23. la curva - Châteauvallon

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23. la curva - Châteauvallon
CHÂTEAUVALLON
DANSE
LA CURVA
COMPAGNIE ISRAEL GALVÁN
Conception et chorégraphie : Israel Galván
Composition musicale : Sylvie Courvoisier
Mise en scène : Txiki Berraondo
Conception lumières : Rubén Camacho
Son : Félix Vásquez
Avec :
Israel Galván : danse
Sylvie Courvoisier : piano
Inés Bacán : chant jondo
Bobote : compás
Vendredi 24 et samedi 25 mai à 20h30
Théâtre couvert
Durée : 1h15
www.israelgalvan.com
Production:a negro producciones – Cisco Casado, Chema Blanco
Distribution internationale exclusive: Aurora Limburg
Coproduction: Agencia andaluza para el desarollo del flamenco – Junta de Andalucia – Consejeria de Cultura /
Union Europea – Feder /Théâtre de la Ville – Paris
www.chateauvallon.com
LA CURVA
Grand rénovateur du flamenco, Israel Galván n’a pas été sans prédécesseurs. On pourrait même dire que
tout son art se souvient de Vicente Escudero (1892-1980), qu’il n’a pourtant connu que par quelques
bribes de films (dont une apparition hiératique dans un film de 1966, Con el viento solano) et deux
ouvrages fondamentaux écrits en 1947 et 1957. Mais il ne reste absolument rien d’un spectacle «
cubiste » qu’aurait donné Vicente Escudero dans un petit théâtre parisien, La Courbe, en 1924… Cette
seule indication et l’imagination qu’elle peut susciter suffisent pourtant à Israel Galván et son très
inspiré dramaturge Pedro G. Romero pour remonter le temps et, mieux encore, tenter au présent une
nouvelle expérience que n’aurait sans doute pas désavouée maître Escudero. Dans la continuité de
Tabula rasa, extraordinaire trio successif piano-voix-danse, La curva embarque dans son aventure la
chanteuse Inés Bacán, Bobote au compás (le rythme) et la pianiste Sylvie Courvoisier, grande figure du
jazz expérimental. Le flamenco peut-il courber l’espace ? Avec Israel Galván, tout peut arriver.
Jean-Marc Adolphe
C’est un de mes amis, Pedro G. Romero, qui a mis ce nom sur ce que je venais de lui dire – mes
inquiétudes de faire une oeuvre qui puisse unir deux univers, la musique contemporaine et le flamenco
le plus profond, le plus originel, un flamenco que j’aime de plus en plus et que je reconnais en Inés
Bacán. Je me sens à l’aise sur la ligne qui va de l’un à l’autre, à l’aise avec le silence. Depuis ce matin,
ici, on est en train de créer quelque chose qui n’a pas de nom, un nouveau monde. On est sur une île
déserte et on tente de la rendre habitable. Ou bien, c’est comme si chacun de nous marchait dans sa
rue, et qu’il ait été soudainement enlevé et mis dans une chambre avec les deux autres dont il ne parle
pas la langue. Soudain ce sont trois langues différentes qui apprennent à communiquer. Ce spectacle
sort donc le flamenco de son habitat naturel. Nous sommes dans la liberté de l’expérimentation, dans
un espace où il n’y a ni début ni fin, ni concession. En spectacle, nous serons cette chambre, et le
spectateur nous observera par le trou de la serrure.
Ce projet est né de ma familiarité avec le silence. De ma nécessité de déstructurer les concerts
flamencos où le chant, la musique et la danse son intimement mêlés. Je voulais voir les éléments
constitutifs séparément, montrer le silence. La Curva est aussi la deuxième partie de La Edad de Oro
(présenté à Châteauvallon en mars 2011). Dans ce spectacle, je m’affrontais à un chanteur et à un
guitariste. Là, je vais vers le féminin, avec deux femmes, l’une très jonda (profonde au sens du chant
profond des origines), l’autre très avant-gardiste. L’une avec l’autre, c’est mon idée de l’artiste-femme.
J’ai eu la chance de rencontrer Inés et Sylvie dans une courbe de mon parcours artistique. Elles
m’aident à créer la bande-son de mon atelier de danse personnel, en me faisant danser de Lebrija à
New York.
Dans ce voyage, je suis accompagné par mon fidèle écuyer du rythme, « Bobote ».
Israel Galván
ISRAEL GALVÁN
Israel Galván, danseur et chorégraphe espagnol, est né à Séville en 1973. Fils du danseur José Galván
et de la danseuse gitane Eugenia de los Reyes, il apprend dès l’enfance la discipline et l’acharnement
dans l’académie de son père. Avec sa mère, il fait l’expérience d’une expression plus libre, du travail
féminin du corps, de la gracilité. Avec eux deux la vie des tournées, leur vie, de tablao en théâtres, de
peñas en festivals finissant à l’aube. Avec eux les rencontres d’artistes, des modestes aux plus grands
avec lesquels ils partagent la scène, la vie colorée des loges entre les numéros, la confrontation avec de
nombreux publics. Avec eux, son rêve de devenir footballeur envolé. Il sera danseur.
Quand, à dix-neuf ans, il intègre la Compañía Andaluza de Danza dirigée par le maître Mario Maya, il
est fait au feu. Commence alors pour lui une trajectoire peu commune qui en peu de temps se
matérialise par l’obtention des prix les plus importants de l’art flamenco et de la danse, dont le Prix
national de Danse 2005 du ministère de la Culture espagnole «pour sa capacité à générer dans un art tel
que le flamenco une création nouvelle sans oublier les véritables racines qui l’ont nourri jusqu’à nos
jours, et qui le constituent comme un genre universel».
De collaborations en rencontres, il va travailler avec les principales figures du flamenco contemporain et
traditionnel, Manuel Soler, Enrique Morente, Miguel Poveda, Gerardo Nuñez, Fernando Terremoto, Inés
Bacán, mais également de la danse contemporaine comme la chorégraphe Sol Pico.
En 1998, il présente sa première création à la Xe Biennale de Flamenco de Séville, Mira ! Los zapatos
rojos. Ce spectacle marque un avant et un après dans l’évolution de la création chorégraphique
flamenca. Il est le fruit de quinze ans de scène et d’une rencontre artistique forte avec Pedro G. Romero,
artiste expérimental polyvalent et personnage essentiel dans l’art contemporain espagnol. Ils
chemineront désormais ensemble. Dix spectacles voient le jour entre 2000 et 2008 : La Metamorfosis
(2000), d’après l’œuvre éponyme de Kafka, Galvánicas avec le guitariste Gerardo Nuñez (2002), Dos
Hermanos (2003), avec sa sœur la danseuse Pastora Galván, Arena (2004), une approche délicate de la
tradition taurine, La Edad de Oro (2005), une variation sur le thème de «c’était mieux avant», Tabula rasa
(2006), une pièce radicale où, contrairement à La Edad de Oro, où ils jouent ensemble, les trois éléments
constitutifs du flamenco, la voix, la danse et l’instrument, sont isolés, La France-sa (2006), une
chorégraphie facétieuse, pour sa sœur, sur le mythe de la femme espagnole telle que développée par la
littérature française, Solo flamenco, une œuvre en constante évolution, de la danse pure, produisant sa
propre musique, El Final de este Estado de Co-sas Redux (créé en 2008), sa vision et son écriture de
l’Apocalypse, avec un sol qui s’ouvre sous lui, des musiciens de heavy metal, de flamenco jondo, de
musiques traditionnelles et contemporaines. Et pour ne citer que quelques-uns des théâtres et festivals
ayant programmé le travail d’Israel Galván ces dix dernières années, on relève le Tanzfest NRW 2008 de
Pina Bausch, le Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, le Festival d’Athènes, Montpellier-danse,
TorinoDanza, le Mercat de les Flors de Barcelone, l’Opéra Sao Carlos de Lisbonne, La Maestranza de
Séville, le Teatro Espanol de Madrid, Paris Quartier d’Eté, le Festival international de Marseille,
l’Octogone de Pully.
En juillet 2009, Israel Galván présentait en France la version définitive de sa dernière création El Final de
este Estado de Cosas Redux, au Festival de Montpellier-danse, et au Festival d’Avignon.
La danse d’Israel Galván opte résolument pour le solo, pour l’unique. Elle cherche comment déployer la
figure libre, la ligne singulière, l’ellipse. Elle est toute de retenue, sensible, intuitive, puissamment
concentrée sur l’enjeu et la vérité du moment, nourrie d’un dialogue attentif et éclatant avec la musique,
construite avec et par les silences, les suspensions. Israel Galván travaille avant tout sur l’état intérieur
du danseur en scène, sur sa capacité à risquer. La qualité de sa liberté ne vaut qu’au prix d’une parfaite
maîtrise de l’art flamenco et de son fond traditionnel.
Israel Galvan a déjà présenté à Châteauvallon La Edad de Oro en mars 2011
INES BACÁN cante jondo
Par quel sortilège ressent-on l’intensité et le rayonnement d’Inés Bacán avant même qu’on l’écoute
chanter ? Est-ce dû à sa façon majestueuse d’entrer en scène, à ce premier regard pudique qu’elle jette
au public, comme pour sceller un pacte, celui de faire ensemble la traversée vers un autre temps, celui
de l’intériorité. Avec elle, celui qui chante et celui qui écoute se fondent dans une même partition.
La lenteur particulière du rythme avec laquelle elle délivre son chant atemporel, sa voix puissante mais
retenue, bien timbrée, se prêtent merveilleusement à l’interprétation des siguiryias, des soleas, les
chants les plus prenants du cante jondo. Sa maestria lui permet à tout moment d’improviser, de jouer
avec les structures de base, donnant ainsi à chaque fois une interprétation renouvelée des palos (styles)
qu’elle aborde.
Son art d’être vraie, de faire surgir du cœur de sa sensibilité gitane, une voix sans artifice, sans
surenchère, portée à moduler des mots jusqu’au sanglot, à jouer avec les silences, tendent à mettre
celui qui l’écoute sous emprise.
Gitane andalouse, née à Lebrija en 1958 au sein d’une famille qui a généré et maintenu vivant un
patrimoine musical d’une éblouissante richesse, Inés Bacán a grandi entourée de maîtres de chant, elle
est l’arrière-petite fille de Pinini, petite-nièce de la Perrata, nièce de Fernanda et Bernarda de Utrera,
cousine d’El Lebrijano, sœur du défunt guitariste Pedro Bacán. Pressentant son extraordinaire
personnalité cantaora, c’est lui qui la révèle au grand public, au festival d’Avignon en 1992 dans son
spectacle Nuestra Historia al Sur.
C’est avec la Compagnie Pedro Bacán et le clan gitan des Pinini ou seulement accompagnée de son
frère qu’elle aborde et parcourt les scènes internationales, de l’Opéra Garnier à Paris à la Cour
d’Honneur du Palais des Papes à Avignon, de la Bienal de Arte flamenco de Séville et l’Exposition
Universelle de Séville à la Maison de la Danse à Lyon, l’Auditorium Saint Germain et celui des Halles à
Paris, le Théâtre Manuel de Falla à Cadix, le Théâtre Lope de Vega à Séville, le Théâtre Calderon à
Madrid, le festival de Musique de la Ville de Montréal, le festival Mediawave de Budapest. Elle
participe également au spectacle Cien años de Cante de Pedro Peña qui tourne plus d’un an dans toute
l’Espagne, notamment au Théâtre de la Maestranza à Séville. En 1997, suite au décès accidentel Pedro
Bacán, elle lui rend hommage en reprenant au Quartz à Brest, à l’Arsenal de Metz, au Festival de
Thésalonique, à Gdansk, une «Misa Flamenca» créée par lui aux Estivales de Perpignan.
Depuis 1997, Inès se produit sur les scènes internationales en récital solo, ou entourée de quelques
artistes comme la danseuse Concha Vargas, le chanteur José Valencia. En avril 2001, elle est au
Théâtre National de Chaillot où elle partage l’affiche avec Carmen Linarès, puis à Stockholm, à
Gotebörg, à Londres, à Madrid, à Séville ou à Casablanca pour les rencontres de musiques flamenco et
gnaouie. Elle participe également à une série de concerts de musique arabo-andalouse avec la
chanteuse Amina Aloui et le joueur de oud Sofiane Negra à Grenade et à Narbonne.
En juin 2002, le Département des Musiques Orales et Improvisées de la Fondation Royaumont l’invite
pour un cycle de concerts qu’elle donne accompagnée du guitariste Moraito Chico de Jerez, avec qui
elle a enregistré l’album Soledad Sonora. En France, entre 2003 et 2004, elle est l’invitée de Banlieues
Bleues et celle de l’Agora d’Evry.
En mars 2004, à Madrid, au Colegio Mayor «Isabel de España», Inés Bacan reçoit le Prix Tio Luis el de la
Juliana 2004 et clôt par un récital le cycle flamenco qui lui était dédié.
En 2006, Israel Galván sollicite Inés Bacán pour créer Tabula rasa, nommé meilleur spectacle de l’année
2006 par l’ensemble de la Critique (Prix Flamenco Hoy).
Dès 2009, elle est également dans la distribution du spectacle d’Israel Galván El final de este estado de
cosas, et continue de donner parallèlement de nombreux récitals (tournée aux USA en 2009 – Festival
flamenco de Nîmes, etc.)
SYLVIE COURVOISIER composition, piano
Lauréate du Grand Prix de la Fondation vaudoise pour la culture en 2010.
Née à Lausanne, Suisse, elle a commencé le piano à six ans, initiée par son père, pianiste de jazz
amateur. Depuis 1998, elle vit à Brooklyn, New York.
En tant que pianiste et improvisatrice, elle joue et enregistre avec différents artistes tels que John Zorn,
Ikue Mori, Joey Baron, Mark Feldman, Tim Berne, Tony Oxley, Yusef Lateef, Joëlle Léandre, Herb
Robertson, Butch Morris, Tom Rainey, Mark Dresser, Ellery Eskelin, Lotte Anker, Fred Frith, Michel
Godard, Mark Nauseef, entre autres.
Comme compositrice, des œuvres lui ont été commandées pour le concert, la radio, la danse et le
théâtre. Elle a composé, entre autres, un concerto pour guitare électrique et orchestre de chambre,
Balbutiements pour quatuor vocal et soprano ; Ocre de Barbarie, spectacle musical pour métronomes,
automates, orgue de barbarie, piano, tuba, saxophone, violon et percussion ; commandes de la radio et
de la télévision suisse, du Brecht Forum, de Pro Helvetia et du Festival de Donaueschingen.
Depuis 1996, elle poursuit une carrière internationale dans toute l’Europe, aux USA, au Canada et au
Japon. Elle a joué dans de nombreux festivals de jazz et de musique contemporaine comme Berlin,
Willisau, Davos, Donaueschingen, Banlieue Bleue, Saalfelden, Groningen, Vision NY, Library of
Congress, Nürnberg, Taktlos, London LMC, Bath Festival, Münster, Victoriaville Festival...
Sylvie est actuellement le leader de son quintet «Lonelyville», du Trio «Abaton» et du Sylvie Courvoisier
Mark Felman Quartet, avec Thomas Morgan et Gerry Hemingway. Elle est membre de «Mephista», un
trio d’improvisation avec Ikue Mori et Susie Ibarra ; du Trio avec Lotte Anker et Ikue Mori ; de «Agra
Dharma» avec Makigami Koichi et Ikue Mori. Elle joue aussi avec le Herb Robertson Quintet avec Tim
Berne, Tom Rainey et Mark Dresser; en Trio avec Vincent Courtois et Ellery Eskelin ; dans le John Zorn’s
Cobra + Femina...
Depuis 1997, elle tourne régulièrement en duo avec le violoniste Mark Feldman et en solo.
Lauréate du «Prix des jeunes créateurs» Suisse 1996, du «Prix de la Création», Zonta club, 2000 ; elle a
été parmi les trois nominées pour le « European Jazzprice 2008 ».
JOSÉ JIMÉNEZ SANTIAGO « BOBOTE »
Né à Séville le 28 Mai 1962, il s’est initié dans la danse flamenca à 13 ans avec « La Susi », et depuis
très jeune il a travaillé aux tablaos flamencos. Bien qu’à 8 ans il eût déjà formé le groupe Los Gitanillos,
avec plusieurs membres de la famille Amador et son compagnon inséparable de scène, El Eléctrico, où
tous chantaient et dansaient.
Il est actuellement l'un des palmeros (accompagnateur rythmique) les plus sollicités de la scène
flamenca, considéré un mage du compas. Audacieux et compromis, il ose accompagner tant Israel
Galván par des théâtres et des festivals de danse de tout le monde, comme organiser des ateliers de
compas dans le quartier sévillan de Las Tres Mil, où il à crée une école de percussion.
Il a collaboré comme danseur et palmero avec des grands artistes, entre autres Manuela Carrasco,
Canales et Farruco, Miguel Poveda, Arcángel, La Argentina, Aurora Vargas, Rocío Molina et il apparaît
régulièrement sur scène aux côtés d’Israel Galván.
Au cinéma, il a collaboré aussi dans les très remarquables Flamenco (Carlos Saura, 1995), Vengo (Toni
Gatlif, 2000) ou Polígono Sur (Dominique Abel, 2003).
EXTRAITS DE PRESSE
Galvan dispose ses mini-plateaux à la manière d’une galaxie du désir, à même de libérer sa folle
créativité de danseur d’exception s’attachant à revisiter le mythe du flamenco. Ainsi, une plaque d’acier
noir posée au sol, un cercle de terre rouge ou un simple rectangle de farine immaculée devienne les
espaces de la répétition d’un cérémonial sublime. Reste la dernière table, celle réservée aux amis, où
siègent la formidable Inès Bacàn, voix impériale du flamenco et Bobote le compas, le compagnon de
toujours qui assure la frappe du tempo et les commentaires live à travers ses saillies imprévisibles. En
plus de la famille, une invitée. Aux commandes du clavier d’un piano à queue long comme un paquebot
à quai, Sylvie Courvoisier trouve les ressources pour faire dialoguer son instrument sophistiqué avec cet
art puisant à des mystères ancestraux. La danse d’Israel Galvan est alors fabuleuse. Sans cesse remise
sur le métier dans une gestuelle d’une précision sans faille, elle transcende la liberté de l’homme d’être
présent dans l’instant. Cet hommage à un art proche de la transe permet au danseur d’affronter la fuite
du temps, de l’arrêter d’un geste et de sortir à chaque fois de la bataille en vainqueur. Un époustouflant
exercice de style qui en dit plus qu’aucun discours sur l’ambition d’être un homme et ce que vivre veut
dire.
Patrick Sourd – EVENE.FR – janvier 2012
Ô temps, suspends ton vol, lorsqu’Israel Galván entre en scène. Plus de commune mesure, plus rien de
rationnel, plus d’amer dans l’espace : chacun est livré à lui-même (…) on ne peut renoncer à la
convocation de cet homme qui se révèle dans la grandiose et si secrète solitude sonore du torero.
Marie-Christine Vernay – LE MONDE – janvier 2012
Alignés immobiles dos au spectateur, les quatre interprètes se dispersent en silence sur la scène. Israel
Galván rompt ce silence par le fracas d’une pile de chaises renversées. Un claquement de main, une
frappe de pied, une fente à la manière des toreros et un tour sur lui-même, le danseur est lancé. Le
rythme flamenco l’habite tout entier avec une grâce et une technique sans pareil (…) S’il est difficile de
lâcher le danseur des yeux, la voix d’Inés Bacán parvient cependant à nous en détourner. Sa seule
présence, pleine de pudeur et d’humilité, suffit à troubler. Mais lorsque s’élève a capella sa voix à la
fois rauque et suave, c’est une explosion d’émotions (…) Assis à ses côtés, Bobote, spécialiste du
compás, accompagne le cante jondo en ponctuant ses rythmes d’exclamations espagnoles. Le charme
mystérieux et ineffable du duende, propre au flamenco, émane de ce duo réuni autour d’une table.
Même Israel Galván s’immobilise un instant pour les écouter.
De l’autre côté de la scène, Sylvie Courvoisier triture son piano à queue : elle écrase les touches, fait
grincer les cordes et résonner les notes. Entre chant gitan et sonorités contemporaines, Israel Galván
sert de trait d’union. Les deux univers entrent en résonance jusqu’à se mêler étroitement dans son corps
et s’exprimer dans son mouvement. Car, s’il est un danseur hors pair, il est aussi un interprète
exceptionnel. Dans une volonté d’expérimentation, Israel Galván extirpe le flamenco de son carcan
traditionnel tout en conservant l’essence de la danse. Il se courbe, grimpe sur une table, la renverse à la
recherche de nouveaux rythmes. Parce qu’il a le flamenco dans la peau, le danseur peut se permettre de
le défier et lui faire explorer d’autres horizons. Celui de l’humour, par exemple, ou de la musicalité : des
pieds à la tête, en passant par le buste, son corps entier est percussion. Israel Galván a volontairement
séparé les éléments constitutifs du flamenco pour faire éprouver leur beauté individuelle. Quand ils
n’interviennent pas, les artistes s’observent, s’écoutent ou s’interpellent. Si la mise en scène est sobre,
le danseur crée des effets visuels remarquables. À l’image du moment onirique où, les pieds plongés
dans un bac de farine, le danseur se meut dans un nuage blanc au rythme du bruit sourd de ses pas.
Recouvert de blanc, il quitte finalement ses chaussures pour plonger pieds nus dans le silence.
Mathilde Penchinat – LES TROIS COUPS – janvier 2012