Press reviews Belle affiche - Jean

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Press reviews
Le Figaro
08/03/1994
Belle affiche
Festival de musique classique de Cannes
Les Anglais aiment toujours autant la Côte d’Azur. C’est à leur intention que Gabriel Tacchino a créé
le Festival international de musique classique de Cannes, qui a fidélisé en trois ans un public
nombreux. Les artistes d’Albion aussi répondent présent, comme sir Neville Marriner et l’Academy of
Saint-Martin in the Fields, ce week-end.
Suivant un bon crescendo, ce concert nous permit d’applaudir l’infaillibilité de ces magnifiques
musiciens d’outre-Manche. Malgré les années, ils ont conservé le même enthousiasme, la même
ardeur à tirer l’archet et le chef obtient d’eux une parfaite cohésion en anticipant toujours un peu sa
battue. Contretemps et syncopes y gagnent une impeccable précision. La Symphonie Haffner et la
Symphonie de Prague virent ainsi leurs refiefs joliment mis on valeur par les pupitres de flûte et de
hautbois, tous féminins. La Symphonie Jupiter terminait ce très beau programme animé grâce à Neville Marriner d’un souffle justement préromantique. Le lendemain, le pianiste Abdel Rahman el-Bacha
dominait superbement l’ultime Sonate de Beethoven, à l’écriture complexe, dense et terriblement
polyphonique. En véritable compositeur qu’il est, le pianiste libanais a remarquablement su maîtriser
cette matière organisée par un Beethoven qui, coupé depuis vingt ans du monde extérieur par sa
surdité, n’entendait plus en lui-même que l’essence de la musique, sans rapport immédiat avec sa
réalisation.
Dans la sonate Les Adieux, el-Bache a trahi quelque réticence à laisser chanter un discours qui ne
demande qu’à s’envoler. Dans les pièces de Chopin jouées en seconde partie, force fut de constater
que cet excellent pianiste se refuse à utiliser les possibilités mélodiques de son instrument ne
respirant pas suffisamment dans la première Ballade. Les thèmes si belliniens de Chopin ne décollent
jamais, restant dans une sorte de grisaille terre à terre qui coupe tous ses effets à l’andante spianato
et à la Grande Polonaise. Ce vrai musicien devrait prendre conscience que le toucher, au piano, a une
importance majeure, et qu’il convient de le soigner.
Pour le concert de clôture du Festival, le chef estonien Paul Mägi était à la tête de l’orchestre
symphonique national de Lettonie, qui commençait à Cannes une longue tournée européenne.
Comme dans tous les pays nordiques, les cordes de cette formation sont d’une belle homogénéité et
d’une sonorité chaude et puissante. Il est non moins évident que les vents ne sont pas toujours de la
même qualité. Après un Capriccio Italiano de Tchaïkovski, éclatant à souhait, c’est Jean-Marc Luisada
qui était soliste du Concerto en ré majeur de Haydn pour piano. Une très forte unité de conception, un
parti pris très valable de virilité et de luminosité, une technique parfaite, ce fut un Haydn solaire,
brillant de tous les feux d’une saine évidence. Ce qui nous rendit d’autant plus précieuse une Mazurka
de Chopin jouée en bis avec un luxueux raffinement de sonorités. En deuxième partie, Paul Mägi,
clair, précis mais en même temps maître de ses enthousiasmes, nous a offert une belle Symphonie
pathétique de Tchaïkovski, soignant ses effets, attentif aux vraies nuances. Et, en bis, l’ouverture de
Carmen déchaîna la joie d’un public conscient de la chance qui est donnée à Cannes par un Festival
d’hiver d’aussi haut niveau.
Pierre Petit