Une lutte sans merci

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Une lutte sans merci
sans merci
/ RÉNALD FORTIER
LA CCQ MET TOUT EN ŒUVRE POUR CONTRER LES ACTIVITÉS ILLÉGALES ET
L’ÉVASION FISCALE DANS L’INDUSTRIE. AVEC TOUJOURS PLUS D’IMPACT.
a Commission de la construction du Québec (CCQ) déploie des
efforts sans précédents pour favoriser une saine concurrence
entre les entrepreneurs et faire échec à l’évasion fiscale. Si bien
qu’elle prend tous les moyens à sa disposition pour changer les comportements dans l’industrie : resserrement de ses règles visant à s’assurer de la conformité des chantiers, raffinement de ses méthodes d’enquête, utilisation accrue des pouvoirs que lui confère la loi R-20…
Une lutte sans merci, donc, qui l’a amenée au cours des derniers mois
à revoir ses processus internes, à restructurer ses équipes et à repositionner ses interventions. À commencer par le raffermissement de l’application des règles auxquelles sont soumis les entrepreneurs et les salariés de l’industrie.
« La CCQ est engagée dans une démarche lui permettant d’être toujours plus percutante. Elle prend les moyens pour mieux s’outiller dans
le but d'assainir les pratiques dans l’industrie, mais aussi de mieux utiliser les outils dont elle dispose déjà pour ce faire », indique Guy Lacroix,
vice-président aux opérations de l’organisme.
C’est ainsi qu’elle a notamment mis fin à sa pratique administrative d’allouer un délai de régularisation de 60 à 75 jours aux travailleurs qui contreviennent à l’obligation de détenir un certificat de compétence sur un chantier. Désormais, chaque infraction est analysée et transférée au Directeur
des poursuites criminelles et pénales, sans égard aux démarches entreprises par le travailleur ou son employeur pour régulariser la situation.
En plus de cesser d’appliquer une certaine pondération pour les entrepreneurs lorsqu’il y avait plusieurs infractions de même nature, elle a aussi adopté une approche très ferme à l’égard des déclarations de mouvement des travailleurs. Ainsi, afin de soutenir la qualité des renseignements colligés dans les bases de données servant à la référence et à la
gestion des bassins de main-d’œuvre, les employeurs doivent obligatoirement déclarer leurs avis d’embauche et de fin d’emploi dans un délai
de 48 heures. Sinon, une recommandation de poursuite pénale sera formulée chaque fois qu’une infraction sera constatée.
Au-delà du resserrement de ses règles, la CCQ a entrepris de revoir
ses processus internes pour optimiser l’efficacité de traitement des
infractions pénales. À telle enseigne que les contrevenants doivent s’attendre à constater beaucoup plus rapidement l’effet de leurs infractions.
« Plus vite une amende parviendra au fautif, note Guy Lacroix, plus vite
il mesurera la conséquence de son geste.
« L’idée, poursuit-il, c’est que l’amende soit contemporaine au constat
de l’infraction pour amener l’entrepreneur à changer son comportement
rapidement. Si des délais administratifs font en sorte que l’amende tar-
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de à lui être transmise, elle sera oubliée pour un temps et il y a de fortes
chances qu’il continuera de contrevenir aux règles dans l’intervalle. »
D’autres processus sont également en révision, notamment celui portant sur le traitement des plaintes. En vue de l’améliorer, bien sûr, mais
aussi de faire primer encore davantage la stratégie d’intervention de la
CCQ en matière d’enquête. Guy Lacroix explique : « Par le biais des
dénonciations qui nous sont adressées, les gens de l’industrie nous
transmettent beaucoup d’information sur des situations de non-conformité. Et ça nous est essentiel il va sans dire.
« L’information pertinente qui nous est transmise continue évidemment
d’être intégrée à nos stratégies, ajoute-t-il, mais sans que l’on soit nécessairement à la remorque des plaintes. Nous voulons que nos interventions soient encore plus imprévisibles pour être en mesure de frapper
aux bons endroits, là où nous aurons le plus d’impact. »
POUVOIRS DE LA LOI R-20
Là ne s’arrête pas la liste de moyens que se donne la CCQ pour veiller
à la probité de l’industrie, car elle est également bien déterminée à se
prévaloir de tous les pouvoirs que lui confère la loi R-20. Comme le droit
de se rendre au siège d’une entreprise à toute heure raisonnable, mais
sans s’annoncer au préalable, et d’exiger l’accès à son registre de paie
et à ses livres comptables sur-le-champ.
« Avec tous les pouvoirs que nous donne la loi en matière de perquisition, signale le vice-président aux opérations de la CCQ, c’est le genre
d’action qu’on va poser beaucoup plus dans le futur pour obtenir les
documents permettant de mener à bien nos enquêtes. C’est un outil que
nous avions déjà dans notre coffre, mais nous allons l’utiliser davantage,
encore là pour agir de façon plus spontanée et être plus percutants. »
Autre exemple s’inscrivant dans cette même trame : le recours accru
au pouvoir du commissaire enquêteur. Déjà prévu par la loi, mais peu
utilisé par le passé, il permet à la CCQ de convoquer des gens, par voie
de subpoenas, pour obtenir des réponses à ses questions dans le cadre
de ses enquêtes. Un droit dont elle n’entend pas se passer lorsque la
situation l’exigera.
C’est sans compter que des modifications apportées à la loi R-20 l’automne dernier par le gouvernement du Québec, et qui entreront en
vigueur dans les prochains mois, permettront à la CCQ de pousser encore plus avant ses efforts visant à assainir les pratiques dans l’industrie.
Entre autres du côté des entrepreneurs autonomes.
« Il y aura notamment des modifications autour de la présomption du
lien d’emploi travailleur-employeur et des recours permis par le biais de
GUY LACROIX, VICE-PRÉSIDENT
AUX OPÉRATIONS DE LA CCQ
/ PHOTO : CCQ
l’évaluation des travaux. Nous pourrons donc évaluer le nombre d’heures
qui auraient dû être requises pour exécuter des travaux et engager des
poursuites plus facilement sur cette base », précise Guy Lacroix, en soulignant que les entrepreneurs seront dorénavant tenus de conserver leurs
documents pour une durée prescrite par la loi.
STRUCTURE D’INTERVENTION
La CCQ, on le voit, peut désormais miser sur un coffre d’outils de mieux
en mieux garni pour contrer les activités illégales dans l’industrie, mais
aussi sur une nouvelle structure d’intervention adaptée à la réalité à
laquelle elle est confrontée. Parce que ce grand pan de l’activité économique québécoise, qui est depuis toujours en proie au travail au noir,
prête plus que jamais flanc à l’infiltration du crime organisé. Comme l’ont
notamment mis en lumière les travaux de la Commission Charbonneau.
Cette nouvelle structure s’articule autour d’un réseau régional d’inspecteurs de chantiers et d’enquêteurs aux livres ; d’une équipe de soutien pour des enquêtes particulières ; d’une escouade tactique regroupant notamment des enquêteurs chevronnés ; et d’un réseau de partenaires parmi lesquels figurent notamment l’Agence du revenu du Québec,
la Régie du bâtiment du Québec, l'UPAC et les forces policières.
« L’équipe tactique a été mise en place pour s’attaquer aux stratagèmes, aux structures organisées et aux comportements plus systémiques, indique Guy Lacroix. Comme c’est plus gros, il faut des forces
et des stratégies différentes.
« Compte tenu que ce sont des causes de nature pénale et que l’on
a de la difficulté à faire témoigner les plaignants, parce qu’ils craignent
de subir des représailles financières et physiques, il nous faut monter des
preuves hors de tout doute. La seule façon de faire alors, c’est de varier
nos méthodes d’enquête pour faire une démonstration avec des documents ou des observations. »
La CCQ vise ainsi à ficeler du mieux possible les dossiers avant de les
transmettre aux autorités policières, bref de façon à permettre à ces dernières de poursuivre le travail en les amenant jusqu’au bon niveau de
priorité. Question de s’assurer que ses interventions aient encore et toujours plus d’impact.
Miser sur la technologie
Pour resserrer davantage l’étau sur les activités illégales dans l’industrie, la CCQ a intégré au sein d’une même équipe ses inspecteurs de chantiers,
ceux chargés d’enquêter aux livres et ses autres employés du bureau régional chargés de veiller à la conformité des lois fiscales et de la construction.
Mais non sans voir à leur fournir des outils à la fine pointe de la technologie.
« Nous allons mettre de plus en plus la technologie au service de l’inspection, indique Guy Lacroix. À la fin de 2013, nous avons déployé un nouvel outil
dans les mains de nos inspecteurs pour leur permettre d’effectuer leur travail encore plus efficacement. Il s’agit d’une tablette électronique leur permettant
d’accéder à toutes nos bases de données en temps réel.
Les inspecteurs, soulignons-le, disposaient déjà d’un support technologique, mais il a été modernisé pour leur permettre de mieux gérer l’information
contenue dans les bases de données de la CCQ. Et surtout de mieux faire des croisements au moment de l’analyse des dossiers.
« C’est majeur comme évolution, dit le vice-président aux opérations de la CCQ. Parce que de l’information, nous en avons beaucoup. La technologie va
donc nous aider à la traiter et à la croiser plus rapidement pour nous mettre sur les bonnes pistes. Parce qu’additionnées l’une à l’autre, ces données
deviennent nécessairement encore plus pertinentes et plus efficaces. »
50 ANS ET TOURNÉ VERS L’AVENIR
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