Télécharger - Sixième Son
Transcription
Télécharger - Sixième Son
Les marques de sport aussi ont besoin d’être entendues A l’heure où les marques se font chahuter par une génération Y suspicieuse dès que l’on parle de « marketing », à l’heure où ces mêmes marques sont désireuses de se créer un capital émotionnel, les marques dans le monde du sport continuent de nous faire rêver, d’entretenir un lien affectif très fort avec leurs publics. Pour autant, un sujet leur échappe : la musique. “We are the Champions”, “The eye of the tiger”, “We will rock you”… Les clichés ont bien souvent le vent en poupe lorsqu’il s’agit d’utiliser de la musique dans le monde du sport. Ma madeleine de Proust est à la fois musicale et sportive. Je me souviens en effet des grandes années des Chicago Bulls avec Jordan, Rodman, Pippen… Je me levais la nuit ou enregistrais les matchs et là, quelle mise en scène ! Avant le match, l’entrée des joueurs, pendant et après le match… la musique y jouait à la fois un rôle d’entertainment mais aussi un rôle identitaire. 15 ans plus tard, les grands clubs français toutes disciplines confondues ou les grands événements sportifs ont toujours beaucoup de retard en la matière. Ma passion pour le sport en général m’a fait découvrir de nombreux stades et événements et le constat est quasi systématiquement le même : la musique est utilisée avec beaucoup d’amateurisme, toujours en illustration et jamais comme un outil identitaire. Pire, si l’on regarde attentivement les nombreux canaux de communication des marques de sport, l’utilisation du son est incohérente voire schizophrène. Les exemples sont nombreux en ce sens. La saison dernière, un célèbre DJ censé animer le Parc des Princes a diffusé « Jump » de Van Halen devant 45 000 supporters parisiens incrédules. Pour les néophytes, cette chanson est la musique d’entrée des joueurs de l’ennemi historique du PSG, l’OM. Il n’y avait évidemment pas de néophytes dans les travées du stade ce jour-là : sifflés, huées… Mais l’OM ne fait pas mieux en proposant pour le premier match de cette saison dans son stade flambant neuf des places pour aller voir Lady Gaga à … Paris. J’étais présent ce jour-là dans le nouveau stade Vélodrome et les réactions négatives autour de moi n’ont pas manquées. Le retard pris dans le monde du sport tient avant tout à un mauvais diagnostic : les acteurs principaux considèrent la musique comme un outil fonctionnel, opérationnel. Le besoin d’une musique en média se fait sentir : on utilise une première musique, une autre pour un film de marque. Pour une playlist dans le stade, on fait appel à une maison de disques qui place ses artistes et revend exactement la même sélection à un autre acteur. Avec la multiplication des canaux de diffusion, l'erreur est de penser qu'il faut davantage de musique et de son pour satisfaire un public toujours plus exigeant. C’est une fausse idée qui conduit à la dilution de son identité, de sa spécificité, bref de ce qui crée l’attachement et qui conduit le public jusqu’au stade. Il faut au contraire un univers musical précis et défini en accord avec ses valeurs et son positionnement. Il ne faut pas plus de musique, mais « mieux de musique ». Il convient de rappeler que la musique doit répondre à un triple enjeu dans le monde du sport : C’est d’abord un enjeu business pour donner de la valeur à la marque et conforter ses valeurs et son positionnement C’est ensuite un enjeu média en s’adaptant aux prises de paroles de l’annonceur sur l’ensemble de ses canaux de diffusion grand public C’est enfin évidemment un enjeu supporter pour faire vivre in situ l’imaginaire de marque, fédérer le public et contribuer à la relation affective avec la marque. Dans un lieu de vie et d’accueil comme un stade, la musique joue un rôle expérientiel mais aussi signalétique. Pour les marques plus "traditionnelles", BtoB ou BtoC, la relation client de demain sera avant tout affective et cela quelle que soit la marque en question, qu'elle soit locale ou multinationale. Or les marques dans le monde du sport ont déjà un lien émotionnel et affectif très fort avec leur public. Mais dans un contexte de concurrence accrue, l'erreur peut se payer cash. Avec l'importance des réseaux sociaux, la caisse de résonance est d'autant plus forte que le public est intransigeant. C'est un public qui est en musique bien plus averti que celui d'il y a encore 10 ans. Au grand dam des maisons de disque qui n'ont pas encore trouvé de réponse économique, la musique est entrée dans le quotidien de milliards de personnes et s'affirme désormais comme une porte ouverte vers l'intimité des gens. C'est une chance formidable de pouvoir travailler sur ce lien qui ne fait pas de distinction de langue ou d'origine, qui parle à tout le monde et qui peut rassembler. Le parallèle est d’ailleurs évident puisque c’est dans ces mêmes stades qu’ont lieu des concerts gigantesques. Depuis un an, nous avons la chance d’accompagner la Fédération Française de Tennis qui a compris ces enjeux et s’est saisi de l’opportunité de créer un précédent dans son secteur et même plus loin, dans le monde du sport. L’identité sonore Roland Garros est d’ailleurs récompensée par le Prix Stratégies du Design Musical 2014, tant pour sa dimension créative que par l’audace et l’initiative. Roland Garros a désormais un outil musical identitaire, pérenne et adaptable à toutes ses prises de parole et se projette vers l’avenir. La France accueillera très bientôt de belles compétitions internationales en Basket, Foot, Golf, Athlétisme … et c’est tant mieux. En plus des retombées économiques, nous n’avons jamais autant eu besoin de nous retrouver dans ces lieux de vie et de partage. Dans ces moments de rêve que le sport nous offrira, la musique aura, c’est sûr, un rôle à jouer. Laurent Cochini, Directeur Conseil Sixième Son