La Rue de la Honte
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La Rue de la Honte
La Rue de la Honte Mizoguchi Kenji — 1956 Scénario : Photographie : Musique : Interprètes : Narusawa Masachige Miyagawa Kazuo Mayazumi Toshio Kyo Machiko Wakao Ayako Kawakami Yasuko Shindo Eitaro Sugawara Kenji Miake Bontaro Tokyo, 1956 — Entre tradition et néons à l’américaine, filles de joie et tenanciers du Quartier des Plaisirs mènent leur vie, une oreille à l’écoute de la radio : l’Assemblée Nationale discute d’une loi sur la prostitution… Les acteurs Quizz : citez des acteurs japonais de renommée internationale. • Mifune Toshiro (l’acteur fétiche de Kurozawa). Un ! • Okada Eiji (le partenaire d’Emmanuelle Riva dans Hiroshima mon amour). Bien, vous êtes doué. • Hayakawa Sessue. Ah, Forfaiture (Cecil Blough DeMille, 1915; Marcel L’Herbier, 1937)… ça ne nous rajeunit pas mais je n’avais pas demandé “d’après-guerre”. • ??? hélas ! Et pourtant Kyo Machiko (Miki, l’us-boy toy) a également incarnée l’Impératrice Yang Kwei-Fei et la princesse-serpent Wasaka des Contes de la lune vague (beau répertoire !); Shindo Eitaro (le “patron”, reprenant son rôle des Sœurs de Gion 20 ans auparavant), fut le cruel Intendant Sansho… Mais ils ne sont pas connus; les Occidentaux auraient-ils un blocage psychologique avec les noms orientaux ? Le Maître Mizoguchi Kenji est né le 16 mai 1898 à Tokyo. Sa famille était pauvre (père chômeur) et il n’a pu faire des études artistiques que grâce aux subsides fournis par sa sœur aînée, qui était la maîtresse d’un noble. Engagé comme assistant-réalisateur en 1920, il dirige son premier film deux ans plus tard. Selon les sources, on lui attribue plus de 200 ou “seulement” 85 films — la différence est peut-être celle entre les films auxquels il a participé et ceux qu’il a pleinement dirigé. Tous sont malheureusement d’accord sur un point : il ne subsiste qu’une trentaine de ses films, essentiellement les derniers. Très tôt, son œuvre se concentre sur la condition féminine — à savoir celle d’une marchandise que l’on échange, vend ou jette au gré des circonstances et des enjeux successifs du pouvoir. Officiellement, l’élève a choisi ce thème car ses maîtres avaient déjà traité les thèmes masculins. Le féminisme n’est évidemment pas une opinion courante à l’époque, mais cela n’empêche pas ses films de rencontrer un grand succès : L’élégie d’Osaka (un de ses préférés) est le meilleur film japonais d’avant-guerre. C’est aussi avec ce film qu’il se heurte à la censure, évitant l’interdiction. Il abandonne alors le naturalisme, trop dangereux, et se réfugie dans les films historiques à costumes (jidai-geki), mieux acceptés — alors qu’il sont tout aussi radicaux : par exemple, le héros supposé des Chrysanthèmes tardifs (biographie d’un acteur célèbre) est littéralement déporté hors du film par sa compagne, sacrifiée à l’art, et dont la mort solitaire supplante le triomphe de l’homme. Avec l’occupation américaine il se lance dans des films explicitement militants qui ne sont pas mieux reçus par les nouveaux censeurs. Retour au passé et aux contes. Les femmes sont toujours au premier plan, belles et dignes; la société mâle impose sa conclusion : le suicide, souvent, l’exécution sinon (L’Impératrice Yang Kwei-Fei, Les amants crucifiés). L’Intendant Sansho fait pleurer le Japon tout entier sur ce xi siècle où “l’homme n’avait pas encore découvert son humanité”. L’œuvre du maître atteint alors l’Europe, à la suite de celle du jeune Kurozawa : Rashomon triomphe au Festival de Venise en 1951 et Mizoguchi s’abonne au Lion d’argent pour les trois éditions suivantes. Enfin, en 1956, Mizoguchi revient au naturalisme : La Rue de la Honte ajoute une pierre moderne au cycle de Gion à l’occasion d’un débat à l’Assemblée — qui s’est un peu mieux terminé que celui du film. Le plan séquence, qu’il a poussé à la perfection artistique avec les Contes de la lune vague, trouve un nouveau terrain à envahir; les portraits des prostituées occupent naturellement tout le champ narratif, l’histoire — simple prétexte — s’efface totalement. Mizoguchi n’a que 58 ans. Il est prêt à entreprendre une nouvelle carrière. Il n’en aura pas le temps : il meurt à Kyoto le 24 août 1956. Poignardé dans un bordel… Quelques films… 1933 1935 1936 1939 1948 1950 1951 1953 1954 1955 1956 La fête de Gion (Gion est le quartier des lanternes rouges à Tokyo) L’histoire d’Oyuki (d’après “Boule de suif” de Maupassant) Les sœurs de Gion L’élégie d’Osaka Chrysanthèmes tardifs L’amour de l’actrice Sumako Le destin de Madame Yuki La vie d’O’Haru, femme galante (Lion d’Argent, Venise 1952) La dame de Musachino Les Contes de la lune vague après la pluie (Lion d’Argent, Venise 1953) Les musiciens de Gion L’Intendant Sansho (Lion d’Argent, Venise 1954) L’Impératrice Yang Kwei-Fei (tourné en Chine; film en couleurs) Les amants crucifiés Le héros sacrilège (second film en couleurs) La Rue de la Honte