La fracture sociale jusque dans les colos d`été

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La fracture sociale jusque dans les colos d`été
La fracture sociale jusque dans les colos d'été
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La fracture sociale jusque dans les
colos d'été
Le Monde.fr | 16.07.2013 à 15h25 • Mis à jour le 17.07.2013 à 13h12 |
Par Claire Rainfroy
Les centres de vacances accueillent 1,4 millions d'enfants et d'adolescents |
AFP/MYCHELE DANIAU
Haro sur la colo. Les enfants issus des classes moyennes ont tendance à
déserter les colonies de vacances. Très fréquentés par les enfants défavorisés,
ces centres sont aussi très appréciés des familles aux revenus aisés.
Un grand écart social que les "colos" ont du mal à tenir , et une mixité sociale en
passe d'être reléguée au rang de lointain souvenir . Car désormais, à chaque
classe sociale, sa colo d'été. Ce sont les conclusions auxquelles aboutit un
récent rapport parlementaire (http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1236.asp) , corédigé
par Michel Ménard, député socialiste de Loire-Atlantique, qui déplore la
disparition progressive de la mixité sociale dans les colonies de vacances.
Cause de la désaffection massive des classes moyennes pour les colos, l'arrêt
des subventions des caisses d'allocations familiales (CAF). "L'Etat a
progressivement réorienté ses aides au départ en vacances vers les centres de
loisirs , qui sont très utiles, mais qui n'assurent pas la même mixité sociale : les
enfants restent dans leurs quartiers, avec leurs voisins, dans le même
environnement, et sont moins susceptibles de rencontrer d'autres jeunes",
regrette Michel Ménard.
Lire : "Témoignages d'animateurs : 'Vers des colos ghettos ?'" (/vous
/article/2013/07/16/temoignages-d-animateurs-vers-des-colos-ghettos_3447796_3238.html)
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Dans le même temps, les aides sociales au départ en vacances destinées aux
classes moyennes ont fortement diminué. Depuis la fin des années 1990, les
CAF ont réduit leurs enveloppes budgétaires dédiées aux vacances. Même
chose pour les bons vacances, progressivement abandonnés. En 1994, la
Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) avait alloué plus de 75
millions d'euros de subventions aux centres de vacances. Dix ans plus tard, en
2004, ces dépenses tombaient à 40 millions euros. Conséquence directe, le prix
des colos a fortement augmenté pour les classes moyennes, dont les vacances
des enfants ne sont plus subventionnées.
IPAD CONTRE CHÂTEAUX DE SABLE
En moyenne, le prix d'une semaine en colo coûte entre 400 et 600 euros par
enfant. Une somme bien moindre pour les plus défavorisés, grâce aux
subventions. Dans un centre agréé par la CAF, un séjour de douze jours revient
en moyenne à 574 euros, montant que les caisses prennent en charge à 41 %.
En 2011, 8 % des enfants âgés de 5 à 19 ans dont le revenu familial était
inférieur à 1 000 euros par mois partaient en colonie. Pour ces enfants des
classes populaires, qui sont ceux qui partent le moins en vacances, les colonies
restent une solution privilégiée pour ces familles.
A l'autre bout de l'échiquier social, les parents aux revenus confortables
plébiscitent aussi les colonies de vacances. Mais ils rechignent de plus en plus
à envoyer leurs enfants dans les centres traditionnels, et leur préfèrent des
offres de séjours haut de gamme. A l'image de l'organisateur Educational First,
qui propose des voyages linguistiques dont la moyenne de prix varie entre 2
500 et 3 500 euros. "Forcément, le montant de nos séjours opère une sélection
par le prix, explique Damien Lamy-Preto, responsable marketing de l'entreprise.
Toutes les familles ne peuvent bien sûr pas s'offrir nos services . Mais nous
offrons de la qualité : pour que les jeunes assimilent mieux les cours, nous leur
distribuons des iPads." Bien loin des associations traditionnelles, labellisées
"éducation populaire", qui misent plutôt sur des activités classiques, moins
onéreuses.
SÉGRÉGATION DES OFFRES
Une ségrégation des offres qui répond, selon le rapport, à une demande des
familles aisées. "Les organisateurs de séjours ont tout intérêt à séparer
nettement les colonies pour les enfants pauvres issus de banlieue (...) et les
séjours haut de gamme qui sont financés par une clientèle aisée, parce que ces
derniers craindraient d'y envoyer leurs enfants s'ils devaient côtoyer ceux des
quartiers pauvres", affirment crûment les députés.
La crainte des "mauvaises fréquentations" et des "violences entre jeunes"
apparaît parmi les principales explications données à cette recherche de
l'entre-soi. Une violence exacerbée par l'absence des classes moyennes, selon
Agnès Bathiany, directrice générale des PEP (pupilles de l'enseignement
public), réseau associatif estampillé "éducation populaire", label nécessaire pour
être partenaire du ministère de la jeunesse. "Leur défection exacerbe les écarts
culturels, mais aussi les différentes manières d'être entre ces enfants.
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L'équilibre des catégories sociales est important, car les colos sont un lieu
d'apprentissage du civisme, qui ne peut avoir pleinement lieu sans toutes les
parties prenantes", explique la directrice.
Cette année, plus de trois millions d'enfants ne partiront pas en vacances | AFP/FRED
DUFOUR
Salariée dans une association qui organise des colonies, Jocelyne témoigne de
la réticence de certains parents à faire vivre la mixité sociale. "Lors d'une
présentation des colos dans une grande ville des Hauts-de-Seine, j'ai vu des
parents grimacer quand nous avons annoncé que l'autre moitié du groupe venait
d'une ville de l'Essonne. Dans un autre cas, une maman a annulé le séjour de
sa fille, car un petit groupe originaire de Seine-Saint-Denis y était intégré. La
pression existe bel et bien pour que nous évitions la mixité sociale au sein des
séjours", raconte-t-elle.
Un état de fait que déplore le rapport, qui pointe les bénéfices de la mixité
sociale de la colo. Entraide collective, solidarité entre jeunes, tolérance,
responsabilisation ou bien encore émancipation : les bienfaits éducatifs sont
nombreux, et reconnus des parents. Selon un sondage réalisé en 2011, 80 %
d'entre eux pensent que les colonies contribuent à l'épanouissement, à la
sociabilisation et à l'autonomie des enfants. Ce taux de satisfaction monte à
93 % parmi les parents qui envoient leur progéniture en centre de vacances.
3 MILLIONS D'ENFANTS NE PARTIRONT PAS EN VACANCES
Pour faire revivre la mixité sociale au sein des colonies, Michel Ménard esquisse
plusieurs pistes. D'abord, réhabiliter les aides des CAF aux départs en colo afin
de permettre le retour des enfants issus des classes moyennes. Le rapport
propose également d'étendre la distribution des chèques vacances aux petites
et très petites entreprises , qui ne disposent pas de comités d'établissement.
Autre proposition, le rapport préconise d'instaurer un fonds spécialement dédié
aux centres de vacances, financé par une taxe sur l'hôtellerie de luxe . "Prélever
2 % sur une nuitée à 400 euros permettrait de dégager 8 euros", avance Michel
Ménard. Une proposition qui a déjà fait bondir les professionnels du secteur, qui
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s'insurgent déjà contre une fiscalité jugée punitive.
"Les enfants qui partent en vacances sont les touristes de demain", rappelle
Anne Carayon , directrice du collectif Jeunesse en plein air. Cette année, 3
millions de jeunes âgés de 5 à 19 ans ne partiront pas en vacances, soit 25 %
d'une classe d'âge. Parmi eux, 2 millions ne passeront pas plus d'une nuit hors
de leur domicile.
Lire : "Les comités d'entreprise, principaux bailleurs de fonds des
colos" (/vous/article/2013/07/16/les-comites-d-entreprise-principaux-bailleurs-de-fondsdes-colos_3448211_3238.html)
Claire Rainfroy
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