Gestion de l`immigration clandestine : la puissance normative de l

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Gestion de l`immigration clandestine : la puissance normative de l
Gestion de l’immigration clandestine : la puissance normative de
l’Union européenne à la dérive ?
ALBESSARD Guillaume
Université de Liège
Résumé
L’immigration clandestine ne cesse d’alimenter les débats nationaux et européens. A travers
cet article, la gestion européenne des phénomènes migratoires est mise en relation avec
l’attachement historique à la norme et au soft power émanant de l’Union européenne.
L’hypothèse principale consiste à affirmer que cette gestion représente une rupture avec le
pouvoir
normatif
européen.
Le
poids
des
intérêts
nationaux
et
l’approche
intergouvernementale permettent d’abord de mettre au jour une vision « insécurisante » de
l’immigration. Par ailleurs, le processus d’externalisation des frontières remet en cause
l’attachement manifeste à la liberté et la sécurité. Quant à Frontex, son rôle semble paradoxal
au regard des principes de bonne gouvernance et de rejet de la « norme », au profit de la force.
Enfin, l’idée d’ « Europe forteresse » désignerait moins les effets de la politique migratoire
européenne que ses intentions.
1
1. Introduction
La migration est au cœur des débats tant nationaux qu’européens, et ce depuis de nombreuses
années. En 2000, année de signature de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne1, une dépêche de l’agence Belga titre « Vienne critique l'UE sur l'immigration ». 2
En 2015, année clef dans les flux migratoires, le journal Le Soir titre « Explosion des entrées
en Europe ».3 Plus récemment, l’accord entre la Turquie et l’Union européenne marque pour
certains un virage dans la politique européenne migratoire. Au sein de la recherche
universitaire, les approches multidisciplinaires fleurissent : économie4, anthropologie5,
sociologie6, droit7, science politique8 sont autant d’angles permettant d’aborder les
phénomènes migratoires.
L’Union européenne au fil des traités s’est vu joué un rôle croissant dans la gestion des flux
migratoires irréguliers. Ce processus s’est accompagné de plusieurs controverses tant sur la
nature de ce rôle jouée par l’Union que sur son fonctionnement interne.
Ces controverses s’enracinent souvent dans l’image singulière qu’a développé cette entité
supranationale qui préférerait la norme à la force et miserait sur la séduction pour influencer
son environnement. Ces deux éléments font écho aux concepts repris par Zaki Laïdi9 :
puissance normative10 et soft power11.
1
UNION EUROPÉENNE, Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne, Journal officiel, 2000/C 364/01, 18 décembre
2000
2
BELGA, « Vienne critique l'UE sur l'immigration et la taille de la Commission », 1er décembre 2000
3
BERSIPONT Ann-Charlotte, "Explosion des entrées en Europe", Le Soir, Jeudi 5 mars 2015, p. 3
4
CASTLES, S. et VEZZOLI S., “The Global economic crisis and migration: temporary interruption or structural change?”,
Paradigmes, 2, Juin 2009, pp. 68-75. Les auteurs montrent les limites des effets des crises économiques sur les flux
migratoires, en distinguant court et long terme, réfugiés et migrants, rationalité économique et liens affectifs ainsi que les
périodes avant et après la fin de la Guerre froide.
5
ANDERSSON, R., “Hunter and Prey: Patrolling Clandestine Migration in the Euro-African Borderlands”, Anthropological
Quarterly, 87(1), 2014, pp. 118-149. Cet article se focalise sur la lutte contre l’immigration clandestine dans les pays
d’origine ou de transit et explique ce que la qualification “illégal” produit à la fois sur les migrants, les gardes-frontières,
leurs perceptions respectives mais également sur la façon de détecter cette illégalité, dans les comportements ou les
intentions. La qualification d’illégal produit à elle seul de sens qui mène à créer ce que les gardes tentent de chasser.
6
MARTINIELLO M., “Towards a Post-ethnic Europe”, Patterns of Prejudice, 35(1), 2001, pp. 59-69. L’article se nourrit de
l’expérience ethnique américaine pour proposer une identité européenne post-ethnique, ouverte, flexible et inclusive. Il
mobilise les concepts de citoyenneté, de multi-culturalité, de cosmopolitisme de nationalisme et d’ethnicité.
7
CARLIER, J-Y., « Droits de l’homme et nationalité ». Annales de droit de Louvain, 63(3), 2003, pp. 243-257. L’auteur pose
les limites du droit à la nationalité, au regard des droits de l’Homme, de différents arrêts et du principe de non-discrimination.
8
KAUNERT C. et LÉONARD S., “The Development of the EU asylum policy: venue-shopping in perspective”, Journal of
European Public Policy, 19(9), 2012, pp. 1396-1413. Les deux auteurs questionnent le rôle et les intérêts des Etats dans la
construction de la politique européenne d’asile et de migration.
9
LAÏDI Zaki, La norme sans la force, Paris, Presses SciencePo, 2013
10
MANNERS Ian, “Normative power Europe: A contradiction in terms?”, Journal of Common Market studies, Volume 40,
Issue 2, 16 décembre 2002, pp. 235-258
11
NYE Joseph, Soft Power. The means to success in World Politics, New York, Public Affairs, 2004, 191 p.
2
Tout d’abord, le pouvoir normatif ou la puissance normative12 se rattachent à l’idée d’une
puissance civile où le droit primerait sur la souveraineté. La « norme » serait centrale dans la
puissance européenne. Passant par la règle de droit, elle sous-entend un consentement, une
adhésion. Par conséquent, elle permet la discipline et la prévisibilité ainsi qu’une
intériorisation des risques et une anticipation des problèmes. La puissance devient normative,
et non pas empirique, car celle-ci ne passe pas par des démonstrations physiques de force, des
conquêtes ou une domination territoriale. Cette primauté de la norme renvoie finalement à une
entité post-westphalienne et la fin d’une vision réaliste des relations internationales où
existeraient une anarchie et un égoïsme entre Etats13. Ce dernier traduit l’impossibilité de
comprendre le rôle de l’Union au moyen d’une grille de lecture classique associant puissance,
force et Etat-nation. Bien que la norme et la force ont en commun la volonté de contraindre,
les moyens ne sont pas les mêmes.
Ensuite, le soft power14 fait le lien entre la puissance d’une entité et sa capacité de séduction
et d’attractivité. L’Union européenne serait cette puissance qui arrive à convaincre d’accepter
ses préférences, sans utiliser la force. En d’autres mots, l’Union séduit sans effrayer. Ceci
s’opposerait donc au hard power, c’est-à-dire une coercition par la force et une volonté d’être
craint15. Par ailleurs, Zaki Laïdi inclut également la prise au sérieux des droits individuels et la
volonté de les élargir ainsi que la compassion politique face aux déséquilibres sociaux
mondiaux comme caractéristiques de la puissance européenne.16
La question posée par cet article est celle-ci : « Dans quelle mesure la gestion de
l’immigration irrégulière par l’Union européenne est-t-elle en contradiction avec son image de
puissance normative ? ». L’hypothèse est celle-ci : Cette gestion européenne traduirait une
coercition par la force et une volonté d’être craint. Elle se retrouverait ainsi en rupture avec
son attachement historique à la norme et au soft power.
Afin de répondre à cette question, l’article se divise en cinq parties. La première s’attache à
mettre en évidence le poids des intérêts nationaux dans le rôle croissant de l’Union
européenne. La deuxième montre montrer la vision dominante de l’immigration tout au long
de l’histoire de cette gestion européenne. La troisième étudie l’externalisation des frontières,
une des composantes majeures de la politique européenne. La quatrième analyse l’agence
12
MANNERS Ian, “Normative power Europe: A contradiction in terms?”, Journal of Common Market studies, Volume 40,
Issue 2, 16 décembre 2002, pp. 235-258
13
Ibidem, p. 239
14
NYE Joseph, Soft Power. The means to success in World Politics, New York, Public Affairs, 2004, 191 p.
15
LAÏDI Zaki, La norme sans la force, Chapitre 1, Paris, Presses SciencePo, 2013, 17-53 p
16
Ibidem
3
Frontex et son fonctionnement. La cinquième et dernière distingue les intentions des effets
liés à l’expression d’« Europe forteresse ».
Les sources se limitent aux articles de revue scientifique, aux ouvrages, à la législation, aux
documents officiels et à certains articles de presse. Afin de garder un recul suffisant, les
éléments très récents sont soit écartés soit utilisés avec précaution. Le choix a également été
de laisser une place mineure aux enjeux purement nationaux, pour mieux se concentrer sur
l’arène politique européenne.
Au travers des différents écrits, l’immigration est qualifiée d’irrégulière, d’illégale ou de
clandestine. En apparence, ceux-ci constituent des synonymes. Cependant, l’adjectif
« illégale » laisse penser, à tort, que le migrant est « hors du droit »17. « Clandestine » laisse
une image spécifique, souvent mobilisée pour justifier des politiques répressives. Immigration
irrégulière semble être le plus adéquat et renvoie à une idée plus neutre du phénomène.18 Pour
plus de lisibilité, les trois termes seront utilisés indifféremment.
2. L’Union européenne au service des intérêts nationaux
Les politiques migratoires au sein de l’Union sont partagées entre les Etats-membres et les
institutions européennes. Néanmoins, ces politiques ont fait l’objet d’une européanisation et
se retrouvent dans le champ des compétences partagées, de « l’espace de liberté, de sécurité et
de justice ».19
Cette partie s’attache à mettre en évidence le rôle des intérêts nationaux dans l’intégration
européenne. Deux réflexions théoriques sont abordées. La première associe cette
européanisation à un effet d’engrenage et un Etat passif et contraint, dans une mondialisation
croissante, d’abandonner ses prérogatives devenues caduques.20 Cela caractérise une approche
fonctionnaliste de l’intégration. La deuxième y voit un Etat rationnel, maximisant ses intérêts
au niveau supranational. C’est l’approche intergouvernementale libérale.21
17
DUEZ Denis, L'Union européenne et l'immigration clandestine : de la sécurité intérieure à la construction de la
communauté politique, Bruxelles, Presses des Editions Université de Bruxelles, coll. Etudes européennes 2008, p.23
18
Ibidem, p.20
19
Article 4 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). UNION EUROPÉENNE, Traité sur le fonctionnement de l’UE
(TFUE), Journal officiel, n° C 326, 26 octobre 2012
20
GEDDES Andrew, “Still Beyond Fortress Europe? Patterns and Pathways in EU Migration Policy”, Europe in the World
Centre/School of Politics and Communication Studies, University of Liverpool, Queen’s Papers on Europeanisation, No
4/2003, avril 2003, http://goo.gl/sdsF8t (consulté le 15 janvier 2015), p.3 ou FAVELL, Adrian, « L’européanisation ou
l’émergence d’un nouveau « champ politique » : le cas de la politique d’immigration », Cultures & Conflits [En ligne], 38-39
| 2000, mis en ligne le 20 mars 2006, URL : http://conflits.revues.org/274 (consulté le 21 septembre 2014), p. 2
21
MORAVCSIK A., "Preferences and power in the European Community : a liberal intergovernmentalist approach", Journal of
Common Market Studies, 31/4, Décembre 1993, pp. 473-524
4
Cette deuxième approche permet réellement de comprendre le rôle croissant de l’Union dans
les politiques migratoires. Les Etats-membres, proactifs, agiraient uniquement dans la
perspective de réaliser leurs propres politiques au sein des institutions européennes. À cet
égard, Andrew Geddes affirme que l’Europe serait une réponse pour contrer la globalisation,
un pansement, une externalisation.22 La preuve de cette rationalité étatique serait la présence
forte des Ministres de l’Intérieur dans l’élaboration des politiques migratoires, via le Conseil,
au détriment des institutions européennes communautaires (Commission, Parlement et Cour).
Les développements des compétences « immigration » ne sont pas le fruit de changement de
préférences et d’identité au sein des Etats, comme pourrait le sous-entendre une approche
fonctionnaliste23, mais plutôt d’une démarche rationnelle pour atteindre leurs objectifs et
augmenter leur souveraineté, plus que de l’affaiblir. Le choix de l’Europe est en fait la preuve
d’une faible régulation internationale.
Virginie Guiraudon parle de « venue shopping » ou « recherche de nouvelles arènes
institutionnelles ». Ce concept développé par Baumgartner et Jones24 se caractérise par le
comportement d’un acteur consistant à défendre ses intérêts en s’adressant aux instituions les
plus à même de l’écouter et de le soutenir.25 Ils identifieraient donc une arène favorable à leurs
intérêts et chercheraient à faire avancer leur agenda. Les Etats membres s’échapperaient au
niveau européen, pour éviter les controverses nationales. Derrière ce concept, il se dégage une
vision rationnelle et opportuniste des acteurs.
Au regard de différentes harmonisations choisies par les Etats membres, Givens Terri et
Adam Luedtke26 démontrent que c’est l’environnement domestique qui conditionne
l’harmonisation des politiques migratoires. La présence d’institutions étatiques à même de
défendre le droit des migrants serait un facteur. En l’occurrence, l’Allemagne possède une Loi
fondamentale et un pouvoir judiciaire très « enclins à défendre le droit des migrants ». Par
conséquent, nous constatons une volonté d’harmonisation européenne – restrictive – pour
contourner ses règles internes. A l’inverse, le Royaume-Uni, possédant un pouvoir judicaire
22
GEDDES Andrew, “Still Beyond Fortress Europe? Patterns and Pathways in EU Migration Policy”, Europe in the World
Centre/School of Politics and Communication Studies, University of Liverpool, Queen’s Papers on Europeanisation, No
4/2003, avril 2003, http://goo.gl/sdsF8t (consulté le 15 janvier 2015), p.10
23
FAVELL Adrian, « L’européanisation ou l’émergence d’un nouveau « champ politique » : le cas de la politique
d’immigration », Cultures & Conflits [En ligne], 38-39 | 2000, mis en ligne le 20 mars 2006 (consulté le 21 septembre 2014),
URL : http://conflits.revues.org/274, p. 2
24
BAUMGARTNER F et JONES B, Agendas and instability in American Politics, Chicago University Press, 1993
25
KÜBLER, D. & DE MAILLARD, J., Analyser les politiques publiques, Éd. PUG, 2009, p. 221.
26
GIVENS Terri et LUEDTKE, Adam « The Politics of European Union Immigration Policy: Institutions, Salience, and
Harmonization » The Policy Studies Journal, Vol. 32, No. 1, 2004, p. 151
5
faible du côté de la défense du droit des migrants, n’est généralement pas partisan d’une
harmonisation européenne.27
Le quasi-monopole de la mise en œuvre des décisions européennes constitue également un
argument en faveur d’une approche intergouvernementale. Quand Jeffrey Pressman et Aaron
Wildavsky écrivaient « Mise en œuvre : Comment les espérances fortes de Washington se
brisent en Oakland »28, d’autres écrivent « De grandes espérances à Bruxelles peuvent être
démenties à Brindisi »29. Ce parallèle repose sur l’idée que les grandes décisions prises par le
niveau « au sommet » ont souvent du mal à se réaliser concrètement sur le « terrain ». Les
textes votés à Bruxelles, par l’Union européenne au sens large, dépendent fortement de la
bonne volonté et des compétences des exécutants, les Etats membres. En d’autres mots, quand
la Commission européenne décide, les Etats n’appliquent pas toujours.
Récemment, les mécanismes de relocalisation et de réinstallation des demandeurs d’asile30,
engagés en 2015, prouveraient cette primauté des intérêts nationaux et donc de la pertinence
d’une perspective intergouvernementale. Le mécanisme de réinstallation visant à répartir les
migrants arrivés dans les pays limitrophes – Italie et Grèce – repose au final sur la seule
volonté des Etats membres. En mai 2016, seuls 1500 demandeurs sur les 160 000 prévus ont
été « relocalisés » dans différents Etats membres, à l’exception de l’Autriche, la Croatie, la
République tchèque, le Danemark, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie qui n’ont opéré
aucune relocalisation.31
En résumé, l’approche intergouvernementale permet de mettre en évidence le poids des Etats
dans la construction de la politique migratoire.
3. L’argument de la sécurité comme moteur d’européanisation
Au fil du temps, le besoin de sécurité apparait comme un élément majeur pour justifier la
nécessité d’une politique migratoire européenne. Cette partie s’attache à montrer la
construction du lien entre migration et insécurité et l’origine de celui-ci. Ce développement
laisse entrevoir la réponse « logique » à ce lien.
27
Ibidem, p. 155-160
PRESSMAN Jeffrey et WILDAVSKY Aaron, Implementation: How Great Expectations in Washington are Dashed in Oakland,
Berkeley CA: University of California Press, 1973
29
GEDDES Andrew, “Still Beyond Fortress Europe? Patterns and Pathways in EU Migration Policy”, Europe in the World
Centre/School of Politics and Communication Studies, University of Liverpool, Queen’s Papers on Europeanisation, No
4/2003, avril 2003, http://goo.gl/sdsF8t, consulté le 15 janvier 2015, p.13 “Great expectations in Brussels can be confounded
in Brindisi”
30
COMMISSION EUROPÉENNE, « Un Agenda européen En Matière De Migration », COM(2015) 240 final, Bruxelles, 13 mai
2015
31
COMMISSION EUROPÉENNE, « Relocation et réinstallation – état des lieux », Bruxelles, 13 mai 2016
28
6
Dans le Traité de Rome en 1957, la lutte contre l’immigration irrégulière n’apparait nulle part.
Ce n’est qu’au début des années 70 qu’un processus de coopération est lancé. Différents
groupes et clubs d’Etats européens informels se constituent dans la perspective de la liberté de
circulation et de ses conséquences32. Il faut donc comprendre que la coopération est lancée sur
base d’une approche « pragmatique »33, mais surtout s’établit entre les différents corps de
police.
Parmi ces groupes, le « Groupe de Trevi » sera le plus abouti. En effet, ce Groupe – informel
et donc assez discret – se réunit pour la première fois en 197634. Il se réunit jusque début des
années 90 et est considéré comme celui qui « a contribué de manière sensible au processus
d’intégration européenne dans le domaine de la sécurité intérieure »35. Il apparait aussi que le
Groupe de Trevi va contribuer à lier « immigration et asile » aux questions sécuritaires et
policières. En effet, la perspective de libre circulation en Europe amène à penser qu’il faut
renforcer les frontières extérieures. Dans les documents produits par le Groupe, nous
retrouvons l’immigration clandestine liée au trafic de stupéfiant, au terrorisme et au crime
transnational36.
Le raisonnement permettant de lier ces problématiques sont ceux-ci : les actes de terrorisme
seraient le fait d’étrangers – étant supposés majoritairement clandestins ou entrés sous couvert
d’asile. Pour traiter du terrorisme, il faut donc s’attaquer aux procédures d’asile et à la
clandestinité. Flux migratoires et criminalité seraient ainsi liés. Le traitement de ces questions
par les corps de police et les délégués des ministères de l’Intérieur amène à voir l’immigration
irrégulière sous le prisme de la (in)sécurité intérieure.37
« Schengen », initié hors cadre communautaire en 1985, va constituer un laboratoire
européen. Le processus de Schengen va faciliter le franchissement des frontières entre les
pays signataires38, en supprimant par exemple les contrôlés d’identité aux frontières. Le traité,
signé en 1985, permet de répondre à la demande de liberté de circulation, notamment des
transporteurs routiers, mais également de renforcer la collaboration en matière de contrôle des
32
Entre autres, Club de Berne (1971), Club de Vienne (1979), Groupe drogue (1989).
BARBE Emmanuel, « Justice et affaires intérieures dans l'Union européenne. Un espace de liberté, de sécurité et de
justice », Paris, La documentation française, 2002, p.17
34
DUEZ Denis, L'Union européenne et l'immigration clandestine : de la sécurité intérieure à la construction de la
communauté politique, Bruxelles, Presses des Editions Université de Bruxelles, coll. Etudes européennes 2008, p.78.
35
Ibidem, p.80.
36
Groupe de Trevi, Programme d’action relatif au renforcement de la coopération en matière de et de lutte contre le
terrorisme et autres formes de criminalité organisée, juin 1990.
37
JULIEN-FERRIÈRE François, « Les structures et les conventions européennes concernant la libre circulation des personnes en
Europe », in ID (éd), Europe : Montrez patte blanche. Les nouvelles frontières du « laboratoire Schengen », Genève, Centre
Europe-Tiers Monde, 1993, p. 36
38
France, Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas comme fondateurs
33
7
frontières « extérieures » entre les différents corps de police. La crainte d’une augmentation
de la criminalité et la fraude anime les Etats. Le Système d’Information Schengen (SIS)
constitue dès lors une « mesure compensatoire » (à l’ouverture des frontières) et rassemble
dans un même fichier des armes volées et des étrangers faisant l’objet de mesure d’expulsion.
Ce système est décrit comme « solution technique où les policiers pouvaient revendiquer une
expertise plus légitimement que les fonctionnaires des Affaires étrangères ».39 Une certaine
confusion est présente. Liberté de circulation et insécurité se retrouvent liées.
Le traité de Maastricht institue le troisième pilier « Justice et Affaires Intérieures » dans
lequel les questions liées à l’immigration irrégulière seront traitées, à côté des matières
comme la « lutte contre le terrorisme » ou la « criminalité liée à la drogue ». Ensuite, la
parenthèse du Traité d’Amsterdam, consistant à découpler la migration de sécurité, se fermera
avec le onze septembre, la fin d’une conjoncture économique positive et le succès des
discours populistes. Selon les déclarations de l’époque, la politique d’immigration40 devait se
cantonner à la lutte contre les clandestins. Nous pourrions cependant y pointer une
contradiction. Alors que les Etats membres s’évertuent à contrer l’extrême droite, la politique
migratoire semble alimenter l’idée selon laquelle la migration est un danger.
A travers ces développements, la vision européenne semble ne pas pouvoir se défaire d’une
conception où l’immigration et insécurité sont liés. L’argument de la sécurité reste l’élément
essentiel qui a contribué à développer une politique migratoire européenne. En établissant ce
lien, le pouvoir politique appelle à voir l’immigration comme une menace et à y réagir en
conséquence. Ce dernier élément sera développé plus bas.
4. Des frontières repoussées
Depuis plus de vingt ans, l’Union européenne agit donc dans les politiques migratoires, avec
la plupart du temps, un objectif de sécurité et de réponse à une menace. L’option choisie par
l’Union pour gérer les phénomènes migratoires est celle de l’externalisation des frontières.
L’externalisation a pour objectif de déplacer la responsabilité de la surveillance des frontières
sur les Etats-tiers, la plupart étant les pays d’origine des migrants, ou sur certains acteurs nonétatiques41. Le but serait en quelque sort de contrôler les frontières à distance et de déléguer la
39
GUIRAUDON Virginie, « Les effets de l'européanisation des politiques d'immigration et d'asile », Politique européenne,
2010/2 n° 31, p. 13
40
Conseil européen de Séville (juillet 2002) et de Thessalonique (juin 2003)
41
VALLUY Jérôme, « Contribution à une sociologie politique du HCR : le cas des politiques européennes et du HCR au
Maroc », Recueil Alexandries, Collections Etudes, mai 2007, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article571.html
(consulté le 30 mai 2016)
8
responsabilité à des tiers. Il faut cependant distinguer deux faces d’une même pièce : La
délocalisation des contrôles des frontières, d’un côté, et la tentative de burden shifting
ou charge renvoyée, de l’autre.42
D’une part, la délocalisation des contrôles des frontières inclut un certain nombre de mesures
différentes. Cela passe par la présence d’agent de liaison « immigration »43. Ces agents,
détachés par les Etats membres dans un pays tiers, sont chargés d’identifier les routes
migratoires et d’échanger les informations concernant ces flux.44 D’autres mesures ont
également été proposées: mise en place d’infrastructure d’accueil des demandes d’asiles –
« hotspot » - , développement de structure d’enregistrement publique ou campagnes de
sensibilisation.45 Le programme AENAS, mis en place 2004, établit d’ailleurs « une
assistance technique et financière en faveur des pays tiers dans le domaine des migrations ».46
Denis Duez analyse cette politique de visa Schengen, impulsé au Traité de Maastricht, comme
un moyen de repousser la frontière européenne ou, du moins, de créer une frontière
« administrative »47. Avec ce visa, les acteurs de contrôles incluraient donc en plus des
douaniers, les agents consulaires ou des acteurs privés48. Concernant ces acteurs privés,
l’externalisation s’exprime par les sanctions à l’égard des transporteurs – aériens et terrestres
– qui n’auraient pas préalablement vérifié la possession ou validité des documents détenus par
les étrangers utilisant leurs services. Ils ont également l’obligation de les ramener à la
frontière.49 La responsabilité est à nouveau portée par « l’extérieur ». Dans ce cas-ci, ce sont
les transporteurs.
D’autre part, le burden shifting est une notion qui mélange deux éléments. D’un côté, l’Union
européenne se doit de respecter les accords internationaux, notamment sur l’asile et les droits
fondamentaux. D’un autre côté, l’UE veut pouvoir réduire le flux migratoire irrégulier. Le
moyen d’atteindre cet objectif consiste donc à transférer la maitrise des flux (contrôle des
42
WA KABWE-SEGATTI Aurelia, « Dimension extérieure de la politique d’immigration de l’Union européenne », Hommes et
migrations, 1279 | 2009, p. 144
43
UNION EUROPÉENNE, « Réseau d'officiers de liaison «Immigration» », Synthèses de la législation de l'UE,
http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/free_movement_of_persons_asylum_immigration/l14511_f
r.htm (consulté le 11 mars 2015)
44
Décision 2005/267/CE du Conseil, du 16 mars 2005, établissant un réseau d'information sécurisé connecté à l'internet pour
les services des États membres chargés de la gestion des flux migratoires, Journal officiel L 83 du 1.4.2005.
45
Proposition de plan global de lutte contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains dans l’Union européenne,
Journal officiel C 142 du 14.06.2002
46
DUEZ Denis, L'Union européenne et l'immigration clandestine : de la sécurité intérieure à la construction de la
communauté politique, Bruxelles, Presses des Editions Université de Bruxelles, coll. Etudes européennes 2008, p.167
47
Ibidem, p.123
48
BIGO Didier et GUILD E, La mise à l'écart des étrangers: La logique du Visa Schengen", Cultures et Conflits, No. 49, 2003,
Article Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23699496, p. 7 et 28
49
UNION EUROPENNE, directive 2001/51/CE du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la
convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985
9
frontières) à ses pays voisins. De la sorte, l’Union européenne se déchargerait de ses
responsabilités. Cette notion de charge renvoyée se réalise notamment par les clauses de
réadmissions.50 En effet, la logique de coopération avec les pays d’origine constitue un
exemple. Celle-ci repose sur leur rôle potentiel dans la réduction des flux de migration, mais
également sur leur nécessaire accord pour les renvois forcés.
Cependant, les effets de cette politique d’externalisation ne révèlent pas toujours être un
avantage pour l’Union européenne. En effet, il en résulte une instrumentalisation par certains
pays-tiers. Après la Conférence euro-africaine de 2006, la Lybie (non signataire de la
convention de Genève), partenaire officiel du dialogue sur la politique d’immigration, a
menacé de libérer deux millions de sans-papiers. La politique d’externalisation a donné
finalement une crédibilité et une visibilité à la Lybie, toujours sous le pouvoir du Général
Kadhafi. Le Maroc posséderait lui aussi une forme de rentre géographique51. En effet,
l’externalisation52 des frontières et de sa surveillance via le Maroc a permis à celui-ci de se
faire une place privilégiée dans les discussions et d’en profiter pour lier son aide à l’argent
européen. El Qadim Nora parle d’« emboîtement (issue-linkage) entre enjeux migratoires et
enjeux économiques »53, comme un moyen pour le « gouvernement marocain de négocier des
aides au développement ou un accès au marché européen [dans le cadre de la Politique
Européenne de Voisinage] qu’il n’aurait sans doute pas obtenu [sans cette responsabilité] »54.
En d’autres mots, le Maroc accepte de sous-traiter la surveillance des frontières de l’Union à
condition d’obtenir les fonds européens d’aide au développement.
5. Frontex, l’agence tout risque55
L’Agence européenne pour la gestion des frontières extérieures constitue un des instruments
importants de la gestion européenne des flux migratoires irréguliers. Créée en 2004, sur les
bases du groupe de travail du Conseil nommé CSIFA, le Comité stratégique sur l'immigration,
les frontières et l'asile, elle est le fruit d’un compromis entre le Conseil, la Commission et les
Etats membres. Sa vocation se trouve tant à l’intérieur de l’Union qu’à l’extérieur. En effet,
50
WA KABWE-SEGATTI Aurelia, « Dimension extérieure de la politique d’immigration de l’Union européenne », Hommes et
migrations, 1279 | 2009, p.145
51
Ibidem, p. 146
52
Notamment via la signature d’accord de réadmission
53
EL QADIM Nora, « La politique migratoire européenne vue du Maroc : contraintes et opportunités », Politique européenne,
2010/2 n° 31, p. 109
54
Ibidem
55
Expression empruntée à Claire Rodier
10
elle doit, d’une part, amener les Etats-membres à coopérer, et d’autre part, surveiller les
frontières et sauver les candidats à la migration en danger.56
Cette partie analyse la place de l’agence Frontex dans la politique migratoire telle que décrite
plus haut. L’action de Frontex laisserait place à une image qui lie immigration et sécurité et
délasserait la norme au profit de la force dans sa gestion des flux migratoires.
Luisa Marin pointe une militarisation technique du contrôle des frontières, derrière un
discours technocratique et lisse de l’Agence57. Frontex fonctionnerait avec des équipements
militaires58 allant de l’équipement classique aux méthodes de surveillance sophistiquée
(« intelligence ») ainsi que l’usage de drone. Ceux-ci posent à la fois le problème de la
relation entre surveillance et démocratie ainsi que la proportionnalité des moyens face à la
nature de la menace59. La communication de l’Agence, via son site internet et ses vidéos,
laissent justement entrevoir une image assez militarisée de son action60. Une controverse
existe également sur le cadre légal dans lequel s’exercent les opérations en mer61 et la
responsabilité finale de l’Agence. D’un côté, ce serait les Etats membres qui resteraient
responsables des opérations car Frontex ne ferait qu’encourager la coopération. De l’autre,
l’autonomie laissée à l’Agence – notamment dans le déclenchement des missions – amènerait
à la rendre responsable de ses missions62.
Pour formaliser ses relations avec l’extérieur, l’Agence peut prendre des initiatives avec les
pays-tiers à l’aide de « working arrangements ».63 Outre l’expulsion par « vols groupés »64 ou
la « détection et investigation de la criminalité aux frontières »65, Frontex établit des accords
bilatéraux avec les gardes-frontières ou la police des pays-tiers, et non les gouvernements66.
Le but serait au final d’avoir l’accord des autorités pour naviguer dans leur territoire maritime
56
MARIN Luisa, “Policing the EU' s External Borders: A Challenge for the Rule of Law and Fundamental Rights in the Area
of Freedom, Security and Justice? An Analysis of Frontex Joint Operations at the Southern Maritime Border”, Journal of
Contemporary European Research, Volume 7, lssue 4, 2011, p. 471
57
Ibidem, pp. 138-139
58
Moyens mis à disposition pour l’opération Triton : 3 navires patrouilleurs de haute mer, 2 navires de patrouille côtière, 2
vedettes côtières, 2 avions et 1 hélicoptère.
59
MARIN Luisa, “Is Europe Turning into a ‘Technological Fortress’? Innovation and Technology for the Management of Eu's
External Borders. Reflections on Frontex and Eurosur”, September 5, 2011, Criminal Justice, Borders and Citizenship
Research Paper No. 2492058. Available at SSRN: http://ssrn.com/abstract=2492058 (consulté le 11 mars 2015), p. 145
60
FRONTEX, site internet de l’Agence, http://frontex.europa.eu/ (consulté le 11 mars 2015), on peut y voir des tenues
bariolées, des avions de combats, des vues en infrarouges ainsi que des hélicoptères militaires.
61
MARIN Luisa, « Policing the EU's External Borders: A Challenge for the Rule of Law and Fundamental Rights in the Area
of Freedom, Security and Justice? An Analysis of Frontex Joint Operations at the Southern Maritime Border », Journal of
Contemporary European Research, Volume 7, lssue 4, p. 482
62
Ibidem, p. 474
63
FINK Melanie: "Frontex Working Arrangements: Legitimacy and Human Rights Concerns Regarding ‘Technical
Relationships’", Merkourios 2012 – Volume 28/Issue 75
64
RODIER Claire, « Frontex, l'agence tout risque », Plein droit, 2010/4 n° 87, p. 9.
65
CONSEIL EUROPÉEN, « Council Conclusions on Justice and Home Affairs Council », Bruxelles, 4-5 décembre 2006
66
RODIER Claire, « Frontex, l'agence tout risque », Plein droit, 2010/4 n° 87, p. 8.
11
et également d’impliquer directement l’Etat-tiers dans la lutte contre l’émigration67,
s’inscrivant dans une externalisation des frontières.
Néanmoins, cet instrument soulève des questions au regard des principes de transparence et
de sécurité. La nature politique ou technique des « working agreements » n’est pas clairement
distinguée. Frontex assure que ces accords sont purement techniques, non politiques, et
excluent donc de facto tout contrôle juridictionnel ou débat au Parlement européen.
L’argument repose sur leurs effets : ils n’auraient aucun effet sur les individus, et donc ne
nécessiteraient pas de contrôle démocratique. Les différentes opérations laissent pourtant
penser que l’Agence aurait bel et bien un effet « sur les individus ». La nature confidentielle
de ces accords ainsi que l’absence de contrôle de la Commission européenne sur ceux-ci
(jusque 2010) ont également créé la controverse.68
Dans son rôle de coordination interne, différentes missions sont organisées. Citons notamment
« Hera », entre les côtes ouest-africaines et les îles Canaries, « Nautilus », en Méditerranée
centrale, ou encore « Hermès » en février 2011 pendant le Printemps arabe. Toutes ces
missions ont fait l’objet de critiques, notamment du côté de l’ONG Human Right Watch. Elle
soupçonne l’Agence de pratiquer le « push back », consistant à repousser, illégalement, les
migrants et les empêcher la poursuite de leur chemin.
L’opération « Triton », une joint operation, a été lancée le 1er novembre 2014, pour prendre le
relai de « Mare Nostrum »69 dont l’Italie ne pouvait plus assumer seule la gestion. « Triton » a
elle aussi été pointée du doigt. Alors que l’Italie avait mis en place une mission de sauvetage,
coutant jusqu’à 9 millions d’euros par mois et couvrant les eaux internationales70, le mandat
de Frontex71 n’inclut au départ que 2,9 millions d’euros mensuels et vise à contrôler les
frontières, ne dépassant pas les eaux territoriales européennes.72 Le Haut-Commissariat aux
Réfugiés de l’ONU s’était lui-même inquiété de cette décision.73 Son budget s’est finalement
67
FINK Melanie: "Frontex Working Arrangements: Legitimacy and Human Rights Concerns Regarding ‘Technical
Relationships’", Merkourios 2012 – Volume 28/Issue 75, p. 28
68
Ibidem, p. 31
69
Etablie le 18 octobre 2013 par l’Italie, Mare Nostrum se concentrait sur la région de la Sicile, après le drame de
Lampedusa.
70
MINISTERO
DELLA
DIFENSA
(Italie),
« Mare
Nostrum
Operation »,
http://www.marina.difesa.it/EN/operations/Pagine/MareNostrum.aspx (consulté le 28 mai 2016)
71
COMMISSION EUROPÉENNE, « Échange de vues avec Cecilia Malmström, membre de la Commission en charge des affaires
intérieures », LIBE/8/00913, 3 septembre 2014
72
FRONTEX, « Activités de Frontex en Méditerranée : Exposé de Gil Arias Fernández, directeur exécutif adjoint de Frontex »,
LIBE/8/01027, 4 septembre 2014
73
SPINDLER William, « Le HCR est préoccupé par la cessation de l'opération de recherche et sauvetage Mare Nostrum en
Méditerranée », 17 octobre 2014, http://www.unhcr.org/fr/54415437c.html (consulté le 28 mai 2016)
12
vu augmenté, atteignant 38 millions d’euros pour l’année 201574 et 45 millions75 d’euros en
2016.
L’opération « Sophia », décidée par le Conseil le 18 mai 2015, s’inscrit, pour la première fois,
dans la Politique de Sécurité et de Défense Commune. Cette opération peut être vu comme
une réponse à l’émotion suscitée par le naufrage du 29 avril 2015, entrainant la mort de 800
migrants76, mais aussi à la proposition de l’Italie de « détruire, à l’aide de drones armés, les
bateaux des passeurs sur les côtes libyennes ».77 Au-delà de la potentielle dangerosité accrue
des routes migratoires, cette proposition confirmerait une volonté de militariser la perception
des flux migratoires. L’opération « Sophia » ou « Navfor Med » a, selon Federica Mogherini,
pour l’objectif de « rendre impossible, pour les organisations criminelles, de réemployer les
instruments qu’elles utilisent pour faire mourir des personnes en mer »78, autrement dit arrêter
le « business model » des passeurs et trafiquants, mais aussi de « contribuer à réduire le
nombre de mort en mer ».79 Cette opération se singulariserait dans la dernière de ses trois
étapes, « l’élimination des navires, de préférence avant utilisation, et appréhender les
trafiquants et les passeurs ». Ce serait la première mission « avec un mandat potentiellement
et ouvertement coercitif ».80 Un mandat de l’ONU est cependant toujours nécessaire.
A cet égard, des décisions ont été prises le 2081, 2282 et 2883 juin 2016 et la lecture croisée de
celles-ci permet de mettre en évidence trois principaux éléments. Premièrement, l’opération
Sophia se voit prolongée d’un an et complétée d’un mandat obtenu auprès de l’ONU84 qui a
pour unique but de mettre en œuvre « l'embargo des Nations unies sur les armes, en haute
74
FRONTEX, “Frontex Expands Its Joint Operation Triton”, 26 mai 2015, http://frontex.europa.eu/news/frontex-expands-itsjoint-operation-triton-udpbHP (consulté le 28 mai 2016)
75
En incluant l’opération « Poséidon »
76
AFP et HuffPost, « Le naufrage de migrants en Méditerranée dimanche 19 avril a fait 800 morts », 21 avril 2014,
http://www.huffingtonpost.fr/2015/04/21/naufrage-migrants-mediterranee-bilan-800-morts_n_7105518.html (consulté le 29
mai 2016)
77
HASKI Pierre, « L’Italie veut détruire les bateaux (vides) de migrants avec des drones », Rue89, 22 avril 2015,
http://rue89.nouvelobs.com/2015/04/22/litalie-veut-detruire-les-bateaux-vides-migrants-drones-258797 (consulté le 28 mai
2016)
78
BARON Léa, « Migrants : comment l’Europe va-t-elle s’attaquer aux trafiquants ? », 19 mai 2015,
http://information.tv5monde.com/info/migrants-comment-l-europe-s-attaque-aux-trafiquants-34117 (consulté le 29 mai 2016)
79
SERVICE EUROPÉEN POUR L’ACTION EXTÉRIEURE, “European Union Naval Force – Mediterranean”, 19 mai 2016,
http://www.eeas.europa.eu/csdp/missions-and-operations/eunavfor-med/pdf/factsheet_eunavfor_med_en.pdf (consulté le 30
mai 2016)
80
TARDY Thierry, “Operation Sophia Tackling the refugee crisis with military means”, European Union Institute for Security
Studies, Septembre 2015, 4 p.
81
CONSEIL DE L’UE, « EUNAVFOR MED opération SOPHIA: mandat prorogé d'un an, deux tâches supplémentaires »,
Communiqué de presse, 365/16, 20 juin 2016
82
CONSEIL DE L’UE, « Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes : le Conseil confirme l'accord avec le
Parlemen », Communiqué de presse, 373/16, 22 juin 2016
83
CONSEIL EUROPÉEN, “Réunion du Conseil européen (28 juin 2016) – Conclusions », Bruxelles, EUCO, 26/16 CO EUR 5
CONCL 3, 28 juin 2016
84
NATIONS UNIES, « Résolution 2292 (2016) du Conseil de sécurité » , S/RES/2292 (2016), 16-09889 (F), 14 juin 2016
13
mer, au large des côtes libyennes ».85 A défaut d’avoir pu obtenir un mandat de l’ONU plus
coercitif, l’Union européenne semble s’être contentée d’une mission supplémentaire et peu en
lien avec l’objectif initial. Deuxièmement, la décision de créer le corps européen de gardefrontière et de garde-côtes est entérinée dans le but « d'assurer un niveau élevé de sécurité au
sein de l'Union »86 via « la mise en place d'une stratégie opérationnelle ».87 Troisièmement,
est confirmée la volonté d’approfondir « la coopération en matière de réadmission et de
retour », elle-même constituant « un critère décisif pour évaluer le partenariat entre l'UE et ces
partenaires ».88 Ces décisions ne semblent donc marquer une rupture. Néanmoins, ces
éléments nécessitent du recul et méritent d’être suivis, tout comme la nouvelle stratégie
européenne de sécurité.89
Bien que Frontex donne l’impression d’une agence technique et assurant la sécurité, elle peut
cependant être associé à une rupture avec l’image de soft power européen, n’excluant pour la
première fois pas officiellement l’usage de la force dans la gestion des phénomènes
migratoires.
6. Une « Europe forteresse », des intentions plus que des effets ?
Le terme « Europe forteresse » relève du langage médiatique et renvoie à une certaine vision
portée sur la gestion des flux migratoires. Cette expression, spontanée, peut néanmoins être le
point de départ d’une réflexion sur les intentions et les effets de cette politique de «
fortification ».
L’idée d’ « Europe forteresse » renvoie une idée bien particulière de l’Europe et ses
frontières. L’Union européenne serait un ilot inaccessible et hermétique, à l’abri de toute
migration. La forteresse implique l’idée d’une organisation souveraine qui a la capacité de
réguler les entrées et venues90. Elle permettrait également de décourager les candidats
potentiels et amènerait donc une forme de sécurité. Néanmoins, une analyse plus globale des
85
CONSEIL DE L’UE, « EUNAVFOR MED opération SOPHIA: mandat prorogé d'un an, deux tâches supplémentaires »,
Communiqué de presse, 365/16, 20 juin 2016
86
CONSEIL DE L’UE, « Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes : le Conseil confirme l'accord avec le
Parlemen », Communiqué de presse, 373/16, 22 juin 2016
87
CONSEIL DE L’UE, « Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes : le Conseil confirme l'accord avec
le Parlemen », Communiqué de presse, 373/16, 22 juin 2016
88
CONSEIL EUROPEEN, “Réunion du Conseil européen (28 juin 2016) – Conclusions », Bruxelles, EUCO, 26/16 CO EUR 5
CONCL 3, 28 juin 2016
89
SERVICE EUROPEEN POUR L’ACTION EXTERIEURE, “Shared Vision, Common Action: A Stronger Europe A
Global Strategy for the European Union’s Foreign And Security Policy”, 28 juin 2016
90
FAVELL Adrian et RANDALL Hansen “Markets against politics: migration, EU enlargement and the idea of Europe", Journal
of Ethnic and Migration Studies, Vol. 28, No. 4, Octobre 2002, p. 582
14
politiques migratoires européennes rendrait le concept d’« Europe forteresse » erroné selon
plusieurs auteurs.
L’existence d’une « Europe forteresse » est simplement « fausse », selon Adrian Favell, et
profite aux gouvernements laissant croire l’idée d’une véritable maitrise des flux.91 L’idée
d’Europe forteresse serait plus appropriée pour parler des intentions que des effets. En effet,
les Etats n’auraient simplement pas la capacité de contrôler les migrations.92 Selon lui, nous
sommes face à une mauvaise compréhension des phénomènes migratoires de la part des
décideurs. Alors que la gouvernance est restée tournée vers une définition politique du
phénomène (catégorisation légal/illégal, droit à la citoyenneté, etc), la migration en Europe
devrait être comprise comme une auto-régulation où l’offre et la demande seraient les facteurs
déterminants dans le choix de migrer et de l’endroit où migrer.93 L’intégration économique
internationale serait déterminante, bien plus que des volontés politiques.
Ce concept renverrait à une Europe qui ne laisserait passer personne. Cependant, certains
auteurs proposent la métaphore d’une « gated community »94 ou « résidences collectives
fermées et surveillées ». En effet, l’UE serait animée par un besoin de confort et une peur de
perdre ce confort (sécurité sociale, emplois, salaires), lié à un mode de vie capitaliste. La
stratégie serait donc de ne laisser « entrer » que les personnes permettant de conserver ou
améliorer ce confort, se rapprochant d’une forme de protectionnisme95. Logiquement, la
baisse du nombre de demandeurs d’asile est souvent perçue comme un succès et les discours
s’obstinent à séparer migration « économique » et « humanitaire », alors que cette distinction
entre migrants économiques, climatique et politique tend à devenir de plus en plus floue96. Les
frontières seraient devenues des « deadlines » et les centres fermés, des lieux d’exception.
Paradoxalement, l’histoire de l’Union européenne est fondée sur des idées libérales qui
perçoivent les frontières comme des contradictions au regard du principe d’égalité et de
liberté de mouvement.
Si l’ « Europe forteresse », vue comme une entité inaccessible, renvoie donc plutôt aux
intentions politiques qu’aux effets sur les flux migratoires, la tendance semble se tourner vers
une surveillance accrue des frontières, comme l’analyse de Frontex a pu le montrer. L’Union
91
Ibidem
Ibidem, p. 583
93
Ibidem, p. 597
94
VAN HOUTUM Henk et PIJPERS Roos « The European Union as a Gated Community: The Two-faced Border and
Immigration Regime of the EU », Journal compilation, 2007 Editorial Board of Antipode, p. 299
95
Ibidem, p. 302
96
COWI Evaluation report, 15.1.2009, p. 19-20
92
15
européenne n’est pas devenu inaccessible, mais plus difficilement accessible. Il convient
logiquement de s’interroger sur l’effet de cette accessibilité réduite, autrement dit de la
surveillance plus intense et militarisé des frontières.
Bien que son effet soit faible sur le flux de migrants irréguliers, le renforcement des frontières
aurait tout de même deux effets majeurs : une modification des routes migratoires empruntées
et une dangerosité accrue de ces routes qui renforcerait le rôle des passeurs.
Premièrement, l’Europe ne serait pas une forteresse, mais dévierait simplement les différentes
routes migratoires. En effet, les opérations menées en Méditerranée permettent de réduire les
flux aux endroits concernés et de sauver des vies, mais « on peut légitimement se demander si
[ces opérations] n’ont pas détourné ces flux vers d’autres routes et d’autres filières, rendant
peut-être le voyage plus dangereux encore ».97 Concrètement, « la fermeture des accès à
l’Europe par l’Espagne et l’Italie »98, fin des années 2000, a simplement déplacé les flux vers
la Turquie, Israël et la Grèce. Le cas précis de la Grèce était jugé en 2009 comme inquiétant
par « le commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Thomas Hammarberg, la
Commission des libertés civiles du Parlement européen, le UNHCR (Haut Commissariat des
Nations unies pour les réfugiés), et la Commission européenne »99, en raison du faible taux de
reconnaissance de statut de réfugié et des dysfonctionnements du système d’asile. Ce rapport
inquiète d’autant plus que la Grèce a été en 2015 la principale porte d’entrée européenne des
migrants.
Dans la gestion actuelle des frontières, deux présupposés sont présents. Le renforcement des
frontières serait efficace car il permettrait de refuser le migrant sans visa, d’une part, et
découragerait les candidats potentiels, d’autre part. Cela permettrait d’atteindre simultanément
les objectifs de réduction du nombre de migrants pénétrant dans l’Union Européenne et de
réduction du nombre de mort aux frontières. Il y a pourtant « une littérature empirique
croissante montrant l’effet nul ou faible du renforcement des frontières »100, comme le montre
le travail de Christiana Gathmann101.
97
DUEZ Denis, « L'Europe et les clandestins : la peur de l'autre comme facteur d'intégration ? », Politique européenne, 2008/3
n° 26, p. 106
98
BASILIEN-GAINCHE Marie-Laure, « Sécurité des frontières et/ou protection des droits », Cités, 2011/2 n° 46, p. 56
99
Ibidem
100
SPECIALE Biagio, « Immigration policies in the EU : challenges and priorities », Reflets et perspectives de la vie
économique, 2010/2 Tome XLIX, p. 132
101
GATHMANN Christiana, "Effects of enforcement on illegal markets: Evidence from migrant smuggling along the
southwestern border". Journal of Public Economics, 92, 2008, p. 1926-1941. « a growing empirical literature showing a small
or null deterrence effect of border enforcement »
16
Deuxièmement, l’effet du renforcement des frontières serait de pousser les migrants vers des
routes plus dangereuses et plus lucratives pour les réseaux de passeurs. Les réseaux mafieux,
via les passeurs, ont pu faire grimper les prix des traversés grâce aux contrôles des frontières
toujours plus renforcés.102 En effet, les passeurs nationaux103 seraient les plus aptes à repérer
les lieux stratégiques de passage, et non pas le candidat à la « traversée ».104 Ils détiennent une
forme de monopole, tenant les candidats passeurs sous emprise. L’explication réside dans la
difficulté croissante et évolutive de passer la frontière ainsi que l’écart de connaissance
croissant entre le passeur et l’immigrant. Fermer les frontières fait de l’immigration un délit et
contraient le migrant à se tourner vers d’autres moyens, non légaux. Les quatre à dix milles105
dollars nécessaires pour une traversée ne seraient pas l’échec d’une politique trop douce, mais
bien les effets d’une politique restrictive.106 En d’autres mots, la surveillance accrue des
frontières a ouvert un marché pour les trafiquants, générant une demande de l’aide pour entrer
sur le territoire illégalement.
Considérant que les objectifs consistent à diminuer le flux migratoire et à sécuriser la vie des
« réfugiés », que les moyens sont ceux décrits tout au long de l’article – approche
intergouvernementale, externalisation et appui à la gestion des frontières via Frontex – et que
les effets seraient au final une « déviation » et une « dangerosité accrue » des routes
migratoires, la politique migratoire ne serait ni effective, ni efficace, ni efficiente. En effet, la
politique n’induit pas le changement escompté et n’a donc qu’un impact faible sur le
problème considéré, alors qu’elle mobilise de grands moyens.
7. Conclusion
Au fil de son existence, l’Union européenne s’est érigée en pouvoir normatif et en modèle de
« soft power ». La gestion de l’immigration irrégulière par les institutions européennes semble
s’écarter de ce schéma. La migration est vue comme une menace et la coercition est mobilisée
pour y faire face. Dans cette perspective, l’approche intergouvernementale est privilégiée,
102
BASILIEN-GAINCHE Marie-Laure, « Sécurité des frontières et/ou protection des droits », Cités, 2011/2 n° 46, p. 65 et 68.
«Passeurs nationaux » : les passeurs venant du pays de départ du voyage clandestin, les passeurs se trouvant là où les lieux
de passage sont.
104
LAACHER Smaîn, « L'État, la frontière et l'étranger « indélicat » », Revue internationale et stratégique, 2003/2 n° 50, p.
128
105
ORGANISATION MONDIALE POUR LES MIGRATIONS (OIM), « L’Italie publie de nouvelles données à jour sur les arrivées de
migrants », posté le 12 décembre 2014, http://www.iom.int/cms/fr/sites/iom/home/news-and-views/press-briefing-notes/pbn2014b/pbn-listing/italy-releases-new-data-on-migra.html (consulté le 18 mars 2015) et ORGANISATION MONDIALE POUR LES
MIGRATIONS (OIM), «L’OIM apporte son aide dans les enquêtes sur la disparition en Méditerranée de centaines de migrants
», posté le 23 septembre 2014, http://www.iom.int/cms/fr/sites/iom/home/news-and-views/press-briefing-notes/pbn2014b/pbn-listing/iom-assists-probes-into-the-deat.html (consulté le 18 mars 2015)
106
GEDDES Andrew, “Still Beyond Fortress Europe? Patterns and Pathways in EU Migration Policy”, Europe in the World
Centre/School of Politics and Communication Studies, University of Liverpool, Queen’s Papers on Europeanisation, No
4/2003, avril 2003, http://goo.gl/sdsF8t (consulté le 15 janvier 2015), p.13
103
17
permettant de mieux cerner la place importante des Etats et de leurs intérêts, comme la
sécurité. Considérant ces éléments, la politique migratoire a consisté à repousser
physiquement les frontières et à en céder une partie de la responsabilité, quitte à coopérer
avec des pays peu démocratiques. Frontex joue un rôle important dans cette politique et
contribue à percevoir l’immigration comme un risque technique. Le concept d’« Europe
forteresse », découlant de la gestion européenne des migrations, témoigne au final l’idée
d’une dangerosité accrue des routes migratoires.
L’Union européenne rompt ainsi avec son attachement historique à la norme, dans la gestion
des flux migratoires irréguliers, au profit d’une volonté d’être craint et d’un usage de la force
potentiel.
Zaki Laïdi met en perspective le rôle de la coercition et de l’Union européenne. La tradition
voudrait que l’Union laisse aux Etats-membres le soin de recourir à la force. La politique
migratoire donnerait naissance à un phénomène inverse : les Etats-membres utilisent l’Union
pour justifier les choix « coercitifs »107, comme si les relations bilatérales ou multilatérales des
Etats membres ne permettraient pas d’imposer ces choix-là. Face à cette perception, l’Union,
via sa politique, s’autoriserait à déroger aux règles de transparence, de sécurité ou de liberté.
L’enjeu actuel ne devrait être de rassurer les citoyens européens par des discours répressifs et
stato-centré, mais bien de changer la perception de l’immigration. L’Europe a été rythmée par
les migrations et s’est nourrie de celles-ci tant matériellement qu’intellectuellement. L’Union
européenne devrait jouer le rôle historique qu’est le sien : une créatrice de paix, qui se détache
conceptuellement de l’Etat-nation. Une image apaisée de l’immigration et un changement de
politique extérieure permettraient une gestion plus accueillante et moins méfiante des flux
migratoires. Seul ce changement de discours permettra une réelle réforme de la politique
européenne et la création d’un climat favorable à tous. Sans cela, c’est le risque de la
prophétie auto-réalisatrice : une disparition de la cohésion européenne.
8. Notes de l’auteur
Les publications des divers think tank sont écartées car souvent peu pertinentes pour la
question de recherche ou en dehors de certaines perspectives adoptées dans le texte. Par
ailleurs, d’autres éléments d’actualité ne sont pas inclus car cela reviendrait à lier criminalité
107
LAÏDI Zaki, La norme sans la force, Paris, Presses Science Po, 2013, p. 280
18
et migration (c’est le cas du PNR) ou il n’existe simplement pas le recul suffisant (c’est le cas
des décisions relatives à la Convention de Schengen et aux rétablissements des frontières ou
de l’accord avec la Turquie). Enfin, il pourrait néanmoins être pertinent de prolonger ce
travail par l’analyse des divers programmes cadres de recherche et développement de l’Union
européenne.
19
Bibliographie
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