Nucléaire : la Z machine américaine défie Iter

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Nucléaire : la Z machine américaine défie Iter
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16 mai 2007
Nucléaire : la Z machine américaine défie Iter
Le laboratoire militaire Sandia termine la modernisation de sa machine à striction magnétique. Il
espère concevoir le réacteur nucléaire du futur « made in USA ».
La Z machine s’approche de la fusion à haut rendement. Elle pourrait inspirer une génératrice
électrique révolutionnaire en moins de deux décennies », annonçait fin avril le Sandia National Lab
(Nouveau-Mexique). Les Américains seraient-ils en train de doubler le projet Iter de réacteur à fusion
international ? Certains forums sur Internet l’insinuent. La Z machine du laboratoire Sandia, au
Nouveau-Mexique, réunit, il est vrai, tous les ingrédients du grand complot. Richement doté avec
2.500 employés et 2,3 milliards de dollars de budget, le Sandia National Lab vit discrètement au sein
d’une base aérienne militaire du Pentagone.
Haut lieu de la recherche sur les armes nucléaires, le centre a conçu un puissant émetteur de rayons
X unique au monde, notamment pour tester la résistance des têtes.
C’est le seul endroit au monde qui investit significativement sur cette production de rayons par « Z
pinch » pour allumer une fusion nucléaire. Théoriquement, le jeu en vaut la chandelle puisque cette
réaction promet de produire de l’énergie à haut rendement sans gros déchets radioactifs. Sandia a
même réussi à convaincre le ministère américain de l’Energie de lui financer des recherches civiles.
Dans une bobine de fil
L’initiative américaine a commencé à faire parler d’elle l’an dernier. Une publication scientifique
annonce alors qu’en 2005 la Z Machine a produit un plasma de « plus de 2 milliards de degrés » avec
un rendement de 15 %, quatre fois supérieur aux prévisions. En injectant une énergie de 200.000
milliards de watts, la machine sort environ 2 millions de joules. On est encore très loin d’un
rendement positif, mais le système montre qu’il sait concentrer une énergie colossale en un point
précis. La Z machine est abritée dans un hangar du laboratoire, mais le coeur de l’expérience tient
dans une bobine de fil. Des condensateurs déchargent un énorme courant de 20 millions d’ampères
dans un cylindre de fils de tungstène ou d’acier très fins.
Cette « cage à oiseaux » entoure une cible de deutérium et de tritium, isotopes lourds d’hydrogène.
Au passage du courant, les fils se vaporisent et dégagent une onde de choc qui, sous l’emprise de
l’énorme champ magnétique créé, vient percuter violemment l’enveloppe en mousse de la cible.
Cette énergie se transforme en rayons X qui viennent pincer (« pinch ») et faire imploser la microbille.
Piégés, les noyaux du combustible entrent en fusion avec de gigantesques températures à la clef,
proches de celles des rayons solaires. Contrairement à Iter, la Z machine produit donc de l’énergie
par bouffées. C’est un peu l’équivalent du moteur à explosion par rapport au réacteur.
D’après Jean Jacquinot, responsable du département de recherche sur la fusion contrôlée au CEA, la
recherche sur la striction magnétique est très en retard sur la filière des Tokamak, qu’emprunte Iter.
Un avis que les physiciens français partagent. Dans un récent rapport sur la fusion, l’Académie des
sciences estimait que « cette installation doit faire la démonstration d’un gain thermonucléaire élevé,
avec la possibilité d’un fonctionnement répétitif ». Le débat ne date pas d’hier, en réalité. Le
confinement magnétique a depuis longtemps la faveur de l’Europe et du Japon, un choix qui s’avère
juste pour le moment.
En attendant la fusion.
Car la Z machine n’a toujours pas enclenché la moindre fusion. Elle a juste montré une formidable
puissance capable de recréer les conditions d’une réaction. « Par rapport à l’allumage par laser, la
striction a l’avantage de produire des puissances bien plus élevées. En revanche, la compression est
largement plus lente, et rien ne prouve qu’il sera suffisant pour assurer le confinement inertiel »,
estime Guy Laval, le coordinateur du rapport français. Rien n’indique non plus que générer une
énorme puissance aussi centralisée réponde aux besoins énergétiques d’un pays.
Pour le laboratoire Sandia, la Z machine va refaire son retard sur les autres voies grâce à la récente
expérimentation d’une technologie russe, qualifiée de révolutionnaire. Les chercheurs ont modifié les
condensateurs et le circuit électrique de décharge pour diminuer son impédance (résistance au
courant), et donc son échauffement.
D’après Sandia, l’impulsion de 100 nanosecondes gagnerait en vitesse et en répétitivité, un tir toutes
les dix secondes. En parallèle, le laboratoire terminera cet été une remise à niveau de la machine qui
la fera passer à des énergies de 3 millions de joules, soit deux fois l’énergie de la machine la plus
puissante au Lawrence Livermore National Laboratory. Mais, déjà, ses chercheurs font de l’oeil au
ministère américain de l’Energie pour doubler la machine. Ces annonces sont souvent interprétées
comme de la communication dirigée vers Washington. Pour Guy Laval, la Z machine illustre bien la
stratégie technologique américaine : « Ils ne négligent aucune piste. » On comprend mieux la
prudence des Etats-Unis sur Iter, dont ils ne financent que 10 % du budget...