Pratiques cultuelles - Espagne

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Pratiques cultuelles - Espagne
MINISTERE DE LA JUSTICE
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES
PARIS
LES PRATIQUES CULTUELLES
EN MILIEU CARCERAL
LE CAS DE L’ESPAGNE
Etude à jour au 1er juillet 2007
INTRODUCTION. PRESENTATION GENERALE DU DROIT PENITENTIAIRE ET DU SYSTEME
CARCERAL ESPAGNOL .................................................................................................................................. 4
I. LE PRINCIPE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE DES DETENUS ............................................................. 5
A. LE PRINCIPE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE ET SES LIMITES ................................................................ 5
B. LES DONNEES RELATIVES A L’APPARTENANCE RELIGIEUSE DES DETENUS .................................. 6
1. La protection des données ......................................................................................................................... 6
2. L’utilisation statistique de ces données ..................................................................................................... 7
I. L’APPLICATION DU PRINCIPE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE DES DETENUS........................... 8
A. LE STATUT DES MINISTRES DU CULTE .................................................................................................. 8
1. Le statut privilégié du culte catholique...................................................................................................... 8
2. Le statut des cultes évangélique, juif et islamique (ayant signé des accords avec l’Etat) ......................... 8
3. Le statut des cultes n’ayant pas signé des accords avec l’Etat (mais inscrits au Registre des institutions
religieuses) .................................................................................................................................................. 10
4. Le statut des cultes non inscrits au Registre des institutions religieuses................................................. 10
B. LE RAPPORT ENTRE LES BESOINS DES DETENUS ET L’ASSISTANCE JURIDIQUE PROPOSEE .... 10
C. LES ASPECTS INDIVIDUELS DE L’EXERCICE DE LA LIBERTE DE RELIGION OU DE CROYANCE .. 11
1. Le droit de posséder divers objets religieux et de porter les signes distinctifs de sa religion ................. 11
2. Le droit de respecter le régime alimentaire prescrit par sa religion....................................................... 12
D. LES MANIFESTATIONS RELIGIEUSES COLLECTIVES ......................................................................... 12
2
PRINCIPAUX TEXTES LEGISLATIFS CITES
Constitution espagnole de 1978
Loi organique n° 15/99, du 13 décembre relative à la protection des
données à caractère personnel
Décret présidentiel n° 190/1996, du 9 février, approuvant le Règlement
pénitentiaire
Loi organique n° 1/1979, du 26 septembre, dite loi générale pénitentiaire
Ordre du 24 novembre 1993, publiant l’accord relatif à l’assistance
religieuse catholique dans les établissements pénitentiaires
Décret présidentiel n° 710/2006, du 9 juin relatif au développement des
Accords de coopération conclus par l’Etat avec la Fédération des
institutions évangéliques d’Espagne, la Fédération des communautés
juives d’Espagne et la Communauté islamique d’Espagne dans le
domaine de l’assistance religieuse pénitentiaire
Instruction n° 6/2007, relative aux confessions religieuses
Instruction n° 1/2005
Loi n° 24/92, du 10 novembre, relative à l’Accord de coopération de l’Etat
avec la Fédération des institutions religieuses évangéliques
d’Espagne
Loi n° 25/92, du 10 novembre, relative à l’Accord de coopération de l’Etat
avec la Fédération des communautés israélites d’Espagne
Loi n° 26/92, du 10 novembre, relative à l’Accord de coopération de l’Etat
avec la Comission islamique d’Espagne
Loi organique n° 7/1980, du 5 juillet, relative au droit à la liberté religieuse
3
INTRODUCTION.
PRESENTATION
GENERALE
DU
DROIT PENITENTIAIRE ET DU SYSTEME CARCERAL
ESPAGNOL
La Loi Organique n ° 1/1979 du 26 septembre, d i t e l o i o r g a n i q u e g énérale
p énitentiaire1
(annexe
4), dans son article 7, distingue entre trois
catégories
d’établissements pénitentiaires :
-
les établissements de détention (Establecimientos de preventivos) qui sont des
centres destinés à la garde et à l a rétention des condamnés et des personnes
placées en détention provisoire (art. 8, LOGP) ;
-
les
établissements
pour l’exécution
des
peines privatives de libertés
(Establecimientos de cumplimiento de penas) qui accueillent les condamnés.
Parmi ces
établissements
on
fait
en co r e
la
distinction
entre
les
établissements à régime ordinaire et les établissements à régime ouvert (art. 9,
LOGP).
-
les établissements spéciaux (Establecimientos especiales) sont des centres où
l’assistance qui doit prévaloir. En leur sein, on distingue les centres hospitaliers,
les centres psychiatriques et les centres de réhabilitation sociale (art. 10, LOGP).
Il existe en Espagne trois régimes pénitentiaires (cf. décret royal n° 190/96, du 9
février approuvant le règlement pénitentiaire 2 - annexe 3 ; art. 9, LOGP – annexe 4 -).
Le régime ordinaire s’applique aux condamnés classés en « deuxième degré d e
t r ai t em en t p é n i t en t i ai r e » et à ceux qui n’ont pas encore été classés, a i n s i q u ’a u x
p e rs o n n e s p l a c é es e n d ét en t i o n p ro v i s o i r e. Le régime de semi-liberté s’applique
aux condamnés classés en « troisième degré de traitement pénitentiaire ». Il existe
aussi un régime fermé applicable aux condamnés classés en « premier degré » en raison de
leur dangerosité extrême ou de leur manifeste inadaptation aux régimes antérieurs, ainsi
qu’aux personnes placées en détention provisoire ayant les mêmes caractéristiques (art. 74
RP)3
1
Ci-dessous, LOGP.
Ci-dessous, RP.
3
Voir aussi, pour plus de détails, art. 7 à 14, LOGP et art. 73-98, RP.
2
4
I. LE
PRINCIPE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE DES
DETENUS
A. Le principe de la liberté religieuse et ses limites
En Espagne, la liberté idéologique, religieuse et de culte est un droit
fondamental reconnu par la Constitution (art. 16.1). La Constitution dispose également
que, dans les établissements pénitentiaires, les détenus jouissent pleinement de leurs
droits fondamentaux, à l’exception de ceux explicitement limités par une décision de
justice, par le sens de la peine ou par la loi pénitentiaire (art. 25.2). S’ajoutent à ces
limites celles issues de la nécessité de protéger l’ordre public (art. 16).
La loi dite « générale pénitentiaire n° 1/1979 (LOGP) dispose que l’activité
pénitentiaire doit se dérouler dans le respect de la personnalité humaine et des droits
des détenus qui ne se trouvent pas limités par une décision de justice, sans
discrimination en raison de la race, des opinions politiques, des croyances religieuses,
de la condition sociale ou de toute autre circonstance analogue. Par conséquent, les
détenus peuvent exercer en prison leurs droits civils, politiques, sociaux, économiques,
culturels, sans exclusion du droit de vote, dans la mesure où ces droits ne sont pas
incompatibles avec l’objet de la détention ou l’exécution de la condamnation (art. 3,
LOGP).
La reconnaissance de ces droits impose à l’Administration pénitentiaire
l’obligation de garantir la liberté religieuse des détenus et de mettre en œuvre les
moyens pour permettre l’exercice de cette liberté en prison (art. 54, LOGP). La liberté
religieuse garantie est celle concernant toute confession religieuse enregistrée.
Les mêmes principes sont rappelés par le Règlement pénitentiaire qui dispose
que le détenu continue à être un sujet de droit et n’est pas exclu de la société (cf.
notamment art. 3.2, 3.3. et 4, RP).
5
B. Les données relatives à l’appartenance religieuse
des détenus
1. La protection des données
Le droit espagnol interdit l’identification des détenus en fonction de leur
idéologie, religion ou croyance. Cette interdiction trouve son fondement dans la
Constitution (annexe n° 1) qui proclame :
- l’interdiction de toute discrimination en raison de la religion, de
l’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale
(art. 14) ;
- le droit à la liberté idéologique, religieuse et de culte, qui inclut le
droit à ne pas déclarer sa propre idéologie, religion ou croyance (art. 16.2) ;
- le droit à l’intimité (art. 18).
La loi organique n° 15/1999, du 13 décembre, dite de protection des données à
caractère personnel (annexe 2) qualifie les données relatives à l’idéologie, la religion et
les croyances de « données particulièrement protégées ». Dans la même ligne que la
législation générale, la réglementation pénitentiaire attribue aussi aux données relatives
à l’idéologie, la religion ou les croyances le caractère de « données pénitentiaires
particulièrement protégées » (article 8, RP).
On ne peut pas, par conséquent obliger les détenus à déclarer leur idéologie,
religion ou croyance ; le détenu ne peut pas renoncer à ce droit ; l’administration
pénitentiaire ne peut pas créer des fichiers avec le but exclusif de conserver ce type de
données (art. 7.1. et 7.4, loi n° 15/1999).
Les données à caractère idéologique ou religieux peuvent être collectées et
conservées seulement dans le but de faciliter l’exercice du droit à la liberté idéologique
ou religieuse du détenu (par exemple, pour lui permettre de recevoir l’assistance
religieuse demandée, une alimentation adéquate à ses croyances, etc.). Même dans ces
circonstances, seules les données pertinentes et non excessives par rapport aux finalités
poursuivies peuvent être collectées et traitées (art. 4.1, loi 15/1999) et seulement avec le
consentement explicite de la personne concernée (art. 7.1 et 8.1, RP ; art. 7.2, loi
n° 15/1999).
La collecte et le traitement de ce type de données sans le consentement explicite
de la personne concernée, la création de fichiers dans le simple but de conserver ces
données ou leur divulgation entraînent l’application de sanctions administratives très
sérieuses (art. 44.4, loi 15/1999). Le fait de divulguer ces données est même incriminé
pénalement (art. 197.5, du Code pénal).
Les recherches portant sur le sujet ne peuvent dès lors s’appuyer que sur des
enquêtes d’opinion et donc sur la participation volontaire des détenus.
6
2. L’utilisation statistique de ces données
Une étude élaborée à partir de données provenant de sondages d’opinion auprès
de 294 détenus des établissements pénitentiaires de Catalogne (sur une population
carcérale de 8000 personnes)4 constate que l’évolution des croyances dans la population
pénitentiaire suit, d’une façon légèrement plus accusée, la même tendance que celle de
la population dans son ensemble. La population carcérale, traditionnellement
majoritairement catholique (avec la présence de quelques minorités, principalement
d’ethnie gitane) est devenue d’une complexité cultuelle extraordinaire.
Le groupe le plus nombreux est celui des détenus catholiques (87 personnes),
renforcé par la présence de détenus d’origine latino-américaine. Ces derniers sont
habituellement demandeurs d’une assistance religieuse plus intense que les catholiques
autochtones. La nouveauté la plus significative des dernières années est le nombre très
important et croissant de détenus de religion islamique (65 personnes) ainsi que le
nombre de chrétiens réformés ou protestants. Un groupe mineur, mais en augmentation
constante, est constitué par les détenus orthodoxes provenant des pays de l’Est de
l’Europe (14 personnes). La présence d’autres religions est plutôt ponctuelle : un
bouddhiste et un adventiste de l’Eglise du Septième Jour. L’enquête ne fait pas état de
la présence de détenus juifs ou hindouistes. (ce qui ne signifie pas qu’il n’y en avait
pas).
Un autre aspect significatif est le nombre de détenus athées : 126 détenus se
déclarent non croyants ou ne souhaitent pas d’assistance religieuse. On peut ajouter à
cela que la proportion réelle de détenus athées pourrait être encore plus importante si
l’on tient compte du fait que la sélection des détenus enquêtés a été faite par les
assistants religieux et les volontaires intervenant dans les établissements.
4
L’assistència religiosa i la llibertat de culte en les presons de Catalunya, EDUARD IBÁÑEZ (coord.), Justícia i
Pau, Barcelona, 2006.
7
I. L’APPLICATION
DU PRINCIPE DE LA LIBERTE
RELIGIEUSE DES DETENUS
A. Le statut des ministres du culte
1. Le statut privilégié du culte catholique
L’article 3 de l’Ordre du 24 novembre 1993, portant publication de l’Accord sur
l’assistance religieuse catholique aux établissements pénitentiaires (annexe n° 5),
dispose que l’assistance religieuse des détenus est assurée par des curés désignés par
l’hiérarchie ecclésiastique et autorisés par la Direction Générale des Institutions
Pénitentiaires.
Cet accord conserve à l’Eglise Catholique certains privilèges traditionnels, tels
que l’intégration du curé (payé par l’Etat) dans l’organigramme pénitentiaire,
l’existence obligatoire d’une chapelle pour la célébration du culte catholique dans
chaque établissement pénitentiaire (pour les autres confessions ceci est facultatif),
l’impossibilité de refuser l’accès d’un curé en raison de l’existence d’un nombre
excessif de ministres du culte par rapport au nombre de détenus catholiques,
l’admission des intervenants catholiques volontaires qui ne remplissent pas, par
hypothèse, les conditions à réunir par les ministres du culte.
Les curés sont rémunérés par le Diocèse auquel ils appartiennent ; la charge
définitive de cette rémunération pèse sur l’administration pénitentiaire qui rembourse
ces frais aux Diocèses (art. 5 de l’accord de 1993 cité ci-dessus). La rémunération des
prêtres est de 1.750.000 pesetas5 (soit 10 542 euros) par an, pour un temps plein et de
875.000 pesetas (soit 5 271 euros) par an, pour un emploi à mi-temps, cotisations de
l’employeur incluses.
2. Le statut des cultes évangélique, juif et islamique (ayant signé des
accords avec l’Etat)
L’article 3.1 du décret royal n° 710/2006, du 9 juin, « portant développement
des Accords de coopération conclus par l’Etat avec la Fédération des Institutions
Religieuses Evangéliques d’Espagne, la Fédération des Communautés Juives
d’Espagne et la Commission Islamique d’Espagne, dans le domaine de l’assistance
religieuse pénitentiaire » (annexe n° 6), l’assistance religieuse aux détenus est assurée
par les ministres désignés par les confessions concernées et agréés par l’administration
pénitentiaire compétente.
Les ministres désignés doivent répondre à plusieurs exigences :
5
1euro = 166 pta.
8
-
exercer au sein d’une église ou d’une communauté appartenant à l’un des
trois organismes fédérateurs ayant signé les accords de coopération cités cidessus ;
-
exercer leur ministère de façon stable et certifiée par l’église ou la
communauté concernée ainsi que par l’organisme fédérateur dont elle
relève ;
-
être dûment affilié à la Sécurité Sociale, si la réglementation applicable à
leur confession l’exige (Instruction n° 6/2007 de la Direction Générale des
Institutions Pénitentiaires en matière de confessions religieuses - annexe
n° 7). Néanmoins, si l’assistance religieuse est assurée par des volontaires,
ceux-ci devront être couverts par une assurance souscrite par l’église ou la
communauté dont ils dépendent ;
-
pouvoir produire un extrait (vierge) du casier judiciaire. Les ministres du
culte étrangers devront prouver également l’absence d’inscription au casier
judiciaire de leur pays d’origine.
L’autorisation a une validité annuelle, est accordée pour un ou plusieurs centres
pénitentiaires et est reconduite automatiquement pour des périodes d’un an, sauf
décision contraire.
L’autorisation d’entrée de ministres du culte dans un établissement pénitentiaire
pourra être refusée si le nombre de ministres du culte appartenant à la même
confession, déjà présent dans le centre concerné, est considéré suffisant.
Les ministres du culte agréés mettront fin à leurs activités de leur propre
initiative ou à l’initiative de leur hiérarchie ecclésiastique. Cette décision devra être
communiquée à l’établissement pénitentiaire dans lequel ils interviennent qui la
transmettra à la « Sous-direction Générale de Traitement et Gestion Pénitentiaire ».
Si le ministre du culte réalise des activités non prévues dans le régime de
l’assistance religieuse, contraires aux règles de l’établissement ou à la règlementation
pénitentiaire générale, l’autorisation pourra être révoquée par la Direction Générale
l’ayant octroyée, par décision motivée prise après que le ministre concerné ait été
entendu. Si l’activité du ministre du culte porte sérieusement atteinte à la sécurité de
l’établissement, le directeur de l’établissement pourra, en attendant la décision de
l’organe compétent en matière de révocation, suspendre provisoirement l’autorisation,
par décision motivée.
Aux termes du décret royal n° 710/2006, les ministres des cultes sont rémunérés
« conformément aux accords de coopération signés avec l’Etat par leur communauté
respective ». Ces accords prévoit généralement que les frais d’assistance spirituelle sont
à la charge de la communauté religieuse. C’est le sens de l’article 9 de la loi n° 24/92,
du 10 novembre, portant approbation de l’accord de coopération entre l’Etat et la
Fédération des Institutions religieuses Évangéliques d’Espagne (annexe n° 9). L’article
9 de la Loi n° 26/92, du 10 novembre, portant approbation de l’accord de coopération
entre l’Etat et la Communauté Islamique d’Espagne (annexe n° 11) prévoit que « les
9
frais concernant la dite assistance seront supportés selon les termes convenus entre les
représentants de la Commission Islamique et la Direction des Centres pénitentiaires ».
3. Le statut des cultes n’ayant pas signé des accords avec l’Etat (mais
inscrits au Registre des institutions religieuses)
Si l’entité religieuse ne se trouve pas incluse dans les Accords de coopération
signés avec l’Etat, elle devra ajouter à la documentation mentionnée ci-dessus, le
certificat d’inscription au « Registre des Institutions Religieuses » du Ministère de la
Justice.
L’ensemble de la documentation exigée sera présenté par les institutions
religieuses aux établissements pénitentiaires dans lesquels leur intervention a été
demandée. A son tour, l’établissement devra transmettre le dossier à la « Sous-direction
Générale de Traitement et Gestion Pénitentiaire ». Cette dernière autorise l’activité
religieuse et l’entrée des ministres du culte dans l’établissement, sur la base d’un
rapport établi par « l’Unité de Coordination de Sécurité ».
Une fois accordée, l’autorisation suit le même régime que ci-dessus.
Après l’approbation de la Circulaire n° 6/2007, les régimes juridiques
applicables aux confessions ayant signé des accords avec l’Etat et aux confessions
inscrites au Registre se sont beaucoup rapprochés, bien qu’il subsiste certains avantages
pour les confessions ayant souscrit des accords avec l’Etat.
4. Le statut des cultes non inscrits au Registre des institutions
religieuses
L’assistance spirituelle des personnes appartenant à des groupes religieux non
inscrits au Registre Particulier des Institutions Religieuses du Ministère de la Justice ne
fait pas l’objet d’une réglementation spécifique. Il n’y a pas non plus de règles
spécifiques concernant l’assistance des détenus faisant état de croyances non religieuses
(de nature humaniste, philosophique, etc.).
La doctrine majoritaire considère que l’inscription au Registre n’est pas une
condition du droit à la liberté de religion et de croyance qui bénéficie donc à toute
personne.
B. Le rapport entre les besoins des détenus et
l’assistance juridique proposée
La protection particulière dont jouit ce type de données fait que les statistiques
sont rares. Néanmoins, une étude élaborée à partir de données provenant de sondages
d’opinion auprès de 294 détenus des établissements pénitentiaires de Catalogne (sur
10
une population carcérale de 8000 personnes)6 n’a pas fait apparaître de plaintes
importantes quant à un éventuel manque d’assistance religieuse.
Dans le cadre de cette enquête, les directeurs d’établissement signalent que :
-
tous les détenus qui le demandent ont accès à l’assistance religieuse, avec
les limitations propres du régime particulier de détention ;
-
la programmation des activités religieuses tient compte des horaires de la
vie des détenus dans l’établissement et se concentre principalement les
week-ends, aux moments où les détenus ne sont pas astreints à rester dans
leurs cellules.
Les détenus avancent quelques critiques concernant les locaux attribués, qui
souvent ne réunissent pas les conditions adéquates pour la concentration et la prière.
L’incompatibilité des horaires est aussi mentionnée par certains d’entre eux, ainsi que
le retard à l’ouverture des portes, le refus d’autorisation en raison de l’absence
d’inscription préalable ou le refus d’autorisation de l’entrée dans l’établissement de
certains ministres du culte.
Les ministres du culte se déclarent satisfaits dans l’ensemble des conditions de
leurs interventions, y compris de l’adéquation des locaux (même s’ils font état de
certaines “limitations dues à l’architecture du centre”) qu’ils partagent avec d’autres
activités telles que l’enseignement et les loisirs.
C. Les aspects individuels de l’exercice de la liberté
de religion ou de croyance
1. Le droit de posséder divers objets religieux et de porter les signes
distinctifs de sa religion
Bien que la règlementation de l’assistance religieuse dans les établissements
pénitentiaires ne le prévoit pas de façon explicite, la large reconnaissance du droit à la
liberté religieuse ne permet que des restrictions très limitées (cf. ci-dessus).
Par conséquent, en réservant l’hypothèse des objets pouvant être considérés
comme une menace pour l’ordre public en prison, les détenus sont libres de posséder
des objets de culte dans leur cellule.
Par ailleurs, étant donné que l’administration pénitentiaire n’impose pas aux
détenus le port de certains vêtements, tous les détenus peuvent s’habiller comme ils le
souhaitent et porter les signes distinctifs qu’ils désirent, sauf si cela porte atteinte à la
sécurité de l’établissement centre ou au respect des droits fondamentaux des autres
détenus.
6
L’assistència religiosa i la llibertat de culte en les presons de Catalunya, EDUARD IBÁÑEZ (coord.), Justícia i
Pau, Barcelona, 2006.
11
2. Le droit de respecter le régime alimentaire prescrit par sa religion
Conformément à l’article 230.3 du Règlement pénitentiaire, l’administration
pénitentiaire doit créer les conditions pour que les détenus bénéficient d’une nourriture
conforme aux prescriptions de leur religion et pour leur permettre l’accès aux rites et
festivités de leurs confessions, dans la limite des disponibilités budgétaires. L’article 24
de la loi organique dite « générale pénitentiaire » autorise les détenus à acheter des
produits d’alimentation et de consommation (leur mise en vente est gérée par
l’administration pénitentiaire soit directement soit à travers une concession
administrative).
En pratique, les détenus musulmans rencontrent des difficultés importantes à se
procurer une nourriture adéquate (la présence de la viande de porc et de ses dérivés est
habituelle) et à suivre le régime de vie propre à la période du Ramadan.
D. Les manifestations religieuses collectives
En ce qui concerne le culte catholique, l’administration pénitentiaire est tenue
d’aménager et d’entretenir au sein de chaque établissement pénitentiaire « une chapelle
pour la prière et si ceci n’est pas possible, un lieu adéquat pour la célébration des
actes de culte, dont les dimensions seront fonction des besoins religieux du centre, ainsi
qu’un bureau destiné au activités d’assistance religieuse » (art. 7 de l’Accord de 1993).
Quant aux autres cultes, l’aménagement de lieux de culte au sein des
établissements pénitentiaires n’est qu’une faculté de l’administration : « des locaux
pourront être aménagés dans les centres pénitentiaires pour la célébration du culte en
fonction de la demande existante ; des espaces d’usage multiple pourront être destinés
à ces buts » (art. 10, décret royal n° 710/2006).
La même différence peut être notée quant à la réglementation des activités
collectives de culte. Ainsi, l’assistance religieuse catholique comprend la célébration de
la Sainte Messe les dimanches et des festivités religieuses organisées facultativement
n’importe quel autre jour (art. 2, Ordre du 24 novembre 1993 relatif à la célébration des
actes de culte et à l’administration des sacrements), alors que pour les autres
confessions ayant signé des accords avec l’Etat, la célébration du culte est prévue les
jours mentionnés par les accords respectifs, mais elle « peut avoir lieu aussi à des
moments différents de ceux signalés » (article 7.2, décret royal n° 710/2000).
Ainsi, il est assez fréquent en pratique que les détenus musulmans ne disposent
pas d’un espace présentant la tranquillité suffisante pour la prière ou que la « prière du
vendredi » ne puisse pas se tenir ce jour-là.
12
Conclusion
L’inexistence d’un régime juridique commun pour tous les groupes religieux
oblige à faire la distinction entre la religion catholique et les autres confessions. C’est
en effet à l’égard des confessions autres que la confession catholique que l’exercice de
la liberté religieuse, théoriquement reconnue pour tous les détenus, peut se voir affectée
par des entraves importantes. Ces différences mettent en question la laïcité de l’Etat et
le principe d’égalité en matière de confessions religieuses et devrait entraîner à l’avenir
une modification de la législation.
Enfin, la question de l’assistance spirituelle en faveur des détenus appartenant à
des groupes religieux non enregistrés ou des détenus ayant des croyances non
religieuses (de nature humaniste ou philosophique) devrait être considérée par le
législateur.
13
ANNEXES
Annexe 1: Constitution espagnole de 1978
Annexe 2: Loi organique n° 15/99, du 13 décembre relative à la protection des données
à caractère personnel
Annexe 3: Décret présidentiel n° 190/1996, du 9 février, approuvant le Règlement
pénitentiaire
Annexe 4: Loi organique n° 1/1979, du 26 septembre, dite loi générale pénitentiaire
Annexe 5: Ordre du 24 novembre 1993, publiant l’accord relatif à l’assistance
religieuse catholique dans les établissements pénitentiaires
Annexe 6: Décret présidentiel n° 710/2006, du 9 juin relatif au développement des
Accords de coopération conclus par l’Etat avec la Fédération des institutions
évangéliques d’Espagne, la Fédération des communautés juives d’Espagne et la
Communauté islamique d’Espagne dans le domaine de l’assistance religieuse
pénitentiaire
Annexe 7: Instruction n° 6/2007, relative aux confessions religieuses
Annexe 8: Instruction n° 1/2005
Annexe 9: Loi n° 24/92, du 10 novembre, relative à l’Accord de coopération de l’Etat
avec la Fédération des institutions religieuses évangéliques d’Espagne
Annexe 10: Loi n° 25/92, du 10 novembre, relative à l’Accord de coopération de l’Etat
avec la Fédération des communautés israélites d’Espagne
Annexe 11: Loi n° 26/92, du 10 novembre, relative à l’Accord de coopération de l’Etat
avec la Comission islamique d’Espagne
Annexe 12: Loi organique n° 7/1980, du 5 juillet, relative au droit à la liberté religieuse
14
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION. PRESENTATION GENERALE DU DROIT PENITENTIAIRE ET DU SYSTEME
CARCERAL ESPAGNOL .................................................................................................................................. 4
I. LE PRINCIPE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE DES DETENUS ............................................................. 5
A. LE PRINCIPE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE ET SES LIMITES ................................................................ 5
B. LES DONNEES RELATIVES A L’APPARTENANCE RELIGIEUSE DES DETENUS .................................. 6
1. La protection des données ......................................................................................................................... 6
2. L’utilisation statistique de ces données ..................................................................................................... 7
I. L’APPLICATION DU PRINCIPE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE DES DETENUS........................... 8
A. LE STATUT DES MINISTRES DU CULTE .................................................................................................. 8
1. Le statut privilégié du culte catholique...................................................................................................... 8
2. Le statut des cultes évangélique, juif et islamique (ayant signé des accords avec l’Etat) ......................... 8
3. Le statut des cultes n’ayant pas signé des accords avec l’Etat (mais inscrits au Registre des institutions
religieuses) .................................................................................................................................................. 10
4. Le statut des cultes non inscrits au Registre des institutions religieuses................................................. 10
B. LE RAPPORT ENTRE LES BESOINS DES DETENUS ET L’ASSISTANCE JURIDIQUE PROPOSEE .... 10
C. LES ASPECTS INDIVIDUELS DE L’EXERCICE DE LA LIBERTE DE RELIGION OU DE CROYANCE .. 11
1. Le droit de posséder divers objets religieux et de porter les signes distinctifs de sa religion ................. 11
2. Le droit de respecter le régime alimentaire prescrit par sa religion....................................................... 12
D. LES MANIFESTATIONS RELIGIEUSES COLLECTIVES ......................................................................... 12
Annexes.................................................................................................................................................................14
Annexe 1: Constitution espagnole de 1978
Annexe 2: Loi organique n° 15/99, du 13 décembre relative à la protection des données à caractère
personnel
Annexe 3: Décret présidentiel n° 190/1996, du 9 février, approuvant le Règlement pénitentiaire
Annexe 4: Loi organique n° 1/1979, du 26 septembre, dite loi générale pénitentiaire
Annexe 5: Ordre du 24 novembre 1993, publiant l’accord relatif à l’assistance religieuse catholique dans
les établissements pénitentiaires
Annexe 6: Décret présidentiel n° 710/2006, du 9 juin relatif au développement des Accords de
coopération conclus par l’Etat avec la Fédération des institutions évangéliques d’Espagne, la Fédération
des communautés juives d’Espagne et la Communauté islamique d’Espagne dans le domaine de
l’assistance religieuse pénitentiaire
Annexe 7: Instruction n° 6/2007, relative aux confessions religieuses
Annexe 8: Instruction n° 1/2005
Annexe 9: Loi n° 24/92, du 10 novembre, relative à l’Accord de coopération de l’Etat avec la Fédération
des institutions religieuses évangéliques d’Espagne
Annexe 10: Loi n° 25/92, du 10 novembre, relative à l’Accord de coopération de l’Etat avec la
Fédération des communautés israélites d’Espagne
Annexe 11: Loi n° 26/92, du 10 novembre, relative à l’Accord de coopération de l’Etat avec la
Comission islamique d’Espagne
Annexe 12: Loi organique n° 7/1980, du 5 juillet, relative au droit à la liberté religieuse
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