Proposition de communication - Académie de l`Entrepreneuriat
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Proposition de communication - Académie de l`Entrepreneuriat
L'IMPACT DE L'EMOTION SUR LA FORMATION DE L'INTENTION ENTREPRENEURIALE : LA PEUR DE L'ECHEC ET LA JOIE DE LA REUSSITE Sibel TOKATLIOGLU Docteur en Sciences de Gestion [email protected] 7ème Congrès de l’Académie de L’Entrepreneuriat et de l’Innovation Paris, 12-15 octobre 2011 1 Résumé : Dans la présente communication, nous proposons une première exploration théorique du lien entre l’émotion et la formation de l’intention entrepreneuriale. Pour ce faire, suite à un exposé de la conception de l’intention entrepreneuriale du point de vue des désirs et des croyances, nous révisons les théories cognitives de l’émotion. Nous traitons ensuite le lien entre la formation de l’intention entrepreneuriale d’une part, l’émotion immédiate (la peur de l’échec) et l’émotion attendue (la joie de la réussite) d’autre part. Mots clés : but, désir, émotion attendue, émotion immédiate, intention entrepreneuriale Introduction Le comportement se présente à l’individu comme le moyen unique de se relier au monde environnant, de le transformer et/ou de se transformer. Ainsi, un comportement est par défaut un instrument pour l’individu, de pouvoir faire le changement qu’il juge nécessaire dans le monde et, par conséquent, dans sa relation à ce dernier. La prise de conscience de la nécessité d’agir dans le monde débute par l’intervention d’un événement qui cause un changement dans l’environnement interne et/ou externe de l’individu. Ce changement se présente soit comme une menace contre son équilibre, soit comme une occasion pour améliorer son état actuel. L’individu le détecte et agit en fonction, afin de se débarrasser de la menace ou de tirer partie de l’occasion favorable en question (voir Nuttin, 2005 ; Proust, 2005 ; Damasio, 2005). Ce processus demande la perception, la valorisation (valence négative ou positive) de l’événement et la considération des possibilités pour agir ou non en fonction de l’événement. Si l’individu agit, son action sera intentionnelle, résultante de sa délibération. Selon Dretske (1991), le comportement humain est un processus qui se définit par le fait qu’une cause produit un mouvement. Il n’est ni la cause, ni le mouvement, mais il est le processus. Le comportement de création d’entreprises commence, donc, avant la création effective de l’entreprise. La cause qui produit la création est l’intention de l’entrepreneur. Ainsi, le comportement de création est décrit par l’ensemble du processus depuis la formation de la cause du mouvement (l’intention entrepreneuriale), jusqu’à la réalisation du mouvement (la création effective de l’entreprise). Cette vision du comportement de création implique l’étude des états mentaux précédant la création et de leur rôle causal dans la formation de l’intention. Il s’agit des croyances et des désirs de l’entrepreneur potentiel avant qu’il crée son entreprise. Etant donné que ces états mentaux contribuent à la formation de l’intention 2 entrepreneuriale, ils font partie du comportement de création. La structure du comportement que nous présentons entre dans une logique causale de création d’entreprises1. Dans l’étude de cette structure causale, l’intention s’installe au centre et maintient des relations avec les buts, les désirs et les croyances de l’individu. L’intention entrepreneuriale est centrale dans le processus de création d’entreprise, lorsque ce dernier est considéré comme un comportement. Puisque ce comportement est complexe et nécessite une délibération de la part de l’entrepreneur potentiel, il n’est pas possible de l’examiner dans une logique de stimulus-réponse (Krueger, 1993 : 5). Ainsi, les conditions situationnelles et contextuelles (la faisabilité réelle) ne peuvent expliquer directement le comportement de création des entrepreneurs. L’intention entrepreneuriale endosse, donc, la fonction d’expliquer l’épisode critique du processus qui est la délibération pour créer ou non une entreprise. L’intention entrepreneuriale étant la décision prise de créer une entreprise, sa formation nécessite le choix de la création d’entreprise parmi d’autres options d’action2. Ce choix reposerait principalement sur la compatibilité de la création d’entreprise avec le but de l’individu. Une fois que la création d’entreprise se présente dans la liste des choix à considérer, l’individu serait susceptible de s’imaginer entrain de créer son entreprise et de prédire les conséquences probables en cas de réussite ou d’échec. L’émotion déclenchée par ces images mentales interviendrait de manière positive ou négative dans le processus du choix de l’entrepreneur potentiel. Dans la présente communication, nous tentons d’explorer la façon dont l’émotion intervient dans le processus de formation de l’intention de création d’entreprise. Pour ce faire, nous présentons, dans un premier temps, la conceptualisation de l’intention entrepreneuriale et ses antécédents causaux. Dans la partie qui suit, nous exposons le concept et les théories de l’émotion. Enfin, nous traitons le lien entre la formation de l’intention entrepreneuriale d’une part, l’émotion immédiate (la peur de l’échec) et l’émotion attendue (la joie de la réussite) d’autre part. 1. L’intention entrepreneuriale 1 Sarasvathy (2001) met en question la logique causale et propose de la remplacer par la logique effectuale. Selon la logique effectuale, le comportement d’un entrepreneur ne peut dépendre des buts prédéfinis, puisque dans un environnement incertain, l’entrepreneur avancerait vers des effets possibles à partir de ses moyens déjà en main. 2 Cette nécessité est laissée de côté lorsque l’intention entrepreneuriale est étudiée, comme c’est souvent le cas, dans le cadre de la théorie du comportement planifié d’Ajzen (1991) (voir 1.1.). 3 Avant d’exposer la vision de l’intention entrepreneuriale du point de vue des désirs et des croyances (1.2.), nous proposons un résumé de la conception commune de l’intention en entrepreneuriat. 1.1. L’intention comme la tendance à l’action Les théories de l’intention entrepreneuriale (notamment celles de Shapero et Sokol, 1982 ; Bird, 1988 ; Learned, 1992 ; Krueger, 1993 ; Boyd et Vozikis, 1994 ; Davidsson, 1995 ; Krueger et al., 2000) prévoient un rôle déterminant pour l’intention dans la prédiction de l’action de création d’entreprise3. L’intention y est la motivation d’agir et ses antécédents représentent l’origine de cette action planifiée. Importée de la psychologie sociale, la théorie du comportement planifié (TCP) d’Ajzen (1991) est autant, sinon plus largement employée dans les recherches sur l’intention entrepreneuriale. Dans cette théorie, les antécédents de l’intention sont destinés à un comportement spécifique (Ajzen, 1991 : 180). Ainsi, il est possible d’étudier la formation de l’intention pour entreprendre en partant des états mentaux qui ne concernent que l’action d’entreprendre. L’intention, au centre de la TCP, précède la réalisation du comportement et se trouve déterminée par trois antécédents conceptuels : l’attitude à l’égard du comportement ; la norme subjective et le contrôle perçu sur le comportement. Ils sont, à leur tour, déterminés par les croyances de l’individu. - l’individu croit que l’action en question va lui permettre d’avoir les résultats qu’il valorise. Cette croyance précède l’attitude envers le comportement ; - l’individu croit que l’action est jugée désirable pour lui par son entourage et il est motivé pour se conformer au jugement de son environnement de proximité. Cette croyance précède la norme subjective ; - l’individu croit qu’il est capable de réaliser l’action dont les résultats sont valorisés. Cette croyance précède la croyance de contrôle sur l’action. Lorsque les antécédents de la TCP se combinent avec les deux variables du modèle de l’événement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982)4, l’attitude et la norme subjective envers le comportement de création s’accordent avec les perceptions de désirabilité d’une part, et le contrôle perçu sur le comportement correspond aux perceptions de faisabilité 3 « Les intentions sont les seuls à prédire les comportements planifiés y compris l’entrepreneuriat. […] les modèles d’intention prédisent le comportement mieux que les autres variables individuelles (par exemple la personnalité) ou situationnelles (par exemple statuts d’emploi) » (Krueger et al., 2000 : 412). 4 Bien que l’intention ne soit pas mentionnée dans leur modèle, Shapero et Sokol (1982) sont vus comme les pionniers de l’approche par les intentions en entrepreneuriat. 4 d’autre part (voir Krueger et al., 2000). La formation de l’intention entrepreneuriale nécessite que l’individu et son entourage aient une attitude favorable envers la création et qu’il se perçoive capable de réaliser cette création. Autrement dit, pour qu’un créateur potentiel forme une intention entrepreneuriale, il faut qu’il perçoive la création d’entreprises comme désirable et faisable. L’intention entrepreneuriale telle qu’elle est conçue ne se base que sur les croyances de l’individu et ne comprend pas de facteur motivationnel. Pourtant, l’intention est supposée être la somme des facteurs motivationnels (voir Ajzen, 1991). Son antécédent, la désirabilité, comme l’attitude, est un jugement. Elle se réfère à la valeur attribuée au résultat d’une action (valence) et elle est supposée être la principale raison d’agir. Mais comme l’attitude, sans la considération de l’état motivationnel de l’individu, la conceptualisation de la désirabilité sera vide en termes d’implications d’action (Perugini et Bagozzi, 2004). Selon Bagozzi (1992) l’attitude favorable ne pourrait pas stimuler la formation de l’intention sans l’intervention d’un facteur motivationnel. Puisque la formation de l’intention nécessite la motivation personnelle d’arriver à l’état final (en l’occurrence au résultat de l’action), le seul fait que l’état final soit désirable ne causera pas l’intention5. Une conceptualisation de l’intention libérée de ce pourquoi l’action sera réalisée réduirait l’intention en une simple tendance à l’action. La formation de l’intention entrepreneuriale nécessite que la création d’entreprises reçoive non seulement un jugement (attitude) favorable de la part du créateur potentiel, mais aussi qu’elle soit désirée parce qu’elle permet d’atteindre un but de ce dernier. 1.2. L’intention comme la décision de l’action intentionnelle Dans la vision de l’intention du point de vue des désirs et des croyances, la création d’entreprise résulte de la décision de mouvoir (l’intention) de l’entrepreneur. La décision de mouvoir, quant à elle, découle de la motivation vers le but (voir Nuttin, 2005, chapitre 5). Pour qu’il y ait de la motivation, l’individu doit avoir un but (un état désiré). Ce raisonnement est celui de l’action téléologique/intentionnelle qui implique la présence d’une raison consciente d’agir chez l’agent6. La conception téléologique estime que l’action de l’individu est déterminée par les résultats de cette action dans le futur. Il s’agit, comme les théories du 5 « Ce n’est pas la désirabilité d’une belle paire de chaussures qui fait que l’agent l’achète, mais c’est son désir de la posséder » (Perugini et Bagozzi, 2004: 71). 6 Anscombe le précise : « Les actions intentionnelles sont celles auxquelles s’applique la question ‘pourquoi ?’ » (Anscombe, 2002 : 65). 5 contrôle en psychologie l’admettent, d’un futur désiré qui contrôle l’action présente. Ce futur désiré est représenté dans le mental en tant que but et d’autres états mentaux (cognitifs, conatifs) se mettent à son service pour pouvoir trouver le moyen de l’atteindre7. Au sein de la psychologie, les buts sont définis comme les représentations internes des états désirés (Austin et Vancouver, 1996 : 338). Ils participent au choix des comportements à réaliser et donnent ensuite la direction aux comportements choisis. Ainsi conceptualisés, les buts sont à l’origine de la motivation. Chez Dretske, le but est un résultat dont l’individu est réceptif (Dretske, 1991 : 110). La réceptivité de l’individu envers ce résultat se définit par son désir de ce résultat. Ainsi, le fait que l’action soit susceptible d’apporter des résultats que l’individu valorise, ne suffit pas à le mouvoir vers ce résultat. Ce n’est qu’en désirant ces résultats désirables que l’individu peut agir. Les modélisations de l’action intentionnelle dans le domaine de la psychologie naïve et dans celui de la philosophie de l’action dessinent des schémas semblables. La formation de l’intention d’agir est supposée dépendre des croyances et des désirs de l’individu. Ils constituent ensemble la raison d’agir. Leur contenu est construit des états mentaux qui sont représentatifs des objets ou des états du monde existants (pour les croyances) et désirés (pour les désirs). Malle (1999) schématise l’explication du comportement intentionnel comme le montre la figure ci-dessous. Il est expliqué par l’intention formée à partir des croyances et des désirs de l’agent. L’histoire causale représente les facteurs qui précèdent la formation des raisons. Ils expliquent le déclenchement des raisons de l’agent sans pour autant avoir un pouvoir motivationnel sur le comportement intentionnel8. Ce sont les raisons qui motivent et non pas l’histoire causale de ces raisons. Quant aux facteurs de faisabilité, ils rendent possible l’exécution de l’intention par la réalisation du comportement intentionnel. Nous savons que l’intention ne se réalise pas toujours, les facteurs externes ou le manque de capacité de l’agent pour réaliser le comportement peuvent empêcher son exécution. Les facteurs de faisabilité interviennent pour expliquer le comment de l’exécution de l’intention9. 7 L’action téléologique n’est pas seulement une action qui tente d’atteindre un certain but, mais c’est une action qui est réalisée parce qu’elle tente d’atteindre ce but (Dretske, 1991 : 111). Il suffit que l’action soit réalisée dans l’objectif d’atteindre le but pour qu’elle soit qualifiée de téléologique, même si elle ne permet pas d’atteindre le but tout de suite après la réalisation de l’action. Ainsi, le résultat immédiat de l’action peut ne pas être le but, mais un résultat qui rapproche l’individu de son but. Lorsque le but est la réalisation du comportement lui-même, on parle de la « motivation intrinsèque » et le comportement est dit « autodéterminé » (Deci et Ryan, 2000 : 234). Le comportement autodéterminé est désiré pour ce qu’il est. Il n’est donc pas l’instrument d’un but. 8 Puisque nous ne pouvons pas avoir l’intention d’avoir des raisons, les raisons s’expliquent forcément par la voie causale. 9 Les facteurs de faisabilité diffèrent des perceptions sur le contrôle du comportement. Ils interviennent en tant que médiateur des relations intention-comportement et, donc, concernent la faisabilité réelle de l’action. La 6 Figure 1. Les croyances et les désirs causent le comportement intentionnel (Malle, 1999: 32) Raisons (croyances/désirs) Comportement intentionnel Intention Histoire causale Facteurs de faisabilité La relation entre les raisons et le comportement intentionnel est médiatisée par la formation d’une intention (Searle, 1985 ; Bratman, 1987 ; Mele, 1992). L’intention de réaliser le comportement est formée après la considération des raisons. Les raisons, donc les croyances et les désirs, motivent le comportement intentionnel. Un comportement est jugé intentionnel, si l’agent qui le réalise a un désir pour un certain résultat, une croyance que ce résultat peut être atteint par ce comportement et une intention de réaliser ce comportement (Malle, 2001 : 266). La psychologie naïve offre le schéma classique de l’explication de l’action qui a comme origine le syllogisme pratique10 d’Aristote (Engel, 1996 ; Proust, 2003). Ainsi, - x désire p ; - x croit que faire A va lui permettre de faire p ; - Donc x fait A. (x représente l’agent, p représente la fin –objet et/ou l’action– désirée, A représente l’action). La conclusion d’un syllogisme est une action ou l’intention/la décision de réaliser cette action. Il s’agit de faire une inférence à partir d’un objet/état désiré, vers le moyen nécessaire pour l’atteindre. Néanmoins, A ne peut être qu’une action intermédiaire dans la poursuite de l’état final p. L’intention entrepreneuriale serait formée une fois que la création d’entreprise est sélectionnée comme l’action-moyen. question que nous pouvons poser pour les détecter, est : « comment la réalisation du comportement est-elle rendue possible ? ». 10 Le syllogisme est défini par Aristote comme un discours dans lequel certaines choses étant posées, quelque chose d’autre que ces données en résulte par le seul fait de ces données (Nef, 2009 : 4). Quant à la pratique, elle est une activité de pensée comme la théorie, sauf qu’elle ne se satisfait pas que de penser et qu’elle est dirigée vers la production d’un certain résultat (Taylor, 1915 : 72). 7 L’application du modèle de croyance-désir au processus de formation de l’intention entrepreneuriale permet de mettre l’accent sur l’importance des buts de l’individu dans la formation de l’intention. Les croyances et les désirs de l’individu déterminent laquelle des actions considérées sera sélectionnée. Néanmoins, la décision de l’action intentionnelle se trouve influencée par une structure mentale autre que les croyances et les désirs. Il s’agit de l’émotion. L’émotion est en relation étroite avec les croyances et les désirs. Elle est présente dans la formation et l’évaluation des désirs. Nous nous ennuyons lorsque nous remarquons un besoin qui n’est pas accomplit, nous sommes mécontents lorsque nous avons un désir qui n’est pas atteint et nous avons de la joie lorsque nous atteignons notre but. L’émotion trouve son origine dans nos croyances11. Nous avons peur lorsque nous croyons que nous allons échouer, nous sommes en colère lorsque nous croyons que nous avons échoué, nous sommes surprises lorsque nous apprenons que notre croyance était fausse. Ainsi, selon Bradmetz et Schneider (2001), il y a un nœud borroméen liant le désir, la croyance et l’émotion. Aucun des trois ne peut être analysé sans faire référence aux deux autres (Bradmetz et Schneider, 2001 : 271). Longtemps mise de côté du fait de son association avec l’irrationalité, l’émotion est démontrée indispensable pour le raisonnement et la prise de décision (voir notamment Damasio, 2010 [1994]). 2. Le concept de l’émotion Le concept de l’émotion est couramment employé et chacun sait ce qui est une émotion jusqu’à ce qu’on lui demande de la définir (Fehr et Russel, 1984, cité par Ochs, 2007 : 17). Vu cette difficulté, l’émotion se trouve, en général, différenciée d’autres concepts affectifs dans sa définition. Il s’agit des humeurs et des sentiments 12. En ce qui concerne les humeurs, l’émotion se distingue par sa connexion à un objet. Contrairement aux humeurs qui sont des états affectifs d’intensité faible, de longue durée, sans un objet particulier, l’émotion apparaît en réaction à des objets et/ou des événements spécifiques, elle est intentionnelle13. Quant aux sentiments, ils succèdent les émotions. Ils apparaissent lorsque les émotions 11 Les croyances ne sont pas les seules à déclencher l’émotion. Scherer (2005) propose une distinction plus élaborée de l’émotion avec d’autres phénomènes affectifs (préférences, attitudes, humeurs, dispositions affectives, positions interpersonnelles). Il établit cette différenciation selon sept critères comprenant la centralité de l’événement déclencheur et de l’évaluation, la synchronisation de réponse, la rapidité de changement, l’impact comportemental, l’intensité et la durée. 13 Elle est à propos d’un objet. 12 8 corporelles (publiques et visibles) deviennent des pensées (privées et invisibles) (Damasio, 2005 : 14). En général, les émotions se divisent en deux catégories : les émotions primaires, comme la peur, la colère, la tristesse, la joie, la surprise et le dégoût et les émotions sociales, comme la honte, la culpabilité, l’orgueil, l’admiration et le mépris. Une séquence d’émotion typique comprend différents composants : une perception sensorielle, une évaluation, des changements physiologiques, des sentiments conscients, des processus cognitifs et d’attention et une tendance à l’action (Tappolet, 2010 : 326). Les différents courants qui ont tenté de définir le composant déterminant de l’émotion occupent leur place dans sa théorisation. La perspective évolutionniste, suivant Darwin, s’intéresse aux expressions des émotions. La perspective physiologique, suivant James, s’intéresse à l’activation physiologique dans le déclenchement des processus émotionnels. La perspective du constructivisme social qui considère les émotions comme le produit des constructions sociales (Audibert, 2008 : 25). Etant donné notre objectif d’exploration théorique du lien entre l’émotion et l’intention, la perspective cognitive sera privilégiée et présentée en premier lieu pour clarifier le processus par lequel l’émotion émerge. 2.1. Les théories cognitives de l’émotion Les théories cognitives de l’émotion (appraisal theory) admettent que l’émotion se génère suite à l’évaluation subjective de l’importance personnelle du déclencheur. Cette hypothèse, bien qu’implicite, se trouve dans les écrits sur les antécédents de l’émotion des philosophes tels qu’Aristote, Spinoza, Descartes et Hume (Scherer, 1999 : 637). Son étude profonde incluant les étapes, les objectifs et les fonctions du processus de l’évaluation est réalisée par les psychologues. Arnold (1960) a été la première à introduire le concept d’évaluation. Selon elle, les événements sont évalués selon trois dimensions : bénéfique/néfaste, présence/absence d’un objet et difficulté d’approcher/d’éviter l’objet en question (cité par Scherer, 1999 : 637). Arnold a été suivie par Lazarus (1966) qui, lui, a définit le processus d’évaluation par deux étapes : au moment du rencontre avec l’événement déclencheur, l’individu évalue d’abord la pertinence de cet événement par rapport à son bien-être (primary appraisal), et, ensuite, les moyens pour pouvoir s’adapter à la situation créée par l’événement en question (secondary appraisal) (Smith et Lazarus, 1990 : 618). 9 Dans les théories cognitives de l’émotion, l’émotion est conceptualisée comme un processus émergeant et dynamique basé sur l’évaluation subjective d’un événement important par l’individu (Scherer, 2009 : 1307). Le résultat de cette évaluation de l’objet et/ou de la situation, en fonction des intérêts, des buts et des plans de l’individu, serait une réponse émotionnelle qui comprend la tendance à l’action, l’expérience subjective de l’affect (sentiment) et la réponse physiologique. Nous proposons d’étudier deux de ces théories dont une qui met l’accent sur la tendance à l’action (celle de Frijda) et l’autre qui étudie en détaille le processus complexe d’évaluation (celle de Scherer)14. 2.1.1. La théorie de Frijda Frijda (1986) débute son explication du phénomène émotionnel en répondant aux questions du pourquoi et du comment certains événements/objets déclenchent l’émotion. Les réponses constituent les piliers de sa théorie. L’individu éprouve de l’émotion face aux certains événements/objets parce qu’ils touchent de manière favorable ou défavorable à ses préoccupations15. Le processus débutant par le déclencheur et se terminant par la réponse émotionnelle comporte des séquences d’évaluation. Ces séquences (analyseur, comparateur, diagnostiqueur, évaluateur, parrain d’action, générateurs de changements physiologiques et acteur) constituent les composants du processus d’émotion proposé par Frijda (voir la figure ci-dessous). Toutes les séquences sont contrôlées par les processus de régulation qui sont susceptibles de modifier ou arrêter le processus d’émotion. Le composant le plus important du processus est le parrain d’action (action proposer). Selon Frijda, une émotion s’identifie par le changement dans la préparation à l’action (action readiness change) (Frijda, 1986 : 72). Ce changement résulte du processus d’évaluation qui vérifie d’abord la pertinence du déclencheur au vue des intérêts, ensuite le contexte dans lequel l’acteur peut ou peut ne pas agir et enfin l’urgence, la difficulté et l’importance de la situation. A la fin de ces vérifications, le changement généré dans la préparation à l’action définit la tendance à l’action. Ainsi, chaque émotion s’associe à une action et possède une 14 Nous choisissons de présenter ces deux théories en raison de leur pertinence pour la problématique de l’action téléologique. La théorie de Frijda détaille le processus d’émotion en se concentrant sur la génération de l’action. La théorie de Scherer qui appartient à la littérature plus récente, propose une modélisation plus sophistiquée du processus d’évaluation (voir de Sousa, 2010). L’exposé de ces deux théories vise une initiation au fonctionnement de l’émotion. 15 Frijda (1986) emploi le terme « concern » pour représenter les buts et les préférences de l’individu. Ce terme central de sa théorie se trouve traduit en français en tant qu’intérêts et sa théorie nommée la théorie de réalisation des intérêts. 10 fonction au vue de la protection de l’atteint des intérêts. Par exemple, en cas de peur, la tendance à l’action serait l’évitement et exercerait la fonction de protection. Figure 2. Le processus d'émotion (Frijda, 1986: 454) Evénement déclencheur Intérêts Sortie _ Comparateur : Evaluation de la pertinence 1 2 Processus de régulation Analyseur : Perception et codage de l’information + Diagnostiqueur : Evaluation du contexte Signal de pertinence Signal du contrôle prioritaire 3 Evaluateur : Evaluation de l’urgence, de la difficulté et de la gravité 4 Parrain d’action : Génération de changement dans la préparation à l’action 5 Générateurs de changement physiologique 6 Changement physiologique : Excitation Acteur : Génération de l’action Réponse manifeste 2.1.2. La théorie de Scherer 11 7 Scherer définit l’émotion dans son modèle des processus composants comme une séquence de changements interdépendants et synchronisés dans les états de tous ou de la plupart de cinq sous-systèmes de l’organisme, en réponse à l’évaluation d’un événement déclencheur interne ou externe comme pertinent pour les préoccupations majeures de l’organisme (Scherer, 1987 : 7, 2005 : 697). Les cinq sous-systèmes en question correspondent aux différentes fonctions et aux différents composants de l’émotion. Les relations entre ces éléments sont présentées comme suit (Scherer, 2005 : 698) : 1. Le sous-sytème de traitement de l’information : le composant cognitif exécute la fonction de l’évaluation des objets et des événements, 2. Le sous-système de support : le composant neurophysiologique gère la régulation du système émotionnel, 3. Le sous-système exécutif : le composant motivationnel assure la préparation et la direction de l’action, 4. Le sous-système d’action : le composant d’expression motrice exerce la fonction de la communication de la réaction et de l’intention comportementale, 5. Le sous-système moniteur : le composant de sentiment subjectif remplit la fonction de surveillance de l’état interne et de l’interaction entre l’organisme et l’environnement. Selon Scherer, le processus d’émotion est principalement dirigé par des changements dans l’évaluation de l’information reçue au sein du sous-système de traitement de l’information (Scherer et Sangsue, 2004 : 14). Ces changements sont perçus grâce aux tests d’évaluation des déclencheurs (Stimulus Evaluation Checks, SECs) qui se présentent ci-dessous selon les objectifs d’évaluation poursuivis : 1. L’évaluation de la pertinence : il s’agit de vérifier la nouveauté et la pertinence du déclencheur au vue des buts et de voir si le déclencheur est intrinsèquement plaisant/déplaisant indépendamment des buts de l’individu. 2. L’évaluation des implications : il s’agit, d’une part, de vérifier la probabilité du résultat, la divergence entre la situation actuelle et attendue et, d’autre part, de voir si la situation est favorable/défavorable pour la réalisation des buts et s’il faut agir en urgence. 3. L’évaluation du potentiel de maîtrise : il s’agit de déterminer le responsable ou la cause de l’événement déclencheur et de vérifier si l’individu est capable de le contrôler, ainsi que de s’adapter en fonction de ses conséquences. 12 4. L’évaluation de la signification normative : il s’agit d’évaluer la compatibilité entre l’événement et l’action en sa réaction, d’une part, et les standards les normes internes et externes à l’individu d’autre part. Ces vérifications se mettent en marche successivement et leurs résultats causent des changements dans d’autres sous-systèmes. Le modèle de Scherer admet que l’émotion est un mode d’opération de l’organisme et qu’il y a une synchronisation de plusieurs composants d’un système-opérant pour faire face à l’événement déclencheur. 2.2. L’infrastructure de l’émotion Le progrès des neurosciences permet d’affirmer que les processus mentaux ont leurs structures neurales correspondantes dans le cerveau (Damasio, 2005 : 19). Il est désormais possible d’observer les processus mentaux et mesurer leur niveau d’implication dans la conduite humaine. Les maladies neurologiques étaient et sont toujours de grande aide pour éclairer le fonctionnement de ces processus cérébraux. L’importance de la capacité de ressentir et d’exprimer des émotions pour le raisonnement s’est avérée suite au traitement des patients dont les parties du cerveau liées à l’affect se trouvent endommagées (voir Damasio, 2005 ; Proust, 2005). Les patients en question restaient parfaitement aptes à résoudre les problèmes logiques, mais éprouvaient des difficultés à faire des choix. Damasio dans L’erreur de Descartes (Damasio, 2010 [1994]), propose l’hypothèse des marqueurs somatiques16 qui « […] représentent un cas particulier de la perception des émotions secondaires17, dans le cadre duquel ces dernières sont reliées, par apprentissage, aux conséquences prévisibles de certains scénarios » (Damasio, 2010 : 240). Ainsi, les marqueurs somatiques facilitent la décision suivant les manifestations corporelles causées par l’émotion. L’hypothèse de Damasio est dans la même direction que la thèse de William James selon laquelle les changements corporels suivent directement la perception de l’événement par l’individu et l’émotion apparaît seulement après que l’individu sente ces changements dans son corps18 (James, 1884 : 189-190). Lorsque le cerveau détecte un SEC, stimulus 16 Damasio (2010 : 239) utilise le terme somatique dans son sens général : ce qui appartient au corps. Les émotions secondaires sont acquises suite à l’établissement des rapports systématiques entre certains types de situation et les émotions primaires (Damasio, 2010 : 188). 18 Selon James, on ne pleure pas parce qu’on est triste ; c’est parce qu’on pleure qu’on est triste (James, 1884 : 190). 17 13 émotionnellement compétent19, il produit des réponses chimiques et neurales automatiques. Certains SEC sont innés, d’autres sont appris avec l’expérience vécue (Damasio, 2005 : 60). L’infrastructure neurale de l’émotion dévoile un peu plus le fonctionnement de celle-ci et consolide son rôle dans la prise de décision. 19 SEC : objet ou événement dont la présence, réelle ou sous forme de souvenir mental, déclenche l’émotion. 14 3. L’émotion et la décision d’agir Le lien entre l’émotion et la décision d’agir n’est pas d’actualité dans la recherche en intention de création d’entreprises. Etant donné le caractère marginal des études sur l’émotion en entrepreneuriat (Goss, 2008 : 120), il ne faut pas s’étonner de voir que les recherches se dirigent vers les aspects plus « rationnels » du processus de décision entrepreneuriale, tels que l’utilité, le contrôle et le plan de l’action. Toutefois, les recherches existantes sur la dimension affective de l’entrepreneuriat montrent la nécessité de se pencher sur les émotions des individus lors du comportement entrepreneurial (voir Cardon et al., 2005 ; Baron, 2008, Brundin et al., 2008, Goss, 2005, 2008, Zampetakis et al., 2008). Ainsi encouragés, nous proposons une piste de réflexion pour étudier le lien entre l’émotion et l’acte entrepreneuriale pendant la période en amont de la création. Nous nous concentrons sur les émotions de l’entrepreneur potentiel formées suite à l’imagination de son futur action. L’émotion peut influencer l’action, soit en générant un changement dans la tendance à l’action20, soit en intervenant dans le processus de décision (la formation de l’intention) pour aider à évaluer ses conséquences possibles (Zhu et Thagard, 2002 : 27). L’effet de l’émotion sur la tendance à l’action sera direct en cas de réactions purement émotionnelles. Un individu qui éprouve la peur aurait tendance à fuir, tandis qu’un individu qui éprouve de la joie aurait tendance à garder son état actuel. Dans le cas de la prise de décision, le rôle de l’émotion se partage entre les émotions immédiates et les émotions attendues. L’émotion immédiate est celle qui est éprouvée par l’individu au moment de la prise de décision sans qu’il y ait un lien avec les conséquences attendus de l’action. Quant à l’émotion attendue, elle est liée à l’évaluation des conséquences de l’action future. Les diverses influences exercées par les émotions sur le choix de l’action sont étudiées par Loewenstein et Lerner (2003) (voir la figure ci-dessous). Les émotions attendues exercent leur influence sur la prise de décision à travers les prédictions concernant les conséquences émotionnelles des résultats attendus (Loewenstein et Lerner, 2003 : 620). Lorsque l’entrepreneur potentiel essaye de prédire les résultats probables de l’action de création d’entreprise, il se représenterait mentalement les cas où la création d’entreprise permet ou non à l’atteinte de ses buts. Chacun de ces résultats envisagés lui feraient ressentir certaines émotions. Si l’entrepreneur potentiel a peur en imaginant la faillite 20 Selon Frijda, la plupart des émotions forme des états motivationnels (Frijda, 2008 : 77) et le passage de la perception de l’émotion à l’action ne nécessite pas de délibération (voir Pacherie, 2002 : 77 et Sartre, 1995 : 72). 15 de sa tentative d’atteindre ses buts, il peut se refuser de choisir la création d’entreprise afin d’éviter de se retrouver dans la situation d’échec. Figure 3. Les déterminants et les conséquences des émotions immédiates et attendues (Loewenstein et Lerner, 2003: 621) b, c c Influences anticipées b a Emotions immédiates d Décision/ Comportement g e f Conséquences attendues Emotions attendues h i Influences accessoires - Ligne a correspond à l’ajustement du choix de l’action selon les émotions positives ou négatives qu’elle risque de déclencher. - Lignes b et c correspondent aux influences exercées par les conséquences et les émotions attendues sur les émotions immédiates. - Ligne d correspond à l’effet direct des émotions immédiates sur la décision d’agir. - Ligne e correspond à l’effet probable de la décision sur les conséquences attendues. - Ligne f correspond à l’effet des conséquences attendues sur les émotions attendues. - Ligne g correspond aux influences émotionnelles qui sont indépendantes de la décision d’agir. - Ligne h correspond à l’effet modificateur des émotions immédiates sur les croyances de la probabilité des conséquences attendues. - Ligne i correspond à l’effet modificateur des émotions immédiates sur les croyances de désirabilité des conséquences attendues. Notre recherche exploratoire du lien entre l’émotion et la formation de l’intention entrepreneuriale porte son intérêt aux lignes a et d du modèle de Loewenstein et Lerner (2003). Nous proposons d’étudier ces liens dans le cadre de deux émotions bien connues des entrepreneurs, la peur de l’échec et la joie de la réussite. La peur de l’échec correspond à l’émotion qui risque de constituer un obstacle à la formation de l’intention entrepreneuriale, tandis que la joie de la réussite est une émotion espérée/attendue qui peut encourager l’individu à se décider d’entreprendre. 16 3.1. La peur de l’échec La peur de l’échec est une émotion dite immédiate et risque de constituer une barrière à la formation de l’intention entrepreneuriale. La peur peut avoir des objets divers et variés et ne nécessite pas toujours une évaluation cognitive de son déclencheur. L’objet de la peur, quel qu’il soit, est admis être effrayant (Tappolet, 2010 : 328). L’échec pour un entrepreneur potentiel est soit l’abandon de son projet de création, soit la faillite de son entreprise (Brunet-Mbappe, 2009). La peur concerne donc la capacité de réaliser et de contrôler l’action. La considération de la création d’entreprise en tant qu’actionmoyen, susceptible de permettre l’atteinte de l’état désiré, suppose que l’individu croît être capable d’exécuter la création d’entreprise. Pourtant, les frustrations liées aux difficultés qu’annonce l’acte d’entreprendre peuvent font peur et il est possible que l’individu mette en question sa croyance en son contrôle et qu’il éprouve une peur d’échec. Si la faisabilité de la création d’entreprise est perçue comme compromise, la peur d’échouer sera déclenchée21. Dans quelle mesure la peur d’échouer dans la création/la poursuite de son activité empêcherait l’individu de former son intention entrepreneuriale ? La réponse paraît dissimulée dans l’intensité de la peur de l’échec. Lorsque l’individu est convaincu d’ignorer ou ignore le domaine de la création d’entreprise, la peur de l’échec sera forte. La peur pourrait dans ce cas-là détourner l’individu de son désir poursuivi, soit en créant un autre désir, soit en mettant en avant une autre action-moyen. 3.2. La joie de la réussite La joie de la réussite est une émotion dite attendue et susceptible de jouer un rôle motivant pour la formation de l’intention entrepreneuriale. Il s’agit ici d’une évaluation des émotions liées au bénéfice anticipé. L’expérience émotionnelle sera positive en cas d’aboutissement des conséquences attendues et cette émotion positive attendue motiverait plus l’individu dans la poursuite de son but. Lorsqu’un individu ressent une émotion positive, il va désirer l’objet de cette émotion (Lemaire, 2001 : 12). Etant donné que le choix de la création d’entreprise dépend de la capacité de la création d’entreprise de répondre au but (état désiré) visé par l’entrepreneur potentiel, le 21 Bien qu’elle ait une connotation négative, la peur de l’échec peut ne pas être uniquement nocive dans la poursuite de l’activité entrepreneuriale et aider l’entrepreneur potentiel à rester vigilant pour assurer la continuité de son projet. 17 bénéfice anticipé concernera la réalisation effective du lien entre l’action-moyen et le but. La réussite implique donc que la création d’entreprise aboutisse et permette la réalisation du but auquel elle a été destinée au moment de la formation de l’intention entrepreneuriale. L’imagination de cette situation positive et/ou le rappel des expériences similaires (en cas notamment des entrepreneurs en série) engendreraient l’émotion de joie liée à la satisfaction du résultat désiré. L’image de la réussite future jouerait donc, à l’état actuel, le rôle du renforçateur de motivation envers l’action-moyen. Conclusion Lorsqu’il s’agit d’étudier la formation de l’intention, l’attention est portée sur le choix de l’action, parmi d’autres options, plutôt que sur celle de l’exécution de l’action. Le choix de la création d’entreprise dépend de sa concordance avec les buts de l’individu. Cette concordance, bien qu’évaluée cognitivement, peut subir l’influence de l’affect. Les émotions, en tant que phénomène affectif, participent à l’évaluation des actions à exécuter, et par conséquent à la formation de l’intention d’agir. Dans le cas de l’émotion immédiate, l’impact s’exerce sur les croyances de contrôle de l’action ; tandis que dans le cas de l’émotion attendue, l’impact concerne la motivation envers le but. Ainsi, la peur de l’échec risque d’entraver la formation de l’intention, alors que la joie de la réussite va augmenter l’intensité de la motivation envers le but. L’émotion en relation avec d’autres états mentaux comme les désirs et les croyances peut exercer un effet médiateur dans la formation de l’intention entrepreneuriale. De plus amples recherches sont bien évidemment nécessaires pour étudier ce lien. A ce stade de notre réflexion, nous savons que l’impact de l’émotion sur la décision sera inévitable pendant la formation de l’intention entrepreneuriale. Il serait donc pertinent d’inclure l’émotion dans la modélisation de l’intention entrepreneuriale en la mettant en relation avec les désirs et les croyances de l’entrepreneur potentiel. Néanmoins, notre travail d’exploration théorique ne nous permet pas, dans l’immédiat, de faire une proposition dans ce sens. Une étude empirique, a priori qualitative, sera obligatoire pour pouvoir approfondir les recherches sur cet impact. La valence et l’intensité de l’émotion paraissent être les variables à examiner en premier lieu. 18 Bibliographie Ajzen I. 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