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NOTULE SUR LES MESURES PROVISOIRES
DEVANT LA COMMISSION AFRICAINE
DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
par
Jean-François FLAUSS
Professeur à l’Université de Lausanne
Il est de tradition, à juste titre, de souligner la faiblesse des pouvoirs reconnus à la Commission africaine des droits de l’homme et
des peuples ( 1). Il est toutefois un domaine dans lequel l’institution
de Banjul a su desserrer le carcan que les Etats parties ont entendu
lui imposer : il s’agit de celui des mesures provisoires. En cette
matière, la Commission africaine a en effet bâti et développé un
régime juridique qui, techniquement à tout le moins, sacrifie pleinement au paradigme de la « culture d’urgence ».
Pendant longtemps la littérature juridique, même la plus autorisée car la plus systématique, n’a prêté qu’une attention toute relative, pour ne pas dire très accessoire, aux mesures provisoires susceptibles d’être adoptées par la Commission africaine ( 2). Ce n’est
que très récemment qu’une présentation doctrinale de synthèse, en
(1) Voy. entre autres dans la littérature récente, R. Murray, « The African Charter on Human and Peoples’ Rights, 1987-2000 : An overview of its progress and problems », African Human Rights Journal, vol. 1, n o 1, 2001, pp. 7 et s.; M. Hunsungule, « The African Charter on Human and Peoples’ Rights : A critical Review »,
African Yearbook of Human Rights, vol. 8, 2001, Kluwer Law International, pp. 265331.
(2) A cet égard voy. R. Murray, The African Commission on Human and Peoples’
Rights and International Law, Oxford, Portland Oregon, 2000, 316 p. L’index de l’ouvrage par d’ailleurs fort circonstancié ne comporte aucune rubrique intitulée
« mesures provisoires ». L’auteur se contente de consacrer une brève note de bas de
page (note 99, p. 20) à la question et d’un renvoi (d’ailleurs défectueux en la forme)
à des développements ultérieurs qui n’apportent aucun éclairage substantiel à la
compréhension de la compétence d’urgence de la Commission africaine. Voy. également, F. Viljoen, « Vue d’ensemble du système régional africain des droits de
l’homme », in P. Tavernier (dir.), Recueil juridique des droits de l’homme en Afrique
(1996-2000), Bruylant, 2002, p. 365. L’auteur se contente de faire observer que la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a adopté une mesure provisoire dans une affaire au moins.
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langue anglaise, a été esquissée pour la première fois ( 3). Il est vrai
que si la mise en place du dispositif des mesures provisoires date de
l’établissement du Règlement intérieur de la Commission africaine,
ses premières mises en œuvre sont en revanche beaucoup plus
récentes.
I. — Le dispositif
Les rédacteurs de l’article 111 du Règlement intérieur de la Commission africaine ont puisé leur inspiration dans les textes régissant
les mesures provisoires devant les instances de contrôle des Conventions européenne et interaméricaine des droits de l’homme. Tel est
du moins l’impression qui se dégage de la lecture dudit article 111
qui se présente comme une œuvre de synthèse, dont le libellé n’est
d’ailleurs pas exempt de formulations susceptibles de prêter équivoque.
« 1. Avant de faire connaître à la Conférence ses vues définitives sur
la communication, la Commission peut informer l’Etat partie intéressé
de ses vues sur l’opportunité de prendre des mesures provisoires pour
éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à la victime de la violation alléguée. Ce faisant, la Commission informe l’Etat partie que l’expression de ses vues sur l’adoption desdites mesures provisoires n’implique aucune décision sur la communication quant au fond.
2. La Commission ou, si elle ne siège pas, le Président, peut indiquer aux parties toute mesure provisoire dont l’adoption paraît souhaitable dans l’intérêt des parties ou déroulement normal de la procédure.
3. Lorsque la Commission ne siège pas, le Président peut prendre au
nom de la Commission, toute mesure nécessaire en cas d’urgence. Aussitôt la Commission réunie, la Président lui fait rapport sur les
mesures qu’il a été amené à prendre. »
A s’en tenir à la lecture de cette disposition, il serait concevable
de soutenir que les finalités assignées par la Commission africaine
aux mesures provisoires sont plus nombreuses et plus complètes que
(3) En ce sens voy. l’étude de G.J. Naldi, « Interim measures of protection in the
African system for the protection of human and peoples’ rights », African Human
Rights Law Journal, volume 2, n o 1, 2002, pp. 1-10. Pour un aperçu plus rapide, voy.
G. Baricako, « La mise en œuvre des « décisions » de la Commission africaine des
droits de l’homme et des peuples par les autorités nationales », in Institut international des droits de l’homme, L’application nationale de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples, Bruylant 2003 (à paraître).
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celles retenues par les systèmes européens, interaméricains et onusien de protection des droits de l’homme. En effet, alors que ces derniers ne consacrent qu’alternativement, soit l’intérêt des parties ou
le bon déroulement de la procédure (Commission européenne des
droits de l’homme et Cour européenne des droits de l’homme), soit
le risque de dommage irréparable pour la victime (Cour interaméricaine des droits de l’homme, Commission interaméricaine des droits
de l’homme ainsi que le Comité des droits de l’homme des Nations
Unies), le texte africain envisage les trois buts en question. Mais
force est de reconnaître qu’il ne s’agit que d’un trompe-l’œil, dès
lors que tous les organes de contrôle précités ont assigné aux
mesures provisoires qu’ils prononcent les trois finalités susmentionnées, même si l’une ou l’autre d’entre elles n’était pas prévue par
le texte régissant leur compétence ( 4).
Le texte de l’article 111 du Règlement intérieur a pu être compris
comme habilitant la Commission africaine à prononcer deux types
de mesures provisoires : d’une part, celles liées à des situations d’urgence, d’autre part, celles qui ne seraient pas fondées sur l’urgence ( 5). Une telle interprétation appuyée sur une invocation, à
titre comparatif, des dispositions applicables devant la Cour et la
Commission interaméricaines des droits de l’homme ne convainc
guère. En effet si une telle lecture du Règlement intérieur de la
Commission africaine devait être retenue, cela reviendrait à dire que
les mesures provisoires seraient aussi un procédé d’administration
ordinaire de la justice. Or, pareille constatation méconnaîtrait fondamentalement et structurellement le fait que toute mesure provisoire est intrinsèquement tributaire de l’existence d’un risque de
préjudice irréparable pour la victime, c’est-à-dire par définition
d’un cas d’urgence.
Si la compétence de la Commission africaine à prononcer des
mesures provisoires dépend de l’introduction préalable d’une communication, peu importe en revanche que celle-ci soit étatique ou
(4) Lors de la révision du Règlement intérieur de la Commission africaine la
marge de manœuvre aurait été aux dires de certains (en ce sens voy. spécialement
G.J. Naldi, « Interim measures of protection in the African system of protection of
human and peoples rights », précité p. 5, note 14.), réduite du fait de la substitution
de la notion de « préjudice irréparable » (art. 111 nouveau) à celle de « dommage irréparable » (art. 109 ancien) dans la mesure où le sens ordinaire de la seconde expression serait plus large que celui de la première.
(5) En ce sens voy. G.J. Naldi, « Interim measures of protection in the African
system for the protection of human and peoples’ rights », African Human Rights Law
Journal, volume 2, n o 1, 2002, (précité), p. 6, note 17.
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individuelle. De même si l’article 111 du Règlement intérieur n’envisage expressément que l’hypothèse du prononcé d’office des
mesures provisoires, il est néanmoins avéré que la Commission
accepte également de statuer sur les demandes initiées par les
« requérants » ( 6). Cette dernière solution est parfaitement illustrative de l’orientation de la politique prétorienne suivie par la Commission africaine, soucieuse à la fois de renforcer la protection des
individus et d’accroître sa propre autorité.
II. — La pratique
Au cours de la dernière décennie, la Commission africaine a été
amenée, à plusieurs reprises, à adopter des mesures provisoires.
Certes dans l’absolu, le nombre des « décisions » rendues en application de l’article 111 du Règlement intérieur, à savoir onze, paraîtra
relativement faible ( 7). Mais il faut le rapporter au chiffre total des
communications traitées par la Commission, en l’occurrence 266 à la
fin de l’année 2002. Il convient surtout d’insister sur le fait que la
plupart des mesures provisoires ont été prononcées depuis le début
de l’année 2001 ( 8). Pratiquement toutes les mesures provisoires
prononcées l’ont été en relation avec des situations dans lesquelles
il y avait menace sur la vie ou/et sur l’intégrité physique des victimes ( 9). Statutairement, les mesures provisoires adoptées par la
(6) Communication 87/93, Constitutional Rights Project (in respect of Zamani Lekwot and six Others) v. Nigeria at http://up.ac.za/chr/ahrdb/ahrdb.html; Communications 137/94, 154/96 & 161/97 International Pen Constitutional Rights Project, Interights (on behalf of Ken Saro-Wiwa Jr and Civil Liberties Organisation) v. Nigeria
(2000) 7 International Human Rights Reports, 274, par. 30.
(7) Chiffre communiqué aimablement par le secrétaire de la Commission africaine
des droits de l’homme et des peuples, M.G. Baricako.
(8) En l’espèce 9 sur un total de 11.
(9) Communication 60/91 Constitutional Rights Project v. Nigeria at http://
www.uo.ac.za/chr/ahrdb/ahrdb.html ; Communications 93/92, 88/93 et 91/93 Jean
Yaovi Degli (on behalf of Corporal N. Bikagne) Union interafricaine des droits de
l’homme, Commission internationale des juristes V. Togo at http://www.up.ac.za/chr/
ahrdb/ahrdb.html; Communication 87/93, Constitutional Rights Project (in respect of
Zamani Lekwot and six Others) V. Nigeria at http://up.ac.za/chr/ahrdb/ahrdb.html;
Communications 140/94, 141/94 & 145/95 Constitutional Rights Project, Civil Liberties
Organisation and Media Rights Agenda v. Nigeria, Thirteenth Annual Activity Report
of the African Commission on Human and Peoples’ Rights 1999-2000, AHG/222
(XXXVI), Annex V. ; Communication 239/2001 Interights (on behalf of J.D. Sikunba) c. Namibie [La Commission demande à la Namibie de ne pas extrader un
individu vers l’Angola où se dernier craignait d’être torturé et exécuté du fait qu’on
lui reprochait d’appartenir au mouvement rebelle UNITA] Communication 240/2001
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Commission africaine ne sont revêtues d’aucune force obligatoire :
elles sont tout au plus assimilables à des recommandations. Dans
ces conditions, il n’est pas étonnant que leur efficacité soit demeurée
toute relative,, ou pour le moins fort inégale selon les Etats destinataires. En effet, les cas dans lesquels les Etats défendeurs ont suivi
les mesures préconisées sont nettement moins nombreux ( 10) que
ceux dans lesquels ils ont superbement ignoré les demandes de la
Commission africaine ( 11). L’exemple le plus emblématique d’indifférence à l’égard de mesures provisoires, pourtant formulées de
manière très insistante, demeure sans doute l’attitude du Nigeria
dans la célèbre affaire « Ken Sara Winwa et autres » ( 12).
En octobre 1995, la Commission africaine avait demandé la suspension de l’exécution de la condamnation à mort prononcée contre
des opposants politiques au régime militaire. A titre de précaution
supplémentaire la Commission avait saisi le Président et le Secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine afin qu’ils interviennent auprès du Président du Nigeria. En novembre 1995, les
condamnations furent exécutées... Face à cet échec, la Commission
africaine a tenu une session extraordinaire au cours de laquelle elle
« a invité le Nigeria à présenter conformément à l’article 62 de la
Charte africaine les mesures prises en vue d’assurer le respect des
droits et libertés reconnus et protégés par la Charte africaine relatifs
à l’indépendance de la magistrature, la sécurité des personnes et des
biens, à la liberté d’opinion et d’expression ainsi qu’aux droits
sociaux des travailleurs » ( 13).
←
Interights c. Botswana. [La Commission demande au Botswana, en l’occurrence par
un appel adressé directement au chef de l’Etat, de surseoir à l’exécution d’une personne condamnée à mort pour meurtre].
(10) Voy. en ce sens communication 234/2001 Interights c. Namibie. [Dans un premier temps le Gouvernement namibien avait rejeté la demande de non-extradition.
Il a fallu qu’un membre de la Commission africaine des droits de l’homme et des
peuples se rende en Namibie pour faire libérer le prévenu contre l’avis d’ailleurs du
ministère de l’Intérieur].
(11) Voy. par exemple, Communication 240/2001 Interights (on behalf of
M.S. Bosch) c. Botswana. [La personne condamnée à été exécutée. Les autorités du
Botswana n’ont même pas daigné répondre à la demande de la Commission, qui a
été informée de l’exécution par d’autres sources].
(12) Communications n o 137/94 International Pen c. Nigeria et n o 139/94 Constitutional Rights Project c. Nigeria (introduite pour le compte de M. Ken Sara Wiwa et
ses compagnons Ogoni).
(13) Communiqué final de la 2 e session extraordinaire de la Commission africaine
des droits de l’homme et des peuples tenue à Kampala (Ouganda) du 18 au
19 décembre 1995 (ACHPR/FIN COMM/2 nd Extraordiniary para. 176)
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Consciente des limites de son action, la Commission s’est évertuée
à renforcer la force juridique des mesures provisoires qu’elle prononçait. Pris à la lettre, l’article 111 du Règlement intérieur de la Commission utilise une terminologie (en l’occurrence le verbe « indiquer ») qui, quelque soit l’éclairage interprétatif retenu (lecture
« selon le sens ordinaire du terme » ou au contraire lecture par appel
à la méthode comparative), ne peut être comprise comme attribuant
une valeur contraignante auxdites mesures provisoires. D’ailleurs, si
tel avait été le cas, la compétence de la Commission africaine à établir à son profit un pouvoir de coercition à l’égard des Etats parties
n’aurait pas manqué d’être contestée avec véhémence.
Forcée de constater que les Etats parties n’entendaient pas
admettre qu’il existait, à tout le moins, à leur charge une obligation
de prise en compte de bonne foi des mesures provisoires, la Commission africaine va, au terme d’un raisonnement fondé sur une interprétation téléologique de la Charte africaine, attribuer à ces dernières une force contraignante. En l’occurrence c’est l’affaire Ken
Sara Wiwa précitée qui lui donnera, en 1995, l’occasion d’opérer un
tel développement prétorien. Considérant que le Nigéria était lié par
l’article 1 de la Charte et que l’une des fonctions de la Commission
était d’assister les Etats parties à exécuter les engagements souscrits au titre de la Charte, la Commission estime que le Nigéria en
refusant de donner effet aux mesures provisoires viole l’article 1 de
la Charte. En clair, il n’a pas respecté l’obligation qui lui est faite
par l’article 1 de la Charte de prendre les « mesures autres » que
législatives pour appliquer les droits consacrés par ladite Charte ( 14).
La méconnaissance par un Etat partie des mesures provisoires
constitue donc une violation de la Charte. Il va sans dire que la
démarche de la Commission africaine, même si elle pêche peut-être
par une argumentation insuffisamment élaborée, constitue un précédent intéressant dans le contentieux international de l’urgence susceptible de retenir l’attention de la Cour européenne des droits de
l’homme, ne serait-ce d’ailleurs en l’occurrence que pour des raisons
d’amour-propre...
L’œuvre constructive de la Commission africaine dans le domaine
des mesures provisoires constitue l’une des contributions les plus
notables de la Charte africaine au droit international des droits de
(14) Article 1 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples : « Les
Etats membres de l’Organisation de l’Unité africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s’engagent à adopter
des mesures législatives ou autres pour les appliquer ».
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l’homme. Sur le terrain de la protection provisoire liée à l’urgence,
le standard offert aux victimes soutient, à tout le moins normativement, la comparaison avec celui en vigueur dans les autres systèmes
internationaux (régionaux ou internationaux) de protection des
droits de l’homme. Si nécessaire, la Commission africaine serait
d’ailleurs aujourd’hui parfaitement à l’aise pour conforter l’option
qu’elle a retenue en 1995, en s’appuyant, comme l’y autorise la
Charte elle-même (art. 60-61), sur le droit international général,
c’est-à-dire en faisant appel à la jurisprudence LaGrand de la Cour
internationale de justice.
Il n’en demeure pas moins que l’efficacité des mesures provisoires
adoptées par la Commission africaine continuera fondamentalement
à dépendre de l’attitude des Etats parties à la Charte. Or, si les
progrès de la démocratisation des régimes politiques africains est de
nature à favoriser une meilleure prise en considération des mesures
d’urgence préconisées par la Commission africaine, ils sont encore en
l’état manifestement insuffisants pour promouvoir, à l’échelle du
continent africain, une véritable culture de l’urgence dans le
domaine de la protection des droits fondamentaux.
En tout état de cause, le jeu des mesures provisoires devant la
Commission africaine pourrait fort bien, à plus long terme, être
affecté par la compétence d’urgence qu’exercerait la future Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples ( 15).
Au stade actuel, il est simplement concevable de spéculer. Mais il
n’est pas exclu que la future Cour puisse être amenée à jouir d’un
rôle prééminent dans le domaine des mesures provisoires. En effet
la compétence dévolue conventionnellement à la Cour s’analyse
prima facie comme un pouvoir de décision. Dans la mesure où les
pouvoirs d’urgence de la Cour africaine des droits de l’homme et des
peuples ont été calqués sur ceux de la Cour interaméricaine des
droits de l’homme ( 16), il n’est pas impossible que celle-ci soit tentée
de suivre fidèlement la pratique établie dans le cadre du système
interaméricain. En d’autres termes, la Cour africaine n’attendrait
(15) Article 27(2) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples,
1998. : « Dans les cas d’extrême gravité ou d’urgence et lorsqu’il s’avère nécessaire d’éviter
des dommages irréparables à des personnes, la Cour ordonne les mesures provisoires
qu’elle juge pertinentes ».
(16) En ce sens, voy. G.J. Naldi et K. Magliveras, « Reinforcing the African
System of Human Rights : The Protocol on the Establishment of a Regional Court
of Human and Peoples’ Rights » (1998) 16, Netherlands Quarterly of Human Rights,
pp. 451-2.
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pas d’être saisie pour exercer son pouvoir d’urgence, mais elle
ordonnerait des mesures provisoires à la requête de la Commission,
alors même que l’affaire serait encore pendante devant cette dernière. Etant donné l’autorité qui s’attachera aux mesures provisoires ordonnées par la Cour et eu égard par ailleurs aux incertitudes relatives à la délimitation des compétences respectives de la
Commission et de la Cour, il ne serait pas étonnant que les « saisissants » soient eux aussi incités à diriger directement le contentieux
de l’urgence vers la Cour. L’emprise de celle-ci sur le contentieux de
l’urgence se trouverait encore renforcée, si elle devait se comporter
comme une juridiction d’appel ou de révision des mesures provisoires prononcées par la Commission : il en serait de la sorte si la
Cour, saisie d’une affaire, devait se reconnaître une compétence de
levée ou/et de confirmation des mesures provisoires précédemment
adoptées par la Commission. Autant dire que l’entrée en vigueur du
protocole de 1998 risquerait fort de fragiliser, et en tout cas de complexifier inutilement, un édifice en croissance qui gagnerait surtout
à être consolidé. Comme quoi le mieux est effectivement bien souvent l’ennemi du bien!
✩