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En 1969, le R&B fortement imprégné de feeling blanc surgit avec brillance et une fougue dévastatrice. Il se nomme Allman Brothers Band. Des titres comme «It’s Not My Cross To Bear», «Trouble No More», «Dreams», «Whipping Post», «In Memory Of Elizabeth Reed», «Statesboro Blues», «Ain’t Wastin’ Time No More» ou «Melissa», tout droit sortis de leurs premiers albums, révèlent non seulement un guitariste hors pair, Duane Allman, mais aussi la voix rugueuse suintant le blues de son frère Gregg. Dicky Betts, guitariste non moins inventif, complète ce trio de tête. A eux trois, ils mènent les Allman, responsables du renouveau d’un style qui mixe pop et R&B, trempé d’accents sudistes. Le thème «Dreams», aux intonations bluesy intemporelles, au rythme lancinant, propulse le combo Duane et Gregg Allman. aux confins du firmament. L’Allman Brothers Band a vendu son âme au blues. Le prix à payer n’en sera que plus élevé, mais les superbes albums jalonnant leur courte existence procurent joie, bonheur, extase et souffrance. ALLMAN BROTHERS BAND Le Rock du Sud uane et Gregg Allman naissent à Nashville, respectivement en 1946 et 1948. Ils passent leur enfance à Daytona Beach en Floride. La carrière de Gregg commence à l’âge de douze ans, lorsqu’il s’achète une guitare avec les vingt dollars qu’il vient de gagner. Il prend quelques leçons et montre les accords assimilés à son frère Duane. Celui-ci, acceptant le challenge, révèle une ferveur toute spéciale dans l’apprentissage de l’instrument. A quinze ans, il laisse tomber le lycée pour la pratique de la guitare. La nuit, il joue avec des groupes dans différents clubs. Au début, il apprend en écoutant les disques de Robert Johnson, Elmore James, B.B. King, T-Bone Walker, Chuck Berry. Mais il n’essaie pas de les copier. Il absorbe leur jeu, s’imprègne de la structure, des variations mélodiques. Gregg est également féru de blues traditionnel et de rhythm’n’blues. Il travaille son chant en écoutant Ray Charles, Bobby Blue Bland et surtout Little Milton Campbell qui reste l’un de ses préférés. Tous les deux commencent à se produire dans les boîtes de Daytona comme Le Martinique. D évidente. Les frères Allman ont cette indiscutable aura qui les fait apprécier de leurs pairs. Johnny Sandlin, qui jouera avec eux un an plus tard au sein de Hourglass, conte l’émerveillement que le duo provoque parmi les autres membres : « Les Allman Joys ont le meilleur guitariste et le meilleur chanteur que j’ai jamais entendus. Et en plus ils sont frères ! » De plus, en ce milieu des années 1960, Duane et Gregg sont parmi les premiers à avoir les cheveux longs. Et ça se remarque. Sur scène, sous les projecteurs, ils rayonnent de mille feux. Cela semble irréel. La puissante voix de Gregg, écorchée et plaintive, gorgée de blues, rend ces accents douloureusement palpables. Ses versions, bien rendues et magnifiques, de « Try A Little Tenderness» d’Otis Redding ou de «When A Man Loves A Woman » de Percy Sledge, stupéfient et transportent l’auditoire. Bien que Duane se concentre EARLY ALLMAN En 1966 Dial presse quelques centaines d’exemplaires de leur délirante et psychédélique reprise de « Spoonful », digne des meilleurs groupes punk de cette époque. La face B, « You Deserve Each Other », est une agréable ballade musclée. Ce simple, destiné au marché régional, est de ce fait extrêmement rare aujourd’hui. Fort de cet essai, ils retournent en studio avec le compositeur John Hurley qui vient de signer un tube pour Dusty Springfield, « Son Of A Preacher Man ». Buddy Killen ne croit pas trop dans les frères Allman et il leur conseille plutôt de se trouver un boulot. Néanmoins les séances ont bien lieu aux studios Dial et elles sont produites par John Loudermilk et John Hurley. Ces derniers en sont plus au stade d’expérimentation et leur travail laisse quelque peu à désirer mais ils encouragent les créations originales. Gregg en 1966, âgé de dix-huit ans, commence à peine à composer. Avec des auteurs patentés, il cosigne sept des douze chansons qui figurent sur l’album « Early Allman ». Ce disque, qui sent bon le rock des mid-sixties, est plutôt sympathique. Quelques chansons comme « Gotta Get Away », «Spoonful», «Changing Of The Guard» se détachent du lot. Gregg Allman est le plus en vedette et sa voix rugueuse s’impose au fil des titres « Oh John », « Street Singer », « You’ll Learn Someday », le standard « Old Man River », « Bell Bottom Britches », « Stalling For Time », « Doctor Fone Bone », « The Forest For The Trees » et « Northern Boundary ». De son côté, Duane reste discret. C’est une musique aux accents noir et blanc, déjà, qui dégage du charme même si on ressent une légère frustration. A la fin de 1966, les Allman Joys se séparent et Duane et Gregg continuent avec le batteur Johnny Sandlin et le pianiste-guitariste Paul Hornsby. Ces derniers ont fait partie des Five Men-its qui tournent dans les mêmes clubs que les Allman Joys, avec un répertoire quasiment identique : soul et R&B. Aidé du bassiste Mabron McKinney, ils forment un nouveau groupe baptisé Almanac. Ils sont à peine ensemble depuis plus d’un mois, lorsque Bill McEuen, manager du Nitty Gritty Dirt Band les entend dans un club de Saint-Louis. Il est impressionné par ce style qu’il qualifie de white soul et par Duane Allman qui fait corps avec. Pour Bill, écouter Duane interpréter cette musique lui rappelle John Lee Hooker ou Jimi Hendrix. Il ne joue pas seulement de simples notes, mais construit une véritable trame à travers laquelle il s’exprime, vit et se raconte. Cela lui permet de partager sa passion avec le public. De plus, il a une gamme incroyablement étendue qui va du blues à la Jimi Hendrix aux standards du rhythm’n’blues. HOURGLASS ALLMAN JOYS En 1965, ils forment les Allman Joys avec le bassiste Bob Keller et le batteur Maynard Portwood. Lorsque Gregg sort diplomé de la Seabreeze High School en juin, leur mère leur trouve un agent à Atlanta qui décide de s’occuper d’eux. Le groupe commence alors le circuit classique des clubs du sud de la région. Pour trouver du travail dans ce genre d’endroit, dans les années 60, une formation se doit d’interpréter les tubes du top 40. Ce qu’ils font avec brio. Très versatiles, ils font aussi bien du R&B que du rock anglais. Leurs versions de standards du blues comme «Spoonful» de Willie Dixon et « Crossroads » de Robert Johnson sont impeccables et sans excès. La version qu’ils donnent du « Shapes Of Things » des Yardbirds témoigne de leur maîtrise du british beat. Avec l’expérience, leur talent croît, la complexité des arrangements devient 62 joliment sur sa guitare, il aide son frère pour les harmonies vocales. Leurs versions de « I’ve Been Trying » de Curtis Mayfield et de « You’ve Lost That Loving Feeling » des Righteous Brothers (pourtant pas faciles), sont alors les points forts de leur performance en public. Les Allman Joys tournent depuis un an quand John D. Loudermilk (« Tobacco Road ») les remarque au Briar Patch à Nashville. Convaincu de leurs talents, il les présente à Buddy Killen de Dial. C’est la première expérience de Loudermilk en matière de production. Simple des Allman Joys, «Spoonful», en 1966. Bill McEuen pense également que Gregg est très doué, sa voix puissante et chaude est capable de chanter tout aussi bien du rock, du blues ou du country. Il leur propose de les manager s’ils partent avec lui à Los Angeles. Ce que fait le groupe en 1967. Ils emménagent dans la maison du Nitty Gritty Dirt Band à Hollywood Hills. Gregg sympathise avec Jackson Browne. Durant les semaines qui suivent, ils se renomment Hourglass pendant ses séances d’enregistrement pour Liberty. Cela semble à peine croyable, pour les frères Allman, intenses personnages, vrais et sans concession, d’être sur ce label qui ne dispose alors que de chanteurs ou groupes policés (Bobby Vee, Vikki Carr, Sunshine Company). Chez Liberty par contre on soigne l’image au détriment des compositions et on n’encourage nullement les frères à écrire leurs chansons, se focalisant sur le beau blond qu’est Gregg et sur son puissant organe vocal. Liberty leur envoie plein de maquettes et leur fournit même des