galerie d`O
Transcription
galerie d`O
galerie d'O domaine d’O domaine départemental d’art et de culture DOSSIER PEDAGOGIQUE Chauffe, Marcel ! Expositions en Languedoc-Roussillon 19 expositions à Montpellier et dans la région, un cycle de rendez-vous, de conférences et une programmation de films. L’Humanité mise à nu, etc. Marcel BROODTHAERS, Sarah CIRACI, Robert FILLIOU, Gabriele di MATTEO, Fiorenza MENINI, André RAFFRAY, Man RAY, Andy WARHOL Gabriele Di MATTEO, L’Humanité mise à nu 1999-2006 Commissaire général : Emmanuel Latreille, directeur du Frac Languedoc-Roussillon Commissaire associé : Gilles Greck COMMUNIQUÉ Le Fonds régional d’art contemporain de Languedoc-Roussillon propose durant l’été 2006 une importante manifestation dans une vingtaine de sites de la région. A partir des œuvres de sa collection et de celles d’autres institutions publiques (Fonds national d’art contemporain notamment), mais en invitant aussi des artistes de toutes générations, le Frac entend faire partager à un large public la grande diversité des démarches qui forgent la vitalité de l’art contemporain. Pour construire ce parcours, la figure tutélaire de Marcel Duchamp a été invoquée : souvent cité, largement commenté et critiqué, toujours présent dans les débats qui traitent soit de nouveauté la plus radicale soit de la « décadence » dont serait atteinte une grande part des productions artistiques contemporaines, Marcel Duchamp (1887-1968) est lui-même fort peu présent en Europe par ses œuvres, dont la plupart sont rassemblées aux Etats-Unis ou dans les collections de quelques musées. D’autre part, en dehors de deux installations imposantes conservées à demeure au Musée de Philadelphie (La Mariée mise à nu par ses célibataires, même – autrement appelée Le Grand Verre et l’œuvre posthume Etant donnés 1. la Chute d’eau 2. le gaz d’éclairage), Marcel Duchamp est surtout connu pour avoir intégré, dans sa démarche artistique, l’objet tel que chacun peut se le procurer dans le commerce, l’objet de fabrication industrielle autrement appelé par lui du nom de « ready-made » (que l’on pourrait traduire en français par « tout prêt »). Ainsi, une roue de bicyclette fixée à un tabouret (mais jamais exposée), un urinoir renversé sur un socle et signé (mais d’une signature anonyme), un porte-bouteille augmenté d’une phrase (mais perdu), une reproduction de La Joconde agrémentée de moustaches et d’une barbichette (et la légende « L.H.O.O.Q » !) et d’autres pièces de ce genre, alimentent les questions des spécialistes depuis le milieu du siècle dernier : simples canulars passés à la postérité par accident et au bénéfice d’un snobisme généralisé ou bien véritable révolution de l’art l’engageant dans des voies inédites, telle semble être l’alternative sans fin qui « échauffe » les esprits et produit une fortune critique où se côtoient des analyses fines et des jurons peu amènes. L’œuvre comme la vie de Marcel Duchamp convoquent immédiatement des notions de liberté, de refus du dogmatisme et, probablement, de scepticisme individuel à l’égard de toute « croyance », et notamment de toute foi en l’art. Et pourtant, en les associant à l’image d’un art contemporain difficile d’accès pour beaucoup de gens, elles apparaissent comme ressortissant d’un nouveau dogmatisme (à cause de la disqualification des médiums traditionnels de l’art, notamment la peinture et la sculpture), comme une mise en cause déshumanisante de la dimension créative de l’art (les readymade renverraient à l’inutilité de l’originalité dans la conception et la réalisation d’un objet produit par l’esprit et la main de l’homme), et seraient entachées d’une tendance élitaire allant à l’encontre de l’universalité traditionnelle des œuvres (le sens énigmatique des signes auquel se limiterait l’art après la table rase duchampienne serait réservé à quelques initiés). Sans pointer les contradictions que recèlent ces différents griefs, il importe de remarquer que Marcel Duchamp a toujours défendu et respecté des peintures et des sculptures de toutes sortes, que ses pièces majeures sont des œuvres d’art très complexes (de véritables « chef-d’œuvres » réalisés de main de maître !) accompagnées d’un fort investissement personnel, et qu’enfin la diversité de ses manières de travailler ont inspiré une multitudes d’artistes qui ont trouvé en lui, parfois dans leur opposition même, un moteur dans leur propre parcours et une incitation à la liberté et à l’indépendance. Ce qui n’empêche pas les philosophes et les critiques de s’étonner de la disparition des « critères » de l’art et de réclamer un retour aux médiums et à des cadres esthétiques plus traditionnels dans lesquels le spectateur pourrait enfin se retrouver et exercer son jugement. Aussi Chauffe, Marcel ! est l’imprudente tentation d’essayer de saisir les raisons de ce « trouble » collectif attaché à l’artiste Marcel Duchamp comme à l’art contemporain (c’est-à-dire l’art né des bouleversements des années 60), dont on affirme ici les liens fondamentaux. Il a donc semblé indispensable de s’engager dans la réflexion et la compréhension des enjeux de l’art du présent à partir d’œuvres qui seraient peu ou prou redevables de leur existence à celle de Marcel Duchamp. Contre l’hypocrite refrain (souvent entonné en France…) qui voudrait que ce dernier soit un génie espiègle et ses « héritiers » de médiocres créateurs bernés, il a paru que le contact devait enfin être établi entre le Bon Père et ses enfants très légitimes. Duchamp n’ayant cependant jamais été un professeur ou un donneur de leçon de quelque ordre que ce soit, cette exposition a pris le parti de ne pas intégrer les artistes, nombreux, qui se sont référés à Duchamp en « copiant » ses objets (les artistes conceptuels américains de l’appropriation par exemple), mais a préféré prendre le risque, avec d’autres, d’imiter l'esprit de ce grand penseur qui a marqué si fortement l’art de son siècle. L’Humanité mise à nu, etc. L'exposition à la galerie d’O est d'abord l'occasion de montrer pour la première fois dans son intégralité la grande série de Gabriele Di Matteo, L'humanité mise à nu, commencée en 1999 et terminée en 2006, ensemble de deux cents quatre tableaux peints à l'huile (format 30 x 40 chaque) sur lesquels l'artiste a représenté l'histoire humaine depuis l'homme de Neandertal jusqu'à aujourd'hui. Les saynètes figurent des épisodes ou des événements de l'Histoire avec tous leurs acteurs nus : ramenés à la même condition d'absence d'apparat et de distinction, les êtres - grands hommes politiques ou médiocres, esprits supérieurs ou foules d'anonymes embarqués dans tel moment dramatique ou tel rassemblement populaire, créateurs ou destructeurs sanguinaires, sages ou fous sont dépouillés de toute autorité. La grande fresque de Di Mattéo est une sorte de mise en échec de l'idéalisation qui généralement accompagne l'épopée humaniste comme de son vecteur privilégié, l'art : ces deux supports des «valeurs» et du «sens» qui constituent le cadre où l'individu est censé trouver sa place, sont ici reconduits à un point de vue strictement matérialiste. Qu'il s'agisse de la reproduction des corps ou de la répétition de l'activité artistique conçue par Gabriele Di Mattéo comme une fonction anthropologique basée sur l'échange des objets, cette « mise à nu » renvoie bien au projet désacralisant de Marcel Duchamp dans l'une de ses toutes dernières peintures, Nu descendant un escalier (1911), dont Di Matteo présente également une réplique dans l'exposition « La vie merveilleuse de Marcel Duchamp » au Carré Sainte Anne. Le nu cubiste de Duchamp n'avait en effet déjà plus rien à voir avec la nudité classique, il était une mécanique en mouvement représentant la modernité désenchantée : les nus de Di Matteo offrent aujourd'hui la désexualisation d'une humanité sans désir, allant vers la catastrophe atomique qui en marquera bientôt le terme. Il faut indiquer que les tableaux ne sont pas peints par Gabriele Di Matteo mais sont délégués à un de ses amis, peintre de genre napolitain qui, sous ses instructions, les exécute depuis maintenant près de dix ans : Salvatore Russo est d'ailleurs représenté dans la pièce par une vidéo qui le montre au travail, nouvelle désacralisation du labeur artistique qui apparaît bien dénué de toute inspiration libre. D'autres œuvres du Frac Languedoc-Roussillon prolongent cette tentative de radicale mise en échec d'une conception idéaliste de l'art en vue de comprendre l'activité artistique dans le cadre du temps véritable de l'humanité : Robert Filliou et son Origines de Lascaux, André Raffray et la réplique de la Mariée de Duchamp aux crayons de couleur, Andy Warhol et sa vitrine de magasin doublement photographiée puis cousue, Marcel Broodthaers fumant, Fiorenza Menini faisant écho à Rrose Sélavy photographiée par Man Ray, et enfin Sarah Ciraci réanimant La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (le Grand Verre) d'énergique et fort iconoclaste manière ! Gabriele DI MATTEO La Nuda umanità L’Humanité mise à nu 1999-2006 204 huiles sur toile et Il pittore, vidéo, 2000 Collection du FRAC Languedoc-Roussillon Gabriele Di Matteo explore depuis le milieu des années 80 les ressorts de la duplication, du dédoublement et déjoue les catégories. Il analyse les fondements historiques de la peinture pour interroger les notions de représentation, d’originalité et d’autorité à l’ère des médias et des nouvelles technologies. La question de l’auteur est centrale dans son œuvre, confrontée à la fois à la rhétorique du double et aux mécanismes de reproduction des images. La peinture, art de l’apparence, est dans son essence illusion, lieu de connaissance et d’aveuglement. De manière radicale, Di Matteo ne fait que contrefaire, imiter, copier les modèles de la peinture, savante ou populaire et commercer avec ses fantasmagories. Il démystifie les fausses valeurs en adoptant une démarche proprement conceptuelle. Le scepticisme qui émane de cette position découle d’une distance ironique face au captivant simulacre de l’art. L’Humanité mise à nu est exemplaire de cette attitude portant atteinte à l’idée d’autorité, de vérité et de valeur de l’image. Ce travail, commencé en 1999 comprend 204 peintures de même format, copies d’illustrations de livres scolaires, d’images publiques, d’archives ou pures inventions qui retracent chronologiquement l’histoire de l’humanité du paléolithique à nos jours. L’enjeu « pédagogique » s’il en est, se trouve ici dans la transformation des figures réelles en allégories, parodie du savoir historique et de la tradition picturale occidentale à partir de ses thèmes de prédilection. Alors que les illustrateurs redessinaient les photographies des manuels des écoles primaires, un copiste napolitain de métier, Salvatore Russo exécuta à la demande de Di Matteo leur reproduction sur toile, l’ensemble étant, pour complexifier la généalogie, signé du nom d’un artiste imaginaire, 1 Armando Della Vittoria . Si la copie est déjà une œuvre et non un fac-similé de l’original, Russo affirme ne pas avoir de style propre. Chaque image d’Epinal standardisée par une touche et une pratique répétitives, au rythme de cinq peintures par jour, fait côtoyer héroïsme et kitsch, au plus proche de l’idée populaire de la peinture. La particularité, dans ce jeu des références et du pastiche, réside dans le choix de représenter l’ensemble des personnages historiques dans leur plus simple appareil, à savoir nus, sans hiérarchie et donc dépouillés de toute vaine éloquence. Le sérieux de ces évènements est mis à mal, les situations devenant aussi grotesques qu’improbables, tragi-comédie des apparences. L’artiste invente une autre réalité et confirme que la reproduction ne correspond jamais parfaitement à l’original, aussi bien dans sa forme que dans son sens. Les implications conceptuelles de cette œuvre sont amplifiées par la vidéo qui la complète, Il Pittore. Le film dévoile l’ambiance de l’atelier, dans un monologue spontané, le copiste produit un commentaire sur le travail qu’il exécute et sur les faits historiques, un discours populaire ironique mêlé aux chansons napolitaines qu’il écoute. La peinture est mise à nu dans sa réalisation, exposée sans crainte ni complaisance, mémoire impersonnelle qui se perpétue au-delà de toute subjectivité. L’œuvre annule l’identité individuelle par dédoublement, multiplication et réversibilité, elle subvertit les causalités convenues : « Tout mon travail repose peut être sur cet écart fondamental entre apparence et essence : peindre soi-même et faire peindre par autrui s’annulent ironiquement : la ressemblance ne se situe plus entre la toile et son sujet mais entre 2 deux versions d’une même occupation : peindre et copier (soit : créer et reproduire) ». 1 2 Personnage romanesque apparu en 1989, alter ego de Di Matteo lui permettant de se représenter lui-même. Extrait d’un courrier adressé par l’artiste à Marc-Olivier Wahler. Céline Mélissent Gabriele DI MATTEO La vie illustrée de Marcel Duchamp-Duchamp life in pictures Avec 12 dessins d’André Raffray et 13 gravures de Pasquale Esposito. 2 valises contenant chacune 13 camées sur sardoine. 1997 Collection de l’artiste Pour une exposition à Milan en 1993, Gabriele Di Matteo produisit une série d’huiles sur toile (et plus tard des huiles sur scanachromes) de grandes dimensions, reprenant les images du petit livre intitulé La vie illustrée de Marcel Duchamp, créé en 1977 pour une exposition consacrée à l’artiste au Centre Georges Pompidou. Les illustrations, réalisées par André Raffray (né en 1925), furent à l’origine de la construction de l’intégralité de la démarche de l’artiste basée sur l’imitation, la copie et l’interprétation des œuvres du passé. André Raffray, venu à la carrière artistique tardivement par la photographie et surtout le cinéma qui était son métier (il dirigea le service Animation de la Gaumont) a produit une oeuvre qui vibre de l’amour de l’art et rend hommage inlassablement à ses grands maîtres, dont Mariée de Marcel Duchamp, réalisée aux crayons de couleurs sur toile, présente dans l’exposition. Di Matteo a donc transformé la publication de Raffray en treize grandes peintures à l’huile installées au sol, s’appropriant les images, témoignages probants de la mystification de l’artiste qu’il tend à mettre en abîme en prenant à rebours la notion d‘imitation. Ici c’est l’illustration, genre artistique considéré comme mineur, comme la peinture commerciale dans la série l’Humanité mise à nu, qui entre dans la sphère de l’art contemporain (comme Duchamp y fit entrer les objets de la vie quotidienne), questionnant ainsi des aspects plus sociologiques de l’activité artistique. Finalement, plutôt que de s’approprier des images, Di Matteo les emprunte et les restitue sous diverses formes ou versions pour laisser la plus grande ouverture possible aux réflexions toujours actuelles sur l’image, l’œuvre unique ou la notion d’auteur qui préoccupaient déjà Marcel Duchamp. Les grandes peintures copiées de Raffray ont été plus tard reproduites sur pierre en 1997, sculptées par Pasquale Esposito, autre artisan parmi les connaissances de l’artiste, en deux versions. Les camées sont présentés dans des valises comme des pierres précieuses en transit d’un lieu à un autre, sous une vitrine impeccable. En modifiant le support et la présentation des images pourtant toujours les mêmes, les notions de temps et de valeur de l’œuvre (l’image est gravée dans la pierre) sont invoquées encore de manière différente, dans un processus global dont l’intérêt réside en la multiplication des versions et leur diversité. REPERES 1957, Torre del Greco, Italie. Vit et travaille à Milan Depuis ses débuts, l’œuvre de Di Matteo puise ses sujets dans des sources variées : imagerie populaire, presse, gravures anciennes, revues de vulgarisation... déjà médiatisés par la reproduction et la mobilité du support. L'artiste réalise avec le plus grand soin une copie peinte de l'image, et ce faisant, transpose l'image originelle dans un domaine trouble : les qualités plastiques du tableau l'inscrivent dans une catégorie d’œuvre d'art unique, tandis que la naïve univocité de l'image reproduite se trouve exacerbée. La peinture terminée a donné parfois lieu à une reproduction infographique aux mêmes dimensions, sur une toile, exposée à côté de la peinture. (Dalaï Lama, 1994, Biographies,1991). André RAFFRAY Mariée de Marcel Duchamp (Les formes : dessin d’après Daniel Buren) Crayons de couleur sur toile 2000-2001 Courtesy Marianne et Pierre Nahon, Paris . Dans l’exposition, l’œuvre d’André Raffray figure dans l’installation de Fiorenza Menini, reconstitution imaginaire du salon de Marcel Duchamp accompagnée d’une photographie d’Rrose Sélavy par Man Ray et de la vidéo One person / One space / One time (last day of Ulrika). C’est une copie aux crayons de couleurs de Mariée de Duchamp, huile sur toile peinte en 1912 juste après son Nu descendant l’escalier, aujourd’hui au musée de Philadelphie. « Abandonnant mon association avec le Cubisme et ayant épuisé mon intérêt pour la peinture cinétique, je me tournai vers une forme d'expression complètement divorcée du réalisme absolu. » « Ce tableau appartient à une série d'études faites pour le Grand verre que j'allais commencer trois ans plus tard à New York. Remplaçant la main levée par une technique d'extrême précision, je me lançai dans une aventure qui ne serait plus tributaire des écoles existantes. » « Il ne s'agit pas ici de l'interprétation réaliste d'une mariée, mais de ma conception d'une mariée exprimée par la juxtaposition d'éléments mécaniques et de formes viscérales. » Marcel Duchamp, Duchamp du signe p.224 Collection Champs / Flammarion Derrière la copie de Mariée est placée une autre copie aux crayons de couleurs d’une oeuvre de Daniel Buren que l’artiste eut l’idée de cacher en plusieurs exemplaires derrière les œuvres d’artistes modernes, notamment lors de l’exposition de 2002 Daniel Buren, le musée qui n'existait pas au Musée National d'Art Moderne de Paris. REPERES 1925, Nonancourt (Eure). Vit et travaille à Paris L’entrée officielle dans le « monde de l’art » d’André Raffray se fait sous les auspices de Marcel Duchamp, dont il raconte la vie en une série de scènes irrésistibles, à l’occasion de l’exposition inaugurale du Centre Georges-Pompidou en 1977. Sa verve narrative, son sens du détail et de la documentation y font merveille, comme dans les gouaches qu’il réalise par ailleurs sur l’histoire du cinéma français (il fut responsable du service animation de la société Gaumont). Mais à côté de ce travail d’imagination, Raffray se lance dans une aventure qui se révèlera vertigineuse, absorbant toute sa vie et produisant un effet décapant sur notre conception de la création artistique : il entreprend de recommencer les paysages peints par les maîtres qu’il admire. Retrouvant le site, le moment, la lumière, la saison, au prix de longs voyages et de recherches acharnées, il crée son propre paysage, peignant d’après sa photographie du site une vision d’une ambiguïté stupéfiante, qui contient à la fois la réalité observée et le tableau de Monet, Constable, Seurat ou Van Gogh… La peinture à l’huile sera remplacée progressivement par le crayon de couleur qui devient son instrument emblématique, et avec lequel il n’hésite pas à recommencer en vraie grandeur les Demoiselles d’Avignon de Picasso ou la Musique de Matisse. Les Diptyques, à partir de 1982, confrontent deux imitations parfaites, celle de l’œuvre de référence et celle du motif. Avec les Déchirures, la photographie s’en mêle… et même bientôt la vidéo. On perd tout repère, on se demande ce que l’on regarde, on ne sait plus où est l’art mais sa présence est plus forte que jamais. Fiorenza MENINI One person/one space/one time (The last day of Ulrika) Une personne/un espace/un temps Installation vidéo 30 minutes -couleur 2006 Collection de l’artiste Le film présenté dans l’exposition fait partie d'une série intitulée "One person/one place/one time", essais filmiques assez libres, réalisés avec comme seule contrainte l’utilisation d'une personne filmée pendant un temps limité, dans un espace restreint. Il ne s'agit pas d'un projet artistique à proprement parler, mais bien de recherches sur la narration, l'espace et le temps. La salle aménagée par Fiorenza Menini présente trois œuvres et l’utilisation de trois médium distincts qui abordent la notion du double : double identité ou travestissement avec le portrait de Marcel Duchamp en Rrose Sélavy photographiée par Man Ray, la copie et l’original avec le tableau d’André Raffray ainsi que la vidéo de l’artiste autour de l'idée d'apparition et de disparition de soi et de l’Autre… La photographie de Man Ray, qui travaillait aussi avec le papier photosensible pour retenir l’ombre en négatif des objets, retient ici un autre (fantôme) sensible de Marcel Duchamp, Rrose Sélavy. La voilà ! Aussi vrai qu’un jeu de mot. Dans le travestissement, on se travestit, mais aussi on traverse, on se traverse, et dans le miroir on refait comme l’Autre, on copie. Le crayonnage d’une patience infinie d’André Raffray copie la peinture de Marcel Duchamp ( Mariée…), elle même ressemblant a tout sauf à une mariée. Alors celui-ci crayonne, crayonne, plutôt bien, vraiment bien. C’est bien fait, c’est bien copié, mais toute cette application à faire un double n’est qu’un effet de miroir, car la peinture en cache une autre sous le cadre. C’est un jeu qui ressemble a un je. Mais encore, comme un bon jeu de mot n’amène ni réponses ni questions, juste un petit écart dans le vide. La vidéo elle, aurait pu s’appeler Rrose Sélavy, non seulement à cause d’une robe rose (qui pourrait être celle de la mariée), d’un tutu rose ou de laurier rose, mais à cause de ce personnage qui dès les premières images me fait penser a la photo en noir et blanc de M.Duchamp en Rrose, caché à son tour par le rideau sous la tringle (voilée et dévoilée, ouvrez le rideau, c’est presque du spectacle mais plutôt un secret,,,) Dans la vidéo, le personnage, un homme travesti en femme (à moins que ce soit une femme travestie en homme) qui, plus que travesti, traverse l’espace, celui du cadre, un espace restreint autour d’une piscine (plouf). Notre personnage semble être, tout en étant pas, d’ailleurs on le retrouvera (mort ? endormi ? désarticulé ? absorbé ou en état de disparition ?) dans une position qui ressemble au corps étrange de « Etant donné », dans l’herbe, la robe remontée sur les jambes, sans sexe. Ce personnage est double, un autre apparaît, un autre qui prendra sa place, mais ce n’est pas si simple car le temps n’est pas défini…On pourrait croire que l’un se souvient de l’autre, ou que l’autre se rappelle du premier. C’est un temps de mémoire: une mémoire qui double et dédouble et fait coexister. La salle où se trouve ces œuvres et un reflet du salon de M.D à Greenwich Village. Je n’avais que quelques lignes écrites d’une journaliste qui était passée par là et pas de photo…C’est un espace qui en rappelle un autre, c’est aussi un espace qui ouvre à la présence, celle du disparu qui existe par effet de miroir, mais qui existe tout court, car dans l’absence est la présence, dans l’apparition la disparition. Et puis cette phrase qui m’a fascinée : « Selon toutes les apparences, l’artiste est un être médiumnique qui, du labyrinthe par-delà le temps et l’espace, cherche son chemin vers une clairière » M.D Fiorenza Menini, 2006 REPERES 1972, Montpellier. Vit et travaille à Montpellier et Paris Fiorenza Menini a une pratique de photographe, de vidéaste et réalise des performances. Sa démarche s’inscrit dans la recherche d’une attitude de vie, dépassant les limites conventionnelles et les frontières d’espace et de genre artistique. Les relations au Temps et au Réel, incontournables dans son travail, sont présentes dans plusieurs de ses œuvres récentes, comme durant la performance Waiting people de 2002, réalisée avec un groupe d’artistes auxquels elle avait demandé de faire l’expérience d’une attente collective. Dans Untitled de 2001, une vidéo de 28mn, un plan fixe des deux tours du World Trade Center filme le 11 septembre, dans l’intervalle qui sépare la deuxième explosion à la première en temps réél. Les images récoltées sont radicalement différentes de celles visionnées un peu plus tard sur les chaînes de télévision. Elles tiennent compte de la durée de l’événement, confrontant le spectateur à des images frontales qui captent la réalité d’un point de vue objectif. Dans Résistance au Rohypnol de 1998, une vidéo de 90 minutes montre un homme assis face à la caméra en train de subir les effets d’un puissant psychotrope pris en surdose. Enfin, dans une vidéo de 2001, Résistance for ever, un mannequin face à la camera est contraint de sourire durant toute la durée de la vidéo (40 mn). En interrogeant un temps étiré, le temps de l’attente, le temps suspendu, Fiorenza Ménini réalise des images muettes et « improductrices » qui regardent le spectateur autant que celui-ci les regarde démontrant que « le temps n’existe pas, mais seulement la perception que l’on en a et son inscription dans notre mémoire. » Quelquefois à la lisière de l'absurde, les œuvres de Fiorenza Ménini évoquent un corps parfois contraint, souvent maîtrisé, devenu objet d'expériences, aboutissant à une réflexion sur le pouvoir exercé sur les autres et les choses. Man RAY Rrose Sélavy Epreuve noir et blanc tirée sur papier Guilleminot 1921-1970 Collection du FRAC Languedoc-Roussillon Vers 1920, Marcel s'invente une altière ego, bêcheuse et désappointante: Rrose Sélavy. « J'ai voulu changer d'identité et la première idée qui m'est venue c'est de prendre un nom juif. Je n'ai pas trouvé de nom juif qui me plaise ou qui me tente, et tout d'un coup j'ai eu une idée: pourquoi ne pas changer de sexe ! Alors de là est venu le nom de Rose Sélavy. [...] Je trouvais très curieux de commencer un mot par une consonne double, comme les L dans LLoyd. » Marcel Duchamp, Duchamp du signe, p.151 Son nom apparaît pour la première fois sur une fenêtre qui n'est pas un tableau, Fresh Widow, et quelques autres objets déconcertants : Why not sneeze Rose Sélavy? ou Belle Haleine-Eau de voilette. Femme savante et tête à chapeaux, Rrose s'adonne à la rédaction de quelques boutades déceptives dont elle consent à laisser paraître un recueil en 1939 : Poils et coups de pieds en tous genres. Polyvalente, Rrose est aussi une femme d'affaire accomplie qui préside le Conseil d'Administration de la société exploitant la Roulette de Monte-Carlo, une réalisatrice d'avant-garde (Anémic Cinéma, filmculte) et l'éditrice avisée de la Boîte verte. REPERES Philadelphie, 1890 - Paris,1976 Né Emanuel Rudnitsky, Man Ray fréquente la galerie de Stieglitz dès 1911. En 1913, il découvre les œuvres de Duchamp, dont il deviendra l’ami. À son contact, il abandonne sa peinture de type cubiste pour des jeux d’images et d’esprit, passant par les moyens les moins orthodoxes – assemblages, peinture à l’aérographe, photographie. Dès 1919, il reproduit les œuvres de la Société Anonyme qu’il a créée avec Duchamp et Katherine Dreier. En 1921, il se rend à Paris où il participe aux activités dadaïstes, puis surréalistes. Sa méconnaissance des lois de la photographie lui permet de bafouer d’emblée les formules conventionnelles, et ses manipulations le conduisent à des découvertes comme la rayographie en 1922 et la solarisation en 1929. Le succès de ses photographies de mode et de portrait est immédiat. À partir de 1927, Man Ray retournera plusieurs fois aux États-Unis pour exposer ses œuvres. En 1944, il décide d’arrêter la photographie pour se consacrer à sa propre version du merveilleux surréalisme. Robert FILLIOU L'héritage de Lascaux 1983 Installation Briques, carton, papier, crayon, esses et ficelles. Achat à la Galerie Crousel-Robelin-Bama en 1991 Frac Languedoc-Roussillon L’Héritage de Lascaux est une installation réalisée en 1983. Elle est composée de quatre briques posées à même le sol, reliées entre elles par des fils électriques. Sur le mur, une brique plus petite en forme de détonateur est elle aussi connectée aux autres, quand plus haut encore, une rondelle de carton découpée, tel un soleil, surplombe le tout, reliée au détonateur. A côté de l’installation, apparaît une série de dessins disposés verticalement les uns au-dessous des autres, réalisés aux crayons de couleur, liés entre eux par des crochets métalliques. Les briques pourraient être des téléviseurs. Le soleil paraît être la source d’énergie de l’ensemble. Des images ou signes dessinés à la craies et des bouts de papiers collés retransmettent les idées tandis que sur deux briques contiguës sont inscrits les phrases : « o let me be… » et « o let me go… ». R.Filliou disait : « J’aime les briques et le contraste entre le poids de la brique et la légèreté de l’esprit est quelque chose qui m’intéresse ». Les matériaux utilisés par l’artiste sont toujours empruntés à l’environnement quotidien qu’il concevait comme précédant l’idée, quitte à frustrer le spectateur en quête de beauté formelle et de plaisir esthétique. La démarche de Filliou, qui se déclarait comme « le spécialiste du mal fait » est, dans la permanence de l’esprit de Fluxus, une recherche tentant d’abolir la distance entre l’art et la vie et une volonté de « sauver » l’art d’un monde bourgeois et du « culte de la marchandise »…Dix ans plus tard, il organisait le Un million et dixième anniversaire de l’art en expliquant : « Voici un million et dix ans, Art était vie, dans un million et dix ans, il le sera encore ». L’ensemble de son œuvre repose sur la notion de Création Permanente et sur le Principe d’équivalence : Bien-fait = Mal-fait = Pas fait. (…) c’est sur le rapport au « bricolage » que l’on pourrait comparer Marcel Duchamp et Robert Filliou. L’héritage de Lascaux, dans la collection du Frac, est typiquement une œuvre dans l’esprit de bricolage; mais c’est en fait sur ce plan que les deux artistes me paraissent diverger le plus. On pourrait dire que le bricolage chez Duchamp est celui d’un homme du Nord, un être issu d’une famille d’artistes, sensibles aux beaux objets, et même d’un milieu « bourgeois », de notaires, tandis que le bricolage Filliou est précaire, je dirais qu’il sent «la tradition orale », les conteurs du Sud, la fragilité des contrats non écrits, des arrangements sommaires des gens des campagnes avec les éléments naturels. Mais, à part cela, l’intensité de la pensée, l’inquiétude, l’usage des processus mentaux pour agencer les objets et les idées sont proches, mettant en jeu une même implication personnelle dans la matérialité de l’œuvre. Cette immédiateté simple du bricolage et cette évidence de la pensée qui le motive est, plus que tout autre motif, ce qui fait que je les aime également. Quant à leurs idées sur le plan plus large de la famille, du travail et de la patrie, on trouve plus de points communs que de divergences : sur le plan personnel, Robert Filliou a fondé une famille et a manifesté ce désir dès sa jeunesse. Mais pour ce qui est du patriotisme – ils semblaient détester tous les deux la mollasserie bien-pensante de l’esprit français – et pour le besoin de paresse, ils étaient parfaitement d’accord… Et tous deux accordaient à l’art la place limitée qui lui revient pour qui veut être d’abord conscience d’existence.(…) Emmanuel Latreille, extrait du catalogue de l’exposition REPERES Sauve (Gard), 1926 - Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil (Dordogne), 1987 Inventeur en tout genre, R.Filliou, transforma la poésie, le théâtre, le film et l’art, des années 60 aux années 80, ouvrant un vaste domaine illimité à la disposition de chacun, capable d’incarner son «do it» : poïpoïdrome, galerie légitime (dans sa casquette), Territoire de la République géniale, Autrisme, Eternal Network, Principe de l’Équivalence (bien fait = mal fait = pas fait), L’anniversaire de l’art, Commemor (échange de monuments aux morts), Biennale de la Paix (avec Beuys) Teaching and Learning as Performing Arts (une nouvelle pratique et théorie de l’enseignement), Économie poétique, Musique télépathique, Cucumberland, Recherches en futurologie… Taoïste de gauche, gaga, yogi, Robert Filliou est l’artiste des poètes et le poète des artistes ; il a consacré sa vie aux échanges permanents avec Emmet Williams, Ben Patterson, Jean Dupuy, Ben, George Brecht, Daniel Spoerri, Dorothy Ianonne, Joachim Pfeufer, Dick Higgins, Takako Saïto, Alison Knowles, avec la planète fluxus et bien d’autres. (présentation de la biographie de R.Filliiou de Pierre Tillman, Les presses du réel, 2006) Andy WARHOL Vitrine 1976-1986 Quatre photographies noir et blanc cousues Collection du FRAC Languedoc-Roussillon Il s’agit de quatre tirages de la même photographie d’une vitrine, cousus entre eux. L’accumulation quantitative d’un espace illusionniste produit une autre perception de celui-ci : elle restitue mieux la réalité en annulant l’aspect anecdotique de chacun des éléments et en imitant la structure profonde du langage commercial et politique, fondé justement sur la répétition du « même ». La couture des photographies leur donne un statut d’objet, qui renvoie analogiquement aux masques qu’elles montrent. Au milieu des années 70, laissant un moment la sérigraphie, Andy Warhol se lance dans une série de photographies particulières. Les mêmes images seront cousues à la machine par groupe de quatre ou de douze. Warhol n’abandonne pas le principe de reproduction et de répétition. Les sujets sont divers et sans point de vue privilégié, vitrines, portraits, intérieurs d’appartements, architecture urbaine. Par arrêt sur image ou par flash, il raconte sans anecdote ni commentaire ou toute sorte de complaisance l’histoire ordinaire de son temps. Pourtant la suture mécanique imposée aux images pose question. Elle met à mal la représentation, la diabolise et en même temps répare ce qui était disloqué, désarticulé. A l’échelle du tableau, les quatre tirages noir et blanc de Vitrine coïncident pour former une grille, stupeur et mutisme de l’image qui se répète. Ce travail n’est pas uniquement celui d’une présentation qui se voudrait neutre. La surface, sans épaisseur, ni couleur, littéralement cicatrisée, renvoie au désenchantement, vision morbide des masques pourtant destinés aux enfants. L’œuvre comprend ce sentiment du sacré mêlé à l’horreur, de la transfiguration à la défiguration. Derrière l’étrange impression d’absence plane le poids d’une réalité cruelle, qui fait essentiellement d’Andy Warhol un artiste accusateur des sociétés occidentales. REPERES Pittsburgh, USA,1928 - New-york,1987 Monstre sacré de l’art du 20ème siècle, Andy Warhol incarne aux yeux de tous l’artiste pop par excellence. Devant la prolifération des moyens de communication, son œuvre reste visionnaire, images électriques d’une société qui s’emballe. Pourtant ce travail n’est pas réductible à des considérations sociologiques et ne se limite pas au kitsch des images publicitaires. Les sérigraphies de chaises électriques et d’accidents témoignent clairement des réflexions de l’artiste sur la vie et la mort. Warhol a enregistré la violence lumineuse des nouvelles icônes, photographiques et télévisuelles. Sarah CIRACI Trebbiatori Celesti (La Sposa mangia l’anima dei suoi scapoli, anche) Les batteurs célestes (La Mariée mange l’âme de ses célibataires, même) 2005 Installation Projection vidéo sur écran de verre, structure métallique Collection de l’artiste (...) Dans votre travail il y a de nombreuses références à un monde extraterrestre, toujours au nom de Marcel Duchamp… Oui, j'ai utilisé la métaphore des extraterrestres dans le projet de Celesti de Trebbiatori, consacrée à Marcel Duchamp composé de deux vidéos. L’une, en noir et blanc, décrit la rencontre de Duchamp avec les extra-terrestres. Un vaisseau spatial arrive dans un paysage et laisse un ensemble de signes sur le sol. C'est un message qui aurait amené Duchamp à construire alors le Grand Verre. En réalité, ces signes laissés sur le sol sont issus de la photographie prise par Man Ray, baptisé « Elevage de poussière » par Duchamp représentant le dépôt de poussière accumulé sur le Grand Verre. L'autre vidéo est une animation du Grand Verre dans un mouvement cyclique décrivant comment, les figures duchampiennes devenues des aliens se nourrissent de l’énergie émise par les humains au moment de leur mort… Si nous pouvions voir le monde par les yeux des extraterrestres, qu'arriverait-il à notre système de valeur ? Si vous acceptez la théorie créationniste et non celle de l'évolution, alors vous pouvez substituer l'idée de Dieu (qui arrive du ciel et qui est beaucoup plus évolué que les humains) avec celle de l’extraterrestre. Tous les textes religieux pourraient être lus en utilisant cette métaphore, comme si Dieu était arrivé d’une planète inconnue pour apporter l’unique Vérité. C’est la même chose pour toute la mythologie préchrétienne, avec ses divinités qui arrivent toujours des cieux. Quant à moi, le problème n'est pas simplement de savoir si je crois ou non aux extraterrestres, mais plutôt de considérer même les possibilités les plus absurdes. La découverte du code génétique nous a menés si près de l'idée que nous sommes les résultats d'un projet incroyablement compliqué et mathématique, et dans ce sens, il est beaucoup moins absurde aujourd’hui de penser que nous faisons partie d'un énorme projet... Autant que les références à Duchamp et au Grand Verre, je pense que dans le celesti de Trebbiatori, il y a une référence au phénomène des cercles pictographiques qui sont trouvés gravés dans des champ de blé partout dans le monde. Ces cercles me fascinent totalement. Personne ne sait qui est l'auteur ou les auteurs de ces « cercles de blé ». Peut-être est-ce les extra-terrestres, des messages envoyés du cosmos, ou peut-être que quelqu'un s’est juste amusé en créant ce mystère. Dans les deux cas, je pense qu'ils sont une forme d'art extrêmement intéressante. De nos jours, je vois un désir croissant des artistes de se rapprocher d’un passé éloigné, et d’un désintérêt pour la rupture de l'avant-garde. Je dois admettre que je suis également complètement fascinée par le passé le plus éloigné. Je pense que l'avant-garde avec son changement radical de point de vue a contribué à renforcer cette fascination actuelle pour le passé. Man Ray a observé les cultures tribales, Gauguin les cultures exotiques, Duchamp parlait de la part de l'ésotérique dans l’art. Ce sont eux qui ont ouvert les portes d’une perception différente de temps et d'espace. Alors, la quatrième dimension d'Einstein, dont l'avant-garde était témoin, a changé le rapport de l'homme avec l’espace-temps. C'est la sensation que j'ai quand je regarde les trouvailles archéologiques ou quand je marche autour de la Rome antique. Salvatore Lacagnina et Sarah Ciraci, extrait du catalogue Premier Prix Querini Stampalia (commissaire Claire Bertoli) REPERES 1972, Grottaglie, Italie. Vit et travaille à Milan. Sarah Ciraci utilise plus particulièrement la vidéo et les nouveaux médias grâce auxquels elle crée des univers artificiels, « paysages » et autres compositions numériques montrant une audace prometteuse dans la constitution d’une esthétique personnelle. Elle a entre autre participé à l’exposition Campo 6 (Turin et Maastricht) et à Aperto 95 (Trevi). Aujourd’hui, Sarah Ciraci est représentée par la Galerie Emi Fontana à Milan. Marcel BROODTHAERS Défense de fumer 1969-1970 Film 16 mm, noir et blanc, muet Durée : 28" Achat à la Galerie Marian Goodman (Paris) en 2000 Frac Languedoc-Roussillon Dans l’esprit dadaïste, le travail polymorphe de Marcel Broodthaers se caractérise par une démarche ironique vis-à-vis de la vie, de l’art et de son système. Ainsi, dès sa première exposition personnelle en 1964, il déclare : « Moi aussi je me suis demandé si je pouvais vendre quelque chose et réussir dans la vie ». Au moment où il réalise le film défense de fumer, il est à la tête de son propre lieu, le « Musée d’Art moderne, département des Aigles », s’étant lui-même nommé conservateur de 1968 à 1972. Reprenant alors à son compte le fameux « Ceci n’est pas une pipe » de Magritte, il appose la mention « Ceci n’est pas un objet d’art » à côté de chacune des pièces qu’il y présente. L’œuvre de 1969-70 s’inscrit tout à fait dans sa démarche : l’artiste cadré dans l’image et en pleine frontalité vis-à-vis du spectateur, fume cigarette sur cigarette, sans répit, alors que le film s’intitule Défense de fumer. Une fois encore, dans ce travail emblématique, Marcel Broodthaers se pose en « grand perturbateur » - à l’instar de Marcel Duchamp - dénonçant avec une grande simplicité de moyens les tabous et interdictions de la société occidentale, au lendemain des grandes révoltes contestataires, où l’un des messages véhiculés par les étudiants de mai 68 était justement « il est interdit d’interdire »… L’artiste n’a cessé de télescoper, en prenant appui sur l’art, toute forme de consensus, jouant sur les mots, il est allé jusqu’à refuser de s’expliquer clairement sur ses œuvres, considérant que « ce rôle ne pouvait incomber à l’artiste ». Pascale Le Thorel-Daviot, Petit dictionnaire des artistes contemporains, Bordas, 1996, p. 41. REPERES Saint-Gilles (Belgique), 1924 - Cologne (République fédérale d'Allemagne), 1976 Poète avant tout, Marcel Broodthaers s’intègre rapidement dans un groupe littéraire, après avoir abandonné des études de chimie. Grand admirateur de Mallarmé et de Magritte, il s’intéresse plus particulièrement aux rapports entre l’artiste et la société. En 1947, il est signataire, avec entre autres Magritte et Dotremont, du manifeste "Pas de quartier dans la révolution". Passionné par les livres, il monte dans les années quarante un petit commerce de librairie, et à la fin des années cinquante, il décide de publier le premier de quatre petits volumes de poèmes : Mon livre d’Ogre. En 1963, il noie son dernier recueil de poèmes dans le plâtre et l’expose comme sculpture. De 1964 à 1970, son œuvre se compose d’objets, d’assemblages, d’accumulations : coquilles d’œufs, briques, moules, etc. où se mêlent humour et absurde. Toujours ironique, dadaïste d’esprit, jouant avec les mots, il se nomme à partir de 1968 et pour quatre ans, conservateur du musée qu’il a créé. Il propose des environnements, des fictions de musées et des sortes de ready-made en référence à des écrivains, des poètes ou des maîtres anciens. Il développe la relation contradictoire entre langage et image, mot écrit et objet représenté. Elargissant son champ d’action (gravures, films, montages de diapositives), il transforme ses expositions en véritables œuvres d’art ayant pour thèmes la critique du voir et du montrer, du sens et du contexte, de la mise en scène, de l’exposition, du décor et du musée. « Le mot ou l’idée – indissolublement lié à l’être – se trouve être à l’origine des notions modernes d’espace dans les arts plastiques et la musique […]. Il n’y a pas de structures primaires autres que du langage qui les définit. Je veux dire qu’un artiste ne construit pas un volume. Il écrit en volume. […] L’espace est le manteau des aveugles. » Marcel Broodthaers L'ŒUVRE DE MARCEL DUCHAMP e L'œuvre de Marcel Duchamp bouleverse radicalement l'art du 20 siècle. Avec l'invention, dans les années dix, du ready-made - une pièce que l'artiste trouve « already-made », c'est-à-dire déjà toute faite et qu'il sélectionne pour sa neutralité esthétique -, il ouvre la voie aux démarches avant-gardistes les plus extrémistes. Tous les mouvements qui utilisent des objets de la vie courante, pour surprendre comme le Surréalisme, pour évoquer, critiquer, voire poétiser la société de consommation comme le Pop art et le Nouveau réalisme, ou pour réconcilier l'art et la vie comme Fluxus, lui sont redevables d'avoir transgressé les coutumes académiques. Après Duchamp, le carcan des médiums traditionnellement employés éclate et il devient possible d'utiliser n'importe quel objet, avec ou sans transformation. e Le 20 siècle lui doit donc l'initiative du renouvellement des matériaux utilisés dans l'art, mais aussi un goût pour des questions complexes d'esthétique qui aboutiront dans les années 70 à l'Art conceptuel. Duchamp est l'artiste moderne qui a le plus directement interrogé la notion d'art « quand il y a art » et ce qui « suffit à faire de l'art ». Il s'inscrit dans la lignée des artistes « intellectuels », comme Léonard de Vinci, et annonce les problématiques de Joseph Kosuth. Connues d'abord de manière confidentielle, ses œuvres ont été largement diffusées à partir des années 60, lorsque la plupart des ready-mades, disparus au fil de ses déménagements ou tout simplement détruits, ont été réédités. En 1964, la galerie Schwartz, à Milan, lui propose en effet une édition à 8 exemplaires de ses ready-mades. Les considérant comme des originaux, dès lors que les premiers avaient été perdus, cet épisode lui permet encore une fois d'interroger un concept central dans l'histoire de l'art, puisque le terme d'original pour un ready-made n'a aucun sens. Duchamp y insiste lorsqu'il signe par exemple l'un de ces objets, le Porte-bouteilles, « Marcel Duchamp, Antique certifié ». Voir aussi le Surréalisme, le pop art, le Nouveau réalisme, L'art conceptuel, l’objet dans l’art du ème 20 siècle. REPERES BIOGRAPHIQUE Blainville-Crevon (Seine-Maritime), 1887 – Paris, 1968 Marcel Duchamp est le troisième d'une famille de six enfants, dont quatre sont des artistes reconnus : les peintres Jacques Villon (1875-1963) et Suzanne Duchamp (1889-1963), le sculpteur Raymond Duchamp-Villon (1876-1918) et lui-même, le plus célèbre. Ce sont d'ailleurs ses frères, ses aînés, qui l'initient à l'art. Après une scolarité à Rouen, Marcel Duchamp poursuit des études à Paris et fréquente l'Académie Julian. Mais c'est toujours auprès de ses frères qu'il fait son véritable apprentissage de la peinture et de leurs amis, réunis sous le nom de Groupe de Puteaux, principalement des artistes d'inspiration cubiste comme Fernand Léger ou Robert Delaunay, ou encore Albert Gleizes et Jean Metzinger, auteurs de l'ouvrage Du Cubisme (1912). Toutefois, très vite sa peinture s'éloigne de la problématique spatiale des cubistes et s'attache à la décomposition du mouvement, ce qui le rapproche des Futuristes italiens (1). L'une de ces toiles, Le Nu descendant l'escalier, le fait connaître à la grande exposition américaine de l'Armory Show, en 1913. À partir de 1915, installé à New York, il partage son temps entre les Etats-Unis et la France, diffusant les avant-gardes parisiennes, notamment les sculptures de son ami Constantin Brancusi, auprès du public américain. À cette époque, il élabore ses œuvres les plus connues, comme le Grand Verre ou Fontaine, mais se consacre de plus en plus aux échecs, qui deviendront, au milieu des années 20, sa principale activité. C'est à travers le Surréalisme qu'il renoue avec l'art en organisant de nombreux événements en collaboration avec André Breton. De retour sur la scène artistique, il acquiert une renommée croissante et devient célèbre après la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 50, une nouvelle génération d'artistes américains qui se qualifient de néo-dadaïstes, tels Jasper Johns et Robert Rauschenberg, le reconnaît comme un précurseur. La réédition en 1964 de ses premiers objets ready-mades parachève cette célébrité en diffusant son œuvre dans le monde entier. LES READY-MADE Les "Ready-made" jouent avec nos représentations mentales. Marcel Duchamp. "Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous." Paul Eluard. "Ce qu'il y a d'enivrant dans le mauvais goût, c'est le plaisir aristocratique de déplaire." Baudelaire. A la question "Qu'est ce qu'une oeuvre d'art ?", il y a autant de réponses que de représentations de ce que doit être le travail de l'artiste. Marcel Duchamp a révolutionné l'histoire de l'art en affranchissant l'artiste du devoir de fabrication manuelle pour concentrer la création dans le travail de conception. Les prémices... les formes industrielles valorisées pour elles-mêmes Marcel Duchamp visitant en 1912 une exposition de technologie aéronautique aurait déclaré à Fernand Léger et Brancusi "La peinture est morte. Qui pourra faire mieux que cette hélice? Dis-moi tu en serais capable, toi ?" Pour l'historien de l'art Janis Mink (qui a réalisé une présentation de l’œuvre de Marcel Duchamp dans la collection Taschen Duchamp, l'art contre l'art) " cette déclaration illustre bien le dilemme de l'artiste visuel confronté aux réalisations d'une ère industrielle en plein essor ". Pour certains à cette époque, la peinture semble obsolète. Dès 1914, Marcel Duchamp exhibe au milieu de son atelier un égouttoir (que Man Ray photographiera). Il n'y a pas encore, de la part de l'artiste, de jeu sur les significations par le biais d'une nouvelle dénomination (comme plus tard, en 1917, dans le cas de l'urinoir rebaptisé "fontaine") mais déjà l’œuvre est signalée et finalement constituée par sa seule présentation. Marcel Duchamp n'a rien "fait" ; du moins il n'a rien façonné ; il s'est contenté de choisir l'objet et de l'exposer. Arracher un produit industriel à sa fonction utilitaire classique pour l'exhiber en tant que pure forme conduit justement le regard du spectateur à s'intéresser à cet objet pour lui-même. L'Égouttoir évoque alors un arbre métallique, un sapin décapité, ou une herse de torture. ( Les formes de l'objet s'irisent de significations diverses dès que le regard est libéré des soucis de manipulations pragmatiques qui réduisent l'Égouttoir à précisément "égoutter".) La démarche esthétique de Duchamp repose sur un pari : la présentation de la forme doit déclencher le jeu des représentations symboliques associées spontanément à ces formes (ce jeu avec les automatismes psychiques sera explicitement exploité quelques années plus tard par les surréalistes dans les "poèmes-objets"). A partir de 1916, Marcel Duchamp thématise sous l'appellation de "Ready-made" cette nouvelle conception de la création. Les "Ready-made" sont, comme leur nom l'indique, "déjà finis", "déjà terminés" sans que l'artiste ait longuement façonné la matière première de la création. L'intervention de l'artiste devient à tel point abstraite que Marcel Duchamp peut demander à sa soeur Suzanne de réaliser pour lui un "ready-made à distance". En guise de cadeau pour son second mariage, il lui expose dans une lettre le Ready-made malheureux qu'il lui propose d'exécuter... "Recette pour un chef d'oeuvre" : La présentation matérielle devient accessoire quand l'essentiel est dans la représentation mentale. Le Ready-made malheureux (1919) Suzanne devait "accrocher un manuel de géométrie sur son balcon de sorte que le vent tourne les pages et choisisse les problèmes que le temps se chargerait de résoudre". Explication: Un manuel scolaire est composé d'exercices (donc de problèmes à résoudre). Placer une telle compilation sur un balcon c'est l'exposer aux vents et aux intempéries ; avec le temps, le vent tourne et use les pages ; quant à l'encre d'imprimerie, elle finit délavée par la pluie : avec le temps les problèmes disparaissent donc au sens propre. Et nous n'avons pas besoin de voir présenter ce phénomène pour nous le représenter. La force de Marcel Duchamp est d'avoir inventé un nouveau mode d'expression esthétique où le jeu symbolique des représentations (évoquées par les objets sélectionnés) se passe de la présentation de ces objets. La présentation matérielle est à ce point accessoire que la plupart des ready-made originaux ont disparu. Les Arensberg, le couple de mécènes qui avait acheté l'urinoir rebaptisé "Fontaine" l'ont égaré ; tout comme furent perdus La Roue de bicyclette, l'Égouttoir et la pelle à déneiger rebaptisée " En prévision d'un bras cassé". La première grande rétrospective au Pasadena Museum of Art de Los Angeles (Californie), en 1963, utilisa des répliques... C'était l'idée et non l'objet qui était à sauvegarder. Marcel Duchamp fut d'ailleurs parmi les premiers artistes à accorder le statut d'oeuvre à ces notes de travail. Il a publié trois boîtes contenant des fac-similés de ses notes La Boîte de 1914, La boîte verte, et La boîte blanche (ce que le marketing contemporain appelle les "making-off "). La renommée de Marcel Duchamp grandissant, en 1964 ( soit 4 ans avant sa mort ) la galerie Schwarz de Milan édita les treize "Ready-made" en huit exemplaires signés et numérotés. Le jeu des représentations dans quelques autres "ready-made" En prévision d'un bras cassé. (1915) La pelle avait pendant longtemps été suspendue au plafond de l'atelier New-Yorkais de Marcel Duchamp. Elle signalait, telle une épée de Damoclès, le danger imminent de fracture osseuse quand les rues de New York enneigées n'étaient pas régulièrement déblayées par la bonne volonté de chacun. Remarquons encore que cette oeuvre existe pour nous par sa seule représentation mentale ; nous n'avons pas besoin de sa réalisation matérielle pour la comprendre et l'apprécier. Ce qui ne veut pas dire que la réalisation effective n'enrichisse l'oeuvre de nouvelles connotations par l'effet, sur notre sensibilité, de la matérialité présentée. Le célèbre Urinoir Fontaine (1917) Il s'agissait d'une provocation délibérée. Marcel Duchamp avec quelques autres artistes et quelques mécènes est membre fondateur de la Society for Independent Artists (1917) calquée sur le fameux "Salon des indépendants" de Paris. Marcel Duchamp veut tester l'ouverture d'esprit du comité chargé d'accrocher et de placer les oeuvres. Il présente sous un pseudonyme un urinoir rebaptisé "Fontaine" et signé par un certain M. Mutt qui a envoyé les six dollars réglementaires pour être exposé. L'objet déclenche une polémique et ne fut pas exhibé. Marcel Duchamp (qui était donc resté dans l'ombre) prit la défense de ce nouveau mode expression artistique dans la revue The Blind man dont il était co-fondateur. Dans l'esprit des détracteurs de l'Urinoir-Fontaine, les deux chefs d'accusation récurrents concernaient : le caractère impudique de l'objet et l'absence d'élaboration de la part de l'artiste. Marcel Duchamp objecte que l'objet n'a rien en soi d'immoral, pas plus qu'une baignoire n'est immorale " C'est un objet comme on en voit tous les jours dans la vitrine du plombier."... "Le fait que M. Mutt ait modèlé ou non la Fontaine de ses mains n'a aucune importance. Il l'a CHOISIE. Il a pris un article courant de la vie et fait disparaître sa signification utilitaire sous un nouveau titre. De ce point de vue, il lui a donné un sens nouveau". La sélection relève d'une intention. La nouvelle dénomination est un travail de création puisque il en ressort un jeu symbolique (... ici évocateur du cycle des flux de liquides de l'organismes : Je bois j'urine : l'urinoir est une fontaine dont l'homme est la source...etc.) Pourquoi ne pas éternuer ? (1921) Why not sneeze ? Il s'agit d'une oeuvre de commande. Katherine Dreier, (une mécène qui s'est rapidement attachée à l'originalité de Marcel Duchamp) demande à l'artiste un objet qu'elle veut offrir à sa soeur. Marcel Duchamp assemble une composition qui laissera tous ses contemporains perplexes ( La soeur de Catherine, Dorothéa, n'en voulut d'ailleurs pas, Katherine garda l'objet dans sa collection jusqu'en 1937 pour le revendre, sans profit, à Walter Arensberg, l'autre grand mècène de l'artiste.) Il s'agit une cage d'oiseau remplie apparemment de morceaux de sucre d'un blanc immaculé, un thermomètre fiché dans le monticule en mesure la chaleur et fait face à un os de sèche de l'autre coté de la cage... Le titre sonne comme une proposition, un conseil, une recommandation chaleureuse et amicale faite sur le mode interrogatif, "Pourquoi ne pas éternuer ?" Mais qu'est-ce qu'éternuer ? C'est s'autoriser une implosion cathartique. L' éternuement est la conséquence naturelle d'une irritation, une tension qui monte dans le corps et se déchaîne soudainement en ne laissant que la trace d'un écoulement... Dans la composition "Pourquoi ne pas éternuer ?", les morceaux de sucre qui connotent le plaisir de la gourmandise et le suc de la vie se révèlent, dès qu'on veut soulever la cage, des bloques de marbre froid. Cette cage est sans oiseau, sans vie : l'os de sèche étant justement ce qui reste de l'animal vivant quand la sèche s'est desséchée...Mais l'os est destiné à être consommé, c'est la nourriture terrestre de l'oiseau ! Une fois de plus Marcel Duchamp joue avec les représentations codées pour signifier l'ordre du corps, la logique du désir et la mécanique des pulsions (comme il le fera tout au long de sa vie dans la réalisation du Grand Verre- montage autour d'une mariée et de neuf célibataires...-) Marcel Duchamp, joueur d'échecs et précurseur en tous genres : "Installations", effet "psychédélique", reproductions miniatures commercialisées… Dès 1920, il monte ce que nous appelons aujourd'hui des installations qui expérimentent des effets optiques que le Pop art nommera "psychédéliques"... ( "Rotative plaques verre", 1920 et "Disques avec spirales", 1923). Après avoir mené pendant 10 ans une vie itinérante de joueur d'échecs professionnel, Marcel Duchamp résume (de 1935 à 1940) tout son parcours artistique sous forme de modèles réduits savamment disposés dans les cases d'une seule et même valise. Il parle avec ironie de "mise en boite d'un musée portable". Il s'agit d'une sélection représentative de ses oeuvres emballées dans une boîte dépliante. Comme dans un jeu d'enfant, la boîte a le charme d'une maison de poupée. Les oeuvres les plus importantes y sont représentées sous forme de miniatures fidèles depuis le Nu descendant un escalier (qui fit sensation à l'Armory Show en 1913 alors qu'il avait été désavoué une année plutôt par les amis cubistes de l'artiste) jusqu'au dernier état de travail du Grand Verre. En 1941, la Boîte-en-valise sera publiée : la juxtaposition des oeuvres permet d établir des ponts symboliques entre elles. Mais on peut dire aussi que Marcel Duchamp anticipe ainsi les commercialisations d'objets dérivés qui sont aujourd'hui une ressource non négligeable des musées. LE GRAND VERRE ou La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (1923) Parallèlement à l'invention des ready-mades, dans les années 10, Marcel Duchamp se consacre à un vaste projet qui deviendra une œuvre mythique, Le Grand Verre ou La Mariée mise à nu par ses célibataires, même. Ce titre énigmatique renvoie à une pièce qui, en quelque sorte, défie l'histoire de la peinture. En peignant sur une plaque de verre, Duchamp nie l'espace fictionnel du tableau et le remplace par un élément transparent, transitif, qui renvoie au thème, quant à lui traditionnel, de l'amour. L'œuvre confronte des hommes, les célibataires, et une femme, la mariée, qui est, selon Duchamp, « mise à nu avant la jouissance qui la ferait déchoir », moment précédant le passage de la vierge à la mariée, « l'apothéose de la virginité ». Elaborée à partir de 1912, l'œuvre est laissée inachevée en 1923, ce qui contribue encore à son mystère. Les célibataires (représentés aussi dans Neuf Moules Mâlic au centre G.Pompidou faisant partie des nombreuses études préparatoires au Grand Verre), se situent dans la partie inférieure du tableau, qui constitue « une base solide, sur terre ferme » : les mâles. Tandis que la mariée flotte en haut dans « une cage transparente », ils sont représentés par d'étranges objets qui figurent des moules, comme des moules pour fabriquer des uniformes de « mâles », gendarme, livreur ou prêtre. Duchamp les qualifie de « matrices d'éros », des machines à fabriquer du désir. D'eux s'échappe un gaz qui monte vers la mariée, comme une fumée produite par la machine à vapeur. Cette élaboration propose une conception mécanique du désir, un désir qui s'emballe et se fixe sur un objet précis. La boîte en valise (1936/68) Dès les années 10, Marcel Duchamp envisage l'édition d'une boîte rassemblant des œuvres, plus précisément des écrits accompagnés de quelques schémas. Ce projet précoce aboutit en 1934 à l'édition de la Boîte verte, tirée à trois cents exemplaires, qui contient principalement ses notes pour la réalisation du Grand Verre. Après cette publication, il envisage l'édition d'une autre boîte qui rassemble, cette fois-ci, toutes les œuvres qu'il a réalisées depuis le début de sa carrière. Ainsi naît l'idée d'une sorte d'« album » qui présente des images de ses peintures, le Nu descendant l'escalier, la Broyeuse de chocolat, les Neuf Moules Mâlic, mais aussi des reproductions miniatures, en trois dimensions, de ses sculptures et de ses ready-mades, parmi lesquels, bien sûr, la Fontaine. En ce qui concerne les reproductions de peinture, Duchamp a colorié des photographies noir et blanc, créant ainsi de nouveaux originaux, certifiés de sa main. De la part de l'inventeur des ready-mades, cette démarche réveille d'intemporelles interrogations sur l'art et ce qui le caractérise. Grâce à la richesse des objets qu'elle contient, cette édition devient une œuvre à part entière : La boîte-en-valise, achevée en 1941 ; une œuvre dont la particularité consiste à réunir une multiplicité de pièces qui sont en même temps des reproductions et des originaux. Duchamp propose en somme un petit musée portatif qui rappelle la circularité de l'une des définitions donnée, par lui, à l'art : c'est le musée qui fait l'art, mais l'art qui fait le musée. Une fois de plus, il réalise une œuvre d'un intérêt infini en regard des théories esthétiques. ETANT DONNES : 1. la chute d'eau, 2. le gaz d’éclairage (1946-1966) L’œuvre Etant donnés: 1. La chute d'eau, 2. Le gaz d'éclairage ne fut rendue public qu'après la mort de Marcel Duchamp. Il semble qu'il y ait travaillé durant 20 ans, entre 1946 et 1966. Cette oeuvre conjugue les techniques du diorama et du "peep show": le spectateur passe devant une vieille porte de bois, percée de deux trous à hauteur d'homme. Par ces trous, on peut voir une scène réaliste, représentant un lieu où gît une femme nue, cuisses écartées, brandissant une lampe à gaz allumée. Le fond du diorama en trompe l’œil évoque les arrièreplans des peintures de la Renaissance. Le spectateur passe devant une vieille porte de bois, à deux battants mais sans poignée, enchâssée dans des montants de briques rouges... s’il s'approche, il pourra voir par deux petits trous aménagés à hauteur d'homme une scène d'un réalisme sidérant : c'est un trou de verdure et une femme gît là, nue, les cuisses écartées. La matité des chairs laisse juste voir un sexe épilé et surtout étrangement fendu ? On pense à une scène de viol, mais le bras de la femme est dressé et sa main tient avec fermeté une veilleuse à gaz allumée. Le spectateur est à la fois surpris, choqué et désarmé. Il est impuissant mais témoin de quelque chose qui perdure derrière la façade vétuste. "Etant donné", est aussi explicite que le "Grand Verre" est voilé dans son évocation de la sexualité. TEXTES DE REFERENCE Marcel Duchamp, entretien avec James Johnson Sweeney (extrait), 1955 Reproduit dans Duchamp du signe, pp. 175-185, Flammarion, 1994 « JJS : Selon vous donc le goût serait la répétition de toute chose déjà acceptée ? MD : Exactement. C'est une habitude. Recommencez la même chose assez longtemps et elle devient un goût. Si vous interrompez votre production artistique après avoir créé une chose, celle-ci devient une chose en-soi et le demeure. Mais si elle se répète un certain nombre de fois, elle devient un goût. JJS : Et le bon goût est la répétition de ce que la société approuve et le mauvais goût la même répétition de ce qu'elle n'approuve pas. C'est bien là ce que vous voulez dire ? MD : Oui, que le goût soit bon ou mauvais, cela n'a aucune importance, car il est toujours bon pour les uns et mauvais pour les autres. Peu importe la qualité, c'est toujours du goût. JJS : Comment donc avez-vous pu échapper au bon et au mauvais goût dans votre expression personnelle ? MD : Par l'emploi des techniques mécaniques. Un dessin mécanique ne sous-entend aucun goût. JJS : Parce qu'il est divorcé de l'expression picturale conventionnelle ? MD : C'est du moins ce que je pensais à l'époque et ce que je continue de penser aujourd'hui. JJS : Ce divorce, cette libération de toute intervention humaine dans la peinture et le dessin ont-ils quelque rapport avec l'intérêt que vous avez porté aux ready-mades ? MD : C'est naturellement en essayant de tirer une conclusion ou une conséquence quelconque de cette déshumanisation de l'œuvre d'art que j'en suis venu à concevoir les ready-mades. Tel est, vous le savez, le nom que j'ai donné à ces œuvres qui sont bien, en effet, toutes faites ». Marcel Duchamp, « L'artiste doit-il aller à l'université ? » Allocution (extrait) à l'université d'Hofstra, New York, 1960 Reproduit dans Duchamp du signe, pp. 236-239, Flammarion, 1994 « Bête comme un peintre. Ce proverbe français remonte au moins au temps de la vie de Bohème de Murger, autour de 1880, et s'emploie toujours comme plaisanterie dans les discussions. Pourquoi l'artiste devrait-il être considéré comme moins intelligent que Monsieur tout-le-monde ? Serait-ce parce que son adresse technique est essentiellement manuelle et n'a pas de rapport immédiat avec l'intellect ? Quoi qu'il en soit, on tient généralement que le peintre n'a pas besoin d'une éducation particulière pour devenir un grand Artiste. Mais ces considérations n'ont plus cours aujourd'hui, les relations entre l'Artiste et la société ont changé depuis le jour où, à la fin du siècle dernier, l'Artiste affirma sa liberté. Au lieu d'être un artisan employé par un monarque, ou par l'Eglise, l'artiste d'aujourd'hui peint librement, et n'est plus au service des mécènes auxquels, bien au contraire, il impose sa propre esthétique. En d'autres termes, l'Artiste est maintenant complètement intégré dans la société. Emancipé depuis plus d'un siècle, l'Artiste d'aujourd'hui se présente comme un homme libre, doté des mêmes prérogatives que le citoyen ordinaire et parle d'égal à égal avec l'acheteur de ses œuvres. Naturellement, cette libération de l'Artiste a comme contrepartie quelques-unes des responsabilités qu'il pouvait ignorer lorsqu'il n'était qu'un paria ou un être intellectuellement inférieur. Parmi ces responsabilités, l'une des plus importantes est l'ÉDUCATION de l'intellect, bien que, professionnellement, l'intellect ne soit pas la base de la formation du génie artistique. Très évidemment la profession d'Artiste a pris sa place dans la société d'aujourd'hui à un niveau comparable à celui des professions « libérales ». Ce n'est plus, comme avant, une espèce d'artisanat supérieur ». Marcel Duchamp, discours au Musée d'Art moderne de New York, 1961 Dans le cadre de l'exposition Art of assemblage Reproduit dans Duchamp du signe, pp. 191-192, Flammarion, 1994 A propos des Ready-mades : « En 1913 j'eus l'heureuse idée de fixer une roue de bicyclette sur un tabouret de cuisine et de la regarder tourner. Quelques mois plus tard j'ai acheté une reproduction bon marché d'un paysage de soir d'hiver, que j'appelai « Pharmacie » après y avoir ajouté deux petites touches, l'une rouge et l'autre jaune, sur l'horizon. A New York en 1915 j'achetai dans une quincaillerie une pelle à neige sur laquelle j'écrivis « En prévision du bras cassé » (In advance of the broken arm).C'est vers cette époque que le mot « ready-made » me vint à l'esprit pour désigner cette forme de manifestation. Il est un point que je veux établir très clairement, c'est que le choix de ces ready-mades ne me fut jamais dicté par quelque délectation esthétique. Ce choix était fondé sur une réaction d'indifférence visuelle, assortie au même moment à une absence totale de bon ou de mauvais goût… en fait une anesthésie complète. Une caractéristique importante : la courte phrase qu'à l'occasion j'inscrivais sur le ready-made.Cette phrase, au lieu de décrire l'objet comme l'aurait fait un titre, était destinée à emporter l'esprit du spectateur vers d'autres régions plus verbales. Quelques fois j'ajoutais un détail graphique de présentation : j'appelais cela pour satisfaire mon penchant pour les allitérations, « un ready-made aidé » (ready-made aided). Une autre fois, voulant souligner l'antinomie fondamentale qui existe entre l'art et les ready-mades, j'imaginais un « ready-made réciproque » (reciprocal ready-made) : se servir d'un Rembrandt comme table à repasser ! Très tôt je me rendis compte du danger qu'il pouvait y avoir à resservir sans discrimination cette forme d'expression et je décidai de limiter la production des ready-mades à un petit nombre chaque année. Je m'avisai à cette époque que, pour le spectateur plus encore que pour l'artiste, l'art est une drogue à accoutumance et je voulais protéger mes ready-mades contre une contamination de ce genre. Un autre aspect du ready-made est qu'il n'a rien d'unique… La réplique d'un ready-made transmet le même message ; en fait presque tous les ready-mades existant aujourd'hui ne sont pas des originaux au sens reçu du terme. Une dernière remarque pour conclure ce discours d'égomaniaque : Comme les tubes de peintures utilisés par l'artiste sont des produits manufacturés et tout faits, nous devons conclure que toutes les toiles du monde sont des ready-mades aidés et des travaux d'assemblage.» CHRONOLOGIE 1904 Marcel Duchamp rejoint ses frères à Paris et suit des cours à l'Académie Julian. 1909 Il commence à réaliser des toiles inspirées de Cézanne et fréquente les « cubistes dissidents », comme Gleizes et Metzinger, qui se réunissent régulièrement chez son frère Jacques Villon à Puteaux. 1912 Le Nu descendant l'escalier est retiré du salon des Indépendants et est exposé au salon de la Section d'or organisé par les frères Duchamp, à Paris. Il commence à travailler au Grand Verre. 1913 Le Nu descendant l'escalier est exposé à l'Armory Show, New York. Duchamp apparaît comme l'un des principaux représentants de l'avant-garde française. 1915 Il se rend aux Etats-Unis où il retrouve son ami Francis Picabia. Rencontre avec Man Ray qui restera son ami toute sa vie durant. 1917 Il envoie au comité de sélection de la Société des Artistes indépendants, dont il fait partie, sa Fontaine, sous le pseudonyme de Richard Mutt. L'objet est refusé, ce qui donnera lieu à la publication d'une série d'articles où il justifie son acte, intitulés The Richard Mutt Case. 1919 Rentré à Paris, il collabore avec les dadaïstes. 1920 De retour à New York, il fonde avec Man Ray et Katherine S. Dreier, riche héritière philanthrope, un organisme visant à promouvoir l'art contemporain en achetant des œuvres à de jeunes artistes. Suite à une blague de Man, ils l'appellent la Société Anonyme. 1921 En collaboration avec Man Ray, il publie le premier et unique numéro de New York Dada. Une « dadadate » selon Man Ray. 1923 Duchamp abandonne son Grand Verre, et la rumeur court qu'il abandonne même l'art. 1924 Il participe au tournage du film avant-gardiste Entr'acte de René Clair. Dans la première scène du film, il joue aux échecs avec Picabia sur le toit du théâtre des Champs-Elysées. 1926 Le Grand Verre est exposé au Musée de Brooklyn. C'est à cette occasion que la glace du Grand Verre est fêlée. 1932 Il fait partie de l'équipe de France du Championnat d'échecs et publie, en collaboration avec un autre joueur, un ouvrage sur les fins de parties. 1935 Il présente ses Rotoreliefs au concours Lépine. 1938 La boîte-en-valise, ensemble de reproductions de ses œuvres en modèle réduit, est tirée à 300 exemplaires. 1939 Publication de Rrose Sélavy, contrepèteries et de jeux de mots. recueil de 1942 A New York, il collabore avec les Surréalistes réfugiés, notamment avec André Breton pour l'exposition First Papers of Surrealism. Pour cette exposition, il tisse dans l'une des salles un réseau constitué de deux kilomètres de ficelle entrelacée. 1947 Il organise avec Breton la Deuxième Exposition Internationale du Surréalisme à Paris Le Surréalisme en 1947, et réalise la couverture du catalogue avec l'œuvre Prière de toucher. 1953 Le magazine grand public Life lui consacre un article. C'est le début de la célébrité. 1954 Ouverture du Musée d'art de Philadelphie grâce à Louise et Walter Arensberg, amis et mécènes de Duchamp, qui ont fait don de leur collection. Le nouveau musée comprend 43 de ses œuvres. 1958 Publication de Marchand de Sel, le premier recueil des divers écrits de Duchamp. 1959 Publication de la première monographie sur Duchamp par Robert Lebel. 1964 La galerie Schwartz, Milan, réédite treize readymades disparus, en huit exemplaires. 1966 La Tate Gallery de Londres organise la première grande rétrospective de son œuvre. 1967 Exposition Raymond Duchamp-Villon / Marcel Duchamp au Musée d'art moderne de Paris. 1968 Marcel Duchamp meurt le 2 octobre à Neuilly. 1973 Rétrospective Duchamp au Musée de Philadelphie et au Musée d'art moderne de New York. BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE A consulter sur Internet : Marcel Duchamp World Community Web Site Les œuvres de Marcel Duchamp dans les Collections du Musée national d'art moderne Essais sur Marcel Duchamp - Françoise Le Penven, L'art d'écrire de Marcel Duchamp : à propos de ses Notes manuscrites et de ses Boîtes, Jacqueline Chambon, 2003 Young-Girl Jang, L'Objet duchampien, L'Harmattan, 2001 Didier Ottinger, Françoise Le Penven, Marcel Duchamp dans les collections du Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, 2001 Francis M. Naumann, Marcel Duchamp : l'art à l'ère de la reproduction mécanisée, Hazan 1999 Thierry de Duve, Résonances du Ready-made : Duchamp entre avant-garde et tradition Jacqueline Chambon, 1989 Thierry de Duve, Nominalisme pictural, Marcel Duchamp, la peinture et la modernité Editions de Minuit, 1984 Catalogues d'exposition - La boîte en valise de ou par Marcel Duchamp ou Rrose Sélavy, Musée des beaux-arts de Rouen, 15 octobre 1998-15 janvier 1999 Marcel Duchamp, Centre Pompidou, 1980 Marcel Duchamp, la boîte en valise, Centre Pompidou, 1976 Brancusi et Duchamp : regards historiques, Centre Pompidou, 2000 Textes de Marcel Duchamp Marcel Duchamp, Duchamp du signe, Flammarion, 1994 (recueil) LA MEDIATION CULTURELLE Présentation générale La galerie d’O propose un dispositif pédagogique de transmission, d’initiation et de sensibilisation à la création d’aujourd’hui à travers diverses actions en relation avec l’Education nationale, les écoles d’art et le réseau associatif du département. Du primaire à l’Université, des visites dialoguées ou commentées sont proposées par une médiatrice tout au long de l’année scolaire. Cette personne est également à la disposition du public adulte, des associations, des comités d’entreprises, de l’Université du tiers temps, etc.… Ecoles maternelles : Ecoles primaires : Il s’agit d’une visite accompagnée en groupe, ne dépassant pas ¾ d’heure. A partir d’observations sensorielles (la vue, l’ouie…) un dialogue s’installe autour d’œuvres choisies, dans le plaisir de la découverte d’une exposition et d’un lieu culturel (promenade possible dans le parc et visite du Théâtre d’O) Il s’agit d’une visite dialoguée entre le groupe et la médiatrice à partir des observations et réactions des élèves d’environ une heure. La conversation engagée devant une œuvre est articulée autour de l’apprentissage du langage spécifique de l’art (formes, techniques, gestes, couleurs, médiums…). Classes de Collèges et de lycées : Une visite commentée incitant à la participation active des élèves d’environ une heure (ou plus selon les projets de chacun). La médiatrice propose une présentation de l’artiste, de l’œuvre, de l’exposition ayant pour objectif de perfectionner l’appréhension du langage spécifique de l’art contemporain et de ses modes d’expression. Elle aborde également les questions relatives aux métiers de l’exposition telle que la scénographie et propose des pistes de travail spécifique à chaque événement. Projets spécifiques : Dans le cadre de projets d’écoles et d’établissements liés à l’art et à la culture, la Galerie d’O peut s’inscrire dans les actions éducatives territoriales. Outils pédagogiques : Une visite commentée dédiée aux enseignants est organisée à chaque exposition. Un dossier pédagogique relatif à l’exposition est proposé aux enseignants. Des catalogues d’expositions et publications à consulter sur place. L’Humanité mise à nu, etc… PISTES DE TRAVAIL Enseignement primaire La copie, la reproduction : Gabriele DI Mattéo – André Raffray – Andy Warhol - Différencier l’auteur de celui qui réalise. Pour le dessin ou la peinture, travail à deux ou en groupe. « Faire faire » à un autre une œuvre à l’aide d’un support iconographique ou d’une idée. - Recherche et choix des sources iconographiques : l’Humanité pouvant être remplacée par une autre thématique autour de laquelle effectuer un travail de recherche (la guerre, l’homme et la nature, la mode, …) pour rassembler toutes sorte de documents (illustrations, photographies, images venant d’Internet) afin de copier et modifier les images. - Réaliser la copie d’une œuvre, dessin, peinture ou photographie au plus prés possible de la source en utilisant un autre médium (crayons de couleurs comme André Raffray, de la photo à la peinture comme G. Di Mattéo ou en jouant avec les échelles, l’agrandissement ou la miniaturisation. - Réaliser avec un photocopieur, par exemple, la répétition de motifs ou d’images familières du quotidien (publicités, images issues de la TV, héros de dessins animés…) afin de porter un regard nouveau sur les médias, la culture de masse, la publicité. Un travail en couleur « pop » peut être expérimenté. - Travail en collaboration : comme les surréalistes, réaliser des « cadavres exquis ». Le geste provocateur : G. Di Mattéo, Marcel Broodthaers Comme dans Fontaine, LHOOQ de Marcel Duchamp ou dans le film défense de fumer de M. Broodthaers, G.Di Mattéo « provoque » en déshabillant les grands de ce monde ramenant ainsi tous les individus au même niveau, dans leur plus simple appareil. Dans une réflexion critique où il compare les évènements historiques à une grande « boucherie », il est possible d’imaginer une réalisation d’affiches, de dessins provocateurs ou drôles à partir d’images, tournant en dérision les interdits, la censure, la vanité, mais aussi la guerre, la dictature ou la cruauté en opérant des transformations de type collage, découpage, recouvrement ou changement d’échelle à partir de supports iconographiques récoltés. Du matériau à l’idée : Robert Filliou Dans la pièce l’origine de Lascaux, ainsi que dans bon nombre de ses pièces c’est le matériaux qui est à l’origine du concept et non l’inverse. Il est possible, dans un travail de groupe autour d’objets « pauvres » récoltés préalablement, de réaliser des installations autour de la poétique de l’objet afin de leur faire raconter une histoire, leur attribuer un sens nouveau. Travailler l’assemblage, le bricolage, la mise en commun de matériaux. NB : D’autres pistes de travail pourront être élaborées et conçues directement avec les enseignants en fonction de leurs projet pédagogique lors des rendez-vous enseignant prévus le mercredi 13 et le mercredi 20 septembre 2006. Pour tout autre renseignement, la responsable de la médiation est à la disposition des enseignants. A consulter sur place : - André Raffray ou la peinture recommencée, catalogue d’exposition Frac Bretagne, éditions La Différence, 2005. Gabriele Di Mattéo, Œuvres 1986-2002, éditions Artshow, 2002. Chauffe, Marcel ! Catalogue d’exposition, Frac Languedoc-Roussillon, éditions Isthme, 2006 RENSEIGNEMENTS PRATIQUES galerie d’O Avenue des moulins, rond-point du Château d’O 34090 Montpellier Tél. : 04 67 67 76 17 - Fax : 04 67 67 77 29 Mail : [email protected] Horaires d’ouverture Du mardi au dimanche de 14h30 à 18h30 Le mercredi : de 10h à 12h et de 14h30 à 18h30 Sauf jours fériés er A partir du 1 octobre, fermeture à 17h15 Entrée libre Visite commentée de l’exposition les samedis et dimanches à 16h Accès En bus : N° 7 et 16 En tramway : Station « Château d’O » Bus scolaires : entrée ouest du parc, route de Grabels. Contact médiation culturelle Tél. : 04 67 67 69 83 Accueil de groupes sur réservation Conseil général de l’Hérault Direction des politiques culturelles territoriales Service éducation artistique et culturelle Hôtel du Département 1000, rue d’Alco 34087 Montpellier cedex 4 www.cg34.fr