Histoire d`un PARIS-BREST-PARIS 2015

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Histoire d`un PARIS-BREST-PARIS 2015
Histoire d’un PARIS-BREST-PARIS 2015
1230 km, environ 11 000 m de dénivelé : le pèlerinage que chaque cyclo rêve de faire au moins une fois dans sa vie.
Pour moi c’était un rêve de gosse quand je les ai vu passer à Landivisiau, il faisait nuit, ils étaient plus ou moins
éclairés, c’était encore l’époque de la Nationale 12. « Moi aussi je ferais le PBP un jour »
Les années ont passé. J’ai commencé le cyclo à l’ASPC en 1997, le PBP me revenait en mémoire tous les 4 ans.
J’avais suivi un collègue de boulot en 2007 et j’avais été un peu tenté en 2011. Et puis nous sommes en 2014, c’est
l’année prochaine…. Mon pote Denis m’en parle, son enfance à Vilaine la Juhel où il a également été bercé par le
PBP ... il décide de s’élancer en 2015. C’est décidé je me lance dans l’aventure. Première étape : réaliser un brevet
de 600 km en 2014 afin de pouvoir m’inscrire facilement au PBP de 2015. Ceci permettra également au néophyte que
je suis d’évaluer ma capacité à rouler pendant 24 H et plus, en incluant la nuit.
14 Juin 2014 : Brevet de 600 km organisé par le RCA. Il est 6H00, je suis au départ dans mes petits souliers, Lionel
est là, je vais essayer de profiter de son expérience et le suivre le plus longtemps possible. Après 200 km, nous nous
retrouvons à 5, un bon petit groupe, de bons relais, c’est une nuit de pleine lune, tout va bien jusqu’à 500 km, les 100
derniers km seront effectués en danseuse ou presque… Nous sommes de retour au vélodrome à 6H00, 600 km en
24H00, j’ai accompagné Lionel, Didier, André du RCA pendant tout le brevet. Un problème à régler : la selle, je décide
d’investir dans une belle BROOKS en cuir, elle ne me quittera plus.
1 er Janvier 2015 : le programme s’établit autour des brevets obligatoires 200, 300, 400 et 600. C’est très facile pour
nous, ils sont tous organisés par le RCA avec départ au vélodrome à 5 km de la maison.
29 Mars : BRM200, départ 8H, direction les Mauges, pluie et surtout vent violent au programme. Tout se passe bien.
19 Avril : BRM300 : direction la Touraine sous un ciel ensoleillé. Un 300 de folie, passé à 34 km/h de moyenne dans
la roue de Didier et Jean François en tandem.
3 Mai : BRM400 : 2 départs possibles à 16H00 le samedi ou à 4H00 le dimanche matin. Direction la Normandie avec
les alpes mancelles, un superbe parcours mais difficile. La météo annoncée pour ce premier week end de mai
s’annonce catastrophique avec beaucoup de pluie et de vent. Pas le choix, il faut y aller, je choisis le départ du
dimanche matin afin de rouler au maximum de jour. Le jour J la météo est aussi mauvaise que prévue, départ sous la
pluie, elle ne s’arrêtera qu’au bout de 12H de vélo. Le départ est difficile avec 4 crevaisons sur les 2 premières
heures, ça sent la galère. Heureusement, notre petit groupe de 8 est resté très solidaire et vers 20H30 nous arrivons
enfin à Angers, ma chère épouse viendra me chercher au vélodrome, je suis trop épuisé pour rentrer à Bouchemaine.
Un problème à résoudre : l’éclairage de nuit sous la pluie…
23Mai : BRM600, dernier brevet sur les routes du PBP avec le tronçon Tinténiac Carhaix. Je me suis équipé d’une
roue avec moyeux dynamo pour l’éclairage, ce qui permet également de recharger le GPS. Temps superbe, nous
roulons à un bon rythme en assurant un tempo raisonnable dans les bosses de Bretagne. De nuit, il est nécessaire
de réveiller Lionel qui s’endort à chaque arrêt, après 23H30 de selle, nous sommes de retour au vélodrome. Le
matériel testé donne entière satisfaction. Je suis prêt, le départ n’est malheureusement que dans 3 mois…
Heureusement, l’ASPC a en portefeuille ses flèches Pont de Céaises, avec Denis nous en planifions 1 tous les 15
jours. Ainsi à la Vendée organisée par l’ASPC se succèderont la Normandie, la Bretagne (avec les cyclos de
Beaucouzé) La Brière et le Maine. Une semaine dans les Pyrénées au pied du Tourmalet puis une semaine de repos
au pays Cathare et le grand départ arrive.
Samedi 15 Aout : derniers préparatifs, j’ai choisi de réaliser ce premier PBP en autonomie complète sans assistance.
Il faut donc une grosse sacoche de selle avec matériel de réparation, trousse à pharmacie, vêtements chauds pour la
nuit, sacoche de guidon pour l’alimentation au moins sur les premières heures, 2 gros bidons. Pesée de la machine :
13,5 kg. Départ pour le vélodrome national de Saint Quentin en Yvelines où à lieu le départ pour contrôle des vélos le
samedi après midi. J’y retrouve Denis et les cyclos de Beaucouzé qui ont décidé de rouler groupé avec un camping
car en assistance. Découverte de ce superbe outil du cyclisme national, heureusement nous n’avons pas de tour de
piste à faire, la piste est presque verticale… Une bonne nuit dans un hôtel de Rambouillet et c’est le grand jour.
Dimanche 16 Aout : Après une orgie au petit déjeuner de l’hôtel pour commencer à emmagasiner de l’énergie je pars
pour le vélodrome. J’ai réservé un repas sur place où je déjeune avec 3 néo-zélandais qui sont venu en France pour
le PBP en ayant passé une petite semaine dans le midi histoire de devenir bi-cinglé du mont Ventoux (2 fois chacune
des 3 faces soit 8800m de dénivelé en 20 H). Il reste 3 h avant le départ. Je trouve un coin d’herbe à l’ombre pour une
petite sieste avec un canadien qui vient sur le PBP pour la deuxième fois. Je retrouve Lionel et André qui rejoignent
le départ. Nous partons ensemble dans la 2 eme vague de 300 cyclos à 16H15. 1H00 d’attente dans le sas de départ, la
pression monte, une idée fixe en tête : suivre l’expérience, c'est-à-dire, ne pas perdre Lionel.
16H15 : c’est le grand départ, 50 km/h dans les rues de Guyancourt, les yeux rivés sur le maillot bleu blanc rouge du
RCA devant moi. 38,5 km après 1 H. 19H15, Denis doit s’élancer, j’ai déjà parcouru 115 km. Dans les bosses du
Perche, notre groupe rattrape le précédent, c’est l’explosion des pelotons, je me retrouve (toujours avec Lionel) dans
un groupe d’une trentaine de cyclos, le rythme devient plus raisonnable. La nuit commence à tomber, il fait nuit quand
nous arrivons à Vilaine la Juhel, accueil fantastique, tout le village est présent pour nous encourager, pour moi il faut
ravitailler : remplir les bidons et manger. Je repars un peu seul dans la roue de 2 américains, nous seront bientôt
rejoints par d’autres cyclos dont Lionel que je retrouve. La nuit passe, les contrôles aussi : Fougères, Tinténiac, nous
roulons à 27/28 km/h. Petit à petit, ma vue se brouille, j’ai un voile devant les yeux, que se passe t il ? Au prochain
contrôle à Loudéac je passerai au poste médical.
7H10 : arrivée à Loudéac, contrôle puis un bon petit déjeuner. Je vais au poste médical, le pompier de service me met
un peu de sérum physiologique dans l’œil. J’espère que ma vue va s’améliorer car une deuxième nuit comme cela
n’est pas envisageable. Le spectre de l’abandon commence à arriver: toutes ces heures de vélo pour rien, tous ces
supporters qui m’ont envoyés des textos d’encouragement depuis le début du WE, je ne peux pas les décevoir. Je
vais jusqu’à Brest et on avisera. Je repars de Loudéac dans un petit groupe, ils ont un peu de mal et restent surtout
dans ma roue. A Carhaix je récupère 3 italiens qui semblent bien affutés, enfin de l’aide pour les relais. Que nenni,
pas la moindre aide, toujours dans les roues pour monter roc Trévézel sauf dans le dernier km où ils cherchent à me
lâcher, ce sont les premiers mauvais coucheurs que je rencontre depuis le départ. L’air du pays fait le plus grand bien,
Commana, Sizun, la descente interminable sur Brest (sous le soleil bien sûr), la traversée de l’Elorn et me voilà à
Brest, il est 14 H, 614 km en 21H45. Je vois de moins en moins bien.
Brest : 45 minutes d’arrêt, il faut se restaurer, un moment d’échange avec les bénévoles et une journaliste d’Ouest
France. Passage au poste médical, super accueil antillais, diagnostic : assèchement de l’œil dû au froid de la nuit, il
faut irriguer l’œil, un rinçage abondant de l’œil soulage déjà, mais la vue reste trouble. 14H45, je redémarre avec un
gars direction Landerneau. La remise en route est terrible, nous n’avançons pas et il reste 600 bornes à faire… Nous
sommes rattrapés par un petit groupe international dans la remontée vers Sizun : 1 australien, 1 letton, 1 allemand. La
machine se remet en route progressivement, une petite côte ça fait toujours du bien et miracle : la vue revient
progressivement… De retour à Carhaix à 18H00, tout va bien, prêt pour la deuxième nuit.
Deuxième Nuit : Loudéac : c’est la foule des grands jours avec tous les pelotons de cyclos qui sont sur le trajet aller et
qui croisent les premiers sur le retour. 2 Jambon beurre (toujours la recette de Lionel, il manque juste les cornichons)
et c’est repartit. La nuit est magnifique, inutile de chercher son chemin, nous avons une longue procession de
lumières de cyclos venant à notre rencontre, la magie du PBP. Après Tinténiac, un groupe important se reforme, il est
2 H du matin, ça roule vite, je suis en sur régime, ça devient même dangereux avec la fatigue. Je décide de les laisser
partir pour continuer seul. Fougères seul dans la nuit, 4H26, accueilli par 3 bénévoles avec qui je fais un brin de
causette (que font-ils là au milieu de la nuit pour attendre des cyclos ???) Ils m’encouragent et je repars toujours seul
direction Vilaine. 5H45, je commence à avoir des hallucinations, la route bouge devant moi, il est temps de faire un
break. Je m’arrête au pied d’une église et je m’installe sous la porte cochère d’un presbytère, il vaut mieux se mettre à
l’abri pour dormir un peu.
La dernière ligne droite : Après 20 minutes de sommeil je me réveille tout va bien, un groupe passe, je saute sur ma
machine, un sprint de 2 km pour revenir dans les roues. J’ai rejoint un groupe de 8 allemands. Je roule dans leurs
roues puis commence à prendre des relais. La discussion s’engage, ils sont partis à 16H et veulent arriver en moins
de 50H soit avant 18H. C’est jouable si nous nous relayons et si nous ne perdons pas trop de temps aux contrôles.
Me voila enrôlé dans la mannshaft. Ca roule bien, régulièrement, je dois les attendre un peu dans les bosses du
Perche mais je ne le regretterais pas dès que le parcours deviendra plat et venté. Mortagne, Dreux, il reste 65 km et 2
H 50 pour atteindre l’objectif. Le vent souffle fort, il reste quelques bosses, on s’encourage, reste 10 km, c’est
l’euphorie même si ces derniers km où l’on tourne en rond dans des parcs sont interminables.
17h47 : Nous y sommes, objectif atteint, moins de 50 H pour eux, pour ma part je finis en 49H31. Le meilleur des
scénarios que j’avais envisagé. On se félicite, un dernier tampon et enfin la bonne bière.
Les textos de félicitations de tous ceux qui m’ont suivi arrivent, c’est super sympa.
Je retrouve mon canadien du départ, il a dû abandonner épuisé par une gastro, mais c’est sûr, il reviendra dans 4
ans.
Bilan :
Le PBP est une grande aventure et j’encourage tout cyclo à le faire, non pas pour la course car il s’agit avant tout d’un
défi avec soi même, mais pour son ambiance , une organisation fantastique autour de 2500 bénévoles, la fête sur les
routes du Perche et de Bretagne, la rencontre de cyclos de tous les horizons, certains ont fait plus de 20 000 km pour
participer à la fête et ils le font toujours dans un esprit très convivial. Une bonne préparation (surtout mentale) à
commencer 18 mois à l’avance, un matériel testé et éprouvé permettent de faire un PBP dans de bonnes conditions
(avec un peu de chance pour la météo, mais il parait qu’en Bretagne il ne pleut que sur les c…)
La performance sportive est parfois exceptionnelle comme celle de Bjorg Lenhard, cet allemand qui à réalisé ce PBP
en 42H26 sans assistance avec 800 km en solitaire. Mais pour moi le VIP de ce PBP restera ce petit bonhomme
sympathique qui m’a tamponné ma carte sur le retour à Fougères à 4H26 du matin et qui m’a encouragé à repartir
dans la nuit. Sans ces bénévoles le PBP n’existerait pas. Merci également à l’équipe du RCA, à Jean-Claude
Chabirand pour l’organisation exceptionnelle des BRM qualificatifs et à Lionel qui a guidé mes premiers pas sur les
longues distances. Merci aux bénévoles de l’ASPC qui me permettent d’assouvir ma passion tous les dimanches
matins.
Un seul regret : mon pote Denis avec qui nous avons partagé quelques heures de selles n’a pas pu terminer victime
d’une tendinite, il a eu le courage d’être raisonnable et de s’arrêter, mais il a déjà pris rendez vous pour 2019.
André