TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL N° 1102765

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL N° 1102765
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE MONTREUIL
N° 1102765
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
SOCIETE EUROCAR VACANCES INC
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. Marmier
Rapporteur
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Le Tribunal administratif de Montreuil
Mme Peton-Philippot
Rapporteur public
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(10ème chambre)
Audience du 2 mars 2012
Lecture du 16 mars 2012
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19-06-02-08-03-06
C
Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2011, présentée pour la SOCIETE EUROCAR
VACANCES INC, dont le siège est 5209A Saint-Denis à Montréal, Québec (Canada), par
Me Druenne ; la SOCIETE EUROCAR VACANCES INC demande au tribunal :
1°) le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible d’un montant de
60 448 euros dont elle disposait à l’expiration de l’année 2009 ;
2°) qu’il soit mis à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que son activité ne relève pas du régime des agences de voyages dès lors
qu’elle n’effectue pas une prestation qui bénéficie directement aux voyageurs ; qu’elle ne réalise
pas une prestation de location de véhicules au sens du 1° de l’article 259 A du code général des
impôts ;
Vu la décision par laquelle le directeur des résidents à l’étranger et des services
généraux a statué sur la réclamation préalable ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 octobre 2011, présenté par le directeur des résidents à
l’étranger et des services généraux, qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que la société requérante réalise une prestation de location de véhicules au
sens du 1° de l’article 259 A du code général des impôts ; subsidiairement, qu’elle effectue une
opération d’agence de voyages, ce qui fait obstacle à ce qu’elle puisse obtenir le remboursement
de la taxe sur la valeur ajoutée ;
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Vu, en date du 12 janvier 2012, l’avis envoyé aux parties, en application des
dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant que l’affaire
était susceptible d’être inscrite au rôle de l’audience du 2 mars 2012 et que la clôture
d’instruction était susceptible d’intervenir à compter du 3 février 2012 ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 février 2012, présenté pour la SOCIETE EUROCAR
VACANCES INC, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système de
taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2012 :
- le rapport de M. Marmier, rapporteur ;
- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE EUROCAR VACANCES INC, domiciliée au Canada,
demande le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les opérations qu’elle a
effectuées en France pour un montant de 60 448 euros au titre de l’année 2009 qui a été rejeté
par l’administration le 16 décembre 2010 aux motifs qu’elle effectuait une prestation de location
de véhicules au sens du 1° de l’article 259 A du code général des impôts et qu’elle exerçait une
activité d’agence de voyages ;
Sur les conclusions tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 242-0 M de l’annexe II au code
général des impôts : « 1. Les assujettis établis à l'étranger peuvent obtenir le remboursement de
la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été régulièrement facturée si, au cours du trimestre civil ou
de l'année civile auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas eu en France le
siège de leur activité ou un établissement stable ou, à défaut, leur domicile ou leur résidence
habituelle et n'y ont pas réalisé, durant la même période, de livraisons de biens ou de prestations
de services entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des
articles 256, 256 A à 258 B, 259 à 259 C du code général des impôts » ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 259 A du code général des impôts,
dans sa version applicable au litige : « Par dérogation aux dispositions de l’article 259, le lieu
des prestations suivantes est réputé se situer en France : / 1° Les locations de moyens de
transport : / a. Lorsque le prestataire est établi en France et le bien utilisé en France ou dans un
autre Etat membre de la Communauté ; / b. Lorsque le prestataire est établi en dehors de la
Communauté européenne et le bien utilisé en France (…) » ;
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Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SOCIETE EUROCAR VACANCES
INC, qui n’a pas en France le siège de son activité ou un établissement stable, achète des
réservations de location de véhicules auprès d’une société française et les refacture à des
grossistes canadiens ; qu’ainsi, elle n’effectue pas une prestation de location de moyens de
transport et ne réalise pas en France de prestation de service entrant dans le champ d’application
de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des dispositions du 1° de l’article 259 A du code général
des impôts ;
Considérant que, devant le Tribunal, l’administration oppose subsidiairement à la
demande de la société requérante un autre motif de rejet tiré de ce qu’elle exerce une activité
d’agent de voyages et qu’en vertu des dispositions du e du 1 de l’article 266 du code général des
impôts et du 9° du 2 du IV de l’article 206 de l’annexe II au code général des impôts, le régime
de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qui lui est applicable ne permet pas la déduction de
la taxe ayant grevé les opérations en cause ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 271 du code général des impôts :
« V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la
valeur ajoutée : (…) d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans
la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un
décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible
au titre de ces opérations; ce décret peut instituer des règles différentes suivant que les assujettis
sont domiciliés ou établis dans les Etats membres de la Communauté européenne ou dans
d'autres pays » ; qu’aux termes de l’article 266 du même code : 1. La base d’imposition est
constituée : (…) e. Pour les opérations d'entremise effectuées par les agences de voyages et les
organisateurs de circuits touristiques, par la différence entre le prix total payé par le client et le
prix effectif facturé à l'agence ou à l'organisateur par les entrepreneurs de transports, les
hôteliers, les restaurateurs, les entrepreneurs de spectacles et les autres assujettis qui exécutent
matériellement les services utilisés par le client » ; qu’aux termes de l’article 206 de l’annexe II
au code général des impôts : « IV.- 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants :
(…) 9° Pour les biens acquis ou construits ainsi que les services acquis dont la valeur d'achat, de
construction ou de livraison à soi-même est prise en compte pour l'application des dispositions
du 6° de l'article 257 du code général des impôts, du e du 1 ou du sixième alinéa du 2 de l'article
266 du code général des impôts ainsi que de l'article 297 A du code général des impôts » ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 306 de la directive 2006/112/CE du
Conseil du 28 novembre 2006 : « Les Etats membres appliquent un régime particulier de la taxe
sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre,
dans la mesure où ces agences agissent en leur nom propre à l’égard du voyageur et lorsqu’elles
utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services
d’autres assujettis. Le présent régime particulier n’est pas applicable aux agences de voyages qui
agissent uniquement en qualité d’intermédiaire et auxquelles s’applique, pour calculer la base
d’imposition, l’article 79, premier alinéa, point c) » ;
Considérant qu’il est constant que la clientèle de la SOCIETE EUROCAR VACANCES
INC, qui a pour activité la réservation de location de véhicules qu’elle revend à des grossistes
canadiens, n’est pas composée de voyageurs au sens des dispositions précitées de l’article 306 de
la directive du 28 septembre 2006 ; que, par suite, la société requérante, dont l’activité n’est pas
celle d’une agence de voyages, n’entre pas dans les cas prévus par les dispositions combinées du
e du 1 de l’article 266 du code général des impôts et du 9° du 2 du IV de l’article 206 de
l’annexe II à ce code ;
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Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE EUROCAR
VACANCES INC est fondée à demander le remboursement du crédit de taxe sur la valeur
ajoutée déductible dont elle disposait à l’expiration de l’année 2009 ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de
l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE EUROCAR
VACANCES INC et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé à la SOCIETE EUROCAR VACANCES INC le
remboursement d’un montant de 60 448 euros correspondant au crédit de taxe sur la valeur
ajoutée déductible dont elle disposait à l’expiration de l’année 2009.
Article 2 : L’Etat versera à la SOCIETE EUROCAR VACANCES INC une somme de
1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE EUROCAR VACANCES
INC et au directeur des résidents à l’étranger et des services généraux.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2012, à laquelle siégeaient :
M. Le Goff, président,
M. Noël, conseiller,
M. Marmier, conseiller,
Lu en audience publique le 16 mars 2012.
Le rapporteur,
Le président,
Signé
Signé
A. Marmier
R. Le Goff
Le greffier,
Signé
H. Herber
La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics, de la
fonction publique et de la réforme de l’Etat en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à
ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à
l'exécution de la présente décision.