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LA DOTATION A L’ENFANT COMMUN PAR UN BIEN PERSONNEL D’UN DES EPOUX
A PROPOS DE L’ARTICLE 1438 DU CODE CIVIL
DROIT PATRIMONIAL
L’article 1438 du code civil énonce que « Si le père et la mère ont doté conjointement l'enfant
commun sans exprimer la portion pour laquelle ils entendaient y contribuer, ils sont censés avoir doté
chacun pour moitié, soit que la dot ait été fournie ou promise en biens de la communauté, soit qu'elle
l'ait été en biens personnels à l'un des deux époux.
Au second cas, l'époux dont le bien personnel a été constitué en dot, a, sur les biens de l'autre, une
action en indemnité pour la moitié de ladite dot, eu égard à la valeur du bien donné au temps de la
dotation.»
Certes cette disposition se rapporte directement à la notion de « dot », fortement connotée ancestrale
et désuète, nous rappelant le temps du régime dotal. En effet, ce terme s’entend traditionnellement
comme un don de biens, fait par leurs parents, au moment du mariage, aux jeunes époux, souvent
par contrat de mariage. Cependant il est admis dès le 19 e siècle que l’article 1438 pourra s’appliquer
plus généralement à tous les cas où les père et mère désirent faire à leurs enfants une libéralité
destinée à leur procurer un « établissement » qui devra en outre désormais être « autonome ». Et ce
quel que soit le régime matrimonial des époux donateurs et la forme de donation, qu’elle soit simple
ou partage.
En cas de dot, que cela soit fait au moyen d’un bien commun ou d’un bien personnel d’un des époux,
le donataire alloti sera réputé avoir été alloti par chacun de ses deux parents pour moitié, sauf
convention contraire. Cela aura donc des conséquences tant civiles, que fiscales ouvrant plus de
portes que l’on aurait pu l’imaginer au sens courant d’une dot. Le recours à cette disposition pourra
ainsi encore à notre époque s’avérer tout à fait opportun, et notamment quant à sa fiscalité qui peut
s’avérer attractive.
Il conviendra cependant d’être vigilant et de l’utiliser habilement afin d’éviter tout risque de tomber
dans l’abus de droit. Cela sera d’autant plus important dans le cas où la dotation à l’enfant commun se
fera au moyen d’un bien n’appartenant qu’à un des époux, hypothèse à laquelle nous intéresserons
particulièrement en l’espèce.
Nous envisagerons ainsi dans un premier temps le champ d’application de l’article 1438 du code civil
(I), avant d’analyser les conséquences civiles et fiscales de l’application du régime de la dot (II).
I)
Le champ d’application de l’article 1438 du code civil
La dot au sens de l’article 1438 du code civil demeure une libéralité entre vif. Elle devra donc
répondre aux conditions de validité de toute donation, avec ses propres applications (A). Mais il
conviendra par ailleurs qu’elle réponde à une finalité particulière en ce qu’elle doit pourvoir à
l’établissement autonome du donataire (B).
A) L’application des conditions de validité des donations entre vifs à la dot :
Bien que les termes ne soient pas les mêmes, il y a lieu d’assimiler la « dot » à une « donation ». En
conséquence, l’acte constatant la dotation à l’enfant commun sera passé par acte notarié.
Par ailleurs comme toute donation, il conviendra que les deux époux disposants interviennent à l’acte,
en ce compris celui qui n’est pas propriétaire du bien donné, dans notre cas d’une dotation par un
bien personnel d’un des époux, ayant tous deux la qualité de donateur.
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La dot devra par ailleurs classiquement être acceptée par son bénéficiaire.
En outre, bien que le texte parle de « dot », faisant penser à ce qu’elle soit constituée par contrat de
mariage, il pourra s'appliquer plus généralement à toute forme de donation faite par des père et mère
désirant doter leur enfant commun. Et aussi bien à l'occasion d'une donation simple que d'une
donation-partage.
Enfin, l’article 1438 du code civil, bien qu’il résulte du chapitre du code civil concernant le régime de la
communauté, pourra jouer quel que soit le régime matrimonial des époux 1
En revanche ce texte reste limité aux donateurs « époux » et donc mariés, aucun texte ni
jurisprudence ne l’ayant à ce jour étendu aux partenaires de pacs ou concubins.
La dot constitue donc une donation qui en respecte tant les conditions de fond que de forme.
Cependant elle s’en distinguera quant au fond par sa finalité, qui ne pourra être que le souhait de
l’établissement autonome du donataire par les donateurs.
B) L’exigence d’une finalité particulière consistant en l’établissement autonome du donataire :
Cette exigence a été posée par un arrêt de principe rendu par la chambre commerciale de la cour de
cassation du 24 avril 1990, dit « consorts Heimburger »2.
Les juges posent le principe selon lequel « une donation ne peut être qualifiée de dot qu'à la condition
de pourvoir à l'établissement autonome du donataire ».
La cour ajoute « qu'il s'ensuit qu'une donation faite, comme en l'espèce, en nue-propriété au profit
d'un enfant de 17 mois, ne peut s'analyser en une constitution de dot, et que, l'acte ainsi qualifié
étant fictif au regard de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, l'opération a le véritable
caractère de simple donation».
Cet attendu comporte donc trois branches:
1) l'article 1438 ne peut être invoqué que lorsqu'il y a « dot » au profit du donataire
2) il y a dot lorsque la donation a pour finalité de « l'établir »
3) et qui plus est « l'établir de façon autonome ».3
Le tribunal de grande instance de Bordeaux a donné pour sa part une définition stricte de la notion
« d'établissement » énonçant que la donation doit « lui assurer une situation certaine personnelle et
par définition même indépendante des parents ».
Pour appliquer le régime de l’article 1438 du code civil à une donation, il ne suffira pas de simplement
contribuer à améliorer la situation matérielle de l’enfant, mais il faudra réellement souhaiter son
établissement.4 Laissant ainsi sous-jacent l’idée d’un véritable changement de situation, et de
nouveauté.
Il faut également que la donation rende l’enfant autonome. Ce qui ne sera pas le cas d’une donation
faite à un enfant de 17 mois, ce qu’énonce la cour de cassation dans l’arrêt Heimberger 5. L’âge de
l’enfant pouvant donc être également un indice déterminant.
1
Aubry et Rau, op. cit., t. VIII, 7e éd., par A. Ponsard, 503, n° 96, texte et note 33. – Planiol et Ripert. Traité pratique de droit
civil français, t. VIII, n° 134. – Ripert et Boulanger. Traité élémentaire de droit civil, t. IV. n° 198. – CA Paris, 26 juin 1874 : DP
1875, 2, p. 181. – CA Rouen, 28 janv. 1935 : Rép. gén. not. 1935, art. 21159, p. 212).
2
: Dr. fisc. 1990, n° 51, comm. 2426, La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 17, 26 Avril 1991, 100432 ,
Commentaires par Jacques LAFOND
3
La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 17, 26 Avril 1991, 100432 , Commentaires par Jacques LAFOND
4
CA Toulouse 31-12-1883 : S. 1884 2 113
5
Voir Cass com. 24-4-1990
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Cependant la chambre des requêtes a pu considérer que l’établissement autonome est caractérisé par
« la fourniture de moyens matériels propres à lui assurer une existence personnelle indépendante à
l'occasion de son mariage, par l'exercice d'une activité lucrative autonome et notamment une
installation professionnelle »6
Son utilisation sera donc favorisée pour des occasions particulières de la vie du donataire : fin des
études, mariage, naissance de son premier enfant, installation professionnelle etc... Et au moyen de
biens ayant vocation à l’installer dans la vie, notamment professionnelle : bien immobilier, fonds de
commerce, apport de somme d’argent pour la création d’une société etc...
Enfin, l’utilisation de la dot sera évitée lorsque l’enfant dotée n’est pas susceptible de mener une
existence autonome.
La question de la donation d’un bien en nue-propriété a par ailleurs fait débat. Une dot peut-elle être
caractérisée alors que les parents se réservent l’usufruit du bien donné ?
Le TGI de Lyon avait considéré dans un arrêt du 26 avril 19797 que la donation devait avoir pour
effet de rendre la situation de l’enfant plus avantageuse « alors même qu’elle s’accompagne d’une
réserve d’usufruit ». Le TGI de Bordeaux considérait pour sa part, adoptant une conception beaucoup
plus stricte de la notion d’établissement qu’elle devait lui assurer une situation « certaine, personnelle
et par définition même indépendante » faisant obstacle à ce que les parents de l’enfant doté conserve
l’usufruit du bien donné.8
Dans l’attendu de l’arrêt du 24 avril 1990 ci-dessus visé, la solution est ambiguë, la cour de cassation
déclarant que « la donation faite en l'espèce en nue-propriété au profit d'un enfant de 17 mois ne
peut s'analyser en une constitution de dot ». Le fait que la donation incriminée ne constitue pas un
« établissement autonome» de l'enfant tient-il à ce qu'elle est consentie seulement en nue-propriété ?
Ou à l'âge de l'enfant ? Ou à ces deux motifs cumulés ?
Il semble que ce soit plutôt le cumul des deux qui fasse obstacle à la qualification de dot.
Cependant en pratique, il est en tout cas incontestable que l'âge de l'enfant sera déterminant. Et la
prudence nous conduira à éviter la réserve d’usufruit par les parents en cas de recours à l’article 1438
du code civil.
Nous avons délimité les conditions de fonds et de forme permettant le recours à l’article 1438. Nous
allons désormais nous intéresser aux conséquences de l’application de l’article 1438 du code civil
fiscalement, mais aussi sur la liquidation du régime matrimonial des époux donateurs et du rapport à
leur succession.
II) Les conséquences civiles et fiscales de l’application du régime de l’article 1438 du
code civil à une donation :
En vertu de l’article 1438 du code civil ci-dessus énoncé, deux époux pourront faire conjointement une
donation à leur enfant, alors même que le bien donné est propre à l’un des époux. Faute d’exprimer la
part donnée par chacun ils sont réputés avoir donné chacun pour moitié. Nous verrons que cela aura
nécessairement des conséquences fiscales quant à l’application des abattements et du barème fiscal
des droits de mutation à titre gratuit au stade de la donation (A). Nous envisagerons dans un second
temps comment traiter la dot lors de la liquidation du régime et son rapport à la succession des époux
donateurs (B).
A) Un avantage fiscal certain au stade de la dot en cas de dotation de l’enfant commun par un
bien personnel d’un époux :
On l’aura compris, l’utilisation de l’article 1438 présente un avantage fiscal non négligeable,
notamment lorsque le bénéficiaire reçoit un bien n’appartenant qu’à l’un de ses parents. En effet, ce
6
7
8
Req. 10-2-1896 : DP 1896 1 559.
TGI Lyon, 26 avr. 1979 JCP 80, Prat. 7632
Trib. Gr. inst. Bordeaux, 15 septembre 1986 JCP 88, Prat. 711, n.4
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dernier étant réputé recevoir ledit bien par chacun de ses deux parents, et ce pour moitié sauf
convention contraire, il bénéficiera du double abattement résultant de l’article 779 du CGI, à la fois
celui issu de sa mère et celui issu de son père. A ce jour selon la réglementation en vigueur l’enfant
commun pourra donc recevoir jusqu’à 200.000 € sans qu’aucun droit de mutation ne soit du, contre
100 000 € s’il avait reçu le bien donné du seul parent propriétaire, par donation simple.
Par ailleurs, il bénéficiera deux fois du barème progressif des droits de mutation à titre gratuit en ligne
directe, et donc deux fois des tranches basses de l’impôt.9
Cependant, l’utilisation de l’article 1438 du code civil à des fins fiscales pourra être de nature à
constituer un abus de droit. Il conviendra donc d’être vigilant dans son application.
La notion « d'abus de droit » en matière fiscale résulte de l'article L. 64 du Livre des procédures
fiscales. Le conseil d’Etat et la cour de cassation s’accorde aujourd’hui à le caractériser
alternativement soit lorsque l’acte passé présente un caractère fictif, soit qu’il n’a pu être inspiré que
par des préoccupations purement fiscales. Il conviendra cependant à l’administration fiscale d’en
apporter la preuve.
Or, dans l’arrêt Heimberger du 24 avril 1990, ci-dessus visé, la Cour de cassation a qualifié
textuellement de « fictive » une donation consentie par référence à l'article 1438 du Code civil, au
motif qu’elle avait été faite « en nue-propriété à un enfant de 17 mois ». Elle fournit ainsi à
l'Administration fiscale une arme redoutable qui lui facilitera la preuve de « l'abus ».
Certains auteurs le regrettent à plusieurs titres. Ils considèrent en effet tout d’abord qu’il n’y avait en
l’espèce aucune dissimulation à l’administration fiscale, les parents ayant fait un acte de donation,
comportant une clause de réserve d'usufruit et faisant expressément référence à l'article 1438 du
Code civil. La fictivité de l’acte résulterait donc d’un dépassement du cadre de l’article 1438 du code
civil, mais qui à leur sens n'aurait pu être « abusif » que s’il était, par ailleurs, clairement fixé, et que
les donateurs avaient voulu faussement faire croire (élément de «fictivité» ou volonté de
dissimulation) que la donation relevait de ce texte.10
Il conviendra donc de rassembler suffisamment d’éléments justifiant d’un but d’établissement
autonome de l’enfant. Il sera par ailleurs opportun, dans l’exposé de l’acte de donation, de développer
le but poursuivi par les époux donateurs, afin de limiter la possibilité pour l’administration fiscale
d’arguer d’une seule préoccupation fiscale.
En cas de doute, et faute pour les époux de pouvoir envisager une autre solution pour être
codonateurs, il pourra être opportun d’utiliser la procédure du rescrit fiscal, prévue par l'article L. 64-B
du Livre des procédures fiscales. Cette procédure consiste pour un contribuable, préalablement à la
conclusion d'un contrat ou d'une convention, à consulter l'Administration en lui fournissant « tous
éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération ». Si l'Administration n'a pas
répondu dans un délai de six mois à compter de la demande, la procédure de l’abus de droit ne
pourra plus être invoquée par l’administration.
Nous avons pu envisager le champ d’application de l’article 1438 et son intérêt fiscal. Quid de son
fonctionnement au regard de la liquidation du régime matrimonial et du rapport ?
B) La naissance d’une créance de l’époux qui a fourni son bien personnel contre son conjoint:
L’article 1438 du code civil énonce en son alinéa 2 que « l'époux dont le bien personnel a été
constitué en dot, a, sur les biens de l'autre, une action en indemnité pour la moitié de ladite dot, eu
égard à la valeur du bien donné au temps de la dotation. »
L'époux qui a fourni ses biens propres pour une donation conjointe en vue de l'établissement d'un
enfant commun devient donc créancier de son conjoint. L’époux propriétaire du bien donné disposera
d'une action en indemnité pour la moitié de la donation.
9
Art 777 du CGI
Jacques LAFOND – la semaine notariale et immobilière n° 17, 2§ avril 1991, 100432
10
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Selon la doctrine dominante, le règlement de cette créance entre époux n'est pas différé à la
dissolution du régime matrimonial. Contrairement à la règle applicable en matière de récompense, le
règlement pourrait donc être poursuivi pendant le mariage sur le patrimoine propre du conjoint
débiteur.
Concernant le montant de cette créance, traditionnellement, on estimait que par application
analogique de la solution prévue à l'article 1438, alinéa 2 pour les indemnités entre époux, la
récompense éventuelle à la communauté devait s'apprécier eu égard à la valeur du bien donné au
temps de la donation. Mais, aujourd'hui, alors que les récompenses sont calculés en fonction de la
valeur du bien donné à l'époque du décès, la question s’est posée de savoir si l’indemnité due au titre
de l’article 1438 du code civil ne devrait-elle pas être également calculée selon la valeur au jour du
décès et calculée selon le profit subsistant, conformément à l’article 1469 al 3 du code civil? C'est ce
que suggèrent certains auteurs.11
Cependant cette position, n'est pas adoptée par tous, et ce n’est d’ailleurs pas la nôtre12 Ces auteurs
considèrent eux au contraire le système de l’article 1438 du code civil comme anormal et non
conforme à la règle de l'article 1469 alinéa 3 du Code civil, préférant donc se résoudre à retenir le
montant de la dépense faite.
La matière des récompenses n'étant pas d'ordre public, dans le doute, il sera judicieux en pratique de
prévoir toutes stipulations dans l'acte de donation quant au montant de la récompense. 13
A défaut de règlement au cours du mariage, la créance apparaîtra :
- si l’époux débiteur décède le premier : dans la déclaration de succession de l'époux débiteur, en tant
que dette envers son conjoint survivant.
Sur le plan fiscal, cette dette constitue un passif de succession, déductible dans les conditions de droit
commun. Or, l’article 773 du CGI prévoit que les dettes échues depuis plus de trois mois lors de
l’ouverture de la succession sont présumées remboursées, sauf à apporter la preuve contraire par une
attestation de créancier. En l’occurrence, cela s’avérera impossible, le créancier étant par définition
décédé. En conséquence, pour éviter tout risque de redressement, il sera souhaitable de stipuler dans
l'acte de donation que la dette ne sera exigible qu'à la dissolution du régime matrimonial.
- si l’époux créancier décède le premier : dans la déclaration de succession de l'époux créancier,
comme une créance sur son conjoint survivant. Et cette créance entre dans l'actif taxable aux droits
de succession.14
Concernant le rapport de la dot à la succession des donateurs, l’article 1438 répute la dot faite pour
moitié par chacun des époux, sauf convention contraire. Ainsi, conformément aux principes de l’article
850 du code civil, la cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 12 juillet 1989 15 que le rapport
devra se faire partiellement à chacune des successions des donateurs, par principe pour moitié sauf
convention contraire. Ce principe vaut quelle que soit la nature des biens fournis et sauf à opérer les
règlements financiers sus exposés dans notre cas d’une dot au moyen d’un bien personnel d’un
époux.16
Concernant le montant du rapport, cela fait également débat en doctrine, dans les mêmes termes, de
savoir s’il convient de rapporter traditionnellement la valeur décès, en application de l’article 860 du
code civil, ou la valeur au jour de la donation, appliquant un régime anormal, résultant de la lettre de
11
Patarin et Morin, op. cit., n° 288, note 2
V. J.-Cl. Fasc. n° 33
V J-Cl Fasc n°30, § 75
14
En ce sens, par exemple, Rép. Zeller : AN 27-10-1980 p. 4530.
15
Cass. 1re civ., 12 juill. 1989 : JCP G 1989, IV, 350 ; Jour. not. 1989, art. 59879, obs. E.S. de la Marnierre ; Defrénois 1989,
art. 34594, p. 1122, obs. G. Morin
12
13
16
Aubry et Rau, op. cit., t. VIII, 503, n° 96, et 509, n° 207-b, texte et note 70-3
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l’article 1438 du code civil. Selon nous, la faveur ira à la solution traditionnelle d’une évaluation valeur
décès, selon les règles de l’article 860 du code civil, en ce qu’elle porte à la réserve héréditaire qui est
d’ordre public. Il sera opportun par précaution de préciser ces modalités dans l’acte de donation. Et
s'agissant ici, par hypothèse, de donations conjointes, génératrices d'un double rapport, à effectuer à
des époques différentes et pour des montants différents, il sera préférable de s'en tenir à la valeur du
bien donné à l'époque de la donation. La donation-partage sera donc préférée lorsqu’elle est possible.
A défaut, l’excédent résultant de la différence entre la valeur décès et la valeur donation pourrait être
considérée comme un avantage indirect acquis au donataire hors part successorale, conformément à
l’article 860 alinéa 4 du code civil.
Nous observerons donc que l’utilisation de l’article 1438 du code civil pourra s’avérer être un outil tout
à fait opportun pour des parents souhaitant doté leur enfant commun. Cependant il conviendra de
l’utiliser avec précaution, dans des situations très particulières ayant vocation à une réelle installation
autonome de l’enfant commun, et d’en justifier à l’acte par un exposé préalable. Si les éléments
rassemblés ne suffisent pas à caractériser une véritable finalité d’installation autonome de l’enfant, il
faudra préférer une autre solution, telle que le changement de régime matrimonial des époux
donateurs au profit de la communauté universelle ou les donations entre époux, pour arriver à faire
bénéficier l’enfant commun d’une donation par ses deux parents.
Fleur-Marie VOYRON
Groupe Patrimoine
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