sémantique et magique dans la structure du langage de

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sémantique et magique dans la structure du langage de
SÉMANTIQUE ET MAGIQUE DANS LA STRUCTURE
DU LANGAGE DE COMMUNICATION
ALEXANDRU BOBOC
Corresponding Member of the Romanian Academy
Abstract. By its nature and its functions, the language implies a particular mode of living in
community and in communication with others. So, each speaker assumes the role of subject and
organizes the place of a possible meeting with the others in a language to able to let the truth occur.
But in the game between the speaker and the listener, the word is, in the same time, opening and
closure, signification bearer and mask, mediator and limitation within the process of communication.
In this context, a communication breakdown is always possible especially by means of new
orientation of the functioning of the semantic aspect of the semantic aspect of the discourse –
emphasizing the magical aspect of the world, as it occurs in the political myths and rituals of the
modern world. This mystification cannot though destroy the positive action of the mythical and
magical aspects of language – as it becomes clear in different creative activities (artistic, scientific or
philosophical) – which makes imminent the critical approach of clarifying (within objectively
established bounds) the truth.
1. Au lieu d’introduction – En paraphrasant un beau mot de Jean Paul Sartre, à
savoir: «Je crois que l’espoir fait partie de l’homme» (L’espoir maintenant, «Le
Nouvel Observateur‫»׏‬, nr. 800, 1980), on pourrait dire que le don de parler fait partie
de l’homme. Dans un sens large, on peut parler de toutes les choses. Mais «on parle
toujours mal quand on n’a rien à dire» (Voltaire, Commentaires sur Corneille, 1719).
Par conséquent, survient nécessairement une limite. Car celui qui parle doit se
situer dans un rapport à la vérité, en mettant en présence unu unité sui generis: celle de
la langue avec la pensée, en se plaçant d’un point de vue sémantique. D’où
l’importance d’une très connue thèse de L. Wittgenstein: «Die Grenze wird also nur in
der Sprache gezogen werden können und was jenseits der Grenze liegt, wird einfach
Unsinn sein» (Tractatus logico-philosophicus: Vorwort – «La limite ne peut se tracer
que dans la langue. Ce qu’il y a au delà de la limite n’a pas du sens»). La limite est
ainsi limite de l’expression des pensées, proprement dit, c’est la limite du discours.
2. Le discours détient ainsi une fonction privilégiée dans l’ordre du langage,
assurant la médiation entre l’énoncé et la parole: c’est en lui et par lui que toute
parole prend sens. Car avant de s’imposer comme instrument de communication, la
parole est faite pour signifier et être signifiée.
Mais la parole n’existe pas en tant que telle; elle se manifeste à l’intérieur de
l’énoncé comme ce qui renvoie au discours des signes et, à travers ce dernier, comme
ce qui réfère à l’événement du discours. Comme le disait F. de Saussure, «la langue
est nécessaire pour que la parole soit intelligible et produise ses effets; mais celle-ci
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est nécessaire pour que la langue s’établisse; historiquement, le fait de la parole
précède toujours. Comment s’aviserait-on d’associer une idée à une image verbale, si
l’on ne surprenait pas d’abord cette association dans un acte de parole?»1
Il n’y a qu’une solution à toutes ces difficultés: «il faut se placer de prime
abord sur le terrain de la langue et la prendre pour norme de toutes les autres
manifestations du langage. En effet, parmi tant de dualités, la langue seule parait
être susceptible d’une définition autonome et fournit un point d’appui satisfaisant
pour l’esprit»2.
C’est la langue qui fournit à l’individu le cadre qui soutient son image du
monde, en exprimant (mieux dit, en participant) à la naissance de la pensée même.
Dans ce sens, Wilhem von Humboldt écrivait: «Die Sprache ist gleichsam die
äussere Erscheinung des Geistes der Völker; ihre Sprache ist ihr Geist und ihr Geist
ihre Sprache, man kann sich beide nie identisch genug denken»3.
La position forte dans le langage est détenue par le contenu sémantique des
énoncés de celle-ci, une confirmation sine qua non de la thèse de l’unité
structurelle langue-et pensée; dans ce sens est pleinement valable le principe
formulé par Humboldt: «Die Sprache ist das bildende Organ des Gedankens»4.
3. En vertu de ses fonctions, la langue implique toujours une façon d’habiter
dans le monde: c’est le «In-der-Welt-sein» («être-dans-le-monde») de Heidegger,
inscrit dans une compréhension du «Dasein» («la réalité-humaine») comme
modalité de présence du sens: «Sinn ist ein Existential des Daseins... Nur Dasein
kann daher sinnvoll oder sinnlos sein»5.
«L’être-dans-le-monde» n’est pas simplement une relation entre sujet et
objet; car il est ce qui tout d’abord commence par rendre possible une semblable
relation. En fait, le Dasein est „co-présence inter-humaine” (Miteinandersein):
«Die Welt des Daseins ist Mitwelt. Das In-Sein ist Mitsein mit Anderen»; «Dasein
ist wesenhaft Mitsein hat einen existentiell-ontologischen Sinn... das Mitsein
bestimmt existentiel das Dasein auch dann, wenn ein Anderer faktisch nicht
vorhanden und wahrgenommen ist»6.
1
F. de Saussure, Cours de linguistique générale, 3e éd. Paris, Payot, 1971, p. 37.
Ibidem, p. 251.
3
W. von Humboldt, Einleitung zum Kawi-Werk, in: Schriften zur Sprache, Reclam Jun.
Stuttgart, 1973, p. 33. («La langue est en quelque sorte le phénomène extérieur de l’esprit des
peuples; leur langue est leur esprit et leur esprit est leur lanque, on ne peut pas à ne les pensées
suffisamment comme identiques»).
4
Ibidem, p.45. («La langue est l’organe formateur de ce qui est pensée»).
5
M. Heidegger, Sein und Zeit, 12. Aufl., Tübingen, Niemeyer, 1972, p. 15l. («Le sens est un
existentiel du Dasein... Seulement le Dasein peut être avec sens ou dépourvu du sens»).
6
Ibidem, p. 118, 120 («Le monde de la réalité-humaine est co-présence inter-humaine. L’êtredans est co-présence avec l’autre; Dasein qui est essentiellement co-présence enferme un sens
existentiel-ontologique... La co-présence détermine existentiellement le Dasein même si l’autre n’est
pas présent et aperçu»).
2
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En partant de la définition de la langue comme «demeure de l’être» (dans: Brief
über den «Humanismus»: Wegmarken, Klostermann, 1967, p. 145: «Die Sprache ist
das Haus des Seins»), Heidegger nous annonce: (a) qu’il faut penser l’essence de la
langue en correspondence avec l’être (car: «Die Sprache ist Sprache des Seins, wie die
Wolken, Wolken des Himmels sind» – «La langue est langue de l’être, aussi comme
les nuages sont nuages du ciel» – Ibidem, p. 146); (b) que la langue et le discours se
solidarisent dans la modalité de comprendre la co-existence avec les autres comme
prémisse et milieu de la communication; (c) que notre modalité d’être-au-monde nous
montre ce que nous (comme des hommes) sommes: „Zum Beginn hören wir ein Wort
von Novalis. Es steht in einem Text, den er Monolog überschrieben hat. Der Titel
deutet in das Geheimnis der Sprache: sie spricht einzig und einsam mit sich selber. Ein
Satz des Textes lautet: «Gerade das Eigentümliche der Sprache, daß sie sich bloß um
sich selbst bekümmert, weiß keiner»”7.
4. Évidemment, il s’agit d’une unité sui generis de ces formes –dialogue ou
monologue – d’être de l’homme et de communiquer. Dans ce sens Hegel présentait
un «Zwiegespräch» (dialogue) de l’esprit avec soi-même, en remarquant que ce
«monologische Dialog» est constitutif à l’espit: «Car la conscience d’un autre est
nécessairement conscience de soi (Selbstbewußtsein)»8.
«Mais que signifie donc un dialogue?», demandait Heidegger, et donnait
l’explication suivante: «Évidemment, la fait de parler les uns avec les autres sur
quelque chose. Le langage est alors le médiateur qui nous fait venir et arriver les
uns aux autres»9.
Mais le langage comme «un bien de l’homme» est aussi «le bien le plus
dangereux», constatait Heidegger: «C’est le langage qui crée d’abord le domaine
révélé où menace et erreur pèsent sur l’être; c’est lui qui crée aussi la possibilité de
la perte de l’être, c’est-à-dire le danger». Mais le langage «n’est pas seulement le
danger des dangers; il cache nécessairement en lui-même et pour lui-même un
danger permanent. La tâche du langage est de faire de l’existant un existant révélé
en acte et de le garantir comme tel. Par le langage, peuvent s’exprimer ce qu’il y a
de plus pur et de plus abscons, aussi bien que le confus et le commun»10.
En étant aussi le «bien le plus dangereux», le langage n’a pas cessé d’être «un
bien de l’homme». D’où la nécessité de souligner encore une fois ce qu’il y a
d’essentiel pour le comportement humain dans la communication: l’unité de la
langue avec la pensée, ce que conduit à la position-clé de la vérité; car celui qui parle
7
M. Heidegger, Unterwegs zur Sprache, Neske, 1974, p. 241 (Le titre prend signification dans le
secret de la langue: elle parle uniquement et solitaire avec soi-même. Une proposition du texte sonne:
«Même le propre de la langue, à savoir: qu’il se chagrine de pour-soi-même, celle-ci ne le sait personne»).
8
G.W.F. Hegel, Phänomenologie des Geistes, Meiner, 1988, p. 121.
9
M. Heidegger, Hölderlin et l’essence de la poésie, in: M. Heidegger, Qu’est-ce que la
métaphysique?, Paris, Gallimard, 1937, p. 240.
10
Ibidem, p. 238.
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se trouve dans un rapport á la vérité. Dans ce contexte sera mieux de comprendre le
vrai (on peut dire aussi: la vérité) comme chez les anciens: άλήθείά, pour laquelle
Heidegger a proposé la traduction: «Unverborgenheit», c’est-à-dire «dévoilement».
5. En fait, chaque parlant se comporte comme sujet et organise l’espace d’une
rencontre de la langue avec la pensée dans un langage capable de faire survenir la
vérité (capable de «dévoiler»). Car celui qui parle n’adopte sa position qu’en
fonction d’un autre que lui, qui fait aussi l’expérience de réconciliation de soi par
et pour l’autre, préparant ainsi le terrain de communication.
C’est la parole qui installe les sujets (parlants) sur le terrain de communication,
toute parole n’étant vrai qu’à la condition d’être adressée à quelqu’un et entendue
par lui. Car «la parole suppose toujours la présence réelle ou imaginaire d’autrui:
parole-avec, elle est au niveau de son accomplissement parole-pour-autrui.
L’autre, en même temps qu’il est interlocuteur, se présente comme le témoin qui
réagit à mon propos. Ainsi, à travers des paroles, c’est une reconnaissance
réciproque que recherchent les sujets parlants»11.
Mais il ne faut pas oublier que celui qui parle se trouve dans un rapport à la
vérité. La position de l’άλήθείά devient ainsi décisive, en donnant horizon et
contenu à la communication.
En raison même de sa compétence, le discours permet-il à l’homme de
s’affirmer comme sujet parlant. Pourtant, avec la vérité qui se livre dans ce regard,
il en résulte aussi des difficultés: Car le dévoilement d’une «vérité» – remarquait
Nietzsche – se produit seulement dans le système de référence de celui qui la lance
dans la communication. Mais la vraie compréhension dépend de celui qui
comprend, et non de l’objet ou de contenu exprimé en communication. Il s’agit
d’un hiatus entre celui qui communique et celui qui comprend; ça c’est la
conséquence du fait que la vérité se trouve chez celui qui «comprend». Dans le jeu
entre celui qui dit quelque chose et celui qui écoute, le mot devient ouverture et
clôture en même temps, c’est-à-dire: il ouvre et cache, est porteur de message et
masque, médiateur aussi bien que frein dans l’acte de communication.
Avec chaque énoncé – observait Nietzsche – on doit comprendre aussi ce que
n’est pas dit à travers le discours; car la vérité dans l’énoncé parait toujours ensemble
avec ce qu’il exclut. Peut-être que c’est le sens de ce qu’il écrivait: «Jedes Wort ist
ein Vorurteil» – «Chaque mot est un préjugé»; «Derselbe Text erlaubt unzählige
Auslegungen: es giebt keine ‘richtige’ Auslegung» – «Le même texte/perment des
nombeuses interprétations: il n’y a pas d’interprétation ‘exacte’ »12.
Ainsi conçue, la communication ne va jamais sans risque; car le discours
précède en réalité la pensée d’un je suis qui n’est pas à temps au lieu de rencontre
11
J.-Paul Resweber, La philosophie du langage, Paris, PUF, 1979, p. 101.
Fr. Nietzsche, Die Nachgelassenen Fragmente. Eine Auswahl, Reclam Jun. Stuttgart 1996:
p. 113 – Sommer 1883: 12(1); p. 174–1885: 1 (120).
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signalé par la réflexion. Dans ce sens une judicieuse remarque: «Je suis sans cesse
convié à advenir dans le discours de l’Autre, où je suis parlé avant de parler, dans
ce là ou c’/s’était qui reste à l’imparfait, tant que j’ai oublié d’y être»13.
Ces sont des limites inhérentes de la communication. Car: «In human
communication the existential law prevails: A subject who deals with another
subject as his object is himself soon put in the same position; that is, he becames
treated as an object and thus is treated the same ways he has trated others. On this
principle of human dialogue, among other things, is based the ethics of altruism:
Do to other people the same as you have them do to you. Nevertheless since human
communication is never perfect, the subject do not always understand that they are
also objects to each other»14.
6. Dans le contexte de cet état des choses peut intervenir ainsi un jeu de
facteurs qui troublent la communication, en réorientant le fonctionnement de la
dimension sémantique du discours.
Parmi ces facterurs s’enscrie aussi la réorientation de la composante magique
du mot. C’est un changement du fonctionnement même de la langue, au delà d’un
emploi de celle-ci: «Wenn wir die Entwicklung der menschlichen Sprache
studieren – écrivait. E. Cassirer –, findem wir, daß das Wort in der Geschichte der
Zivilisation zwei ganz verschiedene Funktionen erfüllt. Um es kurz auszudrücken,
können wir dièse beiden Funfktionen als den semantischen und magischen
Gebrauch des Wortes definieren»15.
II ne faut pas négliger l’unité de ces côtes composantes de l’usage du mot:
«Selbst in den sogenannten primitiven Sprachen fehlt niemals die semantische
Funktion des Wortes; ohne sie könnte es keine menschliche Sprache sein. Aber in
primitiven Geselleschaften hat das magische Wort einen vorwiegenden und
überwältigenden Einfluß. Er bennent nicht Dinge oder Beziehunge zwischen Dingen;
er versucht, Wirkungen hervorzubringen und den Lauf der Natur zu änderen. Dies
kann nicht ohne eine ausgearbeitete magische Kunst geschehen. Der Magier oder
Zauberer ist allein fähig, das magische Wort zu lenken. Aber in seinen Händen wird
es eine sehr mächtige Waffe. Nichts kann seiner Kraft widerstehen»16.
13
J.P. Resweber, op. cit., p. 99.
Eero Tarasti, Existential Semiotics, Indiana University Press, Bloomington and Indianapolis,
2000, p. 6.
15
E. Cassirer, Vom Mythus des Staates, Meiner, 2002, p. 368.
16
Ibidem: («Même dans les soi-disantes primitives langues ne manquait jamais la fonction
sémantique du mot; sans celle-ci ne pourrait être donnée aucune langue humaine. Mais dans les
communautés primitives le mot magique exerce une influence prédominante, en ne nommant pas
simplement des choses ou relations entre les choses, mais en agissant pour changer le cours de la
nature. Cela ne peut pas se passer sans un art magique bien élaboré. Seul le magicien est capable
d’utiliser le mot magique et dans ses mains celui-ci devient une arme très forte»).
14
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7. Nous perçevons une autre configuration dans le monde moderne. «Wenn wir
unsere modernen politischen Mythen und den Gebrauch, der von ihnen gemacht
wurde, studieren, so finden wir in ihnen... nicht nur eine Umwertung aller unserer
ethischen Werte, sondern auch eine Umformung der menschlichen Sprache»17.
Cette transformation de la langue concèrne effectivement l’usage du mot:
«Das magische Wort gewinnt die Oberhand über das semantische Wort (le mot
magique acquérit suprêmatie sur le mot sémantique). Wenn ich heutzutage ein
deutsches Buch aus den letzten zehn Jahre lese, kein politisches, sondern ein
theoretisches Buch, ein Werk über philosophische, historische oder ökonomische
Problème – so finde ich zu meinen Erstaunen, daß ich die deutsche Sprache nicht
mehr verstehe»18.
De quoi s’agit-il? L’éclaircissement en est concludent: «Neue Worte sind
geprägt worden; und selbst die alten sind in einem neuen Sinne verwendet; sie
haben einen tiefen Bedeutungswandel durchgemacht – Dieser Bedeutungswandel
folgt aus der Tatsache, daß jene Worte, die früher in beschreibendem logischen
oder semantischem Sinne gebraucht wurden, jetzt als magische Worte gebraucht
werden, die bestimmt sind, gewisse Wirkungen hervorzubringen und gewisse
Affekte aufzurühren»19.
Ca changement des significations donne ainsi prépondérence à l’usage
magique des mots, en les déviant de la dimension sémantique. C’est pourquoi ce
qui caractérise ces mots magiquement directionés «ist nicht so sehr ihr Inhalt und
ihre objektive Bedeutung, als die emotionale Atmosphäre, die sie umgibt. Diese
Atmosphäre muß gefühlt werden; sie kann nicht übersetzt werden, noch kann sie
aus einem geistigen Klima in ein ganz anderes übertragen werden»20.
Mais l’usage du mot magique est accompagné des «nouveaux rites»: «wenn
das Wort seine volle Wirkung tun soll, muß es durch die Einführung neuer Riten
begleitet werden... Jede politische Aktion hat ihr spezielles Ritual... Jede Klasse,
jedes Geschlecht und jedes Alter hat seines eigenen Ritus. Niemand konnte auf der
Straße gehen, niemand konnte seinen Nachbar oder Freund grüßen, ohne ein
politisches Rituel zu vollziehen»21.
8. Cassirer a bien caractérisé cette mistification linguistique dans l’action des
mythes politiques modernes: «Mythus ist immer als das Ergebnis einer unbewußten
Tätigkeit und als ein freies Produkt der Einbildingskraft bezeichnet worden. Aber hier
17
Ibidem, p. 369.
Ibidem.
19
Ibidem.
20
Ibidem.
21
Ibidem: («Si le mot doit s’activer dans une action, alors doit-il être accompagné par
l’introduction des nouveaux rites... Chaque action politique a son rituel spécifique... Chaque classe,
chaque genre et chaque âge a son propre rituel. Personne ne pourrait marcher sur la rue, ne pourrait
saluer son voisin ou son ami, sans effectuer un rituel politique»).
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finden wir Mythus planmßig erzeugt. Die neuen politischen Mythen wachsen nicht frei
auf; sie sind keine wilden Früchte einer uppigen Einbildungskraft. Sie sind künstliche
Dinge, von sehr geschickten und schlauen Handwerkern erzeugt. Es blieb dem
zwanzigsten Zeitalters, vorbehalten, eine neue Technik des Mythus zu entwickeln»22.
Et maintenant surviennent l’éclercissement le plus significatif: «Künftig
können Mythen im selben Sinne und nach denselben Methoden erzeugt werden,
wie jede andere moderne Waffe – wie Maschinengewehre oder Aeroplane. Das ist
etwas Neues, und etwas von entscheidenden Bedeutung. Es hat die ganze Form
unseres soziallen Lebens geändert»...23
Le réarmement des années ’40 a commencé avec l’instauration des mythes
politiques: „Tatsächlich hatte diese Wiederaufrüstung viele Jahre vorher begonnen,
aber hatte sich fast unvermerkt vollzogen. Die wirkliche Wiederaufrüstung begann
mit der Entstehung der politischen Mythen... die militärische Wiederaufrüstung
war bloß die notwendige Folge der geistigen Wiederaufrüstung, die die politischen
Mythen herbeigeführt haben”24.
9. Ce qu’il y a d’intéressant ici concerne l’action du facteur magique dans ce
que Cassirer nommait «Technik moderner politischen Mythen». Mais il faut
distinguer entre le mythe et la magie; sous le même pouvoir des mots on peut
délimiter (provisoirement) les formes suivantes de l’unité mythe-magie: mythes sans
motifs magiques; magie sans motifs mythique; mythe avec des motifs magiques.
Une différence plus décisive est donnée à l’aide des concepts forme et
contenu: le magique concerne la matière, l’action des forces cachées; le mythe se
réfère à la forme d’un produit de la culture. Pour l’un et pour l’autre on peut
différencier «forme» de pensée: «pensée mythique» – «pensée magique». «Les créations
mythiques – écrivait Blaga – représentent des tentatives de l’esprit humain de
révéler les mystères de l’existence, aussi comme les tentatives métaphysiques,
artistiques, religieuses ou scientifiques»25.
Le mythe s’insère ainsi parmi les formes de la culture. «Le magique
n’appartient pas à la fonction de la pensée, mais au matériel de la pensée»; «la
pensée mythique signifie ainsi une révélation du mystère... la pensée magique est
plutôt une demi-révélation stéréotypique des mystères de l’existence»26.
22
Ibidem, p. 367: («Le mythe a été toujours considéré comme un résultat d’une activité
inconsciente et comme un libre produit de l’imagination. Mais ici trouvons-nous un mythe construit
d’une manière planifiée. Les nouveaux mythes politiques ne se développent complètement libre; ils
ne sont pas des fruits sauvages d’une imagination abondante. Ils sont des choses artificielles, crées par
des artisans habiles et perfides. Developper une nouvelle technique du mythe, c’est une mission qui
est réservé au 20e siècle, à notre propre grande époque technique»).
23
Ibidem, p. 367–368.
24
Ibidem, p. 368.
25
L. Blaga, Despre gândirea magică, Bucureşti, Fundaţia, 1941, p. 83.
26
Ibidem, p. 99, 107.
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La pensée magique se rapporte à une substance ou pouvoir magique, qui est
d’essence demi-physique. Par sa force cognitive, l’idée magique peut intervenir
dans les espaces «les plus déroutants» de la connaissance27. En essence, la dimension
magique concerne les faits de connaissance et d’action humaine, mais sans empiéter
sur leurs fonctions dans le comportement de l’homme et dans l’affirmation de celui-ci
par le discours, c’est-à-dire, comme être parlant.
On peut affirmer que le langage même favorise en fait l’action du magique.
Très connue dans ce sens est la magie des mots dans la création culturelle de toute
sorte (littéraire, artistique, scientifique, métaphysique etc.). Si la participation du
magique peut produire des phénomènes de désordre de langage, ça dépend des
situations historiques déterminées. C’est avec raison que Heidegger insiste sur
l’être de la langue qui tisse les liens de l’être-en-commun dans un même monde:
«Die Sprache ist so die Sprache des Seins, wie die Wolken, Wolken des Himmels
sind», disait Heidegger, en relevant en même temps l’idée-clé d’une philosophie du
langage: la langue implique une façon d’habiter dans le monde; car c’est sur
l’horizon d’un monde sensé que je rencontre l’autre.
27
Ibidem, p. 170.

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