L`Expert-Marchand - Compagnie National des Experts
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journal_cne_III_03_03_2014____5_Mise en page 1 01/04/14 21:18 Page1 L’Expert-Marchand N°3 - 2014 Journal de la C.N.E. - Paris - France Délais de prescription des actions en responsabilité des experts : l'avis de la présidente du Conseil des Ventes Volontaires par Jean-Gabriel Peyre En tant que président de la CNE, j’ai fait un article dans notre journal L’Expert-Marchand - n°2 sur la prescription. (La loi du 17/06/2008 donne pour l’expert officiant en vente publique une prescription de 5 ans fixes au moment de la tombée de marteau du commissaire priseur habilité alors que pour l’expert hors vente publique pour une pièce identique vendue les délais de prescription sont en responsabilité civile avec un « délai butoir de 20 ans »). Je l’avais intitulé La prescription revue mais pas corrigée pour la simple raison que le législateur n’avait pas donné d’une manière précise le délai butoir de 20 ans. Le Conseil des Ventes Volontaires m’a demandé d’intervenir le 23/10/2013 sur les délais de prescription des actions en responsabilité des experts en vente publique et hors vente publique. La présidente Catherine Chadelat a été la seule à aller dans mon sens. Je lui ai demandé de me faire une lettre officielle pour marquer ses arguments correspondant aux miens. Je tenais donc à communiquer sa lettre dans ce journal . (transcription ci-dessus) « L’expert qui assiste un opérateur de ventes volontaires pour la description, la présentation ou l’estimation d’un bien à l’occasion d’une vente ou d’une prisée peut voir sa responsabilité engagée au terme d’une action en responsabilité qui se prescrit par cinq ans à compter de la vente ou de la prisée conformément aux dispositions de l’article L. 321-17 du code de commerce qui dispose en son dernier alinéa Les actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meuble aux enchères publiques se prescrivent par 5 ans à compter de l’adjudication ou de la prisée... Ce délai de prescription est dérogatoire : il ne concerne que les ventes aux enchères publiques volontaires. Dans tous les autres cas, le droit commun trouvera à s’appliquer. La prescription de l’action en responsabilité de l’expert se prescrit alors par 5 ans à compter de la découverte de la faute de l’expert, conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil qui dispose Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. En tout état de cause, ce délai ne saurait excéder vingt ans, ainsi qu’il ressort des dispositions de l’article 2232 du code civil qui dispose : Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit ». Jean-Luc Méchiche Eric Delalande ADMINISTRATEUR ADMINISTRATEUR Geneviève Saffroy François Laffanour ADMINISTRATEUR ADMINISTRATEUR G. Philippe Vallois ADMINISTRATEUR Olivier Lorquin Catherine Hirsch ADMINISTRATEUR TRESORIER Martine Thomas VICE-PRESIDENT Frédéric Castaing SECRETAIRE GENERAL Marc Perpitch ADMINISTRATEUR Jean-Gabriel Peyre PRESIDENT Un jour au Ritz par Frédéric Castaing, expert en autographes L’expert marchand est recherché parce qu'il authentifie une pièce grâce à son expérience de plus de dix ans et à son savoir Stephan Zweig, grand collectionneur de manuscrits, avait coutume de dire… Il n’y a pas de grands ou de petits autographes… Souvent je suis pris sous le charme de documents apparemment secondaires… Il y a de cela quelques années, un homme âgé entre dans ma galerie, un livre de poche défraîchi, Pour qui sonne le glas, à la main… - Je m’occupe d’autographes, je regrette ce n’est pas pour moi… - Attendez monsieur ! Il ouvre le livre et me montre une dédicace d’Hemingway - Racontez-moi - Il y a longtemps, j’étais portier au Ritz et je voyais passer M. Hemingway tous les matins. Un jour, je me suis dit, c’est trop bête, je suis allé acheter ce livre et lui ai fait dédicacer. - Je le prends. A la libération, Hemingway était entré dans Paris avec les troupes américaines… les mauvaises langues ajoutèrent qu’il avait surtout libéré le bar du Ritz… L’expert-marchand ne doit avoir qu’une ou deux spécialités, ainsi que l’exige la Compagnie Nationale des Experts journal_cne_III_03_03_2014____5_Mise en page 1 01/04/14 21:18 Page2 L’Expert-Marchand ANECDOTES D’EXPERTS-MARCHANDS N°3 - 2014 2 Anecdotes dans la vie de travail des experts-marchands C.N.E. Miklos : des révélations sidérantes Danuta Cichocka, expert en reliures d’art - livres illustrés (période Art Nouveau, Art Déco), spécialiste des œuvres de Gustave Miklos, seul expert désigné par les ayants-droits ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Un après-midi, dans ma librairie, travaillant sur la mise à jour de mon site Internet où je présente régulièrement une sorte d'anthologie des livres édités dans les années 1920-1940 par F.-L. Schmied, je fus brusquement interrompue par l’entrée d'une jeune femme qui s'adressa vivement à moi : «Je me demande pourquoi sur votre site, vous parlez toujours des livres de Schmied ? C'est mon arrière-grand-père Gustave Miklos qui les a faits !...». Après quoi, mon interlocutrice sortit de ses bagages quelques documents à l’appui de la troublante révélation qu’elle venait de me faire et repartit, me laissant dans un état de profond hébétement. Gustave Miklos, ce grand nom de la sculpture moderne au même titre que Jozsef Csaki et Brancusi, qu’Edouard Sandoz ou Chana Orloff ? Un peintre cubiste déjà avant 1914, élève de Metzinger, un artiste exceptionnel dont les œuvres originales peuvent atteindre des enchères millionnaires ? Et aussi un décorateur, un des membres fondateurs de l’UAM (Union des Artistes Modernes), créateur d’objets futuristes (Bolide, 1924), inventeur de formes, donc designer de meubles, émaux, tapis étoffes et bijoux qui marquent les arts décoratifs de son époque, frappant par leur modernité ? Comment Gustave Miklos aurait-il pu se trouver derrière les éditions de ce F.-L. Schmied, considéré par tous les bibliophiles comme celui qui a révolutionné l’art du livre ? Dans la conversation qui suivit, avec l’arrière-petite-fille de Miklos, j'appris que sa famille avait emporté in extremis tout ce qui restait dans la demeure des Miklos, abandonnée et ouverte à tous les vents pendant plusieurs mois après le décès de la veuve en 1986 – l'artiste ayant disparu en 1967. Cette récolte tardive était conservée dans de nombreux cartons, porte-folios, valises et enveloppes. Que du papier, les dernières sculptures, elles, s'étant envolées. Un des premiers documents émergeant des cartons fut un cahier scolaire ordinaire à petits carreaux, à couverture vieux rose, où, sur la première page, on pouvait lire : «Travaux exécutés pour François (Louis Schmied) depuis l'an 1922…». Ce cahier fut tenu scrupuleusement par Miklos, de sa belle calligraphie, de 1922 jusqu’en 1941, s’achevant à la mort de l’éditeur Schmied. Les titres des travaux exécutés (illustrations, «arrangements», dédicaces, dessins originaux, projets de reliure), «transatlantiques pour Dunand», etc., étaient inscrits aux dates précises accompagnés de leur prix et suivis des récapitulatifs d’acomptes et de règlements établis annuellement. Pièce à conviction majeure! Ses revenus réguliers venant de l'atelier Schmied -Dunand-Goulden permirent à Miklos de nourrir sa famille hongroise vivant dans la détresse, d'acquérir un terrain à Paris (3, rue Gauget, dans le 14e) et d'y faire construire en 1931, une maison-atelier. Une réussite matérielle pour celui qui avait connu la vie de bohème, et la faim aussi, en débarquant à Paris, à la Ruche, en 1909. Ce cahier prouve entre autres, que Miklos a conçu, dessiné, orné, peint près de 50 livres devenus des chefs-d’œuvre de mise en page et d’illustration, créant également près de 200 projets de reliures aussi novatrices que ses livres, tout cela en marge de son œuvre de sculpteur, de peintre et de créateur d’objets décoratifs. Ses créations, facilement reconnaissables par leur style et leurs constructions particulières, ont été diffusées à travers les productions de F.-L. Schmied mais aussi de J. Dunand et de J. Goulden. Et, à l'examen plus approfondi de toutes les œuvres de Gustave Miklos, d'une extrême diversité, il m'apparut que ses contributions et son influence furent largement partagées par plusieurs artistes contemporains: il féconda ainsi toute la période de l’Art Déco ! Et personne ne l'avait remarqué jusqu'à ce jour. La découverte du fameux «cahier» fut aussi magique que bouleversante. Un choc étourdissant qui me fit perdre le sommeil à l'automne 2007, où je restais seule, face aux vestiges de la vraie vie et de l’œuvre impressionnante de Gustave Miklos. Et devant une imposture énorme. Les preuves étaient là, que la paternité affichée des livres et reliures de Schmied était une usurpation. Et que les créations les plus modernistes de l'atelier Dunand-Goulden étaient aussi de Miklos. Difficile à croire ou plutôt à digérer. Mon bouleversement se doubla d'inquiétude : comment prouver, faire émerger cette réalité, après bientôt un siècle de légende mercantile ? Comment reconnaître et annoncer que nous nous avions été abusés et que nous nous étions tous trompés ? L'entreprise de démystification me semblait énorme, les éditeurs ne se bousculaient pas, mais l’excitation suscitée par la découverte de ce grand secret de l'Art Déco, m'a donné l’élan nécessaire pour m’y atteler, d’autant que je ne me rendais pas encore compte de la dimension éditoriale et des implications juridiques qu’il faudrait affronter. À côté du cahier des «Travaux pour François…», la présence de si nombreuses études préparatoires, d’esquisses et de maquettes, venait conforter la révélation que Miklos était aussi l'auteur-créateur souvent anonyme de nombreux décors parmi les plus étonnants de l'époque. Il paraît que lorsque l’on va au fond des choses, on peut trouver un trésor insoupçonnable… Après avoir exploré dans leurs moindres détails les productions de Schmied-Dunand-Goulden, je restais insatisfaite. Et voici qu’enfin apparaît en double-fond, la réponse.Au fil du temps, devenant spécialiste de la période Art Déco, j'ai attiré l'attention des collectionneurs les plus pointus, d’amis et d’héritiers possédant divers documents concernant ce domaine. Mais tout cela ne répondait pas à certaines de mes interrogations qui affleuraient sur la mystérieuse genèse de ce style et de ces livres, dont la beauté et le langage graphique touchaient à l'universel, constituant un événement éditorial unique dans le monde occidental, fort estimé par une cohorte d’indéfectibles amateurs sur plusieurs continents. Des connaisseurs, de générations précédentes, fort avertis, m'avaient discrètement avisée que le Tout-Paris des amateurs d'art de l’Entre-Deux guerres flairait que Schmied et Dunand avaient utilisé un nègre pour dessiner une grande partie de leur production. L’assurance de leurs propos et la confiance que je leur accordais semaient chez moi un trouble sérieux. Car les publications relatives à Schmied- Dunand-Goulden, récemment parues ne m'apportaient que davantage de confusion. Nous savions d’après plusieurs sources historiques que, dès 1922, Miklos après avoir participé aux nombreux expos et Salons, avait abandonné la peinture, sans raison déclarée. Pourquoi ce renoncement ? Apparemment, sa décision restait empreinte de mystère. Mais elle devient compréhensible à la lumière de la découverte de son fameux cahier des «Travaux pour François depuis l'an 1922…», qui débute ainsi : «Reçu environ 8 000 f (8 719 € de 2014) pour les premiers travaux de 1922...» Année 1922, exactement ! La peinture, c’est désormais dans les livres signés par Schmied, que Miklos l’exercera. Son cahier se remplit de commandes de plus en plus nombreuses ; apparaissent aussi les sommes dues par Schmied de plus en plus importantes, leurs versements mensualisés, pas toujours honorés, en acomptes, notés avec des retards et rectificatifs. Et, dans une ultime inscription, Miklos note : «1940-41 plus de mensualités, paiements irréguliers. À sa mort, il reste dû 60 000 frs (23 867 € de 2014) qui n'ont jamais été payés.» journal_cne_III_03_03_2014____5_Mise en page 1 01/04/14 21:18 Page3 3 L’Expert-Marchand ANECDOTES D’EXPERTS-MARCHANDS N°3 - 2014 Heureux hasard : rencontre d’une faïence de Moustiers et d’une porcelaine de Chine Jean-Gabriel Peyre, expert spécialisé en céramique ancienne ------------------------------------------------------------------------------------------------------- Me promenant dans le Carré Rive Gauche, pas très loin de ma galerie, il y a maintenant un peu plus de huit ans, je découvris dans la vitrine d’une boutique d’un spécialiste d’art chinois, un ensemble de pièces à décor de fleurs de solanacées en camaïeu ocre sur fond blanc de la Compagnie des Indes, toutes avec armoiries. J’ entrai dans le magasin, mon collègue me dit que ces pièces ont été commandées en Chine par le propriétaire d’une malouinière en Bretagne. Sa phrase me conforta en quelques secondes. Je lui demandai d’avoir l’amabilité de me vendre seulement une coupe, ce qu’il accepta pour me faire plaisir. De retour à ma galerie je posai la coupe de Chine à côté d’une autre coupe, elle, en faïence polychrome de Moustiers, avec le même décor de fleurs de solanacées en bordure, elle aussi ornée d’ armoiries au centre du bassin, différentes bien sûr. Je pouvais au même moment me dire grâce à cette trouvaille que le commanditaire du service en porcelaine de Chine avait eu dans les mains une pièce sœur de ma coupe en Moustiers qu’il avait fait envoyer en Chine pour qu’on lui exécutât un service à l’identique de ce motif, mais frappé à ses armes. Nous savons, experts en céramiques, que, Français, Hollandais, Portugais ont commandé des services en porcelaine de Chine à leurs armes, services qui passaient par des comptoirs importants - transportés par bateaux jusqu’aux ports européens. J’avais donc la preuve que la Chine avait copié dans les années 1750/1760 ce décor, posé sur la faïence de Moustiers, sorti des ateliers Clérissy dans les années 1740/1745. J’ai transmis ma découverte à un collectionneur, grand donateur français – Pierre Jourdan-Barry – qui a compris l’intérêt de ces deux pièces qu’il m’a d’ailleurs achetées pour les donner au musée de Moustiers Sainte-Marie. Ces deux céramiques seront visibles dès la fin juin 2014 dans la nouvelle présentation et la nouvelle muséographie du musée mis en forme par Nadine Gomez, conservatrice en chef du musée. Une galerie de rendez-vous Coupe en porcelaine de Chine et ce jour-là, je vis arriver un homme de haute stature, à l’allure et au mode vestimentaire très stricts, qui ne se présenta pas. Ratna et lui s’isolèrent. Une heure plus tard, ce monsieur s’en alla. Il y eut un deuxième, puis un troisième rendez-vous, organisé de la même manière. A l’issue de ce dernier, je demandai quand même à ma voisine quel était le nom de son mystérieux visiteur. Elle me répondit : C’est mon ancien mari. Nous avons beaucoup voyagé ensemble. Il s’appelle Henri Cartier-Bresson. Quelque temps plus tard, Ratna, désirant se séparer de ses biens matériels comme la bouddhiste qu’elle était, proposa de me vendre sa collection d’albums de voyages, de photos anciennes du Japon, pour la plupart coloriées par Felice Beato, célèbre coloriste vénitien ; ce qui me permit de réaliser une sublime exposition, unique en son genre, grâce aux voyages de Henri Cartier-Bresson et de son épouse, ma mystérieuse voisine. Marc Perpitch, expert en objets d’art du XVIe et XVIIe -------------------------------------------------- Il y a trente-cinq ans, quand la Galerie Liova était située au 194 boulevard Saint-Germain, une de mes voisines très proches me demande un service. Elle était attirée par notre galerie, car j’avais développé une passion pour l’Art Japonais dont j’avais apprécié l’esthétique particulière à travers des films historiques de ce pays. Ratna, ma voisine indonésienne, ancienne danseuse du corps de ballet national, me demanda la permission de donner rendez-vous dans la galerie à l’un de ses amis. La disposition de cet endroit s’y prêtait car on pouvait isoler la dernière pièce. Le rendez-vous eût donc lieu, FIAC 96, la galerie Dina Vierny expose un jeune artiste Olivier Lorquin, expert de Robert Couturier et Aristide Maillol ------------------------------------------------------------------------------------------------------- En 1996, notre galerie participait encore à la FIAC, nous nous sommes fait virer en 2002. Cette année, nous présentions au salon une exposition consacrée au sculpteur Robert Couturier. Né en 1905 à Angoulême, Couturier était alors un jeune sculpteur de 89 ans.Avec Robert, les foires d’art moderne étaient magiques, les amateurs répondaient à l’appel, les œuvres s’envolaient. La foire fut glorieuse. Nous avions vendu une sculpture monumentale, un grand nombre de dessins, épuisé une édition de statuettes… Le dernier jour, arrivé dès l’ouverture du salon, un couple Coupe en faïence de Moustiers de collectionneurs découvre le travail de Robert Couturier et s’intéresse tout particulièrement à l’une de ses sculptures, Dos d’une blonde. Il me demande de le leur réserver. Ils reviennent sur mon stand juste avant la fermeture follement amoureux du Dos d’une blonde. Ils l’achètent et veulent l’emporter avec eux. Pendant que je l’emballe, ils me demandent l’âge de l’artiste. Les 89 ans de Robert Couturier les perturbent. «mais c’est un vieux monsieur !» s’exclament-ils visiblement effrayés par son âge. Ils annulent leur achat et quittent mon stand en courant. journal_cne_III_03_03_2014____5_Mise en page 1 01/04/14 21:18 Page4 L’Expert-Marchand EXPERTISES N°3 - 2014 4 Cas pratiques : expertises des derniers membres admis à la Braun, Georg and Hogenberg, Franz Civitates orbis terrarum Ashley Barnes, expert en cartes anciennes et histoire naturelle, fait à Paris le 2 décembre 2013 -------------------------------------------------- Cologne 1572-1588, in Folio. 4 volumes relié en 2 avec 4 pages de titre gravées et 236 planches gravées en pages doubles montrant des vues d’ensemble et de détail de villes et cités avec un texte en latin sur toutes les pages y compris sur les pages de garde et les planches. Les planches sont coloriées à la gouache et à la main par des artistes contemporains à l’ édition selon les instruction de l’éditeur, certaines planches comportant des annotations en anglais d’une main savante. La reliure de veau tachetée régulièrement avec un dos et la tranche richement dorés avec des motifs de losange, de larges arabesques dorées sur les bordures des pages de garde, pages non coupées, un exemplaire de choix. Il s’agit de l’atlas des villes le plus connu sous le titre du premier volume Civitates Orbis Terrarum, « quel plus grand plaisir existe-t-il à présent que de feuilleter ces livres de villes, publiés par Braunus et Hogenbergius ? » (Robert Burton, Anatomy of Melancholy, 1621); « Le plus original et magnifique des atlas de villes » (Skelton, p. VII). Ses planches montrent des plans, des vues, des vues à vol d’oiseau etc… de villes à travers le monde dans lesquels on voit des personnages en costume local et régional. On peut y voir entre autres Cracovie, Trieste, Vérone, deux cartes de la Rome antique et de Jérusalem et les fameux plans de Moscou, Londres, Vienne, Prague, Venise et presque toutes les autres villes importantes de l’époque. Pour bien des villes, il s’agit des toutes premières représentations publiées. Composition rouge, verte et bleue Thaddée Poliakoff, spécialiste de l’œuvre de Serge Poliakoff, expert en estampes modernes et contemporaines du XXe, fait à Paris le 7 février 2014 -------------------------------------------------- Lithographie originale de Serge Poliakoff en cinq couleurs, signée par l’artiste lui-même, Composition rouge, verte et bleue. Elle est limitée à 80 exemplaires, imprimés sur papier BKF Rives, signée à la main et numérotée 26/80. Les dimensions de la planche sont de 106 x 75 cm et les dimensions de l’image sont de 87,5 x 64 cm. L’œuvre a été réalisée en 1969. La lithographie a été imprimée par Erker-Press (St. Gallen) et éditée par la Galerie Im Erker (St. Glanne). L’œuvre est référencée sous le numéro n°76 dans le catalogue raisonné des estampes à la page 184 et 185. La plupart des villes se situent en Europe (les plus nombreuses étant en Allemagne et aux Pays bas) mais il y a également des vues et des plans d’iles méditerranéennes, de villes du Moyen Orient et d’autres régions du monde. Braun (1541-1622), un religieux originaire de Cologne, fut le principal éditeur mais fut grandement aidé par Abraham Ortelius dont leTheatrum OrbisTerrarum de 1570 était le premier véritable atlas comprenant une collection de cartes dans un style uniforme. Le Civitates était destiné visiblement à être un compagnon au Theatrum, non seulement de par son titre très semblable mais à cause de plusieurs références d’époque qui mentionnent la complimentarité des deux œuvres. Cependant, le Civilitates était destiné à un public plus large, sans doute à cause de la nouveauté de cette collection de plans et de cartes de villes et le fait que les vues représentaient un risque commercial moindre qu’un atlas mondial dont il y avait par ailleurs plusieurs précédents. Franz Hogenberg (1535-1590),le fils d’un graveur munichois qui s’était établi à Malines, avait gravé la plupart des planches pour le Theatrum d’Ortelius Une commode en marqueterie de bois exotiques Anne-Marie Monin, expert en Mobilier et objets d'art du XVIIIe siècle français, fait à Paris le 6 juin 2012 et également la plupart des planches du Civitates et fut peut-être même l’instigateur du projet. Plus de cent graveurs et cartographes dont le plus important fut l’artiste anversois Georg (Joris) Hoefnagel (1542-1600), gravèrent les plaques en cuivre d’après des dessins. Hoefnagel contribua à non seulement toutes les planches d’Italie et d’Espagne mais corrigea et modifia les planches de certains autres collaborateurs. Après sa mort, son fils Jakob poursuivit le travail de son père. Un grand nombre de plans de ville certains non publiés, par Jacob van Deventer (1505-1575) aussi connu sous le nom de Roelofzof, furent copiés, comme le furent les gravures sur bois de Stumpf provenant du Schweitzer Chronik de 1548 ainsi que les vues d’Allemagne de 1570 et 1572 de la Cosmographia de Munster. Une autre source importante de cartes géographiques fut le cartographe danois Heinrich van Rantzau (1526-1599), plus connu sous son nom latin de Rantzovius qui s’occupa des villes du nord en particulier en Scandinavie. Le Civitates donna un aperçu complet et unique de la vie urbaine au début du 16è siècle. Braun y ajouta des personnages en costume local comme l’avait préfiguré Hans Lautensack dans sa vue à l’eau-forte de Nuremberg de 1552 qui montrait des personnages au premier plan rural qui ajoutaient une touche d’authenticité à la vue très précise et topographique de ce qui était en fait la capitale culturelle d’Allemagne de l’époque. Braun, lui,avait d’autres raisons de les ajouter comme il l’explique dans son introduction du livre 1, en pensant peut-être, avec optimisme, que ses plans ne seraient pas examinés de trop près pour secrets militaires par les Turcs pour lesquels la représentation humaine était interdite. La planche représentant Alger est répétée dans le premier et le troisième volume. L’éditeur fournit des exemplaires coloriés et monochromes mais cet exemplaire est particulièrement magnifiquement colorié. Koeman, B & H 5-6, 13-16; Skelton, introduction to the facsimile ed., pp. xxvI-xxvII. Franco Albini 1905-2004 Rossella Colombari, expert en design italien XXe, fait à Milan le 9 décembre 2013 -------------------------------------------------- -------------------------------------------------- Cette commode montée sur un bâti de chêne, ouvre en façade par cinq tiroirs sur trois rangs ainsi répartis : trois tiroirs en ceinture et deux tiroirs sans traverse apparente en partie basse. Elle repose sur quatre pieds cambrés et chanfreinés à cinq faces, formant vers l’extérieur une saillie galbée. La marqueterie est composée d’un placage de satiné à encadrement d’amarante et filets de bois clair à décor de frisage. L’ornementation de bronzes ciselés et dorés comprend : les entrées de serrures en tors de laurier et nœuds de ruban, chutes en enroulement de feuilles d’acanthes, tablier, lingotière soulignant la ceinture, feuillage sur l’arrête du pied et sabot figurant une patte griffue. Cette commode est coiffée d’un plateau à gorge moulurée en marbre gris Saint Anne. Ce meuble est certifié authentique, français, du XVIIIe siècle Transition des époques Louis XV - Louis XVI et porte l’estampille de Jean-Henri Riesener, J. H. Riesener reçu maître en 1768 et JME (2 fois sur les montants arrière) Prototype du bureau Stadera, Italie 1950, exécuté en 5 exemplaires dont ce prototype pour les bureaux des bureaux INA à Parme. Piètement et plateau en marbre, pieds en tubes métalliques. Dim : L 83 cm (63 cm dans la partie la plus étroite), P 143 cm, H 80 cm Certificat d’authenticité délivré par la Fondazione Albini sous le n.10. Résumé et traduction du rapport de la Fondazione Albini concernant la provenance de ce bureau : ce bureau appartenant à Rossella Colombari, peut être daté des années cinquante et représente le premier prototype du bureau Stadera, édité en série par la société Poggi en 1961. Ce modèle en marbre est un prototype original qui provient des bureaux INA à Parme conçus par Franco Albini et Franca Helg entre 1950 et 1954. Seuls 5 prototypes ont été réalisés. Rossella Colombari en acquit trois d’entre eux. La Fondation estime que, d’après des dessins en leur possession, ce bureau a été exécuté avant 1951 et a été réalisé par des artisans marbriers qu’utilisait Albini pour créer les escaliers et l’entrée de l’immeuble INA. Le choix du matériau rappelle le marbre qui recouvre le Baptistère de Parme qui se trouve en face de l’immeuble de bureaux INA. Le piètement et le plateau de ce bureau ont été entièrement sculptés à la main sans procédés industriels. Cette intervention manuelle tient compte du grain du marbre et respecte l’épaisseur et l’équilibre de la pièce. L’Expert-Marchand Edité par la Compagnie Nationale des Experts Rédacteur en chef Jean-Gabriel Peyre Secrétariat Sylvie Bonnifait Rédaction 10 rue Jacob, 75006 Paris Contact : +33(0)1 40 51 00 81 / [email protected] www.cne-experts.com Réalisation, impression [email protected] ISSN 2260-7900 © 2014 Compagnie Nationale des Experts. La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. CNE_GIORNALE2_CNE_GIORNALE2 03/07/13 08:53 Pagina 1 N°2 - 2013 L’Expert-Marchand Journal de la C.N.E. - Paris - France Qu'est - ce qu'un expert-marchand ? Pourquoi le recherche t-on ? La définition du Petit Larousse "versé dans la connaissance d'une chose par la pratique" n'est plus suffisante !!! Pour l'expert-marchand, il y a d’autres raisons percutantes Il voit passer entre ses mains chaque jour des dizaines d'objets Il estime les objets d'art au prix réel du marché Il est conseil en gestion de collection Il aide le collectionneur pour l'achat et la vente d'objets d'art Vice-Président Martine Thomas Sécrétaire Général Frédéric Castaing Trésorier Catherine Hirsch Administrateur Eric Delalande Administrateur François Laffanour Il est "un passeur" : grâce à ses connaissances et à son expérience - minimum de 10 ans - il peut soustraire des trésors de l'ignorance Il est le défenseur de l'œuvre qu'il expertise et celui de l'artiste Il mène une lutte permanente contre la contrefaçon Administrateur Olivier Lorquin Administrateur Jean-Luc Méchiche Administrateur Marc Perpitch Administrateur Geneviève Saffroy Administrateur Georges-Philippe Vallois Ces sept points définissent les compétences recherchées chez l’ expert-marchand. LA PRESCRIPTION REVUE MAIS PAS CORRIGÉE !!! C'est presque une révolution, avait lancé François Duret Robert quand le législateur eut remplacé l'article 2262 par l'article 2224 dans la loi du 17 juin 2008 : la prescription extinctive de droit commun de 30 ans passée à 5 ans. Plus de 10 ans sont passés où nous signalions tant à l'Observatoire du marché de l'art et du mouvement des biens culturels qu'au Ministère de la Justice que ce fameux article 2262 établissait une différence de prescription entre les experts selon qu'ils agissaient en vente publique (10 ans) ou hors vente publique (30 ans). Il se pourrait que le législateur ait eu vent de nos réflexions. La première lecture de l'article 2224 de la loi du 17 juin 2008 nous mettait en joie... C'est en faisant le commentaire de texte avec nos conseillers juridiques, que nous nous sommes aperçus de l'énormité de ce texte de loi. Soyons clairs : posons le problème sur une expertise d'un objet en vente publique et sur l'expertise du même objet hors vente publique. · Pour l'expertise du pot à sucre en porcelaine de Chantilly faite en collaboration avec un commissaire priseur habilité, la prescription à un délai de 5 ans à compter de l'adjudication ou de la prisée. Ces 5 ans sont fixes (article L321-17 du code de commerce). L'acheteur ne peut engager une action en responsabilité contre l'expert passé ce laps de temps. · Pour l'expertise du même pot à sucre en porcelaine de Chantilly faite dans notre galerie : le délai de prescription de droit commun est également de 5 ans, mais là, nous découvrons un autre principe d'interprétation. Le point de départ est devenu le sujet primordial "jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". C'est le fameux effet glissant dépendant des circonstances imprévues qui ne peut être déterminé à l'avance. L'article 2232 du code civil de la loi du 17 juin 2008 pré- voit un délai "butoir" de 20 ans qui n'est pas forcément à l'esprit de tous les experts marchands hors vente publique. Nous pensons que le législateur n'a pas bien saisi le délai de prescription puisqu'il précise que le délai "butoir" court à compter du jour de la naissance du droit. Comment l'acheteur peut-il voir une différence de prescription pour le même objet présenté en vente publique ou hors vente publique ? C'est bien là que le bât blesse ! Nous avons soulevé cette différence devant différentes personnes des pouvoirs publics qui comprennent notre interrogation mais ne peuvent l'expliquer. Que devons nous faire, nous, experts marchands connus et reconnus pour les expertises que nous faisons ? Devons nous supprimer cet acte "le certificat qui permet l'authenticité de la pièce" afin de ne pas être poursuivis pour l'erreur que nous aurions pu commettre ? Comment peut-on comprendre cette différence de prescription sur l'expertise d'un même objet en étant expert en vente publique ou expert marchand hors vente publique ? Comment le collectionneur lambda pourra-t-il davantage avoir confiance dans les expertises en vente publique (5 ans) par rapport aux expertises hors vente publique (20 ans fixes) ? Ne pourrions nous pas dire haut et fort que le même objet expertisé hors vente publique donne à l'acheteur une plus grande assurance et sûreté puisque 20 ans le garantissent à compter de la découverte de l'erreur. Nous sommes plusieurs à penser la même chose devant cette absurdité. Messieurs les législateurs, pouvez-vous comprendre pourquoi nous nous battons sur cette différence et trouver ensemble une règle simple, immédiate et sans compromis ? Seule la découverte de l'existence d'une erreur d'authentification prend son vrai sens si l'expert s'est trompé. Les garanties dont bénéficient les acheteurs en vente publique ont changé par l'ar- ticle L321-17 du code de commerce où la responsabilité des experts en vente publique de 10 ans est remplacée par 5 ans. Les délais de prescription de l'action en responsabilité civile passent de 10 ans à 5 ans. Son point de départ restant le même : la date de l'adjudication ou de la prisée. L'action en nullité, c'est la découverte de l'erreur qui constitue le fait qui permet de l'engager. La loi du 17 juin 2008, comme nous l'avons déjà dit, a institué un nouveau délai "butoir" de 20 ans qui a pour départ "le jour de la naissance du droit". Ce qui revient à dire que cette loi a simplement raccourci le délai de prescription de 10 ans en le faisant passer de 30 ans à 20 ans. Ce droit d'intenter une action en nullité de la vente pour erreur sur l'objet prend naissance lorsque l'on découvre l'erreur impliquant que l'annulation de la vente peut être demandée plusieurs années après que celle-ci a eu lieu. Pourquoi cette responsabilité civile entre l'expert en vente publique et l'acheteur ne saurait être invoquée plus de 5 ans après la vente ? Alors que celle de l'expert hors vente publique touche une prescription de droit commun avec un délai butoir de 20 ans. Nous pensons que le législateur devrait revoir sa copie. Jean-Gabriel Peyre Président de la Compagnie Nationale des Experts Les principaux objectifs des 150 membres de la Compagnie Nationale des Experts Spécialisés en œuvres d'art Réunir les meilleurs professionnels dans chaque domaine Les lier par une déontologie très concrète Offrir leur compétence spécialisée et leur garantie CNE_GIORNALE2_CNE_GIORNALE2 03/07/13 08:53 Pagina 2 L’Expert-Marchand ANECDOTES D’EXPERTS-MARCHANDS N°2 - 2013 2 Anecdotes dans la vie de travail des experts-marchands C.N.E. Sur les traces de Charlotte Perriand : de Rio à ma première Biennale des Antiquaires… François Laffanour, expert en art décoratif 1950-1980 : meubles, sculptures, verrerie ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Durant son séjour au Brésil, Charlotte Perriand avait décoré entièrement son appartement avec des meubles de sa main. Quelques photos avaient d’ailleurs été publiées dans des catalogues. Ces meubles avaient une particularité : ils étaient réalisés en jacaranda - le palissandre de Rio une essence très précieuse. L’idée m’est venue un jour d’essayer de les retrouver... d’essayer de rencontrer des personnes qui auraient pu être en contact avec Charlotte Perriand à l’époque de sa vie à Rio. J’ai retrouvé le concierge de l’immeuble, puis des voisins et finalement quelqu’un a pu nous parler des anciens habitants de cet immeuble. Je me suis mis à la recherche de toutes ces personnes, une par une. Au bout d’un mois et demi et Je me suis donc rendu au Brésil dans le courant de l’année 2002, avec l’idée de me mettre en quête de cet appartement décoré par Charlotte Perriand. Arrivé à destination, à l’adresse indiquée, il n’y avait plus ni meubles ni appartement. J’ai alors commencé par interroger le voisinage afin plusieurs centaines de kilomètres à travers le Brésil, j’ai réussi à retrouver un ancien résident de l’immeuble. Chez lui, se trouvait la bibliothèque que Charlotte Perriand lui avait donnée à l’époque. Au fur et à mesure de notre conversation, il m’a confié les noms de différentes per- sonnes. Deux mois plus tard, j’avais pu reconstituer l’ensemble du mobilier de l’appartement de Charlotte Perriand : j’ai retrouvé une banquette chez l’un, une table chez l’autre, un tabouret chez un troisième et un quatrième, une autre table et un fauteuil chez un cinquième… Juste après cette aventure, lorsque l’on a accepté ma candidature à la Biennale des Antiquaires de 2004, j’étais fou de joie d’aborder la plus belle exposition qui soit avec toute une collection de meubles dans des dimensions incroyables : la table faisait plus de 3 mètres, la bibliothèque plus de 4 mètres, la banquette faisait 7 mètres de long… Tout un ensemble de meubles surdimensionnés ! Hélas, le comité d’organisation de la Biennale m’a annoncé que l’on ne pouvait me proposer qu’un stand de 12 m². La mort dans l’âme, j’ai accepté en me disant qu’il valait mieux 12 m² que rien du tout… Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, une fois mon contrat signé, on me révéla que ces 12 m² ne seraient aménageables que le dernier jour car ils étaient situés juste au-dessus du monte-charge ! J’ai tout de même accepté et j’ai choisi deux meubles à exposer. Le jour J, on ne pouvait pas entrer sur mon stand ! La bibliothèque se plaçait sur toute la longueur du mur du fond et la table occupait l’intégralité de l’espace. Ce fut pourtant un succès incroyable. Les deux meubles exposés ont été immédiatement vendus. Quelques mois plus tard à ma galerie, j’ai consacré une exposition à tout le reste de la collection. Et toutes ces pièces que j’avais patiemment recherchées pendant des mois à travers tout le Brésil ont conquis de nouveaux propriétaires… et en tout point semblable au « mien » mais il s’agissait apparemment d’une aquarelle ou du moins d’un lavis avec des aplats de couleur visibles qui n’existaient pas du tout sur « mon » dessin. Michel Strauss me dit de le retirer de la vente car il croyait à un faux mais je trouvais ce dessin d’une telle qualité que je persévérais dans mes recherches. Et c’est en consultant les Archives Druet à la BnF que j’ai compris ce dont il s’agissait. L’artiste avait d’abord travaillé la composition et les couleurs « à l’essence » sur un carton puis recouvert ce premier jet d’un calque sur lequel il avait élaboré le dessin au trait. Le marchand Druet avait en effet acheté l’ensemble puis avait séparé le calque de la peinture à l’essence, photographiant d’abord le tout puis les deux séparés, vendant la « peinture » au collectionneur Sevadjian et le « dessin » à Robert von Hirsch. Michel Strauss m’envoya à Zurich où se trouvait Madame Dortu pour lui montrer le dessin de von Hirsch et lui expliquer « ma découverte ». Elle en fut ravie et dans la vente du mardi 28 juin 1978, le lot 851 fit £70.000, une somme considérable à l’époque ! Un tour de magie Jane Roberts, expert en peintures et dessins des XIXe et XXe siècles -------------------------------------------------- C’est un « tour de magie » commercial que je vous raconte : d’une œuvre en faire deux et tout à fait légitimement ! J’étais une jeune « experte » dans le département impressionniste chez Sotheby’s à Londres. Arrivée en janvier 1978, mon « boss » Michel Strauss m’avait confié tous les dessins du 19ème siècle à rechercher et cataloguer pour la grande vente de la collection de Robert von Hirsch en juin. Parmi les absolus chefs-d’œuvre de la collection, figurait une énigme : un grand « dessin » au crayon Conté signé de Toulouse-Lautrec pour sa célèbre affiche le « Divan Japonais ». En consultant le « catalogue raisonné » Dortu où était reproduit le dessin, je voyais une œuvre de la même taille CNE_GIORNALE2_CNE_GIORNALE2 03/07/13 08:53 Pagina 3 3 L’Expert-Marchand ANECDOTES D’EXPERTS-MARCHANDS N°2 - 2013 Portrait de Gaby Depeyre par Amadeo Modigliani vers 1915 Eric Mouchet, expert en dessins et tableaux modernes, œuvre peinte, dessinée et gravée de Le Corbusier ------------------------------------------------------------------------------------------------------- Se voir proposer d’acquérir un mystérieux portrait d’Amedeo Modigliani à l’encre, totalement inédit, se révèle tout à la fois enthousiasmant et préoccupant. L’artiste est mythique, mais son œuvre sur papier, bien qu’ayant fait l’objet de nombreuses publications et même de plusieurs catalogues raisonnés, constitue un domaine dans lequel il convient de s’aventurer avec prudence. Apparemment jamais publié, ce dessin recèle cependant en lui, tel un rébus, tous les éléments nécessaires, non seulement à ce que nous soyons finalement certains de son authenticité, mais aussi pour élucider son historique - en tous cas partiellement - ainsi que pour découvrir l’identité de son modèle. Reste à l’expert-marchand à effectuer le travail d’observation et d’investigation qui constitue le fondement passionnant de son métier, et dont voici un court aperçu : l’absorption de l’encre, et l’oxydation irrégulière du papier, notoirement atténuée là où des surcharges d’encre et d’anciennes consolidations au verso de la feuille ont constitué une barrière avec le support acide, attestent d’une véritable ancienneté du dessin. Au dos de son encadrement d’époque conservé dans son état d’origine, une étiquette ancienne de maison de vente indiquant « Est. Sullivan » (succession Sullivan en anglais), nous met sur la piste de Mrs. Cornelius J. Sullivan, qui fut une des principales fondatrices, avec Mrs. J. D. Rockefeller et Miss L. P. Bliss, du Museum Of Modern Art de New York en 1929. Mrs. Sullivan posséda une galerie à New York et une importante collection d’art contemporain français. Après son décès en 1939, sa collection comprenant notamment 7 dessins de Modigliani Visites d’un jour Jean-Luc Mechiche, expert en art contemporain et moderne -------------------------------------------------- Il y a quelques années déjà, Claire, ma collaboratrice, voyant sur nos écrans de surveillance entrer deux ravissantes jeunes filles, habillées très tendance, jeans troués, sweat shirt ajusté… me dit avec un grand sourire : « Va les accueillir, cela te détendra ! » Dans notre activité d’expert fut vendue aux enchères publiques les 6 et 7 décembre 1939 par Parke-Bernet Galleries. Notre dessin n’est pas identifiable dans le catalogue de cette vente, mais il nous est vendu, assorti d’une précédente facture d’achat dont la date - janvier 1946 – et la localisation – New York - ne contredisent pas la probabilité de la provenance suggérée par l’étiquette de la succession Sullivan. Du point de vue stylistique, le dessin s’apparente aux portraits que Modigliani réalise vers 1914-17. En témoignent les arrêtes ponctuées du visage, et la présence d’un abondant texte dans la composition. Cette association poétique extraordinaire du mot et du dessin, dont Apollinaire fut le promoteur avec ses calligrammes, est très en vogue parmi les artistes de son entourage à cette époque. Ces inscriptions, tant au graphite qu’à l’encre brune, comportent une double signature de l’artiste - une fois en capitales et une fois en bas de casse – et, à deux reprises, le nom - à consonance française – LESPINASSE. Herbert Lespinasse est cependant un graveur américain qui fut élève à l’Ecole des Beaux Arts de Paris, et qui fréquenta la résidence d’artistes du Bateau-Lavoir à Montmartre où il devint l’ami de plusieurs des plus influents peintres cubistes : Modigliani et Picasso notamment, qui y avaient demeuré peu de temps auparavant. Le modèle du dessin est son épouse, Gabrielle Depeyre. Elle avait fait sa connaissance en 1915 et adopté rapidement son patronyme. Ils se marièrent en 1917 ; on connaît au moins un autre portrait d’elle, réalisé par Modigliani en 1915. La succession rythmée des mots PARIS, AMOURICA, LINE, STREAMER (bateau à vapeur en anglais), ne laisse aucune ambiguïté sur la personnalité du modèle, et l’invention du joli mot-valise AMOURICA (Amour + America) est une belle évocation de l’amour transatlantique qu’Herbert et Gaby Lespinasse entretinrent jusqu’à leurs disparitions respectives au début des années 70. Ironiquement, c’est dans les années 50 que le nom de Gaby Depeyre fut immortalisé, quand cette dernière vendit les aquarelles-déclarations d’amour que Picasso lui avait dédiées lorsqu’ils avaient entretenu une aventure furtive vers 1915 ou 16, l’époque précisément de la réalisation de ce dessin. marchand nous recevons des collectionneurs mais aussi des curieux, avec lesquels il nous arrive de partager notre savoir et notre passion. Nous visitons les trois étages de la galerie, et soudain j’entends grâce au souvenir de mon anglais : « je suis intéressée par plusieurs œuvres ! » Nous faisons à nouveau un parcours dans les étages et la visiteuse sélectionne cinq œuvres parmi lesquelles deux tableaux d’une valeur importante. Elle ajoute même avec un grand sourire : « je prends l’ensemble, nous repasserons... » Je repris mon travail... avec sourire. Une heure plus tard, la porte sonne, j’ accueille un homme d’une cinquantaine d’années, à l’accent d’Oxford, (décidemment !) vêtu d’un costume de bonne facture. Un banquier de la City s’est-il invité dans notre galerie ? Cette fois-ci, me dis-je, c’est du sérieux pour notre activité... Je me lance dans un grand discours, mais suis vite arrêté dans mon envolée. L’homme me tend une enveloppe, et ajoute discrètement : « Excusez-moi, je suis le chauffeur des jeunes femmes que vous avez reçues tout à l’heure. Elles m’ont chargé de vous transmettre le règlement de leurs achats !!! » s’est occupé de la vente de la collection de Nadia Kapamadji. J’ai d’ailleurs eu la fierté d’écrire la préface du catalogue. Cette fameuse monnaie barbare qui me plaisait tellement était toujours dans sa collection. Malheureusement, lors de la vente elle s’est envolée pour les Etats-Unis… Des années plus tard, cette monnaie est repassée en vente à Londres et je m’y suis précipitée... En dépit d’un parterre numismatique important, j’ai pu enfin l’acquérir. Cette monnaie est unique et si je l’adore à ce point, c’est parce qu’elle est totalement novatrice : le graveur barbare qui en fut l’artisan a recopié une monnaie romaine – un solidus de l’empereur Théodose II – comme l’aurait fait un enfant : sans la comprendre mais en l’interprétant. Cela donne un résultat surréaliste qui donne à cette pièce un style incroyable ! Je l’ai exposée à la Biennale des Antiquaires en 2008, pour le plaisir de la montrer au public mais sans me résoudre à la vendre... J’ai mis un point rouge dissuasif dès le vernissage ! Aujourd’hui, elle est toujours dans ma collection et je la choie ! Je suis persuadée que les objets ont un destin et que cette pièce était pour moi… Le destin d’une monnaie barbare Sabine Bourgey, expert en numismatique -------------------------------------------------- A l’âge de 22-23 ans, j’ai rencontré Nadia Kapamadji, expert en monnaies. Elle s’est montrée très encourageante pour mon avenir dans ce métier où il y avait très peu de femmes. Dans le cadre de ma thèse, elle a accepté de me montrer sa collection de monnaies barbares et j’ai eu un véritable coup de foudre pour l’une d’entre elles : l’imitation barbare d’un solidus de l’empereur Théodose II à l’allure follement art moderne. Après sa mort, en octobre 1992, le cabinet Bourgey alors dirigé par mon père CNE_GIORNALE2_CNE_GIORNALE2 03/07/13 08:53 Pagina 4 L’Expert-Marchand EXPERTISES N°2 - 2013 4 Quelques expertises des derniers membres entrés à la C.N.E. Compas anglais Kelvin Bottomley & Bairo Ltd conformité par l’inspection de la Royal Navy (la rose des vents existante datant des années 60). Ceci ne retire en rien de la valeur à ce compas bien au contraire. Cela prouve qu’il a été utilisé sur un bâtiment de la Royal Navy car inspecté par cette dernière et mis en conformité pour la navigation. Son aspect d’origine ne révèle aucune modification, seule manque donc sa vérine. Son n° de série (n°316) et sa date révèlent que ce compas est un des premiers fabriqués sous son nom de fabricant car la société Kelvin-White (fabricant de compas) est devenue Kelvin Bottomley en 1913 et, provenant de la Royal Navy, a vécu les deux guerres mondiales. Ce compas a son jumeau exposé au musée de la Marine de Paris (avec sa vérine) ainsi qu’au National Maritime Museum de Greenwich mais sous le nom de fabricant précédent Kelvin White. Ce compas est tellement mythique que de nombreuses copies circulent mais très facilement reconnaissables, ne serait-ce que par leur absence de patine. Bertrand Blin, expert en objets de marine XIXe et XXe siècles, fait à Paris le 25 mai 2011 -------------------------------------------------- Compas liquide d’embarcation anglais Kelvin Bottomley and Bairo Ltd de 1913 monté à la cardan, habitacle bois et laiton à fenêtre de lecture sur le devant et loupe de lecture sur le dessus. Vitres d’éclairage sur les côtés et vérine manquante. Ce compas est estampillé Royal Navy (ancre stylisée) sur le cerclage du compas avec la date de 1913 sa référence modèle (Patt.182) et son numéro de série (n° 316). Ouverture de l’habitacle sur la face avant pour accès au système de blocage du cardan en cas de transport. Deux anneaux d’arrimage en laiton sur le côté et poignée de transport en bois et laiton sur le dessus. Rose des vents liquide non graduée mais à 8 cardinaux, marquée du nom du fabriquant Kelvin Bottomley. Dimensions : 22 x 22 cm, 30 cm de haut, diamètre du compas 16,5 cm poids total 11,20 Kgs. La rose des vents est postérieure au compas et à son habitacle étant donné l’obligation de mise en Le pont de Rialto Mathias Ary Jan, expert en peinture française entre 1870 et 1910, Belle Epoque et Orientaliste, fait à Paris le 8 Octobre 2012 -------------------------------------------------- Estimations : Valeur assurance : 6000 euros Valeur de vente : 4000 euros Valeur succession : 4000 euros Descriptif : Huile sur panneau portant signature Ziem en bas à droite. Dimensions : 71 x 92 cm Le support : Panneau d’acajou d’une seule pièce, non parqueté. Le support a conservé une parfaite planéité et n’a pas de nœud pouvant induire des déformations. Ce type de panneau est très fréquent chez Félix Ziem dont la technique en transparence laisse souvent entrevoir le support en réserve. Le vernis : La surface picturale a été nettoyée récemment, probablement moins de cinq ans, et le vernis date de cette restauration. Le vernis est régulier et assez léger, il s’agit probablement d’un vernis synthétique. Après examen à l’œil nu et sous UV, on ne constate pas de repeints. La couche picturale : Très bon état général. Pas de craquelures prématurées, pas de soulèvements ni de manques de matière. Le nettoyage a été bien exécuté, il n’y a pas d’usures dues à un solvant trop fort, et les glacis ont tous été conservés. La signature : Elle est d’origine, noire et large, typique des années 1880 – 1895. Louis Soutter 1871-1942 Conclusion :Tous ces éléments confirment que ce tableau est bien une œuvre originale de Félix Ziem, signée en bas à droite, réalisée vers 1880 - 1885 et qui se trouve en parfait état de conservation. eût retiré, après réflexion. Cette opinion fut lentement remise en question et le temps, l'évolution de l'art, les écrits sur sa création, les expositions particulières et collectives, nationales et internationales de ses œuvres ont changé le regard posé sur lui. Aujourd'hui Louis Soutter est considéré comme l'un des plus grands artistes suisses de la première moitié du XXe siècle. On distingue quatre périodes dans son œuvre : la première, celle de la « jeunesse », de 1892 à 1923, dont il reste très peu d’œuvres, et celles, essentielles, des « cahiers », de 1923 à 1930, « maniériste », de 1930 à 1937, et la période de la « peinture au doigt », de 1937 à 1942. Laurent Poute de Puybaudet, expert en art brut, art singulier, œuvres sur papier XXe (1910-1960), fait à Paris le 21 juin 2012 -------------------------------------------------- Œuvre : Noël, 1930-1937, encre de chine sur papier, non signé, titré Noël en bas à droite, porte l’inscritpion « le banderole saintillerant comme les bulles légèrs dans la loupe de noel » au verso. Dimensions : Hauteur 22 cm, largeur 17,1 cm. Certificat : Michel Thevoz , figura dans le Catalogue raisonné. Biographie : Louis Soutter est un artiste suisse, né à Morges, près de Lausanne, le 4 juin 1871, mort à Ballaigues, près de Vallorbe, le 20 février 1942. Soutter a eu une vie riche en changements et en déplacements, dont six ans aux États-Unis, marié à une Américaine et directeur du département d'art et de design au Colorado College à Colorado Springs, Colorado, puis une quinzaine d'années comme violoniste en Suisse romande. Il produisit la plus grande partie de son œuvre, d'une grande richesse après son enfermement contre son gré dans un hospice pour vieillards, de 1923 à sa mort. Son cousin, Le Corbusier, les amis de Soutter réunis en Association des Amis de Soutter, des galeristes, éditeurs, conservateurs de musées, travaillèrent sans relâche à faire découvrir l'œuvre de l'artiste Louis Soutter. En 1945, Jean Dubuffet la découvrit de son côté grâce à Jean Giono. Il intégra aussitôt Louis Soutter dans l'Art brut (concept qu'il avait La technique de peinture : Elle concorde avec la période impressionniste de l’artiste. La touche est très enlevée, nerveuse et présente de nombreux empâtements, particulièrement dans les palais et la lagune. Les coups de brosses sont parfaitement visibles dans le ciel. Cela correspond à la pleine maturité artistique de Félix Ziem qui se situe entre 1880 et 1890. La palette de couleurs : Elle est en accord avec celle employée par Félix Ziem qui broyait lui-même ses pigments. On retrouve des couleurs pures propres à l’artiste et le fameux Bleu Ziem du ciel. Le sujet : Venise est le thème de prédilection du peintre. Cependant le sujet est un peu singulier pour Félix Ziem dont on ne connaît qu’une dizaine de représentations du Pont du Rialto. L’Expert-Marchand Edité par la Compagnie Nationale des Experts Rédacteur en chef Jean-Gabriel Peyre Secrétariat Sylvie Bonnifait Rédaction 10 rue Jacob, 75006 Paris Contact : +33(0)1 40 51 00 81 / [email protected] www.cne-experts.com créé en 1945), assimilant l'artiste suisse aux créateurs non professionnels de l'art, indemnes de toute culture artistique, dont, parmi eux, les malades mentaux. C'est ainsi que le grand public vit longtemps en Louis Soutter un créateur « fou » appartenant à l'Art brut — bien que Dubuffet l'en Réalisation, impression [email protected] ISSN 2260-7900 © 2013 Compagnie Nationale des Experts. La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. 1e année - n°1 - 2012 L’Expert-Marchand Journal de la C.N.E. - Paris - France La Compagnie Nationale des Experts spécialisés en œuvres d'art regroupe 150 experts-marchands compétents dans des domaines très précis couvrant les : Antiquités, tableaux, livres, curiosités et objets d'art de toutes époques Fondée en 1971, la Compagnie Nationale des Experts est aujourd'hui l'une des plus importantes chambres européennes. Tous ses membres sont des professionnels du marché de l'art et donc parfaitement au courant des prix réels du marché. Nombre d'entre eux sont experts judiciaires ou assesseurs près les douanes françaises. Nos prestations sont assurées en toute confidentialité : Expertises privées Expertises judiciaires Partages pour successions Missions pour compagnies d'assurances L’unique compagnie regroupant des experts-marchands, répartis en deux catégories Nouveau conseil d'administration de la C.N.E., de gauche à droite : F. Laffanour secrétaire général, O. Lorquin administrateur, J-G. Peyre président, M. Thomas vice-président, G-P. Vallois administrateur, G. Saffroy administrateur, F. Castaing administrateur, C. Hirsch trésorier, M. Perpitch administrateur, J-L. Méchiche administrateur, D.Greiner, administrateur. Les Antiquaires : Antiquités, Archéologie, Orfèvrerie, Armes Anciennes, Art Aborigène, Art d’Orient et d’Asie, Art Contemporain, Arts Décoratifs, Art Primitif, Bijoux, Céramique, Dessins du XVIe au XIXe siècle, Estampes, Restauration, Militaria, Horlogerie, Marine, Tabacologie, Mobilier du XVIe au XIXe siècle, Mobilier contemporain, Numismatique, Papiers Peints, Photographie, Sculpture du XVe au XXe siècle, Tableaux, Dessins et Gravures du XVIe au XIXe siècle, Terre Cuite, Textile, Tapis, Tapisserie. Les Libraires : Livres, Manuscrits et Cartes, Livres pour Enfants, Philatélie. Les principaux objectifs de la Compagnie Nationale des Experts Réunir les meilleurs professionnels dans chaque domaine Les lier par une déontologie très concrète Offrir leurs compétences spécialisées et leurs garanties La C.N.E. compte aujourd'hui 150 membres. Pour être admis au sein de la Compagnie, ils ont dû faire preuve d'une expérience professionnelle importante et d'une probité indiscutable : dix ans d'exercice de la profession de manière effective et continue, compétence reconnue par les pairs, jouissance des droits civiques et politiques, casier judiciaire vierge. L'engagement d'un membre de la C.N.E. l'oblige au respect de règles de déontologie très strictes telles que : apporter toute son expérience et sa compétence aux cas qui lui sont soumis, exercer sa profession avec honnêteté, probité et équité, souscrire une assurance couvrant sa responsabilité civile en qualité d'expert, respecter le secret professionnel, la transparence des frais de son intervention. À tous ceux qui en auraient besoin. C'est l'objet d’un répertoire où vous trouverez la liste de tous les membres de la Compagnie Nationale des Experts avec leurs spécialités. Cet éventail qui regroupe plus de trente domaines du marché de l’art tant chez les experts antiquaires que chez les experts libraires donnera à la personne qui désire un avis ou une expertise, l’embarras du choix. Qu’est-ce qu’un Expert ? “ Versé dans la connaissance d'une chose par la pratique (Définition du Petit Larousse) ” Curieusement, n'importe qui en France, peut se prévaloir du titre « Expert ». C'est pour combler ce vide juridique que la C.N.E. a été créée L’Expert-Marchand LA COMPAGNIE NATIONALE DES EXPERTS 1e année - n°1 - 2012 Une compagnie née il y a 41 ans En 1969 se forme à Nice une Chambre des experts professionnels. 56 membres de l’Ile de France, essentiellement de Paris, en font partie. Le 15 novembre 1971, l’Ile de France décide du principe d’une scission avec Nice. Le Président de la Chambre régionale pour Paris, Gilbert Suc, le vice-Président, Francis Roux Devillas et Alain Vian fondent la Compagnie Nationale des Experts. Les statuts sont déposés à la préfecture de Paris le 13 décembre 1971 sous le matricule 15.195. C’est lors de l’Assemblée Générale extraordinaire du 9 mars 1972 que la Compagnie décide d’une présidence bicéphale : Gilbert Suc – Président pour les antiquaires, Francis Roux Devillas – Président pour les libraires, élus tous deux à l’unanimité. A l’Assemblée Générale extraordinaire du 23 septembre 2003, est votée une présidence unique pour diriger la C.N.E. Jean-Gabriel Peyre occupe depuis 2003 la fonction de Président, il vient d’être réélu en 2012. 2 LES PRÉSIDENTS D'HONNEUR Nicolas Landau †, Gilbert Suc †, Francis Roux Devillas †, Alain Vian †, membres fondateurs ; et Edouard Bresset †, Pierre Balmès †, Léonce Laget †, Jacques-Henri Pinault, Sabine Bourgey et Claude Blaizot. LES MEMBRES D'HONNEUR Dina Vierny †, Marc Révillon d'Apreval. Le Conseil d’Administration se compose de onze membres : un président, un viceprésident, un secrétaire général, un trésorier et sept administrateurs. Le métier d’Expert-Marchand Admission des membres Avant de vendre, l’Expert-Marchand achète Notre double titre est une chance pour l’acheteur et le collectionneur Nous prenons à chaque achat un risque indispensable à notre survie, gage de notre professionnalisme. Nous sommes en perpétuel danger quand nous achetons un objet car nous pouvons nous tromper - ces éventuelles erreurs, nous les payons doublement : l’objet doit être supprimé de la vente et détruit, et par ailleurs c’est un manque à gagner car nous ne pouvons pas le vendre. Ce n’est pas une licence d’histoire de l’art qui permettra à l’expert de ne pas se tromper. Certes, expérience et études ne sont pas antinomiques. Des dizaines d’objets passent entre nos mains et c’est grâce à nos connaissances et à notre expérience que nous pouvons soustraire des trésors à l’ignorance et garantir l’objet que nous vendons. Pour entrer à la Compagnie Nationale des Experts, le postulant doit envoyer une lettre de motivation au Président mentionnant sa spécialité. Lors du Conseil d’Administration qui suit l’arrivée de ce courrier, un débat a lieu pour savoir si un dossier d’admission peut lui être adressé. Les éléments suivants sont requis: Nous sommes les défenseurs des objets que nous vendons grâce à notre exigence et à notre connaissance Les caractéristiques : l’Expert-Marchand Acquiert sa notoriété grâce à sa connaissance et à sa pratique, Est garant de ce qu’il vend, Authentifie une pièce et explique sa démarche grâce à son expérience et à son savoir, Est un informateur et un passeur pour l’éventuel client ou collectionneur, Revendique haut et fort son indépendance, N’est pas coopté, il doit répondre au dossier qui lui est envoyé, Est spécialisé dans une ou deux disciplines exclusivement, Souscrit une assurance qui donnera à l’acheteur une garantie supplémentaire. * *La profession d’Expert en œuvre d’art ne fait pas l’objet d’une règlementation particulière à ce jour. Malgré l’absence de règle, les experts ont toutefois compris l’intérêt de souscrire un contrat spécifique afin de les garantir contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle qui peut leur incomber : - en cas de fautes, erreurs, omissions ou négligences commises dans l’exercice des activités assurées par eux-mêmes, leurs collaborateurs et préposés - mais aussi en cas de vols, malversations, escroqueries ou abus de confiance commis au détriment d’autrui dans l’exercice des activités assurées par toute personne dont l’assuré serait reconnu responsable. Cette garantie joue dès la réception par l’expert d’une réclamation écrite formulée amiablement ou judiciairement (de simples réserves n’étant pas suffisantes). Il doit alors adresser cette réclamation à l’assureur dans un délai de deux ans sinon son droit sera déchu (article L 114-1 du code des assurances). Enfin, depuis la loi du 17 juin 2008, la prescription, c’est à dire l’extinction pour l’acheteur de son droit à agir contre l’expert, se prescrit par 5 ans à partir du jour où « le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l’exercer » (article 2224 du code civil). La loi prévoit toutefois que désormais, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit (article 2232 du code civil). 1. Deux lettres de parrainage d’experts de notre Compagnie qui ne soient pas membres du Conseil d’Administration, dont l’un des deux rejoint sa spécialité. 2. Dix ans d’expérience - sans diplôme spécifique - avec comme preuve la présentation du Kbis d’inscription au registre du commerce et être honorablement reconnu et compétent pour ces spécialités. 3. Sept ans d’expérience si le postulant a des diplômes ou une thèse, à joindre au dossier pour permettre de ramener à sept ans le délai d’expérience requis. 4. Une ou deux expertises écrites d’un objet ou d’un manuscrit en sa possession - le postulant peut être inscrit au maximum à deux spécialités et éventuellement deux connexes. 5. Un examen pratique facultatif est demandé au postulant. 6. Un extrait de casier judiciaire de moins de trois mois est requis. 7. Quand le dossier est complet, il est soumis à l’approbation du Conseil d’Administration pour une nouvelle délibération. Le secrétariat informe ensuite, à travers le site, tous les membres de la Compagnie afin qu’ils puissent donner un avis pendant un mois franc, s’ils connaissent le postulant, ou émettre une réserve s’ils savent qu’un problème entache son admission. 8. Ce postulant est de fait officiellement admis par l’ensemble des membres de la C.N.E. si aucun problème n’est intervenu. L’Expert-Marchand Edité par la Compagnie Nationale des Experts Rédacteur en chef Jean-Gabriel Peyre Secrétariat Sylvie Bonnifait Rédaction 10 rue Jacob, 75006 Paris Contact : +33(0)1 40 51 00 81 / [email protected] www.cne-experts.com Conception, réalisation, impression [email protected] © 2012 Compagnie Nationale des Experts. La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. 3 L’Expert-Marchand ANECDOTES D’EXPERTS-MARCHANDS 1e année - n°1 - 2012 Anecdotes dans la vie de travail des experts-marchands C.N.E. Une récompense surprenante Jean-Gabriel Peyre, expert en faïences et porcelaines des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles ------------------------------------------------------------------------------------------------------- Il y a une vingtaine d’années je chinai sur un marché aixois un pot à pommade en porcelaine de Saint-Cloud, marqué au "soleil", privilège qu’avait accordé Louis XIV à cette manufacture. En dépit d’une légère fêlure je l’achetai pour l’équivalent de 300 euros. Sur mon stand au Marché aux Puces je le vends le samedi suivant pour 600 euros à un grand marchand de la rue de Beaune. Trois semaines passent. L’antiquaire de la rue de Beaune revient me voir, jette un coup d’œil sur les nouveautés… et me tend une enveloppe. C’est pour vous me dit-il. Je jette un coup d’œil dans l’enveloppe, au vu des billets je m’étonne et lui en demande la raison.Votre petit pot à pommade que je vous ai acheté l’autre jour, pièce rare et marquée, je viens de le vendre très… très bien… à une de mes clientes. J’ai jugé normal de vous faire participer à cette bonne affaire puisque vous en étiez à l’origine. En 30 ans de métier c’est la seule fois où un marchand est venu me récompenser pour lui avoir permis de faire une bonne opération. Cet antiquaire est devenu mon professeur en "pâte tendre" et est resté mon ami jusqu’à sa mort. Les chevaux du bonheur d’art religieux pour éviter la destruction d’édifices, car, en ce qui concerne la sculpture religieuse, on en retrouvait certains éléments sur le marché. J’avais donc précisé que je ne voulais que des objets à thèmes laïques : l’amour, les fleurs, les animaux… Au bout d’une semaine, l’un des marchands demanda à traverser le lac pour rejoindre l’hôtel et me rencontrer. Il était trop pauvrement vêtu et les gardes du bac qui mène à l’hôtel refusèrent de le laisser embarquer. Comme ils m’appelèrent à sa demande, je les autorisai à le laisser passer. Il me présenta un catalogue ancien de 170 pages, avec une reliure très rustique, mais sur chaque page était peint à l’aquarelle la silhouette d’un cheval de coloris différents, y compris en rose, jaune… parfois debout sur des tertres en gazon, parfois dans des positions invraisemblables. L’image occupait presque toute la page et une légende dans une langue ancienne en décorait le bas. Le prix était très élevé, mais après une rapide tractation, j’achetai l’ouvrage. De retour à Paris, je consultai des linguistes pour faire traduire le livre. Il s’agissait d’une vieille forme d’Urdu, langue vernaculaire du nord de l’Inde, qui expliquait la raison d’être du livre. Tous ces Marc Perpitch, expert en mobilier et objets d’Art des XVIe et XVIIe siècles -------------------------------------------------- Il y a 35 ans, je décidai de passer 15 jours dans la ville d’Udaipur au Rajasthan. Entourée de collines dénudées parsemées de bosquets d’arbres, Udaipur est très connue pour son palais-hôtel en marbre blanc construit au milieu d’un lac à la fin du XVIIe siècle par le rajah de la ville ; j’avais envisagé de visiter tous les sites du Rajasthan à partir de cette base. La ville s’étend en montant vers le sommet des collines, de l’autre côté du lac. Le palais que le Rajah habite actuellement est au bord de l’eau. Avant de commencer mes pérégrinations, j’avais rendu visite à tous les vendeurs d’antiquités de la ville – qui étaient assez nombreux – et leur avais bien expliqué que j’étais moi-même antiquaire, mais que je ne voulais pas acheter commentaires avaient été écrits par un vétérinaire responsable d’un grand haras qui commentait la santé, le caractère et les maladies du cheval. Plusieurs jours après mon achat, je décidai de retourner voir le marchand dans son échoppe. Quand j’y arrivai, l’homme qui tenait la boutique n’était plus le même et le stock de marchandise avait légèrement changé. Je demandai donc à cet homme si je pouvais rencontrer mon vendeur. Mon interlocuteur me dit qu’il s’agissait de son frère qui avait reçu un gros client à qui il avait fait une très belle vente… Tout à-coup embarrassé, il s’arrêta de parler, et me regardant, me dit : « Mais c’est peut-être vous le gros client ?! ». Je répondis que oui, peut-être… « Grâce à cette vente, me dit-il, mon frère a pu reprendre son vrai métier ». J’ai demandé quel était ce métier. « Il était professeur de peinture ». Je me fis donner son adresse, dans la vieille ville haute d’Udaipur, où je me rendis à pied. Arrivé devant la maison, sur la terrasse, trois jeunes enfants assis par terre peignaient sur des toiles et leur maître était debout. Je reconnu en lui mon vendeur qui leur enseignait dans la lumière et la sérénité du soir… Udaipur bourdonnait. La généalogie doit être aussi une affaire de clients ! Geneviève Saffroy, expert en généalogie, héraldique - histoire générale, régionalisme. -------------------------------------------------- Dans les années 1960, mon père Gaston Saffroy, avait été appelé par un de ses fidèles clients pour réaliser l'estimation de la bibliothèque de son père, particulièrement spécialisée dans les ouvrages sur la noblesse, la Bourgogne et le Maine. En 1986, au décès de ce client, son fils m'avait sollicitée pour faire l'estimation de cette collection, complétée entretemps. En 2011, j'ai été appelée une troisième fois par ce même fils pour de nouveau actualiser le prix de sa bibliothèque, également enrichie par lui-même. J'apprécie tout particulièrement cet aspect de ma profession où les relations commerciales deviennent très amicales mais il ne faudrait pas qu'elles perdurent trop à travers les générations… Dans ce cas particulier, quel espoir me reste-t-il de pouvoir vendre un jour cette bibliothèque, moi-même avançant en âge… L’Expert-Marchand ANECDOTES D’EXPERTS-MARCHANDS 1e année - n°1 - 2012 4 Séparément, mais moins cher en paire Alain Richarme, expert en bronze et sculpture français XIXe et XXe siècles ------------------------------------------------------------------------------------------------------- Un de mes meilleurs souvenirs de marchand celle-ci était en phase ascendante. Un marchand, remonte à l’année 1992, il y a vingt ans exactement. sachant que nous travaillions alors activement à C’était à la Foire de Montpellier, à l’époque où la rédaction du catalogue raisonné de Barye, me Le fauteuil d’une vie Robert Vallois, expert Art Déco (mobilier) -------------------------------------------------- Je souhaite vous faire partager un des grands moments de ma vie de marchand et d’expert : l’histoire remonte à 1971, date de l’ouverture de ma première galerie parisienne, dans un entrepôt des Halles alors en pleine mutation. A l’époque, personne ne s’occupait de la période Art Déco, qui est depuis lors ma spécialité et dont il faut bien imaginer qu’elle était alors très loin d’être aussi médiatique qu’aujourd’hui, voire tombée dans l’oubli. Aussi, lorsqu’un marchand m’amena ce qui s’est avéré être le désormais fameux fauteuil aux serpents (ou aux dragons) d’Eileen Gray, la fascination qu’a exercé ce meuble a été la seule et unique raison qui me poussa à débourser les quelques milliers de francs (que je n’avais pas…) nécessaires à son achat. L’histoire d’une vocation Eric Delalande, expert en marine, tabacologie, opium -------------------------------------------------- D’une famille originaire depuis trois siècles de la région de Saint Malo, Dominique Delalande, mon père, ne pouvait pas se résoudre à trouver une autre issue professionnelle que celle de prendre un métier en relation avec la mer. C’est donc tout naturellement qu’il se retrouva chez un armateur dont il devint assez rapidement l’un des directeurs parisiens.Trop à son gré, souvent plus dans un avion que sur un bateau, et comme pour faire fi de ses frustrations, il se mit avec avidité à collectionner les modèles de bateaux anciens. Le salon de la maison en fit rapidement les frais jusqu’à en héberger 17 avec quasi interdiction d’y faire le ménage. Son épouse, un beau matin, tenta de lui faire comprendre sa désapprobation. Il fila au bureau sans demander son reste... Le soir, en rentrant, et ayant totalement oublié la conversation du matin, il se vit à nouveau reproché ses excès et c’est là que ma mère fit une faute grave : « Trop c’est trop. Tes maquettes, cela suffit » et elle eu le tort d’ajouter « Ce sont elles ou moi.Tu choisis… ». Tout en ayant conscience de sortir une énormité, c’est alors que la réponse de mon père fusa : « Mais que veux-tu que je fasse, je ne peux choisir, je vous aime toutes ». Les mots bien sûr dépassaient leur pensée mais bon garçon mon père se mit en quête d’une solution qu’il trouva finalement avec l’inauguration du Louvre des Antiquaires en 1978. C’est ainsi qu’il devint dit :" Tiens, j’ai un Aigle de Barye pour vous à 12500 francs ". Devant l’extraordinaire qualité de la fonte, un atelier Barye de la première période, je montre fortement mon intérêt de l’acheter. Le marchand rajoute alors: "Si vous voulez, j’en ai un autre exemplaire si vous souhaitez en avoir deux ? Je vous fais même un prix, vous m’arrangeriez. Il est en fait un peu différent, celui-ci a le bec ouvert..." Mon sang ne fait qu’un tour, car je me trouve en face d’une rarissime paire de bronzes de Barye créés en pendant par l’artiste, Aigle ailes étendues bec ouvert et Aigle ailes étendues bec fermé. Je les ai donc acquis pour une bouchée de pain. Il s’agit d’une vraie paire, les deux bronzes fondus à la même époque, pour être vendus ensemble, et qui sont parvenus à nous sans être séparés par le couperet des successions, ce qui est extrêmement rare. Ils sont aujourd’hui la propriété de Art Promotion Foundation qui a réunit l’œuvre complet du grand sculpteur animalier, essentiellement des fontes d’époque. En quelques jours, le fauteuil était vendu à Yves Saint-Laurent, un de nos premiers clients. Quelques recherches et l’achat d’autres meubles de la même provenance nous ont permis de retrouver la trace d’Eileen Gray, toujours vivante à l’époque. La vente de la collection Jacques Doucet, en 1972, puis une grande exposition au Victoria and Albert Museum en 1979, confirmèrent l’intérêt historique des réalisations de cette grande créatrice. Aujourd’hui, le marché a plus que validé l’instinct que nous avons eu face à cette pièce ; lors de la vente de la Collection Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé en 2009, nous l’avons racheté pour le compte d’un collectionneur pour 19,5 millions d’euros au marteau, devenant ainsi le meuble le plus cher du XXème siècle. PS : la photo jointe, prise au moment de l’achat du fauteuil, vous le montre dans son tissu d’origine, avant qu’il ne soit recouvert de cuir par Yves Saint-Laurent. antiquaire et que, mis à part le salon, la maison entière se transforma en véritable dépôt. Quant à moi, après 8 années passées chez Microsoft et imbibé des mêmes passions dévorantes, j’ai également franchi le pas avec la chance d’avoir déniché une épouse "compréhensive" au point de s’être depuis totalement intégrée à nos activités familiales avec l’espoir que notre propre fils Alessandro, détenteur déjà de quelques trésors, sache un jour y trouver également sa voie. 5 L’Expert-Marchand ANECDOTES D’EXPERTS-MARCHANDS 1e année - n°1 - 2012 Le corsaire le renard Alain Reboulot, expert en philatélie - histoire postale, autographes historiques -------------------------------------------------- En 1993 j’ai fait l’acquisition du contrat notarié manuscrit de l’embarquement du 24 mai 1813 du cotre Le Renard de Saint Malo, 8e et dernier navire armé par le corsaire Malouin Robert Surcouf, lancé en 1812. Le rôle d’équipage comprenant un No d’enregistrement, l’adresse, la qualité, les conditions de l’acte et l’avance en francs à l’embarquement, la signature après lecture, l’ensemble signé deux fois "Robert Surcouf", m’a été présenté et proposé à un prix raisonnable dans mon magasin de Rennes par deux charmantes dames descendantes de la famille Surcouf. Elles l’avaient proposé quelques temps avant au service acquisition de St Malo qui le voulait bien, mais à zéro franc. Merci, messieurs, et dommage pour l’association ! Degas et ses amis : Trois plaques gravées redécouvertes Hélène Bonafous-Murat, expert en estampes anciennes et modernes ------------------------------------------------------------------------------------------------------- En 2009, il m’a été donné de négocier un lot exceptionnel de trois plaques gravées originales. Elles provenaient de chez un collectionneur de tableaux qui les avait conservées dans un tiroir sans bien savoir le caractère précieux de ces objets. Elles provenaient de Mademoiselle Fèvre, nièce de Degas, à qui elles avaient été achetées par son propre père vers 1946. Après examen, il s’est avéré que les deux premières étaient bien des matrices originales d’Edgar Degas : Sur la scène II, 1877, plaque d’acier gravée au vernis mou, à la pointe sèche et à la roulette ; Ellen Andrée (actrice), vers 1879, plaque de cuivre gravée à la pointe sèche. La dernière plaque de cuivre, gravée à la pointe sèche, représente un portrait de Degas, que l’on a longtemps cru être un autoportrait. Même Vollard souscrivait à cette attribution. Aujourd’hui, elle est donnée à de Nittis, peut-être réalisée en collaboration avec Desboutin. Cette planche est un émouvant témoignage des liens amicaux entre les artistes de l’époque car elle fut gravée lors d’une de leurs réunions, le 20 février 1875 (la date demeurant incertaine), peut-être dans l’atelier de G. de Nittis. Ces plaques ont été acquises par le Département des Estampes fin 2009 grâce à la générosité des Amis de la BNF. Elles ont figuré l’année suivante dans l’exposition sur l’estampe impressionniste au Musée des Beaux-Arts de Caen, dans le cadre du cycle d’expositions Normandie impressionniste. Elles représentaient donc un enrichissement bienvenu pour les collections nationales. Un rêve réalisé Alain Marcelpoil, expert Art Déco – spécialiste de Sornay -------------------------------------------------- En 1984, j’assiste à une vente publique à Lyon puisque je suis jeune collectionneur. Il s’agit de la vente d’un bureau avec un éclairage intégré d’André Sornay, ébéniste. Je n’ai pas pu lever la main pour essayer de l’acheter, il fit un record. Je n’avais pas les moyens financiers de l’acheter. Depuis, je suis devenu marchand, expert et spécialiste d’André Sornay. En 2010, je reçois un appel d’un monsieur suisse qui me propose un bureau venant d’une collection monégasque, me disant « je vous envoie par email les photos de ce bureau ». Ma surprise a été totale quand j’ai reconnu le fameux bureau passé en vente publique en 1984. Je l’achète et c’est cette pièce qui sera présente à la 26ème Biennale 2012. Comprenez que j’ai rêvé de nombreuses fois de revoir ce bureau et qu’en fait j’ai eu cette immense chance de pouvoir l’acquérir. Donc, de réaliser mon rêve… L’Expert-Marchand ANECDOTES D’EXPERTS-MARCHANDS 1e année - n°1 - 2012 6 La connaissance récompensée Jean-Gabriel Peyre, expert en faïences et porcelaines des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles ------------------------------------------------------------------------------------------------------- Au début du mois de novembre 1989, précédent de peu la chute du mur de Berlin j’ai fait, avec un petit groupe de personnes, un voyage "culturel" à Berlin. Nous avions une journée à passer à Berlin Ouest. Comme tout bon marchand, la curiosité chevillée au corps, j’ai abandonné le groupe à un certain moment pour visiter quelques antiquaires. Dans la vitrine de l’un d’eux, j’ai vu, exposée au milieu de pièces hétéroclites, une assiette à fond bleu. J’ai eu une montée d’adrénaline et je suis entré dans le magasin. Je demande à la voir, à la toucher. Une fois en mains, l’assiette m’a "parlé". A bord godronné et aile bleu céleste, la couleur préférée de Louis XV, elle est décorée de bouquets de fleurs dans des cartouches rehaussés de rinceaux or et de sequins stylisés. Au dos un double " L " enserrant la lettre date " B " pour 1754, en dessous un " O ", marque non attribuée d’un peintre. J’avais entre les mains incontestablement une assiette du premier service commandé par Louis XV à la manufacture de Vincennes, réalisé en porcelaine tendre, sans kaolin. J’en demande le prix, le vendeur me dit de patienter, il doit en vérifier le prix dans son registre et ajoute-t-il, c’est la dernière qui me reste. Sans discuter la somme demandée – l’équivalent de 700 francs – je me porte acquéreur de l’assiette, regrettant de ne pas avoir été là plus tôt… deux, trois assiettes du service de Louis XV… un rêve. Il est évident que je n’ai pas fait "commerce" de cette trouvaille, que je l’ai conservée et prend un plaisir extrême à la regarder de temps en temps. Allégorie des Arts peints français du XVIIIe. A mes risques et périls, je les fis déposer et les récupérai en petits morceaux, il fallait reconstituer le puzzle. Le travail de restauration se révéla long et coûteux, mais la récompense grande : je me retrouvai en possession des Allégories des Arts de Percier et Fontaine - rare décor exécuté entre 1797 et 1801, et dont le dessin original est conservé au Musée des Arts Décoratifs de Paris. De plus, ce décor provenait de la Lasker Residence, demeure de Lake Forest dans les environs de Chicago construite par le célèbre architecte David Adler et décorée par Frances Elkins dans les années 1920. Carolle Thibaut-Pomerantz, expert en papiers peints des XVIIIe, XIXe et XXe s. -------------------------------------------------- Aux Etats-Unis, je fus contactée par des personnes dont la salle à manger avait subi de sérieux dégâts des eaux et qui ne désiraient pas engager de restauration pour un décor installé par leurs ancêtres. En examinant quelques photos, j’eus l’impression qu’il s’agissait de papiers Décor chinois aux oiseaux Carolle Thibaut-Pomerantz , expert en papiers peints des XVIIIe, XIXe et XXe s. -------------------------------------------------- Il y a quelques années, des CommissairesPriseurs de Caen me demandèrent de les assister en tant qu’expert pour la vente de papiers peints chinois. Je découvris, au Château Latour de Madame de Seran, amie de Louis XV, une carcasse vide ouverte à tous vents. Là, restaient seuls comme des fantômes dans ce lieu de rendez-vous des plus célèbres écrivains de l’époque, deux superbes décors XVIIIe siècle, dénommés la Chambre aux Oiseaux et la Chambre aux Chinois. Cloués aux murs, mais prêts à se déchirer à cause des gravats qui s’étaient entassés entre les parois et les papiers, ils devaient absolument être sauvés car ils ne supporteraient pas un autre hiver. Déposés dans des conditions difficiles et restaurés, ces splendides décors sont ressuscités pour quelques siècles… Madame Bovary dans Park Avenue Frédéric Castaing, expert en autographes -------------------------------------------------- New York… Manhattan… Park avenue… Un grand hôtel… Un salon de Memorabilia… Sur les tables… Des photos d’acteurs ou de présentateurs TV… La petite culotte de Madonna dédicacée… Des battes de base-ball et des gants de boxe signés… Au milieu, une feuille de papier… Je connais ce papier bleu… Je m’approche… Je connais cette écriture… Plus près… Une lettre de Flaubert !... Je prends le document… Au détour d’une phrase, en lettres brunes Flaubert écrit : je passe demain en correctionnelle (pour Madame Bovary), je serai sûrement condamné, il y a acharnement manifeste… 7 ANECDOTES D’EXPERTS-MARCHANDS / DES EVENEMENTS C.N.E. Histoire d'un métier à tisser Xavier de Clerval, expert en mobilier des XVIIe et XVIIIe siècles -------------------------------------------------- Lors d'un inventaire préalable à une vente, avec une étude de Commissaires-Priseurs parisiens, dans un très grand appartement donnant sur la place du Trocadéro à Paris, mes yeux s'arrêtèrent dans un angle du salon sur un petit meuble : un métier à tisser. De loin, je distinguais un bois exotique et des bronzes dorés. Je reconnaissais du bois de violette sous un vernis oxydé avec tous ses écrous et des roues à crans en bronze ciselé et doré. Après un regard attentif, je constatais que le mécanisme était quelque peu usé, cassé et qu'il existait des accidents d'usage. Ma conclusion fut qu’il remonte au milieu du XVIIIème s. Quelques mois plus tard, j'apprenais qu'une partie de mon inventaire serait incluse dans un catalogue de vente à Drouot. A la relecture du dit catalogue et de mes fiches, je retrouve ce métier à tisser, que je dois défendre, ce qui me donne le sourire. Peut-on parler de destin, de hasard en tout cas je me posais cette question : cet objet avait-il donc une âme? Pendant l'exposition à Drouot, un de mes confrères, spécialisé en textile me donna un ordre oral pour l'acheter au prix de mon estimation, afin de l'ajouter à sa collection de métier à tisser, dans son salon. La vente se déroula avec dynamisme. Je pris l'enchère au nom de « Expert pour ». Avant la fin de mes annonces à la tribune, une main vint m'interpeller pour me demander à qui avait été adjugé ce métier à tisser. Cette personne charmante me laissa une carte de visite avec l’intention de le louer pour une représentation cinématographique, voire un rachat éventuel. Sur le moment, je fus étonné mais gardai la carte de ce client. En fin de vente, mon « soi disant confrère » apparut en me disant – l’air embarrassé, qu'il ne voulait plus du métier à tisser. Me voilà dans une belle situation... vis-à-vis de l'étude, mais pour une petite somme. Je rentrai donc avec un bordereau dans une main et le métier à tisser dans l’autre. La nuit portant conseil, le lendemain, je joignis la personne de la fameuse carte de visite, qui d’un air réjoui me donna rendez-vous rapidement le jour même à mon bureau pour revoir l'objet. Nous tournâmes donc autour de cette œuvre d'art pour tenter de comprendre l'éventuel commanditaire de l'époque. Lorsqu’elle me demanda avec assurance: si Marie-Antoinette aurait pu avoir un métier à tisser de cet ordre ? Ma réponse spontanée fût « très probablement » compte tenu du bois précieux, de la ciselure et dorure des bronzes. Ce métier à tisser débuta alors une nouvelle carrière, notamment dans le cadre du cinéma avec le film qui sortira ce mercredi 21 mars : Les Adieux de la Reine. Après règlement du bordereau auprès du Commissaire-Priseur je signais un contrat de location pour quelques mois, avec l'engagement de lui faire une beauté avant la date de location. En effet, je ne voulais pas que les techniciens du L’Expert-Marchand 1e année - n°1 - 2012 cinéma y touchent. Deux semaines passèrent et déjà cet objet me manqua. Deux mois passèrent encore sans que je ne puisse m’empêcher d’avoir une pensée pour lui et m’inquiéter à son sujet, puis à la fin du troisième mois, un coup de téléphone m'apprit que le métier à tisser serait là le lendemain matin. Ouf ! Après avoir rendu la caution, je vis avec soulagement ce métier à tisser revenir dans mon bureau pour une période de plusieurs mois, où j'eus un réel plaisir à y poser les yeux. Pris de court et de place, je dus laisser d'autres pensionnaires le déloger. Je décidai donc de l'intégrer dans une vente avec un autre Commissaire-Priseur (où je n’étais pas expert de la vente). Au cours de ma visite à l’hotel Drouot, ce métier à tisser fut l’objet d’un vif intérêt qui lui valut un succès non négligeable auprès des dames... En tendant l’oreille, j’entendis quelques propos : « ma mère avait, elle aussi un métier à tisser qui... » Tant et si bien, que les enchères ont été spectaculaires, quadruplant son estimation de base, au grand bonheur du Commissaire-Priseur. L'heureux enchérisseur a récupéré son bien avec une réelle joie, une allégresse propre à égaler celle d’Ulysse quand il rentra à Ithaque. Si l'histoire des objets pouvait nous être racontée, peut-être y porterait-on un autre regard. Propriétaires éphémères de ces œuvres d’art qui envers et contre tout perdurent à travers les siècles, témoins de l’histoire d’une autre époque. Des événements à la Compagnie Nationale des Experts Groupes de réflexion, réunions mensuelles, colloques, conférences, voyages GROUPES DE RÉFLEXION L’Avenir de l’Expert, 26 octobre 2011 RÉUNIONS MENSUELLES L’Observatoire du Marché de l’Art et du Mouvement des Biens Culturels au Ministère de la Culture, cet Observatoire regroupe des représentants de différents ministères (Culture, Justice, Finances, Douanes, etc…) et les Présidents des instances touchant le marché de l’art. Depuis plus de dix ans, la C.N.E. contribue aux échanges de ses réunions mensuelles. Conseil des Ventes Volontaires, réunions aléatoires. COLLOQUES Le Vrai et le Faux, Drouot-Montaigne, 2006 La Beauté Réparée, 10 et 11 janvier 2008 CONFÉRENCES Le Conseil d’Administration de la C.N.E. organise des conférences pour ses membres sur des sujets éclectiques. Quelques conférences qui ont marqué les membres : Les trésors, Sabine Bourgey, expert en numismatique Le bijou, Françoise Caille, expert en bijoux La collection d’assiettes de Vincennes-Sèvres d’un amateur éclairé, Jean-Gabriel Peyre, expert en céramique Les Papiers Peints - Un art de vivre, Carolle ThibautPomerantz, expert en papiers peints Les autographes : du temps perdu au temps retrouvé, Frédéric Castaing, expert en autographes Les maisons de ventes chinoises et leurs experts, suite à la visite d’études en Chine du Président avec le syndicat national des maisons de ventes volontaires. VOYAGES Depuis 2011, le Conseil d’Administration a décidé d’organiser des visites culturelles : Centre Pompidou-Metz le 30 mai 2011 Cité de la Céramique de la Manufacture Nationale de Sèvres le 23 janvier 2012 De gauche à droite: Jean-Gabriel Peyre, président, François Laffanour, secrétaire général, Martine Thomas, vice-président, Catherine Hirsch, trésorière. Vue générale de la salle voûtée du dîner de l'Assemblée générale au Musée de la Chasse, hôtel de Mongelas. Groupe du voyage Pompidou-Metz.