Riffs HiFi 26.02.2011
Transcription
Riffs HiFi 26.02.2011
LE JOURNAL DU JURA / SAMEDI 26 FÉVRIER 2011 L’ESCOUADE Sûr que ce clip torride ne passera jamais à la télé! 1 ADELE 21 2 NOLWEEN LEROY Bretonne 3 SHAKIRA Sale el sol 4 ZAZ Zaz 5 THE BLACK EYED PEAS The Beginning 6 GRÉGOIRE Le même soleil Ventes d’albums en Suisse romande. Source: lescharts.ch Pour un clip torride, c’est un clip torride que celui réalisé par le cinéaste belge JeanVital Joliat pour L’Escouade, le gang de Pierre-Yves Theurillat. Sûr que la muse qui se balade en tenue d’Eve sur «Traverser les bois» vaut le coup d’œil. On vous donne le lien, vilains libidineux: www.myspace.com/video/rid/109519172 /pabr De bric et de rock COUP DE BLUES Ils en crèvent, mais ils sont la survie du rock Oubliez les Stones! Enterrez Oasis! Dévaluez – en bourse, surtout – la bande à Bono! Car si ces gars-là représentent la vitrine du rock, ils n’en constituent plus l’essence. Rebelles trop vite rassasiés, désormais animaux de cirque pour public de supermarché et sorties de contemporains, ils ont égaré l’essentiel. La foi et la faim. Tandis que d’autres... On y vient. En rampant. ■ PUSHKING Du gros rouge... pardon, du gros russe qui tache! Qu’ils soient musicos, poètes ou écolos, les Russes d’aujourd’hui sont soit franchement nationalistes, soit lobotomisés béatement par l’Europe et les USA. Les premiers refusent de porter un jean, les seconds ne jurent que par nos valeurs décadentes. Les gars de Pushking, visiblement, appartiennent à la deuxième catégorie. Sur «The world as we love it» (Phonag Records), sorte de best of tout frais, nos hard rockers popov ont fait appel à tous leurs amis de l’Ouest, style Paul Stanley, Billy Gibbons, Alice Cooper, Steve Vai, Joe Bonamassa, Steve Stevens et Steve Lukather, notamment, pour venir pousser la chansonnette ou manier la gratte. Ça sonne gentil, très occidental. Pushking? C’est pas du Pouchkine. Ni du Poutine, d’ailleurs. Encore heureux... /pabr ■ NEW YORK DOLLS Earl Slick séduit par nos vieillissantes poupées Même sans les très morts Johnny Thunders, Jerry Nolan et Arthur Kane, les New York Dolls restent les New York Dolls. Et cette vieille canaille de David Johansen, si elle l’avait voulu, aurait pu être Mick Jagger à la place de Mick Jagger. Après une très longue séparation, le groupe est de retour aux affaires, avec deux survivants de la formation originelle. Allusion au chanteur précité et au guitariste français Sylvain Sylvain. «Dancing backwards in high heels», leur ultime galette (Musikvertrieb) en surprendra plus d’un. Surtout, il semblerait que ce gang délicieusement rock and roll ait recruté le guitariste prodige Earl Slick pour sa tournée anglaise. Vivement un live! Mais personne n’oubliera Thunders. /pabr PIERRE-ALAIN BRENZIKOFER ■ GREGG ALLMAN Décidément, ce gars a fait un pacte avec quelqu’un... ELLIOTT MURPHY Ici avec son guitariste prodige Olivier Durand (à gauche): un perdant magnifique. l’Arena ou au Zénith. Et c’est tant mieux: il deviendrait aussi insupportable que Bono. Dans le genre dèche, il y a toutefois mille fois pire. Stan Webb, ça vous dit quelque chose? Non? Pourtant, le poulet déplumé et dépenaillé, leader de Chicken Shack depuis l’explosion du british blues boom, aurait pu être Clapton à la place de Clapton. Il joue tout aussi bien, nettement plus fort, et a l’intelligence de mettre du rock dans son blues, lui. Mais comme tout le monde se fout du blues dans la perfide Albion, le bougre survivait uniquement grâce à un manager helvète qui le faisait tourner inlassablement en Allemagne, en Suisse alémanique, en Italie et même à Tra- melan, berceau de l’Humanité et porte de l’Enfer. Pardon, des Franches-Montagnes. Las, le manager suisse est mort du sida. Depuis, le bon Stan chôme. Il ne joue plus qu’une fois par année au Robin Hood, estaminet pourri de l’Angleterre profonde qui correpond à nos nuées de Guilaume Tell. The thrill is gone. A quoi tient le destin... Dans le genre affamés faméliques, on arrive à l’horreur pure. Chez ces vieux Vibrators, forcément. Eux, ils sont obligés de faire un package en tournée avec les UK Subs pour économiser les faux frais. Après deux infarctus, le leader Knox a dû revenir aux affaires. On lui a permis de reprendre la guitare. Avant, il devait se contenter de (LDD) chanter. On avait donc engagé l’ancien guitariste qu’on a depuis vidé parce qu’on ne peut pas le nourrir. Les Vibrators sont les pionniers de l’ouverture à l’Est. Syldavie, Bordurie, Tchétchénie, ils ont tout arpenté. Pour ces rebelles ultimes, un jour sans concert est un jour sans pain. Au sens propre. Pourtant, leurs disques que personne n’achète valent les dernières croûtes des Stones. Alors, pourquoi Green Day et pas eux? Sûr qu’il y a du diable là-dessous On s’en fout: tous ces gars gardent la flamme et veillent sur le Graal. Alors, vous comprenez pourquoi on préférerait se couper une main plutôt que d’aller voir Status Quo? Rockers, vos papiers! /PABR R.I.P. Gary Moore, 4 avril 1952 - 6 février 2011 Cher Gary, Toi et moi, c’est une longue histoire. Alors, au moment de te rendre un dernier hommage, permets-moi de te tutoyer. Gary, au milieu des années 80, alors que les premières marques de l’adolescence scarifiaient mon visage poupin, tu m’as valu une engueulée mémorable. Ma tendre maman, cette sainte femme, avait découvert un 33 tours vibrant de tes accords – c’était «Run for cover» – que j’avais acheté en cachette. «Donner ton argent à ces drogués qui font des clips avec des femmes cul nu, t’es devenu fou?», m’avait-elle soufflé à l’oreille dans un tourbillon de douceur maternelle. Tu étais une star, le guitariste-héros roi du hard rock FM d’une décennie de folie, quand tout était permis. Comme toi, j’accompagnais ma coiffure hirsute d’un regard bourru. Entre Irlandais et Jurassien, après tout, même combat! Tu étais le maître du cliché rock’n’roll et tu vendais des disques par palettes. Tu avais rendu populaire l’héritage de Thin Lizzy, dont tu fus un membre éphémère, rappelant au monde qui était Phil Lynott, ton pote bassiste aussi black que junky. «Run for cover» en 1985, «Wild frontier» en 1987, «After the war» en 1989, une trilogie forcément haïe des puristes, trois albums que brûlent encore sur les buchers de l’intelligentsia du rock, tant ils sentent bon les ficelles de la facilité, des refrains qui circulent entre les deux oreilles aux vertiges instrumentaux d’une simplicité accrocheuse. Et tu en as eu assez, Gary. La pression, celle de produire des hits, le show-business et ses dérives, tu as tout plaqué pour revenir à tes racines: le blues. Paradoxe intéressant, ton premier essai de bluesrock, «Still got the blues» (1990), reste à ce jour ta meilleure vente. D’autres perles ont suivi, dont le merveilleux «After Hours» (1992) Alors, Gary, merci. N’en déplaise à ma maternelle – je t’aime, maman! –, merci de m’avoir ouvert aux bonheurs du rock’n’roll, sous toutes ses formes. Car Gary, du hard à l’ancienne au calibrage radio, du blues aux soli d’anthologie, tu as marqué ton temps. Et le mien. Tu as sorti «Dark Days in Paradise» en 1997. Tu n’avais que 14 ans LAURENT KLEISL d’avance... Il n’a pas été épargné par les drames, Gregg Allman. Pour ce qui est d’Allman Brothers Band, groupe mythique de rock sudiste – non, c’est trop réducteur –, notre bouleversant chanteur a dû faire face à la mort de son frère Duane. Le solo de slide sur «Layla», c’était le frère, donc. Putain de moto. Puis, ce fut au tour du bassiste Berry Oakley. Putain de moto, le retour. Sans compter ces histoires de came où Greg, pour éviter le youf, dénonça tout un tas de petits camarades. Pas beau, tout ça. Mais le blues du Sud était le plus fort. Les Allman ont survécu, avec des gratteurs prodiges comme Warren Haynes et Derek Trucks. Oui, le neveu de Butch Trucks, batteur originel. Bon, on revient à Gregg? Comme Rory Gallagher, notre homme a dû changer de foie. Contrairement à l’Irlandais, il n’en est pas mort. Il vient au contraire de pondre un album solo touché par la grâce, «Low country blues» (Universal). Du blues classique porté par une voix unique. A se demander si ce gars a passé un pacte avec quelqu’un. Crossroads? Après tout, on s’en tape. /pabr LA PLAYLIST DE... Robin Trower Playful Heart (2010) MARCEL GASSER L e rock, chantait le vétéran Ian Hunter, est un jeu de perdants. Mais qu’est-ce qu’il mesmérise! A ce propos, souffrez qu’on se livre à une petite démonstration sur le thème éculé d’«A quoi tient le succès?». En ayant recours à quelques exemples parlants. Comme celui d’Elliott Murphy. En poète maudit certifié, ce gonze a fui l’Amérique voilà une éternité. Depuis, il écume tous les clubs pourris d’Europe, ravissant ses fans au cours de gigs marathoniens. Oui, il est bien meilleur que Tom Petty, nettement moins rural-plouc que Springsteen. Sûr, il talonne Dylan dans ses meilleurs moments. Ses disques circulent. Sous le manteau ou pas. Généralement, ils sont géniaux. Le dernier, intitulé tout simplement «Elliott Murphy» (Disques Office) se veut toutefois plus intimiste. Et même si chaque personne qui le découvre tombe définitivement sous son charme, l’homme ne jouera jamais à 36 LES CHARTS ROMANDS AU 20 FÉVRIER [email protected] STÉPHANE GERBER RIFFS HIFI Qualifié non sans raison d’Hendrix blanc, Robin Trower a traversé les seventies à arracher de sa Strat des sons triturés, partageant son répertoire entre un rock forcené et un blues plus traditionnel. Toujours aussi prolifique, il s’est assagi avec l’âge et se concentre depuis 10 ans (l’éblouissant «Go my Way», 2000) sur un blues épuré, voire crépusculaire, tout en finesse et en harmonie. Faisant suite au magnifique «What Lies Beneath» (2009), ce «Playful Heart» très abouti plaira aux esthètes et aux amateurs de rock adulte. Tony Joe White The Shine (2010) Chanteur-compositeur né en Louisiane, Tony Joe White (67 ans) passe avec classe de la ballade folk la plus anodine au blues le plus noir. De sa voix fatiguée, il raconte, non sans détresse, le quotidien des laissés-pour-compte de l’Amérique profonde. Adepte d’un son minimaliste à la J. J. Cale, il torche en deux accords et sur une guitare pourrie des chroniques désillusionnées. «The Shine» fait suite à quelques albums récents très réussis, comme «The Heroines» (2004) et «Uncovered» (2006). Nostalgique, dépouillé, rustique. Joe Satriani Swans and Wormhole Wizards (2010) Adulé par les uns pour son brio, honni par les autres qui le jugent trop démonstratif, Joe Satriani ne mérite ni tant d’éloges, ni tant de haine. L’heure est aujourd’hui venue de faire fi des chapelles et d’écouter sans a priori cet Américain qui méprise les modes et poursuit avec opiniâtreté une œuvre originale. Après le décevant «Professor Satchafunkilus», cet opus-ci renoue avec les grands moments de «Super Colossal» (2006) et de «Strange Beautiful Music» (2002), deux chefs-d’œuvre. Brillant, inspiré et tonique. Hundred Seventy Split World Won’t Stop (2010) Ten Years After ne s’est jamais si bien porté que depuis le départ d’Alvin Lee. C’est que les trois faire-valoir du patron ont déniché en Joe Gooch un redoutable guitarrero, doublé d’un compositeur inspiré. Du coup, les papys et le jeune loup font de la résistance, enchaînent les tournées triomphales, avec à la clé quatre albums studio depuis 2003. Le bassiste Leo Lyons et Joe Gooch font ici un break sans leurs deux compères. Blues-rock à l’ancienne, jouissif. Free and Bad Company The Very Best (2010) Le titre est un peu prétentieux, la compilation étant toujours un exercice très subjectif. Mais voici une excellente occasion pour les non-initiés de découvrir l’une des plus belles voix du rock, celle de Paul Rodgers, sur sept titres de Free et huit de Bad Company, deux groupes qui ont marqué les années 1970-1974. La force tranquille.