Les chutes - Longue Vie et Autonomie
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Les chutes - Longue Vie et Autonomie
1 41 Sommaire Chapitre 4 - Plan du chapitre 1. Introduction 2. Rappels physiologiques Déterminants de la fonction d’équilibre et de marche Description de la marche Modifications liées à l’âge 3. Démarche diagnostique après une chute Facteurs de risque de chute Les facteurs précipitants L’examen clinique du sujet âgé après une chute 4. Les conséquences de la chute Les conséquences traumatiques Les conséquences psychomotrices Les conséquences psychologiques 5. Traitement du sujet âgé après une chute Traitement fonctionnel de réadaptation Psychothérapie de soutien Evaluation médico-sociale Les chutes sont rarement fortuites chez le sujet âgé. Qu'elle soit la conséquence d'une perte progressive des mécanismes d'adaptation à l'équilibre, d'une affection aiguë, d'un effet indésirable d'un médicament ou la manifestation d'un appel à l'aide, chaque chute est susceptible de provoquer la hantise d'une nouvelle chute, le corollaire étant la crainte et la limitation spontanée de la marche et la spirale de la dépendance. Toute chute chez un sujet âgé, quelles qu'en soient les circonstances, doit ainsi être prise en charge non comme un simple accident, mais comme une affection potentiellement grave. 1. Introduction 2. Rappels physiologiques On estime qu'un tiers des sujets de plus de 65 ans et la moitié de ceux de plus de 85 ans font une ou plusieurs chutes par an. En France, les chutes seraient responsables à court terme de 12 000 décès par an. Elles représentent également un facteur d'entrée dans la dépendance : 40 % des sujets âgés hospitalisés pour chute sont orientés ensuite vers une institution. 2.1 Déterminants de la fonction d'équilibre et de marche La chute peut avoir des significations diverses chez le sujet âgé : signe essentiel d'une étiologie unique (chute symptôme), élément sémiologique d'un syndrome (syndrome de régression psychomotrice), évènement dont la signification est sociale ou psychique (chute symbole), enfin événement brutal lié à un facteur intercurrent (chute fortuite). Il existe encore trop souvent une différence de comportement médical face à la chute selon qu'elle est ou non précédée de malaise ou perte de connaissance. La première, teintée de gravité, fait l'objet d'une exploration active. La seconde, "mécanique", est souvent négligée. Les chutes La marche est une modalité particulière du mouvement nécessitant l'intégrité des voies motrices, cérébelleuses, vestibulaires et des afférences proprioceptives. n Les voies motrices comprennent les systèmes pyramidal et extra-pyramidal. n Les voies cérébelleuses sont impliquées dans les réactions d'équilibre statique et dynamique. n Les voies vestibulaires participent au tonus postural et à l'information sur la direction et la vitesse du mouvement. n Les afférences proprioceptives informent de la position des articulations et des membres dans l'espace. Les afférences prenant leurs origines de la face plantaire sont particulièrement importantes pour la marche. Cette voie chemine par les cordons postérieurs de la moëlle. Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 Chapitre 4 - 42 2.2 Description de la marche La marche est une activité alternée des membres inférieurs qui permet le déplacement du corps tout en assurant le maintien de son équilibre en orthostatisme. C'est une activité motrice automatique qui demande un apprentissage dès l'enfance (automatisme acquis). On décrit 3 systèmes impliqués dans la marche. n Le système anti-gravitaire Ce système sert au maintien de l'attitude érigée en s'opposant à l'effet de la pesanteur. Il est sous la dépendance du tonus des muscles antigravitaires qui sont, chez l'homme, les muscles extenseurs des membres inférieurs et les muscles paravertébraux. Les afférences de ce système proviennent : • de la plante des pieds, • du labyrinthe de l'oreille interne, • des récepteurs musculo-tendineux. Un réflexe d'afférence podal expliquerait la nécessité d'une stimulation plantaire pour l'activité du tonus antigravitaire. n Le système de production du pas La marche pourrait être décrite comme une suite de ruptures d'équilibre conduisant à une chute suivie d'une réaction "parachute" d'un des membres inférieurs en alternance. La production du pas est donc une activité rythmique au cours de laquelle le poids du corps alterne d'un membre inférieur à l'autre, par l'intermédiaire d'un appui unipodal. Chez le nouveau né, il existe une marche automatique provoquée par le maintien en orthostatisme et par la stimulation podale. Cette marche automatique disparaît en quelques semaines, puis un apprentissage produit les séquences d'activités musculaires nécessaires au déplacement : c'est un automatisme acquis. n Le système d'équilibre et d'adaptation posturale La station debout définit la posture. La fonction d'équilibration vise au main- Les chutes tien de la posture. Ce système est complexe et intègre les informations de 4 modes de perception : • La vue • Le système vestibulaire • Les voies sensitives afférentes proprioceptives • Les voies sensitives afférentes tactiles épicritiques Ce système est statique (tonus postural) et dynamique (marche). La réaction d'équilibration se définit comme l'ensemble des mouvements compensatoires automatiques qui permet l'adaptation posturale pour des débattements posturaux (mouvement oscillatoire du centre de gravité). 2.3 Modifications liées à l'âge Les modifications apportées par le vieillissement n'ont pas été étudiées de façon systématique. Plusieurs arguments tendent à montrer que les réactions posturales se maintiennent efficacement au cours du vieillissement physiologique mais la vitesse des réactions et les capacités d'adaptation aux situations extrêmes sont moindres. 3. Démarche diagnostique après une chute Le clinicien devra éviter d'une part d'avoir une attitude fataliste qui considèrerait la chute comme banale alors qu'il s'agit d'un évènement majeur par ses conséquences traumatiques et sociales, et d'autre part, d'imposer des explorations multiples à un sujet âgé fragile en l'absence d'un objectif thérapeutique rentable. De manière didactique, nous n'envisagerons que les chutes dans le contexte des troubles de la marche, mais, en pratique, les difficultés d'interrogatoire imposent d'envisager les étiologies de "malaises et syncopes" dans le même temps. Dans la démarche diagnostique après une chute, il convient de distinguer les facteurs Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 Chapitre 4 - prédisposants souvent multiples (facteurs de risque conséquences des maladies chroniques et du vieillissement) et les éléments précipitants (intrinsèques et extrinsèques) (figure 1). 3.1 Facteurs de risque de chute Les facteurs de risque sont neurologiques, neuromusculaires, ostéoarticulaires et visuels (tableau 1). Parmi les affections neurologiques, les atteintes vasculaires sont les plus fréquentes, que ce soit à l'étage cortical ou sous-cortical, ou au niveau du tronc cérébral. Les maladies dégénératives corticales Les chutes 43 (maladie d'Alzheimer) ou sous-corticales représentent le deuxième grand groupe d'affections neurologiques. La majorité des atteintes neurologiques périphériques est associée à des modifications de la statique rachidienne, conséquences de l'arthrose et de l'ostéopénie. Les atteintes musculaires chez le sujet âgé doivent évoquer en priorité une étiologie endocrinienne, en particulier les hyperthyroïdies, de diagnostic rentable. Les présentations atypiques de myasthénie chez le sujet âgé imposent que cette maladie soit recherchée même en l'absence de signes buccofaciaux. Figure 1 : Classification générale des causes de chutes Facteurs de risque : Pathologies chroniques + Conséquences du vieillissement Facteurs intrinsèques Facteurs extrinsèques (personnels) (environnementaux) Chute Tableau 1 : Facteurs de risque prédisposant à la chute 1- Affections neurologiques • Affections neurologiques centrales - Atteintes corticales : vasculaire, dégénérative, tumorale - Atteintes sous-corticales : dégénérative : maladie de Parkinson, SteeleRichardson vasculaire : artériopathies hypertensives, hydrocéphalie à pression normale - Atteintes du tronc cérébral, cérébelleuse et vestibulaire : insuffisance vertébro-basilaire, affections de l'oreille interne • Affections neurologiques périphériques - Etroitesses canalaires : myélopathie cervicarthrosique, canal lombaire étroit - Myélopathies : sclérose combinée de la moëlle - Affections radiculaires (sciatique) et tronculaires (paralysie du sciatique poplité externe) - Polyneuropathies : toxique, médicamenteuse 2 - Affections neuromusculaires - Myopathies thyroïdiennes, cortisoniques, ostéomalaciques - Pseudopolyarthrite rhizomélique - Myasthénie 3 - Affections ostéo-articulaires • Affections du rachis : cyphose dorsale ostéoporotique, arthrose cervicale • Affections articulaires des membres inférieurs - coxofémorales : coxarthrose - genoux : gonarthrose avec laxité capsuloligamentaire, chondrocalcinose - cheville : atteintes musculotendineuses responsables d'une limitation de la dorsiflexion - pied : pathologies de la statique (hallux valgus, pied creux antérieur, avant-pied plat), arthropathies microcristallines 4 - Autres affections • Atteintes visuelles : diminution de l'acuité ou du champ visuel (cataracte, glaucome chronique, dégénérescence maculaire liée à l'âge) • Inhibition motrice des syndromes dépressifs • Diminution de l'adaptation à l'effort : insuffisance cardiaque, bronchopneumopathie chronique, anémie, .... • Dénutrition protéinoénergétique sévère • Diminution de la vigilance (psychotropes) Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 44 Chapitre 4 - Les atteintes ostéoarticulaires sont dominées par la limitation d'amplitude des articulations coxofémorales qui ne peuvent assurer leur fonction d'adaptation de l'équilibre en situation extrême. L'efficacité des traitements chirurgicaux (prothèse totale de hanche) réalisés avant l'apparition d'une amyotrophie en font un diagnostic prioritaire. Des travaux récents ont insisté sur l'importance de la limitation de la dorsiflexion de la cheville comme facteur prédictif de chute. Les pieds doivent faire l'objet d'une attention particulière et peuvent justifier un examen podologique spécialisé. A côté de la baisse de l'acuité visuelle, il convient de rechercher des altérations périphériques du champ visuel qui favorisent souvent les chutes sur obstacle. Le syndrome dépressif par l'inhibition motrice et psychique qu'il entraîne et par la prescription de psychotropes qu'il impose est un facteur fréquent prédisposant aux chutes. Les chutes De nombreuses affections peuvent réduire l'adaptation à l'effort et les mouvements compensatoires d'adaptation posturale. Enfin, la dénutrition protéinoénergétique et son retentissement sur la force musculaire et sur les structures neurologiques périphériques et centrales favorise le risque de chute. 3.2 Les facteurs précipitants Sont considérés comme tels tous les agents qui déclenchent la chute. Ces facteurs sont souvent multiples et associés entre eux. Ils peuvent être mineurs lorsque les facteurs de risque chroniques prédominent. n Les facteurs précipitants intrinsèques Tout événement pathologique peut favoriser la chute (tableaux 2 et 3). L'ensemble des étiologies des malaises et pertes de connaissance doit être Tableau 2 : Les facteurs précipitants intrinsèques de la chute Causes cardiaques Causes vasculaires Causes neurologiques - Troubles du rythme paroxys- - Hypotension orthostatique - Accident vasculaire cérébral tiques supra-ventriculaires et - Malaise vago-vagal - Etat confusionnel ventriculaires - Hypersensibilité sino-caroti- - Hématome sous-dural - Troubles de la conduction dienne - Crise convulsive (BAV 2 et 3) - Drop-attack Causes métaboliques - Infarctus du myocarde - Vol sous-clavier - Hypo et hyper kaliémie - Embolie pulmonaire - Hypoglycémie - Sténose aortique serrée - Hypercalcémie Tableau 3 : Causes iatrogènes de facteurs prédisposants intrinsèques Facteurs intrinsèques Médicaments Hypotension orthostatique dérivés nitrés, diurétiques, inhibiteurs de l'enzyme de conversion, alphabloquants, antihypertenseurs centraux, neuroleptiques, antidépresseurs tricycliques, L-Dopa, bromocriptine, amantadine, prométhazine Troubles du rythme diurétiques, indapamide, fludrocortisone, spironolactone Effet arythmogène quinidiniques et stabilisants de membrane, vérapamil, bépridil Trouble de la conduction bêta-bloquants, diltiazem, vérapamil, quinidiniques et stabilisants de membrane, cordarone, digoxine Hypercalcémie vitamine D3, vitamine A, thiazidique Hypoglycémie sulfamides hypoglycémiants, dextropropoxyfène, dysopiramide Akinésie neuroleptiques Troubles de la vigilance et état confusionel psychotropes Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 Chapitre 4 - recherché. Les causes cardiaques dominent, notamment les troubles du rythme supraventriculaires et toutes les affections pouvant occasionner un bas débit cérébral telles les troubles de conduction, l'infarctus du myocarde, l'embolie pulmonaire ou la sténose aortique serrée. Parmi les causes vasculaires, l'hypotension orthostatique, impliquée dans 10 à 15 % des chutes, est de loin la plus fréquente. Elle est habituellement multifactorielle (hypovolémie, insuffisance veineuse des membres inférieurs, dysfonctionnement du système nerveux autonome, désadaptation à l'effort et hypotension post-prandiale), mais les causes iatrogènes dominent. Les causes neurologiques sont dominées par les accidents vasculaires cérébraux. Les épisodes confusionnels exposent à un risque de chute par l'altération de la vigilance. Si la crise comitiale est souvent rapportée par l'entourage, les états de mal épileptiques peuvent être pauci-symptomatiques chez le sujet âgé. L'hématome sousdural justifie une tomodensitométrie cérébrale lorsque la chute est précédée de troubles du comportement d'apparition récente. Enfin, les causes métaboliques sont représentées par les hypo et les hyperkaliémies responsables de troubles paroxystiques du rythme cardiaque. Les hypoglycémies surtout iatrogènes peuvent aussi s'observer lors de cachexie. L'hypercalcémie s'exprime souvent au grand âge par ses manifestations neuro-psychiques, et doit faire Les chutes rechercher une hyperparathyroïdie. Les principales causes iatrogènes de chute sont représentées dans le tableau 3. n Les facteurs précipitants extrinsèques Caractéristiques de la démarche gérontologique après une chute, les facteurs environnementaux imposent parfois une enquête «policière» auprès de l'entourage de la personne âgée (tableau 4). Le plus fréquemment mis en cause est le port de chaussures inadaptées, trop lâches, maintenant mal le pied, à semelle usée ou glissante. Les chaises bancales, les tapis mal fixés, les objets mal rangés ou traînant au sol, les animaux domestiques, le sol mouillé ou glissant ne sont que des exemples parmi les plus fréquents des facteurs environnementaux précipitant la chute de la personne âgée. 3.3 Examen clinique du sujet âgé après une chute n Recherche de la cause d'une chute Compte tenu de la multiplicité des organes et fonctions impliqués dans l'équilibre et la marche, l'évaluation d'un patient âgé ayant chuté doit être globale. L'interrogatoire et l'examen clinique veillent à rechercher les facteurs de risque chroniques ainsi que les facteurs précipitants extrinsèques et intrinsèques. Nous nous limiterons à souligner les particularités de l'examen clinique. Tableau 4 : Les facteurs précipitants extrinsèques de la chute Habillement - Chaussures inadaptées - Vêtements trop longs Conditions locales dangereuses ou inadaptées - Mauvais éclairage - Baignoire glissante - Sol humide ou glissant - Toilettes inadaptées Mobilier - Fauteuil, lit trop haut ou trop bas 45 Obstacles au sol - Tapis, fils électriques - Carrelage ou revêtement de sol irrégulier ou décollé Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 46 Chapitre 4 - n Evaluation des facteurs prédictifs de récidive de la chute Les facteurs étiologiques non curables représentent des facteurs évidents de risque de récidive de chute. Plus ils sont nombreux et associés, plus le risque est élevé. Mais souvent l'enquête reste négative et c'est l'analyse des capacités posturales qui aidera le clinicien à évaluer le risque de récidive. Les éléments suivants doivent être recherchés (tableau 5) : • Le nombre de chutes antérieures : une chute dans les 3 mois précédents indique un risque élevé de récidive. • L'impossibilté d'un relever du sol spontané après la chute témoigne d'une insuffisance des aptitudes posturales de l'individu mais est associé également à une mortalité importante : 40 % des sujets qui sont restés plus de 3 heures au sol sont décédés 6 mois après la chute. • La station unipodale de moins de 5 secondes est un facteur simple et reconnu de prédiction de récidive. • Pour certains auteurs, un test intéressant consiste à faire parler le sujet en marchant (walking talking test). Les individus atteints d'une fragilité posturale arrêtent de marcher lorsqu'ils parlent. • Le test du lever de chaise de Mathias (get up and go test) et surtout sa version chronométrée (timed up and go) sont des tests validés du risque de chute. Ce test comporte les séquences suivantes : se lever d'une chaise à accoudoirs, marcher en avant sur 3 mètres, faire demi-tour, - Les chutes retourner s'asseoir après avoir fait le tour de la chaise. Un temps de réalisation de plus de 20 secondes témoigne d'une fragilité posturale de l'individu et d'un risque de chute ultérieure. • L'épreuve de Tinetti (tableaux 6 et 7) permet une évaluation clinique de l'équilibre et de la marche de l'individu. L'équilibre est analysé par 9 épreuves (cotées sur 16) et la marche par 7 épreuves (cotées sur 12), chaque item étant noté de 0 (franchement anormal) à 1 ou 2 selon les items (normal). Un risque de chute élevé apparaît pour un score total inférieur à 20/28. Bien que non validée par des études prospectives, la difficulté au demi-tour est un indicateur largement reconnu, témoin d'une difficulté à la coordination et à l'adaptation posturale. D'autres manoeuvres cliniques sont largement utilisées telles que les poussées de faible intensité lors de la position debout. 4. Les conséquences de la chute 4.1 Les conséquences traumatiques La plupart des chutes n'entraînent pas de traumatisme physique sérieux. En effet, 6 à 8 % seulement des chutes seraient responsables de fractures, dont 1 fois sur 3 de l'extrémité supérieure du fémur. Ainsi, la morbidité des chutes ne peut en aucun cas se résumer à leurs seules conséquences traumatiques. Tableau 5 : Facteurs prédictifs de récidive de la chute Nombre de chutes antérieures Temps passé au sol supérieur à 3 heures Score au test de Tinetti < 20 points Exécution du timed Get up and go test supérieur à 20 secondes Maintien en station unipodale moins de 5 secondes Altération des réactions d'adaptation posturales : réactions d'équilibration et réactions parachutes Arrêt de la marche lorsque l'examinateur demande au sujet de parler Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 Chapitre 4 - Les chutes 47 Tableau 6 : Evaluation de Tinetti de l'équilibre et de la démarche L'EQUILIBRE 1.Equilibre en position assise 2.Lever 3.Essaie de se relever 4.Equilibre en position debout (5 premières) 5.Equilibre en position debout 6.Au cours d'une poussée (sujet en position debout avec les pieds rapprochés autant que possible, l'examinateur pousse 3 fois légèrement le sternum du patient avec la paume) 7.Les yeux fermés (même position que en 6) 8.Rotation 360˚ 9. S'asseoir • S'incline ou glisse sur la chaise • Stable, sûr • Incapable sans aide • Capable mais utilise les bras pour s'aider • Capable sans utiliser les bras • Incapable sans aide • Capable mais nécessite plus d'une tentative • Capable de se lever après une seule tentative • Instable (titube, bouge les pieds, présente un balancement accentué du tronc) • Stable mais doit utiliser un déambulateur ou une canne ou saisir d'autres objets en guise de support • Stable en l'absence d'un déambulateur, d'une canne ou d'un autre support • Instable • Stable avec un polygone de sustentation large (distance entre la partie interne des talons > 10 cm) ou utilise une canne, un déambulateur ou un autre support • Polygone de sustentation étroit sans support • Commence à tomber • Chancelle, s'agrippe, mais maintient son équilibre • Stable =0 =1 =0 =1 =2 =0 =1 =2 =0 • Instable • Stable • Pas discontinus • Pas continus • Instable (s'agrippe, chancelle) • Stable • Hésitant (se trompe sur la distance, tombe dans la chaise) • Utilise les bras ou le mouvement est brusque • Stable, mouvement régulier =0 =1 =0 =1 =0 =1 =0 =1 =2 Score de l'équilibre : - /16 - - - =1 =2 =0 =1 =2 =0 =1 =2 - - - - 4.2 Les conséquences psychomotrices vers un syndrome de régression psychomotrice (cf chapitre 8). Elles représentent les conséquences les plus fréquentes et les plus graves des chutes, conduisant, en l'absence de prise en charge rapide et adaptée à la dépendance lourde et à l'installation d'un état grabataire. Le syndrome post-chute associe une composante motrice et une composante psychologique : En effet, la chute peut être à l'origine d'une sidération des automatismes acquis, entraînant une perte des réactions d'adaptation posturale, avec difficulté à se maintenir en orthostatisme. Ce tableau est appelé "syndrome post-chute". C'est une urgence gériatrique car, en l'absence de prise en charge adaptée (cf infra), il évolue La composante motrice se définit par : n des troubles de la statique en position assise avec rétropulsion et impossibilité de passage en antépulsion n une position debout non fonctionnelle, se caractérisant par une projection du tronc en arrière (rétropulsion), un appui podal postérieur et un soulèvement des orteils Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 Chapitre 4 - 48 Les chutes Tableau 7 : Evaluation de Tinetti de l'équilibre et de la démarche LA MARCHE 10. Initiation de la marche (immédiatement après l'ordre de marcher) 11. Longueur et hauteur du pas Balancement du pied droit Balancement du pied gauche 12. Symétrie des pas 13. Continuité des pas 14. Trajectoire (estimée par rapport à un carreau de 30 cm ; observer le mouvement des pieds sur environ 3 m de trajet) 15. Tronc 16. Attitude pendant la marche • Hésitations ou tentatives multiples • Sans hésitations =0 =1 • Le pas ne dépasse pas le pied d'appui gauche • Le pas dépasse le pied d'appui gauche • Le pied droit ne quitte pas complètement le plancher • Le pied droit quitte complètement le plancher • Le pas ne dépasse pas le pied d'appui droit • Le pas dépasse le pied d'appui droit • Le pied gauche ne quitte pas complètement le plancher • Le pied gauche quitte complètement le plancher • Inégalité entre la longueur des pas du pied droit et gauche • Egalité des pas du pied droit et gauche • Arrêt ou discontinuité des pas • Continuité des pas • Déviation marquée • Déviation légère ou modérée ou utilise un déambulateur • Marche droit sans aide • Balancement marqué ou utilisation d'un déambulateur • Sans balancement mais avec flexion des genoux ou du dos ou élargit les bras pendant la marche • Sans balancement, sans flexion, sans utilisation des bras et sans utilisation d'un déambulateur • Talons séparés • Talons presque se touchant pendant la marche =0 =1 =0 =1 =0 =1 =0 =1 =0 =1 =0 =1 =0 =1 =2 =0 =1 - - - - =2 =0 =1 Score de la marche : - /12 Score total (équilibre + marche) : - /28 Un score total < 26 indique habituellement un problème ; plus le score est bas, plus le problème est sévère. Un score total < 19 indique un risque de chutes augmenté de 5 fois. n la marche, lorsqu'elle est possible, se fait à petits pas, avec appui talonnier antiphysiologique, élargissement du polygone de sustentation, flexion des genoux, sans temps unipodal, ni déroulement du pied au sol. 4.3 Les conséquences psychologiques La composante psychologique, losqu'elle existe, se traduit par une anxiété majeure avec peur du vide antérieur qui gêne la marche et peut conduire à un refus de toute tentative de verticalisation. A côté de ce tableau dramatique de syndrome post-chute, les conséquences psychologiques peuvent être plus insidieuses mais avoir une réelle gravité. La chute est l'occasion pour le patient âgé de prendre conscience de la fragilité de son état ; le choc émotionnel qui en résulte entraîne une perte de confiance en soi, un sentiment d'insécurité et de dévalorisation, avec repli sur soi, démotivation et restriction des activités. Ce tableau d'inhibition psychomotrice doit évoquer un syndrome dépressif. Toute personne âgée qui est restée au sol sans pouvoir se relever pendant plus de 3 heures doit bénéficier d'une psychothérapie de soutien dès le premier jour d'hospitalisation. La perte d'autonomie qui en résulte est volontiers aggravée par l'entourage qui, inquiet d'une nouvelle chute, a tendance à surprotéger la personne et refuse souvent le retour au domicile. Une négociation entre l'équipe médicale, la personne âgée et sa famille est indispensable afin de trouver un compromis entre la sécurité du patient et son désir de rester à domicile. Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 Chapitre 4 - 5. Traitement du sujet âgé après une chute La prise en charge doit être précoce, active, rapidement efficace, globale et elle doit être conduite par l'ensemble de l'équipe gérontologique interdisciplinaire (figure 2). Après la chute, il convient de traiter les conséquences immédiates en particulier traumatiques. La nécessité d'un traitement chirurgical ne doit pas obérer les autres éléments du traitement. En effet, de manière simultanée, devront être traités les facteurs précipitants intrinsèques, ce qui permettra une verticalisation précoce, le soutien psychothérapique étant débuté dans le même temps. L'hospitalisation sera l'occasion d'initier le traitement des facteurs de risque. Le risque de récidive de chute sera précisé parallèlement à l'évaluation médico-sociale de la dépendance. Les conséquences sociales prendront en compte le traitement des facteurs précipitants extrinsèques. 5.1 Traitement fonctionnel de réadaptation L'équipe soignante, le médecin et le kinésithérapeute doivent avoir une bonne connaissance de ce type de rééducation et de ses difficultés. Il convient de tenter une verticalisation quelles que soient les possibilités de participation du patient. Parfois, 2 à 3 personnes sont nécessaires dans la phase initiale de cette prise en charge. Il est indispensable d'effectuer ce geste thérapeutique dans un climat de confiance et de bienveillance. Cette réadaptation quotidienne permet des progrès chez la majorité des patients. L'initiation d'une marche (avec aide technique) ne sera possible le plus souvent qu'après 8 à 10 jours. Les douleurs articulaires, la désadaptation à l'effort, l'anxiété ne doivent pas constituer des obstacles, mais doivent être prises en compte dans l'élaboration du programme de rééducation. Toute l'équipe soignante participe à cette Les chutes 49 réadaptation lors des activités de la vie quotidienne, en aidant la personne âgée par des explications précises et un soutien adapté. Cela nécessite une évaluation préalable de ses capacités et une formation pratique de tous les soignants aux "bons gestes". Les aides techniques à la marche doivent être proposées : port de chaussures à semelle large avec talon surélevé, canne anglaise, canne tripode ou déambulateur. Dans certaines équipes formées à ces techniques, les stimulations visuelles, labyrinthiques, cutanées et proprioceptives facilitent la réadaptation de l'équilibre et de la marche Enfin, il est essentiel d'enseigner au patient comment se relever du sol pour limiter les conséquences d'une récidive de chute : ne pas essayer de s'asseoir depuis la position couchée sur le dos mais apprendre à effectuer une bascule sur le coté puis sur le ventre, apprendre à regrouper les genoux sous l'abdomen pour relever le tronc, au besoin après mouvements de reptation afin de s'approcher et pouvoir s'accrocher à un point d'appui stable. Pour préserver les acquis, la participation de la famille est indispensable, notamment pour stimuler les patients à sortir et participer à des groupes d'animation physique orientés vers ce type de prévention. 5.2 Psychothérapie de soutien La station prolongée au sol est un évènement de stress aigu qui réveille des peurs existentielles. La psychothérapie rejoint celle entreprise dans le cadre de la médecine de catastrophe. C'est-à-dire que les soignants chercheront à faire narrer cette aventure par le patient de nombreuses fois afin que l'expression verbale facilite l'inscription de ce traumatisme dans l'histoire psychique du patient. Ces entretiens peuvent être menés aussi bien par des infirmières que par tout soignant qui accepte de prendre un temps d'écoute. Mais, comme nous l'avons signalé la persistance d'une inhibition psychomotrice Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 Chapitre 4 - 50 peut s'intégrer dans un authentique syndrome dépressif, aussi, l'avis spécialisé d'un psychiatre impliqué dans une démarche gérontologique est d'un apport irremplaçable. Les chutes Lorsqu'un maintien à domicile est envisagé, l'adaptation voire l'aménagement du domicile réalisé avec l'aide d'un ergothérapeute dans le cadre d'un réseau gérontologique, peut être souvent nécessaire. 5.3 Evaluation médico-sociale Bien que l'utilité d'une évaluation médicosociale globale soit reconnue, ses possibilités et modalités varient d'un centre à l'autre. Quelle que soit la démarche d'évaluation, il est prouvé que son efficacité dépend de la communication entre les évaluateurs et les réseaux de soutien sanitaire et sociaux de proximité. Figure 2 : Comment prendre en charge le chuteur ? La chute Traitement des conséquences immédiates Traitement des facteurs précipitants intrinsèques Tentative de verticalisation précoce Psychothérapie de soutien Traitement des facteurs de risque Evaluation du risque de récidive Evaluation globale médico-sociale Traitement des facteurs précipitants extrinsèques Sommaire Corpus de Gériatrie - Janvier 2000