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IRAK -IRAQ
La passion des Mille et une nuits
et l’École de chant de Bagdad
Husayn Ismâ°îl
al-A°zami
et l’ensemble
al-Kindî
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Husayn al-A°zamî et l’ensemble al-Kindî
La passion des Mille et une nuits et l’école de musique de Bagdad
--
L’école de musique de Bagdad
est l’héritière d’une tradition
arabe complexe, où se mêlent les
influences sémitiques, turques,
persanes, kurdes et même indienne
s. Elle met en oeuvre des modes
formulaires savants, définis par un
ensemble d’éléments indissociables,
que l’on retrouve partiellement
dans les écoles syro-égyptiennes et
ottomanes. Une coloration particulière entoure de son halo chaque
mode, chaque soupir : elle renvoie
à la synesthésie, à la magie et à la
foi, dans un contexte charismatique
et apocalyptique. L’harmonie ainsi
obtenue est appelée insijâm et ne
peut être atteinte qu’en état d’enstase
mystique. L’effet obtenu sur les auditeurs est celui du tarab, émoi musical
qui transporte l’âme et crée l’extase
et l’exaltation.
Nommée par ses exécutants
al-maqâm al-°irâqî (composition
modale d’Irak), cette forme est aussi
pratiquée à Mossoul et à Kirkouk, au
cours de fêtes et de concerts privés.
Modes et rythmes n’ont pas toujours
les mêmes appellations. Séparant
peu le profane du sacré, elle se
rencontre avec des variantes dans la plupart des musiques religieuses de Mésopotamie
(musulmanes, juives, chrétiennes, gnostiques, évangélistes, schismatiques ou
hérétiques). Le répertoire est souvent transposé en lexique mystique pour des
besoins ésotériques. Toutes les communautés du pays participent de la même
esthétique : arabes, kurdes, turkmènes, sunnites, chiites, faïlis, arméniens, mandéens ou
sabéens, jacobites ou syriaques, assyriens, chaldéens, iraniens, circassiens, tchétchènes,
géorgiens, zoroastriens, tziganes, zanzibariens, afghans, baloutches, indiens, adorateurs de Satan ou yézidis, citadins et bédouins. En Syrie et en Egypte, ce style est
appelé “lawn °irâqî” (couleur irakienne) ou “seb°âwî baghdâdî” (septain de Bagdad) :
de grands interprètes l’ont illustré, comme Ahmad al-Faqsh, Muhammad Abû Selmô,
Najîb Zayn al-Dîn et Adîb al-Dâyikh.
Les instruments, les timbres de voix, la technique et la terminologie ne sont pas
traditionnellement unifiés : le mode se nomme, par exemple, tawr (cycle) dans la
musique populaire. On comptabilise près de soixante-dix modes ou compositions
modales et une cinquantaine de pièces mélodiques. Le terme même de maqâm
(mode) est très ancien : il provient de la racine trilitère arabe qwm, profondément
multivoque et coraniquement attestée (se lever, se dresser et se tenir debout, s’arrêter,
se tenir immobile, triompher, ressusciter, revenir à la vie, résister, rectifier, accomplir,
exécuter, avec ou sans prépositions spécifiques). On retrouve cette racine en
sémitique ancien et en hamito-sémitique (égyptien pharaonique, sud-arabique, hébreu,
amharique, guèze, akkadien, phénicien et autres). La racine génère de nombreux
verbes et substantifs : istaqâma (être en bon état ou enceinte en dialectal), qawm
(demeure, séjour, tribu, peuplade, d’où le dialectal maghrébin goum et le français
militaire goumier), qawma (station, pause entre deux prières, révolution, trouble,
érection du membre viril), qâma ou qawâm (taille, stature), al-qiyâm li-llâh (le culte
constant de Dieu), qiyâma (résurrection), qayyûm (un des quatre-vingt dix neuf
attributs traditionnels de Dieu : éternel, qui existe par lui-même), al-qayyima (la
vraie religion), qîma (prix, valeur d’une chose), iqâmat al-salât (l’accomplissement
de la prière), taqwîm (redressement, rectification), qâ’im maqâm (lieutenant), qâ’im
al-zâwiya (rectangle), qâ’im al-sayf (poignée du sabre) etc... L’idée de base de
cette racine est celle d’un arrêt, d’une érection sur un lieu, d’une station dressée.
Le schème du mot est celui d’un nom de lieu de la première forme verbale simple :
maqâm, muqâm ou muqâma (pluriel en maqâmât ou muqâmât et vingt occurrences
coraniques, plutôt médinoises). D’abord employé pour signifier le séjour, son lieu et
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son temps, la place, la dignité et le rang, puis l’emplacement sacré ou prophétique
(maqâm d’Ibrâhîm à la Ka°ba de la Mecque), il est transposé en vocabulaire littéraire
pour désigner un genre littéraire érudit (maqâma, réunion, assemblée, séance), joute
rhétorique de salons littéraires où il s’agit de défendre et d’illustrer la langue arabe
en démontrant une science subtile des mots et de la syntaxe, lancée à la recherche
du curieux, du rare, du bizarre, de l’étonnant, de l’archaïque, de l’inattendu et même
de l’abscons. Al-Harîrî et al-Hamadhânî s’illustrèrent dans ce genre au Moyen-Âge,
suivis par de nombreux auteurs, dont Shu°ayb Ibrâhîm Khalîl, maître bagdadien de
la jôza, qui publia un premier volume de maqâmât en 1961, sous forme littéraire,
avant de se consacrer à l’aspect musical dans un manuel d’apprentissage des modes en
1979. Le terme de maqâm est employé par les mystiques pour désigner les phases de
l’initiation des confréries (dhikr jalî et khafî, inkhitâf, hâl et autres).
Le maqâm passe dans le vocabulaire musical, sans doute vers le XIIIe siècle
apJC, grâce au théoricien syrien Shams al-Dîn al-Saydâwî al-Dhahabî (Kanz al-tarab
wa-ghâyat al-’arab fî madh sayyid al-°ajam wa-l-°arab) pour renvoyer à la position
des doigts sur une corde, puis aux mélodies et aux modes qui en sont engendrés.
Le long poème qu’il rédigea utilise un curieux système de notation sur portée,
sans doute inspiré par la présence des Croisés. Son poème fut recueilli par de
nombreux anthologues, dont Shihâb al-Dîn Muhammad al-Hijâzî au XIXe siècle apJC
(Safînat al-mulk wa-nafîsat al-fulk, l’Arche de souveraineté et le joyau des cieux). A
l’heure actuelle, il est surtout employé dans les pays arabes et turcophones : presque
synonyme de naghma (racine nghm, nasalisation et mélodie), il est considéré comme
plus théorique. Les termes anciens d’isba° (doigt), de shadd (transposition), de sawt
(voix) ou de tab° (caractère) sont surannés et passés d’usage, bien que l’Arabie du
nord et de l’est conserve le mot sawt, alors que le Maghreb défend le tab°. Divers
moyens sont employés pour générer les modes : relier deux modes ou plus grâce à
leurs notes communes : jonction de modes (idâfat al-anghâm : le maqâm Jammâl est
composé de Sabâ et de Sehgâh), divergence de la composition des modes (ikhtilâf
fî tarkîb al-maqâmât : l’Ibrâhîmî, le Bherzâwî et le Jabbûrî sont composés à partir
du Bayyât, mais en diffèrent par leurs composantes et leurs introductions), ajout de
modes (ziyâdat nagham °alä nagham : le maqâm Hadîdî est un composé de Sabâ et
de Bayyât où prédomine le Sabâ, alors que c’est l’inverse pour le Mansûrî), différence d’interprétation (ikhtilâf bi-l-qusr aw al-madd, longueur variable des maqâmât :
rapidité pour le Gulgulî, lenteur pour le Mukhâlif ; le Hlélâwî et le Bâjilân ont tout en
commun, sauf la brièveté du premier et sa conclusion). Ces procédés sont très anciens
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et connus sous le nom de tarkîb (composition) dans l’école abbasside.
Cette école est aussi fortement imprégnée d’un style à la fois archaïque et raffiné, peut-être très proche des pratiques des siècles d’or omeyyades et abbassides.
Ces tentatives se sont constamment heurtées aux ténèbres de notre ignorance et aux
vicissitudes des événements historiques de la Mésopotamie. Deben Bhattacharya et
Simon Jargy furent les premiers à enquêter sur ce sujet, généralement suivis par des
chercheurs ou des chercheuses sans talent ni science. Nous en sommes souvent réduits
à assembler nostalgiquement des bribes d’un très vieux discours, fondateur d’une
esthétique encore puissamment attractive.
L’histoire musicale du maqâm °irâqî et la généalogie de ses interprètes ont été
amplement fouillées au XXe siècle par des érudits hagiographes, malgré les vicissitudes politiques et les ténèbres dans lesquelles sont encore plongés bien des pans de ce
patrimoine. On retiendra les noms d’al-Musallam ou al-Muslim al-Mawsilî, de l’azéri
Kâdhim Uz, du muftî Jalâl al-Dîn al-Hanafî, du docteur Muhammad Siddîq al-Jalîlî,
du Hâjj Hâshim Muhammad al-Rajab, des érudits °Abbâs al-°Azzâwî, °Abd al-Hamîd
al-°Alwadjî, °Abd al-Wahhâb Bilâl, °Abd al-Karîm al-°Allâf, Hammûdî al-Wardî,
du Révérend Père Anastase-Marie de Saint-Elie le Carmélite, du chantre Alortabet
Narsès Sayeghian, du professeur Yûsif Ya°qûb Maskûnî, des chercheurs Thâmir
al-°Âmirî, °Âmir Rashîd al-Samarrâ’î, Habîb Zâhir al-°Abbâs, Yehoshouah Qûjamân
et Amnon Shiloah.
Les premiers enregistrements de cette école remontent aux dernières années du
XIXe siècle (cylindres du Mullâ °Uthmân al-Mawsilî, d’Ahmad Zaydân et de Mahmûd
al-Khayyât). Les compagnies Baidaphon (Baydâ Abnâ’ °Amm), Gramophone,
Odéon, Polyphon, Homocord et Sudwä suivirent le mouvement entre 1908 et
1939, avant d’être relayées par des sociétés irakiennes de production (al-Hakkâk
et Tshaqmâqtshîphon) : le plus ancien document connu est l’enregistrement du
maqâm Râst par Shâ’ûl Sâlih Gabbây en 1909 chez Gramophone, sur le catalogue
persan, avec l’ensemble de Hûgî Pataw. Les plus importants documents furent préservés par Baidaphon qui invita en 1928 dans ses studi de Berlin des groupes de
musiciens venus de nombreuses régions arabes. La première rencontre inter-arabe
d’envergure eut ainsi lieu. L’ensemble bagdadien de °Azzûrî Hârûn al-°Awwâd (le
luthiste, violoniste et qânûniste Ezra Aharon, 1900, émigré en Palestine en 1934, à
l’instigation des professeurs Robert Lachmann et Yehouda Magnès) eut l’occasion
d’accompagner la pétulante chanteuse tunisienne Marguerite dite Hbîba Msîka.
Ces précieux documents existent dans plusieurs collections publiques ou privées. Le
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professeur Amnon Shiloah nous a raconté comment Ezra Aharon sortit du coma
profond dans lequel le grand âge l’avait plongé, à l’écoute des documents du Congrès
du Caire en 1932.
Définir sans amoindrir reviendrait à noter des échelles musicales (sullam-s) aux
degrés (darajât) d’importance inégale ; un processus réglé (sayr) du cheminement
mélodique et des ornements spécifiques (zakhârif). Des familles de modes sont
composées et transposées à partir d’un mode simple (maqâm). D’autres caractéristiques la singularisent : vocalises initiales (tahrîr-s ou badwa-s) pour poser le mode et
la voix du chanteur, formules mélodiques modales fixées en des pièces appelées qit°a
(pièce), wasla (liaison) ou gufte (farce en persan) ; montée accentuée et convenue
vers l’aigu (mayyâna) ou le grave (qarâr), cris (sayha-s) reprenant le mode initial,
vocalises finales (taslîm-s), syllabes modulantes (alfâz) introduisant les modulations
et les transpositions, rythme intimement lié au mode, quand celui-ci est
traditionnellement accompagné d’une pulsation. Tous les modes ne sont pas caract
érisés par ce cheminement mélodique stéréotypé et certains n’en contiennent que
quelques phases, malgré les efforts d’uniformisation académique. Des versions
instrumentales brèves des modes existent et la tradition rapporte que ce sont les deux
frères Dâwûd (1910-1976) et Sâlih °Ezra al-Kuwaytî (1908-1990) qui initièrent dans les
années 1930 les versions complètes à Radio Bagdad.
Retrouvant la musicalité du langage du Paradis, celles-ci sont prononcées en arabe
classique ou dialectal, en persan, turc osmanli, turkmène, kurde et hébreu. Certaines
sont sans signification, comme dans la musique savante indienne ou médiévale
occidentale (tarâna ou machicotage de l’ancienne maîtrise de Notre Dame de Paris).
Certains modes ont une version écourtée et sont utilisés en tant que pièces mélodiques. La langue, arabe ou autre, des poèmes interprétés est strictement définie, mais
les grands maîtres s’en gaussent.
Les modes et les modulations originales (maqâm-s ou naghma-s, en plusieurs
versions) sont organisés en compositions modales semi-improvisées, profanes ou
mystiques. Ces compositions se succèdent au cours de suites vocales (fasl-s, dastgâh-s
en persan) selon un ordre (nizâm ou radîf en persan) établi par de grands maîtres
(mu°allim-s, ustä-s ou ustâdh-s) aux titulatures musicales complexes. Des créations
ou des inclusions de modes inconnus ou peu usités sont effectuées. Des préludes
(bashraf-s ou muqaddima-s), des intermèdes (samâ°î-s) constituent les parties
instrumentales. Les ritournelles (dûlâb-s) peuvent être interprétées au début des
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suites ou au cours du chant pour rappeler le mode initial après les modulations. Seuls
le rythme et la durée les différencient.
L’ensemble traditionnel (Tshâlghî Baghdâdî, groupe instrumental en osmanli)
comprend un santûr (cithare à cordes frappées) ou un qânûn (cithare à cordes
pincées), une jôza ou djôzé (rebec ou vièle à pique), un tambour sur poterie (tabla) ou
des timbales (naqarât) et un tambourin à cymbalettes (duff zinjârî). Sous l’influence de
Muhammad al-Qubbânjî et d’autres grands interprètes, le qânûn fut privilégié à partir
des années 1920, de même que le luth. Le son cristallin du qânûn est considéré comme
plus précis que celui du santûr, car il ne développe pas d’écho. Le luth renforce les
graves et fut longtemps l’apanage du luthier chrétien Hannâ al-°Awwâd. Les naqarât
furent abandonnées, puis réintroduites grâce à Munîr Bashîr.
Les autres éléments constitutifs de cette musique sont une inflexion
généralement tragique (nadb) de l’interprétation vocale, des timbres de voix (tabaqât) avec
persistance de la tradition des falsettistes acidulés (sawt al-zîr ou ghunnat al-mukhannasîn), un picorement (buhha), des sanglots sévèrement codifiés (ta’awwuh), des
intervalles (ab°âd), un vocabulaire technique (kalimât), des rythmes (durûb, awzân
ou îqâ°ât, en plusieurs versions), des instruments propres, une lutherie particulière,
un répertoire poétique en arabe classique, médian ou dialectal, distinct du légendaire
héritage arabo-andalou. Une diététique rigoureuse, une musicothérapie admise et
recherchée et une chironomie particulièrement expressive sont aussi attestées. Les
chants étaient souvent interprétés en duo, à tour de rôle (tanâwub), afin de varier les
timbres et les tessitures, tout en reposant les chanteurs. Cette caractéristique a été
relevée depuis l’époque anté-islamique et le Livre des Chansons parle déjà du sublime
chant des Deux Sauterelles (al-Jarâdatân). Un récitant utilisait la basse grave (sawt
al-bam) pendant que l’autre pratiquait la basse aigüe (sawt al-zîr). La musique savante
du Maghreb emploie ce procédé, par ailleurs répandu dans les musiques populaire et
sacrée dans tous les pays arabes.
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Modes irakiens de Bagdad regroupés par suites, selon le Hâjj Hâshim Muhammad
al-Rajab (al-Maqâm al-°Irâqî, Bagdad, 1961 et 1983) et le muftî Jalâl al-Dîn al-Hanafî
(Revue al-Fath, 1939) :
Arabe classique ; D : arabe dialectal archaïsant de Bagdad, de Haute ou Basse
Mésopotamie ; P : persan ; T : turc osmanli ; Tm : turkmène, K : kurde.
Râst (C) : Râst Hindî (C), Râst Turkî (C ou T), Mansûrî (C), Hijâz Shaytânî (C),
Jabbûrî (D) et Khânâbât (C ou P) souvent avec le Sharqî Isfahân ;
Bayyât ou Bayyâtî (C, P ou T) : Nârî (D), Tâhir ou Bâbâ Tâhir (C), Mahmûdî (D),
Sîkâh (C), Mukhâlif (D) et Hlélâwî (D) avec quelquefois le Bâjilân ;
Hijâz ou Hijâz Dîwân (C) : Qûriyyât (C ou Tm), °Uraybûn ou °Arîbûn °Ajam (P
ou C), °Uraybûn °Arab (D), Ibrâhîmî (D) et Hadîdî (D) ;
Nawä (C) : Maskîn (D), °Ajam °Ushayrân (C), Penjgâh (C) et Râshidî (D) ou
Qaryat Bâsh ;
Husaynî (C) : Dasht al-°Ajam (C ou P), Ûrfâ (D), Arwâh ou Râhat al-Arwâh
(C), Awj (C), Hakîmî (D), Sabâ (C) et Tshahâr Gâh (C), avec quelquefois le Bayyât
al-°Ajam et le °Alî Zubâr.
Modes traditionnellement non-inclus dans les suites :
Jammâl (C), Humâyûn (C), Nawrûz °Ajam (C ou P), Bashîrî ou Nîm Bashîrî
(C), Dashtî ou Dasht al-°Arab (C), Huwayzâwî (C), Hijâz Âdjagh (C ou T), Bayyât
al-°Ajam (C ou P), Mathnawî (C ou P), Sa°îdî ou Sa°îdî Mubarqa° (C), Khalwatî
(C), Awshâr (C ou P), Tiflîs (T), Nahâwand (D), Bherzâwî (D), Muqâbil (D), Sharqî
Isfahân ou Sharqî Râst (D), Râst Penjgâh (D ou C), Sharqî Dûkâh (D), Hijâz Kâr
Kurdî ou Ibtikâr (D), Hijâz Kâr (D), Bâjilân (D), Qatar (D ou K), Gulgulî (D), Lâmî
(D ou C), Qazzâzî ou Qazzâz (D ou C) et Madmî (D). D’autres sont rarement exécutés
comme le Hayrân, le Shushtârî, l’Akbarî ou °Akbarî, le Zirafkand, le Najdî Sehgâh,
le Râhat Shadhâ, le Nâhuft al-°Arab, le Zamzamî, le Ramal, le °Ushshâq, le Salmak,
le Abû °Atâ’, le Qajar, le Mâwarâ’a-n-nahr, le Rûhé °Irâq et le Mâ’ranâ’, presque
disparu. Le Lâmî a connu une grande notoriété, du fait d’un enregistrement de
Muhammad al-Qubbânjî chez Baidaphon fin 1928, mais °Abbûd al-Karbalâ’î l’avait
déjà enregistré chez Gramophone la même année.
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Pièces modales fondées sur des formules mélodiques : B : Bayyât ; H : Hijâz ; M :
Mansûrî ; R : Râst ; S : Sîkâh et T : Tshahârgâh. Lâwûk (T), Zanbûrî (B), Sîkâh Balâbân
(S), Mukhâlif Kirkûk (S), Sîkâh °Ajam (S), °Udhdhâl (S), Seh Reng (S), Musta°âr (S),
Âdhirbayjân (S), Sîkâh Halab (S), Mâhûrî (T), °Alî Zubâr ou °Arazbâr (T), °Abbûsh
(B), Bayyât al-Aghawân (B), Qariyah Bâsh ou Qaryat Bâsh (B), °Umar Galah (B),
Bakhtiyâr (S), Nihuft ou Nahuft (T), Nahuft al-°Arab, °Ushayshî ou °Ashîshî (H),
Qâtûlî (S), Hijâz Dunâdî (H), Hijâz Gharîb (M), Âydîn (T), Shâhnâz (H), Bûseh Lîk
(B), Hijâz Madanî (H), Jassâs ou Jasâs (S), Sufyân (S), Sîsânî (R), Qazzâz (B), Khalîlî
(B), Zunjurân (R), Kûyânî (B), Muthaqqal (B), Khâbûrî (B), Rukbânî (B), °Irâq (H),
Bayyât Shûrî (B), Salmak (B), Sunbula (S), Zangana (S), Bahrânî (R), Janâzî (R),
Dawarân (B), Maw°a (B), Muqatta° (B), Muthallath (B), Jalsa (R ou B) et Yatîmî (B).
Il y a controverse sur l’appartenance modale de certaines pièces. Certains interprètes
(°Abd al-Latîf b. Shaykh al-Layl, 1819-1899) se sont illustrés par l’introduction de
certaines modulations (Gapangî) dans des modes (Hakîmî) qui en étaient dépourvus.
Rashîd al-Qundarjî récitait le maqâm Ibrâhîmî en vingt quatre modulations. D’autres
ont déployé des modulations en modes (Qazzâz, attribution controversée). Une trop
longue prolongation de note peut changer l’atmosphère d’une pièce modale et être
à l’origine d’une nouvelle modulation ou même d’un nouveau mode. Les puristes en
firent le reproche aux grands maîtres, frénétiquement suivis par leurs disciples et le
public. Certains modes ont la même dénomination en Iran, mais recouvrent des modes
ou des formules mélodiques différents : Tshahâr Gâh, Seh Gâh, Zangûleh, Mûyeh,
Zâbol, Basta Negâr, Hisâr, Mukhâlif, Maqlûb, Hazîn, Hadî, Rajaz, Mansûrî, Râst penjgâh, Rûh Afzâ, Penjgâh, Sipahr, °Ushshâq, Nayrîz, Bayyât °Ajam, Mubarqa°, Tarz,
Leylî ve-Medjnûn, Râwandî, Nawrûz °Arab, Nawrûz Sabâ, Nawrûz Khâra, Mâwarâ’u
n-nahr, Nafîr, Freng, Shûr, Salmak, Majlis Efrûz, Bozorg, Safâ, Awj, Kutshek,
Dashtî, Hijâz, Qajar, Rahâb, Abû °Atâ, Humâyûn, Mawâliyân, Bîdâd, S^hûshtarî,
Mu’âlif, Bakhtiyârî, °Udhdhâl, Mâhûr, Dâd, Dilkash, Tarab Angîz, Nîshâbûrak, Faylî,
Mâhûr Saghîr, Zîrafkand, Âdhirbayjân, Hisâr, °Irâq, Nahîb, Muhayyar, Âshûrawând,
Isfahânek, Bayyât Tork, Mahrabânî, Rûh al-Arwâh, Qatâr etc...
Rythmes usités de nos jours : Jûrjîna 10/16 en deux versions, Wahda 4/4, Wahda
Tawîla, Bamb ou Sawt 4/4, Wahda Maqsûma 2/4, Yugrug °Irâqî 18/8, Ay Nawâsî
36/4, Samâh 36/4, Samâ°î Dârij ou Valse 2/4 et Sangîn Samâ°î 6/4. Des dénominations
plus anciennes furent exposées au Congrès du Caire en 1932 par les deux maîtres
percussionnistes invités (Samâh 38/8, Ay Nawâsî 18/8, Yugrug 6/4, °Ulaylâwî 10/8,
Hatshtsha 6/8, Muthallath 8/8, Sharqî 4/4 et Shu°bâniyya 5/8).
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Syllabes modulantes : il en existe un très grand nombre, sans signification sinon
une plainte (Ôwéh, Âh, Ôf), en arabe dialectal (Yâ bah, Ô mon père, D°âwid °aleyna
bi-l-khêr, ehnâ we-s-sâme°în, Bénis-nous, nous et nos auditeurs), en classique (Allâh
yâ dâyim, Dieu, ô éternel), en persan (Yâr, Amour, Yâ qashangî yâ °azîzem az shomâ
kheylî shenîdem meslé tôman, Ô beauté, ô cher amour, j’ai longuement entendu
parler de toi, sans réussir à te voir), en osmanli (Eki kuzum, Tu m’es aussi précieuse
que les yeux, ou le poème Agaler, Begler, Pashler, Seigneurs, maîtres et suzerains) et
en hébreu (Alléluia). On raconte qu’un voyageur britannique du XVIIIe siècle assista
à un concert du maqâm et crut sincèrement que le chanteur exhalait un cri de douleur :
il lui tendit alors des médicaments. Certains vers constituent même des résurgences de
poèmes anciens, complets ou incomplets. Les autres langues sont sujettes à contestation. Les grands maîtres en disposent toutefois à leur guise.
De nombreux poèmes sont extraits du Livre des Chansons d’Abû al-Faraj
al-Isfahânî, de psaumes traduits en araméen (souvent issus d’évangiles apocryphes)
et d’anthologies recueillies par des rabbins liés à la Kabbale (Rav Israël Najjâra).
Les ombres mélancoliques de Majnûn Laylä, d’Abû Nuwâs, d’al-Mutannabbî, d’Abû
al-°Atâhiya, d’Ibn al-Fârid, d’Ibn Hânî et d’Abû al-Fath Ibn al-Nahhâs hantent
obsessionnellement la mémoire de nombreux poètes du Tigre. Les poèmes persans
autrefois récités étaient signés par Rudâkî, °Attâr, Sa°dî, Hâfiz et °Umar Khayyâm ou
extraits du Shâh Nâmeh (le Livre des Rois). Les poèmes turcs et kurdes sont plutôt
anonymes ou tirés des épopées de Shîrîn. L’imagerie de ces textes est constamment
à la recherche d’un élan souvent érotique à la fois techtonique et marin, en lointain
souvenir des Sumériens, du dieu poisson Ohannès, des conceptions bédouines de
l’amour et de Sindbâd le marin en quête de l’introuvable perle des îles perdues.
L’amour courtois est illustré par les qasîda-s classiques, monorimes et monomètres
de poètes majeurs ou mineurs, alors que les pasta-s dialectales, strophiques et légères
contiennent des paroles un peu lestes. Certains auteurs ont développé des oeuvres
exquises, chantées dans les salons littéraires (majâlis adabiyya), les gymnases (zûr
khâna-s), les cafés (qahwat khâna-s), les salons de thé (shây khâna-s) et les tavernes
(khammâra-s), tels °Abd al-Ghaffâr al-Akhras al-Baghdâdî (le Bègue de Bagdad,
1806-1873), le Sayyid Muhammad Sa°îd al-Hubûbî (1849-1915), Fulayh et Ja°far
al-Hillî (1860-1898), Kâzim al-Azdî, °Abbûd al-Karkhî, Râdî al-Qazwînî (mort
en 1868), °Abdallâh al-Faraj al-Kuwaytî, al-Hâjj Zâyir al-Najafî, al-Mullâ Tshâdir
al-Zuhayrî et Khidr al-Tâ’î (XIXe siècle). Les poètes néo-classiques du XXe siècle
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sont représentés par le libanais émigré Iliyyâ Abû Mâdî, les irakiens °Abd al-Rahmân
al-Bannâ’, Ma°rûf al-Rusâfî (1875-1945), Jamîl al-Zahâwî (1863-1936), Muhammad
Mahdî al-Jawâhirî (1902), poètes de l’indépendance et bien d’autres. Le takhmîs est
un quintain néo-classique de trois hémistiches composés à partir d’un vers ancien
et célèbre inclus au milieu et à la fin du quintain, avec une distribution courante en
abaab. Les vers sont récités avec les allongements de voyelles longues pour permettre les modulations ou les transpositions. Les alfâz s’intercalent à l’intérieur des vers
ou à la fin des hémistiches. Des poèmes sont enfin enchâssés dans d’autres pour les
nécessités modales ou rythmiques.
La célèbre chanson “Fôg en-nakhel” (Au-dessus des palmiers) ne serait rien
d’autre que la version profane de l’hymne sacré “Fawqa l-°arsh” (Au-dessus du
trône), attribué à Mullâ °Uthmân al-Mawsilî. Les hymnes hébraïques de Babylone
recueillis par le cantor Avraham Zvi Idelsohn (1882-1938) et le professeur Amnon
Shiloah au XXe siècle sont, comme dans les autres pays arabes, souvent composés à
partir de mélodies profanes et vice-versa. Ils sont toujours récités dans les synagogues
de rite babylonien en Israël et ailleurs. Les psalmodies chrétiennes de Mésopotamie
et de l’Adiabène ont les mêmes caractéristiques et développent en particulier le style
Ûrfâwî, issu des mélodies araméennes antiques de Palestine. Enfin, des quatrains
(Abûdhiyyât et °Atâbât, sous deux formes Furgâniyyât, de séparation ou Hawâwiyyât,
d’union) ou des septains (Mawâwîl Sab°âwiyya) sont rédigés en dialecte plutôt
archaïsant et chargés de sens ésotériques. D’autres formes sont attestées, telles la
Muslâwiyya, la Khâbûriyya, le Rukbânî, le Murabba°, le Nâyil (Jabbûr, °Anza,
°Ubayda, Huwayja, Bûfahd, Hadarî), le Suwayhilî, la Bûrdâna, le Bûzelof, la Mîjâna,
le Hidâ’, le Gasîd, le Gasîd al-Bâdiya dans ses deux versions Shammar ou °Anza,
le Gasîd Ghazya, le Banî Hilâl, le Banî Sakhr, la Hawsa, le Mashûb, le Hjaynî, le
Sâmirî, le Tshôbî, le Mangar, le Maymar, la Tajlîba, la Hallâba, le Shûmalî, la Bakra,
la Halliya, la Hêwa, la Hatshtsha, le Khûrshîdî, le Qatâr, le Allâh Waysî, la Tajliya,
le Abû al-Âhât, le Abû l-Mu°anna, le Drâmî, le Jâtânâkâ, le Ghajarî, la Hôra, le
Shîkhânî, le Hayrân et tant d’autres, mais elles sont surtout interprétées lors de fêtes et
de concerts populaires. Les modes (atwâr) sont en °Ayyâsh, Sabî, Methaggal, Hayyâwî
Asîl, Hayyâwî, °Unaysî, Ghâfilî, Tuwayrjâwî, Muhammadâwî, Jâdirî, Mashmûm,
Majarî, Majrâwî, °Alawî, Shatrâwî, Mullâ’î Furâtî, Mullâ’î Baghdâdî, Zanbûrî, Lâmî,
Salmak et tant d’autres. De nombreuses anthologies ont été récemment éditées, mais
la collection de Nâzim al-Ghazâlî, confiée par sa veuve Salîma Murâd au Centre des
Musiques Traditionnelles, a été volée par une iranienne indélicate, enfuie à l’étranger
- 10 au moment de la guerre Iran-Irak.
Husayn al-A°zamî appartient, quant à lui, à l’école moderne de Muhammad
al-Qubbânjî (1901-1989), illustrée par Nâzim al-Ghazâlî (1920-1963), trop tôt disparu
et Yûsuf °Umar (1918-1986), inoubliable chantre de la tradition, qui perpétuèrent
tous deux la tradition du bédouin Abû Humayyid (1817-1881), du Mullâ Hasan
al-Bâbûdjatshî (1774-1841), chef de file de l’école de Bagdad à son époque, du
turkmène Rahmat Allâh Shiltâgh (1798-1872), de Khalîl Rabbâz (1826-1905), aux voix
remarquables de falsettistes, des hazzân-s Isrâ’îl b. al-Mu°allim Sâsûn (1842-1891),
Rûbîn Rajwân (1851-1927) et Salmân Moshé (1880-1955), du chantre chrétien Antûn
dit Âltûn Dâyî (1861-1936), de l’ustä Mahmûd al-Khayyât (1872-1926), chef de la
guilde des couturiers, de Qaddûrî al-°Aysha (1813-1896), célèbre pour son grand art,
de Rahmîn Niftâr (1833-1928), du Hâfiz Mahdî al-Shahrabânî (1894-1959), grand-maître des récitants hanafites du Coran à la Grande-Mosquée du Sayyid °Abd al-Qâdir
al-Gîlânî (al-Bâz al-Ashhab), de l’hymnode chiite Hâjj Yûsuf al-Karbalâ’î (1897-1951),
du Mullâ °Uthmân al-Mawsilî (1854-1923), aveugle prodige et compositeur de talent
protégé du grand-maître rifâ°î Muhammad Abû al-Hudä al-Sayyâdî et du sultan
°Abdül-Hamîd II, de son disciple al-Sayyid Ahmad °Abd al-Qâdir al-Mawsilî (18771941), descendant du Prophète, du héraut de la tradition falsettiste Rashîd al-Qundarjî
(1886-1945), du chantre juif Yûsuf Hûraysh (1889-1975), petit-fils du rabbin autrichien
Elî°azâr b. Sâlih Khalîf, en résidence à Basra, de l’érudit al-Hâjj Jamîl al-Baghdâdî
(1877-1953), spécialiste de l’orthoépie (qirâ’a) bagdadienne, du colombophile Najm
al-Dîn al-Shaykhlî (1893-1938), choisi pour réciter les Glorifications de Dieu sur
les plus hauts minarets (al-tamjîd °alä a°lä l-manâ’ir), malgré sa grande beauté et
sa popularité auprès des femmes voilées des harems, de l’hymnode °Abd al-Sattâr
al-Tayyâr (1923), du Hâjj °Abbâs Qanbîr al-Shaykhlî l’afghan (1883-1971), célèbre
pour la puissance magique de son souffle, de Hasan Khéwké (1912-1962), protégé
du roi Ghâzî, d’Ahmad Mûsä (1905-1968), dont la voix grave se mouvait comme des
vagues, de Salîm Shîbbeth (1908), de Hasqîl Qassâb, Fulfil Kurjî et de Ya°qûb Murâd
al-°Imârî, réfugiés en Israël.
Peu de femmes ont illustré cette école vocale, mais quand elles s’y sont
consacrées, elles ont excellé avec leur brio et leur raffinement coutumiers. On se
rappellera nostalgiquement les voix des juives Amîna al-°Irâqiyya et Salîma Murâd
(dite Salîma Pacha, 1900-1972), de l’hymnode Sadîqa al-Mullâya (Sadîqa Sâlih
Mûsä, 1900-1970), de la voix déchirante de Munîra °Abd al-Rahmân al-Hawazwaz
(1895-1955), de la chrétienne alépine Zakiyya Georges (1900-1961), des musulmanes
- 11 -
Badriyya Umm Anwar et Jalîla Umm Sâmî, de Zuhûr Husayn, morte tragiquement,
d’al-Sitt al-Mutahajjiba et de Khânum X, qui ne voulurent jamais dévoiler leurs
identités, de la Hâjja Sultâna Yûsif, juive de Mossoul convertie à l’Islâm, de Bahiyya
Kashkûl, morte folle, Rûtî al-Mandalâwiyya et sa soeur Bahiyya (période d’activité :
1920-1940). Leur ancien amant, °Abd al-Karîm al-°Allâf leur a consacré un attachant
ouvrage (Qiyân Baghdâd, les Musiciennes savantes de Bagdad), reprenant en partie
les remarques de Jamel Eddine Bencheikh sur les esclaves musiciennes (Arabica,
1964).
Généralement issus des confessions minoritaires, les instrumentistes se sont
illustrés par une technique très particulière. La tradition enregistrée sur ce disque est
celle des ustä-s (maîtres) Muhammad Sâlih al-Santûrî (XIXe siècle), Hugî b. Sâlih b.
Rahmîn Pataw ou Peto (1848-1933), son fils Yûsif b. Hûgî Pataw (1886-1976, santûr),
Sâlih b. Shumayyil Shmûlî (1890-1960, jôza et santûr) et Yahûdâ b. Moshé Shamâsh
(1884-1972, tabla), émigrés en Israël en 1951. Les traditions des familles Bassûn,
Cohen, Yûna et al-Kuwaytî restent présentes en Israël. Celle d’Ibrâhîm Adham
al-Qilârinetshî (vers 1850-1932) est représentée en Syrie et au Liban. Enfermant
quelquefois les cordons ombilicaux de leurs fils aînés dans la caisse de leurs
instruments, beaucoup de musiciens souhaitaient ainsi vouer leur descendance à la
perpétuation de leur art.
Etroitement liée au mécénat, cette école a bénéficié de l’appui actif de grand
commis de l’état, comme Nûrî Sa°îd, après la disparition du roi Ghâzî (1939) et
l’arrivée au pouvoir du régent °Abd al-Ilâh. Une étiquette rigoureuse préside au
déploiement de cette musique, initialement engendrée par un cérémonial de cour.
L’aspect populaire de certaines interprétations ne fait qu’en rehausser l’intérêt et en
montrer l’extraordinaire impact. Na°îm Kattân a évoqué dans Adieu Babylone les
arcanes de cette société traditionnelle.
Très tôt organisés en guildes, les musiciens mésopotamiens ont mené par
ailleurs plusieurs batailles pour sauvegarder leurs droits auprès de la radio-télévision
irakienne. Grands voyageurs, ils ont importé dans leur patrie des mélodies, des modes
et des techniques qu’ils avaient pu apprécier ailleurs. Tour de Babel modale, leur
esthétique peut être analysée sur près d’un millénaire et demi, grâce à toute une série
de traités acoustiques, théoriques, pratiques et historiographiques. Poètes, ils ont laissé
à la postérité des vers qui ne sont pas tous de mirlitons, souvent incorporés dans des
répertoires anonymes anciens. On les décrypte difficilement, car ce sont généralement
- 12 -
des chronogrammes ou des anagrammes qui supposent une science mystique de l’alphabet et des chiffres, jointe à beaucoup d’humour.
Contrairement aux autres traditions, les chanteurs du maqâm sont appelés qâri’
(récitant), comme les cantilleurs du Coran, sans doute pour rappeler la part sacrée
de leur art. Des suites vocales sont interprétées au cours des rituels d’invocation de
Dieu (dhikr-s), accompagnées de danses : la Mésopotamie n’est-elle pas la patrie
des tarîqa-s (confréries) Qâdiriyya et Rifâ°iyya ? Il y a dans la voix d’al-A°zamî des
vibrations qui rappellent les rituels des confréries sunnites et les commémorations du
martyre de Husayn à Karbalâ’ (Ardu l-karbi wa-l-balâ’, la Terre de la Souffrance et
du Malheur).
De spectaculaires déploiements de foi ont toujours lieu à la Grande-Mosquée/
Mausolée d’al-Kâzimayn à Bagdad, où les fidèles interprètent, travestis, la ta°ziya
(mystère chiite). Ils mutilent leurs crânes, leurs dos et leurs ventres en cadence, accompagnés par le cliquetis argentin des chaînes, le vrombissement infernal des pointes
cloutées et le souffle tranchant des yatagans. Aux fulminations sans appel de tous
les théologiens et jurisconsultes répond ironiquement la vieille et terrible sentence :
“L’esprit triomphe du corps des douleurs, de la vile matière et de la perpétuelle
souffrance” (Ghalabati r-rûhu s-saniyyatu l-’âlâma sh-shadîdâti wa-l-lahma d-daniyya
wa-l-°adhâba l-’alîma). Ce n’est donc pas par hasard que la Mésopotamie est la Terre
de l’Ordalie et du Talion, la patrie immémoriale des soufî-s, des derviches et des
faqîr-s. Le nom même du pays (°Irâq) évoque l’exsudation (°araq) de deux fleuves
fécondateurs par tous leurs pores d’un désert redoutable, générateurs de marais,
d’étangs, de lacs où se réfugient les marginaux et les traditions rebelles des autres
âges. Wilfrid Thesiger a très bien décrit la vie traditionnelle des Arabes des Marais
et leurs légendes de brumes où apparaissent les cités anéanties d’autrefois, telle Iram
à la colonne qui ne crut pas au message divin et fut engloutie par les enfers. Les
rituels mystiques finissent généralement par des éclats de rire, dans l’espérance de
la Résurrection et de l’épectase angélique, tant promises par le Maître du Paradis, le
pseudo-Aristote et son fantasque scribe lombard Umberto Eco.
C’est en Iraq, dans la ville nouvelle d’al-Wâsit, qu’est née vers le VIIIe siècle
apJC la forme poétique du mawâliyâ, devenu mawwâl, chant de déploration des
seigneurs arabes par leurs servants non-arabes, esclaves ou affranchis. Sur des mètres
spécifiques ne respectant ni la déclinaison, ni la syntaxe coranique ou classique, ce genre fut
appelé à un grand avenir dans la littérature arabe. Entrée dans la musique savante,
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l’abûdhiyya (littéralement abû l-adhiyya, “l’homme tourmenté”) est au départ une
forme populaire de chant mésopotamien sur des mètres et des modes spécifiques,
à partir d’un quatrain de vers souvent à double entente, à trois rimes presque
homophones et homographes. Le dernier vers finit invariablement sur le phonème
invariable “-yyâh”. Les poètes y décrivent généralement les douloureux tourments
de la passion. Un vers d’arabe classique est récité, presque recto tono. Un quatrain
dialectal le suit, glose sur sa signification et expose le mode. Des supplications et des
interjections enrichissent la trame sémantique et ouvrent la voie aux modulations. Au
commentaire poétique correspond donc un commentaire mélodique que ponctue le
bourdon (al-anîn, en dialecte wanné) d’un choeur a cappella, prolongeant la résonance
et préparant les envolées mélismatiques du récitant. La °atâba est aussi un quatrain,
mais sur des mètres propres, un ordre de rimes généralement en aaab, finissant par le
phonème “b” et ponctué par le refrain “yâ bâh” (ô père). Des expressions traditionnelles sont placées en début des septains ou des quatrains : “Men yôm forgâk” (Depuis
le jour de ton départ), “Yâ zên el-’awsâf” (Toi dont la beauté est parfaite), “Yâ man
bi-husnak” (Toi dont la beauté), “Lî khillatan” (J’ai un ami) etc... Certains poèmes
sont très difficilement décryptables, car seuls leurs auteurs en maîtrisent le sens. La
pudeur bédouine, les vendettas tribales et le prix du sang expliquent cette réserve
naturelle.
Les compositions modales sont séparées par des pasta-s (du persan lien), quatrains
avec refrain. Ce sont des transitions où intervient un choeur. Leur fonction est d’abord
de reposer le récitant, que le maqâm contraint à d’incessants tours de force. Du
point de vue de l’économie de la suite, les pasta-s constituent une essentielle détente,
une catharsis. Ils sont toujours rythmés, chantés en dialecte ou en arabe standard,
généralement gais ou ironiques, quelquefois lestes ou érotiques, faisant ample usage
de la fatrasie et de références à des beautés légendaires et à des lieux symboliques.
Traitant à l’occasion des événements politiques, elles manient la satire et l’ironie avec
brio. Considéré au départ comme un chant de femmes, il a été rapidement revendiqué
par les hommes, mais au-dessus du choeur une voix aigüe lance traditionnellement
l’octave en souvenir de ses origines. On retrouve ces caractéristiques dans la musique
savante maghrébine.
Tant de paramètres suggèrent une structure capable d’auto-préservation et
d’autogénération, une incroyable machine aux interactions dialectiques qui traverse les siècles, les empires, les peuples et les artistes : toujours différente, toujours
- 14 -
semblable. Bagdad peut naître du néant de la tourbe, céder par traîtrise aux Mongols,
devenir une bourgade ottomane, ressusciter au siècle du pétrole : sa musique survit
et s’impose. Par-delà, on devine Ûr et Abraham, Uruk, l’écriture cunéiforme et les
totems, Ninive et sa débauche, Akkad et la création du Shi°ru, sans doute premier
poème contenant rimes et mètres, Babylone la Grande Prostituée, la Porte des Dieux
et ses tablettes d’argile, les Dieux vengeurs de Sumer et leur encens, les exorcismes
sanglants et les sacrifices humains, Sémiramis et les Jardins Suspendus, Ctésiphon et
son arche, Hammourabi et son code, Nabuchodonosor le guerrier, Assurbanipal et
ses montagnes de victimes, Assurhaddon et ses otages, Sargon et ses sbires, Xerxès et
ses légions, Artaxerxès à la conquête de la Grèce, Esther, ses rouleaux et les Exilés,
les Chosroès et leur stupre, les Barmécides bouddhistes et la déploration de leurs
serviteurs, les Abbassides et leurs oriflammes noirs, al-Muqanna°, le Cagoulé et
les Ghulât, les sectes extrémistes chiites, les Mille et une nuits et la malheureuse
Schéhérazade, les bas-reliefs hiératiques où les cithares, les flûtes et les tambours
étaient déjà représentés. En 1951, avec la déportation en Israël de nombreux
musiciens juifs, orchestrée par le régime monarchiste irakien allié de l’Occident,
un vide s’est imposé, rapidement comblé par la présence des hymnodes musulmans
et des chantres chrétiens. A partir de quelques leçons de Pataw et de Shmûlî, les
instrumentistes musulmans retrouvèrent les gestes immémoriaux, aidés par les
enregistrements discographiques et radiophoniques. La Voix démontre ainsi sa
capacité de génération et de renouvellement de la musique instrumentale. Constamment
sous-tendue par un appareil d’état sophistiqué et impérial, cette structure a été
régulièrement l’objet d’un mécénat exigeant et généreux.
Le maqâm d’Irak a profondément évolué au cours du XXe siècle, conformément
aux mutations de la société. Il a été diffusé en Mésopotamie du Sud et a connu des
influences égyptiennes, syriennes, libanaises et occidentales. Nâzim al-Ghazâlî a
popularisé jusqu’en Tunisie le chant de Bagdad. Par nationalisme, poèmes et
termes étrangers ont été occultés. Un académisme est né, en partie dû aux efforts de
pédagogues, tels le shaykh °Alî al-Darwîsh al-Mawlawî d’Alep (1872-1952), le luthiste
al-Muhyî al-Dîn b. Haydar Targan d’Istanbul (1892-1967), parent de la famille royale
hachémite, le spécialiste des muwashshahât Rûhî al-Khammâsh de Palestine, Hâshim
Muhammad al-Rajab (1921) et Munîr Bashîr (1932) d’Irak. Certains musiciens turcs
furent consultés : Refîk bey Fersân (1892-1965), Mes’ûd Cemîl bey Tel (1902-1965) et
Necdet Varol (1924). Des experts soviétiques de l’Azerbaïdjan et du Tadjikistan furent
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invités, de même que l’historien tunisien Sâlih al-Mahdî et le musicologue Jacques
Chailley. L’état a pris en charge la sécurité et la retraite des musiciens. Des institutions
remplissent le rôle des mécénats traditionnels. Les anciens cafés (°Azzâwî, Qaddûrî
al-°Aysha, Shâhbandar et bien d’autres) sont reconstitués au Musée de Bagdad. Les
luthiers sont encouragés et subventionnés. Le solfège et l’informatique musicale ont
été admis. Des séries télévisées ou radiophoniques ont été tournées et amplement
diffusées. Des manuels d’enseignement avec cassettes et vidéos, des anthologies de
poèmes et de compositions modales, mesurées ou non, sont parus. Des compagnies
commerciales diffusent les enregistrements de la première moitié du XXe siècle, y
compris les cylindres et les enregistrements phonographiques sur fils Marconi. Dés 1978
Intisâr Ibrâhîm Muhammad a continué le travail bibliographique entrepris (Masâdir
al-Mûsiqä al-°Irâqiyya 1900-1978, les sources Bibliographiques de la musique irakienne
1900-1978, Bagdad, 1979). A partir de 1971, de sérieuses enquêtes de terrain ont enfin
mis à jour la complexité et la diversité de tous les instruments de musique d’Irak
(“Les instruments en Irak et leur rôle dans la société traditionnelle”, Scheherazade
Hassan, Mouton éd. & Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, en langue française, 1980). Anwar Subhî Rashîd continue sa prospection musicale de l’Antiquité
mésopotamienne.
Diverses tentatives de reconstitution de la musique sumérienne ont eu lieu, à
partir de lectures divergentes de tablettes cunéiformes. Des colloques, congrès et
festivals sont organisés régulièrement. Des orchestres symphoniques ont été constitués,
mais la musique commerciale n’a jamais abandonné ses droits. L’opprobre n’est plus
systématiquement lancé aux artistes et la musicophobie recule. De grands dignitaires
de l’état sont des luthistes émérites, des chantres d’église et des mécènes dévoués,
soutenant les recherches et les publications musicales. Le piratage des droits d’auteur est
sévèrement combattu. La presse tient ses lecteurs au courant des événements musicaux
mondiaux. La communauté juive d’Israël a construit un musée et un centre du patrimoine,
munis d’inestimables archives remontant au XIXe siècle. Les communautés chrétiennes
ont enregistré et publié leurs liturgies. Les avantages compensent-ils les inconvénients ?
Ancien fonctionnaire de police, Husayn b. Ismâ°îl b. Sâlih al-°Ubaydî al-A°zamî
est né en 1952 à Bagdad (quartier d’al-A°zamiyya) dans une famille de musiciens.
Le grand savoir de son grand-père est cité dans les ouvrages historiques. Son père
fut un hymnode célèbre. Il a commencé sa carrière en 1972, en tant qu’hymnode et
chanteur profane en interprétant le maqâm Penjgâh au Théâtre du Musée de Bagdad,
- 16 -
avant de débuter à la radio en 1974, avec les modes Mukhâlif et Hakîmî. Etudiant de
musicologie à l’Université de Bagdad et à l’Institut d’Etudes Musicales, il a obtenu ses
diplômes en 1979. Al-A°zamî a toujours défendu les couleurs de la musique savante
de son pays, tout en cherchant à sélectionner des poèmes proches des préoccupations
de ses contemporains. Poète néo-classique, conférencier et critique musical, il a rédigé
plusieurs ouvrages qui n’ont pas été édités du fait de la situation actuelle. Il a aussi
effectué une cinquantaine de tournées dans le monde avec la Troupe du Patrimoine
irakien. Sa rencontre avec J.J. Weiss date de 1986. Ils ont réalisé ensemble plusieurs
concerts en Irak et en Europe. Ce disque est son premier CD diffusé en Occident.
Français de mère suisse et de père alsacien, Julien Jalaleddin Weiss (1953) a
reçu une formation classique occidentale avant de se consacrer aux traditions orientales. Il a fondé l’ensemble al-Kindî en 1983, en hommage au grand théoricien de la
musique arabe Abû Yûsuf Ya°qûb al-Kindî (vers 769-873). Il a été initié au qânûn
par les maîtres Kâmil °Abdallâh (Egypte), Hasan al-Gharbî (Tunis), Saadettin
Oktenay (Istanbul) et Sâlim Husayn (Bagdad). Il est lauréat du prix Villa Médicis
(H.M) pour ses recherches et ses créations en musique arabe, persane, turque et
contemporaine (Festival de l’Université Euro-Arabe, Festival de Palerme, IRCAM et
Ensemble Intercontemporain). Virtuose du qânûn, il se produit en soliste ou avec son
ensemble lors de tournées dans le Monde Arabe, l’Europe, l’Afrique de l’Est,
l’Amérique du Nord et le Japon. Disciple et ami de Munîr Bashîr, il a souvent joué
avec lui et avec d’autres musiciens de très haut niveau : les chanteurs Lutfî Bûshnâq
(Tunis) et Husayn al-A°zamî (Bagdad), les hymnodes Adîb al-Dâyikh (Alep) et
Hamza Shakkûr (Damas), les flûtistes Muhammad Sa°âda (Tunis), °Abd al-Salâm
Safar (Lattakié) et Ziyâd Qâdî Amîn (Damas), le luthiste Muhammad Qâdrî al-Dallâl
(Alep) et le percussionniste °Âdil Shams al-Dîn (Alexandrie). Musicologue, il a
enregistré de nombreux interprètes, tels les hymnodes syriens Hasan al-Haffâr et
Sulaymân Dâwûd. Enfin, il est l’auteur d’un ouvrage à paraître sur le Qânûn et les
théories musicales arabo-musulmanes.
C’est en 1976 que J.J. Weiss a rencontré Munîr Bashîr : ce fut le début de toute une
série d’échanges avec de nombreux musiciens irakiens (1985, 1986, 1987, 1988, 1990,
1991 et 1994). Durant ses séjours à Bagdad, J.J. Weiss put recueillir l’enseignement du
cithariste Sâlim Husayn et accompagner Husayn al-A°zamî. Ce disque a été enregistré
les 15 et 16 avril 1994 au célèbre hôtel al-Rashîd, à Bagdad. Faire connaître la musique
irakienne et son esthétique en Occident : tel a été le but de J.J. Weiss, toujours à la
recherche de l’inconnu et du beau.
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Les cithares remontent à la plus haute antiquité en Mésopotamie. La facture du
santûr ou santîr (onomatopée ou terme indien signifiant cent cordes) comporte une
caisse en noyer souvent épaisse, des chevilles en bois d’oranger, des clous en fer et
des cordes en bronze. Entourés ou non de soie, deux maillets en oranger frappent
les quatre-vingt douze cordes regroupées par quatre et déployées depuis la note
Yagâh jusqu’au Jawâb Hijâz. Les notes de référence sont déterminées en fonction de
l’ambitus du chanteur. Le qânûn a une caisse beaucoup plus fine, ses chevilles sont
en bois et ses cordes, autrefois en boyau, sont maintenant en plastique ou nylon filé
de cuivre. Il est toujours possible de déposer sur les cordes un tissu très léger en
soie pour obtenir un son plus étouffé, presque confidentiel. Fixées par des bagues
aux index des instrumentistes, deux plumes d’aigle pinçaient les cordes. Elles sont
aujourd’hui remplacées par des baguettes en plastique ou des baleines de chemise. Le
nom de cet instrument signifie en grec, comme en arabe, “loi” ou “canon” et démontre
l’intérêt que portaient les Arabes aux penseurs de l’Antiquité grecque et à Pythagore.
Rapporté en Europe lors des croisades, le qânûn est cité par Guillaume de Machaut
dans son poème la Prise d’Alexandrie (XIIIe siècle). On suppose qu’il a, moyennent
l’adaptation d’un clavier, engendré le clavecin et le piano.
Le taqsîm (division en arabe) est l’exposition des caractéristiques d’un mode
grâce à la division en cellules et formules mélodiques. Toujours improvisé en solo,
il constitue une introduction ou une transition. Surgi sans doute au XVIIIe siècle, ce
terme désigne une pratique très ancienne. Il a sans doute été généré par les servants
d’origines très diverses de la cour ottomane et très tôt diffusé par les pélerins et les
voyageurs. Très compliqué, quand il s’agit d’une improvisation, il ne supporte pas
les phrases stéréotypées et les clichés d’école où se complaisent tant de qânûnistes,
imitateurs béats des égyptiens Muhammad al-°Aqqâd (1849-1930) et Mustafä Ridâ
bey (1884-1950), théoricien des sillets à quarts de ton égaux dans son traité sur le
qânûn, rédigé avec une introduction du moderniste Mahmûd Ahmad al-Hifnî (1940).
Improvisées ou semi-improvisées, dix formes le génèrent : al-mujarrad (solo) dans
le cadre purement instrumental, al-istiftâh (introduction au chant où il s’agit de poser
le mode principal), al-muqaddima (introduction pour des modulations instrumentales
et vocales), al-muhâsaba (responsa instrumentale pour l’accompagnement du chant),
al-murâfaqa (accompagnement instrumental), al-raj°a (retour au mode principal après
les modulations), al-taswîr (transposition des modes et modulations pour l’adapter au
chant), al-taqsîm °alä îqâ° (improvisation mesurée, rythmée ou non, en particulier sur
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la ritournelle appelée autrefois al-dûlâb al-baghdâdî), al-tahmîla (semi-improvisation
instrumentale où chacun des musiciens du groupe se livre à une prestation), al-taslîm
(conclusion avec retour au mode principal). J.J. Weiss et M.H. Gamar donnent un
exemple de chaque taqsîm au cours des enregistrements.
Weiss a livré sa prestation sur un remarquable instrument spécialement conçu
pour lui par le luthier turc Egder Güleç et déjà employé lors de ses concerts avec
l’hymnode alépin Adîb al-Dâyikh (Poèmes d’amour au Bîmâristân d’Alep, deux
volumes, Al Sur-Media 7, ALCD 143 et 144). Ce troisième prototype de qânûn
comprend 102 cordes, un chevalet reposant sur 6 peaux de poisson, des cordes de
harpe pour renforcer les graves et quinze sillets amovibles (°arabât ou mandal) par
corde, permettant modulations et transpositions dans le cadre des échelles modales
grecques, persanes, arabes et turques.
Weiss nous démontre la richesse et la complexité des intervalles irakiens, mis à
mal par les qânûn-s égyptiens traditionnels, aux sillets (°arabât) et touchers (°afaqât)
inadaptés au maqâm irakien. Il a évité les cadences finales (qafalât) du style sharqî
(levantin), trop mélodramatiques. Rejetant les expositions stéréotypées, il a rigoureusement exposé sa méthode : reprenant en partie la tradition persane, il a développé
un style majestueux d’inspiration archaïque et composé des improvisations fondées
sur une hiérarchie modale et un ordonnancement spatio-temporel aux antipodes de la
facilité et de l’abandon. Les modes rares n’ont été cités que pour entretenir le souvenir
des grands maîtres qui les ont diffusés. Ornements, trilles et batteries sont inspirées
des traditions des santûristes Pataw, mais aussi de celles des qânûnistes Yûsif Bedros
Aslân (1844-1929), Gabriel Iskandar (1859-1919), Sion Ibrâhîm Cohen (1895-1964),
Ibrâhîm Dâwûd Cohen, Shâwûl Zangî, Shlûmû Shamâsh, le réfugié stambouliote
Nûbâr efendi (1880-1954), Yûsif Meïr Za°rûr al-Saghîr (1901-1986), Khudayr al-Shiblî
et Sâlim Husayn. Une influence azerbaïdjanaise peut être notée dans le crépitement
de son jeu ; nous l’avions déjà remarquée dans la technique du luthiste bagdadien
°Azzûrî Hârûn au Congrès du Caire en 1932. Les musiciens irakiens ont d’ailleurs
revendiqué cette caractéristique et même remarqué que son origine pouvait être arabe
et très ancienne. Tels érudits pourraient noter l’inflexion persane des modes Awshâr
et Humâyûn. D’autres insisteraient sur le rappel ottoman de l’Awj. Tous seraient
d’accord sur les vibrations arabes du Bayyâtî et du Sabâ. J.J. Weiss poursuit ainsi son
opiniâtre entreprise d’exposition et de découverte des esthétiques musicales arabes, si
diverses et si méconnues.
- 19 -
“Julien Jalaleddin Weiss est l’ambassadeur français des échanges musicaux. Il est
le seul occidental ayant véritablement intégré l’esthétique de l’authentique patrimoine
arabe. Il est le pionnier du XXe siècle dans le beau domaine humain de l’interaction
musicale” (Munîr Bashîr, lettre autographe, Paris, le 5 juillet 1994).
Né en 1959, Muhammad Husayn Gamar est diplômé de musicologie (Institut
d’Etudes Musicales et Faculté des Beaux-Arts de l’Université de Bagdad, 1980).
Auteur, compositeur et professeur de jôza à l’Institut, il est entré dans la Troupe du
Patrimoine dès 1976 et a participé à de nombreuses tournées régionales et internationales. Il est considéré comme le successeur des grands interprètes d’autrefois (Abû Salîm
Nâhûm Yûna 1878-1955, Sâlih Shumayyil Shmûlî, °Azzûrî Hârûn, Ephraïm Bassûn,
Husayn °Alî al-Naqîb et Shu°ayb Ibrâhîm Khalîl, dit Sha°°ûbî) et révèle sa maîtrise
de la jôza, instrument difficile par excellence. Elle est posée sur la cuisse droite de
l’instrumentiste, s’il est droitier et vice versa. C’est une vièle à pique ou rebec, à quatre cordes frottées par un archet. Elle se compose d’une demie caisse en noix de coco
évidée, d’où son nom dialectal jôza (noix). Sa fabrication suppose l’importation de
cocos résistantes des Indes, du bois d’abricotier ou d’autres arbres fruitiers, un archet
tendu de poils de chevaux, quatre cordes en soie, nylon ou métaux divers, un vernis
spécial (spîrto) dont le secret est enfin transmis confidentiellement. L’accordature
traditionnelle est °Ushayrân, Dûgâh, Nawä, Kurdân (selon l’ambitus du chanteur).
Après un prélude libre, la jôza expose généralement une partie mesurée, mais l’accumulation des fioritures, des trilles, des transpositions et des modulations la disloque
selon des pratiques traditionnelles. La jôza suit les arabesques des chanteurs dans un
dialogue incessant. Elle fournit un son acidulé et nasillard inimitable dans le maqâm
et permet au chanteur de toujours situer sa voix dans le mode.
Inventif et brillant, le percussionniste Muhammad Zakî (1960) est diplômé
de l’Université de Bagdad et de l’Institut des Beaux-Arts. Il est aussi santûriste,
élève du Hâjj Hâshim al-Rajab et de Munîr Bashîr. Il accompagne généralement
l’ensemble d’al-A°zamî en Irak, comme à l’étranger. Il démontre ici son remarquable
talent et son don pour la frappe de cycles complexes, dans la lignée de °Abbâs b.
Kâdhim Qarah Juwayd (1840-1910), de Hasqîl b. Shûta b. Meïr (1840-1919), de Hârûn
Zangî, d’Ibrâhîm b. °Ezra b. Moshé Shâsha, de Yahûdâ Moshé Shamâsh, d’Ibrâhîm
Sâlih, de Husayn °Abdallâh, de °Abd al-Karîm al-°Azzâwî et de Sâmî °Abd al-Ahad.
Son instrument, appelé dumbak, dumbukk ou tabla baghdâdiyya est un tambour sur
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al-Qânûn al-Wayssî, Prototype n° 9,Système Julien Jalaleddin Weiss, 1993 - 21 -
poterie, traditionnellement tendu d’une peau de poisson du Tigre. Certains
interprètes préfèrent une caisse en aluminium et une peau en plastique, pour éviter
les déformations dues à la chaleur et à l’humidité, mais cette tendance est combattue,
car elle dénature la délicatesse de certains cycles et suppose une force musculaire
constante et épuisante.
Discographie de J.J. Weiss :
• Al-Kindî : musique classique arabe, Ethnic-Auvidis B6735.
• Shaykh Hamza Shakkûr and the al-Kindî ensemble, WMD-Fnac, WM 332.
• Loutfi Bouchnak et l’ensemble al-Kindî, Al Sur, ALCD 113.
• Hamza Shakkûr and the ensemble al-Kindî, World Network-Harmonia Mundi,
WDR 427.
• Les Derviches Tourneurs de Damas et l’Ensemble al-Kindî, Ethnic-Auvidis,
B 6813.
• Adîb Dâyikh et Julien Jalaleddin Weiss : Poèmes d’amour au Bîmâristân d’Alep,
volumes I et II, Al Sur, ALCD 143 et 144.
• Adîb Dâyikh et Julien Jalaleddin Weiss : Stabat mater dolorosa, Hymnes à la Vierge
Marie, mère de Jésus de Nazareth, à paraître chez Al Sur en 1995.
Discographie :
• Congrès du Caire, 1932, Paris, Ocora-Institut du Monde Arabe, 1987, HM CD 83.
• Munir Bachir, Maqâmât, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1994, W 260050.
• Irak, Iqa’at, rythmes traditionnels, Paris, Auvidis-Unesco, 1992, D 8044.
• Music of Iraq, Japon, King Record, Seven Seas, 1987, KICC 5104.
• Iraqi Jewish and Iraqi Music, Hakki Obadia, New York, Global Village Music, 1993,
CD 147.
• Le Fausset de Bagdad : Rashîd al-Qundarjî, à paraître chez Al Sur.
• Le Rossignol de la Mésopotamie : Najm al-Dîn al-Shaykhlî, idem.
• Petits Maîtres et Grandes Voix : l’Ecole de Bagdad, idem.
• La musique instrumentale irakienne, idem.
• Chants sacrés d’Irak, idem.
• La Déploration du Martyre de l’Imâm al-Husayn à Karbalâ’, idem.
• Les hymnes juifs de Babylone, idem.
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• Musiciens juifs de Mésopotamie, idem.
• Les musiciennes savantes d’Irak, idem.
Bibliographie en langues occidentales :
• Jamel Eddine Bencheikh : Poétique arabe, Gallimard, 2e édition, 1989.
• Simon Jargy : La Poésie populaire traditionnelle chantée au Proche-Orient arabe,
Mouton, Paris-La Haye, 1970.
• Bernard Moussali : Tradition et Modernité, le Congrès de Musique Arabe du Caire
en 1932, Université de la Sorbonne Nouvelle-Paris III, 1980.
• Christian Poché : Musiques du Monde Arabe, écoute et découverte, Institut du
Monde Arabe, Paris,1994.
• Idem : La Musique Arabo-andalouse, Actes Sud-Cité de la Musique, Arles, 1995.
• Amnon Shiloah : The Musical Tradition of Iraqi Jews, Iraqi Jew’s Traditional
Culture Center-Tcherikover Publishers, Israël, 1983.
• Idem : Music in the World of Music of Islam, a Socio-Cultural Study, Scholar Press,
London, 1995, Wayne State University Press, 1995.
• Idem : Jewish Musical Traditions, Wayne State University Press, 1995.
• Wilfrid Thesiger : Les Arabes des Marais, Plon, réédition 1982.
Enregistrements :
Maqâm Awj (apogée) en si demi-bémol, modulations en maqâm-s Bayyât (ré),
Mukhâlif (si demi-bémol) et Musta°âr (idem), conclusion en Râhat al-Arwâh (Huzâm
sur le degré °Irâq) : ce mode hiératique à rythme libre et vers classiques constitue le
cinquième de la suite en Husaynî et module traditionnellement dans la famille Sîkâh,
à laquelle il appartient (Sufyân, Hakîmî, Musta°âr, Mukhâlif Kirkûk et Âdhirbâyjân).
Sa dénomination est très ancienne (peut-être le XIe siècle apJC) : on la retrouve en
musique ottomane et persane. Ce mode se caractérise par une formule mélodique
introductrice (tahrîr) du degré Awj au degré Hijâz, revenant ensuite à l’Awj. La formule mélodique conclusive (taslîm) repose en Râhat al-Arwâh (Paix des coeurs) sur
le degré °Irâq, diffusant ainsi sagesse et sérénité. Dûlâb 4/4 ; taqsîm-s brefs de jôza et
de qânûn ; qasîda : “Lâ talûmî ta°allulî wa-(i)shtiyâqî, inna qalbî asîru yawma t-talâqî”
(Ne blâme ni ma passion, ni mon ardeur, mon coeur est otage du jour de notre rencontre), poème attribué à Khidr al-Tâ’î ; pasta maqâm Huzâm : “Mâ hann °alayyâ we-lâ
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gâl khatiyya” (Il ne m’a pas accordé de merci et ne m’a pas pardonné), mode Huzâm,
Jûrjîna 10/16, poème et musique attribués à Muhammad al-Qubbânjî.
Maqâm Sabâ (ré) : mode éploré du Vent de l’Est et de l’éclosion des passions
déçues, il se fonde sur le degré Dûgâh, utilise le degré rare Rakb (sol demi bémol)
et module en Hijâz, Râst et Dûkâh. Nostalgique et mélancolique, il renvoie presque
toujours à la tragédie de l’amour non partagé ou usé par le temps, aux affres des
meurtres d’amour et des vengeances tribales sanglantes. Sa dénomination est
archaïque, remontant sans doute au Xe siècle apJC et diffusée dans tout le monde
arabo-islamique. Non mesuré, il peut être transposé sur tout degré. Il module
traditionnellement en Jalsa, Mahmûdî, °Abbûsh, Awshâr et Tshahârgâh. Son
taslîm s’achève mélancoliquement sur le degré Nawä (la séparation). Une version
écourtée est réalisée lorsque l’interprète choisit d’interpréter un poème dialectal au
lieu des vers classiques habituels. Dûlâb 4/4 ; taqsîm qânûn, vers classique glosé par un
quatrain dialectal (abûdhiyya) : “Wa-mâdhâ bi-Laylä qad hadâ wa-taghayyarat” (Quel
deuil a donc atteint Laylä et l’a métamorphosée ?), vers attribué au cycle de la passion
du légendaire Majnûn Laylä (VIIe siècle apJC) et abûdhiyya attribuée à Khidr alTâ’î ; pasta anonyme ancienne “Yummâ hnâ yummâ” (Maman, au secours, Maman),
mode Sabâ.
Maqâm Bayyât, Bayyât al-°Arab ou Bayyâtî (sol) : mode solaire, renvoyant aux
piyyûtîm hébraïques ou à une tribu kurde mystique et célébré au XIXe siècle sur
cylindre par le fausset Ahmad Zaydân al-Bayyâtî, poèmes persans à l’origine avec
la dénomination Bayyât al-°Ajam ou Isfahân, modulations en Sabâ (sol), Husaynî,
Kurdân, Nawä et Muhayyar. Il fut diffusé au début du XIXe siècle dans toutes les
musiques arabes, grâce aux derviches tourneurs Mawlawiyya et à l’Âyîn (rituel de
tournoiements) célèbre attribué à Kutshek Dervîsh Mustafä Dede efendî (XVIIe
siècle apJC). Fondé sur le degré Dûgâh et transposable sur tout autre, il est
généralement récité sur des vers classiques, non mesuré et modulant
traditionnellement en Nawä, Tshahârgâh ou Lâwûk, Jalsa et °Ajam sur le degré °Ajam.
Son tahrîr se meut entre les degrés Dûgâh et Nawä. Des vers peuvent être récités à
partir de l’octave Kurdân. Son taslîm s’achève calmement en Dûgâh. Le récitant peut
choisir d’interpréter un vers classique, glosé par un quatrain dialectal et d’écourter les
modulations les plus longues. Dûlâb 4/4 ; taqsîm jôza ; vers classique “Jâ’a l-habîbu
l-ladhî ahwâhu min safarin wa-sh-shamsu qad aththarat fî khaddihi atharâ” (Mon
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amour est revenu de voyage, le soleil a laissé une trace de beauté sur ses joues), attribué à al-Akhras al-Baghdâdî et glosé par Khidr al-Tâ’î, wanné (bourdon) par le choeur
des instrumentistes ; pasta anonyme ancienne “Alla la-sâfer le-l-Hend wa-shûf habîbî”
(Oui, j’irais jusqu’aux Indes pour voir mon amour), mode Bayyât, Jûrjîna, suivis par
une °atâba en Bayyât “Yâ bû sha°r °alä l-djatfên” (Toi qui laisses flotter tes cheveux
sur tes épaules), attribuée au Hâjj Zâyir al-Najafî et une pasta anonyme ancienne
“Gûm darrejnî l-mullâya, lâ tkhâf men ahlî we-lâ °mâmî” (Lève-toi et guide-moi vers
mon voile! Ne crains ni mon père, ni mes oncles!), mode Bayyât.
Maqâm Awshâr ou Awshârî (la), modulations en maqâm-s Bûsehlîk (do), Bayyât
(do) et Mukhâlif (si demi-bémol) : appartenant à la famille du Sîkâh, il module
traditionnellemnt en Râst, Mansûrî et Kurdân. Il est connu en musique persane,
mais renvoie à d’autres formules mélodiques, remontant peut-être à la tribu Afshâr,
célèbre pour la beauté de ses femmes, la violence guerrière de ses hommes et la sagesse
mystique de ses anciens. Non mesuré et fondé sur les degrés Râst et Sehgâh, il
développe son caractère calme et nostalgique grâce à des vers classiques, arabes ou
persans. Il emploie abondamment le Mansûrî, le Buzurg, puis revient tranquillement à
l’Awshâr après deux montées (mayyâna) à l’octave. Dûlâb en maqâm Sa°îdî, Jurjîna ;
takhmîs qasîda : “Yâ dhabyatan hâma l-fu’âdu bi-hubbihâ, hal-lâ ra’ayti bi-qalbiya
l-majrûhi ? Al-hubbu li-l-’insâni bur°umun min danä” (Gazelle passionnément chérie,
as-tu scruté mon coeur blessé ? Pour l’homme, l’amour est germe de langueur), poème
attribué à Ibn Zurayq al-Baghdâdî, glosé par Muhammad Sa°îd al-Hubûbî ; pasta
anonyme ancienne : “Lêl ba°d lêl” (Nuit après nuit).
Maqâm Hijâz Humâyûn (Hijâz impérial) : il module en Hijâz (do), Hijâz Dîwân,
Hijâz Gharîb et Husaynî, atteint le degré rare du Sahm et se teinte de Muhayyar,
puis de Bayyâtî grâce à la formule mélodique du Qazzâz. Mode lunaire ou martial, il
appartient à la famille du Hijâz Dîwân, se fonde sur le Tshahârgâh, se transpose sur tout
degré, il est non-mesuré et récité sur des vers arabes classiques d’inspiration guerrière,
sapientale ou léthale. Son tahrîr est en Tshahârgâh, Nîm Hisâr, Nawä et Hijâz. Son
taslîm revient au Hijâz et répand la longanimité, la quiétude et les voyances
intérieures ou prémonitoires. Dûlâb 3/4 ; qasîda : “Tawazza°anî hammu man
ahbabtu wa-mâ innahum fî-l-qalbi sakanu t-tayri” (Le mal d’amour m’a déchiré et mes
bien-aimés ne sont pas les anges gardiens de mon coeur), poème attribué à Ma°rûf
al-Rusâfî ; pasta anonyme ancienne, mode, Jûrjîna : “El-yom eloh yômên mâ marr
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°alayya” (Aujourd’hui cela fait deux jours qu’il n’est pas passé me voir).
Maqâm Penjgâh ou Râst Penjgâh (Mode droit sur le cinquième degré) : il module
en Râst (fa), Râshidî et Penjgâh. Fondé sur le Tshahârgâh, non mesuré, il est récité
sur des vers classiques arabes. Sa dénomination est très ancienne, retrouvée en milieu
persan, vers le Xe siècle apJC, mais recouvre des formules mélodiques très
différentes. Son tahrîr part lentement du Tshahârgâh, sa mayyâna utilise ensuite
machiavéliquement le Hijâz sur l’octave du Kurdân, puis repose sur la Jalsa et conclut enfin
calmement sur le Tshahârgâh. Mode de la témérité, il est relié à la force impétueuse,
à la vigueur virile, à la chance constante, aux noces abouties avec des vierges fécondes
et aux triomphes guerriers des sultans invaincus. Taqsîm qânûn ; Dûlâb, Nusf Wahda,
4/4 ; qasîda : “Matä naltaqî mithla dhâka l-liqâ ? Ayna ? Qûlî bi-haqqi s-samâ!”
(Quand donc nous rencontrerons-nous ? Où ? Dis-le, au nom du Ciel!), poème
attribué à al-Akhras al-Baghdâdî ; pasta : “Qaddem lî burhânak” (Présente-moi les
preuves de ton amour), Sankîn Samâ°î 10/16, composition et paroles attribuées à
Muhammad al-Qubbânjî.
Bernard Moussali,
professeur agrégé d’arabe à l’Université de Paris-Sorbonne (Paris IV)
et membre de l’URA 1077 du CNRS.
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Husayn al-A°zamî and the al-Kindî ensemble
The passion of the Thousand and One Nights and the Baghdad school of song
The musical tradition of Baghdad descends from a complex Arab tradition, blending
a number of influences influences: Turkish,
Persian, Kurd, and even Indian. This school
employs a collection of academic modes,
defined by a series of indissociable elements,
parts of which are found in the Syro-Egyptian
and Ottoman schools. Each mode, each
sigh, has its coloring and mood, calling on
synaesthesia, magic and faith, in a
charismatic and apocalyptic framework.
The harmony thus obtained is called
insijâm and can only be reached in a state of
internal mystical exaltation.
The artists call this form al-maqâm
al-°irâqî (modal composition of Irak) which
is also played in Mossoul and Kirkouk at festivals and private concerts. Modes and rhythms
are not always called by the same name. There
is no clear separation of profane and sacred in
this melody mode and it can be found in most
religious music of Mesopotamia (Muslim,
Jewish, Christian, Gnostic, Schismatics or
Heretics). The repertory is often transposed
in a mystical language to preserve its esoteric nature. All of the communities of Irak
participate in a same esthetics: Arabs, Kurds,
Turkmen, Armenian, Mandian, Sabian,
Jacobites, Syricacs, Assyrians, Tchetchens,
Georgians, Zoroastrians, Zanzibarans,
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Indians, adorers of Satan and Yezidis. In Syria and in Egypt, this style is called “lawn
°irâqî” (Irakian color) or “seb°awî baghdâdî” (septain of Baghdad), and has been
interpreted by masters such as Ahmad al-Faqsh, Muhammad Abû Selmô , Muhammad
Zayn al-Dîn and Adîb al-Dâyikh.
The instruments, the tone of voice, technique, and terminology are not traditionally
unified. For example, the mode is called tawr (cycle) in Bedouin music. There are some
seventy Arab scales or melodic modes and some fifty melodic pieces.
The Baghdad school is also heavily permeated with a style that is both archaic
and refined, probably very close to the style of the Golden Age of the Omeyyade and
Abbasside. Deben Bhattacharya ad Simon Jargy were the first to research the question,
but their successors have not managed to further our knowledge. We can only assemble
pieces of outdated materials that are behind an esthetics that is still highly attractive.
The musical history of the maqâm °irâqî and the genealogy of those interpreting
it were explored in depth in the twentieth century by hagiographs, in spite of the political turmoil and darkness which shrouds large sections of this heritage. Among these
historians are (list)
The first recordings of the Baghdad school were made on cylinders in the last
years of the nineteenth century, of Mullâ °Uthmân al-Mawilî and Ahmad Zaydân.
Between 1908 and 1939, Baidaphon (Baydâ Abnâ’ °Amm), Gramophone, Odéon,
Homocord and Sudwä made recordings, followed by Irakian producers (al-Hakkâk
and Tshaqmâqtshîphon). The most important recordings were made by Baidaphon
which organised a meeting of musicians from a number of Arab regions in its studio in
Berlin in 1928, the first pan-Arab encounter. The °Assûrî Hârûn al-°Awwad ensemble
of Baghdad (Ezra Aharon, lute player, violinist and qanun player, born 1900, emigrated
to Palestine in 1934) accompanied the lively Tunisian singer Marguerite, called Hbîba
Msîka. These precious documents are held in several public and private collections.
Professor Amnon Shiloah told us how Ezra Aharon was pulled from a deep coma in his
old age when he heard the recording of the 1932 pan-Arab conference of Cairo.
In this mode, musical scales (Sullam) have unequal degrees (darajât) of importance;
regulating the process (sayr) of the melodic mode and its specific ornaments. The mode
is also characterised by opening vocalisations (tahrîr or badwa), situating the mode
and the singer’s voice, a collection of melodic modes in pieces called qit°a, wasla, jalsa
or gufte; an emphasized and understood ascent to the high notes (mayyâna) or low
notes (qarâr), cries (sayha) returning to the initial scale, final vocalisations (taslîm),
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modulating syllables (alfâz) introducing the modulations and transpositions, the rhythm
is closely linked the mode which is traditionally accompnaied by a pulsation. All modes
do not follow this stereotypical order, some including only certain phases, in spite of
academic efforts to create uniformity. There are short instrumental versions that exist,
and tradition has it that it was two brothers, Dâwûd (1910-1976) and Sâlih °Ezra
al-Kuwaytî (1908) who undertook the complete versions on Radio Baghdad in the
1930’s. These complete versions are done in classical or dialectical Arab, Persian,
Osmanli Turk, Turkmen, Kurd and Hebrew. Some are without meaning, as in scholarly
Indian or Western Medieval music. Certain modes have shorter versions which are used
as melodic pieces. The language, Arabic or another, of the poems follows strict rules, but
the masters generally do not adhere to them.
The modes and original modulations (maqâm or naghma, in several versions) are
organised in semi-improvised compositions which are either profane or mystical. These
compositions follow one other during the vocal suites (fasl, radîf in Persian) according
to an order established by the great masters (mu°allim, ustä or ustâdh), in complex
musical styles. They often include unknown or little used modes. Preludes (bashraf
or muqaddima) and interludes (samâ°î) constitute the instrumental parts. Ritornellos
(dûlâb) can be interpreted at the beginning of the suites or at the end of the song to recall
the initial mode after the modulations. Only the rhythm and the duration differ.
The traditional ensemble (Tshâlghî Baghdâdî in osmanli) is made up of a santûr
(zither, strings are struck) or a qanun (zither, strings are plucked), a jôza (rebec or
spike fiddle), a clay drum (tabla) or kettle drum (naqarât) and a tambourine with cymbals (duff zinjârî). Starting in the 1920’s, the qanun, like the lute, was favored under
the influence of Muhammad al-Qubbânjî and other masters. The cristalline sound of
the qanun is considered as more precise than the santûr which leaves an echo. The lute
unerpins the low notes and was for a long time the prerogative of the Christian lutemaker Hannâ al-°Awwâd. The naqarât was abandoned, then reintroduced by Munîr
Bashîr. This music is also generally characterised by the tragic modulation of the vocal
parts, high-pitched voices (takhnîs), pecking (buhha), strictly coded sobbing, intervals,
technical vocabulary, rhythms (several versions) specific instruments, specific craftmanship in lute-making, a poetic repertory in classical, median and dialectical Arab,
distinct from the legendary Arab-Andalusian heritage. Strict dietetics, an accepted and
sought musical therapy and an particularly expressive chironomy.
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Irakian modes grouped together in suites, by Hâjj Hâshim Muhammad al-Rajab
and his son (al-Maq^m al-°Irâqî, Baghdad, 1961 and 1983):
C : Classical Arab; D: Archaic dialectical Arabic of Baghdad, from High or Low
Mesopotamia; P: Persian; T: Osmanli Turkish; TM: Turkmen; K: Kurdish. Râst (C):
Râst Hindî (C), Râst Turkî (C or T), Mansûrî (C), Hijâz Shaytânî (C), Jabbûrî (D) and
Khanâbât (C or P);
Bayy^ât (C, P or T): Nârî (D), Tâhir or Bâbâ Tâhir (C), Mahmûdî (D), Sîkâh (C),
Mukhâlif (D) and Hlélâwî (D);
Hijâz or Hijâz Dîwân (C): Qûriyyât (C or Tm), °Uraybûn °Ajam (C or P),
°Uraybûn °Arab (D), Ibrâhîmî (D) and Hadîdî (D);
Nawä (C): Maskîn (D), °Ajam °Ushayrân (C), Penjgâh (C) and Râshidî (D);
Husaynî (C): Dasht (C or P), Urfâ (D), Arwâh or Râhat al-Arwâh (C), Awj (C),
Hakîmî (D), Sabâ (C) and Tshahâr Gâh (C).
Modes traditionally not included in the suites: Jammâl (C), Humâyûn (C),
Nawrûz °Ajam (C or P), Bashîrî (C), Dashtî (C), Juwayzâwî (C), Hijâz Adjagh (C
or T), Bayyât °Ajam (C or P), Mathnawî (C or P), Sa°îdî or Sa°îdî Mubarqa° (C),
Khalwatî (C), Awshâr (C or P), Tiflîs (T), Nahâwand (D), Bherzâwî (D), Muqâbil
(D), Sharqî Isfahân or Sharqî Râst (D), Sharqî Dûkâh (D), Hijâz Kâr Kurdi (D), Hijâz
Kâr (D), Bâjilân (D), Qatar (D or K), Gulfulî (D) and madmî (D). Others are more
rarely heard such as the Hayrân, Shushtârî, Akbarî, the Nâhuft al-°Arab, Zamzamî,
Ramal, Salmak, Abû °Atâ, Qajar and Mâ’ranâ, which have almost disappeared. The
Lâmî became widely know from the recording made by Muhammad al-Qubbânjî by
Baidaphon at the end of 1928, but which was also recorded by Gramophone in the
same year.
Modal pieces founded on melody formulas : B: Bayyât; H: Hijâz; M: Mansûrî;
R: Râst; S: Sîkâh and T: Tshahârgâh. Lâwûk (T), Zanbûrî (B), Sîkâh Balabân (S),
Mukhâlif Kirkûk (S), Sîkâh °Ajam (S), °Udhdhâl (S), Seh Renk (S), Musta°âr,
Adhirbayjân (S), Sîkâh Halab (S), Mâhûrî (T), °Alî Zubâr or °Arazbâr (T), °Ushashî
(H), Qâtûlî (S), Hijâz Gharîb (M), Aydîn (T), Shâhnâz (H), Bûseh Lîk (B), Hijâz
Madanî (H), Jassâs (S), Sufyân (S), Sîsânî (R), Qazâz (B), Khalîlî (B) and Yatîmî (B).
Certain artists (°Abd al-Latîf b. Shaykh al-Layle, 1819-1899) distinguished themselves
by introducing modulations (Gapangî) to modes that did yet have any. Others developed modulations into modes (Qazzâz, controversial origin). If a note is held too long it
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can change the mood of a modal piece and give rise to a new modulation or even a new
mode. Traditionalists reproved the great masters, who were energetically followed by
their disciples and their public.
Rhythms used: Jûrjîna 10/16 in two versions, Wahda 4/4, Wahda Tawîla, Bamb
or Sawt 4/4, Wahda Maqsûma 2/4, Yugrug °Irâqî 18/8, Ay Nawâsî 36/4, Samâh 36/4,
Samâ°î Dârij or 2/4 walse and Sangîn Samâ°î 6/4.
There are a large number of modulating syllables, devoid of any particular meaning
other than a complaint (Oweh, Ah, Of) in dialectical Arabic (Yâ bah, O my father), in
classical (Allâh yâ dâyim, God, Oh eternal), in Persian (Yâr, Love), in Osmanli (Eki
kuzum, you are as precious as my eyes) and in Hebrew (Hallelujah). It is said that an
eighteenth century British traveller who went to a maqâm concert, sincerely thought that
the singer was in pain, and handed him some medicine. Some verses are a resurgence of
ancient poems, complete or incomplete form. The other languages are subject to dispute.
In any case, the great masters use them as they like.
A number of poems are extracted from the Book of Songs of Abû al-faraj
al-Isfahânî, psalms translated into Aramean (often from the apocryphal books of the
Old and New Testaments) and anthologies collected by rabbis which are related to the
cabbala (Isrâ’îl Naggâra). The melancholy shadows of Abû Nuwâs and al-Mutannabbî
obsessively haunt the memory of a number of poets of the river Tigris. Their imagery
is constantly making connections with the sea, in distant memory of the Sumerians,
the fish god Ohannes and Sinbad the Sailor in search of the pearl on the lost islands.
Courtly love is illustrated by classical qasîda, which are monometric and monorhyming
verses written by major or minor poets. The dialectical pasta, are strophic, light and
characterised by somewhat spicy language. Certain authors developed exquisite pieces,
sung in litterary circles (majâlis adabiyya), gymnasium (zur khâna), cafés (qahwat
khâna), tea houses (shây khâna) and taverns (khammâra), such as °Abd al-Ghaffâr
al-Akhras al-Baghdâdî (the stutterer of Baghdad, 1806-1873), the sayyid Muhammad
Sa°îd al-Hubûbî (1849-1915), al-Hâjj Zâyir al-Najafî, al-Mulâ Zuhayr and Khidr
al-Tâ’î (nineteenth century). Among the neo-classical poets of the twentieth century are
the Lebanese Illiyyâ Abû Mâdî, the Irakians Ma°rûf al-Rusâfî, Muhammad al-Jawâhirî
and many more. The takhmîs is a neo-classical quintain of three hemistiches which
includes an ancient and famous verse in the middle and at the end of the quintain,
usually in abaab. The famous song, “Fôg en-nakhel” (Above the palm trees) is none
other than a profane version of the sacred hymn “Fawqa l-°arsh” (Above the throne),
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attributed to Mullâ °Uthmân al-Mawsilî. The Hebraic hymns of Babylon collected by
Avraham Zvi Idelsohn (1882-1938) and Amnon Shiloah in the twentieth century, like
in many Arab countries, were often composed from profane melodies, and vice versa.
They are still recited in the Babylonian synagogs of Israel. The Christian psalms of
Mesopotamia and of Adiabenia have these same characteristics and develop in particular the urfâwi style, which stemmed from ancient Aramean melodies of Palestine. Then
there are quatrains (abudhiyyât et °atâbât, in two forms, furgâniyyât or hawâwiyyât,
of separation or union) or septains (mawâwîl sab°âwiyya) written in archaic dialect
and full of esoteric meaning. There are other forms, but these are mostly interpreted
during popular concerts: muslâwiyya, khâbûriyya, rukbânî, murabba°, nâyil, suwayhilî,
bûrdâna. A number of anthologies have been edited recently.
Husayn al°Azamî belongs to the modern school of Muhammad al-Qubbânjî
(1901-1989), along with Nâzim al-Ghazâlî (1920-1963) and Yusuf Umar (1918-1986)
the unforgettable traditional cantor, who both continued the tradition of the Bedouin
Abu Huamayyid (1817-1881), the Mulla Hasan al Babudjatshi (1774-1841), the leader
in his time of the Baghdad school; the Turkmenian Rahmat Allâh Shiltâgh (1798-1872);
of Khalil Rabbâz (1826-1905); the unforgettable falsetto voices of hazzân Isrâil b. alMu°allim Sâsûn (1842-1891), Rûbîn Rajmân (1851-1927) and Salmân Moshe (18801955); the Christian cantor Antûn called Altûn Dâyî (1861-1936); the ustä Mahmûd
al-Khayyat (1872-1926), the leader of the tailor’s guild; the Qaddûrî al-°Aysha (18131896) famous for his great art; Rahmîn Niftâr (1833-1928); Hâfiz Mahdî al-Shahr abânî
(1894-1959), grand master of the hanaflite recitors of the Koran of the Great Mosque
of the Sayyid °Abd al-Qâdir al-Gîlanî; the chiite Hâjj Yûsuf al-Karbalâî (1897-1951);
the Mullâ °Uthmân al-Mawsîlî (1854-1923) blind prodigy, a talented composer, protégé
of the great master rifâ°î Muhammad Abû al-Hudä and the Sultan °Abd^ül-Hamîd II;
his disciple al-sayyid Ahmad °Abd al-Qâdir al Mawsilî (1877-1941) a descendant of the
prophet, one of the heros of the falsetto traditions Rashîd al-Qundarjî (1886-1945); the
Jewish cantor Yûsuf Hûraysh (1884-1976) grandson of the Austrian rabbi Elî °assâr
b. Sâlif Khalîf, the erudite al-Hajj Jamîl al-Baghdâdî (1877-1953), the pigeon breeder
Najim al-Dîn al-Shaykhlî (1893-1938) chosen to write the glorifications of God on the
highest of minarets (al-tamjîd °alä a°l¨l-manâ’îr) in spite of his good looks and popularity among the veiled women of the harem of the Hâjj °Abbas Qanbîr al-Shayklî (18831971) the Afghan famous for the magical power of his voice.
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There are just a few women in this singing school but those who did take part
excelled with their usual brio and refinement. Among these voices are Salîma Murâd
(called Salima Pacha, 1900-1970), Sadîqa al-Mullâya (Sâdiqa Sâlih Mûsa 1900-1970),
Munîra °Abd al-Rahmân al-Hawazwaz (1895-1955), Zakiyya Georges from Alep
(1900-191), Badriyya Umm Anwar,jalîla Umm Sâmâ, Zuhûr Husayn, al-Sitt al-Muta
hajjiba, Khânum, Suttana Yûsif, Rûtî al-Mandalâwiyya and her sister Bahiyya. Their
former lover °Abd al-Karim devoted a touching work to them (Qiyân Baghdad, The
Scholarly Musicians of Baghdad), relating some of the remarks made by Jamel Eddine
Bencheikh on women slave musicians (Arabica 1964).
The musicians are generally from religious minorities and they distinguish
themselves by using a very particular technique. The music recorded o this CD is of the
tradition of the ustä (masters) Yûsif Hûgî Pataw (1886-1976, Santûr, Salîh Shumayyil
Shmûlî (1890-1960), and Yahûdâ Moshé Shamâsh (1884-1972, tabla) who emigrated
to Israel in 1951. The traditions of the Bassûn, Yûna and al-Kuwaytî families still
exist in Israel. The tradition of Ibrâhîm Adham al-Qilârinetshî (around 1850-1932) is
represented in Syria and Lebanon. Many of these musicians, wishing to pass on their art
to their descendants and would sometimes put the umbilical cord of their first son in the
sound box of their instrument.
This school benefited from the patronage of state officials such as Nûrî Sa°îd,
after king Ghâzî disappeared (1939) and after the arrival of the regent °Abd al-LLâh.
This music was governed by strict etiquette, required by the courtly ceremonials.
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The popular aspect of certain interpretations enhances the interest and serves to reveal
the extraordinary impact. Na°im Kattân spoke of these arcanes of traditional society.
The musicians of Mesopotamia joined in guilds at an early stage. They fought several
battles to preserve their rights from the Irakian radio and television. They travelled widely,
importing the melodies, modes and techniques learned abroad. Their art is a modal Tower
of Babel that can be analysed over close to a millenium and a half, thanks to a series of
treaties on acoustics, theories, practices and historical approaches. These poets left their
verses to posterity, often incorporated into ancient anonymous repertories. They are
difficult to understand as they are generally chronograms or anagrams using a mystical
science of the alphabet mixed with a large degree of humor.
Contrary to other traditions, the singers of the maqâm are called qâri’ (recitors),
like the recitors of the Koran, probably to recall the sacred element of their art. Vocal
suites are often interpreted during rituals invoking God (dhikr), accompanied by
dances: Mesopotamia is the country of the tarîqa of Qâdiriyya and Rifâ°iyya. There are
vibrations in al-A°zamî’s voice that recall the rituals of the sunnite brotherhoods and the
commemorations of the martyr Huzayn a Karbalâ’ (Ardu l-karbi wa-l-balâ’, the land of
suffering and misfortune).
There are always spectacular shows of faith at the Great Mosque/Mausoleum of
al-Kâdhimayn in Baghdad where the faithful interpret, travesty, the ta°ziya (chiite mystery). They mutilate their heads, backs, backs and bellies, in rhythm, accompanied by
the clinking of chains, the incredible whirring of metal bars used in this flagellation and
of the “yatagans” (daggers) slicing through the air. The old and terrible maxim: “The
spirit triumphs over the pains of the body, vile matter and perpetual suffering” comes as
an ironic response to the fulminations of theologians and jurisconsults. It is therefore not
surprising that Mesopotamia is the land of the ordeal and talion, the immemorable land
of the soufi, dervishes and faqîr. The country’s name itself (°irâq) evokes the exudation
(°araq) of the two rivers fertilising the terrible desert, creating marcses, ponds and lakes
where the marginal and rebellious traditions of older times seek refuge. Wilfrid Thesiger
described the traditional life of the Arabs of the Marshes and their legends of fog, such
as the one about Iram, who did not believe in the divine message and was swallowed
into hell. The mystical rituals generally end with outbreaks of laughter, in the hope of
the Resurrection and promises of the Master of Paradise, the pseudo-Aristotle and his
whimsical scribe from Lombardy, Umberto Eco.
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The abûdhiyya (literally abû l-adhiyya, “the tormented man”) is now part of the
repertory of scholarly music, but was originally a popular form of song of Mesopotamia,
using a specific meter and mode: starting with a quatrain of verses often having a double
meaning, with three, almost homophone and homograph rhymes. The last verse always
ends with the phonem yyâh. The poets generally describe the torments of passion in
these verses. A classical Arab verse is recited almost recto tono. This is followed by a
dialectical quatrain commentary on its meaning and serves as an introduction to the
mode. Pleading and interjections enhance the semantic fibre and open the way to
modulations. Hence, the poetry is complemented by a melody which highlights the hum
(wanné) of a chorus singing a capella, which prolongs the resonance and preparesfor
the melismatic flight of the recitor. The °atâba is also a quatrain, but has its own meter
and generally follows an aaab rhyme, ending with the phonem “b” and punctuated by a
refrain of “yâ bah” (O Father). Some of these poems are very hard to decipher, as only
their author’s knowing the real meaning behind them. This natural reserve is explained
by the Bedouin modesty, tribal vendettas and the price of blood.
The modal compositions are separated by pasta (from the Persian, link), quatrains
and refrains. These are transitions during which the chorus comes in. Their role is to
give the recitor a rest, after the great efforts required by the maqâm. The pasta also act
as a trigger, a catharsis. They are always rhymic, sung in dialect or in Arabic. They are
generally gay or ironical, often jumbling and making reference to legendary beauties
and symbolic places.
The maqâm of Irak underwent deep change in the twentieth century,
mirroring the changes in society. The maqâm was broadly diffused throughout southern
Mesopotamia. Nâzim al-Ghazâlî made the songs of Baghdad popular all the way to
Tunisia. Foreign poems and language were banished in a nationalistic movement. An
academic school was born, in part from the pedagogical efforts of people like shaykh
°Alî al-Darwîsh al-Mawlawî of Alep (1872-1952), the lute player al-Muhyî al-Dîn b.
Haydar Targan of Istambul (1892-1967), of the hachemite royal family, the specialist in
muwashshahât Rûhî al-Khammâsh of Palestine, Hâshim Muhammad al-Rajab (1921)
and Munîr Bashîr (1932) of Irak. Certain Turkish musicologists were consulted: Refik
bey Fersan (1892-1965), Mes’ud Cemil bey Tel (1902-1965) and Necdet Varol. Soviet
experts of Azerbaijan and Tadjikistan were invited, as well as the Tunisian historian
Sâlih al-Mahdî. The state took charge of the retirement pension of the musicians and
institutions took the role of the traditional patrons. The ancient cafés (°Azzâwî, Qaddûrî
al-°Aysha, Shâhbandar and many others) are reconstituted in the Museum of Baghdad.
Lute-makers are encouraged and subsidised. The rudiments of music and computer
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generated music are now admitted. Television and radio series were recorded and
widely broadcast. Teaching manuals with casettes and videos came on the market as
well as anthologies of poems and modal compositions, measured or not. Intisâr Ibrâhîm
Muhammad continued the bibliographical research started in 1978 (Masâdir al-Mûsîqä
al-°Irâqiyya 1900-1978, Sources Bibliographiques de la Musique Irakienne (1900-1978,
Baghdad 1979). Starting in 1971, serious research revealed the complexity and diversity
of all the musical instruments of Irak. (“Les instruments en Irak et leur rôle dans la
société traditionnelle”, Scheherazade Hassan, Mouton éd. & Ecole des Hautes Etudes
en Sciences Sociales, en langue française, 1980). Anwar Subhî Rashîd continued his
musical resarch in Ancient Mesopotamia. Symposiums, congress and festivals are
organised regularly. Symphonic orchestras were created but commercial music never
gave up its rights. Musicians are no longer looked on with disgrace and musicophobia
is waning. Major state dignitaries are emeritus lute players, church cantors and devoted
patrons, backing musical research and publications. Violation of copyrights is severly
fought. The written press keeps its readers informed of world musical events. Do the
advantages compensate the disadvantages?
Husayn b. Ismâ°îl b. Sâlih al-°Ubaydî al-A°zamî was born in 1952 in Baghdad (alA°zamiyya neighborhood) to a family of musicians. His grandfather’s great knowledge
is quoted in historical works. His father was a famous hymn composer. He started his
career in 1972 as a hymn composer and profane cantor by interpreting the Penjgâh
maqâm at the Baghdad Museum theater, before making his debut on radio in 1974, with
the Mukhâlif and Hakîmî modes. He received his diploma in musicology in 1979 from
the University of Baghdad and the Institute of Musical Studies. Al-°Azamî has always
defended the colors of the scholorly music of his country, while selecting poems that
are close to contemporary preoccupations. As a neo-classical poet, conference speaker
and music critic, he has written several works that have not been published because of
the current political situation. He has also toured throughout the world with the Irakian
heritage group. He met J.J. Weiss in 1987. They played in a number of concerts together
in Irak and Europe. This is his first CD distributed in the west.
Julien Jalaleddin Weiss was born in Paris (1953), of a Swiss mother and an
Alsatian father. He created the al-Kindî instrumental ensemble in 1983, in homage to the great Arab musical theorist, Abû Yûsuf Ya°qûb al-Kindî (who lived
approximately 796-873). He learned to play the qanun from the masters: Kâmil
°Abdallâh (Egypt), Hasan al-Gharbî (Tunisia), Saadettin Oktenay of Istanbul and
Sâlim Husayn of Baghdad. J.J. Weiss received a fellowship from the Villa Medicis for
his research and study on Arab, Turkish, Persian and contemporary music (Euro-Arab
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University Festival, Festival of Palermo, IRCAM and Intercontemporary Ensemble).
He became a virtuoso of the qanun and has given concerts, both solo and with
his ensemble, throughout the Arab world, Europe, East Africa, North America and
Japan. He was a disciple and friend of Mounir Bachir, the great Irakian lute player,
with whom he played on numerous occasions. During his career, J.J. Weiss has played
with many extremely talented artists, such as the singers Lutfî Bûshnâq of Tunis and
Husayn Ismâ°îl al-A°zamî of Baghdad, the Tunisian flutist Muhammad Sa°âda, °Abd
al-Salâm Safar, the Syrian composer and flutist, and Hamza Shakkûr of Damas. As
musicologist, he recorded a number of artists such as the Syrian cantors Hasan al-Haffâr
and Sulaymân Dâwûd. He is the author of a book about the Qanun and Arab-Muslim
musical theories.
J.J. Weiss met Munîr Bashîr in 1976. This was the beginning of a series of
exchanges with a number of Irakian musicians (1985-1991 and 1994). During the time spent
in Baghdad, J.J. Weiss was able to study with the zitherist Sâlim Husayn and accompanied
the singer Husayn Isma°il al-A°zamî. This album was recorded on April 15 and 16 1994 at
the famous Hotel al-Rashîd in Baghdad. J.J. Weiss’s aim is to introduce Irakian music to
the western world, in a constant search for the unknown and beautiful.
Zithers can be traced back to the ancient Mesopotamia. The santûr (onomatopea
meaning 100 strings in Indian) is made up of a sound box which is often thick, iron or
wood pegs and strings made of gut or bronze. Two ivory mallets, sometimes wrapped
in silk, are used to strike the strings. The qanun has a much thinner sound box, wooden
pegs. The strings used to be made of gut but are now made of plastic or nylon with
copper wiring. A silk cloth can be laid across the strings for a more muted, almost intimate sound. The musician would wear a ring with an eagle’s feather on each index finger
to pluck the strings. Today, these have been replaced by plastic sticks or shirt stays.
Qanun means “law” or “canon” in Greek and Arabic, reflecting the Arab’s interest in
ancient Greece and thinkers such as Pythagorus. The qanun was brought to Europe
after the crusades. We assume that the harpsichord stemmed from the qanun with the
adaptation of a keyboard.
The taqsîm (division in Arab) reveals the characteristics of a mode which
divides into cells and melody formulas. This is always performed solo, serving as an
introduction or a transition. This term probably dates from the eighteenth century and
designates a very ancient practice. It was proably generated by servants of various origins of the Ottoman court and diffused very early on by pilgrims and travellers. This
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piece is very complicated and, in improvisation, does not stand for the stereotypical
phrases and clichés that qanun players like so much, in their imitations of the Egyptians
Muhammad al-°Aqqâd (1849)1930) and Mustafä Ridâ bey (1884-1950), the theorist on
equal quarter tone nuts.
J.J. Weiss shows us the richness and complexity of Irakian intervals, altered by
traditional Egyptian qanun players, with nuts (°arabât) and styles (°afaqât) that are not
adapted t the Irakian maqâm. He avoided the final tempos (qafla) of the sharqî style
(levantin), which are too melodramatic. He rejected stereotypical styles of execution,
exhibiting his method: taking part of Persian tradition which he has developed into a
grand style inspired from archaic styles, comprising improvisations which are based on
modal hierarchy and a space-time organisation that are no easy way out. The rare modes
are only mentioned to preserve the memory of the great masters that originated them.
Ornaments trillos and beating are inspired from the traditions of Pataw santur players,
as well as of qanun players such as Yûsif Bedros Aslân (1844-1929), Gabriel Iskandar
(1859-1919), Sion Cohen (1895-1964), Nûbâr efendi (1880-1954), Yûsif Meïr Sa°rûr
al-Saghîr (1901-1986), Khudayr al-Shiblî and Sâlim Husayn. An Ajerbaijani influence
can be detected in the cracking of his playing; this technique was used by the lute player
°Azzûrî Hârûn at the Congress of Cairo in 1932. Irakian musicians have claimed this
technique as their own and say that it could originally have been Arab and is a very
ancient technique. Certain erudites can note the Persian inflexions of the Awshâr and
Humâyûn modes. Others would insist on the Ottoman coloring of the Awj. All will agree
on the Arab vibrations of the Bayyâtî and the Sabâ. J.J. Weiss continues his exploration
of Arab musical styles, that are both numerous and little known.
“Julien Jalaleddin Weiss is the French ambassador for musical exchanges. He is the
only westerner to have truly integrated the aesthetics of the authentic Arab heritage. He is
the pionneer of the twentieth century in the beautiful human field of musical interaction”
(Munîr Bashîr, Paris, July 5 1994).
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Al-Qânûn al-Wayssî
J.J. Weiss is playing on a remarkable instrument specially designed for him by
the Turkish lute maker Egder Güleç. JJ.J. Weiss made an earlier recording on this
instrument with the cantor Adîb Dâyikh of Alep (Love poems in the Bîmâristân of
Alep, two volumes, Al Sur - Média 8, ALCD 143 and 144). This third prototype has 102
strings, each having a bridge resting on six fish skins and fifteen movable frogs (°arabât
or mandal). This allows for modulations and transpositions of the Greek, Persian, Arab
and Turkish modal scales.
Muhammad Husayn Gamar received his diploma in musicology from the Institute
of Musical Studies and Fine Arts College of the University of Baghdad (1980). He is
author, composer and professor of the jôza at the Institute and entered the Heritage
Troop in 1976. He has gone on a number of regional and international tours. He is
considered as the successor to the greats (Abû Salîm Nâhûm Yûna 1878-1955, Sâlih
Shumayyil Shmûlî, °Azzûrî Hârûn, EphraÏm Bassûn, Husayn °Alî al-Naqîb and
Shu°ayb Ibrâhîm Khalîl, called Sha°°ûbî). Here he reveals his mastery of the jôza, a very
difficult instrument to play. The jôza is a spiked fiddle, which has four strings played
by a bow. The body is made from half a coconut, which explains its name (jôza means
nut). Other than the coconuts imported from India, the jôza has parts made of apricot
or other fruit tree wood, a horse hair bow, four strings made of silk, nylon or various
metals, a special varnish (spîrto), a secret passed down from one craftsman to another.
After a free prelude, the jôza generally starts with a measured piece, then accumlulates
fioritura, trillos, transpostions and modulations, until the playing breaks completely
away from the measure. The jôza follows the arabesques of the singers in a constant
dialogue. The instrument has an acid and nasal sound that is inimitable in the maqâm
providing a (repère) for the singer within the mode.
Muhammad Zakî (1960) is an inventive and brilliant percussionist who received his
diploma from the University of Baghdad and the Fine Arts Institute. He is also a santûr
player, a student of Hâjj Hâshim al-Rajab and Munîr Bashîr. He generally accompanies
the al-A°zamî ensemble in Irak and abroad. Here he reveals his remarable talent and gift
for executing complex cycles, a descendant of °Abbâs b. Kâdhim Qarah Juwayd (18401910), Yahûdâ Moshé Shamâsh, Husayn °Abadallâh,°Abd al-Karîm al-°Azzâwî and
Sâmî °Abd al-Ahad. His instrument, called dumbak, dumbukk or tabla baghdâdiyya
is a clay drum, traditionally stretched with the skin of a fish from the Tigris. Some
percussionists prefer an aluminum sound box and a plastic skin to avoid deformations
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due to heat and humidity. However, this is kept to a minimum because it changes the
delicateness of certain cyles and requires a constant and tiring muscular strength.
Discography
• Al-Kindî : musique classique arabe, Ethnic-Auvidis B6735.
• Shaykh Hamza Shakkûr and the al-Kindî ensemble, WMD-Fnac, WM 332.
• Loutfi Bouchnak et l’ensemble al-Kindî, Al Sur, ALCD 113.
• Hamza Shakkûr and the ensemble al-Kindî, World Network-Harmonia Mundi, WDR
427.
• Les Derviches Tourneurs de Damas et l’Ensemble al-Kindî, Ethnic-Auvidis,
B 6813.
• Adîb Dâyikh et Julien Jalaleddin Weiss : Poèmes d’amour au Bîmâristân d’Alep,
volumes I et II, Al Sur, ALCD 143 et 144.
Recordings
1. Maqâm Awj (apogy) in B half-flat, modulations in maqâm Bayyât (D), Mukhâlif
(B half-flat) and Musta°âr (idem) : this mode is the fifth of the suite in Husaynî and
traditionally modulates in the Sîkâh family to which it belongs Dûlâb 4/4; brief taqsîm
by the jôza and the qanun; qasîda: “Lâ talûmî ta°allulî wa-(i)shtiyâqî, inna qalbî asîru
yawma t-talâqî” (Do not reproach my passion, nor my ardour, my heart is a hostage of
the day we met), a poem attributed to Khidr al-Tâ’î; Hûzâm pasta maqâm: “Mâ hann
°alayyâ we-lâ gâl khatiyya” (He did not have mercy on me and did not say a sin), Jûrjîna
10/16, poem and music attributed to Muhammad al-Qubbânjî.
2. Sabâ maqâm (D): mode of the east wind and the blossoming of disappointed
passions. The rare Rakb scale is used (G half-flat) and modulated in Hijâz, Râst and
Dûkâh. This mode is nostalgic and melancolic and invariably talks of the tragedy of
unreciprocal or faded love. Dûlâb 4/4; taqsîm qanun, classic verses and abûdhiyya:
“Wa-mâdhâ bi-Laylä qad hadâ wa-taghayyarat” (What mourning is affecting Laylä and
has changed her so?), a poem attributed to the passion cycle of the legendary Majnûn
Laylä (seventeenth centry); anonymous ancient pasta “Yummâ hnâ yummâ (Mama,
over here, Mama).
3. Maqâm Bayyât or Bayyâtî (G): a mode attriuted to a Kurd tribe and celebrated
inthe nineteenth century by the falsetto Ahmad Zaydân al-Bayyâtî, persian poems,
modulations in Sabâ (G), Husaynî Kurdân, Nawä and Muhayyar. Dûlâb 4/4; jôza
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taqsîm; abûdhiyya “Jâ’a l-habîbu l-ladhî ahwâj min safarin wa-sh-shamsu qad aththarat
fî khaddihi atharâ” (My love has come back from travelling, the sund has left a mark
of beauty on her cheeks), poem attributed to al-Akhras al-Baghdâdî, sung by Khidr
al-Tâ’î, wanné (humming) by the chorus of instrumentalists; ancient anonymous pasta
“Alla la-sâfer le-l-Hend wa-shûf habîb” (Yes, I will go all the way to Inida to see my
love), followed by an °atâba in Bayyât “Yâ bû sha°r °alä l-djatfên” (You whose hair
floats on your shoulders) and a pasta “Gûm darrejnî, lâ tkhâf men ahlî we-lâ °mâmî”
(Get up and caress me, Don’t worry about my father or my uncles!), attributed to Hâjj
Zâyir al-Najafî.
4. Maqâm Awshâr (A), modulations in Bûsehlîk maqâm (C), Bayyât (C) and
Mukhâlif (B half-flat): of the Sîkâj family, modulating in Râst, Mansûrî and Kurdân.
Dûlâb in Sa°îdî maqâm, Jurjîna; takhmîs qasîda: “Yâ dhabyatan hâma l-fu’âdu bihubbihâ, hal-lâ ra’ayti bi-qalbiya l-majrûhi? Al-hubbu li-l-’insâni bur°umun min danä”
(Passionately cherished Gazelle, have you looked into my broken heart? For man,
love is the seed of languor), poem attributed to Ibn Zurayq al-Baghdâdî, expounded
by Muhammad Sa°îd al-Hubpûbî; ancient anonymous pasta: Lêl ba°d lêl” (Night after
night).
5. Maqâm Hijâz Humâyûn, modulations in Hijâz maqâm (C): modulation in
Husynî, reaching the Sahm scale and coloring in Muhayyar. Dûlâb 3/4; qasîda:
“Tawazza°anî hammu man ahbabtu wa-mâ innahum fî-l-qalbi sakanu t-tayri” (Love
has torn me and my loved ones are not the guardian angels of my heart), poem attributed
to Ma°rûf al-Rusâfî; ancient anonymous pasta, Jûrjîna: “El-yom eloh yômên mâ marr
°alayya” (Today, it will be two days that he has not come to see me).
6. Maqâm Râst Penjgâh, modulations in Râst (F) maqâm: modulating in Râshidî
and Penjgâh. Taqsîm qanun; Dûlâb, Nusf Wahda, 4/4; qasîda: “Matä naltaqî mithla
dhâka l-liqâ? Ayna? Qûlî bi-haqqi s-samâ” (When willwe meet? Where? Tell me, in the
name of God), poem attributed to al-Akhras al-Baghdâdî; pasta: Qaddem lî burhânak”
(Show me proof of your love), Sankîn Samâ°i 10/16, music and words attributed to
Muhammad al-Qubbânjî.
Bernard Moussali, professor of Arabic of the University of Paris-Sorbonne (Paris
IV) and member of the URA 1077 of the CNRS.
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