Quand les gros sabots du Front national pataugent dans la

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Quand les gros sabots du Front national pataugent dans la
1er décembre 2015 Suite à deux opérations de propagande du Front National devant le TNT et le Théâtre Sorano, avec la présence active de, Didier Carette(en sixième position sur la liste Haute Garonne du FN et ancien directeur du Sorano) le Bureau des compagnies de théâtre se sent tenu d’affirmer son opposition aux propositions de ce parti par le texte ci-­‐joint : CULTURE : REPLIQUE AU FRONT NATIONAL Dans un tract électoral de Louis Aliot pour les élections régionales, sous le double intitulé Culture/Civilisation, sont recensés pêle-­‐mêle des mots-­‐d’ordres critiques et des propositions programmatiques. Au centre, le c?ur du projet : « défendre une culture enracinée, ciment idéologique de la nation » La Culture, la Civilisation, l’Esprit, c’est donc ça , et rien que ça : un embrigadement idéologique dans une pensée unique fondée sur le nationalisme. On remarquera au passage qu’une culture vivante n’a nul besoin d’être défendue, elle se soutient et est attractive par la puissance de sa propre vitalité . On sait ce que cette idéologie a de sclérosé, de mortifère, puisque ce n’est plus le dialogue entre l’?uvre et l’individu qui compte, mais son utilité dans un « récit national » largement fantasmé. Derrière ce caractère passéiste un peu ridicule, pointe l’ostracisme , une volonté de fermeture sur soi, à rebours des échanges culturels et artistiques qui sont la face heureuse de la mondialisation. Dessous cette référence à des « racines » imaginaires et mythifiées – puisque la culture de ce pays s’est nourrie d’influences et d’apports incessants-­‐ ce qui se cache c’est le refus de l’altérité, la xénophobie, le racisme. Depuis Gramsci nous savons qu’au-­‐delà des forces économiques et sociales, l’emprise des idéologies peut être décisive dans le combat politique pour la prise de pouvoir. En développant ses thèses sur la culture le FN ambitionne de faire de l’expansion d’une revendication nationaliste l’instrument d’un formatage des esprits afin de préparer une politique raciste et fascisante. Pour cela il n’hésite pas à réquisitionner par un tour de passe-­‐passe les mânes de Jean Vilar et de sa culture « d’excellence populaire » en oubliant que celui-­‐ci a monté Shakespeare, Brecht, Beckett, Gatti etc…. et que le répertoire du TNP comprenait près de la moitié de pièces étrangères. Du même Vilar, ces quelques mots au sortir de la guerre : …il me semble que nous n’arriverons à réaliser une ?uvre à la fois actuelle et durable que dans la mesure où nous serons en relation les uns avec les autres, où nous pourrons échanger nos projets, nos idées, nos auteurs, nos besoins et comparer nos échecs… « De la tradition théâtrale » Que serait le théâtre aujourd’hui en France sans l’aventure de Brecht, les expériences de Grotowski, les ?uvres de Kantor ou de Bob Wilson ? Imagine-­‐t-­‐on l’ histoire de l’art au XXème siècle sans les Picasso, Mondrian, Magritte ou Brancusi qu’ils aient ou non résidé en France ? Et la liste est longue. Au passage le Front national annonce ce qu’il veut combattre, on en voit déjà du reste l’application dans les villes qu’il dirige. Dans la première catégorie on fustige ici « la culture-­‐gadget », plus loin la « culture stéréotypée », et en troisième position la culture « élitiste ou abstraite ». On pourrait dans un premier mouvement accueillir ces deux premières propositions, fort vagues au demeurant. Ca ne mange pas de pain. Mais celle qui suit nous alerte aussitôt, on se souvient des manifestations contre tel spectacle de Castelluci ou Rodrigo Garcia, les dégradations haineuses contre les installations d’Anish Kapour à Versailles. On a en mémoire comment les peintres, et notamment les tenants de l’abstraction, ont été traités par le troisième Reich, empaquetés dans cet « art dégénéré » cible privilégiée des nazis. Rassurons-­‐nous il reste de vrais artistes, et le Front National va s’en occuper puisqu’il veut favoriser en priorité les acteurs locaux et régionaux… Une perche tendue aux artistes et compagnies en butte aux restrictions de crédits et aux difficultés de la diffusion, sauf que la phrase trouve une étrange proximité avec le thème classique de ce parti en faveur de la préférence nationale ; il suffit de descendre d’un échelon. L’appât est grossier car si l’on exclut les protagonistes de la première catégorie fourre-­‐tout, il ne restera parmi ces « régionaux » puisqu’on aura fait le ménage, que quelques labélisés, les tenants de cette soit-­‐disant « culture enracinée ». Nous savons que l’art et la culture ont besoin de confrontations, et cela transgresse les territoires, du local au national, du national à l’international. Pas de frontières en art. Cette vision de la culture version FN sent le moisi, elle dissimule une pensée régressive et dangereuse. Demain la censure sera son arme. Pour la liberté de création, pour l’appétit de découverte, pour les joyeuses confrontations, nous acteurs culturels, artistes, compagnies, spectateurs et amoureux de la culture, appelons chacun à s’opposer aux visées fallacieuses du Front National en apposant sa signature à ce texte et à le diffuser le plus largement. Le Bureau des Compagnies de Théâtre