Le grand bazar aux contrepèteries : dans les

Le grand bazar aux contrepèteries :
dans les deux mille à choisir
GENCOD : 9782754054034
PASSAGE CHOISI
Le 11 février 2013, vif émoi dans le Landerneau du Vatican : le pape Benoît XVI annonce qu'il
n'a plus la force d'assumer ses fonctions pontificales. Sa démission prendra effet le 28 du
même mois. La rumeur circule, alarmante :
«Le Pape baisse toutes les heures.»
Pourquoi, diable, cette nouvelle, qui bouleverse les fidèles, provoque-t-elle l'hilarité de bien
des mécréants ? Relisons à haute voix : «Le pape baisse toutes les z'heures.» et
amusons-nous à permuter les lettres écrites en caractères gras. Miracle : nous obtenons une
autre phrase grammaticalement correcte. Grammaticalement seulement.
Car ce réarrangement sent le soufre. Remplacer le son «ss» comme dans «bisser» par le son
«z» comme dans «biser» transforme «baisse» en une activité que la décence commande de
ne pas écrire ni prononcer, surtout en ce saint lieu qu'est le Saint-Siège, et qu'en outre les
quatre-vingt-cinq printemps du Souverain Pontife transforment en un voeu pieux. Le Diable
est dans les détails. Ce simple décalage de sons non seulement prête au Saint-Père une
activité biologique hors de sa portée, mais dénonce les présumées bénéficiaires de ces
hypothétiques prestations : «les z'heures» deviennent «les soeurs». Horresco referens ! La
diabolique permutation de deux phonèmes suffit à transformer un bulletin de santé pontifical
en infâme accusation : le successeur de Saint-Pierre transgresserait son voeu de chasteté en
compagnie de pures épouses du Seigneur !
Ce n'est évidemment pas cette contrepèterie, car tel est le nom de cet échangisme
sémantique, qui a poussé le Souverain Pontife à se démettre, mais on peut mesurer la
puissance, satanique selon certains, satirique selon d'autres, d'un simple échange de lettres.
Surtout si l'on se souvient que c'est dans un contexte de prêtres fêlés par une démoniaque
tentation que Benoît XVI a quitté en bafouillant sa Curie affolée (contrepèteries issues de «Sur
l'Album de la Comtesse» du Canard Enchaîné du 20 février 2013).
Les premières contrepèteries de ce recueil (sans oublier celle de son sous-titre) seront suivies
de plus de deux mille presque toutes inédites en recueil sur tous les thèmes, y compris, on
vient de le voir, des contrepèteries d'actualité, iconoclastes, subversives, bouffonnes.
Le contrepéteur est le «fou du roi» des temps modernes.
Mais pas le fou du pape.
Voilà. Le décor est planté. Le rideau peut se lever sur le monde merveilleux du contrepet, cet
univers de sons décalés qu'ont débités nos bouches. Il divertit et fait rêver.
Un monde à la fois ironique et onirique. Ah, les riches mondes...
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