exposition einstein - manep-nccr

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exposition einstein - manep-nccr
E=mc2
EXPOSITION EINSTEIN
par
Isaac Benguigui
Du 27 octobre au 28 novembre 2005
Bâtiment «Sciences III»
3, boulevard d’Yvoy
v - Genève
v
Avec le soutien de:
Exposition:
ouver
v te du lundi au vendredi
v
de 8h à 20h.
« La source de tout progrès technique
réside dans la divine curiosité
et l'esprit ludique du chercheur
qui cogite et expérimente,
tout autant que dans l'imagination
créatrice de l'inventeur »
Albert Einstein
Einstein enfant et
adolescent
Albert Einstein est né le 14 mars 1879 à Ulm, dans le Wurtenberg. Son père,
Hermann Einstein (1847 – 1902) a une petite entreprise d'appareillage électrique. Sa
mère, Pauline, née Koch (1858 – 1920) est une femme cultivée et musicienne. Elle
même pianiste, elle inculque à son fils la passion de la musique. Après sa faillite,
Hermann Einstein emmène sa famille à Munich, en 1880, où il tente sa chance une
seconde fois en s'associant à son frère Jakob, ingénieur de formation, pour créer une
nouvelle entreprise, toujours dans l'appareillage électrique.
L'école juive étant très éloignée de son domicile, le jeune Albert est inscrit à l'école
catholique, la Peters Schule. Il a quelques difficultés d'élocution jusqu'à l'âge de neuf
ans. Albert a une sœur, Maria (Maja) née à Munich le 18 novembre 1881. À l'âge de
cinq ans, il reçoit une boussole pour son anniversaire, et l'enfant est intrigué par la
direction constante qu'elle indique.
En 1889, Albert entre au Lycée, le Luitpold Gymnasium. C'est déjà un enfant têtu et
indépendant, au caractère un peu rebelle. Bien plus que l'école, c'est un jeune
étudiant en médecine, Max Talmud, (1869 – 1941) qui aura de l'influence sur Albert. Il
lui offre des ouvrages de vulgarisation scientifique. Cet ami de la famille Einstein, futur
médecin en Amérique, est impressionné par la facilité d'Albert à comprendre certains
ouvrages, notamment la géométrie d'Euclide.
L'entreprise familiale a de nouveau quelques difficultés. La concurrence est difficile et,
en 1894, les deux frères Hermann et Jakob Einstein décident de transférer leur
entreprise à Milan. Albert demeure seul à Munich. La séparation est douloureuse pour
l'adolescent qui aura bientôt quinze ans. Le lycée devient un cauchemar pour lui. Ses
professeurs le blâment régulièrement. Le maître qui enseigne le grec lui dit « Vous
n'arriverez à rien. Votre seule présence ici sape le respect dû par une classe à son
maître ». Détestant la manière autoritaire et la discipline militaire qui caractérisent
l'enseignement en Allemagne à cette époque, Einstein décide de rejoindre ses
parents en Italie où il prépare pendant un semestre l'examen d'entrée au "Poly" de
Zurich. Il a presque deux ans d'avance (l'entrée au "Poly" se fait normalement à 18
ans). Il échoue dans les disciplines littéraires. Soixante ans plus tard, il se souvient:
« l'examen me montra d'une manière douloureuse les lacunes de ma formation… mon
échec me parut parfaitement justifié. »
Sur le conseil d'Albin Herzog, directeur de l'École Polytechnique, Einstein se dirige en
octobre 1895 vers l'école cantonale d'Aarau. Il impressionne ses camarades par ses
talents de violoniste. Le 3 octobre 1896, Einstein obtient son certificat de maturité à
Aarau. Il obtient la note maximale (6) en mathématique et physique. En français il est
moyen. Sa moyenne générale est honorable, il obtient 5, ce qui correspond à la
mention "bien" pour la maturité en Argovie. À présent, la voie est libre pour l'École
Polytechnique de Zurich.
Einstein est vraiment heureux à Aarau. L'enseignement et la pédagogie pratiquée
sont à l'opposé de ce qu'il a connu en Allemagne. Une année avant sa mort, il écrira
« cette école m'a laissé une impression inoubliable… j'ai pris vivement conscience de
la supériorité de cette éducation orientée vers la liberté et la responsabilité. » À Aarau,
Einstein était pensionnaire chez Jost Winteler, son professeur de latin, grec et
histoire. Les Winteler (Pauline et Jost) deviennent sa seconde famille. Il les appelle
"papa" et "maman". Maja, la sœur d'Einstein épousera plus tard le fils des Winteler,
Paul, quant à son meilleur ami, Michele Besso, il épousera leur fille. Maja finira
également sa scolarité dans cette même école, de 1898 à 1902. Elle ira ensuite à
Berne où elle étudiera les langues romanes, passera quelques semestres d'étude à
Paris et Berlin avant de revenir à Berne où elle soutient, en 1908, sa thèse de
doctorat en lettres. Deux ans plus tard, elle épouse Paul Winteler.
Einstein au
Polytechnicum
Lorsque Einstein entre à l'E.T.H (Eidgenössische Technische Hochschule) de Zurich,
le Polytechnicum ou "Poly", cette école est l'une des meilleures du monde. Fondée en
1854 et ouverte en 1855 elle comptera vingt deux Prix Nobel qui sont liés à son
histoire, comme étudiants ou comme professeurs. Ses laboratoires son inégalés et
ses professeurs sont mondialement connus. Parmi eux figurent Adolf Hurwitz (1859 –
1919) qui restera un ami d'Einstein avec qui il jouait de la musique à Berlin, et
Hermann Minkowski (1864 – 1909) qui donna à la théorie de la relativité une nouvelle
forme mathématique.
Einstein s'est inscrit au "Poly" le 29 octobre 1896, en section VI pour la formation des
professeurs de mathématiques et de sciences naturelles. Il prend alors une décision
importante : il ne sera pas ingénieur, comme le souhaitait son père, mais professeur.
Il délaisse un peu les mathématiques pour la physique. Il étudie à la maison les
ouvrages de Kirchhoff, Helmholtz, Hertz et d'autres. En physique, Einstein a comme
professeur Heinrich F. Weber (1843 – 1912) avec lequel le courant ne passe pas et
qui lui refusera plus tard, d'une manière injuste, une place d'assistant au Poly.
Parmi ses camarades d'études, Einstein conservera quelques solides amitiés. Marcel
Grossmann (1878 – 1936) brillant mathématicien qui prête régulièrement ses notes à
Einstein qui "sèche" les cours. Grossmann deviendra professeur de mathématiques
pour finir comme directeur du département au Poly. C'est lui qui volera au secours
d'Einstein pour sa formulation mathématique de la Théorie de la relativité générale.
Parmi les autres amis d'Einstein, mentionnons Jakob Ehrat (1876 – 1960) professeur
à l'École cantonale d'Aarau, Louis Koltros (1878 – 1959) professeur de géométrie au
"Poly" et enfin celle qui deviendra sa première épouse Mileva Maric, sans oublier l'ami
le plus fidèle, Michele Besso (1873 – 1955), le seul qu'Einstein remerciera dans son
article de 1905. Ils continueront à correspondre jusqu'à leur mort survenue à quelques
semaines d'intervalle, en 1955.
Autre condisciple à l'E.T.H, Friedrich Adler (1879 – 1960), fils de Victor, l'ancien
fondateur du parti social-démocrate autrichien. Adler, nommé professeur-adjoint de
physique théorique à l'Université de Zurich à l'âge de 30 ans, se désista en faveur de
son ami Einstein « un homme, dit-il, qui peut rendre tant de bienfait à notre université
en en élevant le niveau général ».
Après un bref séjour à Prague, Einstein est nommé en février 1912 professeur
ordinaire de physique théorique au "Poly" avec l'un des plus hauts salaires
académiques suisses (11'000 francs par année). Grossmann, spécialiste de la
géométrie différentielle lui prêtera son concours. Einstein écrira le 29 octobre 1912
« Je m'occupe exclusivement du problème de la gravitation et je crois maintenant que
je surmonterai toutes les difficultés avec l'aide d'un mathématicien d'ici. Il y a au moins
une chose certaine, c'est que je n'avais jamais travaillé aussi dur de ma vie… ».
Le 8 novembre 1930, à l'occasion des festivités du 75ème anniversaire de sa fondation,
l'École Polytechnique Fédérale décida de décerner un doctorat honoris causa à
Einstein « en souvenir plein de gratitude pour les services qu'il a rendus à la Suisse et
à l'École Polytechnique. »
Einstein à Berne
Diplômé du Polytechnicum (E.T.H) de Zurich, Einstein ne trouve pas de travail.
Il enseigna les mathématiques pendant deux mois à l'École technique de
Winterthur (1901) et trois mois dans un pensionnat de Schaffhouse (octobre
1901 – janvier 1902). Il écrira à son ami Marcel Grossmann, ancien camarade
au « Poly » et futur professeur de mathématique dans cette prestigieuse école:
« … Ai-je besoin de te le dire que je serais comblé si je pouvais occuper cet
emploi et que je n'épargnerais aucun effort pour faire honneur à votre
recommandation… ». [lettre du 14 avril 1901]
Grâce au père de Marcel Grossmann qui connaissait bien Friedrich Haller
(1844 – 1936), directeur de l'Office des brevets à Berne, Einstein fut engagé
comme « expert technique de IIIe classe » le 23 juin 1902, avec un salaire
annuel de 3500 francs.
C'est là qu'Einstein se rendait à pied au Bureau de cet office créé en 1888,
situé à l'angle Genfergasse / Speichergasse, qui se trouvait à quelques rues
de son domicile du 49 Kramgasse. Huit heures par jour et six jours par
semaine, avec une douzaine d'autres examinateurs, Einstein va mettre le doigt
sur les aspects essentiels d'une invention prometteuse ou au contraire mettre
dans un tiroir des projets peu sérieux ou irréalisables. Ce n'est pas le travail
dont il rêve mais cela lui permet d'échapper à une condition économique
précaire et de consacrer le reste de son temps au domaine pour lequel et par
lequel il vit : la physique. C'est sa passion.
Titularisé en 1904, il fit entrer son fidèle ami Michele Besso qui dirigeait un
cabinet d'ingénieurs de Trieste, au Bureau de Berne. On trouve également
Lucien Chavan, 31 ans, ingénieur électricien et quatrième membre du groupe
de discussion d'Einstein.
Einstein donnera sa démission le 6 juillet 1909. Haller, qui dirigea le bureau
jusqu'en 1921, en prend connaissance avec grand regret d'autant plus que le
salaire d'Albert est passé à 4500 francs par an. (Einstein fut promu en mars de
la même année). À la mort de son ami Marcel Grossmann, Einstein écrira à
son épouse Elsbeth Grossmannn « … Tout le monde m'a soudainement
abandonné, désorienté, au seuil de la vie. Il est resté à mes côtés et grâce à
son père et à lui j'ai obtenu, plus tard, un travail sous la direction de Haller au
Bureau de la propriété industrielle. Ce fut une sorte de salut qui m'évita sinon
la mort, du moins une souffrance intellectuelle… » [lettre du 26 septembre
1936]
Einstein présenta à Berne sa thèse d'habilitation pour devenir privat-docent,
celle-ci est refusée deux fois et en 1908 il peut enfin enseigner à l'Université de
Berne. Il n'a que trois auditeurs qui sont d'ailleurs ses amis.
Les sept années passées à Berne ont été les plus fructueuses pour Einstein.
Quelque 60% des fondements de son œuvre scientifique voient le jour pendant
cette période.
Mileva Einstein
D’origine serbe, Mileva Maric est née le 19 décembre 1875 à Titel,
en Hongrie. Fille de notables orthodoxes, elle reçoit une éducation
exceptionnelle pour une fille de cette époque. Après quelques
années passées au Lycée royal de Sabac où elle est la seule fille
de sa classe en section mathématique et physique, elle suit son
père fonctionnaire à Zagreb et finit ses études secondaires au
Lycée supérieur royal, l’Obergymnasium avec le premier prix
d'excellence.
En 1896 elle est admise à l'E.T.H de Zurich. Au « Poly » elle se
retrouve la seule fille dans la section VI « Mathématique et
Physique ». Ils ne sont que cinq : Mileva et quatre garçons dont
Einstein. Entre temps, elle passa un semestre à Heidelberg où elle
voulait étudier la médecine avant de revenir au Polytechnicum.
L’amour de Mileva et d'Einstein commence par une simple amitié.
Le soir Albert et Mileva partagent leur passion pour la musique, le
premier joue du violon et la seconde de la mandoline. Il l'appelle
« doxerl », qui est un diminutif du mot allemand « Docke »
(poupée) et elle répond « Johnnie ». De cette amitié naît un amour
qui ne durera pas.
Ils se marièrent le 6 janvier 1903. Les deux témoins du mariage
sont les deux amis d'Einstein : Maurice Solovine et Conrad Habicht.
Malgré l’opposition de ses parents à ce mariage, Einstein est séduit
par cette fille intelligente, anticonformiste, émancipée et qui ne
« colle » pas à l’image classique des femmes de cette fin de siècle.
Mileva est une surdouée mais d'un caractère difficile et taciturne,
avec des yeux qui expriment une grande tristesse, assez
dépressive. Handicapée par une coxalgie qui la fait boiter, c'est une
cause de plus à ses nombreuses dépressions dues à un mauvais
sort qui semble l'accabler : sa sœur Zorka perd la raison et son
frère disparaît mystérieusement sur le front russe avant de
réapparaître par la suite parmi les sommités médicales du régime
de Moscou. Après une séparation décidée en juin 1914, Mileva et
Albert divorcent le 14 février 1919.
Sur le plan universitaire, Mileva n’a pas plus de chance. Elle
échoue deux fois de suite ses examens finaux et quitte l'E.T.H sans
aucun diplôme. Elle se désintéresse des questions scientifiques
après son mariage pour se consacrer à ses enfants. Elle meurt à
Zurich le 4 août 1948.
L'Académie Olympia
Tout commença par une annonce qu’Einstein publia dans un journal
bernois : « Cours particuliers de Mathématiques et de Physique pour
lycéens et étudiants... Leçons d'essai gratuites ».
Le premier étudiant qui se présenta fut un juif roumain Maurice Solovine
« un grand libéral, un esprit très éclairé » originaire de Roumanie. C'était
un philosophe en quête de vérité et qui espérait trouver quelques
éléments de réponse en mathématiques et physique. Einstein et
Solovine avaient un point commun : ils détestaient les gens motivés
uniquement par la gloire ou la fortune; ils partageaient la même
aspiration à la justice sociale. Après quelques jours, les cours font place
à des discussions informelles et passionnantes.
Un autre ami se joindra au groupe. C'est Conrad Habicht, un ancien ami
du Collège originaire de Schaffhausen. Il se trouva à Berne pour achever
sa formation de professeur de mathématiques.
Solovine et Habicht payaient chacun deux francs par cours à Einstein. Ils
sont bientôt rejoints par un fidèle ami d'Einstein : Lucien Chavan, 31 ans,
originaire de Nyon, ingénieur électricien au Bureau fédéral de la
propriété industrielle. Le groupe se baptisa « Académie d’Olympie ». Ils
dînent chez l’un ou l'autre des membres ou dans quelque brasserie
bernoise. Les discussions vont bon train et se prolongent parfois
jusqu’au petit matin. Ils étudient les ouvrages de philosophes et
scientifiques. Tout y passe ; dans le désordre : Ampère, Spinoza, Platon,
Henri Poincaré, Ernst Mach, Bernhard Riemann, Dickens, Cervantes,
Racine, John Stuart Mill, David Hum et d'autres encore.
Bien qu'elle eût formellement une vie assez courte (quelques années),
l’Académie Olympia fondée en 1902 eut une influence certaine sur les
idées d'Einstein. Les trois amis fondateurs restèrent longtemps en
contact. Cinquante ans plus tard, Einstein dira : « Ces temps furent
idylliques ; notre Académie qui était, après tout, moins enfantine que ces
académies respectables que j’ai découvertes par la suite ». Quant aux
réunions qui se déroulaient au Kramgasse 49 (troisième domicile
d'Einstein à Berne) elles étaient « radieuses » et un « délice ».
Habicht quitta Berne en 1904 pour Schaffhouse et Solovine se retrouva
à Paris l'année suivante comme éditeur scientifique. C'est avec Paul
Habicht (frère de Konrad) qu'Einstein sortira un potentiomètre capable
de mesurer le millivolt (1913).
Einstein citoyen suisse
Einstein déposa sa demande de naturalisation le 19 octobre 1899. Il fut
entendu le 14 décembre par une commission de huit personnes. La
procédure était stricte et les questions plutôt gênantes : « êtes-vous
alcoolique ? », « vos parents étaient-ils syphilitiques ? ». À cette époque,
Einstein est sans travail et sans argent. Il épargne 20 Francs chaque
mois. Les frais de naturalisation s'élèvent à 800 francs. Il obtient la
nationalité suisse le 21 février 1901. Trois semaines plus tard, un
examen médical d'aptitude au service militaire l'exempte pour "pieds
plats et varices", résultats contestés d'ailleurs par un autre médecin, le
père d'un de ses amis.
Ses relations avec la Suisse connurent une longue histoire d'amour
depuis son arrivée à Aarau en 1895, à l'âge de 16 ans et demi, jusqu'à la
fin de sa vie, en 1955. Mais comme toutes les histoires d'amour, celle-ci
eut quelques périodes noires : en 1933, les nazis confisquèrent tous ses
biens en Allemagne. Einstein demanda aux autorités suisses d'intervenir
pour que les Allemands les lui rendent. Les autorités suisses ne
réagirent pas. « Ces chers Suisses ne levèrent pas le petit doigt lorsque
ces salauds d'Allemands m'ont envoyé leurs graines de vauriens ». En
fait, les autorités suisses invoquèrent le fait qu'il avait voulu passer pour
un Allemand pour lui refuser l'aide qu'il demandait.
Le problème de la nationalité se posa déjà pour la remise du prix Nobel,
en 1922 : pour l'Allemagne Einstein était Allemand, alors qu'il voyageait
tout le temps avec son passeport Suisse. Jusqu'à la fin de sa vie, ses
liens avec la Suisse sont restés très forts et il est resté attaché à ce
pays.
Le 1er octobre 1940, Einstein devient, à l'âge de 61 ans, citoyen des
États-Unis d'Amérique, plus précisément de Treton, dans le New-Jersey,
en même temps que Margot (la fille de sa seconde femme Elsa) et que
sa fidèle secrétaire Helen Dukas (née le 17 octobre 1896 à Freiburg,
décédée le 10 février 1982 à Princeton).
Ce savant "citoyen du monde" comme il aimait se définir, déclara avec
son sens aigu de l'humour, en novembre 1916, après la publication de
sa Théorie de la relativité générale : « On me décrit aujourd'hui en
Allemagne comme un "savant allemand" et en Angleterre comme un "juif
suisse". Si le destin venait à faire de moi une "bête noire", je deviendrais,
au contraire un "juif suisse" pour les allemands et un "savant allemand"
pour les Anglais ».
Rappelons qu'il existe à Berne une Société Albert Einstein. La première
Médaille Einstein qu'elle attribua fut décernée en 1979 à Stephen
Hawking.
Elsa Einstein
Elsa et Albert Einstein sont des cousins très proches. Leurs mères
sont sœurs et leurs pères sont cousins.
Elsa est la fille de Rudolf Einstein et Fanny Koch. Elle est née le 18
janvier 1876 à Hechingen. À l'âge de vingt ans, elle épousa en
premières noces un négociant en textiles, Max Loewenthal (1864 –
1914). Ils vécurent à Hechingen où ils eurent deux filles : Ilse (1897
– 1934) et Margot (1899 – 1986). Un troisième enfant est né en
1903, mais il décède quelques semaines plus tard. En 1902, pour
des raisons professionnelles, Max Loewenthal quitte seul
Hechingen et s'établit à Berlin.
En 1908, Elsa et Max divorcent. Elsa se retrouve alors à Berlin
avec ses deux filles. La rencontre avec Einstein en 1912 réveilla
quelques vieux souvenirs chez ce dernier : ils jouaient ensemble
lorsqu'ils étaient enfants. Déjà à Prague, puis à Zurich, Einstein et
Elsa correspondaient; ce sont des lettres où leurs sentiments
amoureux s'expriment. Le 2 juin 1919 il se marièrent, les deux filles
d'Elsa font désormais partie de la famille d'Albert.
Elsa est, pourrait-on dire, le contraire de Mileva. Elle n'est pas
intellectuelle; elle s'occupe exclusivement de son foyer. Elle est
pour Einstein plus une mère qu'une épouse. En fait Einstein a
toujours recherché des femmes ordinaires qui ne brillent ni par leur
esprit ni par leur beauté. Il a plutôt avec les femmes une attitude
qu'on pourrait qualifier de "machiste". Cet esprit brillant et plein
d'humour ne laissait pas indifférent de nombreuses femmes de tous
milieux et de toutes origines sociales ou culturelles : de la fleuriste
à la physicienne, de la danseuse de cabaret à la bibliothécaire, y
compris une jeune, belle et riche veuve. Elsa ne peut que se
résigner.
Esla a joué un rôle de protectrice. Elle a pris soin d'Albert, l'a
accompagné dans ses voyages. Elle émigra avec lui à Princeton,
dans le New Jersey en 1933. Ils emménagèrent ensemble en août
1935 dans leur nouvelle maison au 112 Mercer Street. Elsa est
décédée à Princeton le 20 décembre 1936.
Les enfants d'Einstein
Mileva et Albert Einstein eurent trois enfants. Une fille née en
dehors du mariage fin janvier 1902. Son prénom, Lieserl, est
mentionné pour la dernière fois dans une lettre d'Einstein à Mileva
datée du 19 septembre 1903. Il existe peu d'informations fiables au
sujet de cette fille morte chez les parents de Mileva avant l'âge de
deux ans des suites d'un lourd handicap mental de naissance.
Le premier des deux fils est Hans-Albert, né le 14 mai 1904 à
Berne et décédé le 26 juillet 1973 à Woods Hole, Massachusetts,
USA. Après avoir suivi des études en génie civil à l'E.T.H de Zurich,
il passa son doctorat en 1936 et émigra aux États-Unis en 1937 où
il travailla une dizaine d'années à l'Institut technologique de
Pasadena avant de devenir professeur d'Hydraulique dans la
prestigieuse université de Berkeley en Californie de 1947 à 1971.
Hans-Albert avait épousé en premières noces Frida Knecht (1895 –
1958) d'origine suisse et se remaria en 1959 avec Élisabeth Roboz
une neurochimiste, fille du Grand-Rabbin de Szaszaros
(Transylvanie).
Quant à Eduard (1910 – 1965) c'était "une sorte de génie" dans son
enfance. Il jouait merveilleusement du piano et parlait parfaitement
l'anglais. Il voulait entreprendre des études de médecine lorsqu'une
déception amoureuse déclencha sa névrose. Schizophrène, il
passa les vingt dernières années de sa vie à l'hôpital psychiatrique
Burghölzli à Zurich.
Les deux enfants semblent avoir souffert du divorce de leurs
parents survenu le 14 février 1919. Eduard surtout a eu l'impression
que son père s'était désintéressé de lui. Einstein avait le sentiment
de ne pas avoir fait tout ce qu'il aurait dû faire, mais il était
persuadé que la maladie de son fils était d'origine héréditaire :
Zorka, la sœur de Mileva, était déclarée folle.
Le moins qu'on puisse dire est qu'Einstein n'a pas laissé l'image
d'un père idéal, mais c'est difficile de le comprendre vu les tensions
qui existaient entre Mileva et lui.
Parmi ses petits-enfants, mentionnons Bernhard qui travailla pour
l'armée suisse où il perfectionna le système de blindage des tanks.
Einstein et Genève
L'Université de Genève et sa Faculté des Sciences ont souvent fait
preuve d'une grande lucidité dans leur choix des docteurs honoris causa.
Nombre d'entre eux se verront décerner un Prix Nobel.
En 1909, l'Université de Genève décida de fêter le 350ème anniversaire
de sa Fondation et d'attribuer à cette occasion le titre de docteur honoris
causa à un certain nombre de personnalités scientifiques, parmi
lesquelles Marie Curie, Wilhelm Ostwald et Albert Einstein.
C'est ainsi qu'Einstein s'est vu décerner son premier doctorat honoris
causa; il n'avait alors que 30 ans ! Les cérémonies se sont déroulées les
6 et 7 juillet 1909.
Les Genevois lui ont réservé un accueil chaleureux. Il débarqua en
costume fripé et chapeau de paille dans le cortège de plus de deux
cents personnalités, parmi lesquelles figuraient les autorités
universitaires dans leurs atours académiques : habits brodés d'or, toges
médiévales et chapeaux pointus en soie violette. Après les nombreux
discours, toute ce monde fut invité à l'Hôtel National pour « le plus riche
banquet que j'aie jamais vu de ma vie », racontera plus tard Einstein.
Ses liens avec Genève sont forts. Il s'y fera quelques amis parmi
lesquels le physicien Charles-Eugène Guye (1866 – 1942), ancien
chargé de cours au Poly de Zurich, qui compta Einstein parmi ses
étudiants. Guye fut appelé à la chaire de physique expérimentale de
l'Université de Genève en 1900. On lui doit la vérification expérimentale
de la formule de Lorentz-Einstein sur la variation de la masse de
l'électron en fonction de la vitesse. Einstein dira que c'est "la meilleure
vérification" de la théorie de la relativité restreinte.
Quatre ans plus tard, Einstein enverra un télégramme à la Faculté des
Sciences pour s'excuser de ne pouvoir assister à l'inauguration du buste
du grand savant genevois Pierre Prévost (1751 – 1839) qui eut lieu le 5
juin 1913.
Einstein reviendra plusieurs fois à Genève. C'est dans cette ville qu'il
fera de belles promenades au bord du lac avec Marie Curie en 1925 et
lors de discussions au sein du Comité International de Coopération
Intellectuelle en 1923. Ensemble ils feront de la voile sur le Léman.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Maja, la sœur d'Einstein, qui
habitait Florence et venait de se séparer de son mari Paul Winteler
(1882 – 1952) trouva refuge à Genève pour quelques mois chez son
beau-frère Michele Besso (1873 – 1955).
Einstein résistant
au nazisme
En 1933, la vie d'Einstein prit un nouveau tournant : il cessa d'être Allemand et quitta
définitivement l'Allemagne. Lorsque les nazis prirent le pouvoir, ils le déclarèrent
ennemi public No 1. Einstein réunissait en lui tout ce que les nazis détestaient : il était
Juif, démocrate et pacifiste. Près de deux mille lois et décrets anti-juifs ont été sitôt
proclamés. Peu d'Allemands non-juifs réagirent. Ce fut une "lâcheté générale, à
l'intérieur comme à l'extérieur de l'Allemagne". En deux jours les nazis ravagèrent son
appartement cinq fois, brûlèrent sa maison de Caputh, confisquèrent ses biens et
mirent sa tête à prix.
Einstein est la cible d'une violente campagne de haine, il est calomnié et ses livres
sont brûlés sur la place publique. Des attaques d'une violence inouïe sont menées
contre la "science juive", le nom d'Einstein est prohibé des conférences et colloques
scientifiques. Leur meneur n'est autre que Philipp Lenard, prix Nobel de physique
(1905) qui n'hésite pas à écrire dans le journal nazi : « le meilleur exemple de
l'influence dangereuse des Juifs sur les sciences de la nature a été fourni par Einstein
et ses théories fondées sur des calculs mathématiques bancals […] »
Les nazis lancèrent la chasse aux Juifs dans toutes les sociétés scientifiques
allemandes. Max Born, James Franck, Otto Stern tous prix Nobel de physique doivent
abandonner leurs postes. Même le fameux Haber (prix Nobel de chimie) qui a
tellement fait pour renforcer la puissance militaire allemande pendant la Première
Guerre Mondiale, est contraint de démissionner (il meurt à Bâle en 1934). Les seuls
scientifiques réputés qui désavouèrent clairement les nazis furent Max von Laue et
Otto Hahn. Planck également essaya de résister. Einstein écrira le 18 décembre 1948
à Otto Hahn « l'attitude des intellectuels allemands, comme classe, n'a pas été
différente de celle de la plèbe ».
Loin de se laisser intimider Einstein lança une condamnation sans appel du nouveau
régime et démissionna de l'Académie des Sciences de Prusse et de la Société de
Physique allemande (il avait succédé à Max Planck à sa présidence). Il dénonça la
cruauté nazie en ces termes : « L'autoritarisme et le militarisme gouvernent leur
système d'éducation. Leur obéissance aveugle est due aux ordres qui tombent d'en
haut. Leur tyrannie fondée sur l'antisémitisme et le maintien de la terreur périra
inévitablement de son propre poison ». Pas moins de douze prix Nobel quittent
l'Allemagne à cause du nouveau statut de la fonction publique. Une grande partie de
l'élite scientifique allemande est chassée et se réfugie aux États-Unis principalement,
déplaçant peu à peu outre-Atlantique le centre de gravité de la recherche de pointe.
Après la guerre, Einstein sera constamment approché pour renouer les liens avec
l'Allemagne à travers nominations et décorations. Ce sera toujours le même refus. En
1951 lorsque les Allemands veulent le réintégrer dans l'Ordre Allemand du Mérite, il
refuse une fois de plus tout contact et la moindre relation « au nom de mes frères
martyrisés, dit-il, c'est une responsabilité collective que je dénonce, une responsabilité
imprescriptible ».
Einstein n'a épargné aucun effort, aucune énergie pour venir en aide à tous ceux qui
furent persécutés, juifs et non-juifs. Il vendit aux enchères des livres et des manuscrits
pour les sauver, appliquant ce précepte du Talmud qu'il ignorait: « Celui qui sauve
une seule vie, c'est comme s'il sauvait toute l'humanité ».
Einstein Prix Nobel
Einstein fut nominé 62 fois pour le Prix Nobel ! Alors comment se fait-il que le plus
grand savant depuis la création du prix Nobel (1901) ait été si longtemps écarté ? Il
semble qu'il y ait au moins deux raisons : la théorie de la relativité posait un grand
nombre de questions à d'éminents physiciens parmi lesquels des membres du Comité
d'attribution du prix Nobel qui étaient plutôt des spécialistes de la physique
expérimentale (parmi eux un membre influent Allvar Gullstrand qui s'est opposé à
Einstein parce qu'il ne comprenait rien à la relativité), et l'influence de Lenard luimême prix Nobel de physique (1905) qui a distillé son "venin antisémite".
C'est en 1922 qu'Arnold Sommerfeld (1868 – 1951) rédigea une lettre enthousiaste en
faveur d'Einstein. De nombreux et grands savants l'imitèrent parmi lesquels le
physicien français Marcel Brillouin, le mathématicien français Jacques Hadamard,
l'astrophysicien suisse Robert Emden et les fidèles amis d'Einstein : Max von Laue,
Paul Langevin, Edward Poulton d'Oxford, tous d'éminents savants.
C'est Carl Wilhelm Oseen de l'Université d'Uppsala qui fit un rapport fort élogieux en
faveur d'Einstein. Einstein reçut (enfin !) le prix Nobel de physique en 1921 « pour ses
contributions à la physique théorique et en particulier pour sa découverte de la loi de
l'effet photoélectrique ». Il reçoit le prix en 1922 attribué au titre de l'année 1921 (cette
année là, le prix Nobel n'a pas été attribué « faute de candidats présentés »).
Einstein est parti au Japon en octobre 1922 pour six semaines et c'est juste quelques
jours avant qu'il débarque qu'il apprit la nouvelle par un télégramme reçu sur le
bateau. On remarquera qu'Einstein n'a pas reçu le prix Nobel pour sa théorie de la
relativité restreinte mais pour la découverte de l'effet photoélectrique. Il a fallu onze
ans pour donner raison à Einstein. C'est Millikan, prix Nobel de physique (1923) qui
annonce « qu'Einstein avait prédit exactement les résultats observés ». Et Millikan
ajoute : « j'ai passé dix ans de ma vie à vérifier expérimentalement l'équation trouvée
par Einstein en 1905… Je fus contraint d'affirmer, en 1915, que sa confirmation était
indiscutable en dépit de son caractère déraisonnable, car elle semblait contredire tout
ce que nous savions sur les interférences lumineuses ».
Einstein ne s'est pas présenté pour la réception du prix Nobel (étant au Japon).
L'ambassadeur d'Allemagne soutint contre son collègue suisse qu'Einstein était
allemand, oubliant qu'au moment de son élection à l'Académie des sciences de Berlin
Einstein avait pourtant bien stipulé qu'il n'acceptait cette élection qu'avec la garantie
de pouvoir garder sa nationalité suisse. L'incident diplomatique fut clos : c'est
l'ambassadeur de Suède en Allemagne qui remit à Einstein la médaille et le diplôme
du prix Nobel. À cette occasion Einstein donna une conférence sur la relativité à
Göteborg en juillet 1923, devant la société scandinave, en présence du roi Gustave V
et deux mille personnes.
Comme il l'avait promis, Einstein remit la totalité du prix, soit 120'000 couronnes
(environ 180'000 francs suisses) à Mileva, en trois versements : 1923, 45'000
couronnes pour l'achat d'un immeuble et en 1930, 40'000 couronnes pour acheter
deux maisons, le reste était déposé au nom de Mileva dans une banque de New York.
Einstein aux U.S.A
Tournant définitivement le dos à l'Allemagne nazie, Einstein se réfugie aux
États-Unis. Il y arrive le 17 octobre 1933 accompagné de sa femme Elsa, de
son assistant Dr. Walter Mayer et de sa secrétaire Helen Dukas. Sa venue est
saluée comme un grand événement. Invité par le Président Roosevelt, le
couple Einstein se rend à la Maison Blanche en janvier 1939.
Le fondateur et directeur de l'Institute For Advanced Studies, le professeur
Abraham Flexner, lui renouvela son offre de 1927 en lui garantissant qu'il
pourrait se consacrer entièrement à ses recherches comme à l'Institut Kaiser
Wilhelm de Berlin (sans obligation d'enseigner). C'est en août 1935
qu'Einstein, sa femme Elsa (qui mourut une année plus tard) et sa fidèle
secrétaire s'installent au 112 Mercer Street à Princeton, dans le New Jersey.
C'est dans cet endroit qu'il passera le reste de sa vie, consacrant son temps à
la physique mais aussi au combat sans relâche pour la dignité humaine. Il
continuera de parler haut et fort contre les nazis. Il soutenait le camp
républicain dans la guerre civile espagnole « je serai, dit-il, constamment
insulté et diffamé de mon vivant à cause de mon combat pour la vérité et la
justice, mais on me canonisera après ma mort ».
Un correspondance invraisemblable lui parvenait de partout. Il n'y répondait
jamais, sauf pour réparer une injustice ou aider quelqu'un dans une situation
difficile. Il traitait tout le monde en égal, avait du respect pour chacun. Il offrit
des exemplaires de ses livres à des paysans et des garagistes. Les gens
l'aimaient beaucoup, son côté simple et modeste le rendaient attachant.
Allergique à toute forme d'injustice, il s'est battu pour la grâce des Rosenberg,
a défendu des Noirs injustement accusés, a pris la défense de Robert
Oppenheimer (1904 – 1967) le grand physicien américain, lors de son procès
le 15 avril 1954. Le F.B.I surveilla Einstein pendant plus de vingt ans. Il était
fiché en tant que « pacifiste, penseur libéral ». Il est néanmoins devenu citoyen
américain le 1er octobre 1940, cinq ans après en avoir fait la demande.
En 1936, l'Université de Pennsylvanie nomina Einstein parmi les dix meilleurs
professeurs au monde.
Pour ses septante ans, la crème des physiciens fut invitée à présenter des
communications sur les développements issus de la Théorie de la Relativité.
Einstein fit remarquer : « pourquoi infliger une corvée à des gens importants et
occupés qui se sentiront obligés de se montrer aimables envers un vieux
savant ? » Ce fut une grande ovation, toute la salle se leva pour l'applaudir
comme un seul homme.
Einstein mourut à Princeton le 18 avril 1955 à 1h15 d'une rupture d'anévrisme
de l'aorte. Selon sa volonté, il fut discrètement incinéré. Le sort de ses cendres
restera tenu secret…
Einstein et la bombe
Contrairement à ce que continue de croire une bonne partie de l'opinion
publique, Einstein n'a pas participé au "Projet Manhattan" qui devait conduire à
la construction de la bombe atomique. Plus tard, il écrira à son ami Linus
Pauling, prix Nobel de chimie (1954) « j'ai commis une seule erreur dans ma
vie, le jour où j'ai signé cette lettre au président Roosevelt ».
L'histoire commence en 1938 avec la découverte de la fission nucléaire par
Otto Hahn et Fritz Strassmann. Peu après, le phénomène fut expliqué
correctement par Lise Meitner (1878 – 1968) qui quitte l'Allemagne à cause de
ses origines juives et se réfugie en Suède, et son neveu Otto Frisch : des
noyaux d'uranium, sous l'action de neutrons lents, se scindent en deux en
libérant de l'énergie et de nouveaux neutrons. Léo Szilard, brillant esprit et
angoissé de nature conclut que la fission découverte en Allemagne pourrait
constituer l'arme absolue entre les mains des nazis. Peu écouté aux États-Unis
où il s'est réfugié (Hongrois d'origine) mais tenace et courageux il décida d'aller
alerter Einstein. Il fut accompagné par deux autres Hongrois d'origine, le futur
prix Nobel de physique (1963) Eugène Wigner et Édouard Teller, le futur père
de la bombe H (thermonucléaire). Les trois parvinrent à convaincre Einstein,
qui se trouve en vacances à Long Island où il fait de la voile (son sport favori),
de l'avancement des travaux dans ce domaine en Allemagne, et à lui faire
signer la fameuse lettre du 2 août 1939 qui devait alerter le président F.D.
Roosevelt sur la possibilité des armes atomiques. La lettre n'est arrivée que le
11 octobre 1939 et la réponse de Roosevelt date du 19 octobre.
Le "projet Manhattan" démarre sous la responsabilité du général Leslie Groves
et de la direction scientifique de Robert Oppenheimer. C'est l'union sacrée en
Amérique. Ingénieurs, physiciens, techniciens, militaires et industriels
s'engagent dans l'une des plus terribles aventures humaines. Le comité de
préparation sous la responsabilité de Vannevar Bush, ingénieur et
mathématicien, invita Einstein qui refusa net. « le refus de collaborer sur les
questions militaires devrait être un principe moral essentiel pour tous les
véritables savants »
Sur le plan scientifique Enrico Fermi obtint pour la première fois, le 2 décembre
1942, une réaction nucléaire contrôlée ("pile atomique").
C'est à Los Alamos, dans le désert du Nouveau-Mexique, que les deux
bombes se feront. La première à l'uranium 235 lancée sur Hiroshima (6 août
1945) et la seconde au plutonium lancée sur Nagasaki (le 9 août). Elle feront
plus de deux cents mille victimes. Einstein qui croyait se battre contre les
nazis, découvre qu'il s'était battu pour la bombe. « Si j'avais su qu'on ferait la
bombe, je me serais fait cordonnier » dira-t-il. Apprenant la nouvelle
concernant la bombe il poussa un cri de désespoir « Hélas, mon Dieu ».
Einstein fera tout pour éviter une course aux armements nucléaires. "L'appel
Russel-Einstein" sera lancé à Londres par plusieurs prix Nobel et le
mouvement Pugwash naîtra deux ans après la mort d'Einstein.
Lettre au Président
Roosevelt
Albert EINSTEIN
Old Grove Road
Nassau Point
Peconic,
Long Island
Monsieur,
à F. D. ROOSEVELT
Président des États-Unis
Maison Blanche
Washington D.C
2 août 1939
Quelques travaux récents de E. Fermi et L. Szilard, qui m'ont été communiqués sous
la forme manuscrite, m'amènent à penser que l'élément uranium peut devenir, dans un avenir
immédiat, une nouvelle et importante source d'énergie. Certains aspects de la situation ainsi
créée semblent demander une vigilance particulière et, si nécessaire, une action rapide de la
part de l'Administration. C'est pourquoi, je crois qu'il est de mon devoir de porter à votre
attention les faits et les recommandations suivants :
Au cours des quatre derniers mois, il est devenu probable – par le travail de Joliot en
France, ainsi que celui de Fermi et Szilard en Amérique – d'envisager la possibilité de
provoquer une réaction en chaîne nucléaire dans une grande masse d'uranium, réaction par
laquelle pourraient être produites une énorme puissance et de grandes quantités de nouveaux
éléments analogues au radium. Il apparaît maintenant presque certain que ceci pourrait être
réalisé dans un avenir immédiat.
Ce nouveau phénomène pourrait aussi conduire à la fabrication de bombes et on peut
concevoir – bien que ce soit beaucoup moins sûr – que des bombes extrêmement puissantes
d'un nouveau type pourraient être ainsi construites. Une seule bombe de ce type amenée par
bateau et explosant dans un port, pourrait très bien détruire le port entier ainsi qu'une partie du
territoire environnant. De telles bombes pourraient cependant bien s'avérer trop lourdes pour
être transportées par avion.
Les États-Unis possèdent, seulement en quantités modérées, des minerais très
pauvres en uranium. Il y a quelques bons minerais au Canada et dans l'ancienne
Tchécoslovaquie, mais la source d'uranium la plus importante est le Congo Belge.
En raison de cette situation, il peut vous paraître souhaitable de maintenir des contacts
permanents entre l'Administration et le groupe de physiciens travaillant sur les réactions en
chaîne en Amérique. Une manière de parvenir à ce but serait pour vous de confier cette tâche
à une personne qui aurait votre confiance et qui pourrait peut-être agir à titre officieux. Sa
tâche pourrait inclure ce qui suit:
a) prendre contact avec les différents ministères, en les tenant informés des
développements ultérieurs, et proposer des recommandations pour une action
gouvernementale, en veillant tout particulièrement à ce que les États-Unis soient assurés d'un
approvisionnement en minerai d'uranium.
b) d'accélérer le travail expérimental qui est, jusqu'à présent, mené dans les limites
des budgets des laboratoires universitaires, en procurant des fonds, si de tels fonds étaient
demandés, par l'intermédiaire de ses contacts avec des particuliers prêts à apporter des
contributions pour cette cause et peut-être aussi en obtenant la coopération de laboratoires
industriels disposant de l'équipement nécessaire.
Je crois savoir que l'Allemagne a actuellement arrêté la vente d'uranium provenant des
mines de Tchécoslovaquie dont elle a pris le contrôle. Qu'elle ait décidé d'une telle mesure
aussi rapidement pourrait peut-être se comprendre par le fait que le fils du Sous-Secrétaire
d'État Allemand aux Affaires Étrangères, von Weizsäcker, travaille à l'Institut Kaiser Wilhelm
de Berlin où une partie du travail américain sur l'uranium est actuellement en train d'être
répétée.
Avec mes sentiments dévoués,
Albert Einstein
Einstein et
l'identité juive
C'est le regard des antisémites et leur haine raciale qui ont donné
conscience à Einstein de son identité juive dont il s'était détaché,
comme l'a fait l'immense majorité des juifs allemands de l'époque.
Devenus citoyens à part entière, les Juifs s'assimilèrent et se
"germanisèrent" devenant « plus allemands que les Allemands ».
En 1920, Einstein dénonça "l'esprit de servilité" et la lâcheté des
juifs germanisés.
Très vite, Einstein est confronté à la réalité : la voie de l'assimilation
est illusoire, les Juifs doivent assumer leur identité. Sa conscience
juive se renforça le lendemain de l'Armistice où un antisémitisme
virulent rongea toute la société allemande.
Juif, pacifiste et démocrate, il devient alors le juif le plus connu mais
aussi le plus détesté et le plus attaqué.
Cette "pathologie mentale" qu'est l'antisémitisme touche même des
savants éminents parmi lesquels deux Prix Nobel de physique. Ces
derniers mènent une campagne contre Einstein et ce qu'il appèlent
la "physique juive", à savoir la théorie de la relativité et la théorie
des quanta. Pour Einstein, l'identité juive s'exprime : « par la soif de
connaissance pour elle-même, un amour quasi-fanatique du
sentiment de justice et l'aspiration à l'indépendance personnelle ».
Sa définition du judaïsme n'est pas de nature religieuse. C'est
plutôt « une attitude morale dans la vie et pour la vie en
sacralisation du vivant ». Son attachement au peuple juif, qu'il
appelle "ma tribu" est indéfectible et inconditionnel « partageant
une communauté de destin particulier ». Cette communauté de
destin, Einstein l'exprime à sa façon : « ce qui unit les juifs, et les a
unis depuis des millénaires, est avant tout un idéal démocratique
de la justice sociale, l'idée de devoir s'entraider et la tolérance
mutuelle entre tous les hommes sans distinction aucune ». Le
judaïsme est pour lui un ensemble de valeurs éthiques et morales
et c'est au nom de ces valeurs qu'il fera tout pour venir en aide aux
Juifs et non-Juifs qui sont en situation de détresse.
Einstein et la foi
Lorsque, en 1911, l'empereur François Joseph offrit à Einstein la chaire
de physique de l'Université de Prague, il exigea, comme il était de
coutume à l'époque, qu'il indique sa religion. Einstein mentionna
"mosaïque", terme officiel à Prague pour désigner la religion juive.
Contrairement à ce qu'on peut parfois lire sur lui, Einstein était
profondément religieux, mais sa croyance en Dieu n'est pas dans le
sens théologique. Sa conception de Dieu s'exprime "dans la magnifique
harmonie du Cosmos". Pour Einstein, « Dieu se cache dans
l'architecture ou l'horlogerie cosmique ». De ce point de vue Einstein est
"spinoziste" (Baruch Spinoza (1632 – 1677), philosophe panthéiste,
excommunié en 1656, auteur de l'Éthique en 1677 pour qui le salut
passe par la connaissance). Einstein admire Spinoza qui représente à
ses yeux « l'une des âmes les plus pures et les plus profondes qu'ait
produites notre peuple juif »
Pour Einstein, la notion de pureté, d'humilité et une grandeur d'âme sont
nécessaires pour appréhender la notion de Dieu « Nous voyons, dit-il, un
univers merveilleusement arrangé et qui obéit à certaines lois, nous ne
comprenons seulement vaguement ces lois… Nos esprits limités ne
peuvent appréhender la force mystérieuse qui meut les constellations. »
Pour le Grand-Rabbin de Genève (Dr. Alexandre Safran) qui l'a
rencontré en 1947 à Princeton et qui a longuement discuté avec lui
« Einstein, avec son émerveillement devant l'harmonie de l'univers,
appartient à la famille des mystiques juifs. »
Pour Einstein, il s'agit plutôt d'une religiosité cosmique qui consiste à
s'étonner, à s'extasier devant les harmonies des lois de la nature qui
sont la manifestation d'un esprit bien supérieur à celui de l'homme. Être
religieux pour Einstein signifie « être libéré des chaînes des désirs
égoïstes propres ».
Einstein qui ne se séparait jamais de son violon (il aimait beaucoup la
musique, surtout Mozart, Bach et Haydn) rencontra Yehudi Menuhin lors
d'un concert que ce dernier donna le 12 avril 1930 à la Synagogue de
Berlin (Menuhin n'avait alors que 13 ans). Einstein se précipita sur lui et
s'exclama « Maintenant je sais qu'il y a un Dieu au ciel. »
Pour aider les œuvres de bienfaisance, Einstein n'hésitait pas à mettre
une "kippa" (couvre-chef) sur la tête et jouer avec son violon dans les
synagogues. Lui-même disait: « je ne peux concevoir un scientifique
authentique qui n'aurait pas une foi profonde. »
Einstein et l'Université
Hébraïque de Jérusalem
Kurt Blumenfeld, l'un des dirigeants du mouvement sioniste en Allemagne
demanda à Einstein de se joindre à Chaïm Weizmann (1874 – 1952)
professeur de Chimie à l'Université de Manchester (il avait enseigné à
l'Université de Genève de 1901 à 1904), l'un des principaux dirigeants
sionistes et futur premier président de l'État d'Israël, pour rechercher les fonds
nécessaires à la création à Jérusalem d'une université hébraïque.
La bourgeoisie juive allemande voit d'un mauvais œil cette implication
d'Einstein qui lui-même d'ailleurs n'appréciait guère ce genre d'action. Bien
que réservé à cette époque sur la question du nationalisme juif, il accepte cette
mission car, pour lu,i un temple juif du savoir symbolise parfaitement sa vision
du sionisme. Il écrit le 9 mars 1921 à son ami Fritz Haber (1868 – 1934), prix
Nobel de chimie en 1918 : « … la perspective de construire une université
juive me remplit d'une joie particulière, après avoir été, ces derniers temps,
témoin d'innombrables exemples de perfidie et de méchanceté avec lesquelles
on traite ici de jeunes juifs remarquables dans le but de leur couper les
moyens d'accéder à l'éducation […] ».
Weizmann et Einstein débarquent à New-York le 2 avril 1921. L'accueil qui leur
est réservé est très chaleureux. Il y a huit mille personnes dans la salle et trois
mille autres dehors. Weizmann parle plus d'une heure et demi, Einstein moins
d'une minute. A la fin de la séance, tout le monde se lève comme un seul
homme pour les ovationner.
Einstein s'impliqua personnellement dans le plan d'étude en mathématiques et
physique. Il veut un enseignement scientifique de haut niveau et un foyer
rayonnant de la spiritualité juive. (Il ne serait pas déçu aujourd'hui). A son
retour du Japon il s'arrête quelques jours à Jérusalem où il prononce, le 7
février 1923, devant une salle comble de personnalités juives et non-juives un
discours où il exalte le rôle de la science dans la collaboration entre les
peuples. Déjà à cette époque il lance un appel pour une coopération
scientifique régionale. Pour remercier l'Université Hébraïque de Jérusalem de
l'accueil qu'elle lui a réservé, Einstein offrit à la Bibliothèque de cette Université
le manuscrit de sa Théorie de la Relativité Générale.
Einstein fut président du Conseil académique de l'Université dont il
démissionna en 1928 (en raison de divergences avec J.L. Magnes, président
de l'Université). Il reviendra au Conseil en 1935 lorsque l'Université prit une
orientation plus en accord avec ses vues.
En 1933 avec l'arrivée des nazis au pouvoir, Einstein décline une offre de
l'Université car il considère le responsable du programme de recherches
comme incompétent. Il décide finalement de se rendre à Princeton.
Einstein a reçu le 15 mars 1949 un doctorat honoris causa l'Université
Hébraïque dont il fut une trentaine d'années plus tôt l'un des fondateurs.
Einstein et le sionisme
C'est à Prague, en 1911, qu'Einstein se trouva confronté à la question
juive. Cette ville est à cette époque un foyer rayonnant de la culture
juive. Einstein fait la connaissance de grands intellectuels juifs : Max
Brod (1844 – 1968), Franz Kafka (1883 – 1924), Franz Werfel (1890 –
1945) et Hugo Bergmann (1883 – 1975). Loin d'être un nationaliste (c'est
contraire à sa nature), Einstein rêve dans le sionisme un foyer de
civilisation, de paix et de progrès pour tous les habitants, Juifs et Arabes,
vivant en harmonie. Certaines de ses déclarations peuvent être
qualifiées de prophétiques. Une fois de plus, l'Histoire lui aura donné
raison.
Revenant du Japon le 7 février 1923, il fait escale en Terre sainte et
déclare « C'est le plus beau jour de ma vie; c'est un grand moment de la
libération de l'âme juive. Cela a été possible grâce au mouvement
sioniste, et personne au monde ne pourra détruire ce qui a été
accompli. »
Concernant les relations entre Juifs et Arabes, il déclare : « on doit
concevoir une politique de rapprochement afin de parvenir à une
meilleure compréhension mutuelle… Les Arabes sont facilement
poussés au fanatisme religieux par une caste de politiciens qui ont
intérêt à les maintenir séparés des Juifs ». Son attachement à ses frères
juifs est sans équivoque : « La relation que j'entretiens avec le peuple juif
est devenue le lien humain le plus fort que je puisse éprouver ».
La recherche de la paix est une constante dans la vie d'Einstein : « je
crois que les deux grands peuples sémites qui ont apporté, chacun à sa
manière, une contribution impérissable à la culture de l'humanité
occidentale contemporaine peuvent avoir un grand avenir commun et
doivent se soutenir mutuellement dans leurs aspirations nationales et
culturelles… »
Après le décès de Chaïm Weizmann (1952), Ben Gourion, alors premier
ministre, propose à Einstein de devenir président de l'État d'Israël. Il
refuse : « je n'ai ni la compétence naturelle ni l'expérience nécessaire
pour résoudre les problèmes humains et exercer des fonctions
officielles ».
Quatre jours avant sa mort (survenue le 18 avril 1955), Einstein
rédige un texte dans lequel il met en garde les grandes puissances
contre les menaces qui pèsent sur l'État d'Israël, dont il considérait
la naissance comme "l'un des rares événements politiques qui aient
eu un réel sens moral".
L'année miraculeuse
d'Einstein
En l'espace de six mois, du 17 mars au 27 septembre 1905, Einstein va
publier six articles dont cinq vont devenir immortels, ce qui fait de l'année
1905 l'annus mirabilis. A son ami Conrad Habicht, Einstein écrit « je te
promets en échange quatre articles dont le premier est très
révolutionnaire. »
• Le premier article s'intitule « Un point de vue heuristique concernant
la production et la transformation de la lumière ». Il est envoyé à
l'éditeur le 17 mars 1905 qui le publie le 9 juin dans la revue Annalen
der Physik. Il introduit une véritable révolution en physique : l'énergie
a une structure quantifiée (la théorie quantique est née le 14
décembre 1900 à la conférence donnée par Max Planck devant la
Société allemande de physique). Cette notion de quanta de lumière
ne sera admise qu'une quinzaine d'années plus tard. Einstein
découvre la loi de l'effet photoélectrique (ce qui lui vaudra le prix
Nobel de physique 16 ans plus tard). Einstein défie toutes les
structures admises : la lumière est ondes et quanta. Comme la
matière, la lumière est discontinue. C'est une propriété qui ne s'y
substitue pas mais s'y ajoute; les ondes se voient ainsi attribuer les
propriétés d'une particule.
• Le deuxième article « Une nouvelle détermination des dimensions
moléculaires » est son travail de doctorat. Einstein donne une
nouvelle méthode pour déterminer les rayons moléculaires et le
nombre d'Avogadro (N = 6.02 1023). Le directeur de sa thèse (Kleiner)
juge ce travail insuffisant et par deux fois le mémoire est refusé par
l'Université de Zurich. Einstein ajoute deux phrases et il est
finalement accepté… Cette thèse est d'une grande importance bien
qu'elle soit très courte : 17 pages ! Elle est dédiée à son ami Marcel
Grossmann. Acceptée le 15 juillet 1905, elle est publiée dans
Annalen der Physik en 1906. Einstein obtint le titre de docteur le 15
janvier 1906 à Zurich. Le texte de sa thèse est l'un des plus cités en
physique aujourd'hui encore. En 1909, Jean Perrin (1870 – 1942)
vérifia expérimentalement avec une grande précision la formule
donnée par Einstein concernant le nombre d'Avogadro.
• Le troisième article est consacré au mouvement brownien (du nom du
botaniste écossais Robert Brown (1773 – 1858)), c'est à dire à une
manifestation macroscopique de l'existence des atomes. Il arrive aux
Annalen der Physik le 11 mars et s'intitule « Le mouvement des
particules en suspension dans les fluides au repos requis par la
théorie cinétique moléculaire de la chaleur ». Einstein complétera cet
article par un autre en décembre 1905 : « À propos de la théorie du
mouvement brownien ».
• Le quatrième article intitulé « À propos de l'électrodynamique des
corps en mouvement » arrive aux Annalen der Physik le 30 juin 1905.
Il s'agit d'un texte de 30 pages et c'est le texte fondateur de la théorie
de la relativité. Röntgen (1845 – 1923), prix Nobel de physique en
1901, a eu la sagesse de le publier. Einstein remet en cause ce qui
était considéré depuis des siècles comme les piliers de la physique : il
remet en cause notre conception de l'espace et du temps absolus.
L'existence d'une vitesse limite, celle de la lumière, indépendante du
mouvement de sa source, anéantit le caractère d'un espace absolu et
d'un temps absolu. Seule la vitesse de la lumière est absolue. La
contraction de l'espace et la dilatation du temps découlent de cette
théorie.
Avec sa théorie de la relativité restreinte, Einstein réconcilie
l'électromagnétisme et la mécanique. La seule personne remerciée
dans ce travail est Michele Besso avec qui il avait eu une journée de
discussions sur les contradictions induites par l'invariance de la
vitesse de propagation de la lumière (un concept contraire à la règle
de composition des vitesses de Galilée). Après une nuit agitée,
Einstein rencontre Besso et, avant même de le saluer, il s'exclame
« merci, j'ai entièrement résolu le problème ». L'éther devient superflu
et il est rejeté par Einstein. La lumière n'a pas besoin de ce support.
• Nous arrivons finalement au cinquième article « L'inertie d'un corps
dépend-elle de son contenu en énergie ? » Il arrive aux Annalen der
Physik le 27 septembre en post-scriptum à l'article précédent (celui
du 30 juin). Il contient la formule la plus célèbre que connaît le public :
E = mc2 et qui immortalise Einstein dans le portrait où il tire la langue
à un journaliste. En trois pages, Einstein montre que la masse et
l'énergie rayonnante d'un corps sont équivalentes et convertibles
l'une en l'autre. Cette équation, qu'on trouve dans tous les livres de
physique, est reproduite par toutes les formes de publicité. Elle a de
nombreuses applications dans notre vie quotidienne : énergie
électrique d'origine nucléaire, tomographie à émission de
rayonnement synchrotron appliquée à un large ensemble d'activités
en recherche fondamentale (sciences du vivant) et en recherche
appliquée (chimie, pharmacie).
Théorie de la
relativité générale
La relativité générale est la théorie de l'infiniment grand. C'est une
théorie dans laquelle la gravitation est interprétée comme une force
d'inertie résultant de la déformation de l'espace-temps causée par la
présence d'une masse. Pour Einstein, la gravitation n'est plus une
propriété intrinsèque de la matière mais une manifestation de l'espace
courbe.
La relativité "restreinte" ne s'applique qu'aux référentiels inertiels
(galiléens, c'est à dire en mouvement rectiligne à vitesse uniforme les
uns par rapport aux autres). Einstein se demande « si le principe de
relativité vaut également pour des systèmes qui sont accélérés les uns
par rapport aux autres ». Quand il entreprend son travail en 1907, il est
découragé par la complexité du formalisme mathématique nécessaire à
sa nouvelle théorie. C'est son ami Marcel Grossmann qui vient à son
secours. Après neuf ans d'efforts, Einstein dira : « À côté de ce
problème, la première théorie de la relativité [restreinte de 1905] est un
jeu d'enfant ». Il arrive à poser le principe d'équivalence : « l'égalité des
masses inertes et des masses pesantes ». Autrement dit, localement
l'effet de la gravitation est identique à celui produit par une accélération.
Il n'y a donc pas de différence entre un champ de gravitation et un
référentiel accéléré; tous deux sont localement équivalents. En
conséquence, l'espace n'est plus euclidien ; le champ de gravitation est
un espace courbe !
Les grandeurs "temps" et "espace" sont remplacées par l'"espacetemps". On peut représenter l'espace-temps comme une feuille
quadrillée élastique déformée par la présence de masses, comme un
trampoline. S'il n'y a pas d'objets, donc pas de champs de gravitation,
l'espace-temps est plat comme la surface d'un trampoline sur lequel il n'y
a rien. Mais si on est en présence d'un objet massif, l'espace-temps se
courbe, la feuille se creuse comme un trampoline chargé. L'espacetemps est courbé par la matière.
Cette théorie apportera des réponses à de nombreuses questions telles
que l'origine de l'univers, le Big-Bang, la déviation des rayons lumineux
près du soleil, le déplacement du périhélie de Mercure (périhélie : point
de la trajectoire le plus proche du soleil), la démonstration de l'existence
d'ondes gravitationnelles, les "trous noirs" (objets célestes massifs dont
la gravitation serait telle que même la lumière qui devrait s'en dégager
ne pourrait que retomber vers l'intérieur) et l'effet de décalage vers le
rouge d'une lumière passant à proximité d'un objet massif.
Le manuscrit de la théorie de la relativité générale a été vendu une
première fois aux enchères à Sotheby's, en 1987, pour une valeur de 1.2
million de dollars. Il a été revendu une seconde fois aux enchères à New
York, le 16 mars 1996, par la même maison pour 3.3 millions avant
d'être acheté par la famille du financier genevois Edmond Safra pour 4
millions. La famille Safra l'a généreusement offert au Musée d'Israël à
Jérusalem.
Les équations définitives du champ de gravitation sont données le 25
novembre 1915 ; quant à la synthèse finale, le texte fondateur, il est
publié en mars 1916 dans les Annalen der Physik où Grossmann est
remercié.
Pour vérifier la théorie de la relativité générale, deux expéditions ont lieu
lors de l'éclipse solaire du 29 mai 1919. L'une est dirigée par Arthur
Eddington à l'Ile de Principe, vers la Guinée espagnole, et l'autre par
Crommelin à Sobral, au nord du Brésil. Les résultats confirment la
théorie d'Einstein. J. J. Thomson (qui a découvert l'électron) déclare lors
de la séance de la Royal Society du 6 novembre 1919 qu'il préside : « la
théorie d'Einstein est le plus grand monument de l'histoire de la pensée
humaine. »
On peut dire qu'Einstein est le père de la cosmologie moderne. Plusieurs
de ses idées sont également à la source de nombreuses technologies :
DVD, lecteurs CD, lasers industriels et chirurgicaux, système GPS…
alors que se profile une deuxième révolution quantique.
Pour ce qui est de la première révolution, celle de la mécanique
quantique développée dans les années 1920 et qui se révéla fructueuse,
son interprétation en termes de probabilités se heurta à une résistance
farouche et acharnée d'Einstein. Pendant les 30 dernières années de sa
vie il ne cessa, seul contre tous, de répéter à qui veut l'entendre : « Dieu
ne joue pas aux dés. ». Niels Bohr, l'un des grands maîtres de cette
interprétation de la physique lui répond : « Mais qui êtes-vous, Einstein,
pour dire à Dieu ce qu'il doit faire ? »
Einstein est resté déterministe jusqu'à la fin de sa vie, à la recherche
d'une théorie unifiée qui sera reprise par des générations de jeunes
chercheurs dans la voie de la Grande Unification.
Remerciements
Cette exposition a été conçue et réalisée par
Isaac BENGUIGUI avec le soutien logistique et
les conseils d'Alfred MANUEL et Renald
CARTONI du pôle de recherche national MaNEP
que je tiens à remercier.
Mes remerciements vont également au Dr. Éric
HAUF, président de l'Association Suisse des
Amis de l'Université Hébraïque pour tous ses
encouragements et sa disponibilité ainsi qu'à
Madame Julie SAFDIÉ, secrétaire.

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