« Le patrimoine foncier des colos, en voie de disparition ! Sauf si… »

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« Le patrimoine foncier des colos, en voie de disparition ! Sauf si… »
« Le patrimoine foncier des colos, en voie
de disparition ! Sauf si… »
JEAN-CLAUDE BISSARDON
DIRECTEUR DE L’ASSOCIATION NATIONALE TEMPS JEUNES
60 % des centres de vacances enfants
ont déjà disparu ! Les principaux proprié-
taires historiques des colonies de vacances
(collectivités locales, comités d’entreprise,
œuvres sociales, CAF, etc.) chacun d’entre
eux ayant investi à l’époque pour « son »
public, remplissait « son » centre, pour
« ses » besoins, avec « son » fonctionnement. Celui-ci s’est alourdi au fil des ans,
en raison des coûts d’activités spécialisées,
réglementées, diversifiées, avec des coûts
de personnel passant d’un quasi-bénévolat
à un presque salariat, et enfin des coûts de
maintenance avec des bâtiments devenus
des « passoires énergétiques ». L’envolée
des coûts de fonctionnement s’est cumulée
au coût d’investissement élevé pour les
rénovations rendues obligatoires par les
mises aux normes de sécurité, l’adaptation
accessibilité, etc.
La pression immobilière a fait le reste,
surtout quand la propriété se trouvait
au pied des pistes de ski, ou en bord de
plage… Ainsi, 60 %1 du patrimoine foncier
des colos a disparu… même lorsqu’il s’agissait d’une donation historique au profit des
enfants !2
À de rares exceptions près, les collectivités
locales ont soutenu prioritairement les
accueils de loisirs sans hébergement et se
sont désengagées de leur patrimoine colos.
Les comités d’entreprise ont vendu leurs
centres et recherché des prestataires plus que
des partenaires, dans un contexte de marchandisation des colos, accentué par les « ventes
1. Estimation de différentes sources : ministère de la Jeunesse et des Sports, Direction
des affaires culturelles, UNAT, etc.
2. Par exemple, la colonie de vacances de la
Croix Valmer (Var) fermée et mise en vente par
flash » en ligne de sociétés à but lucratif venues
concurrencer les associations historiques.
Sauvegarder ce qui reste encore de
ce patrimoine… Cela passe d’abord par
convaincre les décideurs institutionnels et
politiques. Il y a quatorze ans déjà Temps
Jeunes s’adressait au sénateur Gilbert
Chabroux dans le cadre d’une question
parlementaire3, pour un inventaire qualifié
du patrimoine des centres de vacances d’enfants, en termes d’intérêt général.
Au-delà des avantages sociaux et éducatifs
qu’apportent toujours ces structures d’accueils, il serait pertinent de mettre en valeur
l’impact économique positif d’un centre sur
le développement local, et convaincre les
départements et les régions à les soutenir,
car ces dernières les ont trop souvent injustement exclus au profit du tourisme « adultes »
(villages vacances). Mais de plus en plus d’élus
intègrent que les enfants venus en colo ou
classes de découverte reviendront sur les lieux
plus tard, une fois adultes, avec leur famille.
Beaucoup d’autres restent à convaincre…
L’importance ensuite d’intégrer localement. Les nouvelles colos sont ouvertes
sur l’environnement immédiat, privilégiant
aux déplacements d’activités alentour en
autocars, tout ce qui pourra être exploité sur
l’espace même du centre. Par exemple, sur
trois projets réussis :
n une zone d’éducation à l’environnement
avec hôtel à abeilles sauvages, cabane d’affût,
refuges à oiseaux, et station météo reliée à un
programme d’initiation scientifique sur le
réchauffement climatique et la biodiversité ;
n la création d’un village « jeunes citoyens
conducteurs » où les enfants sont alternativement piétons, cyclistes, conducteurs
d’une vraie mini-voiture, gendarmes… pour
apprendre à conduire et à bien se conduire ;
n la construction d’un village gaulois, pour
concilier ludique et habitat léger de loisirs
dans un centre à proximité du plateau
de Gergovie, dans un contexte sociétal
d’attrait important pour les hébergements
insolites.
La nécessité enfin de diversifier les publics
en gardant un positionnement cohérent,
pour un fonctionnement optimisé. Passer
de la sauvegarde du patrimoine originel
d’une colonie de vacances, à sa pérennisation actualisée, nécessite une expertise qui
aura vérifié compatibilité et complémentarité des accueils, en séjours vacances, classes
de découverte, stages et groupes, mais aussi
des accueils de proximité notamment les
accueils de loisirs ou la restauration scolaire.
Des compatibilités qui, une fois réunies,
nous ont permis par exemple de pérenniser,
sur un centre en Auvergne, cinq emplois
CDI à temps plein (et dix équivalents temps
plein avec les saisonniers) pour une ouverture du centre dix mois sur douze. Cette
diversité d’accueils a toutefois ses limites,
celles du positionnement du centre qui reste
tout autant nécessaire. n
Article extrait de juristourisme n° 184 de mars 2016. Reproduction interdite sans l’autorisation de Juris Éditions © Éditions Dalloz.
TRIBUNE
les Hospices civils de Lyon, alors qu’elle provenait de la donation d’une fondation…
3. Rép. min. à G. Chabroux,
JO Sénat du 22 août 2002, no 31.
mars 2016 - juristourisme 184
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