Impact de la crise sécuritaire aux frontières sur l`économie

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Impact de la crise sécuritaire aux frontières sur l`économie
IMPACT DE LA CRISE SECURITAIRE
AUX FRONTIERES SUR L’ECONOMIE
CAMEROUNAISE
MINISTERE DE L’ECONOMIE, DE LA PLANIFICATION ET DE L’AMENAGEMENT
DU TERRITOIRE
DECEMBRE 2014
Table des matières
I- ETAT DES LIEUX .......................................................................................................................... 2
II- LES EFFETS SECTORIELS ....................................................................................................... 3
1. Hôtellerie, tourisme et loisirs ........................................................................................................... 3
2. Transport ........................................................................................................................................... 3
3. Commerce ......................................................................................................................................... 4
4. Activités agropastorales .................................................................................................................... 5
a. Secteur de l’élevage, pêche et industries animales ......................................................................... 5
b. Production agricole........................................................................................................................... 5
III- LES EFFETS SUR LES FINANCES PUBLIQUES .................................................................. 7
1. Impact sur l’exécution des dépenses budgétaires 2014 .................................................................. 7
2. Recettes fiscales ................................................................................................................................ 7
IV- LES EFFETS SUR LES PRIX...................................................................................................... 8
V- LES EFFETS SUR L’EMPLOI....................................................................................................... 8
VI- SOLUTIONS ET RECOMMANDATIONS............................................................................. 10
VII- FOCUS .......................................................................................................................................... 11
1
I- ETAT DES LIEUX
Le Cameroun partage avec le Nigéria et la Centrafrique un grand nombre d’éléments qui font de ces
pays des partenaires naturels : une très longue frontière commune, mais poreuse, des populations
disposant des mêmes cultures reflétées notamment par des rapprochements linguistiques, et ayant
entretenu dans le passé des échanges intenses qui ont engendré une forte mobilité des personnes et
des biens, des problèmes communs portant notamment sur la gestion de la sécurité frontalière. Le
Nigéria partage des frontières avec les régions de l’Extrême-Nord, du Nord et de l’Adamaoua tandis
que la RCA est frontalière avec la région de l’Est et de l’Adamaoua. La longueur et la porosité de la
frontière avec ces deux pays, favorise le développement des échanges informels voire clandestins
dont il est difficile d’évaluer les volumes.
Le vaste marché Nigérian de plus de 150 millions d’habitants constitue un immense débouché pour
la production agricole du Cameroun dans la mesure où il est importateur net de bétails, de produits
céréaliers et de produits de la pêche. Sur le plan des importations, le Nigéria demeure le premier
fournisseur du Cameroun avec près de 18% des dépenses totales d’importations en 2013. Outre les
importations d’hydrocarbure, d’autres produits manufacturés (les appareils électroménagers, les
motos, les pièces détachées, les engrais, les motopompes, le matériel électronique…), en provenance
du Nigéria concourent à ravitailler le marché camerounais, notamment la zone septentrionale.
Avec la Centrafrique, le Cameroun exporte essentiellement les produits manufacturés (ciment, tôles,
fer à béton, conserve, produits alimentaires….) et importe quelques produits agropastoraux
notamment le bétail. Le Cameroun sert également de zone de transit pour les importations et les
exportations de la RCA.
La crise sécuritaire due à la secte islamiste BOKO Haram dans la partie septentrionale et les tensions
politiques en Centrafrique, ont entravé les relations commerciales sous-régionales. La fermeture des
frontières, des victimes humaines enregistrées, l’afflux des réfugiés, les déplacements des populations
qui en résultent, perturbent l’activité économique. Les zones les plus affectées sont notamment
le Mayo-Tsanaga, le Mayo-Sava et le Logone et Chari dans l’Extrême-nord, ainsi que le Lom et
Djerem, et la Kadei dans le Région de l’Est, et dans une moindre mesure, les Régions de l’Adamaoua
et du Nord.
Le présent rapport rend compte des effets directs observés par secteur d’activité, les conséquences
sur les prix, les effets induits sur les recettes publiques, ainsi que les recommandations formulées à
cet effet.
2
II- LES EFFETS SECTORIELS
Les secteurs les plus touchés par ce phénomène sont notamment le tourisme et hôtellerie, le
transport, le commerce, l’agriculture et l’élevage.
1. Hôtellerie, tourisme et loisirs
La Région de l’Extrême-nord abrite 13% des sites touristiques de l’ensemble du territoire et près de
7% de capacité d’accueil hôtelière nationale. Le nombre de touristes que ces infrastructures
permettent d’accueillir est estimé à près de 7% de l’ensemble des arrivées et nuitées dans les hôtels et
établissements d’hébergement au Cameroun.
Face à cette insécurité, l’on y observe la chute drastique de l’effectif des touristes dans les parcs
d’attraction (Réserve de Waza, Pics de Rhumsiki, etc.), dont la clientèle est constituée en grande
partie des occidentaux qui sont déconseillés par leurs ambassades de fréquenter la partie
septentrionale. De même, l’on a enregistré la fermeture de la quasi-totalité des entreprises de
tourisme (les tours opérateurs). Le taux d’occupation des hôtels est en net recul, il est passé de près
de 50% avant le début de la crise, à environ 10% après. Ce repli de la fréquentation des hôtels
expliqué par l’annulation complète des réservations faites par les expatriés, a conduit à une baisse du
chiffre d’affaires de près de 16% en glissement annuel. L’on observe au même moment une forte
baisse des activités des établissements de loisirs (les boites de nuits, les bars, et restaurants, etc.).
A contrario, dans la région de l’Est, en raison de l’afflux des réfugiés et l’arrivée du personnel
d’encadrement des organismes internationaux, les services d’hébergement et de restauration ont
connu un surcroît d’activité surtout dans les zones frontalières du fait de l’accroissement des séjours
longues durées induit notamment par la présence des organismes internationaux. Compte tenu de la
capacité hôtelière très limitée, cette forte demande a également entrainé une prolifération des
établissements hôteliers clandestins (transformation des maisons d’habitation en maison
d’hébergement).
Dans les Régions du Nord et de l’Adamaoua, l’impact de la crise sur l’activité du tourisme et
hôtellerie est moins perceptible.
2. Transport
Dans le secteur des transports, l’on observe une forte baisse (-45% dans la Région de l’Extrêmenord) des immatriculations des nouveaux véhicules du fait de l’arrêt des importations en provenance
de l’Afrique de l’Ouest et transitant par le Nigéria. Concernant le transport transfrontalier, l’activité
est pratiquement en arrêt à cause de la fermeture des frontières avec le Nigéria.
Les données du pesage routier de Yonkélé (entrée sud de Maroua) montrent que le trafic des
marchandises a baissé de 7% en glissement annuel essentiellement liés à la baisse des véhicules en
provenance du sud et à destination de Maroua. Les motos-taxis, principal moyen de transport intraurbain, sont interdits de circulation dans ces villes, ce qui réduit énormément la mobilité des
personnes et le ravitaillement des marchés dans ces centres urbains.
3
Par contre dans la Région de l’Est, l’activité du transport demeure relativement stable avec un trafic
en progression de 1,7% en glissement annuel, essentiellement dû à la hausse du trafic lié à la
logistique humanitaire qui a compensé la baisse du trafic lié aux échanges commerciaux.
3. Commerce
La fermeture des principales voies d’accès à la frontière à Amchidé et Fotokol dans la Région de
l’Extrême-nord, et Garoua Boulai dans la Région de l’Est, et la fuite des populations exposées à la
présence des groupes armés, ont des conséquences néfastes sur l’activité commerciale. Les
principaux effets observés sont:
i.
la raréfaction des produits en provenance du Nigéria, notamment les motocyclettes, les
pièces détachées, les boissons gazeuses, les boîtes de conserve, les tissus de pagne, les détergents
et produits cosmétiques, les produits plastiques, les produits pétroliers, les engrais, les matériaux
de construction (ciment, feuilles de tôle, les fers à béton, etc.), les appareils électroniques et
l’électroménager ;
ii.
les difficultés d’écouler certains produits à destination du marché régional
principalement destinés
au Nigéria, au Tchad, en Graphique : Baisse des exportations vers la RCA (poste de Garoua Boulai)
RCA, voire en Libye. Ces
produits
qui
sont
également
consommés
localement, comprennent
les produits agricoles (les
céréales, les tubercules, les
oignons, l’ail, les fruits, le
riz
paddy,
les
légumineuses, etc.), les
produits
d’élevage
(bovins, petits ruminants,
volailles), les produits de
la tannerie, le riz importé, les savons, le poisson séché, les peaux animalières. S’y ajoutent les
produits à vocation à la réexportation ou en transit (riz, sucre, viande).Ce qui a surtout entrainé
une baisse des prix des denrées alimentaires et des produits de l’élevage engendrant une
diminution des revenus des agriculteurs et des éleveurs. Cette menace pourrait se traduire à
terme par un désinvestissement, notamment dans les segments à forte intensité capitalistique
(embouche bovine).
iii.
iv.
L’aggravation du déficit des capacités de transformation qui handicape le développement
du commerce intérieur, notamment vers la partie sud du pays. Pour le cas particulier du riz, la
SEMRY avec des capacités de décorticage très limitées, est confrontée à un afflux de riz paddy
dont l’essentiel était exporté vers le Nigéria. De même, en ce qui concerne la filière bovine et
ovine, les capacités des industries animales (abattoirs) sont également saturées, mettant en relief
le récurrent problème de conditionnement et de conservation.
Les pertes de crédits en marchandises accordés à certains clients qui sont tombés en faillite
ou décédés suite aux affrontements armés. Ce problème est plus important chez les grands
4
distributeurs où plus de 50% des clients proviennent de la Centrafrique pour la Région de l’Est,
et du Nigéria pour les Régions septentrionales.
Dans la région de l’Extrême-Nord, l’activité de distribution et d’approvisionnement des marchés
notamment dans les zones de grandes consommations est rendue difficile du fait de la mesure
interdisant la mobilité des motocyclettes.
A contrario, dans la Région de l’Est, l’afflux de réfugiés a engendré l’accroissement de l’activité
commerciale due à une demande supplémentaire pour certains produits, malgré la prise en charge en
nature de ces déplacés par les organismes humanitaires. On note également une mutation dans la
structure des échanges commerciaux avec une prépondérance de la demande des produits de
première nécessité, ce qui crée souvent des pénuries sur ces produits ainsi que quelques tensions
inflationnistes. De même des marchés spontanés ont vu le jour autour des camps et des zones de
regroupement des réfugiés.
4. Activités agropastorales
a. Secteur de l’élevage, pêche et industries animales
Dans ce secteur, l’on a enregistré l’entrée massive des cheptels aussi bien du bovin que des petits
ruminants en provenance des zones frontalières, du Nigéria et de la Centrafrique. Cet afflux des
troupeaux a engendré de nombreuses difficultés parmi lesquelles :
(i)
(ii)
(iii)
(iv)
(v)
la recrudescence des conflits agriculteurs-éleveurs et éleveurs-éleveurs, du fait non
seulement de la destruction des plantations par le bétail, mais également par la violation
de certains pâturages privés ;
l’accroissement du risque de transmission des maladies bovines et le retour de certaines
maladies bovines déjà éradiquées au Cameroun;
le surpâturage du fait de l’accroissement sensible du cheptel dans les localités frontalières.
l’occupation des espaces protégés notamment la réserve du Mberé ;
le vol du bétail.
De même, les attaques des locaux et autres infrastructures des centres des pêches et centres
zootechniques (Bargaram dans la région de l’Extrême-Nord), fragilisent le suivi et l’encadrement des
activités pastorales et halieutiques. De plus, l’on enregistre un afflux massif des bétails en
provenance des localités concernées et des vols de bétails et autres vivres subis par les populations
régulièrement attaquées dans ces zones frontalières des régions de l’Extrême-nord.
b. Production agricole
Le secteur agricole connait des influences de la crise liée aux groupes armés au Nigéria et en
Centrafrique à travers notamment l’abandon des exploitations par les agriculteurs, la destruction des
plantations par l’afflux du bétail et les difficultés d’accompagnement et de suivi des planteurs.
5
L’impact de cette situation sur le calendrier agricole se fait ressentir dans les zones frontalières à
Tableau : Synthèse des principales productions céréalières de la Région
Année
2011-2012
2012-2013
2013-2014
Superficie
(ha)
Production
(tonne)
Superficie
(ha)
Production
(tonne)
Superficie
(ha)
Production
(tonne)
Sorgho Sp
319 211
421 391
335 420
442 407
314 153
423 420
Sorgho Ss
189 613
192 577
240 810
294 440
199 217
230 238
Maïs
130 350
171 530
108 586
229 038
112 300
214 383
Riz paddy
20 965
79 317
29 913
100 313
25 890
89 432
travers l’interdiction de la mobilité des motocyclettes dans les zones rurales, principal moyen de
locomotion des encadreurs agricoles. La disponibilité des engrais et autres produits phytosanitaires
(pesticides, herbicides, etc.) sont rendues difficiles d’accès ; ce qui aura pour effet direct, la baisse de
rendements et pourrait induire une baisse de la production agricole dans lesdites Régions.
6
III1.
LES EFFETS SUR LES FINANCES PUBLIQUES
Impact sur l’exécution des dépenses budgétaires 2014
A cause de cette situation d’insécurité, plusieurs entreprises de BTP se sont démobilisées du fait de
l’impossibilité d’effectuer des travaux dans la zone concernées. Ainsi, plusieurs marchés publics sont
menacés de forclusion. Ce phénomène est beaucoup plus marqué dans les trois départements (du
Mayo-Sava, du Mayo-Tsanaga et du Logone et Chari), touchés par les attaques des groupes armés de
la secte islamique. En effet, les chantiers sont en arrêt ou rendus difficiles d’accès depuis le début de
l’année 2014 à cause des attaques à répétition ou des menaces verbales des groupes armés.
De même, dans le cadre de l’exécution des travaux de construction relevant du BIP dans les zones
frontalières de la Région de l’Est, les entreprises font face à d’énormes difficultés
d’approvisionnement et de sécurité des travailleurs. Cette situation conduit notamment à la
renonciation de l’exécution de certains marchés, l’arrêt ou le ralentissement de certains travaux
routier notamment sur les tronçons Ngangui-gaw-frontière RCA, Sambolamo-mayo
kélélé, Mandjou-Batouri-Kenzou-Yokadouma, Boutouri-Youkadouma-Ngoura…. De même, des
difficultés sont également constatées dans le cadre du suivi et le contrôle des chantiers.
Par ailleurs, on enregistre également des dépenses liées à la prise en charge des forces de défense
(primes et nutrition, matériels et équipements).
2.
Recettes fiscales
Le ralentissement de l’activité économique qui résulte de l’insécurité a pour conséquence la
diminution du potentiel fiscal des régions affectées.
Il convient également de signaler que dans le cadre de l’apaisement du climat social, les autorités
administratives ont sollicité de l’administration fiscale des mesures accommodantes, notamment la
réduction des contrôles fiscaux pour éviter des tensions sociales, réduisant de ce fait l’efficacité des
administrations fiscales.
Par ailleurs, la fermeture des frontières a d’une part, favorisé, la montée de la contrebande des
produits de première nécessité surtout à l’Est dans la zone de Garoua-Boulai, et d’autre part,
contribué à la réduction de la contrebande dans les Régions de l’Adamaoua et de l’Extrême-nord.
Toutefois, des efforts de recouvrement considérables ont été mis en place par l’administration fiscale
en touchant notamment les activités qui jusque-là étaient sous-fiscalisées comme le secteur
commercial ancré fortement dans l’informel (amélioration de l’efficacité de l’administration fiscale),
ainsi que d’importantes recettes de timbre la suite aux lancements des concours de recrutements
exceptionnels ou ordinaires à la fonction publique, ce qui pourra certainement atténuer des
éventuelles baisses de recettes fiscales.
7
IV-
LES EFFETS SUR LES PRIX
L’on observe un double effet sur les prix :

la hausse des prix inhérente à la baisse de l’approvisionnement des produits importés en
provenance du Nigéria (carburant, produits manufacturés, etc.). L’on note par exemple la
hausse de 35% du prix du carburant en octobre (zoazoa) issu des canaux informels, mais qui
continue d’alimenter les circuits d’approvisionnement. Ce produit reste encore néanmoins le
plus demandé en raison de son prix bas (600 Fcfa/litre) par rapport au carburant des
stations-services issu du circuit formel (674 Fcfa/litre) et des capacités de stockage limitées.
Ce phénomène a été relativement contenu en ce qui concerne d’autres produits, grâce à la
hausse de l’approvisionnement des substituts d’origine camerounaise en provenance du
grand sud. En effet, l’on observe une reconversion de certains clandestins ou informels vers
les canaux d’approvisionnement formels. Ce phénomène a permis d’éviter les pénuries, et
atténué l’effet sur les prix.
 L’impossibilité d’exporter les produits locaux (riz paddy, les céréales, les tubercules, les
oignons, l’ail, les fruits, les légumineuses, riz importé, les bétails, etc.) vers le Nigéria, a induit
une abondance de l’offre et une baisse de prix (déflation) dans certaines localités : le prix du
sac de mil a chuté d’environ 44% par rapport à la même période l’année dernière, le prix du
kilo de viande a chuté de 20%, le prix du riz a baissé de près de 19%.
Tableau 1 : Evolution de l’indice des prix à la consommation au 1er semestre 2014
Est
Indice Général
Produits alimentaires
Pains et céréales
Viandes
Poissons et fruits de mer
Lait, fromage et œuf
Huiles et graisses
Fruits
Légumes
Sucre, confiture, miel,
chocolat et confiserie
Produits alimentaires n.c.a
Adamaoua Extrême - Nord National
2,1%
1,4%
3,1%
3,2%
-0,6%
6,5%
-3,9%
-7,5%
2,7%
1,5%
0,9%
5,1%
1,9%
-9,5%
36,6%
-0,7%
-16,2%
-6,7%
0,9%
1,1%
-1,1%
2,1%
8,4%
0,8%
0,7%
28,2%
-4,5%
1,1%
1,4%
1,2%
1,4%
4,7%
2,0%
-2,8%
4,6%
-0,4%
-0,7%
0,1%
-13,3%
-4,0%
-1,9%
-2,9%
7,6%
5,0%
Source : INS
V-
LES EFFETS SUR L’EMPLOI
Les difficultés que traversent les différents secteurs d’activité affectent également l’emploi,
notamment les emplois directs dans les secteurs agricoles, tourisme et hôtellerie, transport,
commerce, des travaux publics et les emplois indirects. On note ainsi des licenciements, des
abandons, des accumulations d’arriérés de salaires, et des mises en chômage technique dans ces
localités.
8
A titre d’illustration, les informations fournies par le Président régional du Syndicat Patronal des
Industries Hôtelières et du Tourisme, Chambre de l’Extrême-nord (SPIHT-EN) font état de près de
25% du personnel compressé (licenciement, chômage technique, mise en retraite anticipée)
uniquement dans le secteur hôtelier à Maroua, à cause des effets de la situation d’insécurité. Le
phénomène est encore plus accentué dans certains établissements phares comme le NOVOTEL
(50%) et l’Hôtel Porte-Mayo (40%).
Régulièrement en proie à la crise alimentaire favorisée à la fois par causes naturelles (aléas
climatiques, pauvreté des sols, inondations, invasions d'insectes rude) et structurelles (forte
croissance démographique, difficulté d'accès aux intrants agricoles, mauvaise gestion des récoltes,
exportation vers les pays voisins par manque de structure de transformation, etc.), la région de
l’extrême-nord se trouve plus affaiblie par la crise sécuritaire qu’elle traverse. Cette situation qui
favorise la déscolarisation, les risques sanitaires, le chômage des jeunes, et toute sorte de banditisme
(coupeurs de route, enrôlement dans les mouvements terroristes), constitue un frein pour le
développement de l’activité économique de la Région. Sa contribution à la croissance économique
reste par conséquent très faible et ses indicateurs de développement socioéconomique se dégradent
de plus en plus.
9
VI-
SOLUTIONS ET RECOMMANDATIONS
Dans l’optique d’atténuer l’impact économique néfaste de cette crise sécuritaire, et mieux créer des
conditions favorables au développement des activités génératrices de revenus dans la partie
septentrionale du pays, il conviendrait d’apporter une réponse adéquate. Celles-ci pourraient passer
par les mesures suivantes :
-
-
-
Construction des capacités de stockage des produits agricoles ;
Construction et aménagement des forages et autres points de retenue d’eau à usage divers
(étangs pastoraux et piscicoles, points d’irrigation agricole, points d’eau pour consommation
humaine, etc.) ;
Accroissement des capacités de stockage et de distribution des produits pétroliers dans les
localités concernées ;
Amélioration des capacités de la SEMRY (acquisition des nouvelles décortiqueuses, des
équipements de stockage et de conditionnement du riz) ;
Mise en œuvre du projet d’industrialisation des filières bovines, porcines, par la construction
des abattoirs modernes et des entrepôts frigorifiques au Cameroun dans les localités
concernées ;
Promotion de l’industrie de transformation du cuir (fabrication des objets en cuir, etc.) ;
Création des nouvelles zones de pâturages, des pistes des bétails dans les localités d’accueil
des déplacés;
Vaccination et traitement des cheptels dans l’ensemble des localités concernées ;
Avec la maitrise de la situation sécuritaire par nos forces de défense, le Gouvernement devra
permettre à la partie septentrionale de relancer ses activités économiques et soulager ses populations
pour favoriser une meilleure contribution à l’économie nationale. La mise en place d’un programme
d’aménagement du territoire dans ce sens avec pour axe principal une stratégie de résilience et de
relèvement immédiat devrait permettre de favoriser le retour des agriculteurs et des éleveurs dans les
plantations, surtout quand on sait que la région de l’Extrême-nord est grande pourvoyeuse de
produits agropastoraux dans notre économie.
10
VII- FOCUS : Programme d’Aménagement du Territoire (Stratégie de résilience
et de relèvement immédiat dans les régions de l’Adamaoua, du Nord et de
l’Extrême-nord)
Déférant aux Hautes Prescriptions du Président de la République, le Ministre de l’Economie, de la Planification et de
l’Aménagement du Territoire dans ses missions d’aménagement du territoire, a mené une évaluation qui a permis
d’élaborer un programme détaillé basé sur une stratégie de résilience et de relèvement immédiat de la partie
septentrionale de notre pays.
Ce programme intitulé « Programme d’Aménagement du Territoire » s’inscrit dans la mise en œuvre de la Stratégie de
Croissance et de l’Emploi notamment l’axe relatif à la modernisation de l’appareil de production et le développement des
productions agricoles, animales, halieutiques en vue de la création des richesses. En effet, l’Etat s’est engagé avec l’appui
des partenaires au développement à augmenter les rendements et les superficies de l’ordre de 30% par rapport au niveau
de 2005. Cette stratégie vise la sécurité et l’autosuffisance alimentaire, le développement des productions agricoles, la
réduction de la pauvreté à travers la diversification des productions vivrières, la lutte contre la désertification et le
développement de l’élevage, l’encadrement de la jeunesse, la promotion des activités à hautes intensités de main d’œuvre
(HIMO).
Le « Programme d’Aménagement du Territoire » fondé sur une stratégie de résilience et de relèvement immédiat, a pour
objectif de créer les conditions favorables à la pratique permanente des activités génératrices de revenu et à la création
d’emplois décents. Il rassemble les projets à mettre en œuvre dès 2015, identifiés de manière participative avec les
populations locales des régions concernées.
Ce programme se décline en quatre composantes opérationnelles complémentaires à savoir :
Composante 1 : Construction et aménagement des ouvrages de retenue d’eau
Composante 2 : aménagement des périmètres irrigués et des étangs pastoraux et piscicoles
Composante 3 : Réalisations des infrastructures socio-économiques
Composante 4 : renforcement des capacités des acteurs au niveau local
La composante 1 « Construction et aménagement des ouvrages de retenue d’eau » a pour but de rendre l’eau disponible
en permanence pour le développement des activités agropastorales.
La composante 2 vise l’aménagement des périmètres irrigués et des étangs pastoraux et piscicoles pour permettre aux
populations de développer des activités génératrices de revenus.
Quant à la composante 3, elle doit mettre à la disposition des populations des infrastructures socio-économiques de base
pour améliorer leurs conditions de vie et d’activités.
Enfin, la composante 4 « renforcement des capacités des acteurs au niveau local » veut doter les acteurs locaux des
capacités techniques, managériales, organisationnelles et institutionnelles pour développer, accompagner et pérenniser
les initiatives de développement socioéconomique à la base.
Pour ce faire, il est question de (i) déterminer avec précision les ouvrages et aménagements avec leur localisation et les
populations concernées, (ii) répertorier les besoins en infrastructures d’accompagnement, telles que les magasins de
stockage, les marchés, les chambres froides et autres équipements agricoles comme les tracteurs, (iii) déterminer
quelques axes prioritaires des bassins à désenclaver ou à réhabiliter, (iv) catégoriser les projets dans le temps en projets
urgents/réalisation immédiate, projets à moyen terme et projets à long terme, (v) procéder à une répartition
géographique équitable des projets dans les régions.
A ce titre, le programme s’appuiera sur les acteurs de développement existants dans la zone et dont les missions cadrent
les interventions retenues.
11
Le programme comporte au total 94 projets qui se chiffrent à environ 78,8milliards Fcfa. N’y sont inclus que les projets
disposant des études de faisabilité. Les principales déclinaisons chiffrées de ce programme sont récapitulées dans les
tableaux ci-dessous. Le tableau 1 présente le nombre de projets, les résultats attendus et les coûts par composante. Le
tableau 2 quant à lui apporte un éclairage sur la répartition des projets par région.
Résultats attendus
A l’issue de la mise en œuvre de ce programme, les résultats attendus sont :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
La production et la productivité agricole, pastorale et halieutique sont améliorées ;
Les différentes chaînes de valeur issues des produits sont remises à niveau ;
Le cadre de vie des populations est amélioré ;
Le chômage est réduit ;
Les capacités technique et organisationnelle des producteurs de la zone sont renforcées ;
Le genre et la jeunesse sont effectivement mis en valeur dans les activités de développement de la zone.
Tableau 1 : Nombre de projets et résultats attendus
Composante
CONSTRUCTION ET
AMENAGEMENT DES
OUVRAGES DE
RETENUE D'EAU
AMENAGEMENT DES
PERIMETRES
IRRIGUES ET DES
ETANGS PASTORAUX
ET PISCICOLES
Nombre
de projets
Résultats attendus
21
. 16 points d'eau pastoraux construits
. 36 barrages construits
. 99 marres construites
. 08 lacs artificiels construits
. 02 forages pastoraux construits
. 46 biefs en pierre fonctionnels
. 06 digues réhabilitées
. 01 Fleuve El Beid ravitaillé à partir du Logone (Sécurisation des frontières)
10
. 3445 ha de périmètre agricoles aménagés et réhabilités
. 21 étangs piscicoles aménagés
. 360 ha de bas fond aménagés et mis en valeur
. 08 centres d'alevinages construits
REALISATIONS DES
INFRASTRUCTURES
SOCIOECONOMIQUES
63
RENFORCEMENT DES
CAPACITES DES
ACTEURS LOCAUX
4
TOTAUX
94
. 255 grands magasins de stockage construits
. 02 marchés frontaliers construits
. 16 marchés à bétail construits et équipés
. 20205,5 km de routes construites
. 02 centres de formation spécialisés construits
. 64 localités électrifiées par panneau solaire
. 18 pâturages introduits et densifiés
. 30 060 ha de pâturages modernes aménagés
. 04 sites touristiques aménagés
. 30 tracteurs avec accessoires complets acquis
. 01 pont sur le Mayo Vouré construit
. 01 abattoir moderne construit
. 06 unités de transformation de lait installées
. 12 adductions d'eau en énergie solaire réalisées
. 05 espaces pastoraux "houroums" aménagés
. 02 usines de production et de transformation d'huile installées
. 01 ferme avicole avec unité intégrée de transformation de farine de maïs créée
. 06 parcs communautaires à bétail aménagés
. 21 parcs vaccinogènes construits
. 21 forages équipés à pompes à motricité humaine mis en place
. 01 verger de production de mangue créé
. 04 structures locales d'exécution renforcées en ressources humaines,
matérielles et financières
12
Tableau 2 : Récapitulatif du nombre des projets par région et par composante
Nombre de projets par composante
REGIONS
AMENAGEMENT
DES
REALISATIONS
CONSTRUCTION ET
PERIMETRES
DES
AMENAGEMENT DES
IRRIGUES ET DES INFRASTRUCTUR
OUVRAGES DE
ETANGS
ES SOCIORETENUE D'EAU
PASTORAUX ET
ECONOMQUES
PISCICOLES
ADAMAOUA
3
2
37
NORD
9
3
20
EXTRÊME-NORD
9
5
6
21
10
63
Cumul
RENFORCEMEN
T DES CAPACITES
DES ACTEURS AU
NIVEAU LOCAL
TOTAL
42
4
32
20
4
98
13