Décision 10740 - Régie des marchés agricoles et alimentaires du

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Décision 10740 - Régie des marchés agricoles et alimentaires du
RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC
Dossier :
Décision :
10740
Date :
18 août 2015
Présidente :
France Dionne
Régisseurs :
Louis-Philippe Paquin
Daniel Diorio
OBJET :
215-07-10-100
Demande d’exemption à l’article 6.3 du Règlement sur les quotas des producteurs
de lait
FERME JEAN-CLAUDE ET MADELEINE PERREAULT SENC
et
ALEXANDRE PERREAULT
Demandeurs
Et
LES PRODUCTEURS DE LAIT DU QUÉBEC
Mis en cause
DÉCISION
LA DEMANDE
[1]
Le 22 mars 2015, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (la Régie)
reçoit de Ferme Jean-Claude et Madeleine Perreault SENC (Ferme Perreault) ainsi que
d’Alexandre Perreault une demande d’exemption pour céder et relocaliser le quota de Ferme
Perreault.
[2]
Cette demande fait suite à une lettre des Producteurs de lait du Québec (PLQ) avisant
Ferme Perreault, le 16 mars 2015, que le changement du lieu d’exploitation de son quota qui
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aurait été vendu à de nouveaux producteurs est contraire à l’article 6.3 du Règlement sur les
quotas des producteurs de lait1.
LA SÉANCE PUBLIQUE
[3]
La Régie tient une séance publique le 9 juillet 2015, dans les bureaux de la Régie à
Montréal, pour entendre les parties intéressées par la demande.
[4]
Lors de la séance publique, sont présents Ferme Perreault, représentée par Madeleine
T. Perreault et Jean-Claude Perreault, ainsi qu’Alexandre Perreault.
[5]
Les Producteurs de lait du Québec sont représentés par Me Marie-Josée Trudeau,
conseillère à la direction générale. Elle est accompagnée par Julie Malo, agente au
contingentement et au contrôle de qualité.
LE CADRE JURIDIQUE
- Cadre législatif
[6]
L’article 36 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la
2
pêche (la Loi) s’applique à la présente demande :
36.
La Régie peut, aux conditions et pour la période qu'elle détermine :
1°
exempter de l'application totale ou partielle de l'acte constitutif d'une chambre, d'un plan,
d'un règlement ou d'une convention, toute personne ou catégorie de personnes, ou toute société
engagées dans la production ou la mise en marché d'un produit agricole ou la mise en marché
d'un produit de la pêche ou de toute classe ou variété de ces produits;
[…]
- Cadre réglementaire
Version actuelle
[7]
Les articles 1, 6.3, 6.3.1, 6.4, 28 et 42 du Règlement sur les quotas des producteurs de
lait (le Règlement) s’appliquent à la présente demande :
1.
Dans le présent règlement, à moins que le contexte n'indique un sens différent,
les expressions et les mots suivants signifient :
[…]
« exploitation laitière » : l'ensemble des fonds de terre, des bâtiments et des accessoires
nécessaires à la production du quota qui y est exploité;
1
2
RLRQ, chapitre M-35.1, r. 208.
RLRQ, chapitre M-35.1.
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« producteur » : toute personne engagée dans la production de lait ou de crème ou
engagée à la fois dans la production et la mise en marché de lait ou de crème;
« quota » : le volume de lait, exprimé en kilogrammes de matière grasse par jour et
incluant 2 décimales après la virgule, qu'un producteur peut produire au Québec ou
mettre en marché dans le commerce intraprovincial, interprovincial et d'exportation;
« unité de production » : l'ensemble des exploitations laitières d'un producteur, le quota
qui y est exploité et les vaches laitières qui y sont situées;
[…]
6.2.
Un producteur doit exploiter son quota sur au moins 1 et au plus 3 exploitations
laitières qu'il opère. Il ne peut y avoir plus de 10 km entre 2 exploitations laitières d'un
producteur. Une exploitation laitière ne peut faire partie de plus d'une unité de production.
6.3.
Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y
être autorisé.
Les Producteurs autorisent le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans le cas
où le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure
causant des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas
6 mois, en raison de travaux au bâtiment d'élevage.
6.3.1. La demande de changement du lieu d'exploitation d'un quota doit être faite par
écrit et accompagnée d'un plan du lieu visé par la demande, ainsi que, le cas échéant,
d'une preuve de détention d'actions ou de parts sociales, d'une preuve des dommages
causés au bâtiment d'élevage, d'une copie du permis de construction du bâtiment
d'élevage ou de tout autre document requis pour le traitement de la demande.
Les Producteurs refusent toute demande de changement du lieu d'exploitation d'un quota
lorsque le producteur fait défaut de fournir les renseignements ou les documents requis.
6.4.
Un producteur doit être propriétaire des vaches laitières qui sont situées sur son
exploitation laitière.
Un producteur doit être propriétaire ou locataire de son exploitation laitière. Dans le cas
d'une location, le bail doit être d'une durée d'au moins 5 ans, ne pas être résiliable avant
l'arrivée du terme et être publié au registre foncier.
28.
Sous réserve de la section IX, nul ne peut acquérir ou céder un quota, en tout ou
3
en partie, autrement qu'en suivant la procédure prévue à la présente section.
42.
Est exempte de l'application de la section VII, la cession de quota qui remplit les
3 conditions suivantes:
1°
elle est faite à la suite d'un changement de régime juridique d'une unité de
production ou lorsqu'un producteur cède tout son quota à un producteur qui, à la suite de
la cession, ne détient que le quota qui lui est ainsi cédé;
3
4
2°
le lieu où est exploité le quota ne change pas;
3°
le quota est exploité sur le lieu depuis au moins 5 ans.
Cet article se trouve dans la section VII.
Cet article se trouve dans la section IX.
4
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Historique de l’article 6.3
[8]
Le 3 octobre 2012, un producteur peut changer le lieu d’exploitation de son quota s’il est
autorisé par l’office qui gère le Plan conjoint (1980) des producteurs de lait5 (le Plan conjoint) et
qui, avant le 1er mai 2014, était la Fédération des producteurs de lait du Québec :
6.3.
Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y
être autorisé.
La Fédération autorise le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans les cas
suivants :
1°
le producteur exploite le quota qu'il détient sur le même lieu depuis au moins
5 ans au moment du dépôt de la demande.
Lorsque le producteur est une personne morale ou une société, au moins 50 % de la
totalité des actions émises ou des parts sociales du producteur doivent être détenues par
les mêmes personnes physiques, personnellement ou par l'entremise de personnes
morales ou de sociétés dont elles détiennent seules le contrôle et la totalité des actions
émises ou des parts sociales, depuis au moins 5 ans au moment du dépôt de la
demande;
2°
le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure
causant des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas
6 mois, en raison de travaux au bâtiment d'élevage.
[9]
Le 21 janvier 2014, à la suite de la Décision 10147, l’article 6.3 se lit :
6.3
Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y
être autorisé.
La Fédération autorise le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans le cas où le
producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure causant
des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas 6 mois, en
raison de travaux au bâtiment d'élevage.
[10]
La résolution prise par les PLQ, pour justifier le règlement qui est approuvé par cette
Décision 10147, se lit :
CONSIDÉRANT que la Fédération a adopté le Règlement sur les quotas des producteurs
de lait (ci-après le « Règlement »);
e
CONSIDÉRANT que le Règlement prévoit, au paragraphe 1 du 2 alinéa de l'article 6.3,
que le producteur qui exploite son quota sur le même lieu depuis au moins 5 ans est
autorisé à changer le lieu de l'exploitation, pourvu que 50 % de la totalité des actions
émises ou des parts sociales du producteur constitué en personne morale ou en société
soient détenues par les mêmes personnes depuis plus de 5 ans avant le changement du
lieu d'exploitation;
CONSIDÉRANT que cette disposition a été adoptée afin de permettre à un producteur de
relocaliser son exploitation laitière lorsqu'il s'agit d'un vrai déménagement et qu'il ne s'agit
pas d'un moyen détourné pour obtenir du quota autrement que de la manière prévue au
Règlement;
5
RLRQ, c. M-35.1, r. 205.
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CONSIDÉRANT que le texte actuel du Règlement ne permet pas à la Fédération de
refuser les demandes de changement du lieu d'exploitation d'un quota lorsqu'il s'agit d'un
moyen détourné pour obtenir du quota autrement que de la manière prévue au
Règlement;
CONSIDÉRANT qu'il y a lieu d'empêcher ce type de transferts de quota allant à
l'encontre des orientations de la Fédération (transparence, accès égal au quota
disponible, équité entre les producteurs et maintien des fermes sur tout le territoire) et qui
s'accentue dans un contexte de rareté du quota;
CONSIDÉRANT que la Fédération souhaite bénéficier du temps nécessaire à la tenue
d'une réflexion sur la meilleure manière d'encadrer les demandes de changements du
lieu d'exploitation de quota pour respecter les orientations prises par les producteurs au
cours des dernières années;
CONSIDÉRANT qu'il y a lieu d'empêcher l'utilisation des dispositions autorisant les
changements de lieu d'exploitation afin de transférer un quota jusqu'à l'entrée en vigueur
des modifications à apporter au Règlement;
[11]
En vertu de la Décision 10389 du 14 avril 2014, la référence à la Fédération est
remplacée, à compter du 1er mai 2014, par une référence aux PLQ qui, à cette date, sont
chargés d’appliquer le Plan conjoint :
6.3.
Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y
être autorisé.
Les Producteurs autorisent le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans le cas
où le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure
causant des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas
6 mois, en raison de travaux au bâtiment d'élevage.
[12]
Le 14 décembre 2014, les PLQ demandent à la Régie d’approuver un Règlement
modifiant le Règlement des quotas des producteurs de lait pris par les membres du conseil
d’administration des PLQ lors d’une réunion tenue les 20, 21 et 22 octobre 2014. Selon ce
règlement, les producteurs pourraient changer le lieu d’exploitation de leur quota, avec
l’autorisation des PLQ, si ce changement :
i)
est rendu nécessaire notamment en raison de la désuétude ou de la capacité du
bâtiment d'élevage, de l'échéance du bail de location d'une unité d'exploitation, d'une
expropriation ou d'une contravention à des normes environnementales ou municipales;
ii)
ne constitue pas un moyen de céder, d'acquérir ou de transférer directement ou
indirectement un quota;
iii)
le quota est détenu que par des personnes physiques qui l'ont acquis
conformément à la section VII ou par des personnes physiques qui le détiennent
directement ou indirectement depuis au moins 5 ans au moment du changement du lieu
d'exploitation du quota ou par un ou des descendants directs de ces personnes
physiques qui ont acquis ce quota conformément à l'article 42.2 et une personne qui a
acquis indirectement ce quota conformément à l'article 42.3.
[13]
La Régie n’a pas, à ce jour, rendu de décision sur la demande des PLQ du 14 décembre
2014.
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LES FAITS
[14]
Les faits pertinents à l’étude de la présente demande ne sont pas contestés.
[15]
Madeleine T. Perreault et Jean-Claude Perreault exploitent une ferme laitière depuis
1987. En 2007, à la fin de ses études en agriculture, leur fils Jean-Philippe Perreault (JeanPhilippe) se joint à la ferme familiale et le transfert de la ferme débute l’année suivante. JeanPhilippe est actuellement sociétaire majoritaire de Ferme Perreault. Le quota actuel s’élève à
34,9 kg de matière grasse par jour incluant un prêt de 4,7 kg dans le cadre du programme
d’aide à la relève.
[16]
Au printemps 2015, Jean-Philippe ayant toujours eu une préférence pour les champs et
les productions végétales, désire réorienter sa carrière d’agriculteur vers une autre production
agricole que la production laitière et acquiert une autre ferme.
[17]
Madeleine T. Perreault et Jean-Claude Perreault désirent se retirer de la production
laitière et veulent convertir l’étable actuelle en bâtiment pour bovins de boucherie. Ferme
Perreault décide alors de vendre le quota, les vaches et l’équipement relié à la production
laitière.
[18]
Ferme Perreault n’ayant aucune autre relève familiale, aimerait aider un jeune à s’établir
et ainsi permettre la pérennité de la production laitière dans sa région, d’où la présente
demande.
[19]
Alexandre Perreault manifeste de l’intérêt pour exploiter une entreprise laitière et
propose d’acheter, de Ferme Perreault, le quota, les vaches et l’équipement laitier. Le quota
serait acheté au même prix que celui payable sur le Système centralisé de vente de quota (le
SCVQ), soit 25 000 $ par kg de matière grasse par jour. Puisqu’il ne peut avoir accès aux
bâtiments de Ferme Perreault, Alexandre Perreault transfèrerait la production du quota à 7 km
de la ferme actuelle, dans une étable louée à Ferme Raylou inc. (Raylou), située au
143, chemin Le Tour-du-Carré dans la municipalité de Brébeuf.
[20]
Raylou consent, le 8 juillet 2015, à signer un bail notarié de cinq ans pour la location par
Alexandre Perreault de l’étable située au 143, chemin Le Tour-du-Carré à Brébeuf. De plus,
selon une entente verbale, Raylou fournirait les fourrages pour l’alimentation du troupeau
d’Alexandre Perreault.
[21]
Alexandre Perreault détient une lettre d’intention de La Financière agricole du Québec
pour le financement de son projet.
L’ARGUMENTATION
[22]
Les PLQ ne s’opposent pas à l’exemption demandée de l’application de l’article 6.3 du
Règlement dans le présent dossier et s’en remettent au bon jugement de la Régie.
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[23]
Ils invoquent cependant le fait que la perte d’un producteur laitier dans une municipalité
comme Brébeuf, qui en compte peu, a un impact important notamment sur la logistique de
ramassage du lait et sur la fourniture de services connexes dont ont besoin les producteurs de
lait comme les services vétérinaires et ceux du suivi des troupeaux.
[24]
En juillet 2015, la municipalité de Brébeuf compte cinq producteurs laitiers, incluant
Ferme Perreault. Ceux-ci représentent 63 % des producteurs du secteur Les Pays-d’enHaut/Les Laurentides. Au même moment, le groupe régional Outaouais-Laurentides qui
comprend Les Pays-d’en-Haut/Les Laurentides, compte 261 fermes laitières. Ce groupe
régional a perdu 12 % de ses fermes depuis 5 ans, ce qui est supérieur à la moyenne
provinciale se situant à 9 %.
[25]
Les PLQ rappellent la Décision 9846, du 19 mars 2012, qui pourrait justifier l’exemption
demandée :
[32]
Ce projet permet toutefois de garder dans la même région un quota de lait, qui
est actuellement exploité dans une étable désuète, pour lequel il n’y a pas de relève et de
remettre en activité une ancienne ferme laitière de La Conception qui est en très bon état
et pour laquelle il n’y a également pas de relève.
[33]
Il est important de souligner, en effet, que même si le projet vise à changer le lieu
où est exploité le quota, celui-ci sera exploité à La Conception dans le secteur Nord de la
Rivière Rouge, soit le même secteur que celui dans lequel est située la Ferme Fleurent
Prud’Homme à Brébeuf.
[34]
La Régie estime qu’il est souhaitable d’assurer la pérennité de la production
laitière sur tout le territoire du Québec. Cette vision est également partagée par la
Fédération.
[35]
La Régie considère qu’il est particulièrement souhaitable de conserver une ferme
laitière dans un secteur qui en compte peu parce que la disparition d’une telle ferme
pourrait avoir des effets négatifs sur les autres fermes laitières du secteur notamment par
une diminution des services disponibles.
(Soulignements des PLQ)
[26]
Les PLQ soulignent également que l’exemption pourrait être accordée puisqu’Alexandre
Perreault satisfait aux conditions du règlement pris par le conseil d’administration des PLQ en
ce qu’il ne peut exploiter le quota dans les lieux où il est exploité par Ferme Perreault puisque
les bâtiments de cette dernière ne sont pas disponibles.
L’ANALYSE ET LA DÉCISION
[27]
La Régie ne doute pas du sérieux et du potentiel de M. Alexandre Perreault ainsi que
des intentions de Ferme Perreault. Elle est aussi consciente et sensible aux difficultés liées au
démarrage d’une nouvelle entreprise laitière, à l’importance de faciliter l’établissement de la
relève agricole, à l’intérêt de conserver des fermes laitières sur tout le territoire du Québec et de
maintenir une masse critique de producteurs dans certaines régions dites éloignées des grands
centres.
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[28]
Le jour même de la séance publique, la Régie a entendu un autre dossier dans lequel un
producteur aurait planifié le changement du lieu où était exploité le quota qu’il voulait acquérir
suivant l’article 42 du Règlement avant même que le transfert ne soit autorisé. Après avoir
accepté le transfert de quota, les PLQ s’opposent à la demande de changement du lieu où il est
exploité au motif que le producteur a essayé de faire indirectement ce qu’il n’aurait pu faire
directement. Pour les PLQ, le fait que ce producteur cherche à changer le lieu où il exploite son
quota pour une ferme située dans une région qui compte déjà de nombreux producteurs est un
facteur important pour le rejet de la demande d’exemption de même que le fait que ce
producteur ne se retrouve pas dans une des situations qui justifieraient un changement, si le
règlement pris par le conseil d’administration des PLQ, en octobre 2014, était approuvé.
[29]
La Régie comprend que les producteurs de lait ont dû faire des choix au cours des
dernières années étant donné la rareté de quota sur le SCVQ. Ainsi, ils ont préféré que les
producteurs actuels aient accès à de la croissance avant que de nouveaux producteurs
puissent entrer en production.
[30]
C’est ainsi que le Règlement a été modifié, le 25 janvier 2012, par la publication à la
Gazette officielle du Québec de la Décision 9811 approuvant le Règlement modifiant le
Règlement sur les quotas des producteurs de lait pris par les membres du conseil
d’administration de l’office appliquant le Plan conjoint (1980) des producteurs de lait du
Québec6.
[31]
La décision de prendre ce règlement, qui enlève aux personnes qui ne détiennent pas
de quota le droit d’acquérir du quota sur le SCVQ en priorité, est justifiée de la manière
suivante :
CONSIDÉRANT que la Fédération a adopté le Règlement sur les quotas des producteurs
de lait (ci-après le « Règlement ») qui contient des dispositions établissant le Système
centralisé de vente des quotas (ci-après le « SCVQ ») par lequel les producteurs peuvent
transiger leur quota;
CONSIDÉRANT que le Règlement prévoit, à l'article 41.1, des règles de répartition du
quota lorsque les quantités mises en, vente sont insuffisantes pour combler toutes les
demandes des producteurs acheteurs, notamment la règle qui prévoit l'octroi en priorité
d'une quantité maximale de 12 kg de quota sur les quantités disponibles à l'acheteur
bénéficiant du programme d'aide au démarrage et à celui qui ne détient pas de quota au
moment de la vente;
CONSIDÉRANT que depuis plusieurs mois, les quantités de quota mises en vente par
les producteurs sur le SCVQ sont insuffisantes pour combler la demande des
producteurs acheteurs et que, par conséquent, l'article 41.1 est systématiquement
appliqué;
CONSIDÉRANT que dans ce contexte, l'accès prioritaire accordé à un non-détenteur de
quota pour l'achat des premiers 12 kg de quota soulève un enjeu de crédibilité face aux
producteurs en permettant de démarrer de nouvelles fermes, alors que le système peine
à répondre aux besoins de croissance des fermes existantes;
6
RLRQ., c. M-35.1, r. 205.
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CONSIDÉRANT aussi que l'appétit pour obtenir davantage de quota que ce qui est
disponible peut inciter des producteurs à contourner les règles et utiliser cet accès
prioritaire dans le but de faire des expansions déguisées, ce qui risque d'accentuer la
pression sur le SCVQ;
CONSIDÉRANT que les personnes qui souhaitent s'établir en production laitière ont
d'autres options à leur disposition avec le programme d'aide au démarrage d'entreprises
laitières ou l'acquisition d'une entreprise existante;
CONSIDÉRANT par ailleurs, que le phénomène de rareté du quota a amené la
Fédération à former un comité, à la demande des délégués réunis en assemblée
générale en avril 2011, pour étudier les problématiques reliées à la faible quantité de
quota disponible sur le SCVQ;
CONSIDÉRANT qu'à la suite de ses travaux et pour les raisons mentionnées
précédemment, le comité a recommandé de limiter l'accès prioritaire au SCVQ pour
l'achat des premiers 12 kg de quota aux fermes bénéficiant d'un prêt émis en vertu du
programme d'aide au démarrage;
CONSIDÉRANT que cette recommandation a été soumise aux délégués réunis pour une
journée de réflexion le 23 novembre 2011 et que ceux-ci se sont prononcés en faveur de
cette recommandation.
(Nos soulignements)
[32]
L’article 28, de la section VII du Règlement, stipule que « Sous réserve de la section IX,
nul ne peut acquérir ou céder un quota, en tout ou en partie, autrement qu'en suivant la
procédure prévue à la présente section. » Cette procédure oblige de passer par le SCVQ.
[33]
Les règles d’attribution du quota sur le SCVQ, lorsque les quantités disponibles sont
insuffisantes pour combler la demande, sont connues et assurent une équité dans le traitement
des demandes d’acquisition de quota de production de lait en attribuant environ 50 % du quota
disponible par itération entre les acheteurs, par tranche de 0,1 kg de matière grasse par jour et
en répartissant le solde entre les producteurs, en proportion du quota qu’ils ont demandé et qui
n’a pas été comblé par l’itération,
[34]
La Régie est consciente que, depuis quelques années, les quantités offertes sur le
SCVQ sont minimes et que très souvent plus du tiers des producteurs de lait du Québec ont
essayé d’acheter du quota sur le SCVQ lors de la vente mensuelle. Les producteurs qui
désirent acquérir du quota le font donc à un rythme très lent. De plus, en période de rareté de
quota comme celle qui sévit depuis plusieurs années, l’absence de priorité empêche, à toutes
fins pratiques, une personne qui n’est pas un producteur de lait d’acquérir du quota sur le
SCVQ.
[35]
Dans cette perspective, le recours à l’article 42 doit être bien encadré. Il y a lieu de faire
en sorte que des exemptions à l’article 42 ne viennent pas réduire la quantité de quota qui, sans
ces exemptions, se retrouverait sur le SCVQ et serait partagée selon des règles équitables et
transparentes entre tous les producteurs intéressés.
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[36]
La Régie estime qu’elle ne peut assouplir le paragraphe 2 de cet article 42 sans trahir
l’esprit du Règlement. Il devrait, en effet, être très difficile d’obtenir une exemption qui ferait
passer une personne qui n’est pas un producteur de lait devant tous les producteurs actuels
pour l’obtention de quota et, cela, surtout en période de rareté de quota.
[37]
La Régie considère que la relocalisation du quota de Ferme Perreault ne respecte pas
les articles 6.3 et 6.3.1 du Règlement, puisqu’aucune justification pour cause majeure ou de
désuétude du bâtiment n’a été évoquée pour le transfert de la production vers une autre étable.
En fait, les propriétaires de Ferme Perreault désirent arrêter la production laitière, mais veulent
conserver leur bâtiment pour y abriter des bovins de boucherie.
[38]
De plus, la démonstration n’a pas été faite que l’étable de Raylou, qui date de 1980,
serait supérieure à celle de Ferme Perreault pour la production laitière. Comme le
déménagement n’est pas justifié, le changement du lieu d’exploitation du quota deviendrait un
moyen détourné de transférer du quota autrement que de la manière prévue par le Règlement.
[39]
Par conséquent, aucun motif parmi ceux qui sont retenus par les PLQ suivant leur
décision d’octobre 2014 ne justifierait la Régie d’autoriser le transfert du quota et du lieu
d’exploitation du quota de Ferme Perreault à Alexandre Perreault.
[40]
En fait, pour paraphraser le texte que les PLQ demandent à la Régie d’approuver, le
déménagement du quota par Alexandre Perreault n’est pas rendu nécessaire notamment en
raison de la désuétude ou de la capacité du bâtiment d'élevage, de l'échéance du bail de
location d'une unité d'exploitation, d'une expropriation ou d'une contravention à des normes
environnementales ou municipales. Il constitue un moyen de céder, d'acquérir ou de transférer
directement ou indirectement un quota.
[41]
Quant au précédent que pourrait représenter la Décision 9846 du 3 avril 2012, la Régie
souligne que cette décision a été rendue alors que le phénomène de rareté de quota n’avait pas
encore atteint les niveaux actuels.
[42]
Dans la Décision 9928 du 28 août 2012, la Régie conclut :
[49]
Par ailleurs, Rémy Fontaine n'a pas encore utilisé tous les moyens à sa
disposition pour se lancer en production laitière : il n'a pas participé au programme d'aide
au démarrage prévu au Règlement.
[50]
La Régie est sensible aux demandes des jeunes qui souhaitent se lancer en
production laitière mais elle comprend aussi les motivations de la Fédération et des
producteurs de lait qui souhaitent favoriser le maintien des fermes laitières en place dont
plusieurs ont besoin de quota pour améliorer leur situation.
[51]
Le pouvoir d’exempter donné à la Régie par l’article 36 de la Loi ne peut
s’exercer parce que des demandeurs sont sympathiques ou parce qu’ils mériteraient un
peu d’aide. La Régie doit s’assurer lorsqu’elle accorde une exemption que tous les autres
producteurs qui sont dans la même situation et qui demanderaient une exemption
pourraient en obtenir une.
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[52]
Comme la Régie l’a rappelé à quelques occasions, le fardeau de demandeurs qui
cherchent à convaincre la Régie de l’opportunité de leur accorder une exemption quant à
l’application de dispositions réglementaires qui s’appliquent à tous les producteurs sera
d’autant plus lourd que la demande d’exemption vise à faire passer l’intérêt d’un
producteur avant celui des autres.
[53]
En l’absence de circonstances particulières qui justifieraient de donner à Rémy
Fontaine un avantage sur les producteurs de lait qui chaque mois tentent d’acquérir du
quota alors qu’il y en a très peu sur le SCVQ, la Régie refuse la demande d’exemption de
Rémy Fontaine et de Michel Marion.
(Nos soulignements)
[43]
La Régie considère que ce serait inéquitable d’avantager Alexandre Perreault par
rapport aux autres producteurs qui tentent, mois après mois, d’acquérir du quota sur le SCVQ.
Si les producteurs de lait souhaitent modifier les dispositions réglementaires de manière à
assurer un nombre critique de producteurs de lait dans toutes les régions du Québec, ils le
feront.
[44]
Par ailleurs, la Régie s’est déjà prononcée sur le droit d’une personne qui n’est pas un
producteur d’être exemptée de l’application d’un règlement. Elle écrivait dans la Décision 9772
du 7 octobre 2011 :
[41]
Les pouvoirs de la Régie d'exempter une personne de l'application d'un
règlement sont des pouvoirs d'exception. L'article 36 limite les pouvoirs de la Régie
d'exempter une personne de l'application d'un règlement aux personnes qui sont
engagées dans la production ou la mise en marché d'un produit agricole.
[42]
Ferme Bellhoule n'est pas un producteur de lait. Elle n'est ni engagée dans la
production ni engagée dans la mise en marché du lait. Elle a cessé de l'être en 2008.
[43]
La Régie n'est pas un tribunal d'équité, mais un organisme de régulation
économique. Permettre à une personne de déroger à une obligation réglementaire
d'application générale et impersonnelle doit, par définition, demeurer une mesure
d'exception sous peine de créer un chaos. La Régie a déjà reconnu que les demandes
d'exemption ne devaient pas être contraires à l'objet de la Loi ou du plan, ni venir en
opposition à l'intérêt général des producteurs.
[44]
Le texte de l'article 36 de la Loi est clair, la Régie ne peut l'exempter une
personne, qui n'est ni engagée dans la production ni engagée dans la mise en marché du
lait, d'un règlement pris dans le cadre du Plan conjoint (1980) des producteurs de lait du
Québec.
[45]
Cette décision soumise au contrôle judiciaire de la Cour supérieure a été jugée bien
fondée et ses conclusions maintenues.7
[46]
L’exemption du paragraphe 2 de l’article 42 bénéficierait non pas à Ferme Jean-Claude
et Madeleine Perreault SENC, mais à Alexandre Perreault qui n’est pas un producteur de lait. Il
n’y a pas lieu de créer un tel précédent.
7
Ferme Bellhoule inc. c. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, 2013 QCCS 2484.
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RMAAQ
Décision 10740
POUR CES MOTIFS, LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU
QUÉBEC :
REJETTE la demande de Ferme Jean-Claude et Madeleine Perreault SENC et d’Alexandre
Perreault.
REFUSE d’accorder à Ferme Jean-Claude et Madeleine Perreault SENC et à Alexandre
Perreault une exemption quant à l’application du paragraphe 2 de l’article 42 du Règlement sur
les quotas des producteurs de lait.
(s) France Dionne
(s) Daniel Diorio
(s) Louis-Philippe Paquin

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