Retraite de Stéphanie Dubois - Des adieux sereins

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Retraite de Stéphanie Dubois - Des adieux sereins
RETRAITE DE STÉPHANIE DUBOIS
Des adieux
sereins
PAR Éliane cantin
Ce n’est pas par complaisance ou flagornerie qu’on a fréquemment dépeint Stéphanie Dubois
comme persévérante et forte de caractère. Lorsqu’en 2004, à la veille de son entrée sur le circuit
professionnel, nous l’interviewions, l’adolescente de 17 ans affirmait : « J’ai un bon coup droit et
je me déplace bien sur un terrain, mais je dois améliorer mon service, mon revers également. Mais
j’ai toujours travaillé fort et je ne cesserai pas de travailler pour m’améliorer ». Sur le circuit WTA,
elle aura atteint 39 fois la première ronde d’un tournoi (11 en grands chelems), 15 fois la deuxième
ronde (3 en grands chelems) et à deux reprises le troisième tour. Celle dont les gains en tournoi
se chiffrent à près de 903 000 $ a également à son crédit deux participations en quarts de finale,
l’une à Québec et l’autre à College Park, en plus de 11 titres ITF en simple et 8 en double. En 2014,
nouvellement retraitée, elle ne prend pas la peine de cacher sa fierté quand elle repense aux dix
années au cours desquelles le travail acharné fut partie prenante de son quotidien.
Il y a eu des moments marquants. En 2006, âgée de 19 ans, Stéphanie parvenait à la troisième ronde
de la Coupe Rogers, disposant de Kim Clijsters (numéro 2 mondiale à l’époque), laquelle avait dû
déclarer forfait lors de la troisième manche en raison d’une blessure. Si le résultat était d’exception,
c’était plutôt la signification du tournoi qui était parlante pour Stéphanie. « C’était tellement incroyable. Moi, quand j’étais jeune, j’allais à L’Omnium du Maurier (ancienne appellation de la Coupe
Rogers, NDLR) et je courrais pour avoir des autographes. Donc, ça avait une grande signification
pour moi. J’ai joué plusieurs fois les qualifications. Mais du moment où j’ai fait partie du tableau
principal, c’était comme un rêve » de dire celle qui a eu 28 ans le 31 octobre dernier.
Coupe Banque Nationale 2014 :
son dernier tournoi en carrière
En Coupe Fed
« C’était important pour
moi de réussir, d’avoir
du succès et d’être fière
de moi. Je ne dis pas que
je n’étais pas fière, mais
disons que c’était plus
difficile. »
Mais, comme dans tout parcours, il y a eu des
périodes moins heureuses. Les dernières années
furent particulièrement épineuses : « À un
moment donné, je n’avais pas les résultats que
je voulais. C’était important pour moi de réussir,
d’avoir du succès et d’être fière de moi. Je ne
dis pas que je n’étais pas fière, mais disons que
c’était plus difficile ». Ajoutons à cela la solitude vécue par les athlètes s’adonnant à un
sport individuel et qui, par ailleurs, vieillissent,
il ne fait aucun doute qu’il faut avoir les nerfs
solides pour garder le moral.
Des moments particulièrement difficiles, elle
en garde quelques-uns en mémoire, notamment en 2012. D’abord, au Challenger Banque
Nationale de Granby où certains ont eu peine à
comprendre sa décision de se retirer de la finale,
où elle était opposée à Eugenie Bouchard.
L’aînée des deux joueuses, blessée au pied,
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avait déclaré forfait alors qu’elle tirait de l’arrière 6-2, 5-2 : « J’aurais soit dû finir le match
ou arrêter avant. Je regrette cette décision,
avoue-t-elle. Cela dit, je n’ai jamais voulu lui
enlever son titre. Elle jouait vraiment bien, elle
venait de gagner Wimbledon chez les juniors. ».
Quelques semaines plus tard, au premier tour
de la Coupe Rogers à Montréal, Stéphanie,
alors classée 155e, s’est mesurée à Chanelle
Scheepers, 41e joueuse mondiale. C’est pleine
de confiance que la Québécoise s’est présentée
devant son public et a, sans coup férir, pris les
commandes de la première manche qu’elle
a remportée 6-1. Prenant rapidement les
devants 3-1 en deuxième manche, Dubois n’a
plus été en mesure de remporter une partie de
la confrontation, baissant finalement pavillon
1-6, 6-3, 6-0. Ce match-là, admet-elle, lui a fait
très mal et quelques jours lui ont été nécessaires pour s’en remettre. Moments pénibles,
soit, mais pas assez pour baisser les bras à ce
moment-là.
Stéphanie qui salue Kim Clijsters après sa victoire en 2006.
« J’aurais soit dû finir
le match ou arrêter
avant. Je regrette cette
décision. »
- Granby 2012
C’est deux ans plus tard qu’elle a décidé que
le temps était venu pour elle d’accrocher sa
raquette. Départ précoce, diront certains. Mais
Stéphanie, elle, est convaincue de la légitimité
de son choix. Elle n’a d’ailleurs pas eu besoin
de trouver mille et une raisons de le justifier : « Dans la vie d’un athlète, on arrive à un
moment donné où c’est le temps de tourner
la page, de commencer un autre chapitre de
sa vie et moi, je sentais que j’étais rendue
là, tout simplement. Je suis heureuse dans
ma décision » se confie-t-elle. Elle assure que
cette décision, elle l’a prise pour elle et pour
personne d’autre, manifestation supplémentaire de son tempérament indépendant et fier.
La popularité de Stéphanie au Québec était indéniable.
rôle clé dans la carrière de l’athlète, tant sur le
plan financier que moral. L’homme d’affaires
avait, soit dit en passant, eu l’élégance d’offrir un voyage en Australie aux parents de la
joueuse afin que ces derniers puissent assister
aux matches de leur fille et célébrer leur anniversaire de mariage du même coup. Il y en a
« Dans la vie d’un athlète, on arrive à un moment donné
où c’est le temps de tourner la page, de commencer un
autre chapitre de sa vie. »
Si elle s’est liée d’amitié avec certaines filles
du circuit, dont certaines assisteront d’ailleurs à son mariage en juillet, c’est davantage
« l’adrénaline qu’on retrouve dans le sport et
nulle part ailleurs » qui lui manque. Malgré
cette adrénaline qui l’a poussée pendant plus
de 10 ans, la joueuse est consciente que son
parcours n’aurait été possible sans le soutien
de plusieurs personnes. Alain Lemaire, président
et chef de la direction chez Cascade, a joué un
eu d’autres, aussi : « Ma liste de gens à remercier est tellement longue. Je suis extrêmement
reconnaissante. »
Près de deux mois après son dernier match
sur le circuit professionnel, à la Coupe Banque
Nationale de Québec, elle est maintenant en
mesure de reprendre haleine et de se reposer
avant de mettre ses énergies dans de nouveaux
projets, lesquels seront abordés, selon les
« Ma liste de gens à remercier
est tellement longue. Je suis
extrêmement reconnaissante. »
dires de la Lavalloise, avec la même intensité
qu’on lui connaît. Mais quels projets, au fait ?
Outre son mariage et l’horloge biologique qui
commence tranquillement à se faire entendre,
Stéphanie aimerait redonner au sport et peutêtre faire carrière dans le monde des médias
qu’elle a souvent côtoyé, par la force des
choses, dans sa carrière d’athlète professionnelle. Elle affirme d’ailleurs que sa ténacité, qui
l’a ultimement menée au 87e échelon mondial,
sera récupérée pour faire d’elle une professionnelle dévouée et chevronnée. Gageons que les
offres ne tarderont pas à se présenter…
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