Incontinence urinaire chez un chien mâle associée à des
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Incontinence urinaire chez un chien mâle associée à des malformations urogénitales F. COLLARD et C. TRUMEL Département de Médecine des Carnivores domestiques, Ecole Nationale Vétérinaire, 23 Chemin des Capelles, F-31076 Toulouse Cedex 3 RÉSUMÉ SUMMARY Un chiot mâle, âgé de 6 mois, est présenté à la consultation de l’ENVT pour un problème d’incontinence urinaire. La réalisation d’un examen clinique, d’une échographie abdominale et de radiographies avec produit de contraste, a permis de mettre en évidence plusieurs malformations congénitales. Puis un examen anatomo-pathologique post-mortem a confirmé l’existence de ces anomalies. Cet article présente un cas particulier d’incontinence urinaire liée à une dilatation urétrale à l’origine de nombreuses modifications de l’appareil urinaire. Urinary incontinence in a male dog due to urogenital malformations. By F. COLLARD and C. TRUMEL. MOTS-CLÉS :Incontinence urinaire - Malformation urétrale - Dilatation urétérale. KEY-WORDS : Urinary incontinence - Urethras malformation - Urethras dilatation. Introduction auparavant). Il n’effectuait que quelques rares mictions volontaires et un goutte-à-goutte permanent s’effectuait au niveau du pénis. L’incontinence urinaire chez le chiot est une affection peu courante qu’il convient de différencier d’une simple malpropreté. Elle atteint le plus souvent les femelles et résulte dans 55% des cas d’une malformation de l’appareil urinaire [4]. Cet article expose un cas d’incontinence urinaire due à une dilatation urétrale chez un jeune chien mâle. Cas clinique COMMÉMORATIFS Un chien mâle, de 6 mois, de race Epagneul français a été référé à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse pour une incontinence urinaire détectée depuis son adoption (2 mois A six month old puppy was presented at the Veterinary School of Toulouse for the investigation of an urinary incontinence. After a clinical examination, an abdominal echography and radiographs with contrast medium, various congenital anomalies were discovered. A post-mortem examination confirmed the existence of malformations. This article details a particular case of urinary incontinence due to a dilated pelvic urethras which became complicated by several urinary modifications. EXAMEN CLINIQUE L’animal était en bon état général. Le pelage était jauni par l’urine sur le ventre et les pattes postérieures. La peau, dans ces zones, était très irritée. Ce chien était monorchide, le testicule droit étant en place mais de petite taille (2 cm sur 1 cm) et le gauche n’étant pas palpable. Le pénis était de petite taille. Le prépuce avait été incisé dans les mois qui ont précédé son adoption (ouverture du fourreau en Y). La vessie était palpable, semblait en place et de petite taille. A ce stade, une démarche diagnostique d’incontinence urinaire à vessie de taille petite à normale chez le chien a été entreprise (Tableau 1) et des examens complémentaires ont été effectués de façon séquentielle. Revue Méd. Vét., 2004, 156, 5, 264-267 INCONTINENCE URINAIRE CHEZ UN CHIEN MÂLE 265 Diagnostic différentiel de l’incontinence urinaire à vessie vide chez le mâle - Incompétence sphinctérienne - Uretère ectopique - Idiopathique - Hypoplasie de la vessie - Intersexualité - Persistance du canal de l’Ouraque - Problème neurologique congénital - Inflammation du tractus urinaire - Incontinence hormono-dépendante EXAMENS COMPLÉMENTAIRES DE 1ÈRE INTENTION 1. Analyses sanguines et urinaires Les résultats de l’hémogramme et du bilan biochimique appartenaient à l’intervalle des valeurs usuelles. Une analyse d’urine a été effectuée et a montré les anomalies suivantes: - activité peroxydasique : ++, - cytologie urinaire : présence de coques, de polynucléaires neutrophiles et de cristaux de phosphate ammoniaco-magnésien. Une analyse bactériologique des urines a permis d’isoler une souche de Staphylococcus epidermidis multi-résistants. Figure 1 : Echographie de la vessie. Noter la présence d’un calcul (flèche noire). 2. Imageries médicales TABLEAU I. — Diagnostic différentiel de l’incontinence urinaire. A l’échographie de l’appareil urogénital, plusieurs anomalies ont pu être observées : - une pyélectasie bilatérale, - 2 méga-uretères, - une vessie avec un calcul et une masse à contours irréguliers (Figure 1), - un méga-urètre avec un calcul coincé en regard de la prostate (Figure 2), - une petite prostate. Une série de radiographies avec produit de contraste a été effectuée sous anesthésie générale : - une urétrographie rétrograde (Figure 3), - une cystographie double-contraste (Figure 4), - une urographie intra-veineuse (Figure 5 et 6). Elle a permis de confirmer les observations échographiques, de vérifier que les 2 uretères s’abouchaient normalement et enfin d’observer les calcifications vésicales dont une qui semblait se situer dans un vestige du canal de l’Ouraque. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES DE 2 ÈME INTENTION Afin d’écarter une incontinence liée à un déficit hormonal ou en relation avec une intersexualité, des tests ont été mis en œuvre dans un second temps. Une stimulation à la GnRH avec dosage de la testostéronémie a montré une sécrétion normale en testostérone. Un caryotype a permis de montrer que ce chien mâle était XY. Revue Méd. Vét., 2004, 156, 5, 264-267 Figure 2 : Echographie de l’urètre. Noter la présence d’un calcul (flèche noire) dans sa lumière. Figure 3 : Urétographie rétrograde : on voit nettement la dilatation urétrale (flèche noire) et la remontée de produit contraste dans un uretère. En conclusion, un diagnostic de malformation multiple de l’appareil urogénital, sans anomalie du caryotype a été posé. Les anomalies constatées ont été les suivantes : - méga-urètre, - monorchidie, - prépuce fermé. Les conséquences sur l’appareil urinaire ont été doubles : - structurales : * une infection du tractus urinaire haut, méga-uretères 266 COLLARD (F.) ET TRUMEL (C.) secondaires et pyélonéphrite avec dilatation des crêtes pyéliques, * une infection du bas appareil urinaire avec remaniement vésical et calcul pariétal. - fonctionnelles : l’incontinence urinaire du fait du mégaurètre et de l’infection du tractus urinaire. EXAMEN NÉCROPSIQUE Figure 4 : Cystographie double contraste : on distingue le calcul sur la face ventrale de la vessie (flèche blanche) et la dilatation du col vésical (flèche noire). Figure 5 : Urographie intra-veineuse à 5 min : les 2 uretères apparaissent dilatés ainsi que les 2 crêtes pyéliques. Les anomalies observées ne pouvant être traitées, le propriétaire a demandé l’euthanasie. A l’examen nécropsique, des anomalies n’ont été observées que sur l’appareil urogénital. - Pyélectasie bilatérale, diffuse et marquée avec congestion de la jonction cortico-médullaire. - Uretères dilatés (5 mm de diamètre) mais aucun sphincter urétéral n’a été observé (pas de résistance au passage de la sonde cannelée) - Paroi vésicale fortement épaissie avec des hémorragies diffuses dans la muqueuse. Deux calcifications pariétales (face muqueuse) ont été observées : une de 2 cm sur 1 cm dans le corps vésical et une deuxième de 5 mm de diamètre située dans un vestige de l’Ouraque. Aucun sphincter vésical n’est apparent (absence de rétrécissement marqué entre la vessie et l’urétre, pas de résistance au passage de la sonde). - Urètre très dilaté (diamètre > 1 cm) dans sa partie proximale. Un léger renflement, bilobé et symétrique, situé en arrière et dorsalement à la vessie a pu être observé. Son analyse microscopique a révélé la présence de structures de type glandulaire peu différenciées au sein d’un tissu conjonctif collagénique sans qu’aucune structure prostatique typique n’ait pu être mise en évidence. Le testicule gauche est inguinal et petit (1,5 cm sur 1 cm). L’examen microscopique des deux testicules a révélé l’absence complète de lignée germinale associée à une fibrose interstitielle et une hyperplasie leydigienne modérée. Discussion Figure 6 : Urographie intra-veineuse à 10 min avec persistance du produit de contraste dans l’urétre (flèche noire) suite à l’urétro-cystographie. Etiologie Chez le jeune, les principales causes congénitales d’incontinence urinaire décrites sont [3] : - l’uretère ectopique [5], - l’incompétence sphinctérienne congénitale, - l’hypoplasie vésicale, - la persistance du canal de l’Ouraque, - l’intersexualité [2]. Bien que congénitales, on constate que certaines affections atteignent plus fréquemment un sexe que l’autre. Ainsi, dans une étude rétrospective portant sur 221 cas d’incontinence urinaire [4], près de 50% des cas présentaient un uretère ectopique et 90% étaient des femelles. Chez les jeunes mâles, l’incontinence urinaire est très rare. Les principales causes sont l’uretère ectopique et l’incompétence sphinctérienne. Cette dernière est décrite chez le jeune mâle dans des cas de dilatation de l’urètre [1] alors que chez les femelles, elle est Revue Méd. Vét., 2004, 156, 5, 264-267 INCONTINENCE URINAIRE CHEZ UN CHIEN MÂLE le plus souvent la conséquence d’un urètre trop court [4]. A l’heure actuelle, on est incapable d’expliquer comment ces anomalies peuvent se produire au cours du développement. Clinique Dans la plupart des cas, l’incompétence sphinctérienne est associée à une incontinence permanente ou intermittente avec une capacité à stocker de l’urine. Lors du recueil des commémoratifs, le propriétaire peut donc décrire un animal capable de réaliser des mictions volontaires mais qui est incontinent depuis sa naissance ou son acquisition en cas d’adoption. Il est alors très important de dissocier l’incontinence juvénile de la malpropreté ou de pertes conséquence d’ une phase d’excitation ou de stress [7] et d’établir le bilan de l’ensemble des anomalies présentes [6]. Diagnostic Dans le cas présent, il s’agissait d’une incompétence sphinctérienne associée à une dilatation de l’urètre et des anomalies génitales. Le diagnostic a été clinique, radiologique et échographique. La réalisation d’une urétrographie rétrograde avec un produit de contraste est habituellement recommandée dans ces cas [3, 6, 8, 12] et a permis de visualiser l’importance de la dilatation urétrale. Ici, la réalisation en parallèle d’une échographie de l’appareil urinaire et d’un examen radiographique a permis de montrer une bonne concordance des observations fournies par les deux méthodes d’imagerie. L’examen nécropsique a confirmé les conclusions de la radiographie et de l’échographie. En pratique, le vétérinaire suspectant une malformation urogénitale pourrait donc se satisfaire de l’un de ces deux examens pour son diagnostic [11]. L’échographie présente l’intérêt de ne pas être invasive mais elle nécessite la présence d’un échographiste qualifié et d’un appareil de qualité. Un profil urodynamique aurait été un examen de choix pour mettre en évidence une réelle incompétence sphinctérienne, permettant de mesurer la pression intra-vésicale, d’étudier le volume et l’écoulement d’urine au niveau de la vessie et de l’urètre au cours des différentes phases de la miction. Dans ce cas, il a été impossible de le réaliser. Traitement Dans les cas d’incompétence sphinctérienne associée ou non à une dilatation de l’urètre, un traitement médical et ou chirurgical peuvent parfois être proposés. Un traitement médical à base de bromure d’Emepromium a permis le contrôle (durant les 8 ans de suivi) d’un cas d’incontinence urinaire associée à une dilatation urétrale [1]. Un traitement chirurgical de l’incompétence sphinctérienne sans dilatation urétrale consiste à fixer les canaux déférents à la paroi abdominale, comme lors d’une déférentopexie, ce qui ramène la prostate et la vessie crânialement [13]. Par cette technique, 7 des 8 chiens traités redevinrent continents (3 sans traitement médical associé). Ces résultats sont comparables a ceux de l’étude de Power et al. qui ont montré que, comme chez les femelles, la position de la vessie chez le mâle (abdominale ou intra-pelvienne) influe sur l’existence d’une incompétence sphinctérienne [9]. Revue Méd. Vét., 2004, 156, 5, 264-267 267 Mais, les anomalies congénitales de l’appareil urinaire sont très souvent multiples. Il est donc primordial, avant de proposer un traitement, de s’assurer de l’absence d’une autre anomalie [4, 6, 10, 12] ainsi que de lésions fonctionnelles associées à la malformation initiale comme c’était le cas chez ce chien. Conclusion Tout cas d’incontinence urinaire nécessite un examen complet de l’appareil urogénital. Les malformations et les incompétences sphinctériennes congénitales sont les principales origines de ces troubles. Les explorations échographiques ou radiographiques, en fonction des compétences de chacun, et le profil uro-dynamique sont les examens permettant de mettre en évidence l’origine de l’incontinence et donc de proposer le traitement le plus adapté. Dans le cas présent, l’association d’anomalies des appareils urinaire et génital a conduit à s’interroger sur la sécrétion de testostérone et le caryotype qui se sont révélés normaux. Remerciements Nous remercions le Docteur Lamour-Leyssol C., le Professeur Berthelot X., le Docteur Semin M.O., le Docteur Monnereau L. et le laboratoire de cytogénétique de l’ENVT pour nous avoir aidés à mener à bien nos investigations. Références 1- AARON A., EGGLETON K., POWER C., HOLT P.E. Urethral sphincter mechanism incompetence in male dogs: a retrospective analysis of 54 cases. Vet. Rec., 1996, 139, 542-546. 2-GREGORY S.P., TROWER N.D.: Surgical treatment of urinary incontinence resulting from a complex congenital abnormality in two dogs. J. Small Anim. 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