Les vaches de Swiss Expo savent prendre la pose qui les rend belles
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Les vaches de Swiss Expo savent prendre la pose qui les rend belles
Terre 21 JANVIER 2016 19 ÉLEVAGE Les vaches de Swiss Expo savent prendre la pose qui les rend belles Après avoir défilé sur le ring, certaines vaches ont le privilège de se faire tirer le portrait par des photographes professionnels, comme l’Allemand Wolfhard Schulze, que nous avons rencontré à Lausanne. S Des cris et un plumeau Tout va alors très vite, quatorze mains s’affairant autour de la bête, ce matin-là de la race brune, impassible. En deux ou trois mouvements, son licol en corde est remplacé par un autre en cuir, ses sabots sont brossés, sa queue ébouriffée, le tout fixé avec un soupçon de laque pour cheveux. Si elle n’est pas assez fournie, des postiches de différentes couleurs peuvent y remédier. Sa robe est lustrée une dernière fois, sprayée en blanc ou en noir au besoin, les poils de sa nuque redressés pour faire de sa ligne dorsale une belle droite, se détachant du paysage de l’arrière-plan, un champ photographié en... Allemagne, non loin d’Essen. Puis l’animal est placé avec préci- TÉMOIGNAGES Le photographe allemand Wolfhard Schulze est entouré d’une équipe où chacun tient un rôle précis. Certaines coiffent les vaches et ajoutent des postiches de queue au besoin. Enroulé dans une peau de vache, son assistant imite le cri du taureau, pour faire briller les yeux des vaches. sion, les pattes antérieures sur un piédestal pour lui donner l’allure parfaite. Soucieux du détail, Wolfhard Schulze, le «Picasso de la vache» aux yeux du président de Swiss Expo, Jacques Rey, ajuste lui-même les membres du modèle, au centimètre près. Ses collaborateurs veillent à ce que l’animal bouge le moins possible, avant de sortir rapidement du cadre de l’image. «On retouche parfois les clichés avec des logiciels, pour que le dos de la bête soit bien droit, par exemple, détaille l’Allemand de 46 ans. On a toujours pratiqué des améliorations. Auparavant, des poils étaient ajoutés sur le dos des vaches.» Si certains professionnels retouchent à outrance les images, très normées, que l’on retrouve sur les sites des éleveurs ou dans les catalogues spécialisés, ce n’est pas le cas de Wolfhard Schutze. «Je n’aime pas changer la réalité, je préfère en faire le moins possible. La photo doit être une information pour l’éleveur. Il s’en sert pour vendre sa bête et faire de la publicité © PHOTOS OLIVIER EVARD on studio est discrètement installé à l’arrière d’une halle de Beaulieu, à michemin entre les étables et le ring sur lequel les vaches défilent. Invisible du public, ce lieu est pourtant incontournable pour nombre d’éleveurs présents à Lausanne. C’est ici que Wolfhard Schulze, expert en photographie bovine, immortalise les plus belles de la compétition, tout juste sorties de scène. Pendant les quatre jours de Swiss Expo, plus de 150 animaux pomponnés passeront devant son objectif. S’il veut répondre à la demande, le photographe n’a guère le temps de lambiner. Le déroulement des séances photo est d’ailleurs bien rodé. «Elles durent en moyenne dix minutes, explique Wolfhard Schulze. Ces bêtes ont l’habitude d’être manipulées, mais il faut rester calme en toute situation.» Une fois entré dans l’enceinte du studio, l’éleveur confie sa vache à l’équipe de sept personnes qui l’entoure. pour son élevage, c’est important.» Rapidement, l’homme se positionne derrière son appareil, à quelques mètres de son modèle. Son équipe, immobile, attend alors son feu vert pour s’éclipser. C’est alors que le véritable spectacle commence. Car rendre une vache expressive demande beaucoup d’astuces. Caché jusqu’ici dans un coin de la pièce en forme de L, un homme sort emmitouflé dans une peau de bovin, en imitant le bruit d’un taureau. La vache, émoustillée, le contemple de ses grands yeux alors que les flashes crépitent. Tout en captant son attention, l’homme enlève alors sa couverture pour venir chatouiller les naseaux de cette dernière avec un plumeau, vers le haut ou le bas, suivant les ordres du photographe. Puis, il se saisit d’un miroir dans lequel se reflète la donzelle, qui se prend au jeu, ne comprenant pas vraiment ce qui se passe. Derrière l’animal, une femme accroupie maintient la queue fermement à l’aide de fil Des photos pour se souvenir de l’événement Manuel Oberholzer et Dominik Saettli avec Storia «Il était important pour nous de faire une photo de Storia à Lausanne, en studio. On est venus de loin, directement du Toggenburg, pour la présenter à Swiss Expo. C’est l’occasion de le faire et de repartir avec un beau souvenir de ce moment.» Matthias Nideröst et sa génisse Joulie «Joulie a gagné un fanion en compétition, je voulais garder un souvenir de sa performance loin de chez elle. En plus, elle était toute propre, j’en ai profité pour qu’elle soit prise en photo. Un souvenir que je ramènerai dans le canton d’Uri, à Erstfeld.» Christian Gähler, Samuel Walser et Milla «Nous avons pris beaucoup de temps pour préparer Milla, qui vient de Jonschwil (SG), pour la compétition. Faire une photo d’elle à la sortie du ring est l’occasion de la voir quand elle est la plus belle, de plus dans un cadre plus naturel, avec de l’herbe aux pieds.» de pêche et d’un bâton, afin qu’elle reste droite. Puis Wolfhard Schutze, lève la main, signe que la prise est bonne. Pas de professionnel en Suisse La vache retrouve alors son propriétaire resté en retrait. Ce dernier n’a plus qu’à payer (180 fr. le cliché) avant de laisser la place au suivant, déjà prêt à se positionner. L’éleveur recevra directement chez lui une photo imprimée de sa protégée ainsi qu’une version digitale dûment signée. «C’est à cela surtout que l’on reconnaît mon œuvre», souligne Wolfhard Schutze, avec humour. Voilà déjà sept ans qu’il immortalise les participantes à Swiss Expo – où l’on trouve les plus belles vaches d’Europe, selon lui – toutes races confondues. C’est d’ailleurs la seule venue en Suisse du photographe, qui travaille essentiellement en Allemagne. Le week-end dernier, comme son collègue Martin Killewald, alias KeLeki, il avait spécialement fait le déplacement à Lausanne. «La crème des vaches se retrouve ici. C’est très important qu’il y ait des photographes proposant le top du top», estime Jacques Rey. C’est en effet l’une des rares occasions pour les éleveurs d’immortaliser leur bête en studio. Mais pour garantir ce service, le patron de Swiss Expo doit aller chercher des professionnels à l’étranger. «Il n’y en a pas en Suisse et en France. Alors qu’il y en a beaucoup dans le monde du cheval», confirme Wolfhard Schulze, qui peine à en trouver les raisons. Lui, il a choisi cette voie par amour des vaches, qu’il côtoie depuis son enfance. Avant de se mettre à son compte, il a appris les ficelles de ce travail durant trois ans avec un photographe hollandais. Depuis, il parcourt le globe, réalisant des milliers de clichés de bovins. À force de les photographier durant près de vingt ans, il est devenu expert. «J’apprécie aussi le contact avec les éleveurs. Ils sont tous différents, mais nous partageons la même passion.» Céline Duruz n