Balaam, David et Goliath - Cathédrale Aix-en
Transcription
Balaam, David et Goliath - Cathédrale Aix-en
L’ Annonce du Messie dans le Cloître Saint Sauveur Les deux Chapiteaux historiés de l’aile Ouest : Balaam et David et Goliath (Position 141) Dans l’aile Ouest du Cloître, les deux chapiteaux historiés de l’histoire de Balaam et de David et Goliath qui sont juxtaposés présentent sur les plans artistique et architectural de parfaites similitudes et ont été réalisés par le même artiste. (ref Jacques Thirion ‘Le Cloître de la cathédrale d’Aix’ pp 77-80 dans Congrès archéologique de France, le pays d’Aix 1985, Paris 1988 ) Ainsi le chapitre de la cathédrale, maître d’œuvre du cloître, animé par des préoccupations d’ordre spirituel et catéchétique, a eu la volonté qu’à l’unité profonde qui unissait ces deux scènes de la Bible sur le plan religieux corresponde l’unité de la réalisation artistique. En effet, à la lumière de la Tradition de l’Eglise la plus ancienne, les deux chapiteaux présentent une parfaite cohérence théologique et christologique puisqu’ils se rapportent aux deux premières annonces historiques du Messie dans la Bible : les prophéties de Balaam, au temps de Moïse, environ 1 300 ans avant Jésus Christ, et la promesse de Yahvé transmise à David par le prophète Natân, environ 1 000 ans avant Jésus Christ. La première annonce explicite d’un Messie dans la Bible : L’histoire de Balaam Les références bibliques se trouvent dans la Bible de Jérusalem: Nb 22 à 25, 31 8-16, à la base du développement ci-dessous, Dt 23 5-6, Jos 24 9-10, Ne 13 2, Mi 6 5, 2P 2 15s, Jude 11, Ap 2 14 . A la fin de leur périple dans le désert, sous la direction de David et de Josué , les Hébreux sortant du désert de Sinaï entreprennent la conquête des Royaumes frontaliers du pays de Canaan : Amorites, Moabites, Quénites, Madianites…. dans la Transjordanie actuelle. Ils veulent assurer leurs arrières avant d’entreprendre la conquête de la Terre Promise. Balaq, le roi de Moab, va chercher très loin jusque dans le pays d’Aram au bord de l’Euphrate Balaam un magicien de grande réputation hostile aux Hébreux comme l’indique la tradition juive exprimée par Saint Pierre et Saint Jean. Balaq envoie à Balaam une députation qui le soudoie pour qu’il profère une malédiction contre les Hébreux envahisseurs. Yahvé interdit à Balaam d’accomplir cette mauvaise action, mais Balaam cède à une deuxième injonction plus pressante de Balaq et se met en route pour aller au camp des Hébreux leur jeter un sort. Le chapiteau ( dés O&N) représente Balaam sur son ânesse. Aveuglé par la peur et la colère, il ne voit pas l’ange de Yahvé qui, une épée à la main, arrête son équipage. Les dés arrière (E & S) représentent Balaq et les camps des deux armées. Balaam fera alors amende honorable devant l’ange de Yahvé qui lui ordonne de continuer son chemin mais d’obéir à ses ordres. Balaq conduit Balaam sur quatre promontoires successifs qui dominent le camp des Hébreux pour qu’il puisse leur jeter un sort. Balaam qui était peut-être un haruspice fait bâtir par Balaq sept autels en chacun de ces lieux sur lesquels il offre en holocauste un taureau et un bélier. Après chacun des quatre sacrifices, au péril de sa vie menacée par Balaq, Balaam profère un oracle dicté par Yahvé présenté sous la forme d’un poème, que la tradition prophétique d’Israël relayée après Jésus-Christ par la Tradition chrétienne considérera plus tard comme l’annonce du Messie et dont nous donnons ici quelques extraits : « 1 Comment maudirais-je quand Yahvé ne maudit pas……. Voici un peuple qui habite à part, il n’est pas rangé parmi les nations… 2 Je n’ai pas perçu de mal en Jacob ni vu de souffrance en Israël. Yahvé son Dieu est avec lui ; chez lui retentit l’acclamation royale….. 3 Que tes demeures sont belles Israël !…… Un héros grandit dans sa descendance, il domine sur des peuples nombreux…. 4 Oracle de celui qui écoute la parole de Dieu…… Un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève issu d’Israël… » Le récit trouve sa conclusion après le départ de Balaam. Israël conquiert le pays des Moabites, mais le peuple d’Israël victorieux se livre à la débauche avec les filles de Moab qui les invitent à sacrifier à leurs dieux. Ils rompent ainsi l’alliance avec Yahvé, le Dieu unique et jaloux. Pour punir les coupables un fléau s’abat sur le peuple d’Israël causant la mort de 24 000 personnes. Ce fléau ne s’arrête que lorsque les coupables parmi les fils d’Israël sont exterminés. Yahvé met alors dans la bouche de Moïse la confirmation de la prophétie messianique : « J’accorde à Israël mon alliance de paix. Il y aura pour lui et sa descendance après lui une alliance, qui lui assurera le sacerdoce à perpétuité.… ». L’onction de David – David et Goliath – Une nouvelle messianique (Position 151) promesse Le 1er livre de Samuel contient les récits savoureux et réalistes de l’onction de David (1 S 16) et du combat de David contre Goliath (1 S 17). Saül ayant été rejeté par Yahvé, Samuel est envoyé par Yahvé pour lui choisir un successeur : « Emplis d’huile ta corne et va. Je t’envoie chez Jessé le Bethléemite car je me suis choisi un roi parmi ses fils ». Guidé par Yahvé, il choisit le plus jeune et le plus beau des fils de Jessé qui garde le troupeau au pâturage. David devient l’oint du Seigneur, en hébreux : ‘ le Messie’, en latin : ’ le Christ’. David se met alors au service de Saül et devient son écuyer (1 S 17). Pendant la campagne contre les Philistins, il est le seul parmi tous les Hébreux qui ait le courage de relever le défi du géant Goliath que les Philistins avaient choisi comme leur champion : « Je marche contre toi au nom de Yahvé Sabaot, le Dieu d’Israël que tu as défié. Aujourd’hui, Yahvé te livrera entre mes mains. Je te tuerai……Toute la terre saura qu’il y a un Dieu en Israël… car c’est Yahvé qui te livre entre nos mains». Le chapiteau représente David, sa fronde à la ceinture, levant l’épée (disparue) de Goliath assommé d’une pierre sur la tempe pour lui trancher la tête. Après la mort de Saül, David est proclamé Roi de Judas à Hébron vers 1010 puis il réalise bientôt l’unité du peuple Hébreux en devenant aussi roi d’Israël. A partir de la prophétie de Natân dans le 2ième livre de Samuel (2 S 7), l’espérance messianique s’est alimentée aux promesses faites par Yahvé à David par la bouche de Natân : « Je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles et j’affermirai sa royauté. Ta maison et ta royauté subsisteront devant moi, ton trône sera affermi à jamais ». Cette grande espérance survécut à l’écroulement des rêves de domination terrestre, à la chute de la Royauté et à la dure leçon de l’Exil. Les prophètes lui donneront une perspective spirituelle dont l’expression restera mystérieuse jusqu’à la venue de Jésus Christ. Jésus est descendant de David et le titre de « fils de David» que lui donne le peuple dans l’Evangile est une reconnaissance de ses titres messianiques (Mt 22 41, Mc 12 15-37, Lc 20 41-44). Le Nouveau Testament s’y réfère trois fois ( Ac 2 30, 2 Co 6 18, He 1 5). Les pères de l’Eglise établiront plus tard un parallèle entre la vie de David et celle de Jésus, le Christ, élu pour le salut de tous, Roi du peuple de Dieu et persécuté par les siens. Le symbole des quatre Evangélistes aux quatre piliers du cloître. La même préoccupation christologique et mystagogique se manifeste dans la situation des symboles des quatre Evangélistes aux quatre piliers du cloître Saint Sauveur ainsi que dans la plupart des cloîtres romans existants. C’est aussi la raison de la présence de ces Tétramorphes entourant le Christ Royal dans une mandorle au tympan roman de grandes cathédrales : Saint Trophime d’Arles, Chartres (portail royal), Angoulême comme à celui de plus modestes églises ou chapelles : Ganagobie en Provence ou Valcabrère en Comminges ou sur les fresques d’églises comme à Brioude en Auvergne. Ils sont trop nombreux, des centaines, pour être ici cités tous. Dans la mentalité médiévale, les Evangiles sont les piliers de la Chrétienté et de l’Univers comme Jésus-Christ, le Messie, à la fois vrai Dieu et vrai Homme, est le Roi de l’Univers. Cette foi des chrétiens du Moyen Age a conduit les artistes de la période romane à produire des chef-d’œuvres parce qu’ils sont aussi de vibrants actes de foi. JP Roullier 31.12.2005