diagnostic _echograph_GEU

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diagnostic _echograph_GEU
J Gynecol Obstet Biol Reprod 2003 ; 32 : 401-412.
Mise à jour
Diagnostic échographique
des grossesses extra-utérines
La sémiologie de base : comment optimiser les performances
de l’échographie ?
S. Doumerc, A. Nazac, H. Fernandez
Service de Gynécologie-Obstérique, Hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux,
92140 Clamart.
RÉSUMÉ
But et Méthode. L’échographie est un élément essentiel des algorithmes diagnostiques des grossesses extra-utérines
(GEU). La sensibilité diagnostique de l’échographie est faible car l’examen est opérateur-dépendant, car les présentations
cliniques sont variables, avec des formes asymptomatiques et méconnues. Nous avons analysé les résultats d’une échographie standardisée basés sur une analyse sémiologique précise et systématique.
Résultats. L’échographie doit être associée à l’analyse du contexte biologique (taux d’hCG plasmatique), à l’analyse de
la caduque, au repérage du corps jaune, à l’analyse longue et complète des annexes. Le repérage d’un hématosalpinx
est le signe pathognomonique des GEU (80 % des cas). Quand le diagnostic ne peut être fait avec certitude, il est possible
de temporiser et de refaire, 48 heures plus tard, l’examen sans avoir recours à une cœlioscopie diagnostique.
Conclusions. La sensibilité diagnostique élevée des études de référence est due à la réalisation d’une échographie de
référence, et donc spécialisée.
Mots-clés : Diagnostic • Échographie • Grossesse extra-utérine.
SUMMARY: Sonographic diagnosis of ectopic pregnancy: optimal strategy?
Aim and methods. The diagnostic algorithms of ectopic pregnancy (EP) include sonographic procedures. Diagnostic
sensitivity is low because the procedure is operator-dependent and each clinical aspect of EP is variable. We analyzed
results of standardized ultrasound procedures performed within the framework of a detailed analysis of clinical findings.
Results. The sonographic procedure must be performed within the framework of an overall analysis including laboratory
results (hCG level), examination of the decidua, localization of the corpus luteum, and careful detailed examination of
adnexa. Hematosalpinx is pathognomonic of EP and is observed in 80% of cases. When diagnosis is doubtful, a second
ultrasound procedure should be performed 48 hours later before undertaking laparoscopic diagnosis.
Conclusion. The diagnostic sensitivity of ultrasonography has been consistently high in published series, undoubtedly
because the studies were performed in referral centers highly experienced in diagnostic ultrasound.
Key words: Diagnostic • Ectopic pregnancy • Ultrasound.
Les données bibliographiques sur les grossesses
ectopiques sont pléthoriques : plus de 200 publications internationales par an. Les articles des dix
dernières années portent essentiellement sur la description de formes cliniques exceptionnelles, sur les
stratégies thérapeutiques, sur l’épidémiologie. Paradoxalement, elles abordent peu le problème majeur et
toujours actuel que constitue le diagnostic positif de
GEU : quelques articles comparent des stratégies et
des algorithmes décisionnels, basés d’une part sur
l’apport « brut » de l’échographie et d’autre part sur
des données biologiques (hCG, progestéronémie) et
cliniques [1, 2]. Ces études reconnaissent le rôle diagnostique incontournable de l’échographie, mais soulignent ses performances plutôt modestes [3] : faible
sensibilité du diagnostic échographique de GEU
(méta-analyse [4]), spécificité médiocre, grande fréquence des erreurs diagnostiques ou stratégiques
dommageables (recours à des investigations invasives
et parfois délétères,…). Quelques publications accordent à l’échographie des performances plus satisfaisantes [5].
Ces présentations globales des performances de
l’outil échographique ne nous paraissent pas refléter
Tirés à part : S. Doumerc, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]
Reçu le 4 avril 2003. Avis du comité de lecture le 15 avril 2003. Définitivement accepté le 24 avril 2003.
© MASSON, Paris, 2003.
S. Doumerc et collaborateurs
la complexité du diagnostic et la précision de l’analyse sémiologique échographique actuellement accessible :
— Le diagnostic échographique de GEU est présenté sous une forme binaire (positif/négatif), alors
qu’en pratique, on attend de l’échographie une information plus nuancée (GEU patente aiguë ou GEU a
minima et nécessité d’une temporisation,…) ;
— La sémiologie échographique détaillée conduisant au diagnostic de GEU n’est pas précisément
décrite dans ces études ; les causes d’échec du diagnostic ne sont jamais analysées. Cette sémiologie,
complexe et spécifique, se trouve ainsi privée de support pédagogique et devient dépendante de l’expérience de l’échographiste : la GEU reste probablement
un des domaines diagnostiques le plus opérateurdépendant. La sémiologie échographique de la GEU
est méconnue, ignorée dans la littérature médicale,
rudimentaire et souvent obsolète dans les traités
d’échographie : il est paradoxal de constater qu’en
2003 le premier signe recherché dans les diagnostics
de GEU est un sac gestationnel ectopique (tubal ring
des anglo-saxons) [6], alors que le petit hématosalpinx
est le véritable signe cardinal de la GEU [7, 4].
Nous avons précédemment présenté une stratégie
du diagnostic échographique des GEU à partir d’une
série de 120 cas consécutifs de diagnostics de GEU
[8]. Nous avons revalidé en 2002 les principales circonstances du diagnostic échographique des GEU, à
l’occasion d’une étude hospitalière prospective. Ces
études nous conduisent à proposer une mise au point
précisant :
— Les situations actuelles de diagnostic de GEU ;
— L’analyse de la sémiologie échographique des
GEU ;
— Comment améliorer les performances du diagnostic échographique ?
que retenus (1/5 à 1/3 des GEU dans notre recrutement hospitalier). Dans ces situations, l’échographie
pratiquée en urgence confirme le bien-fondé de la
présomption de GEU aiguë (masse pelvienne hyperalgique, hémopéritoine, gros hématosalpinx, gros sac
gestationnel embryonné ectopique,…) justifiant souvent un traitement chirurgical d’emblée. Ces formes
patentes aiguës de GEU sont devenues minoritaires.
Elles ne posent guère de difficulté de dépistage échographique, mais le contexte d’urgence chirurgicale
limite la précision et parfois la spécificité du diagnostic.
Les GEU subaiguës « habituelles »
Elles ont une symptomatologie plus discrète,
essentiellement basée sur le diagnostic échographique
d’un hématosalpinx modéré, plus rarement d’un petit
sac gestationnel ectopique : ces formes subaiguës
représentent la moitié de notre recrutement hospitalier. Leur diagnostic est suspecté lors d’une échographie princeps pratiquée en consultation d’urgence ; il
est habituellement confirmé et précisé (ou infirmé)
lors d’une seconde échographie dite « de référence »
ou spécialisée.
Les GEU a minima
Le contexte clinique et biologique correspond à
une grossesse jeune ; on note souvent des taux d’hCG
discordants. L’échographie ne visualise pas de sac
gestationnel intra-utérin et met en évidence une
minime masse para-ovarienne, compatible avec une
GEU mais trop petite pour être spécifique ou présenter un danger clinique à court terme. Une attitude de
temporisation permet d’aboutir à un diagnostic certain et précis dans la grande majorité des cas.
Les situations d’incertitude diagnostique
Selon la symptomatologie initiale clinique, biologique et échographique, l’échographiste est confronté
à 4 situations type :
Dans un contexte de tout début de grossesse et/ou
de taux d’hCG très bas (100 UI/L par exemple),
l’échographie ne retrouve ni sac gestationnel intrautérin, ni masse annexielle anormale. Il s’agit d’une
situation pratique très fréquente. Là encore, une temporisation de 3-5 jours et un suivi biologique et échographique permettent habituellement d’accéder au
diagnostic.
La GEU aiguë présumée
La sémiologie de base
La prévalence de cette situation est variable selon
le recrutement du centre d’accueil et selon les critères
d’urgence chirurgicale ou d’acuité symptomatologi-
Nous proposons une analyse sémiologique reproduisant la chronologie du raisonnement échographique en 8 points successifs :
BUT ET MÉTHODE
Situations pratiques de diagnostic de GEU
402
© MASSON, Paris, 2003.
Mise à jour • Diagnostic échographique des grossesses extra-utérines
Analyse pré-échographique du dossier clinique
et biologique
La datation de la grossesse, d’après les données cliniques, souvent confrontées au taux d’hCG et à son
évolution, permet d’emblée de prévoir les images
attendues lors de l’échographie ultérieure.
Endomètre : non-visualisation d’un sac gestationnel
intra-utérin. Notion de seuil de visualisation
L’absence de sac gestationnel intra-utérin constitue
le premier élément de suspicion de GEU si le taux
d’hCG est réputé suffisant pour visualiser un sac gestationnel [9] : nous considérons que le seuil de visualisation d’un sac gestationnel intra-utérin normalement
évolutif se situe entre 350 et 1 000 UI/L. En deçà de
350 UI/L, un sac gestationnel évolutif est rarement
visible ; au-delà de 1 000 UI/L, il l’est presque toujours, sous réserve de disposer de bonnes conditions
d’examen (échographie sus pubienne et échographie
vaginale, utérus normalement accessible,…). Pour les
taux intermédiaires (350 à 1 000 UI/L et sac gestationnel intra-utérin non visualisé), un contrôle biologique
et échographique pratiqué trois jours plus tard permet
de résoudre la majorité des situations.
Notons qu’un sac gestationnel non-évolutif, qu’il
soit intra- ou extra-utérin, peut avoir un seuil de
visualisation fort différent. Dans le cas d’une grossesse non-évolutive, un sac gestationnel ectopique
parfaitement visualisable de 5 mm peut-être associé à
un taux d’hCG inférieur à 100 UI/L. Au contraire et
de façon plus exceptionnelle, un sac gestationnel
intra-utérin non évolutif, associé à un taux d’HCG
supérieur à 2 000 UI/L, peut avoir une cavité cœlomique centrale minime (mois de 2 mm) non-visible à
l’échographie.
Insistons enfin sur la relativité de ce seuil de visualisation : des conditions d’imagerie défavorables (utérus
myomateux ou cicatriciel, utérus en situation intermédiaire, pelvis cicatriciel) peuvent majorer le seuil de
visualisation d’un sac gestationnel intra-utérin (hCG
2000, voire 4 000 UI/L dans des conditions exceptionnelles) [10]. De plus l’expérience de l’échographiste et
la qualité de son plateau technique conditionnent directement ce seuil. Ceci impose à l’échographiste une
auto-évaluation de son propre seuil.
En conclusion il nous paraît donc raisonnable de
garder comme seuil limite de visualisation d’un sac
gestationnel intra-utérin la zone de 1 000-2 000 UI/L
en sachant adapter ce seuil selon les conditions d’imagerie et l’expérience de l’échographiste. Cette notion
de flexibilité de seuil est essentielle pour assurer une
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
bonne sensibilité diagnostique [11] ; elle est par
contre difficilement intégrable dans des algorithmes
décisionnels.
Un pseudo-sac gestationnel (formation liquidienne
hématique intra-cavitaire) est un diagnostic différentiel classique, parfois difficile quand les conditions
d’examen sont sub-optimales. Il s’agit d’une image
liquidienne intra-cavitaire peu tonique, d’aspect
variable en cours d’examen, bien différente d’un sac
gestationnel typique (intra-endométrial, plutôt tonique, cerclé par une couronne trophoblastique échogène et peu variable au cours de l’examen).
Aspect de la caduque
L’existence ou l’absence d’une caduque intra-utérine est un signe précieux dans le diagnostic des GEU
a minima. Si l’endomètre est très fin (1-3 mm), la
caduque a déjà été expulsée. La non-décroissance du
taux d’hCG est un argument diagnostique pratiquement pathognomonique de GEU : il ne peut persister
de trophoblaste intra-utérin après expulsion de la
caduque (fig. 1).
A contrario, si la caduque n’a pas été expulsée
(persistance d’un endomètre épais et échogène), la
non-décroissance du taux d’HCG et la persistance
d’un taux modéré d’HCG (inférieur à 1 000-2 000 UI/
L) ne peuvent plus constituer des arguments diagnostiques : un sac gestationnel intra-utérin non-évolutif,
trop petit pour être visible échographiquement (cavité
cœlomique inférieure à 1-2 mm) mais biologiquement actif peut être implanté dans la caduque (fig. 2).
Figure 1
Utérus : caduque déjà expulsée (une GEU est certaine
si le taux d’hCG ne décroit pas rapidement : situation
fréquente).
Uterus: the decidua has been expulsed (certain
ectopic pregnancy if hCG does not fall rapidly: a
frequent situation).
403
S. Doumerc et collaborateurs
Figure 2
Utérus : caduque non expulsée (GIU ou GEU ?).
Uterus: the decidua has not been explused (uterine or
ectopic pregnancy).
Figure 5
GEU patente : hématosalpinx voisin d’un corps jaune
kystique.
Certain ectopic pregnancy: hematosalpinx near a
cystic corpus luteum.
La corrélation caduque-hCG est sous-utilisée dans
les algorithmes diagnostiques [12].
Repérage du corps jaune
Figure 3
GEU patente : hématosalpinx, petit mais de diagnostic
facile, centré par un petit sac gestationnel déstructuré,
voisin du corps jaune.
Certain ectopic pregnancy small but easily diagnosed
hematosalpinx centered on a small destructred
gestational sac near the corpus luteum.
Figure 4
GEU : petit hématosalpinx voisin du corps jaune, de
diagnostic plus difficile (peu de contraste tissulaire).
Ectopic pregnancy: small hematosalpinx near the
corpus luteum; more difficult diagnosis due to the
minimal tissue contrast.
404
Le repérage du corps jaune (presque toujours visualisable) et des limites précises de l’ovaire est une
étape essentielle du diagnostic de GEU : la grossesse
ectopique est située habituellement au voisinage
immédiat de l’ovaire porteur du corps jaune, quand il
n’existe pas de contexte d’infertilité connu (cf. PMA
et pathologies tubaires, où le corps jaune est parfois
controlatéral ou non-unique).
Les aspects des corps jaunes gravidiques sont multiples (fig. 3, 4 et 5). Les corps jaunes kystiques de
moyenne ou grande taille ne devraient plus poser de
difficultés diagnostiques. Les petits corps jaunes
(< 10-15 mm), souvent échogènes et hétérogènes,
peuvent poser plus de difficultés (méconnaissance ou
confusion avec une GEU ou un hématosalpinx) : en
pratique, un opérateur expérimenté reconnaît assez
facilement ces petits corps jaunes par un repérage
minutieux du parenchyme ovarien et des limites de
l’ovaire. Dans les cas plus difficiles, une étude de la
vascularisation du corps jaune en Doppler à codage
couleur et surtout un repérage des petits follicules
ovariens involutifs (2 mm) au contact immédiat du
corps jaune, facilement visibles en imagerie harmonique, sont des bons éléments de diagnostic.
Masse annexielle anormale
Dès le repérage du corps jaune, l’analyse extensive de
l’annexe homo-latérale fournit en règle la clef du dia-
© MASSON, Paris, 2003.
Mise à jour • Diagnostic échographique des grossesses extra-utérines
gnostic : dans près de 80 % des cas de nos séries, la GEU
s’est présentée comme une masse très voisine de l’ovaire
(au contact ou à moins de 1 cm de l’ovaire), en saillie
par rapport au contour ovoïde de l’ovaire.
Nous décrirons 3 types de masse annexielle anormale :
1) L’hématosalpinx. Il s’agit d’une masse d’échogénicité mixte (échogène et hétérogène ou hypoéchogène), sans vascularisation centrale, reconnaissable
surtout par son contour ovoïde toujours très net et en
saillie franche par rapport à l’ovaire (fig. 3 et 5).
L’hématosalpinx est d’autant plus échogène et hétérogène qu’il s’est constitué récemment ; après quelques jours d’évolution, il devient finement échogène,
hypoéchogène et plus homogène. Dans nos études,
l’hématosalpinx est le signe échographique de GEU
le plus fréquent (près de 70 % des diagnostics).
Ce signe cardinal de la GEU est méconnu en pratique pour des raisons pédagogiques (méconnaissance
de la sémiologie) et techniques : il n’existe pas de
contraste tissulaire majeur entre l’hématosalpinx et les
tissus adjacents (fig. 4). La reconnaissance de l’hématosalpinx suppose une recherche très orientée d’un
contour de petite masse para-ovarienne anormale. Un
petit hématosalpinx n’est habituellement visualisé que
s’il est recherché avec obstination, après de longues
minutes de suivi des repères annexiels (corne utérine,
trompe et ses vaisseaux, ovaire, corps jaune, Doppler
couleur et imagerie harmonique), souvent en s’aidant
d’une mobilisation de l’annexe par une pression
manuelle abdominale. Le niveau de difficulté du diagnostic d’un petit hématosalpinx peut être comparé au
repérage d’ovaires ménopausés, qui ont un volume et
une échogénicité comparables. Dans le cadre d’une
auto-évaluation, un échographiste qui reconnaît bien
les ovaires ménopausés est probablement performant
dans le diagnostic d’un petit hématosalpinx.
La visualisation d’un sac gestationnel ectopique
minime (5 mm) et dévascularisé (involutif) au sein
d’un hématosalpinx clairement identifié est fréquente.
2) Un sac gestationnel typique, ectopique (paraovarien, voisin du corps jaune) et isolé, constitué par
une couronne échogène centrée par une lacune anéchogène (fig. 6). La visualisation de la vésicule vitelline (voire de l’embryon, (fig. 7)) assure la spécificité
du diagnostic, ce qui est un signe très précieux en cas
de très petit sac gestationnel. L’image d’un sac gestationnel ectopique, parfois embryonné, sans hématosalpinx, a longtemps été le signe cardinal et parfois
exclusif de GEU recherché par les échographistes. En
pratique, sa prévalence est relativement faible (moins
de 30 % des diagnostics pour les sacs gestationnels
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
Figure 6
GEU a minima : sac gestationnel minime déstructuré,
sans hématosalpinx.
Ectopic pregnancy: small destructured gestational sac
without hematosalpinx.
Figure 7
GEU patente : sac gestationnel embryonné (AC +),
sans hématosalpinx.
Certain ectopic pregnancy: embryo in gestational sac
(CA+), without hematosalpinx.
ectopiques isolés, sans hématosalpinx associé). Il
s’agit d’une situation souvent rapidement évolutive
(croissance rapide de l’hCG et du sac gestationnel,
progestéronémie élevée, acutisation de la symptomatologie clinique) : ce risque évolutif est bien pris en
compte dans les scores d’évaluation pré-thérapeutique de la GEU [13].
3) GEU a minima : il s’agit d’une minime image
échogène et homogène, ou lacunaire et hétérogène de 3
à 10 mm de diamètre, bordant l’ovaire, peu spécifique
échographiquement mais suspecte (petit hématosalpinx
(fig. 4) ou minime sac gestationnel (fig. 6)) dans le
contexte orienté de l’examen.
405
S. Doumerc et collaborateurs
Avortement tubo-abdominal,
hématocèle et hémopéritoine
— L’avortement tubo-abdominal ressemble à un
gros hématosalpinx échogène et hétérogène, mais présentant un contour peu net et entouré par une lame
d’épanchement hématique finement échogène (fig. 8) ;
— La visualisation d’une hématocèle, sous forme
d’une masse échogène, hétérogène située à distance
de l’ovaire ou en arrière de l’isthme a également une
grande valeur diagnostique ;
— L’hémopéritoine est assez fréquent en situation
d’urgence (GEU aiguë), et plutôt rare lors de l’échographie de seconde intention. Il s’agit typiquement d’une
collection pelvienne libre finement échogène [14].
Notons que l’importance de l’hémopéritoine est souvent
sous-estimée par l’échographie et que, rarement, des
collections hématiques importantes peuvent être totalement méconnues quand leur échostucture est échogéne
et hétérogène. Un épanchement pelvien anéchogène
modéré (5 ml) et isolé est un signe trop banal pour avoir
une valeur diagnostique. Un petit épanchement échogène (5 ml) isolé doit susciter un contrôle.
Autres éléments sémiologiques
Ils correspondent aux formes cliniques rares des
GEU et des autres grossesses ectopiques :
— Les grossesses ovariennes sont habituellement
considérées par l’échographie comme des GEU banales : visualisation d’un sac gestationnel ectopique,
souvent déjà embryonné, mal localisable par rapport
au parenchyme ovarien (souvent juxta-cortical). Le
diagnostic précis est généralement cœlioscopique ;
Figure 8
406
GEU. Avortement tubo-abdominal : masse hétérogène
para-ovarienne complexe, mal limitée, peu sensible,
entourée par une lame liquidienne.
Ectopic pregnancy. Tubo-abdominal abortion: complex
heterogeneous paraovarian mass which is poorly
delimited and minimally sensitive surrounded by a
liquid effusion.
— Le diagnostic des grossesses abdominales est
également difficile : les circonstances de leur découverte sont variées (diagnostic cœlioscopique dans le
traitement d’une GEU banale ou diagnostic échographique fortuit et très tardif,…) ;
— Les grossesses interstitielles, cornuales ou
angulaires [15] posent peu de difficulté de diagnostic
dans leurs formes typiques. Notons que le diagnostic
de grossesse cornuale est parfois suspecté par excès
pour des implantations fundiques latéralisées, proches
de l’ostium tubaire. Une contraction localisée de la
corne, fréquente en début de grossesse, peut amplifier
artificiellement l’impression de sac gestationnel très
latéralisé déformant la corne : en dehors des formes
typiques nécessitant un traitement urgent, il est donc
habituel de proposer un contrôle avant une décision
thérapeutique ;
— Les grossesses cervicales ou isthmiques, survenant habituellement dans un contexte post chirurgical
(post-césarienne [16]), ne posent aucune difficulté diagnostique. Signalons enfin les exceptionnelles grossesses intra-murales [17], survenant dans des contextes
cliniques particuliers (PMA, utérus cicatriciel) ;
— Les grossesses hétérotopiques (GEU associée à
une GIU) : dans un contexte de PMA, ce diagnostic
doit être recherché avec un soin particulier. Il s’agit
d’un diagnostic non exceptionnel et très difficile, car
les masses annexielles trompeuses sont fréquentes
après PMA.
Conclusion de l’examen échographique princeps
et évaluation pronostique à court terme
La démarche diagnostique que nous avons décrite
a conduit au diagnostic de GEU patente ou de forte
présomption de GEU dès le premier examen dans
près de 70 % de nos cas.
Peut-on apprécier l’évolutivité à court terme de la
situation, repérer les formes d’évolution subaiguü et
les risques de complications rapides ? Les études
publiées montrent qu’il n’existe pas de signe échographique parfaitement spécifique permettant de
prévoir une rupture de GEU [18, 19] ; a contrario,
des protocoles diagnostiques stricts (algorithmes
[20], scores [13]) permettent de sélectionner une
large cohorte de GEU à risque évolutif très faible,
autorisant un traitement médical, une temporisation,
voire une abstention [21, 22]. Nous pouvons ainsi
définir des critères échographiques encadrant la
notion de risque évolutif :
1) Dans une situation de possibilité de GEU, si l’on
est certain d’avoir examiné la totalité des annexes
© MASSON, Paris, 2003.
Mise à jour • Diagnostic échographique des grossesses extra-utérines
— en particulier les régions péri-ovariennes hautes
visibles en échographie sus-pubienne — sans visualiser de masse anormale, on ne doit logiquement pas
craindre de méconnaître une GEU potentiellement
dangereuse. Ainsi, quand le diagnostic de GEU n’est
pas évident dès le premier examen, il est licite de proposer un contrôle trois à cinq jours après, bien sûr en
fonction du contexte clinique et biologique. Cette
possibilité de temporisation est essentielle dans les
situations de GEU a minima ou de grossesse involutive de siège indéterminé.
2) Au contraire, il existe des critères imposant une
grande prudence. En dehors des critères cliniques ou
biologiques classiques (apparition brutale de la symptomatologie, taux d’hCG et progestéronémie très
élevés,…), la sémiologie échographique permet habituellement de cerner des formes de GEU potentiellement sévères. Parmi les signes péjoratifs classiques,
l’hémopéritoine, les hématosalpinx et hématocèles de
grande taille concernent essentiellement les formes
aiguës traitées chirurgicalement. L’évaluation pronostique à court terme va s’intéresser également à
d’autres éléments :
— Le siège de la GEU par rapport à l’ovaire. Une
GEU située bien à distance de l’ovaire est potentiellement de siège isthmique et d’évolution aiguë ;
— L’aspect de l’hématosalpinx (volume, sensibilité) doit être décrit et représenté sur un schéma ; ceci
permet de dépister précocement une aggravation, particulièrement en cas de stratégie thérapeutique non
invasive (temporisation ou traitement médical) ;
— La douleur exquise à la pression de la zone
annexielle contenant la GEU doit être explicitement
signalée (échographie endovaginale). Cette douleur
exquise est parfois méconnue à l’examen clinique, ou
confondue avec la douleur résultant de la pression du
corps jaune. Elle peut témoigner d’un accroissement
rapide de la masse gravidique ectopique et doit inciter
à la prudence ;
— L’aspect du sac gestationnel constitue enfin un
signe précieux pour apprécier les risques d’évolution
sévère à court terme (volume du sac gestationnel, présence d’un embryon, d’une activité cardiaque, flux
vasculaire trophoblastique…).
RÉSULTATS
Comment optimiser les performances
de l’échographie ?
Un examen échographique non-spécialisé repère
probablement assez efficacement les formes les plus
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
évoluées de GEU. A contrario, dans les GEU peu
symptomatiques, la sensibilité, la spécificité et la
sécurité du diagnostic dépendent d’une méthode
échographique plus spécialisée, visant à optimiser 3
objectifs :
— Diagnostic initial porté d’emblée : comment
améliorer la sensibilité et la spécificité du diagnostic
princeps de GEU ?
— Diagnostic différé : quand le diagnostic ne peut
être porté d’emblée, peut-on adopter une attitude de
temporisation en toute sécurité ?
— Évaluation thérapeutique : quel est l’apport de
l’échographie dans le choix de traitement des GEU
(indication du traitement médical, acceptabilité et surveillance, indication d’une abstention thérapeutique
avec surveillance, orientation vers une option chirurgicale)
L’optimisation du diagnostic échographique
concerne plusieurs thèmes :
Les outils classiques
En premier lieu, mieux utiliser les outils classiques
du diagnostic échographique, précédemment exposés
dans la section « sémiologie de base » :
1) Avant l’échographie, définir la situation et les
images attendues d’après le contexte clinique, biologique et les échographies antérieures.
Cette synthèse pré-échographique est une clef
majeure de la sensibilité du diagnostic : toute discordance entre les images attendues et les premières images échographiques observées oriente la recherche
d’images spécifiques et conduit à une sensibilité diagnostique optimale. À partir de 4,5 semaines d’aménorrhée, un échographiste entraîné établit une
correspondance (cohérence entre datation cliniquehCG-aspect du sac gestationnel) d’une précision millimétrique qui surprend souvent le clinicien nonéchographiste : chaque jour d’évolution se traduit par
une modification subtile mais significative de l’image
échographique. Certains algorithmes de diagnostic
proposent une évaluation échographique avant le
dosage d’hCG ; cette stratégie est incontournable
dans les situations d’urgence clinique mais elle limite
les performances de l’échographie princeps.
2) Pendant l’échographie : respecter un protocole
d’examen complet et rigoureux :
— Complémentarité de l’échographie sus-pubienne
et de l’échographie endovaginale : un premier temps
d’examen échographique par voie sus-pubienne nous
paraît indispensable pour le repérage de masses pelviennes haut situées et pour une vision synthétique du
407
S. Doumerc et collaborateurs
pelvis. L’échographie endovaginale n’a pas réduit
l’intérêt de l’échographie sus-pubienne, surtout depuis
l’avènement de l’imagerie harmonique. Beaucoup de
faux négatifs de GEU concernent des GEU très haut
situées, fréquentes en cas de pelvis cicatriciel, inaccessibles en échographie vaginale [23]. Par ailleurs, certaines GIU normalement évolutives sont accessibles
seulement en échographie sus-pubienne (gros utérus
en situation intermédiaire, myomes). Enfin, l’étape
initiale d’échographie sus-pubienne facilite grandement l’interprétation de l’échographie endovaginale
subséquente, en repérant des particularités anatomiques susceptibles de piéger l’analyse échographique
endo-vaginale.
Il existe 2 arguments contestant la nécessité d’une
échographie sus-pubienne première. Pourquoi imposer
une échographie en deux temps, souvent contraignante,
quand la majorité des situations cliniques de risque de
GEU est facilement résolue dès la mise en évidence
d’une GIU par une échographie endovaginale exclusive ? D’autre part, en cas de GEU patente, une masse
annexielle anormale est habituellement facilement
accessible en échographie vaginale, soit directement,
soit après mobilisation de l’annexe par une pression
abdominale (cette manœuvre suppose déjà une pratique
spécialisée de l’échographie pelvienne).
Pour répondre à ces deux arguments, notons que,
dans nos séries, les erreurs ou incertitudes du diagnostic princeps étaient dans leur majorité évidentes dès
l’étape d’échographie sus-pubienne qui, le plus souvent, avait été omise dans l’échographie initiale.
— L’échographie endovaginale est le temps essentiel de l’examen : elle permet une analyse extrêmement précise des structures proches de la sonde. Elle
apprécie l’aspect de l’endomètre (caduque expulsée ?) et repère le corps jaune. En cas de GEU, le
corps jaune est habituellement très proche d’un petit
hématosalpinx, ou, plus rarement, d’un sac gestationnel ectopique. A contrario, l’échographie endovaginale peut affirmer l’absence de masse suspecte si
l’annexe (trompe et ses vaisseaux) est parfaitement
suivie de la corne utérine à la région para-ovarienne.
Le suivi échographique de l’annexe est une étape
essentielle qui dépend en pratique de plusieurs
facteurs : expérience de l’échographiste, plateau technique, accessibilité anatomique.
3) Après l’échographie, la description (avec
schéma) et la conclusion de l’examen, la possibilité de
synthèse avec le clinicien constituent des étapes clef
pour optimiser les performances de l’échographie.
408
Améliorer la sensibilité
Verrouiller les situations de faux négatifs (GEU
méconnue, non-évoquée ou écartée par erreur). Ces
situations sont multiples, « banales » (diagnostic
erroné de GIU ou de FCS, pseudo-sacs gestationnels,…) ou survenant dans un contexte particulier
(contexte d’IVG, de PMA, contexte gravidique
méconnu,…). Ces faux négatifs sont facilement évitables par une règle simple : quand un contexte gravidique est connu, si le diagnostic échographique de
GIU n’est pas posé d’emblée avec certitude, le diagnostic de GEU doit impérativement rester en cours
de discussion jusqu’à la nullité du taux d’hCG ou à
l’affirmation d’une GIU certaine. Il s’agit d’une situation fréquente, de gestion facile et très efficace : un
simple suivi biologique et/ou échographique permet
d’éviter la majorité des faux négatifs.
Dans les faits, en tout début de grossesse, les situations ambiguës ou trompeuses (images intra-utérines
simulant une GIU : pseudosacs gestationnels) ne sont
pas rares, ce qui explique un taux résiduel non négligeable de faux négatifs. Plus exceptionnellement, une
GEU peut survenir dans un contexte gravidique
méconnu ou considéré comme passé (post IVG, post
FCS présumée). Le diagnostic échographique de
GEU est alors très difficile car non-envisagé, malgré
parfois une symptomatologie clinique (diagnostic
d’une masse pelvienne, de douleurs). L’échographiste
bien inspiré va proposer un dosage d’hCG et aboutir
à un diagnostic différé de GEU.
En pratique, ce dosage d’hCG dit « de sécurité »
est diversement utilisé : parfois négligé (à tort), plus
souvent proposé presque systématiquement sans qu’il
n’existe une réelle possibilité de GEU.
Spécificité
Comment dépister les situations de faux positifs
(diagnostic erroné de GEU)
Trois situations principales sont rencontrées :
1) Le contexte gravidique est connu mais la GIU
ne peut être certainement reconnue : une GEU est
suspectée explicitement, « par excès », malgré
l’absence de signe direct échographique réel. Cette
situation, apparemment désuète en 2003, est en réalité
fréquente et souvent génératrice d’attitudes diagnostiques ou thérapeutiques invasives et inadaptées.
L’absence de symptomatologie échographique évidente, sous réserve d’un examen échographique performant, doit actuellement orienter d’emblée vers une
attitude de temporisation et de réévaluation des élé-
© MASSON, Paris, 2003.
Mise à jour • Diagnostic échographique des grossesses extra-utérines
ments du diagnostic (datation réelle, confrontation
échographie-hCG) plutôt que vers une situation de
suspicion explicite. Notons que la plupart des algorithmes décisionnels publiés récemment aboutissent
dans ces situations très banales à une stratégie diagnostique inutilement agressive et délétère : cœlioscopie (souvent blanche), curetage (souvent positif !).
Ces faux positifs paucisymptomatiques sont presque
toujours évitables.
2) Grossesse non ou mal localisée et présence
d’une symptomatologie annexielle franche (masse
et/ou douleurs) : un diagnostic (erroné) de GEU est
suspecté ou affirmé, souvent hâtivement en raison de
la symptomatologie franche. Il s’agit d’une situation
fréquente entraînant en pratique la majorité des faux
positifs « excusables » et des erreurs thérapeutiques
(risques d’une cœlioscopie inutile, traitement médical
intempestif).
Une connaissance parfaite de la sémiologie du pelvis et des GEU permet d’éviter la majeure partie de
ces faux positifs : les kystes vestigiaux et les corps
jaunes atypiques ne devraient plus être interprétés
comme des masses suspectes.
Plus rarement, ces situations constituent des pièges
diagnostiques peu évitables (cf. diagnostics différentiels
des GEU, masses annexielles ambiguës) (tableau I) :
malgré son intérêt potentiel, la stratégie de temporisation est alors souvent ignorée (symptomatologie échographique trompeuse jugée évidente) ou récusée
(symptomatologie clinique aiguë).
3) Grossesse après PMA : suspicions de GEU, de
grossesse multiple hétérotopique, dans un contexte
d’images complexes trompeuses (hématocèles postponctions, reliquats folliculaires multiples). Il s’agit
d’une situation de gestion parfois difficile : savoir utiliser la temporisation sous grande surveillance.
Les diagnostics imparfaits
Il s’agit de GEU avérées (confirmées secondairement par une cœlioscopie ou par l’évolution clinique,
échographique et biologique), mais sans correspondance avec l’imagerie échographique initiale (erreur
dans la description de la GEU : type de masse,
côté,…).
Habituellement, la découverte de cette erreur partielle est faite lors de la cœlioscopie thérapeutique.
Dans ces formes chirurgicales, l’erreur partielle n’est
pas délétère.
En cas de traitement médical, il existe évidemment
une difficulté de surveillance et un vécu parental dif-
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
Tableau I
GEU : diagnostics différentiels, pièges et difficultés.
Ectopic pregnancy: differential diagnosis, pitfalls and
difficulties.
Diagnostics différentiels des masses annexielles
Corps jaune versus sac gestationnel ou hématosalpinx
Myomes pédiculés versus hématosalpinx
Kyste vestigial et kystes ovariens
Hématocèles post FIV
Pièges et difficultés
Pelvis cicatriciel
Gros utérus en situation intermédiaire
Myomes
PMA et grossesses hétérotopiques
Contexte gravidique méconnu
Absence de suivi, négligence
ficile. Dans ces formes traitées médicalement, donc
subaiguës, on peut regretter a posteriori qu’une stratégie de temporisation n’ait pas été choisie.
La stratégie de temporisation
Organiser un diagnostic différé, en 2 temps : la
stratégie de temporisation.
Cette stratégie est devenue la méthode diagnostique de base dans les GEU subaiguës et les situations
paucisymptomatiques. Elle concerne en pratique une
part très importante et croissante (20 à 40 %) de nos
diagnostics confirmés de GEU (GEU d’abord a
minima, devenant secondairement certaines), mais
également toutes les exclusions différées du diagnostic
de GEU : la maîtrise de cette stratégie est donc essentielle dans un service d’urgences gynécologiques.
1) L’attitude de temporisation permet d’éviter les
aléas de traitements chirurgicaux ou médicaux intempestifs :
— Dans nos séries, rareté des cœlioscopies « blanches », absence de curetages à visée diagnostique,
rares hystéroscopies diagnostiques ;
— Quelques découvertes de GIU trompeuses, normalement évolutives (et très désirées), préservées
grâce à une temporisation opportune ;
— pour mémoire, rappelons les difficultés médicales, parentales et éthiques parfois rencontrées dans
des GEU a minima, présumées mais non prouvées,
intempestivement traitées.
2) L’attitude de temporisation suppose des conditions d’application restrictives :
— Elle implique la certitude d’une symptomatologie a minima, clinique, biologique et échographique
(nécessité d’une échographie spécialisée non ambiguë et bien évaluée par l’échographiste) ;
409
S. Doumerc et collaborateurs
— Il s’agit d’une stratégie proposée par l’échographiste mais la décision et la surveillance sont assurées
par le clinicien, en collaboration avec la patiente ;
— L’indication d’une temporisation est également
dépendante de critères individuels concernant la
patiente : acceptabilité psychologique, sociale, géographique, bonne information et bonne compliance de
la patiente.
3) Aléas de la temporisation. Dans notre série, nous
avons observé des rares cas de GEU a minima ou non
localisées devenant symptomatiques rapidement. Ces
cas ont eu une prise charge rapide (patientes bien
informées du risque évolutif) et adaptée (cœlioscopique). Ce risque évolutif de GEU potentielles ou paucisymptomatiques est a priori inférieur aux aléas du
traitement médical des GEU, qui concerne habituellement des formes déjà symptomatiques
Certains critères cliniques de datation (de 5,5 SA à
6,5 SA) et biologiques (hCG élevée et croissante, progestéronémie élevée) conduisent parfois à récuser
l’attitude de temporisation.
4) Temporisation et spécificité du diagnostic. L’attitude de temporisation joue enfin un rôle essentiel dans
le contrôle de qualité du diagnostic échographique.
Nous avons souligné les faiblesses potentielles du diagnostic échographique de GEU, très opérateur-dépendant, difficile dans les formes peu symptomatiques ;
ces formes bénéficient souvent d’un traitement médical
sans qu’il n’existe apparemment de preuve irréfutable
du diagnostic. L’absence de confirmation anatomopathologique peut paraître quasiment hérétique dans
notre culture médicale actuelle : les analyses critiques
des publications concernant les traitements médicaux
des GEU assimilent volontiers l’absence de confirmation anatomo-pathologique à une incertitude diagnostique [24]. Un des objectifs de la temporisation est en
pratique de supprimer pratiquement toute ambiguïté
diagnostique : il est habituellement aisé, lors d’un
second examen pratiqué par un opérateur expérimenté,
de vérifier la qualité du diagnostic initial : vérification
de la sémiologie d’un hématosalpinx, vérification d’un
sac gestationnel ectopique (avec souvent découverte
d’une vésicule vitelline apparue pendant le délai de
temporisation), nouvelle discussion de diagnostics différentiels,…. Dans les formes paucisymptomatiques, il
n’est pas rare de prolonger la période de temporisation
et de proposer un 3e contrôle avant de décider un traitement médical, voire une simple surveillance. Les
situations de GEU diagnostiquées seulement sur des
arguments indirects (taux d’hCG persistant malgré une
caduque expulsée ou une hystéroscopie négative), sans
410
masse annexielle clairement reconnue par l’échographie, sont devenues exceptionnelles.
5) Temporisation ou hystéroscopie diagnostique ?
Dans des conditions assez rares associant une rétention de caduque, la persistance d’un taux d’hCG stagnant, l’absence de masse annexielle patente et le
souhait d’un diagnostic rapide, une hystéroscopie diagnostique peut être plus intéressante qu’une longue
temporisation.
Évaluation
Comment apprécier l’exactitude du diagnostic de
GEU proposé par l’échographiste ? Il s’agit d’une
évaluation difficile, pourtant essentielle dans la synthèse clinique : la qualité du compte rendu et de l’iconographie ne donne que des renseignements partiels
sur les conditions de l’échographie. Les éléments
réels d’évaluation et de gestion du diagnostic de GEU
sont très rudimentaires, indirects et peu accessibles :
— Qualité du plateau technique et expérience personnelle ; auto-évaluation de l’échographiste ;
— Évaluation, par l’échographiste, de la structure clinique correspondante, qui conditionne l’orientation du
compte rendu : proposer ou récuser la temporisation ? ;
— Qualité du dialogue échographiste-clinicien qui
conditionne une gestion optimale de la situation [25].
Orientations pré ou post-thérapeutiques
Nous avons décrit ci-dessus des critères d’évaluation
échographique de risque évolutif des GEU. Certains
critères sont bien intégrés dans les scores d’évaluation,
en particulier lors de l’indication d’un traitement médical. D’autres critères méritent d’être ré-évalués : GEU
de siège proximal, formes hyperalgiques. L’échographie
permet d’autre part d’apprécier l’accessibilité de la GEU
en cas d’indication de traitement médical in situ (injection de Méthotrexate). Enfin, l’échographie est l’examen
de référence pour dépister une complication après traitement médical ou chirurgical [25].
Autres techniques, progrès technologiques
et méthodologiques de l’échographie
Qu’attendre des autres techniques et des progrès
technologiques et méthodologiques de l’échographie
(Doppler couleur/Doppler énergie/Doppler pulsé/3D/
hystérosalpingosonographie/sondes de haute fréquence/imagerie harmonique) ? Parmi les techniques
échographiques avancées, nous retenons l’apport du
Doppler couleur et de l’imagerie harmonique.
© MASSON, Paris, 2003.
Mise à jour • Diagnostic échographique des grossesses extra-utérines
La cartographie vasculaire (Doppler couleur et Doppler énergie) est très précieuse pour l’analyse d’images
ambiguës (hématosalpinx,…), comme dans toute échographie pelvienne [26]. L’analyse quantitative des flux
artériels utérins ou tubo-ovariens (Doppler pulsé)
n’apporte aucun élément diagnostique dans notre pratique. En cas de petit sac gestationnel ectopique isolé,
l’existence de flux trophoblastiques est un bon signe
d’évolutivité et de risque potentiel [27].
L’imagerie harmonique nous paraît constituer un
apport majeur pour l’analyse des contours et de la structure des organes pelviens. Elle permet une excellente
discrimination tissulaire : la délimitation du contour ovarien et du corps jaune grâce au repérage des petits follicules de 1, 5-2 mm est souvent un argument essentiel
assurant une bonne analyse des masses para-ovariennes.
D’autres techniques d’imagerie avancée ont été
décrites. L’échographie 3D montre une belle iconographie synoptique des masses annexielles mais ne précise
pas réellement la sémiologie fine de ces masses. L’hystérosalpingosonographie (échographie avec injection
d’un milieu de contraste intra-utérin et intra-tubaire)
peut contribuer au diagnostic dans des cas ambigus
[28]. L’utilisation de sondes de haute fréquence, assurant une définition très fine, a été proposée pour le
diagnostic des pseudo-sacs gestationnels [29]. Ces
méthodes d’imagerie avancée sont séduisantes par
l’originalité de leur iconographie. Elles sont peu accessibles en routine et leur intérêt doit être évalué.
Faut-il utiliser un algorithme décisionnel ?
De nombreux algorithmes du diagnostic de GEU ont
été décrits et comparés [1]. Les plus classiques sont
basés sur une confrontation hCG-échographie, parfois
dans un ordre chronologique surprenant (hCG après
l’échographie) mais dépendant de l’organisation de la
consultation princeps, souvent en intégrant des données cliniques [30] ou d’autres marqueurs biologiques.
Ces algorithmes ont pour vocation d’homogénéiser
la stratégie diagnostique, de la rendre plus performante
(sensibilité-spécificité) et moins opérateur-dépendante.
Les principaux algorithmes gèrent correctement la
situation initiale de suspicion de GEU : affirmation
d’un contexte gravidique, évaluation des dosages
d’hCG, absence de GIU décelable malgré un taux
d’hCG supérieur à un certain seuil,…. En seconde
étape de l’algorithme, l’échographie est le pivot donnant une information jugée essentielle mais en pratique
plutôt caricaturale (diagnostic positif de GEU versus
absence d’anomalie annexielle), conduisant soit à un
traitement, soit à une stratégie diagnostique agressive
(le classique D & C (Dilatation Curettage), la cœlios-
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
Tableau II
Les étapes chronologiques du diagnostic de GEU.
Step-by-step procedure for diagnosis of ectopic
pregnancy.
1er temps. Analyse succincte du contexte clinique et corrélation
biologique (hCG)/clinique : concordance ou discordances
2e temps. Analyse pré-échographique : quelles sont les images
attendues (GIU/GEU) ?
3e temps. Parfois, GEU évidente d’emblée : la GEU aiguë et
l’urgence chirurgicale (1/3 des GEU ?)
4e temps. L’analyse de la sémiologie fine de la GEU
— Aspect de la caduque (déjà expulsée ?)/GIU douteuse/GIU
possible ?
— Repérage du corps jaune
— Identification d’une masse annexielle voisine du corps
jaune : présomption de GEU (hématosalpinx, sac gestationnel,…) ou absence de masse annexielle anormale détectable
— Autres signes
5e temps. Le compte rendu échographique et ses conclusions
— GEU patente et évaluation préthérapeutique
— GEU a minima ou doute diagnostique : proposition d’une
temporisation ; présomption d’une absence de risque clinique à
court terme
— Description des éventuelles difficultés techniques et anatomiques
6e temps. La synthèse échographique, clinique et thérapeutique ; décision thérapeutique ou gestion de la temporisation
copie diagnostique,…). Cette seconde étape d’algorithme nous paraît désuète et inadaptée car, du fait de
son caractère « binaire », elle méconnaît la complexité
de l’imagerie échographique et les multiples variables
qui conduisent dans notre expérience à un diagnostic
fiable de GEU, parfois immédiat mais très souvent différé (temporisation). Elle conduit à une stratégie diagnostique inutilement prématurée, agressive et souvent
délétère qui ne correspond plus à notre pratique :
cœlioscopies diagnostiques blanches, D & C interrompant parfois des grossesses intra-utérines.
L’étape échographique du diagnostic de GEU
mérite une description multiparamétrique peu compatible avec le concept d’algorithme. Dans notre pratique, nous n’utilisons pas un algorithme unique mais
plutôt une succession chronologique d’items permettant une évaluation plus représentative des multiples
situations possibles (tableau II) : la décision de temporisation, véritable pivot de notre arbre décisionnel,
est trop complexe pour être résumée dans un algorithme binaire et rigide.
CONCLUSION
Les tableaux de GEU sont multiples, assez rarement
évidents : GEU patentes aiguës (1/3), GEU patentes
discrètes (1/3), GEU a minima (1/3) ou exclusion du
411
S. Doumerc et collaborateurs
diagnostic de GEU. Dans ces situations diagnostiques
majoritairement difficiles, les objectifs de l’échographie
(bonne sensibilité, bonne spécificité et parfaite sécurité)
paraissent a priori ambitieux. Deux axes principaux
permettent en pratique d’approcher ces objectifs :
— L’amélioration des performances de l’échographie repose d’abord sur l’exploitation optimale de
données « classiques » mais souvent méconnues ou
sous-exploitées : l’échographie des GEU tend à devenir un acte spécialisé, avec sa sémiologie très précise
et sa stratégie diagnostique complexe et spécifique.
— L’attitude de temporisation est habituellement
l’autre clef du diagnostic des situations non-évidentes. Elle suppose un contexte décisionnel particulier
et une parfaite collaboration entre l’échographiste, le
clinicien et la patiente.
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