Le Web vu par la presse allemande - WAN-IFRA

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Le Web vu par la presse allemande - WAN-IFRA
Médias électroniques
octobre 2003
techniques de presse
« Zeitung online 2003 » à Berlin
Le Web vu par la presse allemande
directeur général du journal Schwarzwälder
Boten à Oberndorf et président du groupe
de travail « Multimédia » de la BDZV, a
constaté lors de son discours d'ouverture
que les exposés consacrés exclusivement à
Internet se raréfiaient : « Il y a longtemps
que le réseau Internet ne doit plus être
considéré de manière isolée, mais comme
faisant partie intégrante de nos entreprises. » Ceux qui veulent toucher une
vaste audience, doivent compter avec
Internet. Ce serait par conséquent « une très
grave erreur stratégique de négliger notre
présence sur Internet », même si cet engagement coûte beaucoup d'argent et en
rapporte peu. Les journaux doivent suivre
l'évolution de leurs marchés. Ce faisant
« motiver les esprits » est le plus grand défi
à relever. Le directeur général de l'Ifra, Reiner Mittelbach, a mis en évidence le rôle
particulier du journal dans le réseau multimédia et souligné que la force du produit
imprimé était loin d'avoir été épuisée. Les
consommateurs reconnaissent la compétence du journal en matière de fourniture
d'informations et lui font entièrement
confiance. Un atout que l'on peut continuer
à exploiter. L'avenir appartient au journal
avec une nette connotation numérique.
Allan Marshall, directeur général
d'Associated Mediabase et directeur technique d'Associated Newspapers Ltd (ANL) à
Londres, l'un des plus grands groupes de
presse en Grande-Bretagne, a présenté, à
Berlin, la conversion complète d'une socié-
La productivité augmente grâce à
la technologie Internet ; tous les
secteurs de l’édition sont concernés par la mise en réseau ; le marketing et la proximité des clients
jouent un rôle décisif dans le succès des quotidiens en matière de
médias numériques. Voilà les différents aspects abordés par le
congrès « Zeitung online » (journaux en ligne), une manifestation
organisée conjointement par l’Ifra
et l’organisation marketing des
journaux allemands, le BDZV.
La technologie Internet permet d'augmenter sensiblement la productivité d'une
entreprise de presse. L’évolution d'une rédaction classique en un « desk » de médias
multiples se traduit par une augmentation
de la qualité et de la satisfaction des personnes qui y travaillent. Le réseau Internet
peut donner de nouvelles impulsions au
marché des petites annonces dans les journaux. L'optimisation du flux de production
permet à la fois de mieux satisfaire les
clients et de rationaliser le processus. La
vente de contenus en ligne laisse aussi entrevoir une lueur d'espoir pour la situation
financière des sociétés d'édition : les contenus payants et les services mobiles peuvent
contribuer au refinancement des services
en ligne des journaux. Richard Rebmann,
Allan Marshall, Richard Rebmann et Reiner Mittelbach (de gauche à droite) ont parlé, à Berlin, de la division
Internet des quotidiens. (Photo : David Ausserhofer)
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té à la norme XML, la « plate-forme technique de demain pour les journaux et les
médias numériques ». Les journaux populaires du groupe ANL sont tirés en tout à
24 millions d'exemplaires par semaine. A
cela s'ajoutent 35 millions de suppléments.
L'impression s'effectue en 32 endroits différents à travers le monde. D'autres sites
sont en cours d'aménagement. « Votre entreprise doit vivre à l'heure numérique »,
répète inlassablement Allan Marshall. Cela
signifie savoir s'adapter aux changements
perpétuels. « Ce n'est pas la technique proprement dite qui pose problème, mais les
hommes », explique-t-il. Chez ANL, nous y
faisons face grâce à des groupes de travail
dont les membres changent fréquemment.
Il a été question, pour la première
fois, de transférer la production du journal
dans un environnement navigateur en
1997. Une analyse des systèmes utilisés a
révélé une disparité incroyable entre les
maisons du groupe. Plus de 100 systèmes
différents, dont 10 pour le seul secteur de
la publicité, étaient utilisés couramment.
Plus de 50 applications logicielles différentes étaient en place dans le secteur de la
production et de la gestion des annonces.
Dans le cadre de la vérification des processus et du renouvellement nécessaire des
systèmes, le groupe ANL a été l'un des utilisateurs pionniers de XML.
Un nouveau système rédactionnel
basé sur Lotus Notes (www.lotus.com) a
tout d'abord été installé en 1998. Plus de
1000 postes de travail sont actuellement reliés à ce système. ANL n'a à sa charge que
dix pour cent des travaux de programmation, le reste étant des applications standard. La production proprement dite des
pages s'effectue dans QuarkXPress. En
1999, ce fut au tour du système de publicité en partenariat avec CCI (www.cci-europe.com). L'application XML tourne d'ores
et déjà sur près de 300 postes de travail et
400 autres suivront bientôt. En l'an 2000,
ANL a introduit un système CTP assisté par
navigateur et basé sur XML (partenaire :
Agfa). Un nouveau dispositif de commande
de la distribution que le Daily Mail et le
Daily Mail on Sunday utilisent déjà est
venu compléter le tout en 2001. Il tourne
sur un ordinateur de poche (« Blackberry »)
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comme application Java. Ces appareils sont
toujours en ligne et communiquent en
temps réel avec le système principal. Le
personnel peut ainsi saisir directement sur
place le nombre d'exemplaires vendus dans
les différents kiosques. Ces données sont
immédiatement disponibles dans la rédaction et le service de distribution. Dans une
entreprise de presse, tous les systèmes doivent communiquer entre eux, ce qui n'est
pas facile à réaliser lorsque des composants
anciens et plus récents coexistent. Pour
l'intégration de ses systèmes, le groupe
ANL a recours aujourd'hui au logiciel Tibco
qui est surtout utilisé dans le monde de la
finance, mais aussi par exemple par le portail Internet Yahoo!. Avec cet outil, des
données relatives à l'entreprise peuvent
être échangées entre les systèmes propriétaires et les systèmes ouverts sans que
d'importants travaux de programmation ne
soient nécessaires en cas de modifications.
Le quotidien allemand Handelsblatt
teste depuis maintenant six bons mois une
nouvelle organisation de sa rédaction basée
sur la convergence. Joachim Dorfs, adjoint
au rédacteur en chef, dresse un bilan positif : « Nous disposons d'une plus grande sécurité de production, d'une actualité
accrue, d'une dépendance plus faible vis-àvis des reporters et de meilleures possibilités de planification. »
Pour le rédacteur en chef Ulrik Haagerup du journal régional Nordyke Stiftstidende à Aalborg au Danemark qui s'est
lancé dans la radio, la télévision, les services en ligne et les journaux pour la jeunesse, la seule réponse possible à la baisse de
la diffusion consiste à s'orienter vers une
entreprise de communication intégrée. « Les
journalistes sont des conteurs d'histoires.
Or les conteurs ont toujours dû se déplacer
avec leur public. » Le Danemark connaît
actuellement un changement profond dans
l'utilisation des médias qui se manifeste par
la baisse constante de la diffusion des journaux. Si l'on compare les exigences des
différents groupes d'utilisateurs à l'égard
de leurs médias, il apparaît clairement que
« le journal fédérateur est mort ». Nordjyske
Medier relève ce défi en développant ses
activités dans d'autres médias : « Nous devons aller chercher les auditeurs, les lecteurs, les spectateurs et les utilisateurs là où
ils sont. Peu importe finalement de quelle
façon ils nous paient. » Un quart des annonces de presse immobilières renvoient
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déjà à un site Internet. Ebay aux Etats-Unis
vend des voitures. Certaines entreprises
créent leur propre bourse de l'emploi. A
Berlin, Klaus Abele, directeur de l'ISA
GmbH & Co. KG (entreprise créée conjointement par les groupes WAZ, Ippen et
Holtzbrinck), et Philip Schulze, directeur
d'Immonet GmbH (ASV et Ring Deutscher
Makler) ont montré comment leurs entreprises proches des journaux faisaient face à
la concurrence. Elles se sont déclarées prêtes à accueillir en leur sein de nouveaux
partenaires. Thomas Teetz, responsable
marketing du personnel à la Deutsche Postbank AG, et Thomas Schröter, directeur de
Knowledge Network GmbH, ont expliqué
ce qu'ils attendaient des offres en ligne et
hors ligne des éditeurs sur le marché de
l'emploi en tant que clients.
Table ronde à quatre (de gauche à droite) : Harald Ritter (Ifra), Cliodhna McGuirk (Saadian Technologies),
Kornelia van der Beek (université de Coblence) et Joachim Türk (RZ Online) ont présenté divers concepts de
services en ligne viables. (Photo : David Ausserhofer)
ceux qui « cherchent vaguement » un emploi et ont un grand retentissement auprès
des candidats à des postes à responsabilité
et des spécialistes. Elles ont néanmoins
comme inconvénient d'être particulièrement onéreuses. De plus, il n'est pas possible pour le moment d'intégrer les réponses
dans le flux de production interne ni de les
associer à un système de gestion des candidats.
Dans ce contexte, Thomas Schröter,
directeur général du Knowledge Network
GmbH, a réclamé des produits mixtes en ligne/imprimés intelligents d'une réelle aide
pour le client dans le domaine de l'emploi.
La société d'édition peut faire office de
centre de services et, par exemple, proposer
des outils de réservation basés sur le Web,
donner la possibilité aux personnes intéressées de répondre en ligne à une annonce de
presse et permettre l'intégration des processus de recrutement existants dans des
produits mixtes en ligne/imprimés. Il est
extrêmement important d'utiliser ici des
normes techniques ouvertes.
Qu'on les considère comme une « étape vers la production industrielle des journaux » ou, tout simplement, comme la possibilité de « saisir des annonces 24 heures
sur 24 », les nouveaux modèles de flux de
production montrent comment réduire les
coûts dans une société d'édition tout en
donnant davantage satisfaction aux clients.
Hans-Jürgen Theinert, responsable de la
division Internet et fondé de pouvoir chez
Madsack, a présenté l'« Online-ServiceCenter » (OSC) de sa société pour le secteur des
ventes. Quant à Michael Beilfuß, responsable de la publicité chez DuMont Schauberg,
il a relaté les expériences de sa société avec
un système de prise d'annonces en ligne
automatisé. Dans le centre OSC, les abon-
Une banque de données
avec 700 possibilités d’accès
Les portails immobiliers en ligne
comme immoscout24.de sont en train de
mener une offensive contre les quotidiens
pour s'attirer les faveurs des clients. Les
quotidiens peuvent et doivent y réagir.
Philip Schulze a exposé le concept
d'Immonet GmbH qui appartient à 74,9 % à
ASV et à 25,1 % au Ring Deutscher Makler
et a lancé son offre en ligne le 1er mai
2003. Comme dans le cas d'ISA, il existe
plusieurs façons d'accéder à Immonet : la
page centrale, les sites Web des journaux
participants et plus de 700 portails urbains.
Immonet se considère « comme une banque
de données centralisée pour annonces de
presse et annonces exclusivement en
ligne ». La clé du succès réside dans les différentes sources d'information que compte
la région. Immonet cherche de nouveaux
partenaires parmi les journaux régionaux
afin d'en assurer une meilleure couverture.
Du point de vue du client, les offres d'emploi publiées dans le journal imprimé et
celles diffusées en ligne ne remplissent pas
du tout le même office.
Thomas Teetz a donné un aperçu du
processus de recrutement à la Postbank :
« Je ne peux pas me passer des petites annonces dans le journal imprimé ». Mais
elles ne suffisent plus de nos jours : « Il est
important de combiner les services. » Selon
Thomas Teetz, les annonces de presse
conviennent très bien à la communication
stratégique d'entreprise ; contrairement aux
annonces en ligne, elles touchent aussi
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d'« abonnements couvrant plusieurs médias », par exemple un abonnement à l'édition du week-end du journal couplé à un
accès en ligne pendant cinq jours. Dans le
domaine de la publicité, il faut aussi réfléchir davantage à des produits mixtes.
Annelies von den Belt a montré comment, par l'intermédiaire de l'enregistrement des utilisateurs selon la devise « Il
faut que nous sachions à qui nous nous
adressons », un journal pouvait arriver à se
constituer une clientèle acceptant de payer
pour bénéficier de services premium. Au
Times, la section juridique, les mots croisés
et, depuis fin mai 2003, une édition
électronique accessible uniquement aux
abonnés en dehors de la Grande-Bretagne
sont payants.
Lycos Europe a enregistré en 2002 un
chiffre d'affaires de 100 millions d'euros.
Le rapport entre les différentes sources de
revenus devrait changer et passer d'un
financement par la publicité de 75 % à la
répartition suivante : un tiers d'annonces,
un tiers de commerce électronique et un
tiers de contenus payants. Mais l'enregistrement des utilisateurs et, dans son sillage,
la prise de contact ciblée d'un groupe donné par les annonceurs est pour le moment
et restera la principale source de revenus
chez Lycos Europe. Le portail compte actuellement 35 millions d'utilisateurs enregistrés pour son seul service de messagerie
électronique.
nés peuvent réaliser un très grand nombre
d'opérations eux-mêmes sans qu'une personne de Madsack ne soit obligée de vérifier les informations saisies pour ensuite
donner son feu vert. « Les débuts n'ont pas
été faciles. Mais qui sait mieux que le client
lui-même quand et où il désire partir en
vacances ? », explique Hans-Jürgen Theinert. Près de 25 000 personnes utilisent
d'ores et déjà le centre OSC. Ces clients gèrent ainsi 10 % des ventes. Le but est
d'augmenter cette proportion et de la faire
passer à 15 % d'ici la fin 2003. La proportion est déjà de 30 % pour les annonces.
L'exposé de Michael Beilfuß, responsable de la publicité chez DuMont Schauberg, sur le système de saisie des annonces
en ligne lancé en janvier 2003 et destiné
aux journaux appartenant au Zeitungsgruppe Köln a également été très positif.
Depuis la fin de l'automne 2002, on réfléchissait sérieusement au sein de son entreprise à la façon dont on pourrait appliquer
le principe « One-face-to-the-customer »
(un interlocuteur unique pour un client) et
améliorer simultanément les produits et les
services proposés ainsi que rationaliser les
processus pour réduire les coûts.
Sur la question de la rentabilisation
des services Internet, plusieurs autres pistes
ont été lancées. George Hesse, directeur général de la société Online Marketing Services GmbH (OMS), s'est déclaré favorable au
principe du cross-média, c'est-à-dire à une
utilisation coordonnée et judicieuse de différents médias. Annelies von den Belt, directrice des services en ligne du journal
The Times à Londres, considère l'enregistrement des utilisateurs et les services
payants à valeur ajoutée, appelés services
premium, comme une solution possible.
Andreas Manzey, responsable des relations
clients chez Lycos, a présenté de nouvelles
formes de publicité imposées à l'utilisateur,
mais malgré tout bien acceptées.
SMA et MMS pour les journaux
Cliodhna McGuirk de la société Saadian Technologies a donné une vue d'ensemble du développement de l'Internet mobile en Irlande et de la collaboration avec
les journaux. Ingo Schneider de T-Mobile a
ensuite décrit les possibilités de coopération entre les journaux et les portails mobiles comme T-Mobile.
Le journal Irish Times envoie près
d'un million de SMS tous les mois – une
activité tout à fait rentable de l'avis de
Cliodhna McGuirk. Sur les deux grands réseaux de téléphonie mobile, les utilisateurs
peuvent choisir entre différentes nouvelles
et services d'information sportive du journal. Toute une série de journaux proposent
aussi des services SMS pour des matchs
virtuels. Certains journaux sont satisfaits
de leur expérience avec les contenus syndiqués qu'ils proposent sous leur propre
marque. Les abonnés reçoivent, en moyen-
« Manque de sensibilisation »
Les activités cross-média peuvent être
rentables pour les entreprises de presse à
condition que tous les services y participent activement. De l'avis de Georg Hesse,
les possibilités d'amélioration sont encore
très nombreuses au sein des sociétés d'édition allemandes : « Nous gaspillons un potentiel énorme qui pourrait être exploité
avec peu de moyens. » Georg Hesse a proposé d'offrir aux utilisateurs encore plus
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ne, trois messages par jour coûtant entre
9 et 15 cents. L'éditeur ne touche qu'une
infime partie de cette somme, mais il peut
la négocier. Et Cliodhna McGuirk d'ajouter : « Les journaux sont de précieux fournisseurs d'informations et doivent par
conséquent négocier. Leur marge de manœuvre est peut-être plus grande qu'ils ne
croient. » Pour les utilisateurs, s'abonner à
ce genre de service est d'une simplicité enfantine. Il leur suffit d'envoyer un SMS
contenant un texte prédéfini à un numéro
spécial. D'après Cliodhna McGuirk, il est
important que le journal et l'opérateur de
téléphonie mobile fassent beaucoup de publicité pour ce service. Cliodhna McGuirk
estime que les MMS seront encore plus intéressants pour les entreprises de presse
que les SMS. Avec les MMS, il est possible
de demander un prix plus élevé et d'envoyer des contenus plus volumineux.
Ingo Schneider de T-Mobile a également affirmé que les journaux et les opérateurs de téléphonie mobile disposaient de
compétences complémentaires et pouvaient
ensemble assurer le succès des services
mobiles. Tout est très compliqué dans le
secteur des services mobiles. Les spécialistes estiment que la part du chiffre d'affaires
par abonné pour les services mobiles va
augmenter au cours des prochaines années
pour passer à 30 %. Le grand défi pour
l'ensemble de ce secteur industriel consiste
à mettre au point des appareils adaptés et,
surtout, faciles à utiliser. T-Mobile est favorable à une normalisation des processus
et des systèmes. A ses yeux, les journaux
doivent conserver le contrôle absolu des
contenus. En raison de la très grande diversité des appareils et des exigences il
est peut-être préférable de s'assurer le
concours d'un prestataire de services compétent pour la mise en œuvre.
Selon Ingo Schneider, les accords de
coopération ont un bel avenir devant eux.
Les journaux ont une « capacité remarquable à entretenir des contacts durables avec
leur lectorat » et devraient monnayer cet
atout exceptionnel. Le chiffre d'affaires
qu'ils sont en droit d'attendre n'a cependant rien à voir avec celui qu'ils enregistrent aujourd'hui avec le produit imprimé.
Une certaine évolution est possible au
cours des prochaines années au niveau de
la participation des fournisseurs de contenus au chiffre d'affaires. Le modèle commercial doit encore être perfectionné. <

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