Grève des salariés de la Lufthansa : à Roissy, place aux jaunes

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Grève des salariés de la Lufthansa : à Roissy, place aux jaunes
Grève des salariés de la Lufthansa : à Roissy, place aux jaunes - Libération
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Grève des salariés de la Lufthansa :
à Roissy, place aux jaunes
FRÉDÉRIQUE ROUSSEL 3 JANVIER 2014 À 21:36
Menacés par un plan de licenciement, 90% des employés de
la compagnie aérienne ont débrayé vendredi, mais des
collègues venus de toute l'Europe ont occupé leurs postes.
Roissy,terminal 1, hall 4. Sur l'écran des départs, tous les vols de la compagnie Lufthansa
s'annoncent «on time». Les salariés ont pourtant déposé un préavis de grève pour ce
vendredi. «Nous, nous ne sommes pas grévistes», répond en anglais avec un air dégoûté
une salariée en tailleur sombre, tirée à quatre épingles. La compagnie allemande a
réquisitionné des troupes à Budapest, Francfort, Lisbonne, Dresde ou Sofia pour
annihiler la grève. De derrière le comptoir, l'employée tend la main vers l'immensité du
hall et lâche: «Les grévistes, eux, ont des tee-shirts blancs» Petits cailloux dans
l'immensité de l'aéroport parisien, ils sont une trentaine à s'être repliés dans leur salle de
repos. Aucun vol n'a donc été supprimé alors que le mouvement est suivi à 90%.
Délit d'entrave. Sur leurs tee-shirts, un slogan elliptique: «2014,personnel Lufthansa
France débarqué». Les banderoles prêtes à être déroulées filent aussi la métaphore.
«Lufthansa crash son personnel! No better way to lie» Leur arsenal revendicatif
comprend un cercueil et des masques qui sourient ...jaune. Sur 262 salariés de Lufthansa
France, 199 sont promis au licenciement. C'est le personnel d'escale qui trinque le plus:
les 155 emplois de Roissy devraient être rayés, plus 44 postes au siège de Saint-Denis.
«C'est une décision qui/ait partie d'une stratégie internationale mais qui n'a pas de
logique économique», avance Dany Kotek, de la CFDT.Comme Air France avec
Transform 2015, Lufthansa a concocté de Cologne un vaste plan de réorganisation
baptisé Score. Sauf que le concurrent d'outre-Rhin affiche un résultat net de 994 millions
d'euros en 2013. Et table sur 2,5 milliards de profit fin 2015. Sont pourtant programmés
la suppression de 3 500 postes sur les 117000 du groupe, le développement de filiales
dans des pays où la main-d'œuvre coûte moins cher. «Les écarts chiffrés par la direction
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sont de 1à 4, précise Franck Bonot, délégué central Unsa, 44 ans, quinze ans de boîte. Le
coût d'un employé qualifié équivaut à 56000 euros en Europe, 16 000 à Mexico,
Bangkok ou Delhi.» Depuis trois ans, les syndicats réclamaient des documents sur les
conséquences de Score en France. Sans succès. D'où une procédure pour délit d'entrave
au tribunal correctionnel de Bobigny, qui ne sera plaidée qu'en novembre.
Photo Olivier Alban
L'annonce d'un plan de sauvegarde de l'emploi, le 5 novembre, leur est donc tombée sur
la tête. Quelle perspective pour les 199 licenciés ? Etre réembauchés pour 101 d'entre eux
à PCA, une entreprise sous-traitante qui bat sérieusement de l'aile. «La seule offre
valable de reclassement concerne une société dans le rouge depuis des années, qui perd
un million d'euros par an, commente Me Villevieille, avocat du comité d'entreprise. Un
salarié de Lufthansa a d'ailleurs assigné cette société en référé de dissolution devant le
tribunal de commerce de Bobigny le iqjanuier.»
Fichage. Autre procédure en cours: une plainte après la découverte, cet été, du fichage
des salariés par la direction. Un syndicaliste y est décrit comme «unfouteur de merde»,
un salarié désigné comme «malade chronique, durée de vie limitée», un cadre
caractérisé comme «un bon élément, mais profondément socialiste»... Franck Bonot,
fiché lui aussi, est auditionné ce lundi sur cette affaire. Le même jour, l'intersyndicale a
rendez-vous avec le directeur général, qui leur répondra enfin sur leur lettre du
19 décembre, qui réclamait un plan de départs volontaires pour les plus de 57 ans (plus
de 70% du personnel a plus de 40 ans, plus de 70% sont des femmes), des congés
reclassement, des indemnités supralégales. «A l'issue de la rencontre de ce matin
[vendredi], les salariés ont levé la grève dans l'apaisement et ils se retrouvent lundi
matin avec la direction pour négocier», tente de désamorcer un porte-parole de
Lufthansa.
A quoi sert de faire grève de toute façon? Remplacés au comptoir, remplacés à
l'enregistrement, remplacés à l'embarquement «et même dans chaque avion où des
employés venus directement d'Allemagne s'occupent du plan de chargement», ajoute
Thibault Lesage, CFfC, chef avion. Les Français de Lufthansa ont de l'amertume mais
pas d'agressivité envers ces étrangers qui les ont suppléés. «C'est un coup sur la tête plus
un couteau dans le dos, dit Lydia, 54 ans. Je gagne 2 000 euros par mois; Christoph
Franz [patron de Lufthansa, ndlr] s'enfuit 200000 et il m'enlève mon travail
seulement par stratégie. On n'a plus que nos yeux pour pleurer. Personne ne nous
écoute.»
Frédérique ROUSSEL
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