Le nouvel - Groupe des canonistes francophones de Belgique

Transcription

Le nouvel - Groupe des canonistes francophones de Belgique
Périodique trimestriel
Août-septembre-octobre
Bureau de dépôt de LIEGE 1
P 202047
Le nouvel
Agenda Canonique
10e année 2006 — n° 38
Bulletin du Groupe de travail des canonistes francophones de Belgique
Collège Albert Descamps, Grand-Place 45 - B-1348 Louvain-la-Neuve
> SOMMAIRE
La liberté de religion devant la
Cour européenne des droits de
l’homme, par J.P. Schouppe .........2
Agenda et bibliographie. ..............8
> INVITATION
Samedi 16 septembre
de 9h30 à 13h00,
LES RELATIONS
EGLISE-ETATS DANS
LA DOCTRINE SOCIALE
DE L’E GLISE
Par Patrick De Pooter
Abonnement pour la Belgique : 10€
Hors de Belgique : 15€
Gratuit pour les membres du GCF
Compte bancaire du GCF
000-1190638-60
IBAN BE73 0001 1906 3860
BIC BPOTBEB1
Le Comité de Rédaction :
Louis-Léon CHRISTIANS
(Ed. resp.) 17, rue des Nations
B-4102 Sart-Tilman
&
Alphonse BORRAS
Jean-Pierre LORETTE
Benoît MALVAUX sj
Jean-Pierre SCHOUPPE
> Un agenda 2006-2007 chargé
L
e droit des cultes, longtemps délaissé par le législateur
belge, est à nouveau en effervescence. Après les nouveaux statuts
des aumôniers et des professeurs de religion, après la réforme des
fabriques d’église en Flandres, en Région germanophone et à Bruxelles, s’annoncent de nouvelles activités parlementaires aux différents
niveaux de compétence : citons simplement et parmi d’autres la réforme des fabriques d’église en Wallonie, l’adaptation du statut social
fédéral des ministres des cultes (et notamment la question des assistants paroissiaux), ou encore l’introduction projetée d’un délit d’abus
de vulnérabilité des personnes, qui pourrait peut-être sanctionner pénalement les abus de « prosélytisme »…
L
es contentieux judiciaires sont eux-aussi assez nombreux et souvent rendus publics: conflits sur les cessions immobilières
de congrégations religieuses, conflits sur le bénévolat en Eglise,
conflits sur des affectations d’églises estimées illicites, conflits sur les
conditions de l’asile des réfugiés dans les églises, conflits divers entre
clercs au titre de la liberté d’expression, contentieux à propos des victimes d’abus sexuels… Sans doute des litiges ont-ils toujours existé.
Ils témoignent de la faiblesse des hommes. Mais leur multiplication
médiatisée indique aussi l’insuffisance des techniques de résolutions
de ces conflits. Outre l’importance voire la gravité de ces dossiers au
fond, c’est aussi l’articulation entre justice d’Etat et dispositifs d’Eglise
qui semble mise à mal. Ni les prescriptions du nouveau Testament sur
le partage des compétences, ni l’adage « electa una via » ne semblent
plus pris en compte. Une véritable éthique religieuse des contentieux
semble avoir disparu au bénéfice des modes anglo-saxonnes et mercantiles de la guerre processuelle à outrance. A défaut de mécanismes clairs et efficaces de protection du juste et de pacification des
conflits, le droit semble se transformer en jungle. Où est l’attention à
l’autre et au respect de sa dignité ? Sans doute devrait-on attendre de
chrétiens un autre type de témoignage…
LOUIS-LÉON CHRISTIANS
Travaux du Groupe
Séance du 25 février
(1) Il s’agit principalement des
art. 19, 20, 21, 24 et 181 de la
Constitution. Voy. à ce sujet L.-L.
CHRISTIANS – P. DE POOTER,
Code belge droit et religions,
Bruylant, Bruxelles 2005, p. 3536.
(2) Cet exposé s’inspire de deux
de nos publications :
« L’émergence de la liberté de
religion devant la Cour européenne des droits de l’homme
(1993-2003) », dans Ius Ecclesiae
16 (2004), p. 741-770 ; « La
dimension collective et institutionnelle de la liberté religieuse à
la lumière de quelques arrêts
récents de la Cour Européenne
des Droits de l’homme », dans
Revue trimestrielle des droits de
l’homme 16 (2005), p. 611-633.
Nous y renvoyons pour un
approfondissement de l’analyse
des arrêts ainsi que pour les
principales références
bibliographiques en la matière.
(3) Art. 9 CEDH : Ǥ 1. Toute
personne a droit à la liberté de
pensée, de conscience et de
religion ; ce droit implique la
liberté de changer de religion ou
de conviction, ainsi que la liberté
de manifester sa religions ou sa
conviction individuellement ou
collectivement, en public ou en
privé, par le culte,
l’enseignement, les pratiques et
l’accomplissement des rites. § 2.
La liberté de manifester sa
religion ou ses convictions ne
peut faire l’objet d’autres
restrictions que celles qui,
prévues par la loi, constituent
des mesures nécessaires, dans
une société démocratique, à la
sécurité publique, à la protection
de l’ordre, de la santé ou de la
morale publiques, ou à la
protection des droits et libertés
d’autrui. »
LA LIBERTE DE RELIGION
DEVANT LA COUR EUROPEENNE
DES DROITS DE L’HOMME
Une évaluation juridique et canonique
Jean-Pierre Schouppe
Au moment où la liberté de religion suscite divers débats en Belgique, il importe de bien percevoir l’importance des mécanismes internationaux, qu’ils soient multilatéraux (comme la
Convention européenne des droits de l’homme) ou bilatéraux (comme un concordat ?)
L
es récentes caricatures
de Mohamet et la
polémique sur le voile
islamique ont attiré l’attention
de l’opinion publique : les
convictions profondes et le
sentiment religieux ne peuvent
impunément être foulés au
pied. D’aucuns souhaiteraient
que la société occidentale
sécularisée relègue définitivement le fait religieux dans la
sphère privée et qu’elle étende
cette conception de la société
au monde globalisé. Les vives
réactions que l’on a pu
constater – sous des modalités
qui ont parfois dépassé les
bornes de l’acceptable –
contrarient ce dessein. Depuis
1950, la Convention européenne des droits de l’homme,
au-delà de notre Constitution,
se porte garante de nos droits
et libertés fondamentales, avec
l’appui de la Cour européenne
de Strasbourg. Quelle est la
position de la jurisprudence
strasbourgeoise concernant la
liberté religieuse (art. 9 cedh) ?
C’est ce que nous tâcherons
d’établir. Après quoi nous en
proposerons une évaluation
critique du point de vue des
droits fondamentaux, puis par
rapport aux attentes de l’Eglise
catholique. Peut-on s’y fier ?
Ne faut-il pas plutôt s’en
défier ? (1.-5.)
Par ailleurs, comme la
Cour européenne ne peut être
saisie qu’après l’épuisement
de voies de recours internes, il
serait intéressant de dire aussi
un mot de la protection
constitutionnelle dont jouissent
actuellement les groupes
religieux dans le cadre de
l’Etat fédéral belge, mais cela
dépasserait la portée de cette
étude (1). C’est pourquoi, dans
Le nouvel Agenda Canonique 2006 n° 38/2
la dernière section, nous nous
bornerons à faire une brève
allusion à certains symptômes
observables d’une dégradation
progressive du climat de liberté
religieuse. Cette détérioration
des rapports avec certaines
autorités politiques conduit à
prêter une attention plus
grande à l’intervention de
dispositifs internationaux. Une
question encore impensable il
y a quelques années peut
même être posée par certains :
quel rôle pour des techniques
de négociations bilatérales
issues de figures comme
celles des concordats (6.) ?
Dans le présent texte
sur la jurisprudence de
Strasbourg, il ne sera pratiquement pas question des deux
autres facettes du droit protégé
par l’art. 9 (liberté de
conscience et de pensée) ni de
la liberté d’expression (art. 10).
Il en résulte que, si nous
parlerons du voile islamique,
nous ne traiterons pas des
caricatures. Ceci dit, une
affaire peut concerner l’art. 9
en combinaison avec d’autres
dispositions de la Convention
ou de ses protocoles.
Depuis le premier
arrêt portant spécifiquement
sur la liberté religieuse dans le
cadre de l’art. 9 (1993), on
dénombre une vingtaine de
décisions en la matière (sans
compter celles qui ont trait à la
recevabilité des requêtes) (2).
L’art. 9 ne fournit pas de
définition du droit en question
(3). Son noyau dur, la liberté
de religion interne, n’y est pas
évoquée mais le respect du
sanctuaire de la conscience
est considéré comme un droit
absolu (également du point de
vue de la liberté de religion). Si
la disposition ne s’y rapporte
pas expressément, c’est que,
par son caractère interne, il ne
présente en principe pas de
caractéristiques susceptibles
de faire l’objet d’une atteinte
ou ingérence (même si l’on
peut nourrir une certaine
inquiétude
quant
aux
éventuelles
techniques
invasives du futur). La
protection judiciaire se
concentre
sur
les
manifestations extérieures de
la
liberté
religieuse,
individuellement
ou
collectivement, en privé ou en
public, sans les restreindre à la
seule liberté de culte : elle
s’étend
notamment
à
l’enseignement religieux. Le
droit comprend non seulement
la liberté d’adhérer ou non à
une religion mais aussi celle
d’en sortir, soit pour changer
de religion, soit pour ne plus
en avoir. Faut-il rappeler que
l’expression « droit de changer
de religion », qui figurait dans
le texte de la Déclaration
universelle de 1948 et fut la
source de l’instrument
européen de 1950, a dû être
modifiée lors de la rédaction
du Pacte de droits civils et
politiques de 1966 ? Plusieurs
Etats islamiques firent, en
effet, pression en ce sens suite
à leur refus de s’engager
juridiquement à respecter cet
aspect central de la liberté
religieuse. La solution politique
de compromis a accouché
d’une tournure ambiguë : la
« liberté d’avoir ou d’adopter
une religion ». Le Conseil de
l’Europe, quant à lui,
convaincu que la liberté de
religion constitue l’un des
piliers de la démocratie, n’a
pas cédé à ce lobbying et a
LIBERTÉ DE RELIGION
1
La dimension
individuelle de la
liberté de religion
Le
premier arrêt
(Kokkinakis c. Grèce : 1993)
reconnaît à un témoin de
Jéhovah le droit d’exercer un
« prosélytisme de bon aloi », à
bien distinguer du prosélytisme
abusif. Il existe par conséquent
une acception noble du
vocable « prosélytisme » tout à
fait compatible avec l’Etat de
droit démocratique. En
substance, il correspond au
droit-devoir d’évangéliser et de
faire de l’apostolat incombant
non seulement à tout
catholique (cf. cc. 211 et 216
CIC) mais aussi à tout
chrétien. Bien évidemment, ce
droit fondamental vaut aussi
pour les religions non
chrétiennes. Dans une autre
affaire concernant le même
Etat, mais cette fois dans un
contexte militaire (M. Larissis
c. Grèce : 1998), les juges
feront preuve de plus de
sévérité à l’égard de faits de
prosélytisme accomplis par
des gradés vis-à-vis de
subordonnés, précisément en
raison du rapport hiérarchique
et de la discipline militaire.
Toujours en rapport
avec l’armée – turque en
l’occurrence –, l’éviction d’un
magistrat militaire islamiste en
raison de prises de position qui
sont jugées inconciliables avec
la « laïcité turque » et la
discipline militaire paraîtra
justifiée. La tendance à la
distinction entre les droits des
civils et ceux des militaires
s’en trouve renforcée (Kalaç c.
Turquie : 1997). L’on peut se
demander si une telle
contextualisation des libertés
ne risque pas d’affaiblir le
système des droits de
l’homme.
Nous en arrivons ainsi
à la polémique du foulard
islamique. Jusqu’à présent, la
Cour européenne a toujours
donné raison à l’Etat qui
interdisait cette pratique
vestimentaire. Mais elle n’a
tranché que des affaires peu
nombreuses. Dans Dahlab c.
Suisse (2001), il s’agissait
d’une enseignante d’une école
publique qui donnait cours à
des enfants en bas âge. On
pouvait donc supposer que
ceux-ci étaient particulièrement
influençables et que dès lors le
port du voile par leur
institutrice pouvait constituer
une ingérence. Le parcours
judiciaire de l’affaire Leyla
Sahin c. Turquie fut plus
accidenté. Il s’agit d’une
étudiante qui fréquente, voilée,
une université publique.
L’arrêt, rendu en chambre le
29-06-04, déclarant l’absence
de violation de la liberté
religieuse, fut confirmé, bien
qu’avec
des
accents
nouveaux, par la grande
chambre en date du 10-11-05.
La juge belge, F. Tulkens, fut
la seule (sur 17 juges) à
soutenir la violation de la
liberté religieuse pour les
motifs qu’elle expose dans son
opinion dissidente (3bis). La
jurisprudence
est-elle
parvenue à une position mûre
et nuancée sur la question ? Il
est permis d’en douter.
D’autant que cette seconde
affaire est marquée et
conditionnée par la notion
turque de laïcité inscrite dans
la Constitution: il faut donc
bien se garder d’extrapoler.
Dans la République
de Saint-Marin, la requête
introduite par plusieurs
parlementaires élus qui, en
dépit de leur protestation,
furent obligés par la loi de
prêter serment sur les
Evangiles, aboutit à une
condamnation de cet Etat pour
le passé afin de respecter le
pluralisme de l’assemblée
parlementaire. Toutefois, avant
même la saisine de l’ancienne
Commission
par
les
requérants, le législateur
introduisit la possibilité
d’utiliser
une
formule
alternative pour la prestation
de
serment
des
parlementaires. Voilà une
illustration de cet aspect
caractéristique de l’efficacité
de la jurisprudence de
Strasbourg (Buscarini et autres
c. Saint-Marin :1999).
Deux
affaires
tranchées en 1996 contre la
Grèce (Efstratiou et Valsamis)
concernent deux élèves de
l’enseignement secondaire
témoins de Jéhovah qui
refusent de participer à une
célébration civile en souvenir
de la fin de la guerre entre la
Grèce et l’Italie. Leur religion
leur interdit, en effet, de
prendre part à une célébration
civile commémorant la guerre
Travaux du Groupe
Séance du 25 février
conservé la formulation du
droit à changer de religion.
Le § 2 de l’art. 9
autorise l’Etat signataire à
imposer certaines restrictions à
l’exercice de la liberté de
religion externe (à ses
« manifestations »). Cela
conduit la Cour, en cas
d’ingérence, à vérifier que trois
conditions sont bien remplies :
1°) la prévision par la loi ; 2°) le
but légitime ; 3°) la nécessité
de l’ingérence. Cette dernière
condition est mesurée à l’aune
de la proportionnalité par
rapport aux buts poursuivis. Si
la Cour accorde volontiers aux
Etats
une
marge
d’appréciation, elle se réserve
le droit d’exercer un contrôle
ultérieur sur la décision
étatique.
Ces précisions faites,
nous présenterons les arrêts
relatifs à l’art. 9. D’abord ceux
qui concernent les aspects
individuels de la liberté
religieuse, puis ceux qui
illustrent ses manifestations
collectives.
(3bis) Voy. L. BURGORGUE-LARSEN
et E. DUBOUT, « Le port du voile à
l’Université. Libres propos sur
l’arrêt de la Grande Chambre
Leyla Sahin c. Turquie du 10
novembre 2005 » dans Revue
trimestrielle es droits de l’homme
66/2006, p. 183-215.
Le nouvel Agenda Canonique 2006 n° 38/3
38883—333
Travaux du Groupe
Séance du 25 février
LIBERTÉ DE RELIGION
et prévoyant la participation
d’autorités militaires. Les juges
européens estimèrent que la
liberté de religion n’avait pas
été violée par l’obligation
imposée et que la sanction
infligée n’était pas excessive.
Plusieurs auteurs formulèrent
des critiques à l’égard de cet
arrêt. Il montre, en effet, que
les juges européens, eux aussi
en principe incompétents en
matière religieuse, se sont
aventurés sur la pente
glissante de l’interprétation in
concreto de cette religion pour
tirer une conclusion quant à la
gravité de l’offense causée.
Une tel « oubli » de la propre
incompétence du juge en
matière
religieuse
se
reproduira, comme nous le
verrons, dans l’affaire Cha’are
Shalom Ve Tsedek c. France.
Thlimmenos c. Grèce
(2000) concerne de nouveau la
plainte d’un témoin de
Jéhovah. Celui-ci exerçait la
fonction de comptable jusqu’au
jour où il fut congédié en
raison de son refus de porter
l’uniforme militaire pour un
motif religieux. La Grèce sera
condamnée, car un tel
comportement ne justifiait pas
l’exclusion d’un poste de
comptable, pour lequel le
requérant avait les qualités
requises.
2
La dimension collective
de la liberté de religion
Si l’affaire Kokkinakis
est connue pour être le
premier arrêt condamnant une
violation de la liberté religieuse
individuelle, Manoussakis c.
Grèce (1996) est entrée dans
les annales comme la
première
décision
strasbourgeoise en matière de
liberté religieuse collective. Par
son système d’autorisations
préalables, la Grèce porte
Le nouvel Agenda Canonique
2006 n° 38/4
atteinte à la liberté d’ouvrir un
lieu de culte. Tel est le verdict
rendu à la requête de 50
familles de témoins de
Jéhovah qui, après bien des
déboires administratifs, avaient
passé outre à cette exigence
légale. Cette affaire illustre à la
fois l’exercice collectif d’un
droit (50 familles) et l’efficacité,
déjà constatée, de la
jurisprudence de Strasbourg :
le système grec d’autorisation
préalable sera revu juste à
temps pour éviter une nouvelle
condamnation dans Penditis et
autres.
Avec Cha’are Shalom
Ve Tsdek c. France (2000)
c’est la pratique rituelle
alimentaire qui est en jeu suite
à une scission intrareligieuse
entre juifs utilisant pour le rite
de la viande simplement
« casher » et ceux qui exigent
de la viande « glatt ». Oubliant
sa propre incompétence en
matière
religieuse,
le
gouvernement français estime
que cette différence de rite
n’était pas vraiment importante
et que, de toute manière, il y
avait moyen de se procurer de
la viande « glatt » dans
certains points de vente de la
première organisation ou
encore dans des boucheries
en Belgique. Cet arrêt
provoqua la réaction de 7
juges sur 17, qui exprimèrent
une opinion dissidente.
L’une des chasses
gardées des groupes religieux
est la libre nomination par
ceux-ci des ministres du culte,
ainsi que leur révocation, ou
encore le retrait de certaines
de leurs fonctions, sans
ingérence étatique. Deux
affaires grecques (Serif : 1999
et Agga : 2002) soulignent
l’autonomie dont disposent les
groupes religieux pour nommer
leurs ministres, du moins
s’agissant de fonctions
purement religieuses (à
distinguer des fonctions
administratives et judiciaires).
Par ailleurs, l’Etat ne peut
imposer une direction unique
en cas de dissidence au sein
d’une même religion : à
nouveau, si l’Etat se reconnaît
incompétent en matière
religieuse, comment pourrait-il
prendre position en faveur
d’une tendance ? Nous
retrouvons cette problématique
à propos d’une soi-disant
usurpation de fonctions
religieuses, cette fois en
Bulgarie, dans deux affaires
rocambolesques qui se suivent
chronologiquement. La Cour
n’épargne pas cet Etat qui, à
l’égard d’une faction puis de
l’autre, sera condamné dans
les deux cas pour avoir violé
l’autonomie organisationnelle
des groupes religieux (Hassan
et Tchaouch c. Bulgarie : 2000
et Haut Conseil spirituel de la
Communauté musulmane :
2004).
Un autre aspect
d’importance est celui de
l’octroi de la personnalité
juridique civile à une
confession religieuse. On
mentionnera, à cet égard, deux
affaires.
Dans
Eglise
catholique de la Canée c.
Grèce (1997) il s’agit, en
définitive, du refus imprévu de
la personnalité juridique, qui
eut pour effet de priver l’Eglise
de la possibilité de défendre
efficacement (sur le plan
judiciaire)
ses
intérêts
patrimoniaux. C’est pourquoi la
violation concernera finalement
l’art. 6 (procès équitable) et
l’art. 14 (non discrimination).
Cet arrêt est également
intéressant en ce qu’il qualifie
ce groupe religieux d’ « Egliserequérante », reconnaissant
aux groupes religieux comme
tels le droit d’accès à la Cour
européenne, soulignant de la
sorte ce que nous dénommons
la
dimension
« institutionnelle » religieuse.
Enfin, dans Eglise
métropolitaine de Bessarabie
et autres c. Moldava (2001), il
s’agit d’un problème de
reconnaissance juridique d’un
groupe religieux qui a pris ses
distances par rapport à l’Eglise
LIBERTÉ DE RELIGION
3
Un premier bilan du
point de vue des droits
de l’homme
Les
affaires
recensées se répartissent
équitablement entre la
dimension individuelle et la
dimension collective de la
liberté de religion. Toutefois,
les arrêts relatifs aux aspects
individuels paraissent jusqu’ici
moins convaincants. Plusieurs
d’entre eux concluent à une
absence de violation qui paraît
discutable (éviction du
magistrat militaire, voile
islamique, participation à la
procession civile, exclusion du
poste de comptable). Par
ailleurs, ils laissent dans
l’ombre nombre d’aspects
fondamentaux de la liberté
religieuse individuelle. Bien
évidemment, même si la Cour
a instauré un filtrage, elle ne
choisit pas les requêtes qui lui
sont adressées. Du côté
positif, on épinglera, en
revanche, l’affaire Kokkinakis
consacrant le droit au
prosélytisme de bon aloi.
Les
affaires
concernant la liberté collective
de religion suscitent un intérêt
particulier. Nous avons tenté
de les systématiser. Au sein de
ces aspects collectifs de la
liberté de religion, on peut
observer
l’émergence
progressive de la dimension
institutionnelle
(ou
communautaire), même s’il n’y
a pas toujours de différence
très marquée entre la
catégorie (collective) et la
sous-catégorie
(institutionnelle). Prenons un
exemple. Lorsque plusieurs
fidèles exercent ensemble un
droit (par ex. organiser une
procession), il s’agit de la
dimension collective de la
liberté de religion. En
revanche, quand l’initiative
revient à l’Eglise ou au groupe
religieux, comme institution, on
est en présence de la
dimension institutionnelle (par
ex. la nomination d’un ministre
du culte). Plusieurs arrêts
mettent en relief des aspects
institutionnels de la liberté
religieuse. La reconnaissance
du statut d’Eglise-requérante
représente une avancée
considérable si l’on se souvient
que jusqu’en 1977 la
protection de l’art. 9 était
encore refusée aux personnes
morales.
En
vue
d’une
systématisation des facettes
de la liberté de religion
reconnues par la jurisprudence
européenne, on peut regrouper
ces droits autour de deux axes
principaux : la personnalité
juridique du groupe religieux
(a) ainsi que le respect de son
autonomie organisationnelle
(b).
a) À la personnalité
j u r i d i q u e se rattachent
plusieurs autres droits :
organiser des réunions
officielles, ouvrir un lieu de
culte, saisir les tribunaux,
bénéficier d’une protection
juridique, y compris un recours
effectif. Cela, pour défendre
ses biens ou pour se protéger
de
tout
traitement
discriminatoire par rapport à
une autre religion (par ex.
concernant l’accès au tribunal).
b) Autour de l’axe de
l’autonomie organisationnelle
gravitent d’autres droits : la
libre pratique, la libre
nomination des ministres du
culte et, pour ceux-ci, le libre
exercice des fonctions
spirituelles. Si l’on se réfère à
la jurisprudence de l’ancienne
Commission des droits de
l’homme, on ajoutera la liberté
d’imposer une uniformité
doctrinale et rituelle et de faire
respecter une discipline et des
règles propres (la liberté
religieuse pour les groupes
religieux étant limitée à la libre
adhésion et au libre départ du
ministre comme du simple
membre). Les autorités
religieuses ont donc le droit de
sanctionner un ministre ou de
le révoquer, alors qu’un
remplacement forcé par l’Etat
constituerait une violation de la
liberté de religion. Nous avons
relevé également des arrêts de
la Cour reconnaissant la
coexistence possible à un
même poste de ministres du
culte issus de courants
différents, étant donné
l’incompétence de l’Etat en
matière religieuse aussi bien
face
à
un
différend
intrareligieux que devant un
conflit interreligieux.
4
Travaux du Groupe
Séance du 25 février
orthodoxe. Le gouvernement
qualifie
celui-ci
de
« schismatique » – nouvelle
prouesse pour une autorité
incompétente en matière
religieuse ! – et l’accuse de
prises de positions politiques
pro-roumaines. L’Etat sera
condamné pour des raisons
similaires à celles de l’affaire
précédente, car le refus de
reconnaître l’Eglise-requérante
ne saurait passer pour
proportionné au but légitime
poursuivi.
(4) Voy. à ce sujet, entre autres, G.
BARBERINI, Le Saint-Siège Sujet
souverain de droit international,
Ed. du Cerf, Paris 2003.
Jurisprudence
européenne et
technique juridique
Si, en matière de
liberté religieuse, le bilan de la
protection strasbourgeoise est
largement positif, surtout en ce
qui concerne sa dimension
collective et institutionnelle,
outre les critiques déjà
formulées notamment à propos
de l’incompétence de la Cour
européenne (comme de l’Etat)
en matière religieuse, il est
Le nouvel Agenda Canonique 2006 n° 38/5
58885—555
Travaux du Groupe
Séance du 25 février
LIBERTÉ DE RELIGION
quand même un certain
nombre de domaines dans
lesquels des avancées par
rapport aux acquis de la
jurisprudence
et
des
améliorations techniques sont
souhaitables et, à notre avis,
possibles :
4.1. Une reconnaissance expresse du droit à la
liberté de religion institutionnelle _ Nous avons
montré que la jurisprudence
européenne contient tous les
éléments nécessaires pour
reconnaître expressément le
droit à la liberté de religion
institutionnelle. Celle-ci n’a
cependant pas encore franchi
ce pas, sans doute en raison
de
son
traditionnel
« minimalisme décisionnel ».
Une attitude qui présente
certes des avantages au plan
de la prudence judiciaire, mais
qui a pour inconvénient de ne
pas permettre aux juges
d’exploiter toutes les virtualités
d’une affaire à un niveau
théorique. Ainsi, sans forcer
son talent, la Cour aurait pu
faire preuve de plus d’audace
dans l’arrêt Agga déjà évoqué.
Au lieu de se borner à
condamner une ingérence de
l’Etat dans la liberté revenant à
un mufti de manifester sa
religion par un enseignement
religieux (§53), elle aurait pu y
reconnaître le droit à
l’autonomie des confessions
religieuses et la liberté qui leur
revient de n o m m e r ellesmêmes leurs ministres, ainsi
que le libre exercice par ces
ministres de leurs fonctions
spirituelles , pourvu qu’ils ne
débordent pas du champ
religieux proprement dit et ne
prétendent pas poser d’actes
ayant un effet juridique (au
sens du droit étatique).
4.2. Le statut d’ONG
convient-il à l’Eglise ? _ Si
l’on peut se réjouir de
l’utilisation désormais courante
par la Cour de l’expression
« Eglise-requérante » au plan
Le nouvel Agenda Canonique
2006 n° 38/6
de la procédure, l’on peut, en
revanche, se demander si le
statut dont elle qualifie l’Eglise
de Canée dans son arrêt –
ONG – convient à l’Eglise
catholique. Le problème se
pose sans doute dans une
moindre mesure pour les
autres groupes religieux qui
n’ont pas la qualité de sujet de
droit international. Mais
comment concevoir que le
Saint-Siège soit un « Etat » en
droit international (tout en
conservant soigneusement ses
propriétés ecclésiales) (4) et
dans le même temps une
« organisation
non
gouvernementale » ?
4.3. Pour une prise
en compte spécifique des
groupes religieux dans la
CEDH _ Pour donner une
qualification plus exacte non
seulement à l’Eglise catholique
mais aussi aux autres
groupements religieux, on
pourrait
envisager
un
amendement de l’art. 34
CEDH sur les requêtes dites
« individuelles » (qu’il vaudrait
mieux dénommer « non
étatiques » car elles ne sont
visiblement pas réservées aux
sujets individuels). Pourquoi ne
pas ajouter, à la suite des
catégories mentionnées dans
cette disposition – personnes
physiques, ONG et groupes de
particuliers –, une nouvelle
catégorie réservée aux
groupes religieux ? De cette
façon, la CEDH tiendrait
compte de la spécificité des
Eglises ou groupes religieux.
De
son
côté,
l’Union
européenne a déjà, comme
l’on sait, accordé à ces entités
religieuses un traitement
spécifique dans l’art. I-52 § 1
de son projet de Traité
constitutionnel. Il y est
question des « Eglises et [des]
associations ou communautés
religieuses dans les Etats
membres ». Or, si l’on veut
promouvoir un système
efficient
de
protection
régionale
des
droits
fondamentaux,
il
est
souhaitable d’éviter entre le
Conseil de l’Europe et l’Union
européenne des conceptualisations différentes qui
risqueraient de devenir à terme
des germes de discordance.
4.4. Le second
souffle des concordats _
Enfin, contrairement à
certaines
estimations
postconciliaires qui annonçaient l’imminente disparition
de ce type de conventions, ces
dernières décennies ont donné
lieu à la conclusion de
nombreux concordats. Les
concordats contemporains
portent parfois d’autres
dénominations
(plus
« politiquement correctes ») et
sont conçus de manière
extrêmement souple et variée.
Dans la mesure où les Etats
peuvent aussi conclure des
accords avec les autres
groupes religieux, cette
solution peut être prônée sans
craindre de retomber dans ce
qui pourrait apparaître comme
un privilège du passé (cf. GS
76) ni de se laisser prendre au
piège, bien présent, de la
discrimination envers d’autres
groupes religieux. A ce propos,
il n’est sans doute pas inutile
de signaler, à titre préventif,
que la différence de catégorie
juridique entre un concordat
(traité international) et un
accord d’une autre nature évite
l’écueil de la discrimination. En
effet, à nos yeux, cette
différence devrait être couverte
par ce que la jurisprudence
strasbourgeoise appelle une
« justification objective et
raisonnable », à savoir celle
qui existe entre le Saint-Siège
et les autres religions sans
subjectivité internationale. Bien
plus, on pourrait aussi tirer
argument de cette même
jurisprudence, comme l’arrêt
Thlimmenos l’a montré pour la
première fois, l’argument
suivant : on ne peut pas, sans
justification objective et
raisonnable, ne pas appliquer
LIBERTÉ DE RELIGION
5
Un essai d’évaluation
canonique
Du point de vue
canonique aussi, c’est la
dimension collective et
institutionnelle qui paraît
présenter le bilan le plus
positif. La reconnaissance de
la liberté des groupes religieux
par la jurisprudence de
Strasbourg converge avec
l’effort réalisé sur le plan du
droit canonique en vue de
remplacer le modèle obsolète
du Ius publicum externum , trop
lié à la notion de société
juridique parfaite et à celle du
pouvoir ecclésiastique. Le
renouveau ecclésiologique de
Vatican II, spécialement, à
travers LG, GS et DH,
conduisit à un renouvellement
en profondeur de la façon de
traiter ces questions. Sur le
plan pédagogique, il entraîna
juste après le Concile
l’effondrement de la matière du
Ius publicum , dont le cardinal
A. Ottaviani fut le dernier
illustre représentant, et son
remplacement par une
nouvelle discipline, aux
contours encore flous, que les
programmes officiels de
licence en droit canonique
dénomment les « rapports
Eglise-société civile »(5). Ce
cours, qui concerne le point de
vue ecclésial de ces rapports,
ne doit pas être confondu avec
le Droit ecclésiastique (de
l’Etat). La nouvelle optique
n’est plus centrée sur un
rapport entre deux pouvoirs,
mais bien sur la dignité de la
personne humaine, qui
implique la liberté de religion
individuelle et collective . La
promotion des droits de
l’homme et, en particulier, de
la liberté religieuse, constitue
ainsi un terrain commun et
donc
un « vivier » de
coopérations entre les Eglises
et les pouvoirs publics,
puisqu’il revient à ces deux
pôles, chacun dans son
domaine spécifique, de
poursuivre ce but.
Trois
principes
juridiques
découlent
logiquement
de
cette
perspective : 1°) l’ indépendance juridique de l’Eglise et
de l’Etat (héritage du dualisme
chrétien) ; 2°) l’ incompétence
réciproque (nous avons
rappelé, à plusieurs reprises,
l’incompétence des Etats et
celle des juges européens en
matière religieuse et signalé
quelques omissions à cet
égard, mais l’incompétence
des Eglises dans le domaine
temporel doit tout autant être
soulignée) ; 3°) la l i b r e
coopération entre les deux
pôles. Cela dit, ces trois
principes n’imposent a priori
aucun système de rapport
particulier. Même si les
systèmes dits de séparation et
ceux
de
coordination
s’inscrivent plus aisément dans
la logique décrite, les
systèmes confessionnels ne
sont pas en soi incompatibles
avec ces ceux-ci. Cependant,
les affaires jugées à
Strasbourg mettent bien en
perspective la difficulté
éprouvée par certains régimes
confessionnels
(surtout
orthodoxes et islamiques) à
trouver leurs « marques » dans
ce domaine délicat.
De manière générale,
l’on peut donc observer une
convergence entre la position
officielle de l’Eglise et le droit
européen de la liberté
religieuse, qui exerce lui-même
un effet d’entraînement sur les
droits de l’homme au niveau
mondial. Les dimensions
institutionnelles de la liberté
religieuse que nous avons
constatées, spécialement la
personnalité juridique et
l’autonomie organisationnelle,
rejoignent ces objectifs sur le
terrain des droits de l’homme.
L’on peut ainsi considérer que
la
liberté
religieuse
institutionnelle de l’Eglise et
des
groupes
religieux
remplace, au plan des droits
de
l’homme,
tout
en
l’élargissant à d’autres groupes
religieux, l’ancien objectif de la
« Libertas Ecclesiae » . De la
sorte, la liberté religieuse,
grâce à sa dimension
institutionnelle, constitue un
important et fécond point
d’intersection entre la doctrine
sociale de l’Eglise, le droit des
rapports Eglise-société civile,
le droit concordataire, le droit
ecclésiastique de l’Etat, le droit
des droits de l’homme, le droit
international et les droits
constitutionnels, sans oublier
les aspects œcuméniques et
interreligieux de la question.
6
Quid en Belgique ?
Ce pays présente la
situation paradoxale de
posséder une organisation du
droit des cultes largement
inspirée par le Concordat de
Napoléon mais sans que celuici soit d’application. Les
origines très libérales du
Royaume et l’attachement au
pluralisme et à la séparation
Eglise-Etat ont eu pour
conséquence que l’idée qu’un
système concordataire n’était
pas considérée comme
souhaitable en Belgique —
même
le
Louvaniste
H. Wagnon, spécialiste en la
Travaux du Groupe
Séance du 25 février
un traitement différent à des
personnes dont les situations
sont différentes (§§38 et 44).
Or c’est précisément le cas
lorsqu’on met en vis-à-vis un
groupe religieux représenté
par un sujet de droit
international et les autres qui
sont dépourvus de cette
qualité.
(5) Plusieurs ouvrages récents
illustrent cette nouvelle
conception des rapports à
bâtir entre Eglise et communauté politique. Voy. notamment G. DALLA TORRE, La Città
sul monte. Contributo ad una
teoria canonistica sulle
relazioni fra Chiesa e Comunità politica, 2a ed., A.V.E., Roma
2002; V. PRIETO, Dirito dei
rapporti Chiesa e società civile,
Edizioni Università della
Santa Croce, Roma 2003; C.
CORRAL SALVADOR, La
relación entre la Iglesia y la
comunidad
B.A.C.,
(6) Voy. H.política,
WAGNON,
2003. concor«Madrid
L’institution
dataire », dans Collec tif, La institución
concordataria en la
actualidad, Salamanque, 1971, p. 24.
(7) L’origine de la
proposition paraît
remonter à l’article du
canoniste L. de Maere
paru le 28 décembre
2005 dans « De Tijd ».
Ce dernier a développé
plus amplement ses
idées dans « Vers un
nouveau concordat
pour la Belgique ? » (à
paraître).
Le nouvel Agenda Canonique 2006 n° 38/7
78887—777
Travaux du Groupe
Séance du 25 février
LIBERTÉ DE RELIGION
matière, ne l’estimait pas
nécessaire en 1971 !(7). En
réalité, cette attitude négative
à l’égard de la solution
concordataire
reposait
probablement pour une part
sur un apparentement tout à
fait infondé entre l’instrument
concordataire et la confessionnalité de l’Etat. Mais,
entre-temps, l’ère nouvelle des
concordats, notamment ceux
conclus avec de nombreux
pays de l’ancienne URSS, a
changé la donne. La technique
concordataire ne suppose plus
de situation privilégiée pour
l’Eglise catholique, compte
tenu de la possibilité pour les
autres cultes de conclure
également des accords avec
l’Etat. La souplesse des
concordats new look n’impose
plus de régir systématiquement toutes les questions
concernant les relations
Eglise-Etat
dans
une
convention « globale ».
L’évolution
des
concordats et de leur
perception peut expliquer
partiellement ce qui demeure
tout de même un fait assez
surprenant dans le contexte
fédéral belge : le recours au
concordat a été récemment
proposé
par
quelques
personnes craignant pour
l’avenir de l’Eglise (8). Sans
doute leur souci trouve-t-il
quelque raison d’être dans la
façon dont les pouvoirs publics
ont remis en cause le régime
des assistants paroissiaux !
Par ailleurs, les reproches que
d’aucuns ont formulés à
l’égard des propos concernant
l’euthanasie – pourtant de
nature éthique – tenus par
l’archevêque de MalinesBruxelles au cours de l’homélie
de Noël, en allant jusqu’à
dépoussiérer le vieil art. 268
du code pénal, ne confirmentils pas – parmi d’autres signes
– une détérioration progressive
des rapports entre l’Eglise et
les pouvoirs publics ?
Précisons encore que
le
droit
concordataire
contemporain permet de
réserver à la Conférence des
Evêques un rôle plus important
que par le passé. La technique
des « accords-cadres » autorise, en effet, de régler les
grands traits par un traité
international conclu entre le
Saint-Siège et l’Etat, et de
renvoyer la détermination de
secteurs entiers ou bien le
règlement de questions de
détails à des accords conclus
directement
entre
la
Conférence des Evêques et
les pouvoirs étatiques (ces
accords étant dépourvus du
rang de traité international).
Cette façon de procéder
permettrait l’obtention d’une
solution à la fois souple (mais
qui devrait néanmoins être
correctement formalisée) et
bien encadrée par un traité
stable.
Une
Belgique
sécularisée, mais habituée aux
négociations collectives, ne
trouverait-elle pas là une
sécurité juridique durable en
matière de liberté religieuse
institutionnelle dans le respect
d’une « saine laïcité » ?
JEAN-PIERRE SCHOUPPE
A noter
pour poursuivre
DOCUMENTS, EVENEMENTS, BIBLIOGRAPHIE
Le nouvel Agenda Canonique
DROIT CANONIQUE, DROIT CIVIL ECCLÉSIASTIQUE, ÉTHIQUE RELIGIEUSE DU DROIT
MIS A JOUR SUR WWW.DROITCANON.BE
BIBLIOGRAPHIE
L.L.. CHRISTIANS, « Les dilemmes de l’expression religieuse en droit européen », in
Larouche, J.M., Maesschalck, M., Jobin, G. (dirs), La religion dans l’espace public,
Laval, Presses Universitaires de Laval, Ed. Liber, Ethique publique, 2006, 8, pp. 60-70
J.P. SCHOUPPE, « El realismo jurídico de Javier Hervada », in P. Rivas (ed.), Natura,
ius, ratio. Estudios sobre la filosofiá jurídica de Javier Hervada, Ara editoresUniversidad de Piura, Lima 2005, p. 35-55.
*
M. BEUMIER., « Le statut social des ministres des cultes et des délégués laïques »,
Courrier du CRISP, 2006, n°1918, 52 pp.
F. DANEELS ET AL ., Dossier « La Instrucion Dignitas Connubii Sobre Los Procesos De
Nulidad Matrimonial », Ius Canonicum, 2006, 46/91
H. de CORDES, « L'État belge face aux dérives sectaires », Courrier du CRISP, 2006,
no 1908, 50 pp.
H. FRANCESCHI ET AL. (DIR.) La nullità del matrimonio: temi processuali e sostantivi
in occasione della "Dignitas Connubii", EDUSC, Roma 2005
R. TORFS, «On The Freedom Of Religion Or Belief In: Belgium » 2005, 19 Emory Int'l
L. Rev. 637
2006 n° 38/8
AGENDA
◊ LE SAMEDI 16 SEPTEMBRE, Patrick
de Pooter, Doctrine sociale de l’Eglise
et relations Eglises Etat
◊ LE MARDI 10 OCTOBRE, Après-midi
d’étude à l’UCL : L’accélération du
temps dans le régime des cultes
◊ LE SAMEDI 18 NOVEMBRE,
Panel : actualités canoniques
◊ LE SAMEDI 10 MARS 2007, JeanPierre Lorette, L’évolution des pratiques d’officialités en Belgique