Afrique du Sud, notamment mines du Transvaal. A partir de 1901 mise en place d'un
arrangement entre autorités coloniales du Mozambique et la Witwaterstrand Native Labour Association avec
droit pour la seconde de recruter 80.000 Africains/an au Mozambique. En échange Mozambique touche taxe par
mineur exporté.
Noirs, Blancs et métis en Afrique portugaise : A fin du XIXème siècle volonté des nouveaux officiers
portugais nommés à tête des colonies de rapprocher colonisation portugaise de ce qui se fait dans colonies
britanniques. Importance de figures comme Joaquim Mouzinho de Albuquerque ou Henrique de Paiva
Couçeiro. Volonté de leur part de définir une politique indigène. Opposés à assimilation donc volonté que
métropole adopte législation discriminatoire à égard des indigènes.
Début de République voit adoption de nouvelles mesures pour outre-mer. Création d'un ministère des
Colonies en 1911 pour chapeauter ensemble d'administration, mais doctrine officielle de large autonomie de
chaque territoire dans forme d'organisation et de développement. En 1914 loi établissant autonomie financière
des colonies avec idée que colonies doivent vivre de fruits des recettes fiscales. De même possibilité pour
colonies de contracter des prêts. Dans les faits importance des pouvoirs aux gouverneurs-généraux et aux hautscommissaires à la tête des colonies. Importance de figure de Norton de Matos. Présence de ce dernier en Angola
entre 1912 et 1915. Lutte contre révolte des Bakongo, désarme les Africains, ouvre des milliers de kilomètres
de pistes et supprimer causes des révoltes indigènes, notamment exportation de main d'oeuvre vers Sao Tomé.
Revient en Angola entre 1921 et 1923 comme haut-commissaire de la République, fait emprunts et prévoit
installation de 20.000 colons, mais échec et faillite de colonie. Durant ses mandats Norton de Matos tend à
lutter contre travail forcé, toujours présent dans Afrique portugaise. Celui-ci s'exerce à travers impôt de case
(nombre de jours donnés dus par indigène à gouvernement), étendu au début du XXème siècle. De même à
cette époque administration continue d'assurer approvisionnement en main d'oeuvre des entreprises privées.
Scandale du rapport Ross dénonçant exactions en 1925, mais peu de changements dans vie quotidienne des
populations
locales
par
la
suite.
Chapitre
IV :
L'Afrique
de
la
dictature
(1926
–
1974)
En 1928 crainte de banqueroute du Portugal et donc de tutelle de SDN sur possessions coloniales.
Arrivée de Salazar, professeur d'économie, au pouvoir en 1928. Dès cette date début de mise en place
d'idéologie de « l'Etat Nouveau » caractérisés par autoritarisme, antilibéralisme, corporatisme, nationalisme et
impérialisme.
I/ 1926 – 1945 : de la domination à l'Empire
L'organisation de l'Empire : Code du travail indigène de 1928 affirme qu'indigène a devoir de travailler,
mais que seul Etat a droit à utilisation gratuite de main d'oeuvre. Adoption en 1930 de l'Acto Colonial qui règle
cadre institutionnel des colonies. Acte colonial affirme importance d'idée d'empire portugais et d'Etat contre
compagnies concessionnaires, dont concessions ne seront pas renouvelées à échéance. En outre colonies sont
désormais du strict ressort de Lisbonne et non plus autonomes. En ce qui concerne la politique indigène reprise
des dispositions antérieures par régime de Salazar. Uniformisation progressive d'administration coloniale.
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Importance d'idée de vocation impériale du Portugal ainsi que Portugal et ses colonies ne sont qu'une
seule et même entité. Importance de figure d'Henri le Navigateur dans propagande coloniale.
Pour un pacte colonial : Salazar impose strict contrôle des changes aux colonies avec priorité pour les
capitaux nationaux privés ou publics et lutte contre les grandes compagnies concessionnaires. De fait en 1941
terres de Compagnie du Mozambique tombent sous régime d'administration directe. Toutefois, participations
des capitaux belges et sud-africains demeurent importants dans empire. Volonté de Salazar de privilégier
commerce entre Portugal et colonies, notamment dans cas des matières premières. Malgré tout commerce avec
les colonies n'est que, au mieux, 20% des échanges métropolitains. Importance du coton avec culture forcée à
partir de 1926 pour les paysans africains. Cela aboutit à de graves famines, notamment au Mozambique. Jusque
dans années 1940 Afrique est vue comme fournisseur de matières premières (café, coprah, coton, huiles
végétales notamment) avec interdiction des activités industrielles. Toutefois, durant guerre difficultés de
communication ainsi que concurrence du Congo belge et d'Afrique du Sud après guerre amènent gouvernement
portugais à favoriser les industries de substitution dans les colonies. Ce fait renforce quelques oligopoles,
notamment Companhia Uniao Fabril, omnipotente en Guinée et importante dans reste d'empire.
L'Estado Novo en Afrique : Importance de centralisation des décisions coloniales à Lisbonne.
Gouverneurs-généraux ne possèdent plus leur marge d'initiative et président du Conseil juge en dernier ressort
tout ce qui concerne outre-mer. Gouverneurs-généraux sont désormais courroies de transmission de volonté
métropolitaine. Gouverneurs-généraux dominent bureaucratie toute-puissante, notamment suite à destruction
des chefferies africaines lors des campagnes de pacification ce qui a ouvert voie vers administration directe.
Chefs traditionnels encore présents sont de simples regedores contrôlés par autorités coloniales. De fait colonies
portugaises ont à leur tête un gouverneur (Cap-Vert, Sao Tomé) ou un gouverneur-général (Angola,
Mozambique). Guinée, Angola et Mozambique sont divisées en concelhos et en circunscriçoes, elles-même
regroupées en distritos. Dans la brousse présence du chefe de posto, fonctionnaire portugais censé avoir suivi
des études à l'Institut Supérieur des Etudes d'Outre-mer de Lisbonne. Hormis gouverneurs et gouverneursgénéraux, souvent militaires, fonctionnaires coloniaux ont réputation exécrable. Administration recrute
auxiliaires dans masse des colons portugais pauvres. Existence de mouvements hostiles à Salazar en Guinée,
Angola et Mozambique en 1931. Existence de députés des colonies au parlement de Lisbonne, mais parlement
vidé de ses prérogatives. Extension de législation corporatiste et des organisations de jeunesse obligatoires dans
les colonies à fin des années 1930. Toutefois, fascisme métropolitain s'enracine mal dans communautés
blanches d'Afrique. Très peu d'investissements dans les institutions éducatives et sociales de la part d'Estado
Novo dans les colonies. A partir de 1940 Etat portugais, suite à concordat avec Vatican, subventionne action
missionnaire dans les colonies. Idée qu'Eglise est agent essentiel de lusitanisation des colonies. Ensemble d'
« action civilisatrice » est laissée aux missionnaires. En 1950 taux d'analphabètes dans les colonies oscille entre
97 et 99% selon les cas alors qu'à la même époque il est de 44% en métropole. Eglise catholique fait corps avec
nationalisme d'Estado Novo. Importance d'analphabétisme accentue isolement des quelques assimilados et
retarde débuts de formes d'expressions politiques « à l'européenne ». Réveil des revendications est d'abord
culturel. Exemple de revue Claridade fondée en 1936 au Cap-Vert et qui constitue anthologie de littérature
nationale et valorise expression créole. Génération suivante passe progressivement d'art à politique.
II/ 1945 – 1961 : face aux changements
Suite à fin de Deuxième Guerre mondiale pression internationale oblige l'Estado Novo à différentes
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mesures, mais dans les faits celles-ci vont plus viser à pérenniser présence portugaise en Afrique.
La montée des périls : Importance des pressions américaines pour que Portugal émancipe ses colonies.
Toutefois, aide aux Alliés à fin de Deuxième Guerre mondiale ainsi que participation à fondation d'OTAN en
1949 vont permettre de maintenir un certain statu quo colonial.
Après 1945 une partie des assimilados prend conscience de son africanité et jette bases des mouvements
nationalistes. Exemple d'Amilcar Cabral qui découvre, lors de son séjour au Portugal entre 1945 et 1952, la
pauvreté des colonisateurs ainsi que brutalité de dictature de Salazar. Existence de connexions entre les
étudiants africains assimilés et la résistance anti-salazariste qui naît à fin des années 1940. Originalité de
naissance des mouvements nationalistes dans colonies portugaises du fait de cette lutte conjointe contre
dictature de Salazar. Outre lutte contre dictature étudiants africains se regroupent pour découvrir et défendre
leur identité culturelle. Importance des figures de Mario de Andrade, Agostinho Neto ou encore Marcelino dos
Santos. Au début des années 1950 ces intellectuels assimilés rentrent dans leurs patries respectives et passent à
action politique. De fait en Guinée Amilcar Cabral crée clandestinement le Partido Africano da Independenci
da Guiné e Cabo Verde (PAIGC) en 1956. Au milieu des années 1950 fondation du Movimento Popular de
Libertaçao de Angola (MPLA) par Agostinho Neto et Viriato da Cruz. En 1957 création d'un Mouvement
Anticolonialiste (MAC), front commun entre MPLA et PAIGC sur la scène internationale, remplacé en 1961
par la Conférence des organisations nationalistes des colonies portugaises (CONPC). Au début audience
confidentielle en dehors de Luanda (Angola) et Bissau (Guinée). Jonction avec les nationalistes mozambicains
du Frente de Libertaçao de Moçambique (FRELIMO) d'Eduardo Mondlane en 1962. Difficultés pour MPLA
dans unification des populations puisque sentiments particularistes, notamment dans populations bakongo du
nord du pays. Suite à mort du dernier roi kongo en 1955 naissance de l'Uniao das Populaçoes de Angola (UPA),
probablement en 1957, qui prône indépendance d'ensemble d'Angola. Seul Sao Tomé ne connaît pas de
mouvement nationaliste développé du fait de conséquences d'épisode de la « guerre de Batepa » en 1953 à
cause des brutalités du travail forcé et fortement réprimée.
Les habits neufs de l'Empire : Pour contrer opposition nationaliste à colonisation mise en place
progressive d'un aggiornamento de doctrine coloniale portugaise. Cela passe par mise en avant du lusotropicalisme théorisé par Gilberto Freyre, sociologue brésilien, en 1952. Idée que luso-tropicalisme est
idéologie spécifiquement portugaise qui a donné naissance à civilisation profondément multiraciale. Utilisation
de cette théorie par Estado Novo. Selon ce dernier idée que décolonisation par parfaite assimilation de ses
territoires d'outre-mer. En 1951 remplacement du mot de « colonie » par « province d'outre-mer » qui a pour
but d'affirmer politique d'intégration d'Afrique portugaise à métropole contre idée de retour à empire plus
décentralisé. Adoption en 1954 d'un nouveau « Statut des indigènes des provinces de Guinée, Angola et
Mozambique » d'accent plus libéral. Néanmoins, indigènes sont toujours : « individus de race noire ou leurs
descendants qui sont nés ou vivent habituellement dans ces provinces et ne possèdent pas encore l'instruction et
les habitudes individuelles et sociales sans lesquelles il ne peut y avoir application intégration du droit public et
privé des citoyens portugais ». Les autres, lusophones, catholiques ou salariés, sont possiblement versables dans
catégorie des assimilados et donc des civilizados. Toutefois, assimilation est plus proclamée que réelle
puisqu'en 1960 assimilados sont 1% des 5 millions d'habitants d'Angola. En outre à partir des années 1940
volonté du pouvoir portugais de concentrer les flux d'émigrants portugais vers les colonies, notamment
l'Angola. Angola et Mozambique se transforment donc peu à peu en colonies de peuplement. Toutefois, succès
en demi-teinte de cette politique. Volonté d'Etat d'établir les colons, souvent originaires de provinces
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portugaises pauvres, dans territoires ruraux comme cultivateurs ou planteurs. Toutefois, échec et au bout de
quelques années colons émigrent vers villes des colonies. Pour ceux qui restent en brousse ils sont le plus
souvent commerçants plutôt que cultivateurs. Arrivée massive de « petits blancs » dans les villes bouleverse les
équilibres de la société luso-africaine.
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