Le sampling

Transcription

Le sampling
Université Robert SHUMAN
DESS DROIT DU MULTIMEDIA ET DES SYSTEMES D'INFORMATIONS
2004 -2005
LE SAMPLING
Approche juridique de l'échantillonnage
musical non autorisé en droit français
RAPPORT DE RECHERCHE
Réalisé par :
Grégory CUQ
Sous la direction de
Monsieur le Professeur Théo HASSLER
--------Avril 2005
1
Sommaire
INTRODUCTION....................................................................................................... 4
Le procédé technique d'échantillonnage .................................................................... 4
Bref historique de l'échantillonnage ........................................................................... 4
PARTIE I : L'EXPLOITATION NON AUTORISEE DE L'ECHANTILLON... 6
I. L'incorporation à une nouvelle œuvre viole les droits attachés à
l'échantillon..............................................................................................................6
A. La nature de l'œuvre seconde.................................................................................. 6
B. Les droits attachés à l'extrait échantillonné........................................................... 7
II. Régime juridique de l'échantillonnage non autorisé.................................... 12
A. L'échantillonnage peut-il entrer dans le cadre d'une exception légale ?........... 12
B. Les sanctions de l'exploitation illicite de l'échantillon......................................... 15
PARTIE II : VERS UNE APPROCHE PRAGMATIQUE DE LA
JURISPRUDENCE................................................................................................... 18
I. L'approche doctrinale de la qualification de l'échantillon............................ 18
A. Les bases de la qualification doctrinale de l'œuvre musicale..............................18
B. La doctrine distingue les sons de libres parcours et les phrases musicales........19
II. Le critère du caractère reconnaissable de l'emprunt évoqué par la
jurisprudence......................................................................................................... 22
A. L'émergence d'un critère jurisprudentiel de contrefaçon en matière
d'échantillonnage......................................................................................................... 22
B. Le caractère reconnaissable de l'emprunt ........................................................... 23
CONCLUSION.......................................................................................................... 27
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................... 28
.Ouvrages, Thèses, Traités, manuels, Rapports, encyclopédies, monographies.....28
.Articles, Chroniques, Communication, de doctrine ............................................... 28
.Décisions de Justice.................................................................................................... 28
.Articles journaux généralistes, Sites Web consultés................................................29
2
Le 24 février 2004, une opération d'une grande ampleur a mobilisé des centaines de sites internet
indépendants pour défendre un disque réalisé à partir d'échantillons. Le DJ Danger Mouse a utilisé
des versions accapella offertes par le rappeur américain Jay-Z de son album « Black Album » ; ces
pistes vocales ont été incorporées dans une œuvre musicale où les parties instrumentales ont été
entièrement et uniquement composées à partir d'extraits échantillonnés du « White Album » des
Beatles. Encensées par la critique musicale, les chansons de l’album s’échangent très rapidement au
format mp3 sur Internet. Cet album, baptisé « Grey album », est rapidement interdit par EMI,
détenteur des droits des enregistrements originaux. Le site DownhillBattle1, militant très actif de la
lutte contre les majors, a alors entrepris de lancer une grande opération baptisée "Grey Tuesday" ;
les sites sont invités à s'habiller de gris et conviés à proposer l'œuvre incriminée gratuitement au
téléchargement.
Jonathan Zittrain, le directeur du Berkman Center for Internet and Society de l'Harvard Law School,
interrogé à ce sujet par le New York Times, déclare le 24 Février 2004 : « D’un point de vue
purement légal, l’opération du « Grey Tuesday » est contraire à la loi… [...] Aujourd’hui, l’essor
et la généralisation des technologies de l’information permet aux utilisateurs de créer des
morceaux à partir d’œuvres qui appartiennent à la culture populaire. Il n’est pas possible de placer
un tel mouvement culturel sous le régime légal tel qu’il existe aujourd’hui »2. Si cette remarque fait
évidemment référence au système juridique américain, il n'en demeure pas moins que la
généralisation de l'échantillonnage musical a posé quelques problèmes d'appréhension aux juristes,
parfois vite tentés d'assimiler cette pratique à un pillage. Il paraît opportun de préciser l'état du droit
positif français à ce sujet.
"There's two kinds of music: good and bad."
Edward K. "Duke" Ellington
1 Site internet en langue anglaise disponible à l'adresse suivante : http://www.downhillbattle.org/ .
2 Texte original disponible dans les archives du New York Times. Cité et traduit en français par l'Atelier groupe BNP
Paribas le 25 Février 2004.
3
INTRODUCTION
Le sampling est un procédé également connu sous le nom d’échantillonnage3.
Il désigne un emprunt musical, plus exactement le fait d’incorporer des extraits d’enregistrements
musicaux existants dans une nouvelle œuvre musicale. L'artiste sélectionne tout d'abord un passage,
un extrait d'une œuvre musicale existante. Via un procédé de numérisation de l'enregistrement
original, il va réutiliser l'extrait choisi dans une nouvelle œuvre musicale. L'échantillon emprunté
peut avoir une importance qui selon les cas pourra varier d'un simple son fugitif jusqu'à une reprise
quasi intégrale de l'œuvre première. Il convient toutefois de préciser le procédé technique, avant
d'esquisser l'historique de la pratique.
.
Le procédé technique d'échantillonnage
Dans une affaire très récente4, la cour de Paris a eu l'occasion de définir les différentes techniques
utilisées par les artistes musicaux contemporains et les disc jockeys et de clarifier ainsi leur
interprétation juridique. Ainsi, selon la Cour, « la technique du « sample » consiste dans
l'intégration d'extraits musicaux dans une autre œuvre et ne peut, du fait de cette fragmentation qui
constitue une altération de l'œuvre première, être pratiquée sans l'autorisation de l'auteur, tandis
que le mix consiste dans l'enchaînement d'œuvres enregistrées dans leur intégralité et le remix
suppose une reprise intégrale de l'œuvre préexistante dans une nouvelle interprétation,
enregistrements qui dans la mesure où ils ne modifient ni le texte ni la musique d'origine sont
licites ».5
L'échantillonnage n'est rien d'autre que la numérisation d'un fragment sonore ; cette opération
transforme le signal musical analogique en une suite de données numériques. Pierre Sirinelli l'a
définit de la façon suivante : « L'échantillonnage musical (sampling) est un procédé consistant à
mesurer un signal audio selon des intervalles de temps réguliers pour le coder ensuite en langage
binaire, exclusivement composé de uns et de zéros, grâce à un convertisseur analogiquenumérique ». L'échantillonnage permet le stockage du signal sonore et la restitution à l'identique.
Pour faire une comparaison avec un procédé courant, c'est l'équivalent de la numérisation d'une
photographie via un scanner branché à un ordinateur. Le document original peut être alors reproduit
à l'identique en l'imprimant. Mais tout comme la photo numérisée peut être retouchée pour recadrer
le sujet photographié ou modifier les couleurs, l'échantillonnage permet de découper l'extrait sonore
ou de modifier sa tonalité.
De nos jours, la durée de l'échantillonnage et les opérations de manipulation sonore offertes par le
traitement du signal du son sont extrêmement variées. Elles ne connaissent guère de limites pourvu
que l'artiste dispose d'un passage musical ou l'instrument est joué de façon isolé et suffisamment
longtemps pour être échantillonné. Une fois numérisée, la partie pourra être insérée dans une
nouvelle œuvre musicale et, si l'artiste est assez habile, être entièrement découpée note à note puis
modifiée afin d'interpréter une partie musicale totalement différente.
.
Bref historique de l'échantillonnage
L'histoire de l'échantillonneur débute avec celle du magnétophone. C'est le premier appareil qui
permet de saisir le son dans sa dimension temporelle pour le fixer matériellement sur bande
3 Le terme anglais sampling peut être traduit par échantillonnage, tout comme l'échantillonneur est l'appareil
permettant de réaliser cette manipulation, le sampler . Par contre, le terme « sampleur » est un bel exemple de
francisation approximative.
4 CA Paris, 4ème ch., sect. B, 22 oct. 2004, Marc Cerrone c/ Alain Wisniak et autres , chronique de décembre 2004
sur le site lextenso.
5 «Industries culturelles et nouvelles techniques : rapport de la commission présidée par P. Sirinelli documentation
française, page 95.
4
magnétique. Par la suite, Pierre Schaeffer élabore dès les années 1950 le « phonogène universel »6
pour essayer de dépasser les contraintes de durée et de tonalité. Ces deux propriétés sont en effet
intrinsèquement liées dans les enregistrements sonores réalisés sur bandes ou sur disques vinyls : si
un 33 tours est diffusé à vitesse accélérée, en 45 tours par exemple, il sera lu plus rapidement mais
le son sera transposé vers le haut, et la pièce musicale sera réduite dans sa durée d'environ un tiers.
Dans les années 1970, le melotron avec ses bandes pré-enregistrées déclenchées par un clavier
marque profondément tout un courant musical, le rock progressif. Ce clavier est capable de restituer
des sons de violons, de flûtes ou de cuivres, totalement polyphoniques à une époque où la
technologie numérique n'est pas appliquée à la facture instrumentale. Et c'est justement l'apparition
et le développement de cette technologie numérique qui donnent naissance aux échantillonneurs
modernes. Au début des années 1980, le Fairlight autorise la mémorisation des données sonores
sous format numérique. Cette technologie extrêmement coûteuse permet de s'affranchir des
contraintes mécaniques de reproduction sonore, tout en ouvrant de larges possibilités de traitement
du signal. Au début des années 1990, les sociétés AKAI7 et E-MU8 commercialisent des
échantillonneurs dont les progrès technologiques vont suivre de près la courbe de performance de
l'industrie informatique. Plus tard, des innovations9 vont permettre, en manipulant les formants10 des
sons échantillonnés, de décupler les possibilités en s'affranchissant en partie des problèmes de
transposition. Depuis, la puissance des ordinateurs a rattrapé les échantillonneurs dédiés et les
œuvres musicales actuelles font majoritairement appel à des logiciels spécifiques fonctionnant sur
des stations de travail informatique. Et tout comme de nombreux instruments avant lui avaient
favorisé l'éclosion de nouveaux genres, l'échantillonneur a permis l'émergence des deux nouveaux
courants musicaux : le hip-hop et la musique dite électronique dans toutes ses expressions.
Alors que son utilisation est généralisé, les questions juridiques à l'utilisation des œuvres deviennent
de plus en plus importantes, à la mesure des enjeux financiers - où le public d'autrefois est devenu
un consommateur - et artistiques. Le propos de ce rapport de recherche est de définir le régime
juridique de l'échantillon musical utilisé - sans l'accord des ayants droit - dans une œuvre musicale.
L'utilisation autorisée de l'échantillon musical ne sera pas traitée, notamment en raison des aspects
purement contractuels de la question.
Il faut donc dans un premier temps préciser le régime juridique de l'échantillon musical et les
conséquences de son exploitation non autorisée, notamment les sanctions encourues. La doctrine
ayant pris position sur le sujet dans les années 90, les qualifications opérées seront examinées par la
suite pour tenter de dégager une position commune, aboutissant à des critères de distinction. Cette
approche doctrinale sera ensuite confrontée aux décisions qu'ont rendues les juridictions françaises
saisies de la question. Il s'agira de définir les critères appliqués pour déterminer le caractère illégal
de l'emprunt, afin de préciser l'état du droit positif à ce sujet.
6 Plus d'informations sur le site : http://www.olats.org/pionniers/pp/schaeffer/theorieSchaeffer.shtml .
7 La série des échantillonneurs S1000 et des S3000 sera un franc succès. Site internet du fabricant : www.akaipro.com.
8 C'est avec l'Emulator et le Sp 1200 qu'Emu gagnera ses lettres de noblesse. La société américaine a été rachetée par
un fabricant de cartes sons pour ordinateurs. Site internet : www.emu.com.
9 Notamment le VP-9000 de Roland.
10 Les dormants sont une des composantes du son qui caractérise notamment le timbre.
5
PARTIE I : L'EXPLOITATION NON AUTORISEE DE
L'ECHANTILLON
L'échantillonnage musical n'est pas un acte anodin. Emprunt maintes fois répété par les artistes
contemporains, il n'en est pas moins porteur de lourdes conséquences juridiques. Cette opération
viole certains droits attachés à l'extrait échantillonné (I) , qu'ils avant de préciser le régime juridique
de cet échantillon (II).
I. L'incorporation à une nouvelle œuvre viole les droits
attachés à l'échantillon
L'étude de l'incorporation de l'échantillon dans une nouvelle œuvre musicale précisera tout d'abord
la qualification préalable de cette œuvre seconde (A), avant de détailler les droits attachés à
l'échantillon (B).
A. La nature de l'œuvre seconde
Avant d'examiner les droit attachés à l'échantillon numérisé, la nature juridique de l'œuvre seconde
sera définie, en examinant si le processus de création particulier n'entache pas sa qualité d'œuvre
originale (1), avant de prendre en compte la pluralité d'auteur (2).
1. L'acceptation de l'œuvre seconde comme œuvre originale
Le recours à l'échantillonnage, et plus largement l'utilisation de matériel informatique lors du
processus de création n'est pas en mesure de faire échec à la qualification d'œuvre originale. Une
création doit en effet être originale et refléter la personnalité de son auteur pour être reconnue
comme œuvre de l'esprit, et bénéficier ainsi de la protection du droit d'auteur. Or, tant que
l'intervention de l'ordinateur ne fait pas obstacle à l'expression de la personnalité de l'auteur, la
qualification d'œuvre ne peut lui être refusée. C'est le sens de l'arrêt du Tribunal de Grande instance
de Paris qui dans l'affaire Cooper11 a estimé « que la composition musicale assistée par ordinateur,
dès lors qu'elle implique une intervention humaine, un choix de l'auteur conduit à la création
d'œuvres originales et comme telles protégeables quelle que soit l'appréciation qui peut être portée
sur leur qualité ». Cette solution préserve l'esprit du législateur qui accorde la protection par le droit
d'auteur « quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. »12 . Dès
lors, sous réserve du respect des droits antérieurs attachés à l'échantillon, l'opération ne fait pas
obstacle à la protection de l'œuvre seconde par le droit d'auteur.
2. La qualification d'œuvre dérivée ou d'œuvre composite
L'échantillon sonore est inclus dans une nouvelle œuvre musicale, ce qui pose la question de la
titularité des droits. L’article L. 113-2 CPI distingue plusieurs catégories d’œuvres, souvent
présentées comme faisant intervenir plusieurs auteurs. L’œuvre composite est définie par l’article L.
113-2 al. 2 CPI comme « l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la
collaboration de l’auteur de cette dernière ». Il y a donc œuvre composite lorsqu’une œuvre
première est incorporée dans une œuvre seconde et se caractérise par le défaut de coopération entre
l’auteur de la création préexistante et le créateur de l’œuvre seconde. Il faut cependant distinguer
11 TGI Paris 5 Juillet 2000, Cooper c/ Sté Ogilvy & Mather.
12 Article L. 112-1 CPI.
6
l'œuvre composite de l’œuvre dérivée, laquelle ne fait qu’emprunter certains éléments à l’œuvre
préexistante : l’œuvre première n’est pas « incorporée » telle qu’elle, dans l’œuvre seconde. Les
traductions et adaptations sont ainsi qualifiées d'œuvres dérivées.
Dans le cas de l'échantillonnage, l'œuvre nouvelle va généralement être très éloignée de l'adaptation
ou du simple arrangement. La qualification d'œuvre composite semble être la plus appropriée en
raison de l'incorporation postérieure de l'œuvre première dans l'œuvre seconde et de l'absence de
collaboration entre l'auteur de l'œuvre échantillonnée et l'auteur de la nouvelle œuvre. En revanche,
en cas de nouvel arrangement ou de remix, même utilisant des échantillons de l'œuvre arrangée, le
résultat est plus proche de l'œuvre dérivée. Il semble d'ailleurs que cette distinction n'a que peu
d'intérêt pratique pour certains auteurs qui utilisent l'expression « œuvre composite » pour désigner
l’ensemble des œuvres secondes par la doctrine.
La deuxième distinction à effectuer consiste à distinguer l’œuvre composite de l'œuvre de
collaboration. L'auteur de l’œuvre première ne participe pas à la réalisation de l’œuvre seconde dans
le cas d'un échantillonnage. Toutefois, la participation n’est pas exclusive de la qualification
d’œuvre composite, en sorte que les deux statuts peuvent coexister et s’appliquer à une même
œuvre lorsque certains éléments sont repris tels quels dans l’œuvre seconde.13 Quant au régime de
l’œuvre composite, elle " est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de
l’auteur de l’œuvre préexistante "14. L’auteur de l’œuvre composite est donc seul titulaire des droits
d’auteur sur celle-ci. Il doit toutefois respecter le monopole de l’auteur de l’œuvre première et, par
conséquent, demander son autorisation. Rien n'est dit en revanche sur un quelconque droit de ce
dernier de participer aux résultats d’exploitation de l’œuvre composite. L'intéressement est
cependant largement pratiqué dans le cas des échantillonnages déclarés. La jurisprudence a très
logiquement énoncé que l’incorporation d’une œuvre composite ne prive pas l’auteur de l’œuvre
préexistante de son droit de poursuivre ou de reprendre l’exploitation de son œuvre.
Mais la nature d'œuvre composite ne fait qu'effleurer le régime juridique complexe créé par
l'échantillonnage, certains droits restent attachés à l'échantillon.
B. Les droits attachés à l'extrait échantillonné
L'échantillon sonore numérisé est réutilisé et réinjecté dans une œuvre nouvelle ; or l'échantillon
sonore est extrait d'une œuvre existante, protégée par le droit d'auteur. Les droits attachés à l'extrait
musical échantillonné seront examinés dans une approche quelque peu descriptive, en distinguant
les prérogatives relevant des droits d'auteur (1) et celles relevant des droits voisins (2).
1. Les droits d'auteur protégeant l'œuvre de l'esprit
La source est une œuvre de l'esprit, qui bénéficie ainsi de la protection du droit d'auteur au titre de
l'article L. 111-1. du CPI qui dispose que « L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre ,
du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce
droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre
patrimonial ». Cette distinction guidera le développement.
13 Le cas s'est posé à propos d’un opéra commencé par Borodine, mais demeuré inachevé à son décès. RimskiKorsakov et Glazounov, ses élèves et amis, avaient terminé l’ouvrage en incorporant tels quels les passages achevés
par Borodine et en achevant les parties seulement esquissées. Pour la cour d’appel, (CA Paris, 8 juin 1971) dont le
raisonnement est suivi par la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère 14 novembre 1973), l’œuvre finalisée est à la fois
une œuvre de collaboration car Rimski-Korsakov et Glazounov ont conjugué leurs efforts pour achever l’opéra, et,
également, une œuvre composite en raison des emprunts de fragments déjà achevés par Borodine.
14Article L. 113-4 CPI.
7
a. Le droit moral de l'auteur
Particularité du droit d'auteur français, le droit moral occupe une place prépondérante dans l'esprit
des praticiens. Parmi les quatre prérogatives du droit moral, il y a lieu de distinguer celles qui ne
sont qu'assez peu susceptibles d'être atteinte des autres.
i. Droit de divulgation et droit de retrait
Le droit de divulgation n'est que rarement mis en cause par le procédé d'échantillonnage : cette
technique implique forcément une source sonore publique préalablement exploitée par l'auteur, d'où
sera extrait l'échantillon. Il est certes possible d'imaginer un sampling portant sur un enregistrement
illégal ou détourné de l'auteur qui n'aurait pas souhaité le voir publié.15
Le droit de repentir ou de retrait existe également. Pour porter atteinte à ce droit reconnu par L. 1214 CPI.16, il faudrait qu'une œuvre préalablement divulguée, puis ensuite retirée, soit échantillonnée.
Bien qu'il s'agisse d'une hypothèse largement théorique, un retrait de l'œuvre seconde est
envisageable, si toutefois l'échantillonnage est substantiel.
ii. Le droit à la paternité
L 'Art. L. 121-1. du CPI dispose que « L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité
et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et
imprescriptible». Ce droit à la paternité va permettre à l'auteur de pouvoir exiger que le lien entre sa
personne et son œuvre soit établi. Or le risque est fort de voir l'échantillonnage briser le lien de
paternité avec l'œuvre initiale qui, désormais fondue dans l'œuvre nouvelle, pourrait ne plus exister
qu'à travers celle-ci. Ce droit à la paternité permet d'éviter l'oubli de l'œuvre initiale.
La réponse pratique à cette atteinte potentielle peut être l'obligation d'imposer la mention de l'auteur
et du titre de l'œuvre échantillonnée sur le livret ou tout autre support accompagnant le
phonogramme. Il est d'ailleurs bon de noter que ce droit de paternité ne se confond pas avec
l'obligation d'identifier la source lors d'une courte citation17.
Il faut conclure en soulignant que l'échantillonnage de certains artistes crédités a pu permettre la
réédition en CD d'œuvres uniquement éditées en vynil18, voire favoriser la carrière d'artistes19.
iii. Le droit au respect de l'œuvre
De la même façon que le droit à la paternité, le droit au respect de l'œuvre participe également à
l'identification des mérites respectifs des créateurs. Posé par l'article L. 121-1 du CPI précité, il
apparaît également dans les articles L.132-11 qui disposent que l'éditeur ne « peut, sans autorisation
écrite de l'auteur, apporter à l'œuvre aucune modification » et L. 132-22 où « l'entrepreneur de
spectacles doit assurer la représentation ou l'exécution publique dans des conditions techniques
propres à garantir le respect des droits intellectuels et moraux de l'auteur. ». Les prérogatives
accordées à l'auteur sont doubles : d'une part le droit au respect de l'intégrité matérielle de l'œuvre et
15 Les enregistrements pirates que l'on trouve parfois peuvent inclure des compositions originales inédites que l'artiste
n'a jamais souhaité diffuser officiellement.
16 L. 121-4 CPI : « Nonobstant la cession de son droit d'exploitation, l'auteur, même postérieurement à la publication
de son œuvre, jouit d'un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire. Il ne peut toutefois exercer ce droit
qu'à charge d'indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer.
Lorsque, postérieurement à l'exercice de son droit de repentir ou de retrait, l'auteur décide de faire publier son
œuvre, il est tenu d'offrir par priorité ses droits d'exploitation au cessionnaire qu'il avait originairement choisi et aux
conditions originairement déterminées.».
17 Voir infra.
18 Par exemple, la compilation « nothing but a funk thang" (v2 music) n'intègre que des morceaux originaux déjà
échantillonnés par des artistes américains.
19 Le cas de la chanteuse anglaise Dido est le plus frappant. Le morceau « Thank you » avait été échantillonné par le
producteur du rappeur Eminem pour le titre « Stan » . C'est le succès du morceau dérivé, qui avait très largement
emprunté au refrain du morceau original, qui a lancé la carrière de l'artiste échantillonnée.
8
le droit au respect de l'esprit. En pratique, les deux sont souvent étroitement liés, puisque l'atteinte à
l'une implique souvent une mise en cause de l'autre.
Dans l'affaire Bernard Buffet20, la Cour de Cassation a estimé que « le droit moral qui appartient à
l'auteur d'une œuvre artistique donne à celui-ci la faculté de veiller, après sa divulgation au public,
à ce que son œuvre ne soit pas dénaturée ou mutilée ». Or dans cette affaire, le support matériel de
l'œuvre était essentiel car, s'agissant d'une œuvre graphique, il se confondait avec l'œuvre. Dans
l'environnement numérique, la « mutilation » effectuée par l'échantillonnage porte sur une copie
numérique identique à l'œuvre originale, sans destruction d'un support matériel unique. Faut-t-il
alors retenir la mutilation dans sa seule acception de destruction matérielle ou peut-on élargir la
notion en une atteinte à la structure de l'œuvre ? Un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 Juin
198821 concernant le texte de la chanson « Vesoul » a retenu « la mutilation de l'œuvre et une
dénaturation de l'œuvre de Jacques Brel » alors qu'il s'agissait en l'espèce de la juxtaposition de
deux vers non contigus d'une même œuvre en une seule et même phrase. Les juges ont ainsi reconnu
la mutilation en l'absence de destruction matérielle de l'œuvre ; il semble bien que cette solution
puisse également être retenue dans le cadre de l'extraction d'un fragment sonore. L'extraction d'un
fragment musical d'une œuvre par échantillonnage constituera donc, en ce sens, une mutilation de
l'œuvre d'origine.
La violation de l'esprit de l'œuvre échantillonnée posera moins de difficultés. Dans l'esprit du
législateur, l'œuvre doit être communiquée au public sans que son esprit soit dénaturé. Or
l'échantillonnage, et a fortiori l'insertion de l'échantillon dans une nouvelle œuvre, porte atteinte au
droit moral de l'auteur. La nouvelle œuvre peut être d'un genre musical totalement différent, ou bien
comporter des connotations particulières. Dans l'affaire Brel précitée, la phrase en cause s'analysait
également en dénaturation en raison des idées différentes exprimées par le texte original et la phrase
reconstituée. Transposé à l'échantillonnage, cette dénaturation peut se rencontrer à l'identique.
Imaginons un instant un extrait musical résultant de l'échantillonnage d'œuvres appartenant à un
répertoire religieux. Ce dernier pourrait être ultérieurement intégré dans une œuvre jouant sur un
registre sexuellement provocateur, comme il en existe des milliers en musique « dance » ou dans
certaines franges du rap. Voilà qui sans nul doute poserait un problème évident de dénaturation. Le
problème vient de la limitation – nécessaire en pratique - de l'exercice de ce droit afin d'éviter toute
dérive.
b. Le droit patrimonial de l'auteur
A coté des droits moraux, les droits patrimoniaux permettent à l'auteur de tirer un profit économique
de son œuvre. Mais une partie de l'essence même de ces droits est à chercher dans la volonté du
législateur de protéger l'auteur, parfois en position de faiblesse, contre ses cocontractants. Les droits
patrimoniaux des auteurs sont difficiles à cerner, « la pratique actuelle ne faisant que constater des
usages dont la légalité est sujette à caution »22.
i. Le contenu des droits patrimoniaux
L'Art. L. 122-1. du CPI dispose que « Le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le
droit de représentation et le droit de reproduction. » . Les prérogatives patrimoniales de l’auteur se
divisent en deux droits essentiels, le droit de reproduction et le droit de représentation, auxquelles
s’ajoute dans un domaine particulier le droit de suite, qui ne concerne pas l'échantillonnage.
20 Paris, 30 mai 1962, JCP 1962, II, 12989, note Savatier ; D. 1962, p. 570, note Desbois.
21 Héritiers Brel et Éditions musicales Pouchenel c. R.P.R. TGI de Paris, 6 mai 1987 et CA Paris (4re chambre), 21
juin 1988 ; RIDA octobre 1988, page 304.
22 André Bertrand, La musique et le droit, De Bach à internet, p. 55.
9
La reproduction consiste en « la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de
la communiquer au public d’une manière indirecte »23. Le droit de reproduction est celui qui
requiert l’autorisation de l’auteur pour la fixation de son œuvre sur un support permettant de la
communiquer au public. Or l'échantillonnage est une numérisation qui entre dans le cadre du droit
de reproduction. Cette solution désormais classique coïncide d’ailleurs avec le sens de la déclaration
commune accompagnant l’adoption du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur du 20 décembre 1996,
selon laquelle " le droit de reproduction énoncé à l’art. 3 de la Convention de Berne et les
exceptions dont il peut être assorti s’appliquent pleinement dans l’environnement numérique ".
La représentation « consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé
quelconque, et notamment par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique,
présentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de l’œuvre
télédiffusée, ainsi que par télédiffusion »24. Le texte de l’art. L. 122-3 relatif au droit de
reproduction, prévoit que la fixation d’une œuvre permet de la communiquer au public d’une
manière indirecte. C'est le cas en matière d'échantillonnage car la communication se fait via un
phonogramme. Dans ce cadre du droit de représentation, la diffusion du phonogramme contenant
l'échantillon implique donc l'accord de l'auteur de l'œuvre échantillonnée.
ii. La chaîne de cession : éditeur et sociétés de gestion collective
Dans la mesure où il est impensable que les utilisateurs des œuvres demandent l’autorisation
individuelle de chaque ayant droit, l’exercice individuel des droits a cédé le pas à une gestion
collective. En pratique, le titulaire des droits patrimoniaux va donc très souvent adhérer à une
société de gestion collective. Par exemple, la SACEM25 gère les droits de représentation publique, la
SDRM26 le droit de reproduction mécanique. Les statuts de la plupart des sociétés présentent cellesci comme mandataires des droits des auteurs et des artistes. Il faudra donc examiner, selon les cas, si
il y a a eu cession des droits patrimoniaux à ces sociétés.
2. L'échantillon fixe une interprétation sur un support
L'échantillonnage musical va numériser une œuvre qui sera le reflet de la personnalité de son auteur.
Mais la fixation de l'œuvre sur le support phonographique implique, à de rares exceptions près,27
l'intervention d'autres personnes. Reconnue par le législateur en 1985, la notion de droit voisin n'est
pas liée à l'exigence d'une création littéraire et artistique. Le but des droits voisins est de protéger et
de rémunérer ces « auxiliaires »28 de la création : ceux qui interprètent les œuvres d'une part et ceux
qui les financent de l'autre.
a. Les droits de l'artiste-interprète
L'artiste interprète est selon l'article 212-1; CPI « l'artiste-interprète ou exécutant est la personne
qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire
ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes. » Il pourra tout aussi bien s'agir
de l'interprète d'une partition chantée que des musiciens interprétant une œuvre musicale. Le droit
voisin de l'artiste-interprète est plus complet que celui du producteur ; ceci semble s'expliquer par la
proximité de l'interprète avec l'auteur.
23
24
25
26
27
Art. L. 122-3 CPI.
Art. L. 122-2 CPI.
Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique.
Société pour l’Administration du Droit de Reproduction Mécanique.
Dans l'autoproduction, l'artiste compose, enregistre et finance lui même en totalité son phonogramme. Mais dans
cette hypothèse, il ne fait que cumuler sur une même tête les différents droits.
28 L'expression est d' Henri Desbois, cité par Xavier Linant de Bellefonds.
10
i. Le droit moral de l'artiste interprète
Selon l’art. L. 212-2.CPI « L'artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de
son interprétation. ». Cet article définit tout d’abord un droit au nom et à la qualité de l’artiste. Le
droit au respect du nom oblige à une mention nominative sur les divers éléments matériels entrant
en jeu dans la présentation de l’interprétation. Un arrêt relève que le nom et la qualité d’un artiste
figurait " tant sur la pochette de la vidéocassette que dans le film reproduit sur la vidéocassette "29,
ce qui laisse supposer qu’un défaut de mention du nom sur l’un des supports évoqués aurait porté
atteinte au droit moral. Ce droit de l'artiste-interprète n'appelle pas de précision complémentaire par
rapport au droit à la paternité de l'auteur. Tout comme pour ce dernier, le risque est grand de voir la
mention nominative de l'auteur disparaître dans l'œuvre seconde en matière d'échantillonnage.
La loi impose également le respect de l'intégrité de l’interprétation. La superposition de bruits sur la
bande originale d’un film d’opéra a ainsi été sanctionnée30. A l'identique, l’utilisation de
l’interprétation d’une artiste pour sonoriser un spectacle « dans des conditions que celle-ci n’avait
pas choisies » a également été considérée comme portant atteinte au droit au respect de
l’interprétation, ainsi qu'à celui de l’œuvre puisque l’intéressée cumulait les qualités de compositeur
et d’interprète en l'espèce31. Cette décision rejoint la jurisprudence qui, sur le terrain du droit
d’auteur, sanctionne au nom du droit moral l’usage de l’œuvre selon un état d’esprit contraire à celui
voulu par l’auteur32. Il paraît certain que sur ce fondement, l'artiste-interprète pourra contester un
échantillonnage non autorisé, surtout si celui-ci s'accompagne de modifications sonores non
autorisées.
Enfin, et pour conclure avec les droits moraux de l'artiste-interprète, une lecture de l’art. L. 212-3,
qui dispose que « sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa
prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du
son et de l’image de la prestation, lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image » fait
apparaître un droit d’autoriser l’utilisation d’une prestation. Bien que la Cour de Paris soit allée loin
dans l’analogie avec le droit d’auteur en indiquant que l’art. L. 212-3 institue un " droit qui
s’analyse en quelque sorte comme un droit de divulgation » 33, il suffira de se rappeler que
l’existence de cessions contraintes limite fortement en pratique le caractère exclusif de ce droit
d’autorisation. Il faut souligner qu'à l'inverse le droit de retrait ou de repentir n’existe pas. La Cour
de Paris a déjà refusé à un acteur l’interdiction d’exploitation d’une œuvre audiovisuelle au motif
que sa prestation ne correspondait plus à sa personnalité.34
ii. Le droit patrimonial
Alors que pour les auteurs, le droit de divulgation et le droit d’exploitation sont nettement séparés35,
aucun article du CPI n'évoque explicitement un droit d’exploitation pour les interprètes, d’où le
caractère patrimonial marqué de l’art. L. 212-3 précité. La loi a certes reconnu un ensemble limité
de prérogatives à l'artiste-interprète, toutefois les cessions de ces dernières doivent être constatées
par écrit. Il va falloir déterminer si l'artiste interprète possède encore des droits suffisants pour
s'opposer à l'échantillonnage d'une de ses interprétations. Un examen au cas par cas s'impose. Les
problèmes posés par les sociétés de gestion collectives se retrouvent également pour les artistesinterprètes.
29 Sanction de l’omission du nom : TGI Paris, 26 novembre 1997, Jean Ferrat : RIDA 1998, n° 177, p. 284.
30 TGI Paris, 10 janvier 1990 : D. 1991, 2, p. 206, note B. Edelman ; D. 1991, som. p. 99, obs. C. Colombet ; RIDA
1990, n° 145, p. 318.
31 TGI Paris, 10 février 2003. LPA2004 n° 13, p13 obs. X. Daverat.
32 Voir supra.
33 Paris, 16 juin 1993, M 6 : D. 1993, 2, p. 218, note B. Edelman.
34 Paris, 6 novembre 1984, A. Maccione : D. 1985, 2, p. 187, note T. Hassler.
35 Voir supra.
11
b. Les droits du producteur du phonogramme échantillonné
Les droits reconnus par le législateur sont une contrepartie de l'engagement financier du producteur,
A défaut d'implication artistique de ce dernier, il ne faut donc pas s'étonner de ne trouver que des
droits patrimoniaux. Le producteur de phonogramme est « la personne, physique ou morale, qui a
l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son »36. Les bénéficiaires
voient donc leur travail reconnu, et ce indifféremment du type d'œuvre concerné. Le droit du
producteur semble donc être indépendant de la protection ou de la non protection par le droit
d'auteur de l'œuvre fixée sur le support. Le producteur est ainsi un acteur incontournable en cas
d'échantillonnage qu'il devra autoriser. Il faudra également examiner la relation contractuelle
existant entre le producteur et les artistes interprètes, le producteur pouvant être en mesure
d'autoriser l'échantillonnage en cas de cession des droits patrimoniaux.
L'extrait musical est porteur de nombreux droits, largement atteints l'échantillonnage, en vertu
desquels les ayants droit pourront autoriser ou non l'incorporation dans l'œuvre nouvelle. Il est
désormais nécessaire d'étudier sous quel régime juridique se place l'exploitation non autorisée de
l'échantillon musical.
II. Régime juridique de l'échantillonnage non autorisé
Il n'est plus à démontrer que le procédé d'échantillonnage viole de nombreux droits. Si dans bien des
cas, les utilisations d'échantillons font l'objet d'un accord entre les ayant droits et les auteurs de la
nouvelle œuvre, il n'en est pas toujours ainsi. Dans le cas contraire, l'extraction d'un échantillon
peut-elle bénéficier de certaines exceptions légales reconnues par le législateur (A) ? A défaut de
l'application éventuelle d'un régime d'autorisation légale, il est nécessaire de déterminer les diverses
sanctions susceptibles de frapper l'auteur d'un échantillonnage non autorisé (B).
A. L'échantillonnage peut-il entrer dans le cadre d'une exception
légale ?
Souvent motivé par des considérations d'intérêt général, le législateur a ménagé des exceptions, ou
des limites, aux droits d'auteur et aux droits voisins. La pratique de l'échantillonnage peut-elle
bénéficier de toutes ou certaines de ces exceptions ?
1. Le domaine public
Les œuvres musicales tombées dans le domaine public sont libres exploitation. L'échantillonnage de
ces œuvres sera donc autorisé, pour autant que l'ensemble des droits, notamment ceux de l'artisteinterprète et ceux du producteur, soient effectivement éteint. Compte tenu des diverses
modifications relatives à la durée de protection introduites successivement par le législateur, il n'y a
pas encore pléthores d'œuvres concernées. La situation devrait rapidement changer à moyen terme
ce qui ne manquera pas, une fois encore, d'inciter les ayants droit à faire pression sur le législateur
pour allonger la durée de protection.
Il n'est pas inutile de rappeler ici que l'interprétation récente d'une œuvre tombée dans le domaine
public reste protégée au titre des droits voisins. L'échantillonnage de cette œuvre restera
sanctionnable.
2. Le droit de citation
Selon l'article L. 122-5 CPI, une fois l'œuvre divulguée, l'auteur ne peut interdire « sous réserve que
soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source [...] Les analyses et courtes citations
36 Art. L 213-1. CPI.
12
justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de
l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ». Une disposition similaire insérée dans l'article L 211-3
concernant les « analyses et courtes citations justifiées par les caractères critique, polémique,
pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées » autorise la
citation sans que l'artiste-interprète ou la producteur puissent s'y opposer « Sous réserve d'éléments
suffisants d'identification de la source ». Si la question du droit à l'analyse ne présente pas d'intérêt
pratique dans le domaine, celle du droit de citation mérite de s'y attarder.
Moyennant le respect de certaines conditions, ce droit de citer une œuvre littéraire ou artistique est
une dérogation au principe qui veut que toute reproduction ou représentation d'une création
constitue une contrefaçon37. Cette exception, ou limite, aux droits d'auteurs selon la conception
retenue, a été très régulièrement évoquée dans le domaine musical. Il faut également se remémorer
les problèmes intervenus lors de l'invocation de cette même exception dans d'autres domaines tels
que la reproduction d'œuvres d'art dans des catalogues de ventes aux enchères ou les images
sportives à la télévision. La transposition du droit de citation à d'autres œuvres que littéraires pose
de nombreuses questions en matière musicale, qu'il s'agisse de la mention de la source et du nom de
l'auteur, ou d'autres conditions spécifiques à cette exception.
a. Le refus de l'exception en raison de l'impossible mention de la source et du
nom de l'auteur
L'affaire « Dutronc et autres contre Société Musidisc » a donné l'occasion aux juges de s'exprimer
sur la question. Dans cette affaire, l'utilisation d'un extrait musical pour promouvoir une
compilation était contestée par le compositeur, également interprète, et son parolier. Saisi du cas, le
tribunal de grande instance de Paris a précisé « Il est acquis que l'exception de l'article L122-5
CPI, ayant trait aux courtes citations, en matière littéraire, portant dérogation au principe de
nécessité de l'autorisation préalable de l'auteur avant toute reproduction, n'est pas transposable en
matière musicale, pour diverses raisons, dont une essentielle : l'impossible mention de la source et
du nom de l'auteur, condition sine qua non de la dispense de consentement de l'auteur ».38 La
motivation de cette décision se fonde sur l'impossibilité technique de citer l'auteur et la source. Cette
impossibilité est avérée dans de nombreux modes de diffusion. Pour ne citer que l'une des plus
importante, la radiodiffusion ne permet pas le respect de cette obligation. Or comment une œuvre
seconde radiodiffusée pourrait faire mention des échantillons utilisés, sinon à imposer l'obligation
aux animateurs, ce qui est impossible en pratique. Mais d'autres conditions sont encore nécessaires
pour entrer dans le champ de cette exception.
b. Les autres conditions exigées par l'exception de courte citation
i. La brièveté de la citation
La notion de brièveté de l'échantillon cité pose une question en raison de la brièveté exigée de la
citation. Laissée à l'appréciation des juges du fond, l'appréciation in concreto se réduit en général à
la recherche de ratio entre œuvre citée et œuvre citante, avec recours éventuel à une expertise.
ii. La nature de l'œuvre citante
La courte citation doit également être incorporée dans une œuvre à caractère critique, pédagogique,
scientifique ou d'information. Deux conséquences découlent de cette définition. Tout d'abord, la
nouvelle œuvre est supposée pouvoir exister en dehors de la citation. Dans l'hypothèse où une
œuvre seconde serait uniquement composée d'échantillons, l'effectivité de l'incorporation de
l'échantillon en tant que citation est contestable. Ensuite, et surtout, la nature exigée de l'œuvre
citante pose un obstacle à l'application textuelle du droit de citation. Il sera en effet difficile de
37 Voir supra.
38 Affaire Dutronc et autres c/ Sté Musicdisc TGI Paris 10 Mai 1996. DIDA numéro 170, Octobre 1996 page 72.
13
démontrer un quelconque caractère critique, pédagogique, scientifique ou d'information à une œuvre
musicale dont la finalité première est artistique, voire commerciale.
c. L'exception est inapplicable en raison des modifications subies par
échantillon
Que se passe-t-il si toutes les conditions d'application de ce même article sont effectivement
remplies en matière de citation musicale ? C'est ici qu'il faut soulever un aspect important du débat
spécifique à l'échantillonnage : sauf exception, l'échantillonnage ne consiste presque jamais en une
reprise à l'identique. L'un des principaux intérêts pratiques du sampling est la manipulation sonore
de l'échantillon permise par la numérisation. Dans une très grande majorité de cas, l'échantillon va
être altéré, transposé, remixé, incorporé avec d'autres éléments de l'arrangement. Même en faisant
abstraction de l'atteinte portée aux droits moraux, il semble difficile de retenir le concept de citation
si la citation est modifiée. Si la citation n'est pas reproduite à l'identique, comment retenir alors
l'exception de citation ? La notion d'exception fondée sur la défense d'un intérêt général paraît ici
bien lointaine.
Dans le cas d'une citation à l'identique, il n'existe assez peu de raisons objectives de refuser le droit
de citation musical. De surcroît, en matière audiovisuelle cette faculté de courte citation est
désormais un acquis légal39 sous réserve de mention de la source. Seul reste ce problème,
insurmontable en pratique, de la mention de l'auteur et de la source.
3. La parodie, la caricature et le pastiche
Lorsqu’une œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche ou la caricature.
En droit français, ces types d'imitation doivent satisfaire aux lois du genre,40 concept
remarquablement flou et imprécis. On se basera sur des travaux doctrinaux41 pour essayer de
dégager des critères d'appréciation.
Un élément moral semble exiger la recherche du dessein de faire rire, à l'opposé d'une intention de
nuire de la part du parodiant. Dans l'affaire Dechavanne, où l'échantillonnage de phrases du célèbre
présentateur incorporé dans une œuvre musicale de genre « dance », la parodie a été rejetée au motif
que « il ne saurait y avoir parodie dès lors que le travestissement de l'œuvre initiale avait pour but
de la dénigrer. M. Bernard Schol [auteur poursuivi] ayant été, selon ses propres dires, mu par la
volonté de venger une injustice qui lui aurait été faite par M. Dechavanne ».42
L'élément matériel semble lui mesurer, et par conséquence limiter, les emprunts par la nécessité
d'éviter toute confusion entre l'œuvre parodiée et l'œuvre parodiante. Le tribunal de grande instance
de Paris a décidé qu’il n’y avait parodie que si l’auteur voulait obtenir un effet caricatural, étranger à
l’œuvre d’origine, sans risque de confusion43. On soulignera que la jurisprudence s'est déjà
prononcée dans le cadre d'une utilisation d'un extrait musical dans une autre œuvre. L’insertion de
deux mesures de Carmen dans une autre chanson a été acceptée en raison du caractère parodique de
cette insertion.44 Voilà qui se rapproche très fortement de la problématique de l'échantillonnage. Le
Tribunal de la Seine retint alors que : « la chansonnette, œuvrette légère, fantaisiste, ayant un
caractère propre et original, ne saurait être considérée comme une contrefaçon, même partielle, de
l'opéra comique, qui constitue une œuvre essentiellement dramatique, où se trouvent exprimées les
passions les plus violentes » pour en conclure que « loin de lui porter préjudice, le succès de la
39 Loi du 13 juillet 1992 (loi n° 92-652).
40 L'Art 122-5-4 CPI , l'auteur ne peut interdire « La parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du
genre » . L'Art. L. 211-3. reprend les mêmes termes pour les bénéficiaires des droits voisins.
41 A. Françon, rejoint par Henri-Jacques et André Lucas.
42 Affaire Dechavanne C.A. Douai 1ere Civ, 23 Décembre 1992, inédit.
43 TGI Paris, 9 janvier 1970 : Antoine : JCP 1971, II, 16645, obs. A. Françon.
44Trib com. Seine, 26 mars 1934, Gaz. Pal., Rec. 1934, p. 594.
14
chanson souligne en quelque sorte celui de l'opéra comique ». Il n'est pas difficile d'imaginer que la
recherche d'un effet comique dans une œuvre musicale, dans une optique parodique similaire à
l'espèce de ce dernier arrêt, puisse passer par l'échantillonnage d'une autre œuvre musicale. Sous
réserve du respect des conditions évoquées, une telle exception doit pouvoir être soulevée avec
succès en matière d'échantillonnage.
4. L'exception d'usage privé
Si l'échantillonnage n'aboutit pas à une œuvre diffusée publiquement, l'exception d'usage privé peut
neutraliser l'action des ayants droit. En effet, les limites posées par Art. L. 122-5.45 pour les droits
d'auteur ainsi que par l'article L. 211-3 CPI dans son troisième alinéa peuvent alors jouer pour les
droits voisins46. Si la pratique reste confinée à un cadre uniquement privé, les prérogatives ne sont
pas bafouées, mais il faut évidemment souligner la conception très limitative retenue par la
jurisprudence en ce domaine. La notion de cercle de famille est appréciée strictement par les juges
du fond et ne saurait être invoquée en cas, par exemple, de soirée en discothèque ou de free partie.
Bien que certaines dispositions légales – notamment l'exception d'usage privé, les échantillons issus
d'œuvre du domaine public ainsi que l'exception de parodie - puissent permettre l'utilisation de
l'échantillon en dehors d'une autorisation de l'auteur, ces dernières sont d'application marginale dans
les faits. Hors de ces cas précis, il s'agit d'une exploitation illicite de l'échantillon, susceptible d'être
sanctionnée.
B. Les sanctions de l'exploitation illicite de l'échantillon
L'exploitation illicite porte atteinte aux droits des auteurs (1), à ceux des producteurs et artistes
interprètes (2). Il est également susceptible de faire l'objet d'autres poursuites (3).
1. La contrefaçon des œuvres de l'esprit
L'article L. 122-4. CPI dispose que « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle
faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de
même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par
un art ou un procédé quelconque. ». A défaut des autorisations, le code de la propriété intellectuelle
a prévu une série de dispositions pénales énoncées dans les articles L. 335-1 et suivants. « Toute
édition [..] de composition musicale[..] ou de toute autre production imprimée ou gravée en entier
ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une
contrefaçon ; et toute contrefaçon est un délit. »47, de plus « Est également un délit de contrefaçon
toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une œuvre de
l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi. »48
Il existe en pratique deux formes de reproduction : la reproduction à l'identique, dite aussi servile, et
la reproduction par imitation qui reproduit les éléments caractéristiques d'une œuvre protégée tout
en se détachant de cette dernière par certains aspects. L'article L.122-4 CPI assimile à la
reproduction servile: "la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la
reproduction pour un art ou un procédé quelconque". La copie n'a donc pas a être faite à l'identique
pour être pénalement sanctionnée. L'échantillonnage, dans le sens où une partie substantielle de
l'œuvre est reproduite puis intégrée dans l'œuvre seconde tombe « naturellement » sous la
45 Art. L. 122-5 al. 1 « Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : 1° Les représentations privées et
gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ; ».
46 Art. L. 211-3 CPI « Les reproductions strictement réservées à l'usage privé de la personne qui les réalise et non
destinées à une utilisation collective ; ».
47 Art. L 335-2 CPI
48 Art. L 335-3 CPI
15
qualification d'acte de contrefaçon.
L'appréciation des critères de la contrefaçon musicale est laissée aux juges du fond. Sans entrer dans
le détail de développements qui feront l'objet de la deuxième partie de ce rapport de recherche, on
pourra souligner que les problèmes de la détermination et la preuve de l'emprunt se posent de façon
aiguë dans de nombreux cas.
2. L'atteinte aux droits du producteur et de l'artiste-interprète
La sanction des droits voisins est contenu dans les articles L. 335-4. CPI qui condamne « toute
fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit,
ou toute télédiffusion d'une prestation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme,
réalisée sans l'autorisation, lorsqu'elle est exigée, de l'artiste-interprète, du producteur de
phonogrammes ou de vidéogrammes ou de l'entreprise de communication audiovisuelle » à une
peine pouvant atteindre trois ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende. Ainsi formulés, les
droits des artistes-interprètes permettent tout à fait de sanctionner les atteintes liées à l'utilisation de
l'échantillonnage numérique. Concernant la caractérisation de l'élément intentionnel de l'infraction,
une partie de la doctrine49 considère que l'on peut transposer aux droits voisins la jurisprudence
retenant que la mauvaise foi est présumée en matière de droits d'auteur. La protection offerte au titre
des droits voisins paraît plus « forte » que celle accordée au titre des droit d'auteurs, et ce en vertu de
l'article L. 212-3 qui semble offrir une protection quel que soit l'emprunt réalisé.
3. Les autres sanctions possibles de l'échantillonnage
a. L'atteinte aux droits de la personnalité
Quelques hypothèses semblent ouvrir la possibilité d'invoquer le droit commun au titre des droits de
la personnalité pour les artistes-interprètes. L'échantillonnage permet de s'approprier une partie de la
personnalité de l'interprète. Le caractère reconnaissable de la voix, même si il n'offre pas de prise
aux droits d'auteur doit permettre de fonder un recours sur cette base. La voix d'un artiste ou d'un
acteur, les cris de James Brown si souvent échantillonnés, peuvent trouver protection en ces droits.
b. Les actions fondées sur les articles 1382 et 1383 du code civil
Tout d'abord, il faut souligner que « Toutes les contestations relatives à l'application des
dispositions de la première partie du présent code qui relèvent des juridictions de l'ordre judiciaire
sont portées devant les tribunaux compétents sans préjudice du droit pour la partie lésée de se
pourvoir devant la juridiction répressive dans les termes du droit commun. »50 L'action pénale ne
fait pas obstacle à l'action civile, et il faut noter que c'est généralement vers les juridictions civiles
que les auteurs contrefaits vont se tourner pour obtenir réparation du préjudice effectivement subit.
Une action en responsabilité civile sera ainsi ouverte sur la base des articles 1382 et suivants du
Code Civil pour mettre en cause les pratiques de l'emprunteur.
L'action en concurrence déloyale, fondée sur les articles 1382 et suivants du Code Civil réprime les
comportements susceptibles, entre autres de créer une confusion dans le public. Un échantillonnage
substantiel créant une confusion pourrait sans aucun doute être poursuivi sur la base d'un tel
fondement. Tout comme l'action en responsabilité civile, elle est ouverte lorsque les conditions de
l'action en contrefaçon ne semblent pas réunies ou bien lorsque la sanction recherchée vise les
agissements fautifs indépendamment des faits constitutifs de contrefaçon.
De façon plus pertinente, l'artiste échantillonné va pouvoir intenter une action visant à faire cesser
l'agissement parasitaire ainsi constitué. L'auteur d'un échantillonnage bénéficie du travail d'autrui, ne
49 Isabelle Wekstein, droits voisins du droit d'auteur et numérique, Droit@litec, Litec, 2002
50 Art L; 335-1 CPI
16
peut-on valablement y voir ici l'expression d'une forme particulière de parasitisme ?
L'action contre les agissements parasitaires va chercher à sanctionner l'usurpation de la réputation
d'autrui, ses efforts intellectuels, ses investissements ou ses idées. Depuis les années 1980, cette
action permet d'aménager une protection supplémentaire pour les créations intellectuelles. Or
l'hypothèse d'origine de l'appropriation de la réputation, la jurisprudence admet que le seul fait de
tirer profit du travail intellectuel d'autrui fait naître un droit à réparation. Et la théorie des
agissements parasitaires permettra de faire sanctionner la copie et la reprise de l'échantillon, en
faisant abstraction des éléments circonstanciels inhérents à la concurrence déloyale. Au-delà de
l'action en contrefaçon, somme toute logique face à un échantillon « chargé de droits », l'approche
parasitaire permet également de sanctionner l'auteur de l'emprunt non autorisé. Cette dernière
approche correspond également davantage à des échantillonnages à visé purement commerciale, où
l'auteur échantillonné sera lésé économique par l'existence de la nouvelle œuvre. Au risque de se
répéter, cette action ne doit pas être sous estimée.
Malgré les recours existants précédemment examinés, il demeure matériellement, et
économiquement impossible de poursuivre tous les échantillonnages. D'ailleurs en pratique tout
oppose un artiste qui va échantillonner quatre mesures d'un tube mondial pour simplement ajouter
une rythmique un peu plus moderne, et ainsi profiter du travail d'autrui et un autre qui va
échantillonner une simple note de piano, qui sera transposée et rendue méconnaissable même aux
oreilles les plus averties.
Il faut donc opérer une distinction.
Distinguer entre un échantillonnage répréhensible et une pratique tolérable, distinguer toujours entre
l'emprunt grossier, assimilable au pillage musical, et une pratique où le son échantillonné est réduit
à sa plus simple expression musicale. Il faudra examiner, après avoir abordé les positions
doctrinales en la matière, quel est le critère de contrefaçon dégagé par la jurisprudence. Ce sera
l'objet de la seconde partie qui conclura cette approche juridique de l'échantillonnage musical.
17
. PARTIE II : Vers une approche pragmatique de la
jurisprudence
Dès le début des années 90, la doctrine s'est intéressée au phénomène de l'échantillonnage. Les
auteurs ont alors posé des distinctions entre des sons, plus ou moins susceptibles d'appropriation,
plus ou moins porteurs de la personnalité de leur créateur. Ces positions doctrinales seront
examinées (I) avant de voir les solutions jurisprudentielles retenues dans la détermination du critère
de contrefaçon (II).
I. L'approche doctrinale de la qualification de l'échantillon
Pierre Sirinelli, dans un paragraphe relatif à la citation, mais dont le raisonnement peut être
transposé ici, souligne que « l'unité de compte officielle (bit) ne sera que médiocrement
représentative » . La doctrine a souhaitée dégager des critères de quantifications capable
d'appréhender le processus d'échantillonnage.
A. Les bases de la qualification doctrinale de l'œuvre musicale
Le droit d'auteur a eu besoin de décomposer la musique pour pouvoir appréhender ce qui n'est que
du son, et ainsi apprécier l'originalité et la forme des compositions musicales. On ne peut faire
l'économie de la présentation succincte des éléments caractéristiques de l'œuvre musicale.
1. Les éléments caractéristiques de l'œuvre musicale
Selon la théorie classique du droit d'auteur, toute œuvre musicale se caractérise par trois éléments
fondamentaux qui permettent d'en apprécier l'originalité : mélodie, harmonie et rythme.
a. Mélodie
La mélodie est formée par la succession dans le temps des notes. Elle est caractérisée par les
intervalles musicaux existants entre ces notes. Le public moyen peut en général siffler la mélodie
d'un morceau assez facilement, c'est en effet l'élément le mieux appréhendable et par conséquent le
plus facilement reproductible. Ainsi, le thème musical est considéré comme l'élément dominant,
c'est à dire le plus caractéristique de l'œuvre musicale. Même en cas de transposition, la mélodie
reste reconnaissable et protégée, ce qui explique d'ailleurs que les inspecteurs de la SACEM dans
leurs relevés notent les intervalles entre les notes et non les notes elles-mêmes.
b. Harmonie
L'harmonie est l'accompagnement musical du thème principal par l'ajout de notes jouées
simultanément, ces notes constituant des accords, ou par contrepoints. L'harmonie ajoute de la
complexité à la mélodie, qu'elle enrichie par un nombre incalculable de combinaisons. L'harmonie
peut également être constituée d'une ligne mélodique secondaire complétant la ligne principale.
Toutefois l'harmonie d'une œuvre est souvent de perception beaucoup moins immédiate que les
autres éléments pour une oreille. Ce critère se révèle cependant assez peu pertinent en ce qui
concerne certaines musiques nouvelles au contenu harmonique très pauvre, voire inexistant.
c. Rythme
Le rythme indique la répartition des notes dans le temps. Il groupe l'enchaînement des notes par
deux ou par trois, et définit la durée de l'élément musical de base, tout en donnant la vitesse
d'exécution. Le rythme étant souvent caractéristique d'un style, il ne peut être le seul élément
permettant d'apprécier la similitude entre deux œuvres musicales. La compréhension du rythme est
18
abordable pour une oreille ordinaire.
2. Le problème du matériau sonore
Une grande partie des musiques modernes repose autant, sinon davantage, sur le travail du son que
sur les critères traditionnels dégagés par la doctrine. Certains instrumentistes, par un subtil mélange
de leur pratique technique de l'instrument, de leurs choix artistiques, de leur interprétations créent
une palette de sons qui leur sert de signature sonore51. D'autres compositeurs de musique
électronique52 ou de musique hip-hop53 ont personnalisé leurs approches de la même façon. Mais,
bien loin des critères dégagés par la jurisprudence, ces notions ne sont pas reconnues par le droit
d'auteur. On peut certes citer un arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Nancy54 à propos de la
dénaturation de l'œuvre d'un facteur d'orgue. Ce dernier, dont le travail avait été ruiné par une
restauration malheureuse de l'église, s'était vu reconnaître la possibilité d'une action fondée sur son
droit moral. Il semble cependant qu'il se soit agit d'un arrêt dont la solution fut dictée par les
circonstances de l'espèce, et qu'on ne puisse pas voir là les prémisses d'une évolution
jurisprudentielle reconnaissant la sonorité d'un instrument ou d'une composition musicale comme
œuvre de l'esprit.
Le droit d'auteur ne protège ainsi que l'organisation intellectuelle des sons. Il prend en compte
l'agencement en une œuvre structurée dans son rapport entre ces trois composantes de l'œuvre
musicale éléments et non la dimension sonore. C'est cette approche qui va guider la doctrine dans
sa réflexion sur l'échantillonnage.
B. La doctrine distingue les sons de libres parcours et les phrases
musicales
En se basant sur les éléments composant l'œuvre musicale, la doctrine a distingué deux types
d'échantillons. Certains ne sont pas susceptibles d'appropriation en raison d' absence de caractères
protégeables, leur échantillonnage est donc libre (1). D'autres, au contraire, comportent les attributs
de l'œuvre musicale, ces phrases musicales restent porteuses de droits (2).
1. Les sons de libre parcours non susceptibles d'appropriation
a. Approche doctrinale du simple son
Selon certains auteurs, certains sons ne possèdent pas les caractères fondamentaux pour être
qualifiés d'œuvre musicale. Sans signification substantielle, l'emprunt de ces sons ne seraient pas
susceptibles d'être sanctionné. Pierre Sirineli55 explique tout d'abord que l'échantillonnage peut
porter sur « des éléments de libres parcours au regard du droit d'auteur et des droits voisins (notes
de musiques, sons bruts, bruits issus de la nature) » . Cette qualification rejoint celle de Stéphane
Colombet qui expose dans son mémoire ce qu'il nomme « le caractère inappropriable des sons et
des fragments sonores » . L'auteur définit deux catégories appartenant à cette catégorie : les sons et
effets sonores inhumains et les courtes juxtapositions de notes non mélodiques. Ces fragments ne
sont pas par nature substantiels dans le sens où ils ne contiennent aucun des éléments fondamentaux
d'une œuvre musicale. En conséquence, « un son isolé n'est pas une œuvre au sens du droit
d'auteur et la reproduction de ce son par l' échantillonnage numérique ne peut pas être contesté
par son auteur ». L'échantillonnage ne peut pas être sanctionné, dans cette hypothèse, ni sur le
terrain du droit d'auteur, ni sur celui de la responsabilité civile car il obéit « à une finalité artistique
en dehors de toute volonté de parasitisme commercial » . Les sons isolés sont comparés aux mots
51
52
53
54
55
Par exemple Miles Davis, John Coltrane, Frank Zappa ou Jimmy Hendrix.
Pour ne citer que quelques exemples : Daft Punk, Aphex Twin, Squarepusher....
Toujours quelques exemples : DJ Premier, The Neptunes, Timbaland, DJ Shadow, Dr Dre ...
Cour Appel Administrative de Nancy 2 mai 1996. LPA 11 Juin 1997, N°70 page 27.
Pierre Sirinelli, précité. p 95
19
du langage, tout deux constituant des éléments du domaine public non susceptibles d'appropriation.
Mais l'analyse la plus poussée dans ce domaine semble être le fruit du travail de David Lefranc.
Dans un long développement, il oppose l'échantillonnage « utilisé comme un simple instrument au
service de la composition », qui ne peut être condamné selon l'auteur, à l'échantillonnage qui ne
serait « qu'employé aux fins de pillage d'une œuvre »56. Après avoir longuement défini l'œuvre de
l'esprit en tant que forme originale, l'auteur va démontrer pourquoi, selon lui, les simples sons
peuvent être originaux, avec une recherche visant à créer un résultat esthétique (effet spécial,
sonorité.) mais ne traduit pas la pensée de son créateur. Le simple son ne pourrait « livrer une
pensée, un sens, une cohérence ou [...] une vision personnelle du monde », par conséquent « La
forme du simple son n'est pas suffisamment élaborée pour devenir littéraire ou artistique. Elle est
une idée trop simple ne véhiculant qu'une émotion ou une sensation diffuse, et non un sens ou la
pensée de son auteur»57 . Il s'agit alors de véritables « objets musicaux »58 dont la nature et l'origine
importe peu.
b. Les caractéristiques des sons de libres parcours : tentative de synthèse
Le son de « libre parcours »59 ne révèle pas la personnalité de l'auteur. A partir des différentes
positions doctrinales, et en revenant aux fondements du droit d'auteur, il est nécessaire de poser
quelques critères pour définir cette catégorie, en distinguant selon le caractère musical ou non de
l'échantillon.
i. L' échantillon simple non musical60
Ces éléments sonores peuvent être caractérisé comme n'étant pas sous le contrôle de l'homme, dans
le sens qu'ils sont dépourvus d'interprétation. Il s'agit des bruits, des effets sonores simples. Une
affaire a donné l'occasion à la cour d'appel de Paris de refuser le caractère d'œuvre de l'esprit à
l'enregistrement de chants d'oiseaux61. Malgré les critiques faites par la doctrine à cette occasion62, il
semble bien qu'on puisse déceler dans cette décision le refus de voir des chants d'oiseaux pouvoir
être appropriés par le biais des droits d'auteur.
ii. L'élément musical comme échantillon simple,
L'échantillon issu d'une œuvre musicale, ou d'un élément pouvant d'y rapprocher, devra être
apprécié en fonction des composantes de l'œuvre musicale examinées préalablement. Il s'agit
d'évaluer en quoi l'échantillon doit être suffisamment peu élaboré en terme de contenu musical pour
ne pas pouvoir donner prise au droit d'auteur.
1. Brièveté ou non originalité mélodique :
Sous ce vocable, il s'agit d'essayer de déterminer les conditions de développement ou de durée pour
qu'un échantillon mélodique ne soit pas constitutif d'une contrefaçon. On est ici très près d'un critère
temporel. La qualification de simple son ne pourra pas être retenu si la mélodie est suffisamment
développée dans la partie échantillonnée. Il faut également envisager l'originalité de la mélodie : une
mélodie extrêmement simple, égrenant en arpège les notes d'un accord majeur, pourra-t-elle
56 David Lefranc, précité. p 15
57 David Lefranc, précité, P 52
58 Expression prise au sens de Pierre Schaeffer, cité par David Lefranc, Fragments sonores et création musicale, D
2000, n°32, p. 497.
59 Expression empruntée à P. Sirinelli
60 Comprendre musical dans le sens classique du terme, qui n'inclut pas les musiques modernes ou savantes
(electroacoustique, acousmatique...) utilisant un matériau sonore dépourvu de timbre, de tonalité comme matière
première.
61 C.A. Paris, ème ch.B, 6 octobre 1979. note R Plaisant, D. 1981, jurisp. 190.
62 Critique sans doute motivé par le fait que la personne ayant effectué l'enregistrement ne se voyait reconnaître aucun
droit, en l'absence de droit voisin du producteur en 1979.
20
prétendre à l'originalité ? On peut en douter et par conséquent ouvrir la possibilité de faire entrer ce
type d'échantillon dans la catégorie des simples sons. La frontière est cependant mince en ce
domaine. L'existence de 4 notes identiques dans l'attaque d'un refrain, même s'il existe certaines
différences de longueur ou de rythme, est considérée par la jurisprudence63 comme une contrefaçon.
Dans un autre cas, une cour d'appel a admis que « l'identité d'une suite de notes, sur une séquence
très courte, avec des appuis et des effets différents dans la phrase musicale, ne saurait être qu'une
rencontre fortuite »64. Cependant, si l'échantillon est long mais peu original, il est probable qu'il
permettra de reconnaître l'interprétation de l'artiste et donnera prise aux droits-voisins.
2. La non complexité harmonique :
L'échantillon simple son ne doit pas comporter d'évolution harmonique complexe. Les accords
simples ne sont pas susceptibles d'appropriation, ils appartiennent au patrimoine commun auquel les
artistes viennent puiser. Alors qu'un simple accord n'est pas appropriable, un enchaînement
particulier d'accords pourra poser problème. Cette succession peut révéler la personnalité de
l'auteur, surtout si certains effets de styles, comme le contrepoint, sont propres au style du
compositeur ou de l'interprète. Comme tous les critères, la dimension temporelle ne peut être
totalement écartée de l'appréciation.
3. L'arythmie :
Le rythme seul ne saurait caractériser une composition musicale. Cet élément est toujours considéré
comme interagissant fortement avec les deux autres composantes. Néanmoins, l'arythmie de
l'échantillon simple son n'est qu'une de ces caractéristiques, il faut considérer le rapport entretenu
avec les deux autres éléments. Une rythme élémentaire, une simple répétition ne saura empêcher la
qualification d'échantillon simple.
2. L'échantillon substantiel : la phrase musicale
L'approche sera rapide, puisque après avoir défini la phrase musicale, on verra que son régime
rejoint celui de l'œuvre musicale.
a. Approche de la phrase musicale
Il ne s'agit pas ici de cas où la phrase est ensuite découpée en fragment puis manipulée, hypothèse
qui rejoindrait celle des simples sons, mais de la volonté d'utiliser un passage musical existant
substantiel pour l'intégrer à une nouvelle œuvre. L'échantillon sera considéré comme une phrase
musicale dès lors qu'il possédera les critères de formes et d'originalité suffisant pour être protégé par
le droit d'auteur. Cette définition, en creux de celle du simple son, implique la numérisation d'une
rythmique, d'une suite d'accord ou d'une ligne mélodique échantillonnée et réutilisée à l'identique.
En pratique, deux critères semblent émerger : la phrase musicale échantillonnée est significative et
identifiable.
i. La phrase musicale est significative
L'échantillon substantiel est significatif car il possède un « sens » musical, une intention due à la
composition ou à l'interprétation. C'est d'ailleurs ce qui rend ce passage attractif, donc le sujet idéal
pour quiconque va chercher matière à échantillonnage.65 Il n'est alors pas surprenant de voir que
sont échantillonnés, par exemple, les cris de James Brown66, la batterie de Clyde Stubblefield67, les
63 CA PARIS 13 novembre 1969, RIDA, avril 1970, 145
64 CA Paris, 4ème ch. , 10 Janvier 1990, Constantin C/ Disques D. . D. 1990, informations rapides 41.
65 Il existe même des personnes se qualifiant de« crate digger s», littéralement « fouilleurs de caisse » en référence au
temps passé dans les bacs de disques à la recherche de l'échantillon parfait et encore non utilisé.
66 Cris très souvent extraits des interprétations de titres comme « Sex Machine » ou de « I Feel Good ».
67 Batteur de James Brown, et auteur du célèbre « Funky Drummer" échantillonné par : 2 Live Crew, 808 State, Beastie
21
injonctions verbales du rappeur Flavor Flav de Public Enemy, les parties de basse du groupe Chic68.
Tous ces artistes ont en commun d'avoir atteint un certaine maîtrise de leur art, mais
l'échantillonnage peut également porter sur des œuvres d'artistes inconnus. La phrase
musicale pourra ainsi être instrumentale, chantée, parlée, mélodique voire atonale. Elle n'en
demeurera pas moins l'expression de la personnalité de son auteur. De même un rythme élaboré
dénué d'éléments mélodiques et harmonique n'en est pas pour autant privé de substantialité. Tout
échantillon suffisamment complexe dans sa forme pour exprimer l'originalité et la personnalité de
son auteur sera donc à ranger dans cette catégorie.
ii. La phrase musicale est identifiable
Il est fort peu probable qu'on échantillonne une phrase musicale complète pour la maquiller ou la
transformer complètement jusqu'à la rendre méconnaissable. C'est en ce sens que la phrase musicale
est identifiable, car elle reste porteuse de son originalité dans l'œuvre seconde. L'affaire des
Inconnus opposés à Macéo Parker illustre bien ce propos. Malgré la « légère accélération du
tempo » avec transposition « à un ton au dessus »69, cette modification n'altère en rien l'identité de
la phrase musicale. C'est d'ailleurs l'identification de l'échantillon dans l'œuvre seconde qui pose
soucis et constitue une violation des prérogatives des ayants droit. Et c'est à ce titre qu'elle est
protégée.
b. La phrase musicale est un échantillon protégé
Après avoir développé un régime juridique déniant au simple son la qualité d'œuvre à part entière, il
n'est pas surprenant de voir que la phrase musicale échantillonnée est protégée par le droit d'auteur.
Après avoir exclu au préalable les simples sons, Pierre Sirinelli affirme dans ce sens que
« l'échantillonnage portant sur des œuvres ou des enregistrements préexistants [...] les dispositions
du droit de la propriété littéraire et artistique trouvent normalement à s'appliquer. » En présence
d'un long échantillon, il n'y aura en fait aucune différence de nature entre cet extrait et une œuvre
musicale : son échantillonnage rejoindra le régime de l'échantillon traité dans la première partie de
ce rapport de recherche.
Sans aucunement nier l'intérêt des distinctions élaborées par la doctrine, il aurait été surprenant de
voir les juges pratiquer de telles distinctions dans les affaires d'échantillonnage. Les trois arrêts
rendues par des juridictions françaises n'ont pas suivi ces postions. Ils n'en sont pas moins riches
d'enseignements, car un critère unifié d'appréciation de la contrefaçon semble émerger.
II. Le critère du caractère reconnaissable de l'emprunt
évoqué par la jurisprudence
Les juges ont opté pour un critère différent : le caractère reconnaissable de l'échantillon par un
auditeur moyen. Création jurisprudentielle en l'absence de toute référence au Code de la propriété
intellectuelle, il sera nécessaire de préciser cette création prétorienne.
A. L'émergence d'un critère jurisprudentiel de contrefaçon en
matière d'échantillonnage
Le premier arrêt d'une juridiction française ayant traité d'une question d'échantillonnage non autorisé
Boys, De la Soul, Deep Forest, Depeche Mode, Dr. Dre, Enigma, Eric B & Rakim, GangStarr, George Michael, Gus
Gus, Pete Rock & CL Smooth, Public Enemy, ... et des centaines d'autres artistes.
68 La basse du titre disco « Good Times » a été échantillonnée des milliers de fois. Il faut citer parmi tant d'autres les
Beastie Boys, Blondie, DJ Shadow et surtout Sugarhill Gang avec « Rapper's Delight ».
69 TGI Paris 2 décembre 1993, Affaire Les inconnus c/ Maceo Parker. Inédit cité par D. Lefranc et P. Sirinelli
22
en France est le jugement du TGI de Paris daté du 2 décembre 199370. Opposant les humoristes
« Les inconnus » au saxophoniste Maceo Parker71, l'affaire a abouti à la condamnation des auteurs
de l'emprunt indélicat. Malheureusement le jugement étant inédit, on manque d'éléments précis sur
l'affaire, et sur la motivation du jugement. Toutefois les extraits publiés montrent qu'en l'espèce
l'emprunt ne faisait pas de doute. L'échantillonnage avait été effectué « avec une légère
accélération de la bande, d'où le passage à un ton au dessus et à un tempo plus rapide »72, ce qui
ne permet pas de masquer l'échantillon qui reste totalement reconnaissable. C'est d'ailleurs ce qui
amène l'expert à conclure qu' « au plan quantitatif, Auteuil Neuilly Passy constitue la contrefaçon
de Southwick pour 81,90% »73. Le juge a ainsi sanctionné l'emprunt manifeste dont Macéo Parker
avait été victime.
La 3ème chambre de la Cour d'appel de Toulouse a rendu un arrêt le 16 mars 200074 dont voici
l'extrait relatif à la poursuite pour contrefaçon : (...) Il résulte du dossier que plus de la moitié des
disques utilisés lors des soirées était soumise au règlement de droits d'auteur en cas de diffusion
publique, et qu'il n'a été procédé à aucune déclaration auprès de la SACEM. Toutefois les prévenus
soutiennent, sans être démentis, que le principe même de leur activité musicale était de produire, à
partir de musiques enregistrées et par diverses manipulations, excellemment décrites par le
tribunal, une musique nouvelle et différente, de telle sorte que la musique d'origine n'était plus
reconnaissable par un auditeur moyen. Dans ces conditions, il apparaît que c'est à bon droit que le
tribunal est entré en voie de relaxe » . Une précision préalable s'impose toutefois sur les faits : rien
n'indique qu'il s'agisse d'un affaire où le processus de transformation évoqué soit lié au sampling des
œuvres. Il est d'ailleurs probable qu'il s'agisse de mixages de divers morceaux opérés par des DJ,
mixages impliquant des transformations de structure des morceaux et des manipulations sonores.
Cependant il est impossible de ne pas faire de rapprochement avec le cas du sampling : l'emprunt à
des morceaux existants, la transformation en œuvre nouvelle et différente ne laisse pas de doute sur
l'importance de cet arrêt en la matière. Le critère essentiel mis en avant par la cour d'appel semble
être celui de la non reconnaissabilité de l'échantillon emprunté par un auditeur moyen.
Un arrêt daté du 5 juillet 200075 a décidé dans le même sens " [..] qu'il était indifférent qu'une
composition musicale réalisée au moyen d'un ordinateur ait pu emprunter au départ une mélodie
antérieure d'un tiers dès lors que celle-ci était "travaillée" pour ne plus être reconnaissable à l'issu
de traitements informatiques." Cet arrêt évoque également ce critère d'identification et exonère de
toute poursuite l'auteur d'une œuvre dès lors que des traitements ont rendus l'échantillon
méconnaissable.
De quelques arrêts de jurisprudence étudiés esquissent un critère commun. Le caractère
reconnaissable par un auditeur moyen semble être devenu pour la jurisprudence le critère de la
contrefaçon en matière d'échantillonnage. C'est d'autant plus étonnant que ce critère n'existe pas
dans le code de la propriété intellectuelle. Il est nécessaire de le préciser quelque peu.
B. Le caractère reconnaissable de l'emprunt
Pour être constitutif de contrefaçon, l'échantillon doit donc être reconnaissable (1) par un auditeur
moyen (2).
70 TGI Paris 2 décembre 1993, précité
71 Contrairement à ce qui a été parfois écrit dans certaines chroniques juridiques, le morceau échantillonné était
« Southwick ».
72 Cité par David Lefranc, p. 99
73 Cité par David Lefranc, p. 98
74 Toulouse, 16 mars 2000, Alquier-Bouffard et al. c/ Ministère public. Communication, Commerce électronique, n°
11, novembre 2000, p. 18, n° 113 et JCP, éd. G, n° 3, 17 janvier 2001, IV 1134, p. 1
75 T.G.I. PARIS, 5 juillet 2000 précité.
23
1. L'échantillon doit être reconnaissable.
Le critère premier semble être la capacité à reconnaître l'échantillon, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y
a pas d'emprunt. Il est toutefois nécessaire que ce dernier reste décelable dans l'œuvre seconde pour
qu'il y ait contrefaçon.76
a. La victoire du qualitatif ?
L'approche retenue semble consacrer la volonté de reconnaître un certain aspect qualitatif à l'opposé
d'une approche purement quantitative de la question. On pourrait penser que l' emprunt est plus
facilement reconnaissable si il est de longueur importante, mais c'est l'importance qualitative de la
partie échantillonnée qui prime dans la recherche des juges. Les considérations quantitatives seront
alors écartées si la partie échantillonnée bien que petite, est essentielle à la valeur de l'œuvre
d'origine. Cette valeur, qui peut être artistique, ou commerciale - refrain ou signature sonore voire
style particulier – va devoir être examinée et reconnue par le juge. Cela n'exclut pas toute
considération quantitative, mais marque profondément la démarche entamée par le jurisprudence.
b. L'approche synthétique préférée à une approche analytique
Deux approches différentes s'opposent pour déterminer l'importance de l'emprunt ; la jurisprudence
semble refuser l'analyse analytique du morceau pour se concentrer sur une approche plus globale
dans la perception de l'œuvre musicale.
Dans une affaire de contrefaçon musicale, la Cour d'appel d'Aix, avait fondé en 1957 sa décision sur
une description et une analyse précise des œuvres musicales dans les termes suivants : « Attendu
qu'en ce qui concerne la parenté de la mélodie, l'expert après avoir souligné que les neuf notes
initiales de la mélodie de Cambon, ont été exactement reproduites par Scotto, décompose ces notes
en deux éléments 6 + 3 ; qu'il met en évidence dans son examen que la mélodie des six premières
notes s'est rencontrée, avant que soit écrite la chanson, dans un grand nombre d'œuvres musicales
très répandues, notamment dans « la Bohême » de Puccini (...) ; que le dessin mélodique des trois
autres notes n'est ni une rencontre fortuite ni une réminiscence, mais une formule élémentaire
presque automatiquement issue du premier accord (...) » 77. Cette décision qui privilégie l'approche
descriptive peut être contestée. Elle effectue une décomposition en fragments sonores, ce qui ne va
pas dans le sens d'une œuvre musicale perçue comme la combinaison des trois éléments la
composant. Cette approche correspond davantage à la recherche d'une analyse quantitative du
problème de la contrefaçon. En matière d'échantillonnage une telle approche imposerait la nécessité
de quantifier les différents éléments et notamment le poids de l'échantillon emprunté dans l'œuvre
première et sa place dans l'œuvre seconde. Or, ce n'est pas l'approche qui a été retenue par la
jurisprudence.
Depuis cette décision, il semble que la jurisprudence se soit inscrite dans un mouvement favorisant
l'impression générale laissée par le morceau s'inscrit dans une approche plus synthétique. Le
Tribunal de grande instance de Paris a évoqué cette question dans une décision en ces termes : «
attendu d'autre part que l'expert ne peut se fonder, comme l'indique l'avis formulé en conclusion,
seulement sur l'harmonisation qui est bien moins sensible à l'auditeur d'une chanson, que la ligne
mélodique ; qu'en effet, l'appréciation de l'imitation exige que l'œuvre soit considérée dans son
aspect d'ensemble » 78. Bien qu'il s'agisse d'une contrefaçon musicale, et non d'une question relative
à l'échantillonnage, on peut se demander si le critère évoqué par la jurisprudence ne renvoie pas à la
même analyse. Avec le caractère de reconnaissabilité de l'échantillon, la jurisprudence semble
76 La logique de ce développement a été inspirée par l'article d'Hervé Pujol traitant de la contrefaçon dans le domaine
de la musique de variété.
77 Aix, 3 juin 1957, RIDA juillet 1957, p. 132.
78 Trib. gr. inst. Paris, 3e Ch., 30 octobre 1970, Soc. Northern Song France, chanson « Yellow Submarine » c/ Pierre
Antoine Muraccioli dit Antoine, chanson « Votez pour moi », RIDA 1971, no 67, p. 195.
24
également décidée à ne pas entrer dans des considérations trop analytiques. L'appréciation plus
générale dans l'œuvre seconde de l'impression laissée par l'échantillon s'inscrit dans cette tendance
jurisprudentielle générale relative à la détermination de la contrefaçon musicale.
2. La référence à l'auditeur moyen
Le fait de privilégier une approche globale conduit à rechercher l'appréciation de l'auditeur moyen.
Le choix de ce critère par le juge comme un critère d'appréciation de l'emprunt, donc de la
contrefaçon, empêche t-il le recours à un expert ?
a. Le critère est évalué dans l'esprit de l'auditeur moyen
En matière de contrefaçon musicale, Marcel Laurens79 a conclu au rôle prééminent du public auquel
l'œuvre est destinée. Il semble qu'il en soit de même dans le cadre de l'échantillonnage puisque la
jurisprudence ne retient pas la sanction si « la musique d'origine n'était plus reconnaissable par un
auditeur moyen »80. Quant à la détermination de ce critère par le juge, on ne peut s'empêcher de
citer Hervé Despujol81 qui explique qu'en matière de contrefaçon d'œuvre de variété « les juges
conviennent tout d'abord qu'il faut privilégier l'audition 82, ainsi que l'impression produite 83 par
rapport à l'analyse technique. Cette notion d'impression auditive est ensuite généralement
rattachée à celle d'oreille moyennement exercée 84 ou d' auditeur moyen 85 » .
En matière d'œuvre musicale, il peut sembler pertinent de voir l'emprunt évalué d'après les critères
d'appréciation des destinataires de l'œuvre nouvelle, c'est-à-dire un public très large et pas
nécessairement averti. L'utilisation d'un tel critère de détermination n'est pas spécialement étonnante
et rejoint la pratique en matière de contrefaçon musicale « classique ». La contrefaçon sera ainsi
caractérisée si l' auditeur moyen trouve que l'échantillon est reconnaissable dans l'œuvre seconde, et
donc garde le même impact, sinon le même attrait que dans l'œuvre échantillonné. On peut voir dans
cette approche le désir d'éviter toute confusion entre les deux œuvres dans l'esprit du public. Mais il
s'agit également, et surtout, d'empêcher que l'utilisation d'un élément caractéristique de l'œuvre
échantillonnée, qui bénéficie indûment à l'œuvre seconde par la confusion créée entre les deux
œuvres. Voilà qui ramène très près de la définition du parasitisme, qui avait déjà retenu l' attention.
Ce critère pragmatique semble apte à prendre en considération l'évolution qu'a constitué
l'échantillonnage et ses possibilités infinies. En effet, il permet au juge de se réfugier derrière la
notion d'auditeur moyen pour trancher, ce qui n'empêche pas le recours à un expert.
b. Ce qui ne n'empêche pas le recours à un expert
Le recours à un expert peut sembler paradoxal pour rechercher une vision globale sensée émaner
d'un public non averti. Cependant en matière d'œuvre de variété, la détermination de la contrefaçon
musicale, en tant que génératrice de confusion dans l'esprit des auditeurs moyens, n'écarte pas le
recours à une expertise. Il en est de même en matière d'échantillonnage : l'expert ne représente pas
l'auditeur moyen. Il va cependant s'efforcer de mettre en évidence le caractère ressemblant de
79 La contrefaçon en matière de chansons, RIDA 1960, no 27, p. 3 ; V. spéc. p. 15.
80 C.A. Toulouse, 16 mars 2000 précité
81 Despujol, Hervé. Musique de variété et contrefaçon au regard des nouvelles techniques d'enregistrement et de
diffusion, LPA, 16 janvier 1998 n° 7, P. 4
82 TGI Paris, 9 janvier 1970 : « Antoine ». JCP 1971, II, 16645, obs. A. Françon
83 Trib. gr. inst. Paris, 3e Ch., 30 octobre 1970, Soc. Northern Song France, chanson « Yellow Submarine » c/ Pierre
Antoine Muraccioli dit Antoine, chanson « Votez pour moi », RIDA 1971, no 67, p. 195.
84 Paris, 4e Ch., 19 novembre 1985, RIDA 1986, no 129, p. 155.
85 Paris (4e Ch.), 3 décembre 1987, Philippe Bretonnière (« Chanson no 7 ») c/ S.A.R.L. Art Music France et autres
(chanson, « Ma gueule »), RIDA 1988, no 135, p. 113
25
l'échantillon. Dans l'affaire des Inconnus86, l'expert à mis en évidence un traitement87 qui ne rendait
pas méconnaissable l'échantillon. Il a ensuite calculé un pourcentage de réutilisation de l'échantillon
afin de démontrer la contrefaçon88. L'analyse technique va alors venir appuyer la réflexion du juge,
et venir répondre à la question de savoir si l'échantillon reste reconnaissable malgré les traitements
informatiques qu'il a pu subir. Il fait également noter que dans ce type de contentieux, le juge ne
maîtrise pas toujours exactement les pratiques en cause et leurs implications. Cependant le recours à
l'expert ne pourra masquer un écueil inhérent au critère de contrefaçon retenu. Pour commencer, il
n'est pas illogique de penser que si le litige se présente devant les tribunaux, l'échantillon a été
reconnu d'une manière ou d'une autre, et possiblement par une oreille, peut-être plus exercée que la
moyenne. On notera que les différents éléments constitutifs de la contrefaçon sont donc considérés
comme des faits qui, à ce titre, échappent au contrôle de la Cour de cassation89 qui refuse de
réexaminer la qualification donnée. L'examen du critère sera donc laissé à l'entière appréciation des
juges du fond.
86 TGI Paris 2 décembre 1993, précité
87 « avec une légère accélération de la bande, d'où le passage à un ton au dessus et à un tempo plus rapide » cité par
David Lefranc, p. 99.
88 « au plan quantitatif, Auteuil Neuilly Passy constitue la contrefaçon de Southwick pour 81,90% » cité par David
Lefranc, p. 98.
89 Cass. civ. 1re, 1er juillet 1970, S.A.R.L. Paris Records et Soc. Stéréo Press c/ Manitas de Plata, RIDA 1971, no 68,
p. 210, D. 1970, p. 734, note B. Edelman.
26
Conclusion
Ce critère de reconnaissabilité permet une approche plus pratique pour le juge amené à traiter d'un
litige. Voilà qui serait oublier que jamais le juge ne se prononce sur la nature de l'échantillon non
reconnaissable.
Une vision simplificatrice voudrait sans doute voir en ce critère de reconnaissabilité un critère de
rattachement à l'un ou l'autre des deux domaines évoqués par la jurisprudence. Pourquoi pas. Il
existe un lien entre l'un des caractères dégagés pour la phrase musicale - son caractère identifiable et le critère retenu de reconnaissabilité par la jurisprudence. Les juges du fond ont également
affirmé la volonté de protéger tout élément portant dans la nouvelle œuvre encore trace de la
personnalité de ses auteurs, ou de ses interprètes. Cette approche semble raisonnée, sinon
raisonnable, et l'on peut se réjouir de ne pas avoir vu les juges du fond succomber à la tentation
d'une sanction absolue de l'échantillonnage.
L'une des critiques apportée par certains auteurs à la théorie doctrinale de la distinction des simples
sons et des phrases musicales, semblait tenir dans l'impossibilité de faire jouer cette théorie dans le
domaine des droits voisins. On a vu que la protection de l'interprétation semble plus forte, en raison
de l'article L. 212-3 qui offre une protection quel que soit l'emprunt réalisé. Alors que Stephane
Colombet souligne « seuls les droit voisins semblent pouvoir être invoqués » dans l'hypothèse des
simples sons dans leur acception doctrinale. Si André Lucas admet également que le « droit
d'auteur n'est plus en cause »90 si « l'œuvre dérivée issue de l'échantillonnage n'inclut aucune
partie reconnaissable »91, il ajoute néanmoins que « cette logique propre au droit d'auteur ne
s'impose pas [...] aux artistes-interprètes, qui devraient pouvoir s'opposer à ces emprunts sur la
base de leur droit de propriété intellectuelle, à la seule condition que de prouver la réalité de
l'échantillonnage, puisque l'échantillonnage permet en quelque sorte de reconstituer leur
interprétation. ».92 Le caractère relevé par la jurisprudence a le mérite de supprimer toute
contestation en ce domaine. Si l'échantillon n'est pas ou plus reconnaissable par l'auditeur moyen, la
perception par le public de l'interprétation originale ne sera pas altérée, ni l'image de l'artisteinterprète. Peu importe alors qu'il y ai eu effectivement emprunt ou non au moment de la création de
l'œuvre.
Il y a quelques mois encore, la voie choisie était semblable aux solutions adoptées par la plupart des
juridictions étrangères, notamment américaines. La 6ème chambre de la cour d’appel de Cincinnati
a, contre toute attente, décidée le 7 septembre 200493 que tout échantillon donnait droit à
rémunération, y compris les échantillons mineurs et non identifiables dans l'œuvre finale. Les
juridictions américaines avaient jusqu'alors retenus une solution similaire à la position française.
L'échantillonnage était admis tant que les échantillons n'étaient pas reconnaissables dans l'œuvre
seconde. Ces décisions n'avaient cependant jamais reçues l'aval de juridictions d'un plus haut degré.
La décision de la cour d'appel de Cincinati sanctionne d'ailleurs une décision considérant qu'un
échantillon n'atteignait pas le « niveau d'appropriation légalement reconnu »94. Bien que cette
affaire mettait en cause les droits sur l'enregistrement sonore, l'infléchissement jurisprudentiel opéré
outre-atlantique est clair. Cela ne doit nous rappeler qu'en France le peu d'affaires connues n'a été
porté que devant les juridictions du premier et deuxième degré. Comme dans biens de domaines où
la technologie a refaçonné les pratiques, la sécurité juridique en ce domaine demeure minime.
90
91
92
93
André Lucas, trait de la PLA, p. 251
André Lucas, trait de la PLA, p. 251
André Lucas, trait de la PLA, p. 646
Décision disponible à l'adresse suivante :
http://www.ccnmtl.columbia.edu/projects/law/library/cases/case_bridgeportmusicstillnthewaterpublishing.html
94 L'expression exacte utilisée par la cour était "did not rise to the level of legally cognizable appropriation."
27
Bibliographie
. Ouvrages, Thèses, Traités, manuels, Rapports, encyclopédies,
monographies
•
•
•
•
•
•
•
•
BERTRANDAndré, La musique et le droit, De Bach à internet
COLOMBET Stéphane, Le sampling, Mémoire de DEA Propriété littéraire artistique et
industrielle ; Université Panthéon-Assas, 1996.
KAHN, Anne Emmanuelle, Les musiciens dans l'environnement numérique. Thèse de doctorat
en Droit sous la direction de Frédéric POLLAUD DULIAN, Université de Bourgogne, 1998
LEFRANC David, Réalités juridiques de l'échantillonnage musical. Mémoire de D.E.A de
Propriété intellectuelle sous la direction de Henri-Jacques LUCAS. Université de Poitiers, 1998.
Xavier Linant de Bellefonds dans « droits d'auteur et droit voisins »
LUCAS André et LUCAS Henri-Jacques, Traité de la propriété littéraire et artistique. 2ème
édition, LITEC, 2001.
LUCAS André, Droit d'auteur et numérique, Collection Approfondir, Droit@litec, Litec, 1998
MINISTERE DE LA CULTURE ET DE LA FRANCOPHONIE . Industries culturelles et
nouvelles techniques : rapport de la commission présidée par Pierre Sirinelli pour le ministère de
la culture et de la francophonie. La Documentation française, 1994.
. Articles, Chroniques, Communication, de doctrine
•
•
•
•
•
DESPUJOL Hervé, Musique de variété et contrefaçon au regard des nouvelles technologies
d'enregistrement et de diffusion, LPA, 16 janvier 1998 n°7, p. 4
DU BOIS R, Les aspects juridiques du sound sampling Bulletin du droit d'auteur / Unesco 1992,
numéro 2, p. 3 à 7
LEFRANC David, Fragments sonores et création musicale, D 2000, n°32, p. 497.
MILLE Antonio, Musique électronique. Problèmes de propriété intellectuelle relatifs à la
composition et à l'exécution musicales faisant appel à des moyens électroniques, Bulletin du
droit d'auteur, vol. XXVIII, no 2, avril-juin 1994, p. 8.
SPRGEON C-P , L'échantillonnage numérique (sampling). Quelques considérations juridiques
Bulletin du droit d'auteur / Unesco 1992, numéro 2, p. 8 à 21.
. Décisions de Justice
•
•
•
•
•
•
•
•
Trib com. Seine, 26 mars 1934. Gaz. Pal., Rec. 1934, p. 594.
Aix, 3 juin 1957. RIDA juillet 1957, p. 132.
Paris, 30 mai 1962, JCP 1962, II, 12989, note Savatier ; Recueil Dalloz 1962, p. 570, note
Desbois.
C.A .Paris 13 novembre 1969. RIDA, avril 1970, 145.
TGI Paris, 9 janvier 1970 dit « Antoine ». JCP 1971, II, 16645, obs. A. Françon.
Cass. civ. 1re, 1er juillet 1970, S.A.R.L. Paris Records et Soc. Stéréo Press c/ Manitas de
Plata. RIDA 1971, no 68, p. 210, D. 1970, p. 734, note B. Edelman.
Trib. gr. inst. Paris, 3e Ch., 30 octobre 1970, Soc. Northern Song France,c/ Pierre Antoine
Muraccioli dit Antoine. RIDA 1971, no 67, p. 195.
CA Paris, 8 juin 1971, affaire du Prince Igor. D. 1972, 283, note Edelman ; JCP 1973, II,
28
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
17427, note Plaisant ; RTDcom. 1973, p. 268, obs. Desbois.
Sur la même espèce : Cass. Civ. 1ère 14 novembre 1973, RIDA avril 1974, p. 66.
Trib. gr. inst. Paris, 3e Ch., 21 février 1978, Soc. Alleluiac/ Soc. P.E.M. Charles Talar, MM.
Charden, Thomas, Rivat. RIDA 1978, no 98, p. 96.
C.A. Paris, ème ch.B, 6 octobre 1979. note R Plaisant, D. 1981, jurisp. 190.
Paris, 6 novembre 1984, A. Maccione. D. 1985, 2, p. 187, note T. Hassler.
Paris, 4e Ch., 19 novembre 1985. RIDA 1986, no 129, p. 155.
Paris (4e Ch.), 3 décembre 1987, Philippe Bretonnière c/ S.A.R.L. Art Music France et
autres, RIDA 1988, no 135, p. 113 ; Trib. gr. inst.
Tribunal de grande instance de Paris, 6 mai 1987 et Cour d'appel de Paris (4re chambre),
21 juin 1988 Héritiers Brel et Éditions musicales Pouchenel c. R.P.R. . RIDA octobre 1988,
page 304.
CA Paris, 4ème ch. , 10 Janvier 1990, Constantin C/ Disques D. . D. 1990, informations
rapides 41.
TGI Paris, 10 janvier 1990 : D. 1991, 2, p. 206, note B. Edelman. D. 1991, som. p. 99, obs. C.
Colombet ; RIDA 1990, n° 145, p. 318.
C.A. Douai 1re Civ, 23 Décembre 1992 , Affaire Dechavanne. Inédit.
Paris, 16 juin 1993, M 6. D. 1993, 2, p. 218, note B. Edelman.
TGI Paris2 décembre 1993, Affaire Les inconnus c/ Maceo Parker. Inédit, cité par David
Lefranc et Pierre Sirinelli.
Cour Appel Administrative de Nancy 2 mai 1996. LPA 11 Juin 1997, N°70 page 27.
TGI Paris 10 Mai 1996, Affaire Dutronc et autres c/ Sté Musicdisc. RIDA numéro 170,
Octobre 1996 page 72.
Trib. gr. inst. Paris, réf., 5 mai 1997 , Queneau c/ Leroy et autres. LPA 1998, n° 43, obs. X.
Daverat.
TGI Paris, 26 novembre 1997, Jean Ferrat. RIDA 1998, n° 177, p. 284
Toulouse, 16 mars 2000, Alquier-Bouffard et al. c/ Ministère public. Communication,
Commerce électronique, n° 11, novembre 2000, p. 18, n° 113 et JCP, éd. G, n° 3, 17 janvier
2001, IV 1134, p. 1.
TGI Paris 5 juillet 2000, Cooper c/ Sté Ogilvy & Mather. Communication Commerce
électronique 2001, n°3, p18 et JCP, éd. G, n° 3, 17 janvier 2001, IV 1134, p. 167.
TGI Paris, 10 février 2003. LPA 2004 n° 13, p13 obs. X. Daverat.
CA Paris, 4ème ch., sect. B, 22 oct. 2004, Marc Cerrone c/ Alain Wisniak et autres.
Chronique de décembre 2004 sur le site lextenso.
. Articles journaux généralistes, Sites Web consultés
WERDE Bill, Defiant Downloads Rise From Underground, The New York Times, 25 Février 2005,
Section E; Page 3; Colonne 4. Cité et traduit en français par l'Atelier groupe BNP Paribas le 25
Février 2004. Traduction disponible sur : http://www.atelier.fr/article.php?artid=26957&catid=30.
http://www.downhillbattle.org/
http://www.olats.org/pionniers/pp/schaeffer/theorieSchaeffer.shtml
29
Université Robert SHUMAN
DESS DROIT DU MULTIMEDIA ET DES SYSTEMES D'INFORMATIONS 2004 -2005
Le sampling :
Approche juridique de l'échantillonnage
musical non autorisé en droit français
Rapport de recherche réalisé par Grégory CUQ
sous la direction de Monsieur le Professeur Théo HASSLER
Table des matières
INTRODUCTION....................................................................................................... 4
Le procédé technique d'échantillonnage .................................................................... 4
Bref historique de l'échantillonnage ........................................................................... 4
PARTIE I : L'EXPLOITATION NON AUTORISEE DE L'ECHANTILLON... 6
I. L'incorporation à une nouvelle œuvre viole les droits attachés à
l'échantillon..............................................................................................................6
A. La nature de l'œuvre seconde.................................................................................. 6
1. L'acceptation de l'œuvre seconde comme œuvre originale.................................................6
2. La qualification d'œuvre dérivée ou d'œuvre composite.................................................... 6
B. Les droits attachés à l'extrait échantillonné........................................................... 7
1. Les droits d'auteur protégeant l'œuvre de l'esprit................................................................7
a. Le droit moral de l'auteur............................................................................................. 8
b. Le droit patrimonial de l'auteur.................................................................................... 9
2. L'échantillon fixe une interprétation sur un support ........................................................10
a. Les droits de l'artiste-interprète.................................................................................. 10
b. Les droits du producteur du phonogramme échantillonné......................................... 12
II. Régime juridique de l'échantillonnage non autorisé.................................... 12
A. L'échantillonnage peut-il entrer dans le cadre d'une exception légale ?........... 12
1. Le domaine public............................................................................................................ 12
2. Le droit de citation............................................................................................................12
a. Le refus de l'exception en raison de l'impossible mention de la source et du nom de
l'auteur............................................................................................................................ 13
b. Les autres conditions exigées par l'exception de courte citation................................ 13
c. L'exception est inapplicable en raison des modifications subies par échantillon.......14
3. La parodie, la caricature et le pastiche..............................................................................14
4. L'exception d'usage privé................................................................................................. 15
B. Les sanctions de l'exploitation illicite de l'échantillon......................................... 15
1. La contrefaçon des œuvres de l'esprit...............................................................................15
2. L'atteinte aux droits du producteur et de l'artiste-interprète............................................. 16
3. Les autres sanctions possibles de l'échantillonnage......................................................... 16
a. L'atteinte aux droits de la personnalité.......................................................................16
b. Les actions fondées sur les articles 1382 et 1383 du code civil..................................16
30
PARTIE II : VERS UNE APPROCHE PRAGMATIQUE DE LA
JURISPRUDENCE................................................................................................... 18
I. L'approche doctrinale de la qualification de l'échantillon............................ 18
A. Les bases de la qualification doctrinale de l'œuvre musicale..............................18
1. Les éléments caractéristiques de l'œuvre musicale...........................................................18
a. Mélodie........................................................................................................................18
b. Harmonie.....................................................................................................................18
c. Rythme......................................................................................................................... 18
2. Le problème du matériau sonore ..................................................................................... 19
B. La doctrine distingue les sons de libres parcours et les phrases musicales........19
1.Les sons de libre parcours non susceptibles d'appropriation............................................. 19
a. Approche doctrinale du simple son ............................................................................ 19
b. Les caractéristiques des sons de libres parcours : tentative de synthèse .................. 20
2. L'échantillon substantiel : la phrase musicale.................................................................. 21
a. Approche de la phrase musicale................................................................................. 21
b. La phrase musicale est un échantillon protégé........................................................... 22
II. Le critère du caractère reconnaissable de l'emprunt évoqué par la
jurisprudence......................................................................................................... 22
A. L'émergence d'un critère jurisprudentiel de contrefaçon en matière
d'échantillonnage......................................................................................................... 22
B. Le caractère reconnaissable de l'emprunt ........................................................... 23
1. L'échantillon doit être reconnaissable...............................................................................24
a. La victoire du qualitatif ?............................................................................................24
b. L'approche synthétique préférée à une approche analytique......................................24
2. La référence à l'auditeur moyen........................................................................................25
a. Le critère est évalué dans l'esprit de l'auditeur moyen............................................... 25
b. Ce qui ne n'empêche pas le recours à un expert......................................................... 25
CONCLUSION.......................................................................................................... 27
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................... 28
.Ouvrages, Thèses, Traités, manuels, Rapports, encyclopédies, monographies.....28
.Articles, Chroniques, Communication, de doctrine ............................................... 28
.Décisions de Justice.................................................................................................... 28
.Articles journaux généralistes, Sites Web consultés................................................29
31