Zitierhinweis copyright Nordman, Daniel: Rezension über: William V

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Nordman, Daniel: Rezension über: William V. Harris (Hg.),
Rethinking the Mediterranean, Oxford: Oxford University Press,
2005, in: Annales, 2011, 1 - Sciences sociales et environnement, S.
259-261, heruntergeladen über recensio.net
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http://www.cairn.info/revue-annales-2011-1-page-243.htm
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COMPTES RENDUS
double tradition qui porte d’une part sur le
« sentiment de la nature » des anciens Grecs
et Romains et, d’autre part, sur l’histoire de
l’idée de nature et plus largement des représentations scientifiques du monde. Les développements qu’il consacre aux représentations
des Anciens relatives à l’environnement reproduisent les limites de ces travaux : schématisation excessive, prédilection pour les contrastes
bien tranchés, contextualisation et intégration
insuffisantes des témoignages, recours enfin à
l’abstraction commode de l’homme antique,
qu’il soit grec ou romain, qui prive de toute
dimension sociale l’histoire des sensibilités et
des idées.
En somme, l’ouvrage de L. Thommen représente une introduction honnête et bien informée à l’histoire des relations entre les sociétés
antiques et leur environnement, qui met à la
portée du lecteur les résultats d’une masse
importante de travaux, lesquels vont des études
paléoenvironnementales, archéobotaniques et
archéozoologiques jusqu’aux recherches sur
les représentations littéraires de la nature. On
n’y trouvera pas, en revanche, une réflexion
méthodologique approfondie sur l’histoire de
l’environnement, pas plus qu’une reconfiguration du champ historique autour de cette notion.
Dès lors qu’ils rencontrent les préoccupations
écologiques et environnementales contemporaines, des pans entiers des recherches historiques sur l’Antiquité se retrouvent dans
l’ouvrage de L. Thommen, mais ils y sont plus
juxtaposés que véritablement articulés.
JEAN TRINQUIER
1 - Pour une discussion des thèses développées
dans cet ouvrage, voir en particulier William
V. HARRIS (éd.), Rethinking the Mediterranean, Oxford,
Oxford University Press, 2005.
William V. Harris (éd.)
Rethinking the Mediterranean
Oxford, Oxford University Press, 2005,
XXII-414 p., cartes.
Sous ce titre large et peu explicite sont rassemblées des communications issues du colloque
organisé par le Center for the Ancient Mediterranean de l’université de Columbia en 2001.
Soit quinze textes, si l’on inclut l’introduction
de William Harris, spécialiste de l’Antiquité
classique, et les réflexions finales de Peregrine
Horden et Nicholas Purcell. Le lecteur, déjà,
perçoit une originalité, sinon une difficulté
que le volume avait pour objet de résoudre : il
constitue une mise à l’épreuve du monumental ouvrage de P. Horden et N. Purcell, The
corrupting sea 1, un commentaire, en quelque
sorte, de l’œuvre – au sens fort du terme –
d’un historien de la médecine et d’un historien
de l’Antiquité, qui a suscité enthousiasme et critiques acérées. C’est à lui qu’il faut, en quelques
mots, d’abord revenir, car le commentaire ne
peut guère se lire seul.
Il n’y a pas lieu d’insister sur l’expression
de corrupting sea, qui renvoie à une vision de
la Méditerranée comme lieu de corruption,
comme maîtresse de vice, si l’on se réfère à
Strabon qui citerait Platon. En fait, elle n’a
guère à mon sens qu’une valeur décorative,
n’encombrant pas le livre, suggérant seulement
qu’en mettant en contact les peuples riverains
elle entraîne des formes de subversion sociale
ou de contamination morale. Ou, pour dire
mieux, de contact, de connectivité, fil continu
d’une démonstration dense et exigeante, fondée sur une documentation considérable et
maîtrisée, en plusieurs langues, où toutes
sortes de disciplines sont convoquées : histoire, archéologie, anthropologie, géographie.
Comme il arrive souvent, plus la bibliographie
est abondante, plus le lecteur s’interroge sur
ses lacunes : il n’est guère fait appel à l’École
géographique française (Jules Sion, Maximilien
Sorre, Pierre George) ni à Élisée Reclus. Le
résultat néanmoins est une somme, un peu vertigineuse, qui peut requérir plusieurs lectures
de spécialistes différents.
Quelques idées, parmi d’autres, peuvent
être retenues. La première est liée à des choix
universitaires de facto : la Méditerranée de
P. Horden et N. Purcell est une Méditerranée
antique et médiévale principalement, et la part
des derniers siècles est relativement faible. S’il
est vrai que Fernand Braudel est comme par
définition omniprésent, une question essentielle pourrait être la suivante : serait-il possible
d’imaginer un ouvrage sur la Méditerranée si
l’observatoire était autre que le XVIe siècle de
Philippe II ? Qu’en serait-il si un historien
choisissait Alexandre le Grand ou Dioclétien ?
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Quoi qu’il en soit, l’idée essentielle est que,
entre les divers types de durée, il n’y pas seulement des emboîtements, mais des articulations, des formes de réversibilité, le temps court
modifiant le temps long, comme le montrent
des géographes d’aujourd’hui pour qui le temps
immobile n’est pas immobile, la longue durée
se prêtant à des inflexions et à des modifications, et l’homme contribuant à transformer
ce qui était imaginé comme inaltérable. Par
rapport à Braudel, il faut noter à la fois une
plus forte historicisation et une extension de
l’environnement sur toute la durée observée :
les relations entre le milieu, l’histoire et les
hommes sont totalement redistribuées, de
l’amont à l’aval, sur trois millénaires, sans
séquences schématiques, sans progression
téléologique. Jamais universelle, la périodisation est flexible, variable suivant les points
d’observation et les disciplines, différente
selon qu’il s’agit d’archéologie, de culture politique ou de colonisation. Mais répétons-le :
l’histoire dite moderne et contemporaine est peu
représentée (un second volume a été cependant
annoncé).
À défaut de temporalités, de périodisations
convergentes et articulées, en quoi réside l’originalité du monde méditerranéen ? La question permet de passer du temps à l’espace.
L’explication par le temps différentiel est
étayée par l’importance attribuée à l’échelle
spatiale, aux unités géographiques et aux
identités locales. Dans l’analyse microrégionale,
qui met en évidence des aires définies par des
caractéristiques environnementales (sol, hydrologie, couverture végétale), par l’activité humaine
et ses effets sur le paysage, l’affirmation centrale est que le changement global a une efficacité insignifiante sur les diversités locales. Un
paysage est fragmenté et, pour cette raison,
doté d’une remarquable faculté de résistance.
Les désastres soudains sont amortis, les pressions absorbées. Ce paysage reste malléable,
grâce au morcellement, si bien que les chocs
et les crises ont des effets diminués sur les
sociétés humaines. Dans le morcellement universel du monde méditerranéen, l’échange
entre les alvéoles ou les niches écologiques, la
complémentarité et la mobilité sont attestés
par le cabotage, la route côtière, la fluvialisation du transport terrestre, la place des îles et
des vallées – sur lesquels prennent appui les
commerçants, les pèlerins, les pirates même.
Nulle part ailleurs, pas même au Japon, la
trame du monde n’est aussi fine, écrivait le
géographe Pierre Birot. La critique du déterminisme – géographique, climatique, environnemental, technique – laisse affleurer, par
voie de conséquence, les débats vidaliens
sur le possibilisme. Plus qu’un ensemble de
connexions de fait, la connectivité est un principe, une disponibilité, une aptitude.
L’exemple des catastrophes illustre la
fragmentation dans l’espace et l’instabilité par
laquelle réapparaît la dimension chronologique.
Toutes les microrégions changent avec le temps.
En d’autres termes, ce ne sont pas les caractères physiques des unités méditerranéennes
qui font d’elles des régions spécifiquement
méditerranéennes, mais le degré auquel elles
partagent une mutabilité commune. C’est,
paradoxalement, par la différence qu’elles ont
des traits de ressemblance. Et l’instabilité de
l’environnement est une des principales sources
de variabilité à travers le temps. Les éruptions
volcaniques, les tremblements de terre, à la
différence de certains changements climatiques,
ne sont pas universels. Une inondation, sans
effets étendus, intensifie même la segmentation. Dans nombre de cas, se conjuguent les
facteurs naturels et les travaux d’aménagement.
La destruction par le feu peut avoir des effets
positifs sur l’histoire du paysage méditerranéen
en contribuant à la mosaïque des espèces. La
diversité de celles-ci permet des réactions efficaces adaptées aux modifications environnementales, aux effets des maladies et du feu,
aux destructions. Elle se renouvelle : les animaux d’élevage et les bêtes sauvages, la dissémination des graines, les insectes favorisent
l’hybridation, tandis que les ponctions opérées
par l’homme dans la forêt pour ses besoins
domestiques ou artisanaux l’incitent à recourir
à des essences de substitution, qui peuvent
s’épuiser sans doute, mais qui se diversifient
à leur tour. Plus que le catastrophisme définitif,
les résistances du milieu naturel, la réactivité
de l’homme, les liens de la microgéographie
et du temps long, l’universel localisme en un
mot l’emportent.
Rethinking the Mediterranean revient sur ces
thèmes et sur beaucoup d’autres, en juxtaposant des communications de statut différent.
COMPTES RENDUS
Avant tout, W. Harris offre une gerbe liminaire
de réflexions critiques sur les concepts de corrupting sea : la Méditerranée antique et médiévale, de 3500 av. J.-C. à 1000 ap. J.-C., comme
parente de l’orientalisme, la frontière orientale
de la Méditerranée, la place de l’événement, la
distinction entre une histoire in et une histoire
of (dans la Méditerranée, de la Méditerranée),
la ruralisation de l’histoire ancienne et médiévale, la portée et les limites des concepts de
connectivité et de continuité, voire une certaine idée optimiste de l’ingéniosité humaine,
le recours nécessaire à une ethnographie plus
large. Une telle discussion est riche, organisée,
suggestive : trop sans doute, comme le révèle
la succession des multiples interrogations qui
introduisent les développements.
Suivent trois ensembles, consacrés à la toile
de fond, à des études de cas, à l’« archéologie »
du savoir (titres approximatifs, sinon commodes).
Mais certains de ces textes, originaux sans doute
et de qualité, sont insuffisamment reliés à la
problématique générale, malgré quelques rappels (« qu’est-ce que la Méditerranée ? », conclut,
si l’on peut dire, un des auteurs, loin de The
corrupting sea et plus près de Rethinking the
Mediterranean). Il en est ainsi des études relatives aux savoirs et aux représentations du XVIe
au XX e siècle : le lecteur s’instruit toujours,
mais s’interroge sur le lien entre l’alvéole universelle et la circulation ultérieure des stéréotypes. Ailleurs, des auteurs ont choisi un
thème : soit un « système méditerranéen »
d’échanges et de circulation (le Proche-Orient
du deuxième millénaire av. J.-C. pour des raisons politiques, économiques et culturelles,
situation qui ne se retrouve pas au premier
millénaire, selon Marc Van De Mieroop) ;
soit la recherche de connectivités similaires
dans des aires différentes, de la Baltique aux
Méditerranées atlantique, américaine ou japonaise (David Abulafia) ; ou l’analyse critique de
clichés méditerranéens, voire méditerranéistes
(Michael Herzfeld). Mais une contribution
essentielle est celle de N. Purcell, en ce que,
analysant les systèmes fiscaux, il décale la perspective de l’environnement vers la taxation des
échanges et les règles observées pour la circulation des marchandises, multiplie exemples et
références, de l’Égypte du Ve av. J.-C. au littoral catalan médiéval : une morphologie fiscale
illustre la normalité, la régularité et l’ubiquité
longuement développées dans The corrupting
sea. Le cas égyptien, malgré l’apparence, entre
parfaitement dans la discussion finale quand
Roger Bagnall met en évidence l’absence de
fragmentation terrestre, la place du trafic fluvial,
les liens historiques et aussi disciplinaires entre
l’Égypte et le monde gréco-romain : en somme
l’Égypte est-elle méditerranéenne comme la
France (ou le Portugal) ?
Le livre est hétéroclite, les études souvent
ponctuelles, et l’ensemble des lignes directrices parfois s’efface. Il revenait à P. Horden
et à N. Purcell de conclure sur le système en
répondant – trois ou quatre ans seulement après
The corrupting sea – aux critiques formulées
jusqu’en 2003 dans une quinzaine de revues,
anglo-saxonnes principalement (ce qui n’est
pas totalement le cas dans Rethinking the
Mediterranean). Les deux auteurs, en différé,
expliquent leur méthode et leurs catégories
– pluridisciplinarité, continuité, microécologie,
fragmentation, connectivité, adaptabilité du
modèle. Ils ne sont pas insensibles à l’absence
regrettée du monde islamique. Ajoutons que
l’étalon de 3 000 ans comme la séquence
ancienne et médiévale ne paraissent pas parfaitement explicités. L’originalité et les limites
du monde méditerranéen, les données écologiques et leurs effets économiques et culturels,
l’exclusion de certains sujets en Méditerranée
(l’iconoclasme byzantin, exemple limite des
auteurs) sont encore des questions fondamentales, appelant maintenant, autant que des
comptes rendus en spirale, des travaux combinant problématique générale et monographie.
DANIEL NORDMAN
1 - Peregrine HORDEN et Nicholas PURCELL,
The corrupting sea: A study of Mediterranean history,
Oxford, Blackwell, [2000] 2002.
Faruk Tabak
The waning of the Mediterranean, 1550-1870:
A geohistorical approach
Baltimore, The Johns Hopkins University
Press, 2008, 432 p.
Formé à Ankara, Binghamton et au Fernand
Braudel Center de New York, avant d’être élu
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