Le médiateur de l`information de France 2 - Aix

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Le médiateur de l`information de France 2 - Aix
UNIVERSITÉ PAUL CÉZANNE - AIX-MARSEILLE III
FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE
INSTITUT D’ÉTUDES ET DE RECHERCHES EN DROIT
DE LA COMMUNICATION
LE MEDIATEUR DE L’INFORMATION DE FRANCE 2
Rapport présenté par Sonia AMRAOUI
LE MÉDIATEUR DANS LES MÉDIAS
Rencontres d’Aix-en-Provence, 12 mai 2004
INTRODUCTION
« La médiation c’est indispensable, les journalistes comme les autres doivent rendre des
comptes »1. Mode de règlement des conflits, il permet à un tiers neutre de tenter, à travers
l’organisation d’échange entre les parties, de permettre à celles-ci de confronter leurs points de vue
et de chercher une solution au conflit.
En outre, selon Jean-Daniel Flaysakier, «dans un journal, une connerie, elle se voit et on peut la
rectifier. En télé c’est plus difficile. Et donc encore plus nécessaire (…). Si l’on ne peut considérer
que le journaliste a toujours raison, c’est pareil pour le téléspectateur ». C’est ainsi que Xavier
Gouyou-Beauchamp, Président de France 2, nomme fin 1997 le premier médiateur de l’information
de France 2, Didier Epelbaum.
La fonction de médiateur née aux États-Unis, est instaurée en France par Albert de Roy pour
répondre à la méfiance des téléspectateurs envers les journalistes depuis la guerre du Golf. Le
concernant, il souhaite à l’époque que le public soit moins « derrière »et l’une des premières
conséquences sera l’indication aux téléspectateurs de la violence des images à suivre. De plus,
France 3 possède un médiateur de l’information (Marie-Laure Augry) et France Télévisions un
médiateur des programmes (Geneviève Guicheney). Concernant TF1, la chaîne possède un service
d’accueil des téléspectateurs (SAT) qui n’existait pas il y a cinq ans, et compte de nos jours douze
personnes.
Depuis juillet 2000 c’est Jean-Claude Allanic qui occupe la fonction de médiateur de
l’information et répond aux critiques et questions des téléspectateurs sur la couverture de l’actualité
par les journalistes de la chaîne. Il fait part ensuite de ces remarques aux intéressés par le biais de la
lettre eu médiateur et de son rapport annuel accessible en revanche à tous. Par conséquent cette
fonction n’a eu de cesse d’être améliorée, notamment avec la création de l’émission « L’Hebdo du
médiateur », durant laquelle Jean-Claude Allanic poursuit sa mission. Son taux d’audience moyen
est de cinq points, soit environ deux millions de téléspectateurs et 15 à 17% de part de marché.
1
Gérard Leclerc, responsable du service politique de France 2, L’Humanité Hebdo, 18 octobre 2003
C’est surtout l’engouement du public pour ce programme qui pousse à s’interroger sur l’intérêt
de la mission du médiateur de l’information et principalement dans quelles mesures cette fonction
est nécessaire en télévision.
Ainsi conviendra t-il de traiter dans un premier temps le souci de connaître la manière dont
l’information télévisée est perçue (chapitre 1), pour dans un second temps s’intéresser au souci de
son amélioration (chapitre 2).
CHAPITRE 1- LE SOUCI DE CONNAITRE LA NATURE DE LA PERCEPTION DE
L’INFORMATION TELEVISEE
L’importance accordée à la télévision comme source d’information, donne à ce média une
spécificité qu’elle tient également des images qu’elles diffusent et du pouvoir de ces dernières. Par
conséquent les propos informatifs produits par les journaux d’information de France 2 suscitent des
réactions chez le public que le médiateur se doit de recueillir (section 1). En outre, ce recueil de
données qualifié par Jean-Claude Allanic de « miroir de l’actualité »2, permet de comprendre notre
société (section 2).
SECTION 1- UN MÉDIA ORIGINAL,
D’INCOMPRÉHENSIONS DU PUBLIC
SOURCE
DE
PROTESTATIONS
ET
§1- La relation entre ce média et le public
La spécificité de ce média réside en ce qu’il est de plus en plus regardé. Son contenu fait l’objet
de vives discussions à mesure qu’il est visionné, et c’est ainsi que naît le débat. En effet, le
téléspectateur a une culture télévisuelle telle qu’il n’est plus un consommateur passif. Bien au
contraire : Francis Dones, responsable du service d’accueil des téléspectateur de TF1 (SAT), dira
que les remontrances perçues dans le courrier traduisent « une relation passionnée affective »3.
C’est ce caractère particulier que revêt la télévision, qui conduit à voir le public comme un
récepteur actif et non plus comme une simple cible à atteindre.
2
3
Rapport annuel 2002, p. 5
Le Monde Télévision, lundi 5 au dimanche 11 mai 2003
À ce propos, le rapport annuel 2002 du médiateur le rappelle, en consacrant sa première partie
aux « téléspectateurs citoyens et actifs » car ces derniers veulent être considérés et respectés. Aussi,
cette exigence exige une écoute de leur « coup de colère »4, d’autant qu’ils prônent la mission de
service public pour fonder leurs plaintes : leur droit de regard sur le traitement de l’actualité est
justifié par la redevance télévisuelle. En outre, si ce lien affectif entre le public et « sa » télévision
suppose la création de la médiation, la manière dont l’information est traitée est un argument
supplémentaire à l’écoute du public en la matière.
En effet, les magazines d’informations usent d’images sans réel contenu, uniques illustrations de
reportages trop courts dus aux contraintes de temps pesant sur les journalistes. En résulte une
multitude de sujets « imagés » traités à la hâte. L’information est perçue de manière erronée, et les
doutes et interrogations du public doivent alors être entendus et pris en compte.
A la lumière de ces éléments, une mission de médiation a dû être mise en place au sein de France 2.
§2-La médiation, une fonction nécessaire, aux moyens efficaces.
Selon Jean-Claude Allanic : « Le service public est le réceptacle de tous les reproches que les
téléspectateurs font à l’ensemble des chaînes »5. Son rôle est de faire passer un message entre deux
catégories, le public et les journalistes, qui ne parlent pas le même langage, alors même qu’ils
nourrissent un rêve commun : la connaissance de l’information.
Or, nous pouvons nous demander si le médiateur doit défendre les journalistes ou n’être que le
porte parole des mécontents. En réalité son rôle premier est d’être à l’écoute des doléances et
insatisfactions du public sans être un procureur, avocat de la défense ou même un arbitre. Son rôle
de passerelle entre public et la rédaction de l’information permet d’informer les journalistes des
conséquences de leurs travaux.
Afin de mieux cerner sa fonction, il convient d’apporter des précisions quant à l’exercice de la
médiation.
Jean-Claude Allanic est désigné médiateur de l’information de France 2 par le président de
France télévisions Marc Tessier le 1er juillet 2000 après appel à candidature. Six candidats se sont
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5
Rapport annuel du médiateur 2002, p. 1
Le Monde, 16 septembre 2003
présentés devant un jury composé de délégués du personnel, représentants de sociétés de
journalistes. Parmi les trois noms désignés par le jury, le président en nomme un.
La raison de la candidature de Jean-Claude Allanic tient en sa volonté d’avoir une vision
d’ensemble de l’actualité et de la société. Après une carrière de journaliste débutée sur Antenne 2
en 1977, il désire être au cœur du métier en fin de parcours professionnel. En 2003, le mandat initial
de deux ans du médiateur est de trois ans renouvelable. C’est tacitement que Jean-Claude Allanic
est reconduit suite au changement statutaire de sa fonction.
À ce sujet, il souhaiterait plutôt un mandat de cinq ans non renouvelables6 « délai suffisamment
long pour une vision d’ensemble ». Mais surtout il se pose la question de savoir par qui être
renouvelé si renouvellement il y a : le président de France Télévisions ? les syndicats ? Pas question
pour lui de céder aux exigences de l’un ou des autres : il ne briguera pas d’autre mandat à l’issue du
sien en 20067.
Le médiateur est inamovible, son successeur est nommé trois mois avant la fin de leur mandat.
Surtout, il est indépendant de toute hiérarchie, n’appartient pas à la rédaction et ne dépends pas de
Marc Tessier. Les raisons de sa désignation résident selon lui en son expérience professionnelle, les
relations de confiances entretenues tant avec les journalistes qu’avec les syndicats. De plus il est
issu de la chaîne !
Par conséquent, il peut être saisi par les téléspectateurs, via un courrier postal auquel il répond
par écrit ou lors de son émission ou par courrier électronique signés. En outre, le président de
France télévisions, les directeurs généraux et le responsable de la rédaction peuvent le saisir
également.
Les saisines ont pour objet les journaux et magazines de l’information de télévision de France 2
(« 100 minutes pour convaincre », « envoyé spécial », « mots croisés »). Suite à une requête, il
envoie un avis aux parties concernées pouvant être rendu public sur le site internet de la chaîne.
L’auto saisine n’est pas permise par le statut. Aussi, au cas où Jean-Claude Allanic sent poindre une
erreur, seule la saisine de ceux qui en ont la prérogative l’autorise à soulever le problème. Par
conséquent une dérive peut ne pas être relevée. Cette interdiction est justifiée par une ligne
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7
L’Humanité Hebdo, 18 octobre 2003
L’humanité Hebdo, 18 octobre 2003
éditoriale qu’il ne doit aucunement influencer. S’il est indépendant et neutre, il ne doit pas infléchir
sur le travail de la rédaction sur sa seule initiative.
Afin de mener à bien sa mission, un bureau des médiateur voulu par Marc Tessier, a été lis en
place. L’équipe est composée de Marie-Laure Bailleul, assistante du médiateur, Sylvie Culis,
assistante de production, Annabel Fourmond, secrétaire, et Grégory Marcy dont le médiateur
souhaite une présence permanente tant la tâche du bureau s’intensifie. En effet, ce bureau traite le
courrier, le transmet aux journalistes et y répond.
De plus, la mission de médiateur est rendue possible aux moyens de « La Lettre du Médiateur »
destiné à la rédaction, deux à trois fois par trimestre. Elle semble être l’opportunité pour le
médiateur d’alerter les journalistes des plaintes reçues. Il publie également le « Rapport Annuel du
Médiateur » disponible sur le site de la chaîne.
Notons que l’originalité de sa mission réside également en un moyen particulier : l’émission
« L’Hebdo du Médiateur » diffusée le samedi après le journal télévisé de 13 heures. Son objectif est
d’expliquer le travail des journalistes, d’apporter des réponses aux interrogations du public quant
aux choix des images des magazines d’information. Ce programme ne génère aucun coût : il
bénéficie des mêmes techniciens, du même plateau que le journal télévisé, écourté pour l’occasion
de vingt minutes.
Le financement du bureau des médiateurs et de ses missions de recueil dépendait à ses débuts de
la direction de l’information. Il est désormais financé par la direction générale.
Pour Jean-claude Allanic, cette stratégie budgétaire est un avantage dans la mesure où aucun
administrateur négociant son budget, ne peut être amené à avoir affaire à lui dans le cadre même de
sa profession. Cela renforce son indépendance et selon lui, l’idéal serait de dépendre de la
présidence.
C’est grâce à ses fonctions que Jean-Claude Allanic perçoit l’information d’une manière
différente, lui permettant de prendre conscience à quel point la qualité des sujets dépend de leur
traitement en un temps suffisamment long. Or, c’est une information de qualité et respectueuse de la
vérité que désire le téléspectateur dans un refus de nivellement vers le bas. Aussi, le médiateur
bénéficie t-il d’une prise de recul indispensable qui peut parfois faire défaut aux journalistes dans
l’analyse qu’ils font de l’information. Par conséquent, il évoque dans son rapport annuel ce dont il
prend conscience à la lecture du courrier : il insiste sur la présentation des sondages lors des
élections présidentielles de 2001 et n’hésite pas à parler de « désinformation voire de
manipulation »8 ; C’est une vision d’ensemble des propos informatifs et une pédagogie du journal
télévisé, toutes deux nécessaires, que permet l’action du médiateur. Par là même, Jean-claude
Allanic préconise un ressaisissement face à la faiblesse dont ont fait preuve les journalistes en
faisant l’économie d’une analyse plus poussée des sondages.
La télévision peut aisément faire place à une diffusion d’images exempte de tout commentaire
pertinent, tant la concurrence et l’audience poussent les rédactions à un traitement rapide de
l’information. Sans le médiateur, la prise de recul nécessaire peut faire défaut. Aussi, si les réactions
des téléspectateurs doivent être recueillies, elles doivent être analysées afin de mieux comprendre le
public, l’actualité et ainsi la société.
SECTION 2- DONNÉES RECUEILLIES PAR LA MÉDIATION : MIROIR DE L’ACTUALITÉ
ET COMPRÉHENSION DE LA SOCIÉTÉ
La médiation de l’information de France 2 connaît un vive succès au vue de l’évolution
croissante du nombre de courrier. 20 000 courriers électroniques et 3000 lettres en 2001, plus de 36
000 mails et 45 000 lettres en 2002. Ces résultats montrent la confiance du public dans la chaîne et
sa certitude d’être pris en compte dans leur opinion. Après réception des lettres, c’est la pertinence
des propos qui y figurent que le médiateur prend en considération. Le volume du courrier peut ne
pas être la marque d’une réflexion sur un thème donné, mais peut n’illustrer qu’une démarche
pétitionnaire. Dans ce cas il faut nuancer la critique. À l’inverse « il suffit d’un mail pour que
j’aborde le sujet »9.
Ainsi, toutes ces précieuses données permettent de mieux comprendre ceux à qui s’adresse
l’information, de cerner les incompréhensions rencontrées. En outre, le contenu même des critiques
est fonction de l’actualité et il convient d’affirmer que le courrier du médiateur est «le miroir de
notre temps »10.
8
9
Rapport annuel 2002, p. 27
L’Humanité Hebdo, 18 octobre 2003
10
Rapport annuel 2002, p. 5
§1- Le courrier, reflet de notre société
Les témoignages sans complaisance du public informe le médiateur de la manière dont est
perçue l’information et lui permettent d’attirer l’attention sur la pertinence des téléspectateur. Par
exemple, les plaintes ne mentionnent pas le traitement excessif de l’insécurité mais son mauvais
traitement. Ou encore, on reproche aux journalistes une certaine négligence au sujet des victimes
interrogées pour le journal télévisé.
On ne peut donc sous estimer le grand pouvoir de l’image sur celui qui la reçoit. Un article de
presse allant dans le même sens qu’un reportage télévisé n’aura pas le même impact, d’autant plus
quand elle illustre une information pouvant donner lieu à des ambiguïtés mettant en cause
l’impartialité dont doivent faire preuve les journalistes.
En outre, le contenu du courrier adressé au médiateur lui permet d’être le témoin privilégié de
l’évolution de notre société, notamment face à la politique. Le magazine « Envoyé spécial » un
numéro à Cécilia Sarkozy. 200 lettres ont mis en cause la légitimité du sujet ainsi que son traitement
jugé peu distancié. En 2003, notre société est confrontée à une politique à la frontière entre la vie
privé et la vie publique. Or, en 1991 et 1993, Jean-Claude Allanic rappelle que deux magazines
avaient été consacrés à Danielle Mitterrand et Bernadette Chirac. Par conséquent le médiateur peut
donc se prévaloir d’un rôle d’oreille attentive et témoin des opinions des téléspectateurs.
Une étude menée par Guillaume Soulez montre que le public prend la parole au nom d’une
valeur ou d’un collectif11. Il distingue quatre types de téléspectateurs :
•
Les « usagers »voient un non respect du public dans la manière dont est bâclée la
retransmission d’un concert, d’une compétition sportive.
•
Les « militants » prônent des valeurs humanistes, sociales et politiques car, pour eux, le
reportage fait discours.
•
Les « spécialistes » qui rectifient une information erronée.
•
Les « victimes » blessées par la violence des images de télévision qui ne sont pour elles que
des projectiles.
11
Le Monde Télévision, lundi 5 au dimanche 11 mai 2003
Dans son rapport annuel, Jean-Claude Allanic soulignent les périodes durant lesquelles le
public s’est le plus exprimé. C’est le mois d’avril 2002 qui connaît un vif succès avec les élections
présidentielles.
§2- Le courrier, reflet d’une certaine actualité
Dans leurs lettres, les téléspectateurs évoquent ce qu’ils attendent des journalistes quant à la
qualité de l’information. Dans leurs critiques, ils évoquent la hiérarchie de l’information. Une place
trop importante est accordée aux faits divers. Si ces derniers doivent avoir une place dans les
journaux, d’autres semblent être sans aucun intérêt pour le public. Aussi, s’interroge t-on sur la
ligne éditoriale de le chaîne dont on ne comprend pas l’ambition. Par conséquent, c’est la bassesse
du niveau de l’actualité qui est soulevée par les téléspectateurs, quand ces derniers critiquent cette
hiérarchie.
De même, le traitement rapide de l’information ne semble pas convenir à tous les publics. Cette
information « TGV »12 donne lieu à un manque de rigueur. Des erreurs géographiques, faciles à
rectifier si le temps est pris, sont décelées par le public et discréditent la profession des journalistes
ainsi que la rédaction de France 2 du même coup.
L’exemple est pris pour le traitement d’une actualité touchant les DOM-TOM. Certains sujets
sont tournés à Paris, faute de moyens pour le déplacement des journalistes. Concernant la crise
touristique que connaît la Guadeloupe, une fois encore les critiques fusent quand ne sont filmés que
des parisiens mécontents de leurs vacances, pour illustrer les propos du présentateur du journal
télévisé. À aucun moment des guadeloupéens ne sont filmés pour se défendre. Ainsi la vision de
cette crise touristique est réductrice et s’accompagne d’un sentiment de mépris raciste selon les
antillais. En résulte un vif désir des français hors métropole, de s’exprimer afin de montrer une
actualité la plus proche possible de la réalité.
§3- Les attentes des téléspectateurs.
C’est un rôle éducatif qui est demandé par le public, plongeant le médiateur dans un dilemme :
est-ce aux journalistes d’éduquer, de faciliter les repères sociaux ? N’est-ce pas plutôt le rôle des
12
rapport annuel 2002, p. 12
parents et des éducateurs ? Le commentaire et l’analyse des journalistes doivent-ils se faire sous
l’angle éducatif ? Cette demande des téléspectateurs fait aussi partie de l’actualité en ce qu’elle
dénote de conflits sociaux présent dans nôtre société. C’est ainsi que l’analyse du contenu du
courrier aboutit à une meilleure approche du public et à la compréhension de la manière dont est
perçue l’information, mais également à une meilleure compréhension de la société
Il incombe alors au médiateur d’expliquer au public le métier de journaliste ainsi que leur
motivation dans la diffusion d’images controversées. La compréhension du public ne peut se faire
en faisant une économie d’une pédagogie de l’image. Ainsi revendique t-il un rôle d’éducation à
l’image à l’égard du jeune public. Un partenariat plus étroit avec le ministère de l’Éducation et le
CLEMI est souhaitable pour Jean-Claude Allanic.
CHAPITRE 2- LE SOUCI D’AMELIORER L’INFORMATION
Les réactions du public recueillies, il convient d’en tirer les conséquences à la hauteur de la
pertinence des critiques avancées. Le rôle du médiateur consistant à transmettre à la rédaction ces
précieuses données, implique une correction des erreurs, une explication des ambiguïtés. Aussi pour
alerter la rédaction, il rend avis et recommandation par le biais de « la lettre du médiateur »et du
rapport annuel (section 1), rappelle l’existence de la déontologie (section 2), puis prolonge sa
mission auprès des téléspectateur grâce à son émission « l’hebdo du médiateur » (section 3).
SECTION 1- LES CONSÉQUENCES DE LA PRISE EN COMPTE DE L’OPINION DES
TÉLÉSPECTATEURS
§1- La lettre du médiateur
Elle rend compte de l’avis du public sur un temps cours en étant publiée environ une fois par
mois. Sa publication, qui peut-être accompagnée d’une problématique dégagée par Jean-Claude
Allanic, fait office d’alerte pour la rédaction. Aussi elle fait jouer au médiateur un rôle
« prévisionniste ». Elle lui permet de faire figurer en annexe des recommandations du CSA13 sur
13
Conseil Supérieur de l’Audiovisuel
l’application de l’application de Genève14 ainsi qu’une analyse du précédent médiateur Didier
Epelbaum, sur le problème des prisonniers de guerre et des images dégradantes.
La lettre du médiateur ne bénéficie que d’une publication au sein de la chaîne. La rédaction peut
prendre ainsi connaissance de la position du CSA sur un problème donné et de l’avis du public, et
ce de façon régulière. Sur ce dernier point, le médiateur attire l’attention sur la prudence avec
laquelle les critiques doivent être interprétées, son but n’étant pas de heurter les journalistes, mais
de transmettre le plus fidèlement la pensée des téléspectateurs. Dans une de ses missives, il énonce
que le courrier n’est « qu’une photocopie de ce que ressentent les téléspectateurs à un moment
donné. Pas plus, pas moins »15.
§2- Le rapport annuel
Ce compte rendu ainsi qualifié par le médiateur, est constitué de recommandations et
propositions de règles de conduites à adopter, et ce, de manière plus abondante que dans « la lettre
du médiateur ». En outre, figurent des réflexions sur les thèmes qui ont inspiré le public. Ce
document annuel est fourni de tableaux et autres annexes utiles à la bonne perception des thèmes
abordés, à la prise de connaissance des émissions d’information les plus touchées. Il en résulte une
étude de chiffres permettant une prise de recul en ce qu’elle faite sur une année.
L’intérêt de ce rapport est la formulation de réelles réflexions, notamment concernant la manière
dont les sondages avaient été présentés lors des élections présidentielles. En ressort pour JeanClaude Allanic une volonté inconsciente d’influencer le vote à droite, compte tenu de la quantité de
reportages sur l’insécurité. De plus, il rappelle les alertes formulées durant l’année qui n’ont
visiblement pas été entendues. Aussi il cible les erreurs à ne plus commettre : pour l’exemple pris
des sondages, il soulève la nécessité d’une analyse plus longue des données présentées dans les
journaux d’information. Il propose des règles propres aux sondages :
•
La présentation d’une fourchette permettra de prendre en compte les faibles écarts
existants entre les candidats.
14
15
•
L’indication d’une marge d’erreur.
•
L’interdiction de donner les estimations du second tour sans indiquer celles du premier.
Lettre du médiateur, n°10, avril 2003
Lettre du médiateur, n°9, mars 2003
Cependant, ces recommandations ne sont que des propositions dont ne découle aucun pouvoir
de sanction. C’est au médiateur d’être pertinent pour démontrer aux journalistes l’évidence du
respect des règles édictées. Jean-Claude Allanic ne nie pas qu’en l’espèce, sa proposition de
présentation des sondages est moins vendeuse dans une conjoncture concurrentielle. Il argue du
risque de tomber dans une vision simpliste de la politique si l’économie d’explication persiste.
Par conséquent, ces recommandations tentent de rectifier un comportement laxiste des
journalistes face à une demande d’information de qualité. Certes, le thème des sondages peut
paraître dérisoire, mais son importance ne doit pas être sous estimée, tant il engendre des
conséquences graves concernant l’appréhension de la politique. Aussi résulte t-il du travail du
médiateur, une grille d’erreurs à na pas commettre, dans un souci de lutter contre l’appauvrissement
de l’information télévisée. En effet, d’après Jean-Marie Charon « le public est plus exigeant »16. Or,
les journalistes travaillent sur des sujets de plus en plus complexes, allant d’affaires financières aux
problèmes nucléaires, et ce dans un temps de plus en plus raccourci. La rentabilité exigée au sein
des rédactions, favorise les erreurs jugées inacceptables par le public. « Dans les rédactions les
sanctions sont rares et presque jamais publiques »17.
Ainsi, la « Lettre du médiateur » et le rapport annuel sont des moyens pour le médiateur de
recommander les règles du jeu, en restant le plus neutre sans jamais prendre parti pour le public.
Mais ici s’arrête la pouvoir de celui qui est « le récepteur et le réémetteur des critiques des
téléspectateurs »18. Seuls la loi, la direction de sa rédaction et le CSA ont un pouvoir de sanction.
Cette absence de prérogative s’explique par la mission même du médiateur : celle d’éviter les
manquements et dérapages susceptibles d’être sanctionnés. A sa connaissance aucun litige n’est allé
devant les tribunaux, l’erreur rectifiée stoppe le plaignant dans sa démarche.
En donnant son avis, il rappelle les principes de déontologie avec lesquels sa fonction va de
pair. En effet, c’est le désir de voir toujours cette valeur respectée qui a conduit à la création de
cette mission. En accord avec l’éthique, c’est une pression morale qu’il exerce, seule efficace pour
susciter le respect de la déontologie. Cette morale collective ne peut s’effectuer sans déontologie
individuelle selon Jean-Claude Allanic.
16
Le nouvel Observateur, n°2034, 30 octobre au 5 novembre 2003
Le nouvel Observateur, n°2034, 30 octobre au 5 novembre 2003
18
Etudiant cité par le médiateur, L’Humanité Hebdo, 18 octobre 2003
17
SECTION 2- LE NÉCESSAIRE RETOUR AUX SOURCES : LA DÉONTOLOGIE.
Le lien étroit qu’entretient la fonction de médiateur avec la déontologie est illustré par une réelle
réflexion sur ce l’exercice du journalisme. Il est parfois difficile pour médiateur de transmettre les
critiques à une profession « dont une faible propension verse dans l’autocritique »19. Jean-Claude
Allanic indique que « ce n’est pas tant les nouvelles que le porteur de celles-ci qui se retrouve en
ligne de mire ». Il n’est aisé pour lui de rappeler la différence entre l’homme et la fonction. Il est
décelable dans le rapport annuel, la manière dont il évoque son métier. Utilisant tantôt les
termes « le médiateur » tantôt « je » quand il rappelle des principes journalistes.
Par conséquent, il lui faut sans cesse insister sur la neutralité dans la profession afin d’éviter une
mauvaise considération injustifiée, et assumer sa position sur les dérives soulevées. En effet tout le
monde est pour la médiation, mais moins pour le médiateur.
Ainsi pour illustrer ses propos concernant la déontologie, il invoque la charte du journaliste20,
évitant par là même qu’un journaliste ne prenne pour lui la moindre critique. Profession de solitaire
selon Jean-Claude Allanic, elle permet au bureau du médiateur d’être le berceau de réflexions utiles
même s’il n’y apporte pas toujours une réponse. Certaines de ces réflexion sont formulées de la
manière suivante :
•
Comment rendre compte de l’actualité d’un gouvernement sans servir uniquement de
relais de communication ?
•
Comment aider l’opinion publique à se forger sa propre réflexion ?
À l’appui de ces réflexions, la charte de l’antenne qui édicte les règles de base : mission de
service public, rôle de la télévision dans la vie démocratique. Il rappelle les ambitions à avoir face
aux impératifs de qualité et d’audience.
Par ailleurs, l’importance de la déontologie pousse le médiateur à poser la question
suivante : la confiance du téléspectateur due au renforcement de la qualité des journaux à l’égard de
France 2 ne permet-elle pas de résister aux chaînes concurrentes ? La lutte contre la concurrence
passe pour lui par le respect de la déontologie. En effet, certaines dérives médiatiques, comme
l’affaire Baudis, a mis à mal la profession et suscitent chez Jean-Claude Allanic le besoin de
19
20
Sébastien HOMER, L’Humanité Hebdo, 18 octobre 2003
Rapport annuel 2002, p. 15
rappeler que le but à se fixer est « la recherche de la vérité ».Ainsi, le médiateur souhaite toucher au
plus profond la réflexion collective. C’est de la prise de conscience que la déontologie ne peut
s’élaborer sans les journalistes, que dépend la qualité de l’information.
Il résulte que « L’Hebdo du Médiateur » est un moyen supplémentaire à l’exercice de sa
mission. Si la « lettre du médiateur » s’adresse à la rédaction, et le rapport annuel accessible sur le
site de la chaîne, c’est dans l’émission que le téléspectateur trouve réponse à ses interrogations. De
plus elle n’est pas regardée par les seuls énonciateurs de critiques. L’audience de ce programme
confirme la nécessité du rôle ainsi exercé par le médiateur.
SECTION 3- LE RÔLE PÉDAGOGIQUE DE L’ÉMISSION « L’HEBDO DU MÉDIATEUR »
Ce programme éclaire le public sur les conditions dans lesquelles se fait l’information et le
motivations des journalistes dans le traitement de celles-ci. L’émission est diffusée en direct le
samedi après le journal télévisé de treize heures. Le médiateur y convie les journalistes dont les
reportages ou les propos ont été mis en cause par le public. Il choisit lui même les thèmes abordés
et n’a que vingt minutes pour compléter l’information critiquée. L’émission diffuse des extraits de
reportages visés par les téléspectateurs, et sont commentés par le médiateur et les journalistes
invités. Les sujets proviennent d’émission d’information tels « Mots croisés » pour encore « Envoyé
spécial ». Ainsi les discussions s’ouvrent autour d’images afin d ‘expliquer les ambitions des
journalistes dans le choix de leur analyse d’un sujet donné. Une pédagogie de l’image est alors
réalisée et un dialogue entre le public et les journalistes est ouvert.
En revanche, l’invitation du médiateur peut-être déclinée par le journaliste. Cette politique de
« la chaise vide » empêchait Jean-Claude Allanic à aborder le sujet à l’antenne. Désormais,
l’absence du convive ne l’empêche pas de traiter la question qu’il souhaite soulever.
Selon lui, une émission réussie est celle où son intervention est la moins visible et
indispensable, tant le bon dialogue entre journalistes et téléspectateurs le dispense de vulgariser les
propos des uns et des autres. Ainsi ce programme, aussi court soit-il, a permis à Arlette Chabot,
journaliste et présentatrice de « Mots croisés », d’expliquer son comportement critiqué par courrier.
Son impatience avait amené un téléspectateur à rappeler son devoir de tempérance lors d’une
émission de débat. Dans « L’Hebdo du médiateur », elle dévoile les coulisses de son émission, les
pressions subies, et la manière dont elle travaille. Son mea culpa s’est accompagné d’une
explication claire sur la face cachée de son métier. En découle la confiance retrouvée en une
journaliste qui n’a nullement tenté de justifier ses réactions à l’antenne.
Un autre exemple peut-être donné. Celui de David Pujadas devant s’expliquer le samedi 15
novembre 2003, sur l’intrusion des intermittents du spectacle sur le plateau, lors de son journal
télévisé. Une angoisse semblait habiter les téléspectateurs, sur la possibilité pour un groupe
extrémiste de s’emparer de la même manière du plateau télévisé. En outre, un bon nombre de
téléspectateurs ont été choqués par le choix de David Pujadas de laisser son siège à une militante,
faisant éclater au grand jour un manque d’autorité. Ainsi l’émission a permis de rappeler que parmi
les intermittents, se trouvent des salariés de l’audiovisuel, dont certains sont familiers des locaux de
France 2. Leur arrivée était donc aisée. Le courrier reçu prônait une coupure d’antenne, relatant un
agacement à l’égard d’une profession habituée des interventions surprises sur les plateaux de
différentes émissions, dès 1997 lors des « Victoires de la musique ». Il apparaît alors clairement que
les téléspectateurs sont dans une position ‘incompréhension des revendications avancées. La prise
d’otage de leur espace d’information n ‘a fait qu’assombrir l’image des salariés révoltés.
C’est alors que David Pujadas s’explique devant un téléspectateur invité sur le plateau. Le
journaliste analyse son comportement comme un acte spontané. En effet, proposer un autre siège
que le sien aurait transformé l’intrusion en une invitation. En revanche, céder son fauteuil marque le
caractère exceptionnel de ce moment de télévision. Pour des raisons techniques, le téléspectateur
invité, occupe la place du journaliste présentateur lors de son journal télévisé. À la grande surprise
de Jean-Claude Allanic, il fait part de ses impressions face au décor et à l’effervescence
caractéristique d’une émission en direct. De sa courte expérience télévisuelle, en résulte un
changement d’opinion : « J’aurais fait comme vous » dit-il alors. Il est visible ici que le rôle
pédagogique de l’émission est rempli, l’analyse du traitement de l’information effectuée.
Ces exemples démontrent le besoin pour les téléspectateurs d’obtenir une explication des
complexités du métier de journaliste afin de cerner l’angle sous lequel l’information leur est
présentée. « L’Hebdo du Médiateur » pallie la courte durée du journal télévisé mais permet
également à la direction de l’information de prendre la parole. C’est ainsi que Olivier Mazerolle
revient sur le souhait du ministre de la culture de s’entretenir avec lui et Marc Tessier. Cette
décision du ministre avait inquiété les téléspectateurs au sujet de la dépendance de France 2 à
l ‘égard du gouvernement. Si l’audience est l’épée de Damoclès d’un programme, celui-ci se doit
d’être explicatif, garantie de la pérennité de la confiance des téléspectateurs génératrice de recettes.
Enfin, l’existence de « L’Hebdo du Médiateur » rend compte de la volonté de la chaîne
d’améliorer l’information qu’elle diffuse. Pour satisfaire aux exigences économiques pesant sur les
rédactions, le public ne doit pas douter du sérieux avec lequel l’information est traitée. « L’Hebdo
du Médiateur » est une tribune au service de la pertinence des images et propos divulgués.
CONCLUSION
La nécessité de la fonction de médiateur de l’information a été démontrée tout au long de notre
étude.
Dépourvu de pouvoir de sanction, il fait néanmoins peser une pression morale sur la profession
des journalistes en rappelant régulièrement les devoirs qui régissent la profession. De cette mission
découle une prise de contact directe avec l’opinion des téléspectateurs et une amélioration de la
qualité de l’information diffusée lors des différents magazines de France 2.
Cependant, il est aisé de se demander si cette fonction n’est pas un pas vers un conseil de l’ordre
des journalistes, préconisé par Cyril Lemieux21. Pour Jean- Claude Allanic, sa mission est
étroitement liée à la place accordée à la déontologie et à la volonté de voir ce principe perdurer.
Aussi, si à l’avenir cette éthique n’est plus considérée à sa juste valeur par la présidence ou les
rédactions de France 2, la médiation pourrait disparaître. En outre, les avis et recommandations
peuvent ne pas être suivis par les journalistes. La médiation n’est rendue possible que par le souhait
de raviver l’esprit de la charte du journaliste.
Sans ce désir, cette fonction n’a plus de raison d’être.
21
Le nouvel Observateur, n° 2034, du 30 octobre au 5 novembre 2003