Inauguration du dépôt archéologique
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Inauguration du dépôt archéologique
Inauguration du dépôt archéologique Vernissage de l'exposition Denise Colomb Mercredi 23 octobre 2013 à 11 h Discours du préfet de la Martinique (Seul le prononcé fait foi) C’est avec plaisir, que j’inaugure aujourd’hui, à l’initiative de la Directrice des Affaires Culturelles, ce dépôt archéologique et que je participe à ce vernissage de l'exposition Denise Colomb. Au-delà de l'effet d'aubaine, je me suis demandé ce qui pouvait motiver la célébration le même jour d'un dépôt archéologique et d'un vernissage. Bien entendu, le message subliminal que voulait transmettre la DAC n'était certainement pas de ranger Denise Colomb dans les archives de la photographie. En réfléchissant plus sérieusement, j'y ai vu un fil rouge, celui du patrimoine culturel martiniquais: sa protection - à travers le dépôt archéologique - j'en profite pour féliciter l'ensemble du personnel de la DAC pour cette belle réussite qui constitue un outil de travail fonctionnel et agréable - et la valorisation de ce patrimoine que Denise Colomb a su mettre en image, en saisissant sur le vif la vie quotidienne des Martiniquais. C'est donc par l'éloge de la richesse du patrimoine culturel martiniquais que je souhaite commencer, tout en insistant sur son corollaire, la nécessité de le protéger et de mieux le valoriser. Bien sûr, le patrimoine matériel, avec ses 20 monuments historiques et ses 4 sites classés, ses habitations, mais aussi, plus méconnue, la diversité du patrimoine immatériel, qui inclut les savoir-faire et métiers d’art ou encore les fonds d’archives et bibliothèques, l'architecture et la langue créoles ou encore le bèlè et la haute taille. L'urgence pour le patrimoine culturel martiniquais, c'est de veiller à sa protection. En effet, parmi les 100 édifices protégés que compte la Martinique, nombre d'entre eux sont en péril. Faute de financements effectivement versés par l'ensemble des parties prenantes, de trop nombreux projets de restauration ont été retardés, voire abandonnés. Notre priorité, c'est donc de concentrer les moyens sur trois grands chantiers de restauration : l'achèvement de la restauration de la cathédrale de Fort-de-France, la poursuite de la restauration du parc culturel Aimé Césaire et enfin le lancement de la restauration de la cathédrale de Saint-Pierre. Le développement de l'archéologie préventive, par l'adoption d'arrêtés de zones de prescriptions archéologiques notamment, devrait également permettre de sauver des sites tels que la nécropole précolombienne récemment découverte - de la destruction pure et simple, qu'elle soit le fait de l'homme à travers l'urbanisation ou simplement du temps avec l'érosion. Renforcer les actions en matière d'architecture et d'urbanisme, c'est un enjeu capital non seulement pour la mise en valeur du patrimoine mais aussi pour l'amélioration du cadre de vie des Martiniquais. Le second enjeu, c'est la valorisation de ce patrimoine. Il s'agit de jouer ce rôle de révélateur que la politique culturelle a souvent oublié : révéler ce qui est sous nos yeux et que nous ne regardons plus. A cet égard, les « Journées du patrimoine » - presque 13 000 visiteurs sur 58 sites ouverts au public en 2013- ou encore les « Rendez-vous aux jardins » 1 participent de cette redécouverte de notre environnement familier. La ville créole présente un intérêt patrimonial évident, car elle se révèle particulièrement adaptée à un modèle social et à son écosystème. C'est pourquoi, afin d'en préserver l'essence, les programmes de construction de logement doivent mieux prendre en compte la qualité architecturale. Les projets de créations d'aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) aux Trois-îlets et à Fort-de-France, qui visent à la protéger et à la valoriser, s'inscrivent dans cette dynamique. Au-delà du patrimoine matériel, il convient de mieux promouvoir le patrimoine immatériel. A ce titre, nous sommes les gardiens de la transmission et de la mise en valeur des métiers d'art. Ces savoir-faire traditionnels, de l'artisanat mobilier à l'architecture ultramarine en passant par la vannerie, sont menacés de disparition. Ils peuvent néanmoins eux aussi être redécouverts, réappris par les nouvelles générations, sous réserve d'un accès favorisé à des formations professionnalisantes ou lors de voyages d'études dans certaines zones de l'espace caribéen où ce savoir-faire est encore transmis de génération en génération. Enfin, pour assurer la diffusion la plus large et la plus efficace de notre patrimoine, nous devons nous engager dans sa numérisation, afin qu'il soit accessible à tous, et en particulier aux plus jeunes. D'aucuns pourraient estimer que conserver, valoriser le patrimoine dans un contexte de crise économique tel que nous le vivons en Martinique, c'est au-dessus de nos moyens, considérant comme Lipoutine, le héros de Camus dans Les Possédés, qu' : « Il faut aller au plus pressé. Le plus pressé, c'est d'abord que tout le monde mange. Les livres, les salons, les théâtres, plus tard, plus tard... Une paire de bottes vaut mieux que Shakespeare. ». Mais gardons-nous toutefois de sacrifier la culture sur l'autel du développement économique. Gardons-nous aussi d'instrumentaliser la culture, de revenir à une conception trop personnelle et politique du mécénat officiel. Ces deux écueils sont à éviter. Recherchons plutôt une meilleure articulation de la culture et de l'économie. C'est dans cet entre-deux qu'existe une place pour l'économie de la culture. Le patrimoine peut être un vecteur du développement économique. Véritable levier pour le redressement de l'image et de l'attractivité de la Martinique, il est un actif à valoriser. Mais le renforcement de l'offre culturelle nécessite une professionnalisation des métiers de la culture. Ici aussi, il faut développer des filières : filière d'innovation, filière de création et filière de développement. Les écoles d'enseignement supérieur – les écoles d'art, les écoles d'architecture, de photographie par exemple – constituent un outil indispensable à un développement culturel durable et de qualité. C'est pourquoi, j'espère que les discussions en cours au sujet du Campus caribéen des arts connaîtront un dénouement heureux. La Ministre de la Culture et de la Communication a exprimé avec force ce lien entre économie et culture : « Il n'y aura pas de redressement productif sans redressement créatif ». N'oublions pas, en effet, le rôle positif exercé par la culture dans l'économie martiniquaise : les activités culturelles génèrent de manière directe ou indirecte 3170 emplois dont 1900 sont des emplois culturels (soit 1,4 % de la population active ayant un emploi) et 1270 emplois non culturels mais exercés dans des établissements culturels. La création d'un emploi d'avenir de danseur-enseignant et d'assistant de pédagogie au sein du Groupe expérimental de danse contemporaine - Compagnie Christiane Emmanuel en apporte la preuve et permettra un passage de témoin entre deux générations d'artistes. En sens inverse, le tourisme est un vecteur pour le développement culturel : Saint-Pierre, ville déjà attractive du point de vue touristique de par son histoire, a été reconnue ville d'art et d'histoire. Il convient désormais d'enrichir l'offre culturelle et de mieux animer ce patrimoine, qui est susceptible d'attirer davantage de croisiéristes provenant de toute la Caraïbe. Pour ce faire, il importe notamment de rapprocher les professions du tourisme et de la culture, afin de renforcer la cohérence de l'offre proposée aux touristes. Enfin, j'insisterai sur le rôle que peut jouer le patrimoine, et plus largement la culture dans le renforcement de la cohésion sociale. L'art et la culture, y compris les industries culturelles, apportent beaucoup à la vie en société. Ils sont l'occasion d'échanges, de rencontres, de transmissions intergénérationnelles. Dans cette période de crise, la culture a un rôle crucial à jouer, elle est finalement ce qui redonne espérance et perspective à la jeunesse. Une clef de voûte de l'éducation, c'est l'éducation artistique et culturelle. Il faut former et susciter la curiosité. A ce titre, nous pouvons collectivement nous féliciter du partenariat noué entre la DAC, le Rectorat et la DAAF et souhaiter qu'il soit bientôt élargi à la DJSCS, aux collectivités territoriales, aux acteurs culturels et aux entreprises, en vue de la généralisation et de l'amélioration qualitative des programmes régionaux d’éducation artistique et culturelle. Les initiatives innovantes, telles que les « résidences-missions » accueillant des artistes en résidence de 3 mois dans un établissement scolaire, constituent des pistes de travail très intéressantes à étendre dans les entreprises par exemple. La culture ne doit pas rester l'apanage des classes favorisées. Elle doit être la « couture du lien social ». Elle constitue un vecteur de lutte contre les inégalités sociales et géographiques en permettant par les réseaux de bibliothèques, de médiathèques d'apporter sa contribution à la lutte contre l'illettrisme, mais aussi en favorisant également un accès de tous aux pratiques culturelles sur l'ensemble du territoire, qu'il s'agisse des espaces fragilisés ou éloignés ou encore des institutions qui créent des situations d'isolement. Les projets éducatifs de territoire apportent une réponse aux territoires ruraux ou quartiers sensibles, tandis que la culture entre à l'hôpital avec la convention régionale « Culture Santé » signée l'an dernier, mais aussi au centre de détention avec l'opération « Dis-moi dix mots » organisée à Ducos. Parce qu'elle contribue à nourrir le lien social, la culture a, par essence, une vocation interministérielle et je me réjouis des nombreux projets qui s'inscrivent en ce sens. Des projets de convention entre la DAC et le SPIP ou la DAC et la PJJ sont également à l'étude. Ces collaborations inter-administrations rencontrent un franc succès. Ainsi, la restauration du Fort Saint-Louis constitue une illustration de la coopération fructueuse entre le Ministère de la Défense et le Ministère de la Culture. Je sais aussi qu'une opération d’amélioration de l’habitat expérimentale à Saint-Pierre a été programmée et concerne la DAC, la DEAL et le Conseil Régional. Le projet de convention entre la DAC et l'UAG doit également être encouragé : cet outil devrait notamment permettre un accompagnement pour la mise en place d'enseignements culturels ouverts à tous les étudiants, ainsi que pour la mise en place de formations aux métiers de la culture. Pour conclure, permettez-moi d'insister sur la place que doit occuper la culture comme facteur d'émancipation individuelle et de pacification des relations sociales. La culture doit permettre à chacun de canaliser sa violence et de mettre cette forme de vitalité au service de la création artistique. Vous n'êtes pas sans savoir que la dégradation des biens culturels, et tout particulièrement des statues, est une pratique trop fréquente en Martinique. Récemment, la statue de Victor Schœlcher située dans la commune du même nom a connu un triste sort. C'est pourquoi, je souhaite conclure sur ces mots de l'Abbé Grégoire faisant référence au vandalisme à l’œuvre au cours la période révolutionnaire : « Inscrivons sur tous les monuments, et gravons, s'il est possible, dans tous les cœurs cette sentence : « les barbares détestent les sciences et détruisent les monuments des arts ; les hommes libres les aiment et les conservent. ». Je vous remercie. 1 3000 visiteurs dans les 23 jardins participants à l'opération