L`Echo du 17 mars 2010

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L`Echo du 17 mars 2010
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L’Echo
MERCREDI 17 MARS 2010
DÉBATS & OPINIONS
Pour un statut de travail
e
digne du XXI siècle
Égidio Di Panfilo
Secrétaire général Setca Liège
L
es employés belges
seront dans la rue
ce mercredi 17
mars. Ce n’est pas
par plaisir qu’ils
perdront une nouvelle fois de l’argent, mais parce qu’ils veulent
conserver des perspectives d’ave-
nir pour eux, mais aussi leurs enfants ou petits enfants qui arriveront demain sur ce qu’il faut appeler le «marché du travail».
Cette expression communément admise et utilisée est significative de la manière dont les travailleurs sont considérés dans
notre société: comme une vulgaire
marchandise qui s’achète et se
vend selon les «règles» du marché.
C'est-à-dire de la «loi» de l’offre et
de la demande. Sans réglementation, sans balise, le résultat d’une
telle logique est connu: la misère
pour les plus pauvres obligés de se
vendre à n’importe quel prix pour
survivre. Le dernier ouvrage de la
journaliste Florence Aubenas est
venu fort à propos rendre visible
cette vérité que beaucoup préfèrent ignorer. C’est pour corriger
ces effets dommageables pour
l’immense majorité des travailleurs que, au fil des luttes sociales,
une série de règles ont été
conquises (et parmi celles-ci un
contrat pour les employés en 1921
seulement) pour donner naissance dans le climat insurrectionnel de la Libération au Pacte social
et au système de concertation sociale à la belge.
PACTE SOCIAL
Ce système est un compromis qui
peut être résumé par une équation simple: redistribution des richesses produites = paix sociale.
Ce pacte social permit à la Belgique de vivre une période de
prospérité inédite durant laquelle
le niveau de vie des travailleurs a
sensiblement augmenté tout en
permettant aux plus riches de
continuer à s’enrichir. Mais dans
un système capitaliste, le désir
d’accumuler des richesses est sans
fin. Celui qui a veut toujours plus.
La mutation progressive d’un capitalisme essentiellement industriel en un capitalisme dominé par
ses aspects financiers a accéléré et
aggravé toute les dérives inhérentes à ce système économique
basé sur l’exploitation des plus faibles par la minorité des plus forts.
C’est contre cette évolution que
les travailleurs se mobilisent régulièrement. Car lorsqu’on
veulent que la Belgique reste à la
pointe du progrès social: un État
moderne, avec une économie moderne, qui a pour objectif un
mieux-être pour l’ensemble des
personnes qui vivent sur son territoire. Ils ne veulent pas d’une société qui pratique l’exclusion et la
économistes ne prévoient-ils jamais les crises qu’à posteriori?
À lire les nombreuses chroniques de l’Itinera Institute ou de
Bruno Colmant, on cherche en
vain les différences avec les textes
de la FEB, et notamment son récent cri : Laissez-nous entrepren-
Si l’économie était une science aussi exacte
que ses gourous le prétendent, pourquoi
les économistes ne prévoient-ils jamais
les crises qu’à posteriori?
change le premier terme d’une
égalité mathématique, il est indispensable de modifier aussi le second pour rétablir cette égalité.
Les travailleurs bougent car ils
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terreur sur les plus faibles pour
fragiliser l’ensemble de la population .
MODERNES?
Qui sont les modernes aujourd’hui? Les représentants des
travailleurs qui cherchent à améliorer les conditions de travail et
de vie de la population, ou ceux qui
parlent de solutions «naturelles»,
indiscutables, prouvées par des
«lois scientifiques» économiques
qui n’ont de scientifique que le
nom? Car si l’économie était une
science aussi exacte que ses gourous le prétendent, pourquoi les
dre. On y cherche aussi la soi-disant nouveauté dans le projet de
société. Où se situe donc la modernité à rêver d’un retour aux conditions sociales qui permettaient à
Marx de décrire la Belgique
comme le paradis du capitalisme?
En fait, le patronat semble être à la
recherche de son paradis perdu
tandis que les travailleurs désirent le réaliser ici et maintenant.
Contrairement au discours savamment entretenu dans les médias, la Belgique est loin d’être un
pays stalinien où les entreprises
ne peuvent pas investir. La Belgique est un pays où la flexibilité
sur le marché du travail est importante, y compris au regard des autres pays de l’Union européenne.
La différence de statuts entre les
ouvriers et les employés n’y est aucunement une exception européenne et sur tous les aspects (licenciement collectif, préavis,
chômage…), chaque pays a maintenu des spécificités qui, prises
globalement, ne permettent pas
de dire que la Belgique est dans un
déficit concurrentiel avec ses voisins.
Les employés seront donc devant la FEB ce mercredi 17 mars
2010 pour dire qu’ils veulent pour
eux-mêmes, mais aussi pour tous
les travailleurs: un délais de préavis minimum de trois mois par
tranche entamée de cinq ans; une
période d’essai de 6 mois maximum incluant toutes les prestations faites chez un même employeur (CDD, remplacement…);
un chômage temporaire encadré
et n’étant pas à charge de la sécurité sociale; la suppression du jour
de carence; une meilleure législation sociale et des conventions
collectives de travail qui s’appliquent également aux cadres…
C’est pourquoi les employés seront dans la rue pour que l’harmonisation des statuts ouvriers et
employés mène à un statut digne
du XXIe siècle. Pas à un retour à
celui du XIXe siècle! 쐽
UNE AGENCE DE PROTECTION DU CONSOMMATEUR DE CRÉDIT VA ÊTRE CRÉÉE
La réforme financière US
se trompe de cible
Le contexte. Aux Etats-Unis, Christopher Dodd, président de la commission bancaire du sénat, a présenté son projet de réforme financière. Il souhaite notamment créer une agence de protection financière du consommateur. En Belgique, c’est la CBFA qui devrait prochainement tenir ce rôle.
es républicains et les démocrates modérés ont raison de
s'opposer à la nouvelle agence de
protection
financière
des
consommateurs. Tel qu'elle est
conçue, cela augmenterait la probabilité de crises futures, plutôt
que de la réduire. Ses partisans affirment que les régulateurs bancaires ont trop insisté sur la sécurité et la solidité bancaire, au
détriment de la protection des
consommateurs. Ils disent que le
manque de protection des
consommateurs explique la crise
financière. Rien n’est moins vrai.
Une bulle immobilière, tirée par le
crédit facile et une croyance erronée que les prix des logements
grimperaient éternellement, a
provoqué la crise.
La gravité de la bulle immobilière et de son éclatement a été le
résultat d’un crédit accordé de
manière trop «amicale». Le premier facteur déterminant de la
restitution des maisons hypothéquées est un patrimoine net négatif pour l'emprunteur: le bien immobilier vaut moins que ce que
l’emprunteur doit à la banque.
Pourtant, cette nouvelle agence
n'aurait pas le pouvoir d'augmenter l’apport personnel.
Sous couvert de protection des
consommateurs, la réglementation bancaire a passé la majorité
de la décennie à presser les
banques d'étendre le crédit im-
L
L’Echo a préparé pour vous un dossier en béton sur les investissements immobiliers. Des maisons
aux appartements, bureaux et commerces, en passant par les flats pour seniors. Qu’est-ce que cela
rapporte? Quelle est la meilleure manière de procéder? Allez-vous comme la plupart acheter et
louer? Ou un fonds immmobilier rapporte-t-il plus? Ou des certificats et des actions? Vous trouverez
des réponses solides dans le dossier ‘Investir dans l’immobilier’, ce samedi dans Mon Argent.
Le dossier ‘Investir dans l’immobilier’ de Mon Argent.
Ce samedi avec L’Echo.
mobilier. Retirer la mise en application des règlementations sur les
prêts, comme le CRA, des mains
des régulateurs bancaires élimine
leur capacité à trouver un équilibre entre mise en application de
ces mesures et sécurité et stabilité
de nos institutions financières. La
réglementation doit être fondée
sur ce que nous savons qui fonctionne ou ne fonctionne pas.
SÉPARATION RATÉE
Séparer la réglementation de la
sécurité et de la solidité de la protection des consommateurs a déjà
été tenté dans le cadre de Fannie
Mae et Freddie Mac. De 1992 à
2008, le ministère du logement et
du développement urbain américain (Department of Housing and
Urban Development- HUD) imposait à ces deux entités des objectifs, en termes d’accès au logement
abordable, tandis que le Comité
fédéral de surveillance des entreprises immobilières (Office of Federal Housing Enterprise Oversight) surveillait leur santé
financière. Sans surprise, le HUD
a continué à pousser Fannie et
Freddie à prendre toujours plus de
risques, sans égard à leur santé financière. Le résultat a été un renflouement de ces entreprises par
le contribuable.
Wall Street est également
exempté du contrôle de cette nouvelle agence. La surveillance de
Wall Street restera à la Securities
and Exchange Commission
(SEC), une agence en proie à
l'échec. Et les exemptions particulières ne s’arrêtent pas là. Toutes
les sirènes de la bulle immobilière,
agents et constructeurs immobiliers, qui promettaient que les logements seraient des placements
garantis ne seront pas couverts
par cette nouvelle agence de protection des consommateurs.
L'intention derrière cette nouvelle agence n'est pas d'empêcher
de futures crises financières ou de
protéger le contribuable. Elle est
d'étendre les pouvoirs des tribunaux et de la réglementation fédérale sur les produits financiers offerts par des établissements non
bancaires, tels que les changeurs
de chèques (check cashiers) et les
prêteurs sur salaire (payday lenders). Quoi que l’on pense de ces
sociétés financières non bancaires, nous pouvons convenir
qu'elles n’ont pas provoqué la
crise financière. Et ces entités
sont déjà couvertes par l'autorité
de la Federal Trade Commission
pour l’élimination les pratiques
déloyales et frauduleuses.
Malheureusement les efforts
pour créer une nouvelle agence du
consommateur de la finance nous
distraient des failles réelles de notre système financier. Washington
devrait concentrer ses efforts sur
la protection du contribuable.
Plutôt que de déplacer les soi-disant protections du consommateur vers une nouvelle autorité de
régulation, le Congrès devrait
contenir les efforts de l’État à encourager les prêts à risque. 쐽
Mark A. Calabria, directeur des
études sur la réglementation financièreauCatoInstitutàWashington.
Texte publié en collaboration avec
www.unmondelibre.org