19. Les enjeux de l`eaudans le monde

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19. Les enjeux de l`eaudans le monde
19. Les enjeux de l’eau dans le monde
« Dans un très grand nombre de pays, même dans des contrées assez verdoyantes qui ne
semblent pas touchées par la sècheresse, l’eau est de plus en plus considérée aujourd’hui
comme un bien rare. » (Yves Lacoste - L’eau dans le monde - Larousse)
L’eau, et particulièrement l’eau potable, est un élément essentiel pour comprendre les
rapports que les hommes tissent entre eux car «il n’y a pas de développement humain
sans maîtrise, même imparfaite, du cycle de l’eau» (Loïc Fauchon dans Franck Galland L’eau - Géopolitique - Page 9). Dans un monde où la qualité et la rareté de l’eau sont des
facteurs de mortalité beaucoup plus meurtriers que les conflits, certains n’hésitent
pas à avancer que les « guerres de l’eau sont déjà déclarées ».
Qu’en est-il aujourd’hui ? Quels défis attendent les hommes du XXIe siècle face à une
pénurie qui semble annoncée ?
1. Un constat irréfutable : une inégalité criante des ressources
en eau
Les ressources en eau en m3 par habitant et par an
Pas d’information
500
500 - 1000
1000 - 1700
1700 - 5000
5000
Sources : FAO - chiffres 2005
On estime que 12 pays se partagent 75 % des ressources naturelles en eau alors que
dans le même temps le manque d’eau touche 1,1 milliard de personnes. Les chiffres
publiés par le FAO des Nations Unies en 2007 sont éloquents :
119
Les ressources en eau
France
USA
Egypte
Arabie Saoudite
Ressources externes
en eau (en M3 par hab
et par an)
3 321
10 075
773
99,3
Taux de dépendance
en eau vis-à-vis de
l’extérieur (%)
12,4
8,23
96,9
0
Aquastat, base de données des Nations Unies
a. L’inégale répartition de l’eau douce : une première explication naturelle
La distribution de l’eau est naturellement déséquilibrée à la surface du globe. En effet,
la circulation des vents s’effectue des pôles vers l’Equateur, mais sous l’effet de la
rotation de la Terre, ils sont déviés vers l’Ouest : ce sont les fameux alizés (ventos
lissios, vents lisses, réguliers) que les marins européens vont chercher dans la
zone intertropicale depuis plusieurs siècles pour traverser l’Atlantique. La rencontre
entre les alizés des hémisphères Nord et Sud s’effectue dans la zone appelée « front
intertropical » et provoque une élévation des vents en tourbillons verticaux. Chargées
d’humidité par l’évaporation des océans qu’elles ont survolés, ces masses d’air se
refroidissent sous l’effet de l’altitude puis repartent en direction du Nord-Est (ce sont
les contre-alizés) où elles iront déverser leurs précipitations. En dessous de ces
colonnes verticales, c’est un air très sec qui domine et explique en partie l’existence de
zones très arides comme le Sahara ou le désert arabique. On est dans un cas de figure
similaire si on s’intéresse au phénomène de la mousson qui déverse de fortes pluies
saisonnières sur l’Asie du Sud.
Evolution et progression de la population mondiale (en millions d’habitants)
10 000
Population
9 000
8 000
7 000
Nombre
de bains
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
1 750
1 800
1 850
1 900
1 950
2 000
2 050
2 100
b. L’inégalité géographique est accrue par le facteur humain
Évolution et projection de la population mondiale urbaine (chiffres issus de World
population prospects - ONU).
L’humanité est confrontée depuis le début de la Révolution industrielle au XIXe siècle
à une croissance démographique inégalée. En 150 ans, la population mondiale a été
multipliée par 12.
Peuplée par environ 2 milliards de personnes en 1950, notre planète est aujourd’hui
occupée par 6,5 milliards d’êtres humains. Ce nombre devrait atteindre 8 milliards en
2020 dont une part de plus en plus importante d’urbains.
120
Cette formidable croissance creuse les inégalités. En effet, ce sont les pays dont l’indice
de développement humain est le plus faible qui connaissent les taux de croissance
démographique et d’urbanisation les plus forts (croissance des bidonvilles…).
Dans les pays en voie de développement ou dans les pays les moins avancés,
l’augmentation des densités urbaines pose d’évidents problèmes à tel point que dans
certaines régions on parle de stress hydrique :
• nécessité d’aller capter l’eau potable de plus en plus loin et dans des quantités de
plus en plus importantes,
• sous peine de conséquences sanitaires désastreuses, l’évacuation des excréments
et le traitement des eaux usées nécessitent la construction urgente de réseaux
d’égouts à la fois très coûteux et très consommateurs en eau.
Dans les pays développés, alors que les ressources et les conditions d’accès à l’eau
potable sont satisfaisantes, d’autres problèmes se posent :
• malgré une croissance démographique ralentie, les hommes continuent de se
concentrer sur des espaces relativement restreints,
• la consommation d’eau potable est devenue une marque de développement et de
confort dont l’absence est inimaginable pour un pays développé,
• les activités industrielles sont de fortes consommatrices d’eau et entrent en
concurrence avec les usages domestiques.
2. L’augmentation des besoins en eau
a. Les origines de la révolution hydraulique
On appelle révolution hydraulique la période qui se caractérise par l’accès massif d’une
société à l’eau potable.
C’est la révolution industrielle qui a amené les sociétés modernes à effectuer ce qu’on
appelle la révolution hydraulique.
De la révolution industrielle à la révolution hydraulique
CROISSANCE
DES BESOINS EN EAU
• Besoin pour l’industrie
Élévation
du niveau de vie
RÉVOLUTION
INDUSTRIELLE
Croisssance
démographique
Découvertes médicales,
progrès de l’hygiène
Croissance urbaine
• Besoins pour le confort
domestique
• Besoins alimentaires
• Besoins en eau potable
révolution hydraulique nécéssaire
Hausse de la production
industrielle
121
On peut expliquer l’augmentation des besoins en eau par de multiples facteurs :
croissance démographique, progrès de l’hygiène, usages domestiques, autant de défis
fondamentaux que les pays en développement doivent impérativement relever. Il faut
que les hommes aillent chercher l’eau là où elle se trouve pour l’amener là où ils vivent.
b. Se procurer l’eau
Dans cette quête de l’eau potable, la construction de barrages est certainement l’une
des plus vieilles techniques de captation et l’une des plus répandues à la surface du
globe. En effet, on estime aujourd’hui à 45 000 le nombre de ces ouvrages dont environ
22 000 se situent sur le territoire chinois.
La réalisation d’ouvrages hydrauliques peut avoir divers objectifs :
• nourrir les populations : 70 % de l’eau captée est consacrée à l’agriculture (selon
la FAO, 40 % des surfaces irriguées sont directement liées à un barrage, ce qui
représente 270 millions d’hectares cultivés dans le monde) ;
• produire de l’énergie : 22 % de l’eau des barrages va vers les activités industrielles
et notamment vers la production d’hydroélectricité.
Situés dans des zones montagneuses ou dans des vallées étroites, ce sont généralement
des barrages de haute chute (ex : le barrage Atatürk en Turquie dont la hauteur est de
150 m) ;
• alimenter les usages domestiques (8 % de l’eau potable environ) ;
• se préserver des crues et des inondations : si l’eau est un besoin vital pour l’homme,
il doit aussi s’en protéger. Ainsi, la construction du plus grand barrage au monde (le
barrage des Trois Gorges en Chine) est non-seulement destinée à fournir 10 % de
la consommation d’électricité chinoise, mais aussi à protéger les populations des
fortes crues du Yangzi Jiang. Les conséquences environnementales et humaines
sont lourdes.
Les étapes de la révolution hydraulique
LÀ OÙ L’EAU SE TROUVE
Capter l’eau
(sources)
Acheminer l’eau
(canaux)
Stocker l’eau
(bassins réservoirs)
Distribuer l’eau
(réseaux d’adduction)
LÀ OÙ VIVENT LES HOMMES
ÉVACUER/TRAITER
LES EAUX USÉES
(STATIONS D’ÉPURATION…)
122
Usine hydroélectrique
(photo prise du barrage d’Assouan
visible en arrière plan)
Enfin, le dessalement de l’eau de mer constitue un autre moyen de se procurer de l’eau
potable. Bien que très couteux financièrement et énergétiquement, il permet à des pays
en situation de stress hydrique prononcé, mais disposant de quantités considérables de
pétrole, d’exploiter l’immense réserve d’eau qu’est la mer. Ainsi, l’eau issue des usines
de dessalement de l’Arabie Saoudite permet de fournir 80 % de l’eau de sa capitale
Riyad. Cette possibilité reste exceptionnelle ; il est donc préférable de préserver les
ressources d’eau douce existantes (lutte contre les pollutions).
3. L’eau et les grands défis du XXIe siècle
« Aujourd’hui et encore plus demain, l’eau inspire et inspirera la politique des Etats et
les logiques d’aménagement du territoire. L’eau est et sera un enjeu de puissance et
une source de tension » (Franck Galland).
Bien qu’inégalement réparti à la surface de la Terre, le stock global des ressources
en eau douce reste relativement stable (elles sont constituées des eaux issues des
précipitations et des aquifères fossiles*). Mais ce sont les besoins qui augmentent et
qui en font un enjeu central.
(*) Aquifère fossile : nappe d’eau qui s’est constituée à des époques géologiques antérieures et qui n’est
plus alimentée. Elle ne se renouvelle donc plus.
a. De l’eau pour tous : les effets de la croissance démographique
Les effets de la pression de la croissance démographique sur les ressources en eau
douce sont aggravés par la concentration des populations dans les zones urbaines,
particulièrement dans les régions du monde où le niveau de développement est faible.
Dans les pays du «Tiers Monde», on assiste de plus en plus à une montée des
revendications pour une plus grande et plus juste répartition de l’eau (l’eau comme
bien inaliénable), mais celles-ci se heurtent parfois aux compagnies privées
(généralement situées dans les pays développés de l’hémisphère nord) qui possèdent
les capitaux et les savoir-faire en matière d’opérations hydrauliques.
La croissance démographique a également une incidence directe sur l’augmentation
des besoins alimentaires :
• l’UNICEF estime à 3 000 litres par jour la quantité d’eau nécessaire à la fabrication
des produits d’alimentation, contre 30 litres pour se laver,
• la FAO estime que les surfaces irriguées augmenteront d’environ 14 % d’ici à
2035. L’agriculture devra répondre à la nécessité de produire davantage tout en
réduisant sa consommation en eau.
123
b. Le problème de l’accès à l’assainissement
En 2006, on estime que 2,6 milliards de personnes, soit 42 % de la population mondiale,
n’ont pas accès à l’assainissement. La situation est particulièrement dramatique dans
les grandes villes du Sud : la population croît trop vite pour que les pouvoirs publics
puissent mettre en œuvre les infrastructures nécessaires. Le rejet incontrôlé des eaux
usées et des ordures, ajouté à l’absence de drainage des eaux de surface, entraîne la
pollution des ressources en eau douce et la recrudescence des maladies hydriques.
La situation de l’assainissement dans le monde
Taux de couverture par pays en 2004
91 - 100 %
76 - 90 %
51 - 75 %
26 - 50 %
0 - 25 %
Absence de donneés
Source : OMS - 2004
c. L’eau, l’environnement et les conséquences de la Révolution industrielle
Les effets connus et attendus de la Révolution industrielle sur le climat sont les suivants :
Augmentation des activités industrielles et humaines
Augmentation de rejets :
• De C02 (Combustion des énergies fossiles…)
• De Méthane (traitement des ordures ménagères…)
Stagnation de la chaleur terrestre dans les basses couches
de l’atmosphère (elle est retenue par ces gaz à effet de serre)
Augmentation de la température atmosphérique
Augmentation de la température
des mers et des océans
Augmentation de l’évaporation
de l’eau des océans
Surcharge en eau des basses couches de l’atmosphère
124
Le lien entre la progression des sociétés industrielles et le réchauffement de la planète
est aujourd’hui bien établi. Quelques chiffres peuvent aider à en prendre conscience :
• les rejets de dioxyde de carbone (CO2) ont augmenté de 30 % en deux siècles,
• la température moyenne de la planète a augmenté de 0,8° depuis 1860, avec une
accélération à partir de 1975 (les 20 plus chaudes années sont toutes concentrées
entre 1980 et 2005).
En revanche, les spécialistes ne s’accordent pas tous sur les conséquences réelles et
leur ampleur pour les décennies à venir. Plusieurs questions sont ainsi posées :
Quel avenir pour les océans ?
Les effets combinés de la baisse probable de la salinité océanique et de
l’augmentation du niveau des océans (estimée entre 10 et 90 cm au-dessus du niveau
actuel vers 2100) dues à la fonte des calottes glaciaires risquent de menacer la faune
et la flore marines déjà mises à mal dans l’Atlantique avec les variations mesurées
des températures et la modification de circulation des courants de surface et de
ceux des eaux profondes.
Enfin, le rôle d’absorption du carbone que jouent les océans sera réduit si leur
température augmente.
Quelles craintes pour le climat ?
La surcharge en eau des basses couches de l’atmosphère (due à l’augmentation de
l’évaporation océanique) risque d’accroître les contrastes climatiques.
À titre d’exemple, il est probable que les climats actuellement tempérés de
l’hémisphère Nord connaissent à l’avenir une augmentation des sécheresses d’été
et une croissance des précipitations d’hiver.
On risque également de voir un glissement des climats équatoriaux vers le Nord,
une croissance du phénomène des moussons en Asie et une probable progression
de l’aridité vers le Nord (de l’Afrique notamment).
Enfin, selon le GIEC*, 200 millions de personnes vivant en zones côtières
pourraient être exposées à des risques d’inondations accidentelles (soit 3 fois plus
qu’aujourd’hui).
(*) GIEC : Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat. Groupe créé en 1988 par l’OMM (Organisation
météorologique mondiale) et le PNUE (Programme des Nations-Unies pour l’environnement).
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