CAS AH 356 FRENCH ART: Modern and

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CAS AH 356 FRENCH ART: Modern and
CAS AH 356
FRENCH ART:
Modern and Contemporary Art in Paris
Printemps 2011
Professeur : Daniel LESBACHES
CAS AH 356 : FRENCH ART :
Modern & Contemporary Art in Paris /
Art moderne & contemporain à Paris
Professeur :
Titre :
Adresse électronique :
Daniel Lesbaches
Ancien directeur de galerie d’art contemporain.
[email protected]
I. CARACTERISTIQUES
Session :
Salle de cours :
Nombre de séances :
Printemps 2011
D
14
Première séance :
Dernière séance :
Horaires des séances :
lundi 17 janvier
mercredi 2 mars
lundi et mercredi de 12h à 14h30
Examen final :
vendredi 4 mars
Visites de groupe :
4 visites à Paris
Permanences :
14h30-15h00 tous les lundis
Conférences :
3 mercredis à 18h00
(obligation d’assister à 2 des 3 conférences proposées)
II. PRESENTATION GENERALE
Le séminaire propose de traverser l’histoire des arts visuels parisiens − peinture, sculpture,
architecture, arts décoratifs, photographie et cinéma – de la seconde moitié du XIXe siècle jusqu’à
aujourd’hui, depuis la création des œuvres jusqu’à leur réception, en interrogeant plus
particulièrement la notion de « chef-d’œuvre ».
Du réalisme à l’impressionnisme, du post-impressionnisme au fauvisme, du cubisme aux
premières abstractions picturales, des ready-mades de Duchamp à Dada et au surréalisme, de
l’art conceptuel aux installations, des dernières avant-gardes à l’art d’aujourd’hui, les principaux
mouvements artistiques parisiens seront étudiés.
Nous considérerons les contextes historique, socioculturel et économique français, afin de mieux
comprendre le phénomène d’éclosion de la modernité au sein du creuset parisien ; quelques
incursions en Europe et en Russie permettront aussi de bien dégager les spécificités de la scène
artistique parisienne. Scène que nous essayerons enfin de décrypter à travers ses manifestations
les plus récentes, en consacrant les dernières séances et visites à l’art contemporain.
2
III. OBJECTIFS SPECIFIQUES
Le séminaire est une initiation à l’histoire des arts à Paris depuis 1849 jusqu’à aujourd’hui.
L’objectif du cours est de vous familiariser avec une discipline aussi riche que passionnante sur
une période donnée.
Cet apprentissage sera complété par les exercices du commentaire d’œuvre en histoire de l’art,
dit aussi « analyse plastique », des analyses de texte, et des comptes-rendus critiques
d’expositions.
Le cours, largement illustré, sera animé par les interventions orales des étudiants
(commentaires d’œuvres et de textes) qui donneront lieu à des discussions-débats.
La participation orale est essentielle. Cette participation peut prendre la forme de questions ou
de réflexions articulées autour des propos du cours ou des lectures.
Chaque semaine, les étudiants prépareront en amont le cours, en s’appuyant sur le recueil de
textes distribué lors de la première séance, ainsi que les manuels de référence Histoire de
l’art. Epoque Contemporaine. XIXe-XXe siècles (Philippe DAGEN et Françoise HAMON dir.), Paris,
Flammarion, 1995, L’art moderne et contemporain (Serge LEMOINE DIR.), PARIS, LAROUSSE, 2010
et le catalogue Chefs-d’œuvre ? (Metz, Centre Pompidou, 2010), ouvrages en accès libre dans la
bibliothèque de Boston University. Les étudiants devront, avant chaque cours, s’y reporter, en
lisant les pages indiquées pour préparer la séance.
Les étudiants compléteront cette préparation en allant consulter les ouvrages mentionnés dans
la bibliographie, qu’ils trouveront soit à la bibliothèque de Boston University, soit dans les
bibliothèques de quartier, publiques (BPI, Centre Pompidou, accès rue Beaubourg, Paris 4e) ou
spécialisées (Bibliothèque Forney, 1, rue du Figuier, Paris 4e).
Quatre visites de groupe à Paris seront également organisées, moments privilégiés pour
approfondir les connaissances et mettre en pratique le propos théorique du cours « face aux
œuvres ».
En complément, les étudiants visiteront individuellement les expositions et les collections
permanentes des musées parisiens. Car la connaissance passe autant par le regard que par les
livres : l’histoire de l’art est une discipline de curieux où l’on apprend à regarder, en allant
étudier les œuvres dans les musées et les galeries (mais aussi dans les jardins, les rues, sur les
places publiques, etc.). Comme les visites de groupe, les visites individuelles sont indispensables
et entrent dans le programme de cours ; elles permettront aux étudiants de participer plus
pertinemment aux discussions en classe.
L’étudiant choisira également une exposition d’art contemporain parmi les trois ci-dessous pour
réaliser un compte-rendu critique d’exposition (essai à rendre le 14 février).
1) Exposition de Claude Rutault à la galerie Emmanuel Perrotin (76 rue de Turenne, 75003 Paris
2) Exposition de Florence Doléac à la galerie Jousse entreprise (6 rue Saint-Claude, 75003 Paris)
3) VIP Art Fair, 22 - 30 janvier. Exclusively online at www.vipartfair.com
3
IV. CONTROLE CONTINU
A) La première intervention orale consistera en un commentaire d’œuvre que les étudiants
réaliseront, individuellement ou à deux (selon les effectifs), en effectuant les recherches
nécessaires à leur sujet (étude des contextes historique et artistique, connaissance de la vie et de
la carrière de l’artiste, commentaire de l’œuvre, de sa création à sa réception). Commenter et
analyser une œuvre requiert des connaissances, la maîtrise d’un vocabulaire, une méthode et
des outils spécifiques. Il s’agira de présenter les principales caractéristiques de l’œuvre (analyse
interne) et de restituer son importance dans la carrière de l’artiste et dans l’histoire de l’art
(analyse externe).
Les étudiants devront effectuer des recherches en bibliothèque. Ils pourront également se
servir du numériseur afin d’illustrer leurs propos sur l’écran qui se trouve dans la salle de cours.
L’intervention orale devra durer 10 minutes.
Les étudiants sont invités à venir consulter le professeur au moins une fois avant l’intervention
orale (voir les horaires de permanence). Une fois la préparation achevée, les étudiants seront
invités à rencontrer Hanadi Sobh pour parfaire le volet « forme » de l’intervention orale, c’est-àdire la qualité de la langue française. La préparation avec Hanadi est obligatoire (toute
absence à la préparation vaut dix points en moins sur la note de l’intervention).
L’absence à une intervention orale publique (en classe) vaut dix points en moins sur la note
finale du cours. La notation de l’intervention orale prendra en compte le travail de
recherches effectuées, la réflexion engagée autour de l’œuvre à commenter, les qualités de
synthèse et de présentation orale.
B) La seconde intervention orale à préparer individuellement ou à deux (selon les effectifs)
consistera en une courte analyse de texte. Il s’agira de la lecture d’un des textes du recueil
suivie d’une analyse de 5 minutes. L’étudiant remettra le même jour une synthèse écrite
d’une page au professeur.
C) L’essai sera le compte-rendu critique d’une exposition choisie parmi la liste proposée par
le professeur et visitée individuellement par l’étudiant. Le format sera de 3 pages environ (times
12, un interligne et demi). Une bibliographie spécifique, le communiqué de presse de l’exposition
et/ou des images pourront accompagner le commentaire.
L’essai sera à remettre au professeur le 14 février lors de la séance de cours. Tout retard dans la
remise du travail sera considéré comme une absence, selon la politique générale d’assiduité du
Paris Internship Program.
D) L’examen final portera sur la matière étudiée pendant la totalité du programme : cours,
interventions orales et débats, visites d’expositions, lectures préparatoires ainsi que textes
discutés en classe. L’utilisation d’un dictionnaire est autorisée.
L’examen final consistera en trois exercices :
• Reconnaissance d’œuvres
• Commentaire d’œuvre
• Essai
La séance du 2 mars sera totalement consacrée à la préparation de l’examen final.
4
V. NOTATION
Participation aux discussions et débats : 10%
Intervention orale / commentaire d’œuvre : 20%
Intervention orale et synthèse écrite / analyse de texte : 10%
Essai : 30%
Examen final : 30 %
Assiduité
En dehors de la présence aux cours, il vous est demandé d’assister à un minimum de 2
conférences du mercredi sur les 3 proposées par le programme (voir « Déroulement »). Si
vous n’y assistez pas, cela comptera comme 1 ou 2 absences.
Politique d’assiduité
1 retard :
1 absence en cours :
1 absence au RV avec Hanadi:
1 retard pour le travail écrit :
Travail écrit non remis :
Plagiat :
Absence à un examen :
Absence à un exposé en classe :
= 0,5 absence
-1 point sur la note globale du cours
Baisse de 10 points (1 lettre) de la note pour l’intervention orale
= 1 absence par séance dans la note d’assiduité
F = 55 points pour la note du travail en question
F = 55 points pour la note du travail en question
La note attribuée par défaut sera la note de l’autre examen minorée de 2 lettres =
20 points (baisse d’une lettre = 10 points sur la moyenne des 2 tests)
F = 55 points pour la note du travail en question
Équivalence lettres / notes sur 100
Plus de 93 :
90-92,5 :
87-89,5 :
83-86,5 :
80-82,5 :
A
AB+
B
B-
77-79,5 :
73-76,5 :
70-72,5 :
69-60 :
59,5-0 :
C+
C
CD
F
A
A
A
A/AAA-/B+
=
=
=
=
=
=
97
96
95
92,5
91
89,5
B+/AB+
B/B+
B
B/BBB-/C+
5
=
=
=
=
=
=
=
89,5
88
86,5
85
82,5
81
79,5
C+/BC+
C/C+
C
C/CCC-/D+
=
=
=
=
=
=
=
79,5
78
76,5
75
72,5
71
69,5
D+/ CD+
D/D+
D
D/DDF
=
=
=
=
=
=
=
69,5
68
66,5
65
62,5
61
55
VI. DEROULEMENT
Pendant 7 semaines, nous nous rencontrerons les lundis et mercredis de 12h00 à 14h30. Les
séances auront lieu en classe ou à l’extérieur lors des visites de groupe.
4 VISITES de GROUPE à PARIS (12h00-14h30) :
Mercredi 26 janvier :
Musée d’Orsay
Mercredi 9 février:
Musée d’art moderne de la ville de Paris / collections
permanentes + expositions temporaires
Mercredi 16 février :
Galeries d’art contemporain ou exposition temporaire d’art
contemporain
Mercredi 23 février :
Centre Georges Pompidou / Musée national d’art moderne :
4e étage / collections d’art contemporain
VISITES INDIVIDUELLES :
A inscrire dans votre agenda dès le début du semestre.
Pour l’essai, l’étudiant doit obligatoirement choisir une exposition parmi les trois proposées par
l’enseignant lors de la première séance. Il visitera individuellement l’exposition et en réalisera le
compte-rendu critique.
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PROGRAMME DES SEANCES
1. Lundi 17 janvier
Présentation générale du programme
Méthodologie : le commentaire d’œuvre en histoire de l’art
Introduction : le système académique français et les Salons parisiens du XIXe siècle
2. Mercredi 19 janvier
Réalisme(s) au XIXe siècle
Les premières expositions indépendantes
La naissance de la photographie
Méthodologie : l’analyse de texte
-
Texte 1 : Charles Baudelaire, « Le public moderne et la photographie », Salon de 1859.
3. Lundi 24 janvier
La « modernité baudelairienne »
L’invention de la vitesse, la naissance des loisirs et le « pleinairisme »
Impressionnisme, néo-impressionnisme et post-impressionnisme
Le développement du système marchand-critique
Intervention orale :
- Analyse du texte 2 du recueil : Charles Baudelaire, « La modernité », Le Peintre de la Vie Moderne
(1859-1860).
4. Mercredi 26 janvier
VISITE COMMENTÉE DU MUSÉE D’ORSAY
Point de rencontre :
Devant le comptoir de l’entrée B des groupes du musée d’Orsay, quai Anatole France (côté Seine).
Métro : Solferino, Assemblée Nationale ou RER Musée d’Orsay
à 12 heures
Pensez à vous munir de votre carte d’étudiant
MERCREDI 26 JANVIER- 18H00
CONFÉRENCE 1 : PAP NDIAYE
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5. Lundi 31 janvier
Les Salons d’art indépendants : le Salon d’Automne de 1905
Henri Matisse et le fauvisme
Stratégie d’exposition des avant-gardes
Interventions orales :
- Commentaire d’œuvre n°1 : Henri MATISSE [1869-1954], Le Luxe I, 1907, huile sur toile, 210 x 138
cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne.
- Analyse des textes 3 du recueil : André Gide, « Promenade au Salon d’Automne », Gazette des BeauxArts, 1er décembre 1905 ; Louis Vauxcelles, « Le Salon d’Automne », supplément au Gil Blas, 17
octobre 1905 ; Henri Matisse, « Notes d’un peintre », 1908.
6. Mercredi 2 février
Paul Cézanne
Le primitivisme dans l’art moderne
Le Cubisme
L’internationalisation de l’art moderne et l’Armory Show, New York, 1913
Interventions orales :
- Commentaire d’œuvre n°2 : Georges BRAQUE [1882-1963], Grand Nu, 1908, huile sur toile, 140 x
100 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne.
- Commentaire d’œuvre n°3 : Pablo PICASSO [1881-1973], Nature morte à la chaise cannée, mai 1912,
huile sur toile cirée entourée de corde, 29 x 37 cm, Paris, Musée national Picasso.
- Analyse du texte 4 du recueil : « Picasso parle », interview par Marius de Zayas in The Arts, New York,
mai 1923.
7. Lundi 7 février
Le futurisme et l’art du manifeste
Marcel Duchamp, Dada
« Le troisième œil » : photographie et cinéma surréalistes
Méthodologie : le compte-rendu critique d’une exposition d’art contemporain
Interventions orales :
- Commentaire d’œuvre n°4 : André BRETON [1896-1966], reconstitution du mur de l’appartement, rue
Fontaine, 1922-1966, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne.
- Analyse du texte 5 du recueil : Filippo Tommaso Marinetti, « Manifeste du Futurisme » (Paris, 1909).
- Analyse du texte 6 du recueil : Marcel Duchamp, À propos de Ready-mades (New York, 1961).
8
8. Mercredi 9 février
VISITE commentée du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (MAMVP)
Point de rencontre : devant l’entrée du Musée.
Métro : Alma Marceau ou Iéna.
à 12 heures
Pensez à vous munir de votre carte d’étudiant
9. Lundi 14 février
Abstractions : naissance et développement
Le développement de l’art abstrait selon Alfred H. Barr
Guernica et l’Exposition Internationale de 1937
Interventions orales :
- Commentaire d’œuvre n°5 : Sonia DELAUNAY-TERK [1885-1979], Le Bal Bullier, 1913, huile sur toile
à matelas, 97 x 390 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne.
- Commentaire d’œuvre n°6 : Pablo PICASSO [1881-1973], Guernica, 1937, huile sur toile, 349 cm x 776
cm, Madrid, Museo Nacional Reina Sofia.
- Analyse du texte 7 du recueil : Alfred H. Barr Jr., Le Développement de l’art abstrait (1936).
REMISE DE L’ESSAI en cours
10. Mercredi 16 février
Galeries d’art contemporain ou visite d’une exposition d’art contemporain en musée
MERCREDI 16 FÉVRIER- 18H00
CONFÉRENCE 2 : GISELE SAPIRO
9
11. Lundi 21 février
Yves Klein et le Nouveau Réalisme
Les premiers musées d’art contemporain
Le Ministère de la Culture et la notion « d’exception culturelle française »
Interventions orales :
- Commentaire d’œuvre n°7 : Niki de SAINT PHALLE [1930-2002], Tir, 1961, plâtre, peinture, métal et
objets divers sur contre-plaqué, 175 x 80 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne.
- Commentaire d’œuvre n°8 : Yves KLEIN [1928-1962], Exposition Le Vide, Paris, galerie Iris Clert,
avril-mai 1958.
- Analyse des textes 8 du recueil : Pierre Restany, Manifeste Les Nouveaux Réalistes, Milan, 1960 ;
préface du catalogue de l’exposition À 40° au-dessus de DADA, Galerie J, 8 rue Montfaucon, Paris, 17
mai - 10 juin 1961.
12. Mercredi 23 février
VISITE DU CENTRE GEORGES POMPIDOU – MUSÉE NATIONAL D’ART MODERNE
(4e étage)
Point de rencontre : dans le hall du Centre
Métro : Châtelet, Rambuteau ou Hôtel de Ville.
à 12 heures
Pensez à vous munir de votre carte d’étudiant
MERCREDI 23 FÉVRIER - 18H00
CONFÉRENCE 3 : ARNAUD DE LA PORTE
13. Lundi 28 février
Daniel Buren et l’espace public
« Mythologies personnelles » : Christian Boltanski, Annette Messager, Sophie Calle
Le rôle du commissaire d’exposition
Globalisation et « filialisation » des grands musées
Interventions orales :
- Commentaire d’œuvre n°9 : Annette MESSAGER [1943], Les Piques, 1992-1993, installation, Paris,
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne.
- Analyse du texte 9 du recueil : Daniel Buren, « Sur le fonctionnement des expositions, à propos de
Documenta 5 », in catalogue Documenta 5, Cassel, février 1972.
10
- Analyse du texte 10 du recueil : Françoise Cachin, Jean Clair, Roland Recht, « Les musées ne sont pas
à vendre », décembre 2006.
14. Mercredi 2 mars
Révision générale du programme et préparation de l’examen final.
VENDREDI 4 MARS: EXAMEN FINAL
Reconnaissance des œuvres
Commentaire d’œuvre
Essai
VII. BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages généraux
-
BERNARD, Edina. L’Art Moderne. 1905-1945, Paris, Larousse, 1999.
BOIS, Yve-Alain. BUCHLOCH, Benjamin. FOSTER, Hal. KRAUSS, Rosalind. Art Since 1900.
Modernism. Antimodernism. Postmodernism, Londres, Thames & Hudson, 2004.
BLISTENE, Bernard. Une histoire de l’art au XXe siècle, Paris, Beaux-Arts magazine, 2002.
DAGEN, Philippe. HAMON, Françoise (dir.). Histoire de l’art. Epoque Contemporaine (XIXe -XXe
siècles), Paris, Flammarion, 1995.
EWIG, Isabelle. MALDONADO, Guitemie. Lire l’Art contemporain. Dans l’intimité des œuvres,
Paris, Larousse, 2004.
HARRISON, Charles ; WOOD Paul (dir.). Art en théorie 1900-1990. Une anthologie, Paris, Hazan,
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LEMOINE, Serge (dir.). L’Art Moderne et Contemporain, Paris, Larousse, 2006.
MEROT, Alain (dir.). Histoire de l’Art 1000-2000, Paris, Hazan, 1995.
PRADEL, Jean-Louis. L’Art Contemporain, Paris, Larousse, 2004.
Par artiste / mouvement (suivant la chronologie du cours)
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Catalogue Paris : Capitale des arts 1900-1968 (Sarah Wilson dir.), Londres, Royal
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FRIZOT, Michel (dir.). Nouvelle Histoire de la Photographie, Paris, Bordas, Adam Biro,
1994.
Catalogue L’Impressionnisme et le paysage français, Paris, Grand Palais, 1988.
Catalogue Impressionnisme. Les origines, 1859-1869, Paris, Grand Palais, 1994.
Catalogue Paul Signac et la libération de la couleur, de Matisse à Mondrian (S. Lemoine
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11
-
Catalogue De Puvis de Chavannes à Matisse et Picasso. Vers l’art moderne (S. Lemoine dir.),
Venise, Palazzo Grassi, 2002.
Catalogue Le Fauvisme ou l’épreuve du feu. L’éruption de la modernité en Europe, Paris,
Musée d’art moderne de la ville de Paris, 2000.
WHITFIED, Sarah. Le Fauvisme, Paris, Thames & Hudson, 1997.
CABANNE, Pierre. Le Cubisme, Paris, Saint-André-des-Arts, 2002.
DAIX, Pierre, Dictionnaire Picasso, Laffont, Bouquins, 1995.
Catalogue Marcel Duchamp, Paris, Centre Pompidou, 1980.
DE DUVE, Thierry. Résonances du ready-made. Duchamp entre avant-garde et tradition,
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Catalogue Dada, Paris, Centre Pompidou, 2005.
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Catalogue The Spiritual in Art : asbtract painting 1890-1985 (Maurice Tuchman dir.), Los
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Catalogue Aux Origines de l’Abstraction. 1800-1914 (S. Lemoine, P. Rousseau dir.), Paris,
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Catalogue Paris - Paris 1937-1957, Paris, Centre Pompidou, 1981.
Catalogue Années 30 en Europe (1929-1939) : le temps menaçant, Paris, Musée d’art
moderne de la ville de Paris, 1997.
Catalogue Face à l’Histoire (1933-1996). L’Artiste moderne face à l’évènement historique :
engagement, témoignage, vision, Paris, Centre Pompidou, 1997.
Catalogue Le Nouveau Réalisme, Paris, Centre Georges Pompidou, 2007.
Catalogue Yves Klein, Paris, Centre Georges Pompidou, 2006.
BUREN, Daniel, Mot à mot, (catalogue), Paris, Centre Georges Pompidou, 2002.
DIDI-HUBERMAN, Georges, L’étoilement. Conversation avec Hantaï, Paris, Minuit, 1998.
Catalogue Soulages, Lyon, Musée St Pierre Art Contemporain, 1987.
RAGON, Michel, Les ateliers de Soulages, Paris, Albin Michel, 2004.
CALLE, Sophie, Prenez soin de vous, Paris, Actes Sud, 2007.
GRENIER, Catherine (avec Christian BOLTANSKI), La vie possible de Christian Boltanski,
Paris, Seuil, coll. Fiction & Cie, 2007.
Lectures annexes (écrits critiques, expositions, marché de l’art, institutions)
-
-
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ARMAOS, Georges. « Continuité et changement ». De la temporalité des collections
permanentes du MNAM et du MoMA, in 20/21. siècles, Cahiers du Centre Pierre
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BAUDELAIRE, Charles. Écrits sur l’art, Le Livre de Poche Classique, 1992.
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RUBIN, William dir. Le Primitivisme dans l’art du 20e siècle, Paris, Flammarion, 1992, 2
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POINSOT, Jean-Marc. Quand l’œuvre a lieu. L’art exposé et ses récits autorisés, Dijon, Les
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Culture).
SCHAPIRO, Meyer. « L’introduction de l’art moderne européen aux Etats-Unis : The
Armory Show (1913) », (1950) in Meyer Schapiro, Style, artiste et société, Paris,
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STUDENY, Christophe. L’Invention de la vitesse - France XVIIIe-XXe siècle, Paris, Gallimard,
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ZOLA, Émile. Écrits sur l’art, Paris, Gallimard, Collection Tel, 1991.
ZOLA, Émile. L’œuvre, (première édition, 1886), Paris, Gallimard, Folio, 2006.
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VIII. Recueil de textes
Texte 1 : Charles Baudelaire, « Le public moderne et la photographie », Salon de 1859.
[…] Notre public, qui est singulièrement impuissant à sentir le bonheur de la rêverie ou de
l’admiration (signe des petites âmes), veut être étonné par des moyens étrangers à l'art, et ses
artistes obéissants se conforment à son goût; ils veulent le frapper, le surprendre, le stupéfier
par des stratagèmes indignes, parce qu'ils le savent incapable de s'extasier devant la tactique
naturelle de l'art véritable.
Dans ces jours déplorables, une industrie nouvelle se produisit, qui ne contribua pas peu à
confirmer la sottise dans sa foi et à ruiner ce qui pouvait rester de divin dans l'esprit français.
Cette foule idolâtre postulait un idéal digne d'elle et approprié à sa nature, cela est bien entendu.
En matière de peinture et de statuaire, le Credo actuel des gens du monde, surtout en France (et
je ne crois pas que qui que ce soit ose affirmer le contraire), est celui-ci: "Je crois à la nature et je
ne crois qu'à la nature (il y a de bonnes raisons pour cela). Je crois que l'art est et ne peut être
que la reproduction exacte de la nature (une secte timide et dissidente veut que les objets de
nature répugnante soient écartés, ainsi un pot de chambre ou un squelette). Ainsi l'industrie qui
nous donnerait un résultat identique à la nature serait l'art absolu." Un Dieu vengeur a exaucé
les vœux de cette multitude. Daguerre fut son Messie. Et alors elle se dit: "Puisque la
photographie nous donne toutes les garanties désirables d'exactitude (ils croient cela, les
insensés), l'art, c'est la photographie." A partir de ce moment, la société immonde se rua, comme
un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal […].
Comme l'industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués
ou trop paresseux pour achever leurs études, cet universel engouement portait non-seulement
le caractère de l'aveuglement et de l'imbécillité, mais avait aussi la couleur d'une vengeance.
Qu'une si stupide conspiration, dans laquelle on trouve, comme dans toutes les autres, les
méchants et les dupes, puisse réussir d'une manière absolue, je ne le crois pas, ou du moins je ne
veux pas le croire; mais je suis convaincu que les progrès mal appliqués de la photographie ont
beaucoup contribué, comme d'ailleurs tous les progrès purement matériels, à l'appauvrissement
du génie artistique français, déjà si rare. La Fatuité moderne aura beau rugir, éructer tous les
borborygmes de sa ronde personnalité, vomir tous les sophismes indigestes dont une
philosophie récente l'a bourrée à gueule-que-veux-tu, cela tombe sous le sens que l'industrie,
faisant irruption dans l'art, en devient la plus mortelle ennemie, et que la confusion des
fonctions empêche qu'aucune soit bien remplie. La poésie et le progrès sont deux ambitieux qui
se haïssent d'une haine instinctive, et, quand ils se rencontrent dans le même chemin, il faut que
l'un des deux serve l'autre. S'il est permis à la photographie de suppléer l'art dans quelques-unes
de ses fonctions, elle l'aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait, grâce à l'alliance naturelle
qu'elle trouvera dans la sottise de la multitude. Il faut donc qu'elle rentre dans son véritable
devoir, qui est d'être la servante des sciences et des arts, mais la très humble servante, comme
l'imprimerie et la sténographie, qui n'ont ni créé ni suppléé la littérature […].
Qu'elle sauve de l'oubli les ruines pendantes, les livres, les estampes et les manuscrits que le
temps dévore, les choses précieuses dont la forme va disparaître et qui demandent une place
dans les archives de notre mémoire, elle sera remerciée et applaudie. Mais s'il lui est permis
d'empiéter sur le domaine de l'impalpable et de l'imaginaire, sur tout ce qui ne vaut que parce
que l'homme y ajoute de son âme, alors malheur à nous!
14
Texte 2 : Charles Baudelaire, « La modernité », Le Peintre de la Vie Moderne (1859-1860).
I. Le beau, la mode, le bonheur.
[…] C'est ici une belle occasion, en vérité, pour établir une théorie rationnelle et historique du
beau, en opposition avec la théorie du beau unique et absolu ; pour montrer que le beau est
toujours, inévitablement, d'une composition double, bien que l'impression qu'il produit soit une
; car la difficulté de discerner les éléments variables du beau dans l'unité de l'impression
n'infirme en rien la nécessité de la variété dans sa composition. Le beau est fait d'un élément
éternel, invariable, dont la quantité est excessivement difficile à déterminer, et d'un élément
relatif, circonstanciel, qui sera, si l'on veut, tour à tour ou tout ensemble, l'époque, la mode, la
morale, la passion. Sans ce second élément, qui est comme l'enveloppe amusante, titillante,
apéritive, du divin gâteau, le premier élément serait indigestible, inappréciable, non adapté et
non approprié à la nature humaine. Je défie qu'on découvre un échantillon quelconque de beauté
qui ne contienne pas ces deux éléments.
Je choisis, si l'on veut, les deux échelons extrêmes de l'histoire. Dans l'art hiératique, la dualité se
fait voir au premier coup d’œil ; la partie de beauté éternelle ne se manifeste qu'avec la
permission et sous la règle de la religion à laquelle appartient l'artiste. Dans l'œuvre la plus
frivole d'un artiste raffiné appartenant à une de ces époques que nous qualifions trop
vaniteusement de civilisées, la dualité se montre également ; la portion éternelle de beauté sera
en même temps voilée et exprimée, sinon par la mode, au moins par le tempérament particulier
de l'auteur. La dualité de l'art est une conséquence fatale de la dualité de l'homme. Considérez, si
cela vous plaît, la partie éternellement subsistante comme l'âme de l'art, et l'élément variable
comme son corps. C'est pourquoi Stendhal, esprit impertinent, taquin, répugnant même, mais
dont les impertinences provoquent utilement la méditation, s'est rapproché de la vérité, plus
que beaucoup d'autres, en disant que le Beau n'est que la promesse du bonheur. Sans doute cette
définition dépasse le but ; elle soumet beaucoup trop le beau à l'idéal infiniment variable du
bonheur ; elle dépouille trop lestement le beau de son caractère aristocratique ; mais elle a le
grand mérite de s'éloigner décidément de l'erreur des académiciens.
IV. La modernité.
Ainsi il [l’artiste] va, il court, il cherche. Que cherche-t-il ? À coup sûr, cet homme, tel que je l'ai
dépeint, ce solitaire doué d'une imagination active, toujours voyageant à travers le grand désert
d'hommes, a un but plus élevé que celui d'un pur flâneur, un but plus général, autre que le plaisir
fugitif de la circonstance. Il cherche ce quelque chose qu'on nous permettra d'appeler la
modernité ; car il ne se présente pas de meilleur mot pour exprimer l'idée en question. Il s'agit,
pour lui, de dégager de la mode ce qu'elle peut contenir de poétique dans l'historique, de tirer
l'éternel du transitoire.
[…] La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié
est l'éternel et l'immuable. Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien ; la plupart des
beaux portraits qui nous restent des temps antérieurs sont revêtus des costumes de leur époque.
Ils sont parfaitement harmonieux, parce que le costume, la coiffure et même le geste, le regard et
le sourire (chaque époque a son port, son regard et son sourire) forment un tout d'une complète
vitalité. Cet élément transitoire, fugitif, dont les métamorphoses sont si fréquentes, vous n'avez
pas le droit de le mépriser ou de vous en passer. En le supprimant, vous tombez forcément dans
le vide d'une beauté abstraite et indéfinissable, comme celle de l'unique femme avant le premier
péché. Si au costume de l'époque, qui s'impose nécessairement, vous en substituez un autre,
vous faites un contresens qui ne peut avoir d'excuse que dans le cas d'une mascarade voulue par
la mode. Ainsi, les déesses, les nymphes et les sultanes du dix-huitième siècle sont des portraits
moralement ressemblants. Il est sans doute excellent d'étudier les anciens maîtres pour
apprendre à peindre, mais cela ne peut être qu'un exercice superflu si votre but est de
comprendre le caractère de la beauté présente. (…) En un mot, pour que toute modernité soit
digne de devenir antiquité, il faut que la beauté mystérieuse que la vie humaine y met
involontairement en ait été extraite.
15
Textes 3 : Le fauvisme
André Gide, « Promenade au Salon d’Automne », Gazette des Beaux-Arts, 1er décembre
1905.
Pour plus de commodité, je veux admettre que M. Henri Matisse ait les plus beaux dons naturels.
Le fait est qu’il nous avait donné précédemment des œuvres pleines de sève et de la plus
heureuse vigueur… Les toiles qu’il présente aujourd’hui ont l’aspect d’exposés de théorèmes. – Je
suis resté longtemps dans cette salle. J’écoutais les gens qui passaient, et lorsque j’entendais
crier devant Matisse : « C’est de la folie ! » j’avais envie de répliquer : « Mais non, Monsieur ; tout
au contraire. C’est un produit de théories. » - Tout peut s’y déduire, expliquer ; l’intuition n’y a
que faire. Sans doute, quand M. Matisse peint le front de cette femme couleur pomme et ce tronc
d’arbre rouge franc, il peut nous dire : « C’est parce que… » Oui, raisonnable cette peinture, et
raisonneuse même plutôt. Combien loin de la lyrique outrance d’un Van Gogh ! – Et dans les
coulisses j’entends : « Il faut que tous les tons soient outrés ». « L’ennemi de toute peinture est le
gris. » « Que l’artiste ne craigne jamais de dépasser la mesure ». M. Matisse, vous vous l’êtes
laissé dire…
Et je comprends de reste comment, en voyant « les autres » se donner l’apparence du style par
l’emploi des liaisons, des termes morts et trouver, pour leur timidité, dans les transitions
l’excuse et le soutien de leurs prétendues hardiesses, ne pas lâcher la ligne, le contour, de même
ne pas quitter une teinte, l’étayer, et, pour l’exprimer dans l’ombre, l’assombrir – je comprends
comment vous vous êtes poussé à bout […]. L’art n’habite pas les extrêmes ; c’est une chose
tempérée. Tempérée par quoi ? Par la raison, parbleu ! Mais pas la raison raisonneuse…
Cherchons d’autres enseignements.
Louis Vauxcelles, « Le Salon d’Automne », supplément au Gil Blas, 17 octobre 1905.
Salle VII
MM. Henri Matisse, Marquet, Manguin, Camoin, Girieud, Derain, Ramon Pichot.
Salle archi-claire, des oseurs, des outranciers, de qui il faut déchiffrer les intentions, en laissant
aux malins et aux sots le droit de rire, critique trop aisée. Et c’est tout un lot d’Indépendants,
Marquet et compagnie, groupe qui se tient aussi fraternellement serré que, dans la précédente
génération, Vuillard et ses amis.
Abordons sans tarder, M. Matisse. Il a du courage, car son envoi – il le sait, du reste – aura le sort
d’une vierge chrétienne livrée aux fauves du Cirque. M. Matisse est l’un des plus robustement
doués des peintres d’aujourd’hui, il aurait pu obtenir de faciles bravos : il préfère s’enfoncer,
errer en des recherches passionnées, demander au pointillisme plus de vibrations, de
luminosités. Mais le souci de la forme souffre.
M. Derain effarouchera ; il effarouche aux Indépendants. Je le crois plus affichiste que peintre. Le
parti pris de son imagerie virulente, la juxtaposition facile des complémentaires sembleront à
certains d’un art volontiers puéril ; reconnaissons, cependant, que ses Bateaux décoreraient
heureusement le mur d’une chambre d’enfant. M. de Vlaminck épinalise ! Sa peinture, qui a l’air
terrible, est, au fond, très bon enfant […].
Au centre de la salle, un torse d’enfant et un petit buste en marbre, d’Albert Marque, qui modèle
avec une science délicate. La candeur de ces bustes surprend au milieu de l’orgie des tons purs :
Donatello chez les fauves… […]
16
Henri Matisse, Notes d’un peintre, 1908.
Ce que je poursuis par-dessus tout, c’est l’expression. (…) L’expression pour moi, ne réside pas
dans la passion qui éclatera sur un visage ou qui s’affirmera par un mouvement violent. Elle est
dans toute la disposition de mon tableau : la place qu’occupent les corps, les vides qui sont
autour d’eux, les proportions, tout cela y a sa part. La composition est l’art d’arranger de manière
décorative les divers éléments dont le peintre dispose pour exprimer ses sentiments. Dans un
tableau, chaque partie sera visible et viendra jouer le rôle qui lui revient, principal ou
secondaire. Tout ce qui n’a pas d’utilité dans le tableau est, par là même, nuisible. Une oeuvre
comporte une harmonie d’ensemble : tout détail superflu prendrait, dans l’esprit du spectateur,
la place d’un autre détail essentiel. Je veux arriver à cet état de condensation des sensations qui
fait le tableau. Je pourrais me contenter d'une œuvre de premier jet, mais elle me lasserait de
suite, et je préfère la retoucher pour pouvoir la reconnaître plus tard comme une représentation
de mon esprit.
[…] Ce qui m’intéresse le plus, ce n’est ni la nature morte, ni le paysage, c’est la figure. C’est elle
qui me permet le mieux d’exprimer le sentiment pour ainsi dire religieux que je possède de la
vie. Je ne m’attache pas à détailler tous les traits du visage, à les rendre un à un dans leur
exactitude anatomique.
[…] Une œuvre doit porter en elle-même sa signification entière et l’imposer au spectateur avant
même qu’il en connaisse le sujet. Quand je vois les fresques de Giotto à Padoue, je ne m’inquiète
pas de savoir quelle scène de la vie du Christ j’ai devant les yeux, mais tout de suite, je
comprends le sentiment qui s’en dégage, car il est dans les lignes, dans la composition, dans la
couleur, et le titre ne fera que confirmer mon impression. Ce que je rêve, c’est un art d’équilibre,
de pureté, de tranquillité, sans sujet inquiétant ou préoccupant, qui soit, pour tout travailleur
cérébral, pour l’homme d’affaires aussi bien que pour l’artiste des lettres, par exemple, un
lénifiant, un calmant cérébral, quelque chose d’analogue à un bon fauteuil qui le délasse de ses
fatigues physiques. La tendance dominante de la couleur doit être de servir le mieux possible
l’expression. Je pose mes tons sans parti pris. Si au premier abord, et peut-être sans que j’en aie
eu conscience, un ton m’a séduit ou arrêté, je m’apercevrai le plus souvent, une fois mon tableau
fini, que j’ai respecté ce ton, alors que j’ai progressivement modifié et transformé toutes les
autres. Le côté expressif des couleurs s’impose à moi de façon purement instinctive.
17
Texte 4 : « Picasso parle », interview par Marius de Zayas in The Arts, New York, mai 1923.
[…] Nous savons tous que l’art n’est pas la vérité. L’art est un mensonge qui nous fait
comprendre la vérité, du moins la vérité qui nous est donnée de pouvoir comprendre. L’artiste
doit connaître le moyen de convaincre les autres de la véracité de ses mensonges. S’il ne montre
dans son œuvre que ce qu’il a cherché, et re-cherché, pour faire passer ces mensonges, il ne
parviendra jamais à rien.
L’idée de recherche a souvent amené la peinture à se fourvoyer, et l’artiste à se perdre en
élucubrations. Peut-être est-ce même le défaut majeur de l’art moderne. L’esprit de recherche a
empoisonné ceux qui n’ont pas pleinement compris tous les éléments positifs et concluants de
l’art moderne et a tenté de leur faire peindre l’invisible et, par conséquent, « l’impeignable ».
On oppose à la peinture moderne le naturalisme. Je serais curieux de savoir si personne a jamais
vu une œuvre d’art naturelle. La nature et l’art, étant deux choses différentes, ne peuvent être la
même chose. Par l’art, nous pouvons exprimer notre conception de ce que la nature n’est pas
[…].
Des peintres des origines, les primitifs, dont l’œuvre est de toute évidence différente de la
nature, aux artistes qui, tels David, Ingres et même Bouguereau, croyaient peindre la nature telle
qu’elle est, l’art a toujours été art et non nature. Et, du point de vue de l’art, il n’y a pas de formes
concrètes ou abstraites, mais uniquement des formes qui sont des mensonges plus ou moins
convaincants. Il ne fait aucun doute que ces mensonges sont indispensables à notre être mental,
car c’est à travers eux que nous formons notre point de vue esthétique de la vie.
Le cubisme n’est différent d’aucune autre école de peinture. Les mêmes principes et les mêmes
éléments sont communs à toutes. Le fait que pendant longtemps le cubisme n’ait pas été
compris, et qu’aujourd’hui encore il y ait des gens qui n’y voient rien, n’a aucune signification. Je
ne lis pas l’anglais, et un livre en anglais est pour moi un livre vide. Cela ne signifie pas que la
langue anglaise n’existe pas ; pourquoi devrais-je m’en prendre à quiconque sinon à moi-même
si je ne comprends pas ce que je ne connais pas ?
J’entends souvent aussi le mot « évolution ». On me demande constamment d’expliquer
comment ma peinture a évolué. Pour moi, il n’y a pas de passé ni d’avenir en art. Si une œuvre
d’art ne peut vivre toujours dans le présent, il est inutile de s’y attarder. L’art des Grecs, des
Egyptiens et des grands peintres qui ont vécu à d’autres époques, n’est pas un art du passé ;
peut-être est-il plus vivant aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été. L’art n’évolue pas de lui-même, ce
sont les idées des gens qui changent, et avec elles, leurs modes d’expression.
18
Texte 5 : Filippo Tommaso Marinetti, « Manifeste du Futurisme » (Paris, 1909).
1. Nous voulons chanter l'amour du danger, l'habitude de l'énergie et de la témérité.
2. Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l'audace et la révolte.
3. La littérature ayant jusqu'ici magnifié l'immobilité pensive, l'extase et le sommeil, nous
voulons exalter le mouvement agressif, l'insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut
périlleux, la gifle et le coup de poing.
4. Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle la beauté de la
vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à
l'haleine explosive... Une automobile rugissante, qui a l'air de courir sur de la mitraille, est plus
belle que la Victoire de Samothrace.
5. Nous voulons chanter l'homme qui tient le volant, dont la tige idéale traverse la Terre, lancée
elle-même sur le circuit de son orbite.
6. Il faut que le poète se dépense avec chaleur, éclat et prodigalité, pour augmenter la ferveur
enthousiaste des éléments primordiaux.
7. Il n'y a plus de beauté que dans la lutte. Pas de chef-d'œuvre sans un caractère agressif. La
poésie doit être un assaut violent contre les forces inconnues, pour les sommer de se coucher
devant l'homme.
8. Nous sommes sur le promontoire extrême des siècles !… A quoi bon regarder derrière nous,
du moment qu'il nous faut défoncer les vantaux mystérieux de l'Impossible ? Le Temps et
l'Espace sont morts hier. Nous vivons déjà dans l'absolu, puisque nous avons déjà créé l'éternelle
vitesse omniprésente.
9. Nous voulons glorifier la guerre - seule hygiène du monde, - le militarisme, le patriotisme, le
geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme.
10. Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et
toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires.
11. Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte ; les ressacs
multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes ; la vibration
nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes électriques ; les gares
gloutonnes avaleuses de serpents qui fument ; les usines suspendues aux nuages par les ficelles
de leurs fumées ; les ponts aux bonds de gymnastes lancés sur la coutellerie diabolique des
fleuves ensoleillés ; les paquebots aventureux flairant l'horizon ; les locomotives au grand
poitrail, qui piaffent sur les rails, tels d'énormes chevaux d'acier bridés de longs tuyaux, et le vol
glissant des aéroplanes, dont l'hélice a des claquements de drapeau et des applaudissements de
foule enthousiaste […].
Regardez-nous ! Nous ne sommes pas essoufflés... Notre cœur n'a pas la moindre fatigue ! Car il
s'est nourri de feu, de haine et de vitesse !… Ça vous étonne ? C'est que vous ne vous souvenez
même pas d'avoir vécu ! Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux
étoiles ! Vos objections ? Assez ! Assez ! Je les connais ! C'est entendu ! Nous savons bien ce que
notre belle et fausse intelligence nous affirme. – Nous ne sommes, dit-elle, que le résumé et le
prolongement de nos ancêtres. – Peut-être ! Soit !… Qu'importe ?… Mais nous ne voulons pas
entendre ! Gardez-vous de répéter ces mots infâmes ! Levez plutôt la tête ! Debout sur la cime du
monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles !
19
Texte 6 : Marcel Duchamp, À propos de Ready-mades (extraits). Conférence prononcée
dans le cadre de l’exposition « Art of assemblage » au Musée d’Art moderne de New York
en 1961.
En 1913 j’eus l’heureuse idée de fixer une roue de bicyclette sur un tabouret de cuisine et de la
regarder tourner. Quelques mois plus tard j’ai acheté une reproduction bon marché d’un
paysage de soir d’hiver, que j’appelai « Pharmacie » après y avoir ajouté deux petites touches,
l’une rouge et l’autre jaune, sur l'horizon. À New York en 1915 j’achetai dans une quincaillerie
une pelle à neige sur laquelle j’écrivis « En prévision du bras cassé » (In advance of the broken
arm). C’est vers cette époque que le mot « readymade » me vint à l’esprit pour désigner cette
forme de manifestation.
Il est un point que je veux établir très clairement, c’est que le choix de ces readymades ne me fut
jamais dicté par quelque délectation esthétique. Ce choix était fondé sur une réaction
d'indifférence visuelle, assortie au même moment à une absence totale de bon ou de mauvais
goût… en fait une anesthésie complète. Une caractéristique importante : la courte phrase qu'à
l'occasion j’inscrivais sur le ready-made. Cette phrase, au lieu de décrire l’objet comme l’aurait
fait un titre, était destinée à emporter l’esprit du spectateur vers d’autres régions plus verbales.
Quelques fois j’ajoutais un détail graphique de présentation : j’appelais cela pour satisfaire mon
penchant pour les allitérations, « un ready-made aidé » (ready-made aided). Une autre fois,
voulant souligner l’antinomie fondamentale qui existe entre l’art et les ready-mades, j’imaginais
un « ready-made réciproque » (reciprocal ready-made) : se servir d’un Rembrandt comme table à
repasser !
Très tôt je me rendis compte du danger qu’il pouvait y avoir à resservir sans discrimination cette
forme d’expression et je décidai de limiter la production des readymades à un petit nombre
chaque année. Je m’avisai à cette époque que, pour le spectateur plus encore que pour l’artiste,
l’art est une drogue à accoutumance et je voulais protéger mes readymades contre une
contamination de ce genre.
20
Texte 7 : Alfred H. Barr Jr., Le Développement de l’art abstrait, (diagramme) 1936
21
Textes 8 : Le Nouveau Réalisme.
Pierre Restany, Manifeste Les Nouveaux Réalistes, Milan, 1960.
[…] La peinture de chevalet (comme n'importe quel autre moyen d'expression classique dans le
domaine de la peinture ou de la sculpture) a fait son temps. Elle vit en ce moment les derniers
instants, encore sublimes parfois, d'un long monopole. Que nous propose-t-on par ailleurs ? La
passionnante aventure du réel perçu en soi et non à travers le prisme de la transcription
conceptuelle ou imaginative. Quelle en est la marque ? L'introduction d'un relais sociologique au
stade essentiel de la communication. La sociologie vient au secours de la conscience et du
hasard, que ce soit au niveau du choix ou de la lacération de l'affiche, de l'allure d'un objet, d'une
ordure de ménage ou d'un déchet de salon, du déchaînement de l'affectivité mécanique, de la
diffusion de la sensibilité au-delà des limites de sa perception.
Pierre Restany, préface du catalogue de l’exposition À 40° au-dessus de DADA, Galerie J, 8
rue Montfaucon, Paris, 17 mai - 10 juin 1961.
[…] Nous assistons aujourd’hui à un phénomène généralisé d’épuisement et de sclérose de tous
les vocabulaires établis : pour quelques exceptions de plus en plus rares, que de redites
stylistiques et d’académismes rédhibitoires ! À la carence vitale des procédés classiques
s’affrontent – heureusement – certaines démarches individuelles tendant, quelle que soit
l’envergure de leur champ d’investigation, à définir les bases normatives d’une nouvelle
expressivité. Ce qu’elles nous proposent, c’est la passionnante aventure du réel […].
Les nouveaux réalistes considèrent le Monde comme un Tableau, le Grand œuvre fondamental
dont ils s’approprient des fragments dotés d’universelle signifiance. Ils nous donnent à voir le
réel dans des aspects de sa totalité expressive. Et par le truchement de ces images spécifiques,
c’est la réalité sociologique toute entière, le bien commun de l’activité des hommes, la grande
république de nos échanges sociaux, de notre commerce en société qui est assigné à
comparaître. Dans le contexte actuel, les ready-made de Marcel Duchamp (et aussi les objets à
fonctionnement de Camille Bryen) prennent un sens nouveau. Ils traduisent le droit à
l’expression directe de tout un secteur organique de l’activité moderne, celui de la ville, de la rue,
de l’usine, de la production en série. Ce baptême artistique de l’objet usuel constitue désormais
le "fait dada" par excellence. Après le NON et le ZERO, voici une troisième position du mythe : le
geste anti-art de Marcel Duchamp se charge de positivité. L’esprit dada s’identifie à un mode
d’appropriation de la réalité extérieure du monde moderne. Le ready-made n’est plus le comble
de la négativité ou de la polémique, mais l’élément de base d’un nouveau répertoire expressif
[…].
22
Texte 9 : Daniel Buren, « Sur le fonctionnement des expositions, à propos de Documenta
5 », in catalogue Documenta 5, Cassel, février 1972.
Exposition d’une exposition
De plus en plus le sujet d'une exposition tend à ne plus être l'exposition d'œuvres d'art, mais
l'exposition de l'exposition comme œuvre d'art.
Ici, c'est bien l'équipe de Documenta, dirigée par Harald Szeemann, qui expose (les œuvres) et
s'expose (aux critiques). Les œuvres présentées sont les touches de couleurs – soigneusement
choisies – du tableau que compose chaque section (salle) dans son ensemble. Il y a même un
ordre dans ces couleurs, celles-ci étant cernées et composées en fonction du dess(e)in de la
section (sélection) dans laquelle elles s'étalent/se présentent. Ces sections (castrations), ellesmêmes « touches de couleurs » – soigneusement choisies – du tableau que compose l'exposition
dans son ensemble et dans son principe même, n'apparaissent qu'en se mettant sous la
protection de l'organisateur, celui qui réunifie l'art en le rendant tout égal dans l'écrin-écran
qu'il lui apprête. Les contradictions, c'est l'organisateur qui les assume, c'est lui qui les couvre.
Il est vrai alors que c'est l'exposition qui s'impose comme son propre sujet, et son propre sujet
comme œuvre d'art.
L'exposition est bien le « réceptacle valorisant » où l'art non seulement se joue mais s'abîme car
si hier encore l'œuvre se révélait grâce au Musée, elle ne sert plus aujourd'hui que de gadget
décoratif à la survivance du Musée en tant que tableau, tableau dont l'auteur ne serait autre que
l'organisateur de l'exposition lui-même. Et l'artiste se jette et jette son œuvre dans ce piège, car
l'artiste et son œuvre, impuissants à force d'habitude de l'art, ne peuvent plus que laisser
exposer un autre : l'organisateur. D'où l'exposition comme tableau de l'art, comme limite de
l'exposition de l'art.
Ainsi, les limites créées par l'art lui-même pour lui servir d'asile, se retournent contre lui en
l'imitant, et le refuge de l'art que ses limites constituaient, se révèle en être la justification, la
réalité et le tombeau.
23
Texte 10 : Françoise Cachin, Jean Clair, Roland Recht, « Les musées ne sont pas à vendre »,
décembre 2006.
Jusqu’à présent, le monde des musées français était envié pour l’exceptionnel soutien dont il
bénéficie de la part de l’Etat et des municipalités. Il l’était par exemple aux Etats-Unis, où un seul
musée est national, celui de Washington. Tous les autres dépendent majoritairement de l’argent
privé.
Bien sûr les musées français savaient obtenir occasionnellement une aide provenant du mécénat
privé, en particulier pour les expositions plus prestigieuses ; et il faut saluer cette nouvelle loi
qui propose de fortes exemptions fiscales aux entreprises et personnes privées qui donnent des
œuvres d’art importantes, ou de l’argent pour les acquérir. Nous avons aussi souvent, en
échange de mécénat, organisé pour le Japon ou Taïwan, pays pauvres en art occidental, des
expositions à caractère scientifique, conçues par les conservateurs français.
Pourtant, hormis le Musée Guggenheim de New York, qui fut le désastreux pionnier de
l’exportation payante de ses collections dans le monde entier, et se vante d’être un
"entertainment business", l’éthique des musées outre-Atlantique et du reste de l’Europe
demeure jusqu’à présent irréprochable, mettant au premier plan les devoirs concernant les
collections, la recherche, leur enrichissement, le travail scientifique des conservateurs, le rôle
éducatif de l’institution, le respect du public, bref, les codes déontologiques des musées publiés
par l’ICOM (Conseil international des musées).
Philippe de Montebello, directeur du Metropolitan Museum de New York, avait déjà, en
septembre 2003, lancé un avertissement sévère sur la commercialisation effrénée du patrimoine
public, en particulier par le système des "loan fees" (prêts payants) d’œuvres et la tendance de
certains musées à s’orienter vers les "marchés culturels" et les "parcs de loisirs". Ils risquent,
avait-il ajouté, "d’y perdre leur âme". Aujourd’hui, avec l’exemple de l’opération du Louvre à
Atlanta, où des tableaux qui comptent parmi les plus grands chefs-d’œuvre des collections
comme le Et in Arcadia Ego de Poussin, le Baldassare Castiglione de Raphaël ou Le Jeune
Mendiant de Murillo, ont été déposés dans la riche cité du Coca-Cola, pour un an ou trois mois,
selon les œuvres, en échange de 13 millions d’euros.
Nous ne méprisons ni l’argent, ni le mécénat, ni l’Amérique, comme l’on risque très rapidement
de nous en accuser ! Mais tout cela peut nous entraîner dans une déviance que nul ne pourra
bientôt plus limiter. Sur le plan moral, l’utilisation commerciale et médiatique des chefs-d’œuvre
du patrimoine national, fondements de l’histoire de notre culture et que la République se doit de
montrer et de préserver pour les générations futures, ne peut que choquer. Et puis pourquoi les
sept millions de visiteurs annuels du Louvre, payants pour la grande majorité, devraient-ils être
privés de ces œuvres si longtemps ? Il est facile et injuste de mépriser un public à cause de son
engouement monomaniaque pour La Joconde. Nombreux, fort heureusement, sont ceux qui vont
découvrir autre chose.
La permanence de certains chefs-d’œuvre qui forment les collections d’un musée est une
exigence que peut avoir tout visiteur. La quête de manne financière à laquelle pousse le nouveau
statut des grands musées français peut expliquer certaines dérives, mais, fort heureusement,
tous n’y cèdent pas.
Le pire est encore à venir.
L’exemple actuel d’Abou Dhabi est alarmant. Ce pays d’à peine 700 000 habitants se propose de
construire, dans un site touristique et balnéaire afin d’en augmenter l’attractivité, quatre
musées, dont un inévitable Guggenheim, et un "français", portant la griffe "Louvre", mais
obligeant à des prêts à long terme tous nos grands musées, dont les responsables n’auront plus
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leur mot à dire. Ce sont nos responsables politiques qui sont allés offrir ce cadeau royal et
diplomatique. Contre près de 1 milliard d’euros... N’est-ce pas cela "vendre son âme" ?
Et qu’en est-il des intérêts réciproques avec la Chine ou l’Inde ? Une annexe du Musée national
d’art moderne à Shanghai semble être envisagée, alors que l’espace actuel du musée dans
Beaubourg interdit de déployer ses collections, pour la plupart en réserve, qui feraient de lui, s’il
y avait à Paris l’espace qu’elles méritent, l’un des deux plus beaux et des plus grands musées
d’art moderne du monde, avec le MOMA de New York.
L’ensemble des grands musées français et européens ont résisté à ces expansions ou locations
commerciales et médiatiques et les désapprouvent. Tout comme s’y opposent la plupart des
conservateurs français, contraints à un devoir de réserve contestable sur des sujets qui sont
pourtant l’essence de leur métier. Bien sûr, il faut prêter des œuvres d’art si leur état le permet
et si leur sécurité est garantie, mais gratuitement, et dans le cadre de manifestations qui
apportent une contribution à la connaissance et à l’histoire de l’art. C’était, jusqu’à présent, un
impératif moral et scientifique. Selon quel principe, soucieux de la conservation et de la mise en
valeur des collections patrimoniales, devrait-on utiliser les œuvres d’art comme des monnaies
d’échange ? Les enjeux politiques et diplomatiques doivent-ils primer sur toute autre
considération et entraîner des dépôts payants d’œuvres essentielles au patrimoine d’un pays ?
Serions-nous le seul pays d’Europe à l’envisager ?
Et imiter les locations de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg à Las Vegas par exemple, pour pouvoir
payer ses employés ?
Qu’avons-nous en France de mieux à offrir que nos trésors d’art, qui attirent chaque année une
grande partie des 76 millions de touristes, les plus nombreux du monde ? Que l’on puisse rêver
d’un monde où circuleraient librement les hommes et les biens de consommation est légitime.
Mais les objets du patrimoine ne sont pas des biens de consommation, et préserver leur avenir,
c’est garantir, pour demain, leur valeur universelle.
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