Coup de griffe à l`accueil inconditionnel en CHRS en Loire Atlantique

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Coup de griffe à l`accueil inconditionnel en CHRS en Loire Atlantique
Coup de griffe à l’accueil inconditionnel en CHRS en
Loire Atlantique
Les services de l’Etat en Loire Atlantique sont montrés du doigt,
DDCS
en
tête.
Lors
d’une
Commission
Partenariale
d’Orientation (CPO) début janvier, une injonction orale très claire
demandait à certains CHRS de ne plus accueillir les déboutés du droit
d’asile. Colère et inquiétude chez les professionnels, qui craignent
pour le principe d’accueil inconditionnel. Nous avons recueillis leur
témoignage tout en respectant leur volonté de rester anonyme. Leur
fédération, la FNARS Pays de la Loire choisit les voies officielles et
vient d’écrire au préfet de région sans limiter le problème à un seul
département.
Article initialement publié le 27 janvier 2011
Dans sa lettre, la présidente de la FNARS, Nicole Lorieux, exprime une
demande simple au préfet : « (…) dans les CHRS d’urgence, cet accueil
serait conditionné à la capacité d’hébergement (…) dans les CHRS
insertion et stabilisation, il serait dorénavant impossible (…) je vous prie de
bien vouloir confirmer à la FNARS et à ses adhérents le maintien intangible
du principe d’accueil inconditionnel ». Jocelyn Leclerc, délégué régional de
la FNARS nous explique : « Dans le cadre du SIAO, (ndlr : service intégré
de l’accueil et de l’orientation) certains de nos adhérents nous font
remonter des inquiétudes liées aux CPO (Ndlr : Commission partenariale
d’orientation réunissant Etat et professionnels de CHRS) où se posent
régulièrement des questions sur l’accueil en CHRS d’étrangers déboutés
du droit d’asile. Au regard du principe intangible de l’accueil inconditionnel,
les associations ne peuvent se permettre de faire un tri. On dit et on redit
que l’accueil inconditionnel ne peut être remis en cause. » Les inquiétudes
en question sont claires, plusieurs témoignages recueillis les confirment :
début janvier lors d’une commission partenariale d’orientation, la DDCS de
Loire Atlantique fait savoir aux structures présentes qu’elles ne doivent plus
accueillir les déboutés du droit d’asile… Injonction orale qui provoque la
colère et différentes réactions de la part des professionnels : « c’est la
première fois que j’entendais de tels propos » nous dit l’un d’eux avant de
poursuivre « la situation de ces gens ne regarde pas les CHRS, ils n’ont
pas à les prendre en charge, voilà ce qu’on nous a dit, sous prétexte qu’il
n’y aurait pas de travail d’insertion possible avec des personnes sans
papier » ». Propos confirmé par d’autres professionnels passablement
énervés « ce qui prime, ce sont les conditions sociales de la personne, pas
son statut juridique, c’est à la base de notre métier. »
Consignes contraires à la loi
Le hic, et il est de taille, c’est que les consignes données par la DDCS sont
tout à fait contraires à la loi et aux textes référents du travail social. Deux
exemples, l’article L345-1 du Code de l’action social et de la famille (CASF)
qui, à propos des conditions d’admissions propres à l’hébergement stipule :
« Bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillies dans
des centres d'hébergement et de réinsertion sociale publics ou privés les
personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment
économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de
les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale
(…) Des places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale sont
ouvertes à l'accueil des victimes de la traite des êtres humains dans des
conditions sécurisantes. » Quant au référentiel national pour l’accueil,
l’hébergement et l’insertion (AHI), émanant du gouvernement, il précise
dans sa version de juillet 2010 que le dispositif AHI « apporte aux
personnes en situation de grande difficulté sociale : une aide immédiate,
inconditionnelle et de proximité (…) » avant de poursuivre « Le seul critère
de l’accueil est celui de la détresse sociale. Aucune exigence particulière
ne peut être invoquée pour contourner l’obligation générale d’accueil. Il
importe de rappeler en particulier que l’aide sociale à l’hébergement ne
requiert pas la régularité du séjour sur le territoire. Tous les publics sans
discrimination aucune doivent pouvoir être informés, accueillis et orientés. »
Le doute n’est plus permis.
Rien que des mots ?
Si les textes sont sans équivoque, que craindre ? C’est très simple : que
lors des réunions hebdomadaires qui précèdent les réunions de la CPO,
des dossiers soient systématiquement écartés. C’est à dire que des
demandes d’accueil n’arrivent même pas sur la table de la CPO. Et c’est
selon certains ce qui se passe déjà en Loire Atlantique. Nouveau
témoignage : « lors de la CPO du 25 janvier, pour la première fois nous
n’avons eu aucun dossier de demande d’accueil émanant de personnes
sans titre de séjour. Cela ne s’était jamais produit. Et nous avons eu le fin
mot, la DDCS les avait systématiquement écartés lors de sa réunion
préparatoire ». C’est là un des effets, jugés pervers par certains, de la mise
en place de ces fameuses CPO dans le cadre plus général du SIAO.
Procédé facilité par la mise en service à l’automne dernier d’une nouvelle
fiche d’évaluation que les CHRS sont obligés d’utiliser et de faire remonter
à la DDCS. Ce fichier, également actif dans d’autres départements mobilise
des associations au niveau national, ANAS et FNARS en tête, qui
interpellent la CNIL (lire notre article sur ce sujet).
Cas isolé ou généralisation d’un principe ?
Reste à savoir si cette nouvelle attitude vis à vis des déboutés du droit
d’asile est propre à la Loire Atlantique ou tend à se généraliser. La FNARS
dans sa lettre au Préfet parle de la région et ne stigmatise pas un
département. Les professionnels avec lesquels nous avons pu nous
entretenir sont tous d’accord pour dire que ce qui se passe en Loire
Atlantique s’inscrit dans un contexte de rationalisation de l’accueil et de
l’hébergement d’Urgence. Ce qu’ils craignent là c’est une nouvelle
jurisprudence. La porte ouverte à une remise en cause plus profonde de
l’inconditionnalité de l’accueil. Certains ne cachent pas leur vigilance accrue
et leur intention, si la situation se généralisait de saisir les instances
judicaires : commission départementale d’aide sociale et tribunal
administratif. De son côté la préfecture n’a pas encore répondu à nos
sollicitations.
Cécile Petident
Article publié le : 31 janvier 2011
Préfecture de région : « l’accueil inconditionnel est
mis en œuvre »
La préfecture de Région répond à notre article publié hier sur l’accueil
des déboutés du droit d’asile en Loire Atlantique.
Article initialement publié le 28 janvier 2011
Dans sa réponse, très formelle, la préfecture commence par rappeler le
cadre de la mise en place de la CPO : « Depuis le mois de novembre 2010,
les services de l’Etat animent une commission partenariale d'orientation
(CPO) dans le cadre de la mise en place du service intégré de l'accueil et
de l'orientation (SIAO). Ce nouveau service centralise pour le département
toutes les places d'hébergement disponibles et les demandes des
usagers. »
Sur le principe d’inconditionnalité de l’accueil, qui, selon nos témoignages,
avait été largement remis en cause depuis le début de l’année lors des
réunion de la CPO, la préfecture se dédouane : « Le principe de
l’inconditionnalité de l’accueil, inscrit dans la Loi, est mis en oeuvre dans ce
nouveau cadre. Toutes les demandes d’accès à l’hébergement, sans
exception,
sont
examinées
en
CPO,
selon
un
ordre
chronologique. » Autrement dit, tout ce qui nous a été rapporté des
injonctions orales émanant de la DDCS est démenti par les services de
l’Etat.
Pour le reste de sa réponse, la préfecture redonne le cadre général
d’accueil des déboutés du droit d’asile, à savoir « Les personnes déboutées
du droit d'asile peuvent être prises en charge dans le dispositif d'urgence
via le 115 et, pour certaines d'entre elles, lorsqu’un projet d’insertion peut
être envisagé, accéder au dispositif d'insertion. » Elle donne quelques
chiffres concernant Nantes : « Ainsi, à Nantes, 38 familles et 40 personnes
isolées déboutées du droit d’asile sont hébergées dans le dispositif
d’urgence et dans des places d’insertion » puis conclut sur les principes qui
régissent l’accueil inconditionnel : « L'accueil inconditionnel dans les
dispositifs d'urgence et d'insertion est mis en œuvre compte tenu de la
situation de détresse sociale et en fonction de la disponibilité des places. »
Fin de la réponse. Restent donc quelques questions en suspens : qu’en
est-il des nouvelles demandes d’accueil qui, selon les témoignages que
nous avons recueillis seraient écartés avant leur examen en CPO, dès lors
qu’il s’agirait de personnes déboutées ? Qu’en est-il de cette fiche entretien
évaluation mise en service dans le département et émanant de la DGCS (
direction générale de la cohésion sociale à Paris) pour laquelle il semblerait
qu’aucune déclaration préalable à la CNIL n’ait été effectuée ? Sur ce point
la DGCS que nous avons sollicitée n’a toujours pas donné suite.
Cécile Petident
Article publié le : 31 janvier 2011
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SIAO, le fichier qui en demande trop ?
Des associations mettent en cause les fiches d’évaluation détaillées
imposées par l’Etat dans le cadre du SIAO pour toute demande liée aux
dispositifs de logement et d’hébergement. En cause : des consignes
contraires à la déontologie et non conformes à la loi informatique et libertés,
selon l’ANAS et la FNARS. Une réunion ce mercredi à la CNIL n’a pas
permis d’éclaircir la situation.
Article initialement publié le 27 janvier 2011