CAS AH 356 FRENCH ART: Modern and
Transcription
CAS AH 356 FRENCH ART: Modern and
CAS AH 356 FRENCH ART: Modern and Contemporary Art in Paris Printemps 2011 Professeur : Daniel LESBACHES CAS AH 356 : FRENCH ART : Modern & Contemporary Art in Paris / Art moderne & contemporain à Paris Professeur : Titre : Adresse électronique : Daniel Lesbaches Ancien directeur de galerie d’art contemporain. [email protected] I. CARACTERISTIQUES Session : Salle de cours : Nombre de séances : Printemps 2011 D 14 Première séance : Dernière séance : Horaires des séances : lundi 17 janvier mercredi 2 mars lundi et mercredi de 12h à 14h30 Examen final : vendredi 4 mars Visites de groupe : 4 visites à Paris Permanences : 14h30-15h00 tous les lundis Conférences : 3 mercredis à 18h00 (obligation d’assister à 2 des 3 conférences proposées) II. PRESENTATION GENERALE Le séminaire propose de traverser l’histoire des arts visuels parisiens − peinture, sculpture, architecture, arts décoratifs, photographie et cinéma – de la seconde moitié du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, depuis la création des œuvres jusqu’à leur réception, en interrogeant plus particulièrement la notion de « chef-d’œuvre ». Du réalisme à l’impressionnisme, du post-impressionnisme au fauvisme, du cubisme aux premières abstractions picturales, des ready-mades de Duchamp à Dada et au surréalisme, de l’art conceptuel aux installations, des dernières avant-gardes à l’art d’aujourd’hui, les principaux mouvements artistiques parisiens seront étudiés. Nous considérerons les contextes historique, socioculturel et économique français, afin de mieux comprendre le phénomène d’éclosion de la modernité au sein du creuset parisien ; quelques incursions en Europe et en Russie permettront aussi de bien dégager les spécificités de la scène artistique parisienne. Scène que nous essayerons enfin de décrypter à travers ses manifestations les plus récentes, en consacrant les dernières séances et visites à l’art contemporain. 2 III. OBJECTIFS SPECIFIQUES Le séminaire est une initiation à l’histoire des arts à Paris depuis 1849 jusqu’à aujourd’hui. L’objectif du cours est de vous familiariser avec une discipline aussi riche que passionnante sur une période donnée. Cet apprentissage sera complété par les exercices du commentaire d’œuvre en histoire de l’art, dit aussi « analyse plastique », des analyses de texte, et des comptes-rendus critiques d’expositions. Le cours, largement illustré, sera animé par les interventions orales des étudiants (commentaires d’œuvres et de textes) qui donneront lieu à des discussions-débats. La participation orale est essentielle. Cette participation peut prendre la forme de questions ou de réflexions articulées autour des propos du cours ou des lectures. Chaque semaine, les étudiants prépareront en amont le cours, en s’appuyant sur le recueil de textes distribué lors de la première séance, ainsi que les manuels de référence Histoire de l’art. Epoque Contemporaine. XIXe-XXe siècles (Philippe DAGEN et Françoise HAMON dir.), Paris, Flammarion, 1995, L’art moderne et contemporain (Serge LEMOINE DIR.), PARIS, LAROUSSE, 2010 et le catalogue Chefs-d’œuvre ? (Metz, Centre Pompidou, 2010), ouvrages en accès libre dans la bibliothèque de Boston University. Les étudiants devront, avant chaque cours, s’y reporter, en lisant les pages indiquées pour préparer la séance. Les étudiants compléteront cette préparation en allant consulter les ouvrages mentionnés dans la bibliographie, qu’ils trouveront soit à la bibliothèque de Boston University, soit dans les bibliothèques de quartier, publiques (BPI, Centre Pompidou, accès rue Beaubourg, Paris 4e) ou spécialisées (Bibliothèque Forney, 1, rue du Figuier, Paris 4e). Quatre visites de groupe à Paris seront également organisées, moments privilégiés pour approfondir les connaissances et mettre en pratique le propos théorique du cours « face aux œuvres ». En complément, les étudiants visiteront individuellement les expositions et les collections permanentes des musées parisiens. Car la connaissance passe autant par le regard que par les livres : l’histoire de l’art est une discipline de curieux où l’on apprend à regarder, en allant étudier les œuvres dans les musées et les galeries (mais aussi dans les jardins, les rues, sur les places publiques, etc.). Comme les visites de groupe, les visites individuelles sont indispensables et entrent dans le programme de cours ; elles permettront aux étudiants de participer plus pertinemment aux discussions en classe. L’étudiant choisira également une exposition d’art contemporain parmi les trois ci-dessous pour réaliser un compte-rendu critique d’exposition (essai à rendre le 14 février). 1) Exposition de Claude Rutault à la galerie Emmanuel Perrotin (76 rue de Turenne, 75003 Paris 2) Exposition de Florence Doléac à la galerie Jousse entreprise (6 rue Saint-Claude, 75003 Paris) 3) VIP Art Fair, 22 - 30 janvier. Exclusively online at www.vipartfair.com 3 IV. CONTROLE CONTINU A) La première intervention orale consistera en un commentaire d’œuvre que les étudiants réaliseront, individuellement ou à deux (selon les effectifs), en effectuant les recherches nécessaires à leur sujet (étude des contextes historique et artistique, connaissance de la vie et de la carrière de l’artiste, commentaire de l’œuvre, de sa création à sa réception). Commenter et analyser une œuvre requiert des connaissances, la maîtrise d’un vocabulaire, une méthode et des outils spécifiques. Il s’agira de présenter les principales caractéristiques de l’œuvre (analyse interne) et de restituer son importance dans la carrière de l’artiste et dans l’histoire de l’art (analyse externe). Les étudiants devront effectuer des recherches en bibliothèque. Ils pourront également se servir du numériseur afin d’illustrer leurs propos sur l’écran qui se trouve dans la salle de cours. L’intervention orale devra durer 10 minutes. Les étudiants sont invités à venir consulter le professeur au moins une fois avant l’intervention orale (voir les horaires de permanence). Une fois la préparation achevée, les étudiants seront invités à rencontrer Hanadi Sobh pour parfaire le volet « forme » de l’intervention orale, c’est-àdire la qualité de la langue française. La préparation avec Hanadi est obligatoire (toute absence à la préparation vaut dix points en moins sur la note de l’intervention). L’absence à une intervention orale publique (en classe) vaut dix points en moins sur la note finale du cours. La notation de l’intervention orale prendra en compte le travail de recherches effectuées, la réflexion engagée autour de l’œuvre à commenter, les qualités de synthèse et de présentation orale. B) La seconde intervention orale à préparer individuellement ou à deux (selon les effectifs) consistera en une courte analyse de texte. Il s’agira de la lecture d’un des textes du recueil suivie d’une analyse de 5 minutes. L’étudiant remettra le même jour une synthèse écrite d’une page au professeur. C) L’essai sera le compte-rendu critique d’une exposition choisie parmi la liste proposée par le professeur et visitée individuellement par l’étudiant. Le format sera de 3 pages environ (times 12, un interligne et demi). Une bibliographie spécifique, le communiqué de presse de l’exposition et/ou des images pourront accompagner le commentaire. L’essai sera à remettre au professeur le 14 février lors de la séance de cours. Tout retard dans la remise du travail sera considéré comme une absence, selon la politique générale d’assiduité du Paris Internship Program. D) L’examen final portera sur la matière étudiée pendant la totalité du programme : cours, interventions orales et débats, visites d’expositions, lectures préparatoires ainsi que textes discutés en classe. L’utilisation d’un dictionnaire est autorisée. L’examen final consistera en trois exercices : • Reconnaissance d’œuvres • Commentaire d’œuvre • Essai La séance du 2 mars sera totalement consacrée à la préparation de l’examen final. 4 V. NOTATION Participation aux discussions et débats : 10% Intervention orale / commentaire d’œuvre : 20% Intervention orale et synthèse écrite / analyse de texte : 10% Essai : 30% Examen final : 30 % Assiduité En dehors de la présence aux cours, il vous est demandé d’assister à un minimum de 2 conférences du mercredi sur les 3 proposées par le programme (voir « Déroulement »). Si vous n’y assistez pas, cela comptera comme 1 ou 2 absences. Politique d’assiduité 1 retard : 1 absence en cours : 1 absence au RV avec Hanadi: 1 retard pour le travail écrit : Travail écrit non remis : Plagiat : Absence à un examen : Absence à un exposé en classe : = 0,5 absence -1 point sur la note globale du cours Baisse de 10 points (1 lettre) de la note pour l’intervention orale = 1 absence par séance dans la note d’assiduité F = 55 points pour la note du travail en question F = 55 points pour la note du travail en question La note attribuée par défaut sera la note de l’autre examen minorée de 2 lettres = 20 points (baisse d’une lettre = 10 points sur la moyenne des 2 tests) F = 55 points pour la note du travail en question Équivalence lettres / notes sur 100 Plus de 93 : 90-92,5 : 87-89,5 : 83-86,5 : 80-82,5 : A AB+ B B- 77-79,5 : 73-76,5 : 70-72,5 : 69-60 : 59,5-0 : C+ C CD F A A A A/AAA-/B+ = = = = = = 97 96 95 92,5 91 89,5 B+/AB+ B/B+ B B/BBB-/C+ 5 = = = = = = = 89,5 88 86,5 85 82,5 81 79,5 C+/BC+ C/C+ C C/CCC-/D+ = = = = = = = 79,5 78 76,5 75 72,5 71 69,5 D+/ CD+ D/D+ D D/DDF = = = = = = = 69,5 68 66,5 65 62,5 61 55 VI. DEROULEMENT Pendant 7 semaines, nous nous rencontrerons les lundis et mercredis de 12h00 à 14h30. Les séances auront lieu en classe ou à l’extérieur lors des visites de groupe. 4 VISITES de GROUPE à PARIS (12h00-14h30) : Mercredi 26 janvier : Musée d’Orsay Mercredi 9 février: Musée d’art moderne de la ville de Paris / collections permanentes + expositions temporaires Mercredi 16 février : Galeries d’art contemporain ou exposition temporaire d’art contemporain Mercredi 23 février : Centre Georges Pompidou / Musée national d’art moderne : 4e étage / collections d’art contemporain VISITES INDIVIDUELLES : A inscrire dans votre agenda dès le début du semestre. Pour l’essai, l’étudiant doit obligatoirement choisir une exposition parmi les trois proposées par l’enseignant lors de la première séance. Il visitera individuellement l’exposition et en réalisera le compte-rendu critique. 6 PROGRAMME DES SEANCES 1. Lundi 17 janvier Présentation générale du programme Méthodologie : le commentaire d’œuvre en histoire de l’art Introduction : le système académique français et les Salons parisiens du XIXe siècle 2. Mercredi 19 janvier Réalisme(s) au XIXe siècle Les premières expositions indépendantes La naissance de la photographie Méthodologie : l’analyse de texte - Texte 1 : Charles Baudelaire, « Le public moderne et la photographie », Salon de 1859. 3. Lundi 24 janvier La « modernité baudelairienne » L’invention de la vitesse, la naissance des loisirs et le « pleinairisme » Impressionnisme, néo-impressionnisme et post-impressionnisme Le développement du système marchand-critique Intervention orale : - Analyse du texte 2 du recueil : Charles Baudelaire, « La modernité », Le Peintre de la Vie Moderne (1859-1860). 4. Mercredi 26 janvier VISITE COMMENTÉE DU MUSÉE D’ORSAY Point de rencontre : Devant le comptoir de l’entrée B des groupes du musée d’Orsay, quai Anatole France (côté Seine). Métro : Solferino, Assemblée Nationale ou RER Musée d’Orsay à 12 heures Pensez à vous munir de votre carte d’étudiant MERCREDI 26 JANVIER- 18H00 CONFÉRENCE 1 : PAP NDIAYE 7 5. Lundi 31 janvier Les Salons d’art indépendants : le Salon d’Automne de 1905 Henri Matisse et le fauvisme Stratégie d’exposition des avant-gardes Interventions orales : - Commentaire d’œuvre n°1 : Henri MATISSE [1869-1954], Le Luxe I, 1907, huile sur toile, 210 x 138 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. - Analyse des textes 3 du recueil : André Gide, « Promenade au Salon d’Automne », Gazette des BeauxArts, 1er décembre 1905 ; Louis Vauxcelles, « Le Salon d’Automne », supplément au Gil Blas, 17 octobre 1905 ; Henri Matisse, « Notes d’un peintre », 1908. 6. Mercredi 2 février Paul Cézanne Le primitivisme dans l’art moderne Le Cubisme L’internationalisation de l’art moderne et l’Armory Show, New York, 1913 Interventions orales : - Commentaire d’œuvre n°2 : Georges BRAQUE [1882-1963], Grand Nu, 1908, huile sur toile, 140 x 100 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. - Commentaire d’œuvre n°3 : Pablo PICASSO [1881-1973], Nature morte à la chaise cannée, mai 1912, huile sur toile cirée entourée de corde, 29 x 37 cm, Paris, Musée national Picasso. - Analyse du texte 4 du recueil : « Picasso parle », interview par Marius de Zayas in The Arts, New York, mai 1923. 7. Lundi 7 février Le futurisme et l’art du manifeste Marcel Duchamp, Dada « Le troisième œil » : photographie et cinéma surréalistes Méthodologie : le compte-rendu critique d’une exposition d’art contemporain Interventions orales : - Commentaire d’œuvre n°4 : André BRETON [1896-1966], reconstitution du mur de l’appartement, rue Fontaine, 1922-1966, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. - Analyse du texte 5 du recueil : Filippo Tommaso Marinetti, « Manifeste du Futurisme » (Paris, 1909). - Analyse du texte 6 du recueil : Marcel Duchamp, À propos de Ready-mades (New York, 1961). 8 8. Mercredi 9 février VISITE commentée du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (MAMVP) Point de rencontre : devant l’entrée du Musée. Métro : Alma Marceau ou Iéna. à 12 heures Pensez à vous munir de votre carte d’étudiant 9. Lundi 14 février Abstractions : naissance et développement Le développement de l’art abstrait selon Alfred H. Barr Guernica et l’Exposition Internationale de 1937 Interventions orales : - Commentaire d’œuvre n°5 : Sonia DELAUNAY-TERK [1885-1979], Le Bal Bullier, 1913, huile sur toile à matelas, 97 x 390 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. - Commentaire d’œuvre n°6 : Pablo PICASSO [1881-1973], Guernica, 1937, huile sur toile, 349 cm x 776 cm, Madrid, Museo Nacional Reina Sofia. - Analyse du texte 7 du recueil : Alfred H. Barr Jr., Le Développement de l’art abstrait (1936). REMISE DE L’ESSAI en cours 10. Mercredi 16 février Galeries d’art contemporain ou visite d’une exposition d’art contemporain en musée MERCREDI 16 FÉVRIER- 18H00 CONFÉRENCE 2 : GISELE SAPIRO 9 11. Lundi 21 février Yves Klein et le Nouveau Réalisme Les premiers musées d’art contemporain Le Ministère de la Culture et la notion « d’exception culturelle française » Interventions orales : - Commentaire d’œuvre n°7 : Niki de SAINT PHALLE [1930-2002], Tir, 1961, plâtre, peinture, métal et objets divers sur contre-plaqué, 175 x 80 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. - Commentaire d’œuvre n°8 : Yves KLEIN [1928-1962], Exposition Le Vide, Paris, galerie Iris Clert, avril-mai 1958. - Analyse des textes 8 du recueil : Pierre Restany, Manifeste Les Nouveaux Réalistes, Milan, 1960 ; préface du catalogue de l’exposition À 40° au-dessus de DADA, Galerie J, 8 rue Montfaucon, Paris, 17 mai - 10 juin 1961. 12. Mercredi 23 février VISITE DU CENTRE GEORGES POMPIDOU – MUSÉE NATIONAL D’ART MODERNE (4e étage) Point de rencontre : dans le hall du Centre Métro : Châtelet, Rambuteau ou Hôtel de Ville. à 12 heures Pensez à vous munir de votre carte d’étudiant MERCREDI 23 FÉVRIER - 18H00 CONFÉRENCE 3 : ARNAUD DE LA PORTE 13. Lundi 28 février Daniel Buren et l’espace public « Mythologies personnelles » : Christian Boltanski, Annette Messager, Sophie Calle Le rôle du commissaire d’exposition Globalisation et « filialisation » des grands musées Interventions orales : - Commentaire d’œuvre n°9 : Annette MESSAGER [1943], Les Piques, 1992-1993, installation, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. - Analyse du texte 9 du recueil : Daniel Buren, « Sur le fonctionnement des expositions, à propos de Documenta 5 », in catalogue Documenta 5, Cassel, février 1972. 10 - Analyse du texte 10 du recueil : Françoise Cachin, Jean Clair, Roland Recht, « Les musées ne sont pas à vendre », décembre 2006. 14. Mercredi 2 mars Révision générale du programme et préparation de l’examen final. VENDREDI 4 MARS: EXAMEN FINAL Reconnaissance des œuvres Commentaire d’œuvre Essai VII. BIBLIOGRAPHIE Ouvrages généraux - BERNARD, Edina. L’Art Moderne. 1905-1945, Paris, Larousse, 1999. BOIS, Yve-Alain. BUCHLOCH, Benjamin. FOSTER, Hal. KRAUSS, Rosalind. Art Since 1900. Modernism. Antimodernism. Postmodernism, Londres, Thames & Hudson, 2004. BLISTENE, Bernard. Une histoire de l’art au XXe siècle, Paris, Beaux-Arts magazine, 2002. DAGEN, Philippe. HAMON, Françoise (dir.). Histoire de l’art. Epoque Contemporaine (XIXe -XXe siècles), Paris, Flammarion, 1995. EWIG, Isabelle. MALDONADO, Guitemie. Lire l’Art contemporain. Dans l’intimité des œuvres, Paris, Larousse, 2004. HARRISON, Charles ; WOOD Paul (dir.). Art en théorie 1900-1990. Une anthologie, Paris, Hazan, 1997 (ed. anglaise, 1992). LEMOINE, Serge (dir.). L’Art Moderne et Contemporain, Paris, Larousse, 2006. MEROT, Alain (dir.). Histoire de l’Art 1000-2000, Paris, Hazan, 1995. PRADEL, Jean-Louis. L’Art Contemporain, Paris, Larousse, 2004. Par artiste / mouvement (suivant la chronologie du cours) - PICON, Gaëtan. 1863 : Naissance de la Peinture Moderne, Paris, Gallimard, 1988. Catalogue Paris : Capitale des arts 1900-1968 (Sarah Wilson dir.), Londres, Royal Academy of Arts, 2002. Catalogue L’Invention d’un regard (1839-1918), cent-cinquantenaire de la photographie, XIXe siècle, Paris, Musée d’Orsay, 1989. FRIZOT, Michel (dir.). Nouvelle Histoire de la Photographie, Paris, Bordas, Adam Biro, 1994. Catalogue L’Impressionnisme et le paysage français, Paris, Grand Palais, 1988. Catalogue Impressionnisme. Les origines, 1859-1869, Paris, Grand Palais, 1994. Catalogue Paul Signac et la libération de la couleur, de Matisse à Mondrian (S. Lemoine dir.), Grenoble, Musée de Grenoble, 1997. 11 - Catalogue De Puvis de Chavannes à Matisse et Picasso. Vers l’art moderne (S. Lemoine dir.), Venise, Palazzo Grassi, 2002. Catalogue Le Fauvisme ou l’épreuve du feu. L’éruption de la modernité en Europe, Paris, Musée d’art moderne de la ville de Paris, 2000. WHITFIED, Sarah. Le Fauvisme, Paris, Thames & Hudson, 1997. CABANNE, Pierre. Le Cubisme, Paris, Saint-André-des-Arts, 2002. DAIX, Pierre, Dictionnaire Picasso, Laffont, Bouquins, 1995. Catalogue Marcel Duchamp, Paris, Centre Pompidou, 1980. DE DUVE, Thierry. Résonances du ready-made. Duchamp entre avant-garde et tradition, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1989. Catalogue Dada, Paris, Centre Pompidou, 2005. Catalogue La Révolution surréaliste, Paris, Centre Pompidou, 2002. Catalogue The Spiritual in Art : asbtract painting 1890-1985 (Maurice Tuchman dir.), Los Angeles, County Museum of Art, 1986. Catalogue Aux Origines de l’Abstraction. 1800-1914 (S. Lemoine, P. Rousseau dir.), Paris, Musée d’Orsay, 2003. Catalogue Paris - Paris 1937-1957, Paris, Centre Pompidou, 1981. Catalogue Années 30 en Europe (1929-1939) : le temps menaçant, Paris, Musée d’art moderne de la ville de Paris, 1997. Catalogue Face à l’Histoire (1933-1996). L’Artiste moderne face à l’évènement historique : engagement, témoignage, vision, Paris, Centre Pompidou, 1997. Catalogue Le Nouveau Réalisme, Paris, Centre Georges Pompidou, 2007. Catalogue Yves Klein, Paris, Centre Georges Pompidou, 2006. BUREN, Daniel, Mot à mot, (catalogue), Paris, Centre Georges Pompidou, 2002. DIDI-HUBERMAN, Georges, L’étoilement. Conversation avec Hantaï, Paris, Minuit, 1998. Catalogue Soulages, Lyon, Musée St Pierre Art Contemporain, 1987. RAGON, Michel, Les ateliers de Soulages, Paris, Albin Michel, 2004. CALLE, Sophie, Prenez soin de vous, Paris, Actes Sud, 2007. GRENIER, Catherine (avec Christian BOLTANSKI), La vie possible de Christian Boltanski, Paris, Seuil, coll. Fiction & Cie, 2007. Lectures annexes (écrits critiques, expositions, marché de l’art, institutions) - - Catalogue Chefs-d’œuvre ?, Metz, Centre Pompidou, 2010. ARMAOS, Georges. « Continuité et changement ». De la temporalité des collections permanentes du MNAM et du MoMA, in 20/21. siècles, Cahiers du Centre Pierre Francastel, Université Paris X-Nanterre, n° 5-6, automne 2007, p. 141-161. BAUDELAIRE, Charles. Écrits sur l’art, Le Livre de Poche Classique, 1992. BENJAMIN, Walter, L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, Paris, Allia, 2003. BERNADAC, Marie-Laure ; MICHAEL, Androula. Picasso. Propos sur l’art, Paris, Gallimard, 1998. BOUILLON, Jean-Paul et al., La Promenade du critique influent : anthologie de la critique d’art en France 1850-1900, Paris, Hazan, nouvelle édition 2010. CORBIN, Alain. L'Avènement des loisirs, 1850-1960, Paris, Flammarion, 2009. CROW, Thomas. La Peinture et son public à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Macula, 2000. DAGEN, Philippe, Pour ou contre le fauvisme, Paris, Somogy, 1994. DEBORD, Guy. La Société du spectacle, Paris, Gallimard, 1996. DERIEUX, Florence (dir.). Harald Szeemann - Méthodologie Individuelle, Zurich, JRP Ringier, 2008. FREUND, Gisèle. Photographie et société, Le Seuil, 1974. GLICENSTEIN, Jérôme. L’art : une histoire d’expositions, Paris PUF, 2009. GREENBERG, Reesa. FERGUSON, Bruce W. NAIRNE, Sandy (dir.), Thinking about Exhibitions, 12 - - - London and New York, Routledge, 1996. GUILBAUT, Serge. Comment New York vola l’idée d’art moderne, Nîmes, éditions Jacqueline Chambon, 1989. KLUSER, Bernd. HEGEWISCH, Katharina (dir.). L’Art de l'exposition : Une documentation sur trente expositions exemplaires du XXe siècle, Paris, éditions du Regard, 1998. JAUSS, Hans Robert. Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, Collection Tel, 1990. LEMAIRE, Gérard-Georges. Histoire du Salon de peinture, Paris, Klincksieck, 2003. LOBSTEIN, Dominique. Les Salons au XIXe siècle : Paris, capitale des arts, Paris, La Martinière, 2006. MALLARME, Stéphane. Écrits sur l’art, Paris, GF Flammarion, 1998. MALRAUX, André, Le Musée imaginaire, Paris, Gallimard, 1997. MATLOCK, Jann. « Olympia devient française, ou comment la modernité a perdu la mémoire », in Jean Galard (dir.), Ruptures, Paris, Louvre et Ensba, 2002, p. 165-216. MESCHONNIC, Henri, Modernité modernité, Paris, Gallimard, 1988. MONNIER, Gérard. L’art et ses institutions en France de la Révolution à nos jours, Paris, Gallimard, Folio, 1995. MOULIN, Raymonde. L’artiste, l’institution et le marché, Paris, Flammarion, Champs, 2009. OBRIST, Hans Ulrich. A Brief History of Curating, Zurich, JRP Ringier, 2008. O’DOHERTY, Brian, White Cube. L’espace de la galerie et son idéologie, Paris, La Maison Rouge, 2008. RIOUX, Jean-Pierre. SIRINELLI, Jean-François. La culture de masse en France : De la Belle Époque à aujourd’hui, Paris, Hachette Pluriel, 2006. ROUILLE, André. La Photographie en France. Textes et controverses. Une anthologie 18161871, Paris, Macula, 1989. RUBIN, William dir. Le Primitivisme dans l’art du 20e siècle, Paris, Flammarion, 1992, 2 vols. POINSOT, Jean-Marc. Quand l’œuvre a lieu. L’art exposé et ses récits autorisés, Dijon, Les Presses du réel, 2008 (édition augmentée). de SAINT-PULGENT, Maryvonne. Culture et communication, Les missions d’un grand ministère, Paris, Gallimard, Collection Découvertes, 2009 (historique du ministère de la Culture). SCHAPIRO, Meyer. « L’introduction de l’art moderne européen aux Etats-Unis : The Armory Show (1913) », (1950) in Meyer Schapiro, Style, artiste et société, Paris, Gallimard, collection Tel, 1982, pp. 383-439. SCHLEGEL, Friedrich, Descriptions de tableaux, Paris, école nationale des Beaux-Arts, 2003. STUDENY, Christophe. L’Invention de la vitesse - France XVIIIe-XXe siècle, Paris, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 1995. WHITE, Harrison et Cynthia. La carrière des peintres au XIXe siècle : du système académique au marché des impressionnistes, Paris, Flammarion, Champs, 2009. ZOLA, Émile. Écrits sur l’art, Paris, Gallimard, Collection Tel, 1991. ZOLA, Émile. L’œuvre, (première édition, 1886), Paris, Gallimard, Folio, 2006. 13 VIII. Recueil de textes Texte 1 : Charles Baudelaire, « Le public moderne et la photographie », Salon de 1859. […] Notre public, qui est singulièrement impuissant à sentir le bonheur de la rêverie ou de l’admiration (signe des petites âmes), veut être étonné par des moyens étrangers à l'art, et ses artistes obéissants se conforment à son goût; ils veulent le frapper, le surprendre, le stupéfier par des stratagèmes indignes, parce qu'ils le savent incapable de s'extasier devant la tactique naturelle de l'art véritable. Dans ces jours déplorables, une industrie nouvelle se produisit, qui ne contribua pas peu à confirmer la sottise dans sa foi et à ruiner ce qui pouvait rester de divin dans l'esprit français. Cette foule idolâtre postulait un idéal digne d'elle et approprié à sa nature, cela est bien entendu. En matière de peinture et de statuaire, le Credo actuel des gens du monde, surtout en France (et je ne crois pas que qui que ce soit ose affirmer le contraire), est celui-ci: "Je crois à la nature et je ne crois qu'à la nature (il y a de bonnes raisons pour cela). Je crois que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature (une secte timide et dissidente veut que les objets de nature répugnante soient écartés, ainsi un pot de chambre ou un squelette). Ainsi l'industrie qui nous donnerait un résultat identique à la nature serait l'art absolu." Un Dieu vengeur a exaucé les vœux de cette multitude. Daguerre fut son Messie. Et alors elle se dit: "Puisque la photographie nous donne toutes les garanties désirables d'exactitude (ils croient cela, les insensés), l'art, c'est la photographie." A partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal […]. Comme l'industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études, cet universel engouement portait non-seulement le caractère de l'aveuglement et de l'imbécillité, mais avait aussi la couleur d'une vengeance. Qu'une si stupide conspiration, dans laquelle on trouve, comme dans toutes les autres, les méchants et les dupes, puisse réussir d'une manière absolue, je ne le crois pas, ou du moins je ne veux pas le croire; mais je suis convaincu que les progrès mal appliqués de la photographie ont beaucoup contribué, comme d'ailleurs tous les progrès purement matériels, à l'appauvrissement du génie artistique français, déjà si rare. La Fatuité moderne aura beau rugir, éructer tous les borborygmes de sa ronde personnalité, vomir tous les sophismes indigestes dont une philosophie récente l'a bourrée à gueule-que-veux-tu, cela tombe sous le sens que l'industrie, faisant irruption dans l'art, en devient la plus mortelle ennemie, et que la confusion des fonctions empêche qu'aucune soit bien remplie. La poésie et le progrès sont deux ambitieux qui se haïssent d'une haine instinctive, et, quand ils se rencontrent dans le même chemin, il faut que l'un des deux serve l'autre. S'il est permis à la photographie de suppléer l'art dans quelques-unes de ses fonctions, elle l'aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait, grâce à l'alliance naturelle qu'elle trouvera dans la sottise de la multitude. Il faut donc qu'elle rentre dans son véritable devoir, qui est d'être la servante des sciences et des arts, mais la très humble servante, comme l'imprimerie et la sténographie, qui n'ont ni créé ni suppléé la littérature […]. Qu'elle sauve de l'oubli les ruines pendantes, les livres, les estampes et les manuscrits que le temps dévore, les choses précieuses dont la forme va disparaître et qui demandent une place dans les archives de notre mémoire, elle sera remerciée et applaudie. Mais s'il lui est permis d'empiéter sur le domaine de l'impalpable et de l'imaginaire, sur tout ce qui ne vaut que parce que l'homme y ajoute de son âme, alors malheur à nous! 14 Texte 2 : Charles Baudelaire, « La modernité », Le Peintre de la Vie Moderne (1859-1860). I. Le beau, la mode, le bonheur. […] C'est ici une belle occasion, en vérité, pour établir une théorie rationnelle et historique du beau, en opposition avec la théorie du beau unique et absolu ; pour montrer que le beau est toujours, inévitablement, d'une composition double, bien que l'impression qu'il produit soit une ; car la difficulté de discerner les éléments variables du beau dans l'unité de l'impression n'infirme en rien la nécessité de la variété dans sa composition. Le beau est fait d'un élément éternel, invariable, dont la quantité est excessivement difficile à déterminer, et d'un élément relatif, circonstanciel, qui sera, si l'on veut, tour à tour ou tout ensemble, l'époque, la mode, la morale, la passion. Sans ce second élément, qui est comme l'enveloppe amusante, titillante, apéritive, du divin gâteau, le premier élément serait indigestible, inappréciable, non adapté et non approprié à la nature humaine. Je défie qu'on découvre un échantillon quelconque de beauté qui ne contienne pas ces deux éléments. Je choisis, si l'on veut, les deux échelons extrêmes de l'histoire. Dans l'art hiératique, la dualité se fait voir au premier coup d’œil ; la partie de beauté éternelle ne se manifeste qu'avec la permission et sous la règle de la religion à laquelle appartient l'artiste. Dans l'œuvre la plus frivole d'un artiste raffiné appartenant à une de ces époques que nous qualifions trop vaniteusement de civilisées, la dualité se montre également ; la portion éternelle de beauté sera en même temps voilée et exprimée, sinon par la mode, au moins par le tempérament particulier de l'auteur. La dualité de l'art est une conséquence fatale de la dualité de l'homme. Considérez, si cela vous plaît, la partie éternellement subsistante comme l'âme de l'art, et l'élément variable comme son corps. C'est pourquoi Stendhal, esprit impertinent, taquin, répugnant même, mais dont les impertinences provoquent utilement la méditation, s'est rapproché de la vérité, plus que beaucoup d'autres, en disant que le Beau n'est que la promesse du bonheur. Sans doute cette définition dépasse le but ; elle soumet beaucoup trop le beau à l'idéal infiniment variable du bonheur ; elle dépouille trop lestement le beau de son caractère aristocratique ; mais elle a le grand mérite de s'éloigner décidément de l'erreur des académiciens. IV. La modernité. Ainsi il [l’artiste] va, il court, il cherche. Que cherche-t-il ? À coup sûr, cet homme, tel que je l'ai dépeint, ce solitaire doué d'une imagination active, toujours voyageant à travers le grand désert d'hommes, a un but plus élevé que celui d'un pur flâneur, un but plus général, autre que le plaisir fugitif de la circonstance. Il cherche ce quelque chose qu'on nous permettra d'appeler la modernité ; car il ne se présente pas de meilleur mot pour exprimer l'idée en question. Il s'agit, pour lui, de dégager de la mode ce qu'elle peut contenir de poétique dans l'historique, de tirer l'éternel du transitoire. […] La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable. Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien ; la plupart des beaux portraits qui nous restent des temps antérieurs sont revêtus des costumes de leur époque. Ils sont parfaitement harmonieux, parce que le costume, la coiffure et même le geste, le regard et le sourire (chaque époque a son port, son regard et son sourire) forment un tout d'une complète vitalité. Cet élément transitoire, fugitif, dont les métamorphoses sont si fréquentes, vous n'avez pas le droit de le mépriser ou de vous en passer. En le supprimant, vous tombez forcément dans le vide d'une beauté abstraite et indéfinissable, comme celle de l'unique femme avant le premier péché. Si au costume de l'époque, qui s'impose nécessairement, vous en substituez un autre, vous faites un contresens qui ne peut avoir d'excuse que dans le cas d'une mascarade voulue par la mode. Ainsi, les déesses, les nymphes et les sultanes du dix-huitième siècle sont des portraits moralement ressemblants. Il est sans doute excellent d'étudier les anciens maîtres pour apprendre à peindre, mais cela ne peut être qu'un exercice superflu si votre but est de comprendre le caractère de la beauté présente. (…) En un mot, pour que toute modernité soit digne de devenir antiquité, il faut que la beauté mystérieuse que la vie humaine y met involontairement en ait été extraite. 15 Textes 3 : Le fauvisme André Gide, « Promenade au Salon d’Automne », Gazette des Beaux-Arts, 1er décembre 1905. Pour plus de commodité, je veux admettre que M. Henri Matisse ait les plus beaux dons naturels. Le fait est qu’il nous avait donné précédemment des œuvres pleines de sève et de la plus heureuse vigueur… Les toiles qu’il présente aujourd’hui ont l’aspect d’exposés de théorèmes. – Je suis resté longtemps dans cette salle. J’écoutais les gens qui passaient, et lorsque j’entendais crier devant Matisse : « C’est de la folie ! » j’avais envie de répliquer : « Mais non, Monsieur ; tout au contraire. C’est un produit de théories. » - Tout peut s’y déduire, expliquer ; l’intuition n’y a que faire. Sans doute, quand M. Matisse peint le front de cette femme couleur pomme et ce tronc d’arbre rouge franc, il peut nous dire : « C’est parce que… » Oui, raisonnable cette peinture, et raisonneuse même plutôt. Combien loin de la lyrique outrance d’un Van Gogh ! – Et dans les coulisses j’entends : « Il faut que tous les tons soient outrés ». « L’ennemi de toute peinture est le gris. » « Que l’artiste ne craigne jamais de dépasser la mesure ». M. Matisse, vous vous l’êtes laissé dire… Et je comprends de reste comment, en voyant « les autres » se donner l’apparence du style par l’emploi des liaisons, des termes morts et trouver, pour leur timidité, dans les transitions l’excuse et le soutien de leurs prétendues hardiesses, ne pas lâcher la ligne, le contour, de même ne pas quitter une teinte, l’étayer, et, pour l’exprimer dans l’ombre, l’assombrir – je comprends comment vous vous êtes poussé à bout […]. L’art n’habite pas les extrêmes ; c’est une chose tempérée. Tempérée par quoi ? Par la raison, parbleu ! Mais pas la raison raisonneuse… Cherchons d’autres enseignements. Louis Vauxcelles, « Le Salon d’Automne », supplément au Gil Blas, 17 octobre 1905. Salle VII MM. Henri Matisse, Marquet, Manguin, Camoin, Girieud, Derain, Ramon Pichot. Salle archi-claire, des oseurs, des outranciers, de qui il faut déchiffrer les intentions, en laissant aux malins et aux sots le droit de rire, critique trop aisée. Et c’est tout un lot d’Indépendants, Marquet et compagnie, groupe qui se tient aussi fraternellement serré que, dans la précédente génération, Vuillard et ses amis. Abordons sans tarder, M. Matisse. Il a du courage, car son envoi – il le sait, du reste – aura le sort d’une vierge chrétienne livrée aux fauves du Cirque. M. Matisse est l’un des plus robustement doués des peintres d’aujourd’hui, il aurait pu obtenir de faciles bravos : il préfère s’enfoncer, errer en des recherches passionnées, demander au pointillisme plus de vibrations, de luminosités. Mais le souci de la forme souffre. M. Derain effarouchera ; il effarouche aux Indépendants. Je le crois plus affichiste que peintre. Le parti pris de son imagerie virulente, la juxtaposition facile des complémentaires sembleront à certains d’un art volontiers puéril ; reconnaissons, cependant, que ses Bateaux décoreraient heureusement le mur d’une chambre d’enfant. M. de Vlaminck épinalise ! Sa peinture, qui a l’air terrible, est, au fond, très bon enfant […]. Au centre de la salle, un torse d’enfant et un petit buste en marbre, d’Albert Marque, qui modèle avec une science délicate. La candeur de ces bustes surprend au milieu de l’orgie des tons purs : Donatello chez les fauves… […] 16 Henri Matisse, Notes d’un peintre, 1908. Ce que je poursuis par-dessus tout, c’est l’expression. (…) L’expression pour moi, ne réside pas dans la passion qui éclatera sur un visage ou qui s’affirmera par un mouvement violent. Elle est dans toute la disposition de mon tableau : la place qu’occupent les corps, les vides qui sont autour d’eux, les proportions, tout cela y a sa part. La composition est l’art d’arranger de manière décorative les divers éléments dont le peintre dispose pour exprimer ses sentiments. Dans un tableau, chaque partie sera visible et viendra jouer le rôle qui lui revient, principal ou secondaire. Tout ce qui n’a pas d’utilité dans le tableau est, par là même, nuisible. Une oeuvre comporte une harmonie d’ensemble : tout détail superflu prendrait, dans l’esprit du spectateur, la place d’un autre détail essentiel. Je veux arriver à cet état de condensation des sensations qui fait le tableau. Je pourrais me contenter d'une œuvre de premier jet, mais elle me lasserait de suite, et je préfère la retoucher pour pouvoir la reconnaître plus tard comme une représentation de mon esprit. […] Ce qui m’intéresse le plus, ce n’est ni la nature morte, ni le paysage, c’est la figure. C’est elle qui me permet le mieux d’exprimer le sentiment pour ainsi dire religieux que je possède de la vie. Je ne m’attache pas à détailler tous les traits du visage, à les rendre un à un dans leur exactitude anatomique. […] Une œuvre doit porter en elle-même sa signification entière et l’imposer au spectateur avant même qu’il en connaisse le sujet. Quand je vois les fresques de Giotto à Padoue, je ne m’inquiète pas de savoir quelle scène de la vie du Christ j’ai devant les yeux, mais tout de suite, je comprends le sentiment qui s’en dégage, car il est dans les lignes, dans la composition, dans la couleur, et le titre ne fera que confirmer mon impression. Ce que je rêve, c’est un art d’équilibre, de pureté, de tranquillité, sans sujet inquiétant ou préoccupant, qui soit, pour tout travailleur cérébral, pour l’homme d’affaires aussi bien que pour l’artiste des lettres, par exemple, un lénifiant, un calmant cérébral, quelque chose d’analogue à un bon fauteuil qui le délasse de ses fatigues physiques. La tendance dominante de la couleur doit être de servir le mieux possible l’expression. Je pose mes tons sans parti pris. Si au premier abord, et peut-être sans que j’en aie eu conscience, un ton m’a séduit ou arrêté, je m’apercevrai le plus souvent, une fois mon tableau fini, que j’ai respecté ce ton, alors que j’ai progressivement modifié et transformé toutes les autres. Le côté expressif des couleurs s’impose à moi de façon purement instinctive. 17 Texte 4 : « Picasso parle », interview par Marius de Zayas in The Arts, New York, mai 1923. […] Nous savons tous que l’art n’est pas la vérité. L’art est un mensonge qui nous fait comprendre la vérité, du moins la vérité qui nous est donnée de pouvoir comprendre. L’artiste doit connaître le moyen de convaincre les autres de la véracité de ses mensonges. S’il ne montre dans son œuvre que ce qu’il a cherché, et re-cherché, pour faire passer ces mensonges, il ne parviendra jamais à rien. L’idée de recherche a souvent amené la peinture à se fourvoyer, et l’artiste à se perdre en élucubrations. Peut-être est-ce même le défaut majeur de l’art moderne. L’esprit de recherche a empoisonné ceux qui n’ont pas pleinement compris tous les éléments positifs et concluants de l’art moderne et a tenté de leur faire peindre l’invisible et, par conséquent, « l’impeignable ». On oppose à la peinture moderne le naturalisme. Je serais curieux de savoir si personne a jamais vu une œuvre d’art naturelle. La nature et l’art, étant deux choses différentes, ne peuvent être la même chose. Par l’art, nous pouvons exprimer notre conception de ce que la nature n’est pas […]. Des peintres des origines, les primitifs, dont l’œuvre est de toute évidence différente de la nature, aux artistes qui, tels David, Ingres et même Bouguereau, croyaient peindre la nature telle qu’elle est, l’art a toujours été art et non nature. Et, du point de vue de l’art, il n’y a pas de formes concrètes ou abstraites, mais uniquement des formes qui sont des mensonges plus ou moins convaincants. Il ne fait aucun doute que ces mensonges sont indispensables à notre être mental, car c’est à travers eux que nous formons notre point de vue esthétique de la vie. Le cubisme n’est différent d’aucune autre école de peinture. Les mêmes principes et les mêmes éléments sont communs à toutes. Le fait que pendant longtemps le cubisme n’ait pas été compris, et qu’aujourd’hui encore il y ait des gens qui n’y voient rien, n’a aucune signification. Je ne lis pas l’anglais, et un livre en anglais est pour moi un livre vide. Cela ne signifie pas que la langue anglaise n’existe pas ; pourquoi devrais-je m’en prendre à quiconque sinon à moi-même si je ne comprends pas ce que je ne connais pas ? J’entends souvent aussi le mot « évolution ». On me demande constamment d’expliquer comment ma peinture a évolué. Pour moi, il n’y a pas de passé ni d’avenir en art. Si une œuvre d’art ne peut vivre toujours dans le présent, il est inutile de s’y attarder. L’art des Grecs, des Egyptiens et des grands peintres qui ont vécu à d’autres époques, n’est pas un art du passé ; peut-être est-il plus vivant aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été. L’art n’évolue pas de lui-même, ce sont les idées des gens qui changent, et avec elles, leurs modes d’expression. 18 Texte 5 : Filippo Tommaso Marinetti, « Manifeste du Futurisme » (Paris, 1909). 1. Nous voulons chanter l'amour du danger, l'habitude de l'énergie et de la témérité. 2. Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l'audace et la révolte. 3. La littérature ayant jusqu'ici magnifié l'immobilité pensive, l'extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l'insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing. 4. Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l'haleine explosive... Une automobile rugissante, qui a l'air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace. 5. Nous voulons chanter l'homme qui tient le volant, dont la tige idéale traverse la Terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite. 6. Il faut que le poète se dépense avec chaleur, éclat et prodigalité, pour augmenter la ferveur enthousiaste des éléments primordiaux. 7. Il n'y a plus de beauté que dans la lutte. Pas de chef-d'œuvre sans un caractère agressif. La poésie doit être un assaut violent contre les forces inconnues, pour les sommer de se coucher devant l'homme. 8. Nous sommes sur le promontoire extrême des siècles !… A quoi bon regarder derrière nous, du moment qu'il nous faut défoncer les vantaux mystérieux de l'Impossible ? Le Temps et l'Espace sont morts hier. Nous vivons déjà dans l'absolu, puisque nous avons déjà créé l'éternelle vitesse omniprésente. 9. Nous voulons glorifier la guerre - seule hygiène du monde, - le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme. 10. Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires. 11. Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte ; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes ; la vibration nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes électriques ; les gares gloutonnes avaleuses de serpents qui fument ; les usines suspendues aux nuages par les ficelles de leurs fumées ; les ponts aux bonds de gymnastes lancés sur la coutellerie diabolique des fleuves ensoleillés ; les paquebots aventureux flairant l'horizon ; les locomotives au grand poitrail, qui piaffent sur les rails, tels d'énormes chevaux d'acier bridés de longs tuyaux, et le vol glissant des aéroplanes, dont l'hélice a des claquements de drapeau et des applaudissements de foule enthousiaste […]. Regardez-nous ! Nous ne sommes pas essoufflés... Notre cœur n'a pas la moindre fatigue ! Car il s'est nourri de feu, de haine et de vitesse !… Ça vous étonne ? C'est que vous ne vous souvenez même pas d'avoir vécu ! Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles ! Vos objections ? Assez ! Assez ! Je les connais ! C'est entendu ! Nous savons bien ce que notre belle et fausse intelligence nous affirme. – Nous ne sommes, dit-elle, que le résumé et le prolongement de nos ancêtres. – Peut-être ! Soit !… Qu'importe ?… Mais nous ne voulons pas entendre ! Gardez-vous de répéter ces mots infâmes ! Levez plutôt la tête ! Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles ! 19 Texte 6 : Marcel Duchamp, À propos de Ready-mades (extraits). Conférence prononcée dans le cadre de l’exposition « Art of assemblage » au Musée d’Art moderne de New York en 1961. En 1913 j’eus l’heureuse idée de fixer une roue de bicyclette sur un tabouret de cuisine et de la regarder tourner. Quelques mois plus tard j’ai acheté une reproduction bon marché d’un paysage de soir d’hiver, que j’appelai « Pharmacie » après y avoir ajouté deux petites touches, l’une rouge et l’autre jaune, sur l'horizon. À New York en 1915 j’achetai dans une quincaillerie une pelle à neige sur laquelle j’écrivis « En prévision du bras cassé » (In advance of the broken arm). C’est vers cette époque que le mot « readymade » me vint à l’esprit pour désigner cette forme de manifestation. Il est un point que je veux établir très clairement, c’est que le choix de ces readymades ne me fut jamais dicté par quelque délectation esthétique. Ce choix était fondé sur une réaction d'indifférence visuelle, assortie au même moment à une absence totale de bon ou de mauvais goût… en fait une anesthésie complète. Une caractéristique importante : la courte phrase qu'à l'occasion j’inscrivais sur le ready-made. Cette phrase, au lieu de décrire l’objet comme l’aurait fait un titre, était destinée à emporter l’esprit du spectateur vers d’autres régions plus verbales. Quelques fois j’ajoutais un détail graphique de présentation : j’appelais cela pour satisfaire mon penchant pour les allitérations, « un ready-made aidé » (ready-made aided). Une autre fois, voulant souligner l’antinomie fondamentale qui existe entre l’art et les ready-mades, j’imaginais un « ready-made réciproque » (reciprocal ready-made) : se servir d’un Rembrandt comme table à repasser ! Très tôt je me rendis compte du danger qu’il pouvait y avoir à resservir sans discrimination cette forme d’expression et je décidai de limiter la production des readymades à un petit nombre chaque année. Je m’avisai à cette époque que, pour le spectateur plus encore que pour l’artiste, l’art est une drogue à accoutumance et je voulais protéger mes readymades contre une contamination de ce genre. 20 Texte 7 : Alfred H. Barr Jr., Le Développement de l’art abstrait, (diagramme) 1936 21 Textes 8 : Le Nouveau Réalisme. Pierre Restany, Manifeste Les Nouveaux Réalistes, Milan, 1960. […] La peinture de chevalet (comme n'importe quel autre moyen d'expression classique dans le domaine de la peinture ou de la sculpture) a fait son temps. Elle vit en ce moment les derniers instants, encore sublimes parfois, d'un long monopole. Que nous propose-t-on par ailleurs ? La passionnante aventure du réel perçu en soi et non à travers le prisme de la transcription conceptuelle ou imaginative. Quelle en est la marque ? L'introduction d'un relais sociologique au stade essentiel de la communication. La sociologie vient au secours de la conscience et du hasard, que ce soit au niveau du choix ou de la lacération de l'affiche, de l'allure d'un objet, d'une ordure de ménage ou d'un déchet de salon, du déchaînement de l'affectivité mécanique, de la diffusion de la sensibilité au-delà des limites de sa perception. Pierre Restany, préface du catalogue de l’exposition À 40° au-dessus de DADA, Galerie J, 8 rue Montfaucon, Paris, 17 mai - 10 juin 1961. […] Nous assistons aujourd’hui à un phénomène généralisé d’épuisement et de sclérose de tous les vocabulaires établis : pour quelques exceptions de plus en plus rares, que de redites stylistiques et d’académismes rédhibitoires ! À la carence vitale des procédés classiques s’affrontent – heureusement – certaines démarches individuelles tendant, quelle que soit l’envergure de leur champ d’investigation, à définir les bases normatives d’une nouvelle expressivité. Ce qu’elles nous proposent, c’est la passionnante aventure du réel […]. Les nouveaux réalistes considèrent le Monde comme un Tableau, le Grand œuvre fondamental dont ils s’approprient des fragments dotés d’universelle signifiance. Ils nous donnent à voir le réel dans des aspects de sa totalité expressive. Et par le truchement de ces images spécifiques, c’est la réalité sociologique toute entière, le bien commun de l’activité des hommes, la grande république de nos échanges sociaux, de notre commerce en société qui est assigné à comparaître. Dans le contexte actuel, les ready-made de Marcel Duchamp (et aussi les objets à fonctionnement de Camille Bryen) prennent un sens nouveau. Ils traduisent le droit à l’expression directe de tout un secteur organique de l’activité moderne, celui de la ville, de la rue, de l’usine, de la production en série. Ce baptême artistique de l’objet usuel constitue désormais le "fait dada" par excellence. Après le NON et le ZERO, voici une troisième position du mythe : le geste anti-art de Marcel Duchamp se charge de positivité. L’esprit dada s’identifie à un mode d’appropriation de la réalité extérieure du monde moderne. Le ready-made n’est plus le comble de la négativité ou de la polémique, mais l’élément de base d’un nouveau répertoire expressif […]. 22 Texte 9 : Daniel Buren, « Sur le fonctionnement des expositions, à propos de Documenta 5 », in catalogue Documenta 5, Cassel, février 1972. Exposition d’une exposition De plus en plus le sujet d'une exposition tend à ne plus être l'exposition d'œuvres d'art, mais l'exposition de l'exposition comme œuvre d'art. Ici, c'est bien l'équipe de Documenta, dirigée par Harald Szeemann, qui expose (les œuvres) et s'expose (aux critiques). Les œuvres présentées sont les touches de couleurs – soigneusement choisies – du tableau que compose chaque section (salle) dans son ensemble. Il y a même un ordre dans ces couleurs, celles-ci étant cernées et composées en fonction du dess(e)in de la section (sélection) dans laquelle elles s'étalent/se présentent. Ces sections (castrations), ellesmêmes « touches de couleurs » – soigneusement choisies – du tableau que compose l'exposition dans son ensemble et dans son principe même, n'apparaissent qu'en se mettant sous la protection de l'organisateur, celui qui réunifie l'art en le rendant tout égal dans l'écrin-écran qu'il lui apprête. Les contradictions, c'est l'organisateur qui les assume, c'est lui qui les couvre. Il est vrai alors que c'est l'exposition qui s'impose comme son propre sujet, et son propre sujet comme œuvre d'art. L'exposition est bien le « réceptacle valorisant » où l'art non seulement se joue mais s'abîme car si hier encore l'œuvre se révélait grâce au Musée, elle ne sert plus aujourd'hui que de gadget décoratif à la survivance du Musée en tant que tableau, tableau dont l'auteur ne serait autre que l'organisateur de l'exposition lui-même. Et l'artiste se jette et jette son œuvre dans ce piège, car l'artiste et son œuvre, impuissants à force d'habitude de l'art, ne peuvent plus que laisser exposer un autre : l'organisateur. D'où l'exposition comme tableau de l'art, comme limite de l'exposition de l'art. Ainsi, les limites créées par l'art lui-même pour lui servir d'asile, se retournent contre lui en l'imitant, et le refuge de l'art que ses limites constituaient, se révèle en être la justification, la réalité et le tombeau. 23 Texte 10 : Françoise Cachin, Jean Clair, Roland Recht, « Les musées ne sont pas à vendre », décembre 2006. Jusqu’à présent, le monde des musées français était envié pour l’exceptionnel soutien dont il bénéficie de la part de l’Etat et des municipalités. Il l’était par exemple aux Etats-Unis, où un seul musée est national, celui de Washington. Tous les autres dépendent majoritairement de l’argent privé. Bien sûr les musées français savaient obtenir occasionnellement une aide provenant du mécénat privé, en particulier pour les expositions plus prestigieuses ; et il faut saluer cette nouvelle loi qui propose de fortes exemptions fiscales aux entreprises et personnes privées qui donnent des œuvres d’art importantes, ou de l’argent pour les acquérir. Nous avons aussi souvent, en échange de mécénat, organisé pour le Japon ou Taïwan, pays pauvres en art occidental, des expositions à caractère scientifique, conçues par les conservateurs français. Pourtant, hormis le Musée Guggenheim de New York, qui fut le désastreux pionnier de l’exportation payante de ses collections dans le monde entier, et se vante d’être un "entertainment business", l’éthique des musées outre-Atlantique et du reste de l’Europe demeure jusqu’à présent irréprochable, mettant au premier plan les devoirs concernant les collections, la recherche, leur enrichissement, le travail scientifique des conservateurs, le rôle éducatif de l’institution, le respect du public, bref, les codes déontologiques des musées publiés par l’ICOM (Conseil international des musées). Philippe de Montebello, directeur du Metropolitan Museum de New York, avait déjà, en septembre 2003, lancé un avertissement sévère sur la commercialisation effrénée du patrimoine public, en particulier par le système des "loan fees" (prêts payants) d’œuvres et la tendance de certains musées à s’orienter vers les "marchés culturels" et les "parcs de loisirs". Ils risquent, avait-il ajouté, "d’y perdre leur âme". Aujourd’hui, avec l’exemple de l’opération du Louvre à Atlanta, où des tableaux qui comptent parmi les plus grands chefs-d’œuvre des collections comme le Et in Arcadia Ego de Poussin, le Baldassare Castiglione de Raphaël ou Le Jeune Mendiant de Murillo, ont été déposés dans la riche cité du Coca-Cola, pour un an ou trois mois, selon les œuvres, en échange de 13 millions d’euros. Nous ne méprisons ni l’argent, ni le mécénat, ni l’Amérique, comme l’on risque très rapidement de nous en accuser ! Mais tout cela peut nous entraîner dans une déviance que nul ne pourra bientôt plus limiter. Sur le plan moral, l’utilisation commerciale et médiatique des chefs-d’œuvre du patrimoine national, fondements de l’histoire de notre culture et que la République se doit de montrer et de préserver pour les générations futures, ne peut que choquer. Et puis pourquoi les sept millions de visiteurs annuels du Louvre, payants pour la grande majorité, devraient-ils être privés de ces œuvres si longtemps ? Il est facile et injuste de mépriser un public à cause de son engouement monomaniaque pour La Joconde. Nombreux, fort heureusement, sont ceux qui vont découvrir autre chose. La permanence de certains chefs-d’œuvre qui forment les collections d’un musée est une exigence que peut avoir tout visiteur. La quête de manne financière à laquelle pousse le nouveau statut des grands musées français peut expliquer certaines dérives, mais, fort heureusement, tous n’y cèdent pas. Le pire est encore à venir. L’exemple actuel d’Abou Dhabi est alarmant. Ce pays d’à peine 700 000 habitants se propose de construire, dans un site touristique et balnéaire afin d’en augmenter l’attractivité, quatre musées, dont un inévitable Guggenheim, et un "français", portant la griffe "Louvre", mais obligeant à des prêts à long terme tous nos grands musées, dont les responsables n’auront plus 24 leur mot à dire. Ce sont nos responsables politiques qui sont allés offrir ce cadeau royal et diplomatique. Contre près de 1 milliard d’euros... N’est-ce pas cela "vendre son âme" ? Et qu’en est-il des intérêts réciproques avec la Chine ou l’Inde ? Une annexe du Musée national d’art moderne à Shanghai semble être envisagée, alors que l’espace actuel du musée dans Beaubourg interdit de déployer ses collections, pour la plupart en réserve, qui feraient de lui, s’il y avait à Paris l’espace qu’elles méritent, l’un des deux plus beaux et des plus grands musées d’art moderne du monde, avec le MOMA de New York. L’ensemble des grands musées français et européens ont résisté à ces expansions ou locations commerciales et médiatiques et les désapprouvent. Tout comme s’y opposent la plupart des conservateurs français, contraints à un devoir de réserve contestable sur des sujets qui sont pourtant l’essence de leur métier. Bien sûr, il faut prêter des œuvres d’art si leur état le permet et si leur sécurité est garantie, mais gratuitement, et dans le cadre de manifestations qui apportent une contribution à la connaissance et à l’histoire de l’art. C’était, jusqu’à présent, un impératif moral et scientifique. Selon quel principe, soucieux de la conservation et de la mise en valeur des collections patrimoniales, devrait-on utiliser les œuvres d’art comme des monnaies d’échange ? Les enjeux politiques et diplomatiques doivent-ils primer sur toute autre considération et entraîner des dépôts payants d’œuvres essentielles au patrimoine d’un pays ? Serions-nous le seul pays d’Europe à l’envisager ? Et imiter les locations de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg à Las Vegas par exemple, pour pouvoir payer ses employés ? Qu’avons-nous en France de mieux à offrir que nos trésors d’art, qui attirent chaque année une grande partie des 76 millions de touristes, les plus nombreux du monde ? Que l’on puisse rêver d’un monde où circuleraient librement les hommes et les biens de consommation est légitime. Mais les objets du patrimoine ne sont pas des biens de consommation, et préserver leur avenir, c’est garantir, pour demain, leur valeur universelle. 25