Pourquoi faut-il donner la possibilité aux syndicats des
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Pourquoi faut-il donner la possibilité aux syndicats des
ARC / DOSSIER DU MOIS DE JANVIER 2014 NUMERO 2 Pourquoi faut-il donner la possibilité aux syndicats des copropriétaires de choisir leur banque ? Pour beaucoup, la fin de la dispense de l'ouverture de compte séparé que nous venons d'obtenir dans le cadre de la loi ALUR, après dix ans d'action, est une véritable avancée pour la gestion des copropriétés. Cependant, cette réforme risque de perdre tout son intérêt si le syndic reste le « maître » du choix de la banque. Comme on va le voir à travers les différents exemples (voir point I), les syndics et les banquiers ont d'ores et déjà mis en place un certain nombre de dispositifs et de dispositions pour neutraliser les effets du compte séparé et continuer à développer des pratiques préjudiciables aux copropriétés. Voilà pourquoi il faut permettre aux syndicats de copropriétaires de choisir librement leur banque, sans mettre en place des « barrages » ; voilà pourquoi - plus précisément - il est nécessaire de donner aux copropriétaires réunis en assemblée générale la possibilité de proposer à la majorité des présents et représentés, une autre banque que celle du syndic sans que ce dernier ne puisse exercer de pression tarifaire pour en dissuader les copropriétaires. Les syndics et certains parlementaires rétorquent que le fait de laisser aux copropriétaires le choix de la banque va créer des problèmes délicats : - multiplicité de banquiers pour un même cabinet ; complexité concernant les relations avec les fournisseurs ; surcoûts liés au simple problème du dépôt des chèques. Ils ajoutent « aimablement » que les copropriétaires risquent de choisir n'importe quel banquier sur des critères subjectifs et que cette liberté laissée aux assemblées générales n'a donc pas beaucoup d'intérêts... Nous allons voir : 1. que les soi-disants problèmes et difficultés techniques opposées sont illusoires ; 2. que si le syndic veut éviter la multiplicité de banques (là aussi illusoire puisqu'il y a à peine une demi-douzaine de banques concernées), il pourra le faire, ceci en garantissant la compétitive ET la transparence de sa banque, dans le cadre d’une mise en concurrence efficace. I. Pourquoi il n'est pas plus difficile ni plus cher pour un syndic d'avoir trois ou quatre banques différentes 1 Comme on va le voir à travers les points suivants, la gestion de comptes bancaires dans plusieurs établissements bancaires ne présente dans les faits aucune surcharge de travail pour le syndic. Cela s'explique principalement par le fait qu'avec les évolutions technologiques et les développements « clés en main » des logiciels, les syndics sont en mesure de gérer simultanément plusieurs interfaces d'établissements bancaires. Nous allons donc reprendre chacun des arguments pour comprendre pourquoi ils ne sont pas recevables. 1) Les virements Les syndics invoquent qu'il sera difficile de procéder à des virements si chaque copropriété dispose de sa banque. Même si de prime abord, cet argument paraît recevable, en réalité, il n'en est rien. En effet, après avoir audité plusieurs syndics professionnels, il apparaît que leur logiciel leur permet de réaliser plusieurs virements simultanés à partir de comptes différents étant ouverts dans des établissements bancaires différents. C'est le cas par exemple du logiciel «seiitra » qui est utilisé par le groupe FONCIA. D'ailleurs, divers petits syndics proposent actuellement aux copropriétaires de choisir leur banque sans imposer d'honoraires supplémentaires. 2) Les prélèvements automatiques Les syndics prétendent que pour réaliser des prélèvements automatiques, ils sont contraints de passer par leur banque puisqu'ils sont seuls titulaires d'un « numéro national d'émetteur (NNE) ». Cet argument est inexact : l'ARC a interrogé dernièrement la Banque de France qui nous a confirmé que chaque syndicat de copropriétaires pouvait être titulaire d'un numéro national d'émetteur (voir annexe numéro). Le syndicat des copropriétaires peut donc procéder à des prélèvements automatiques à partir de son compte bancaire séparé du compte bancaire de sa banque grâce à son numéro national émetteur 3) La gestion des chéquiers Les syndics affirment qu'il sera difficile de gérer plusieurs chéquiers si chaque copropriété dispose de sa propre banque. Ceci est également inexact pour trois raisons : a) à partir du moment où le syndicat des copropriétaires dispose d'un compte bancaire, il est en droit de disposer d'un chéquier ; la multiplicité des banques n'a donc aucun rapport avec la multiplicité des chéquiers ; b) la plupart des opérations bancaires se font désormais à travers des prélèvements ou des virements, l'utilisation du chéquier est donc extrêmement limitée en copropriété ; c) la plupart des syndics n'utilisent pas de chéquiers, mais des lettres chèques ; ce dispositif permet à partir de logiciels spécifiques d'émettre un chèque indépendamment de l'établissement bancaire concerné. L'édition d'un chèque ne demande donc aucun effort supplémentaire. 2 4) Le rapprochement bancaire Les syndics argumentent que la multiplicité des banques va compliquer la réalisation des rapprochements bancaires ; autre inexactitude puisque quel que soit l'établissement bancaire, le rapprochement bancaire se fait dans les mêmes conditions, de plus, les logiciels des syndics permettent. De faire quasiment automatiquement les rapprochements bancaires avec l'aide de logiciels complémentaires comme « Scanbank » qui permettent de saisir automatiquement les relevés bancaires. 5) Impossibilité de déposer les chèques auprès de différents organismes bancaires Les syndics prétendent qu'ils ne peuvent pas avoir plusieurs banques au motif qu'ils ne sont pas « transporteurs de fonds » pour déposer les chèques des copropriétaires dans les divers établissements bancaires. Ils rajoutent que cela ferait perdre un temps précieux aux gestionnaires impliquant une répercussion sur leurs honoraires. Ces arguments sont encore une fois infondés puisque la quasi-totalité des établissements bancaires proposent de venir récupérer les chèques les concernant. 6) « Une copropriété, une banque » Les syndics affirment qu'il est impossible de gérer une banque par copropriété. Ils caricaturent en disant qu'ils devront se mettre en relation avec une cinquantaine de banques cela compliquant davantage leur travail. Cet argument est encore une fois inexact car actuellement, il n'existe pas plus de 5 ou 6 banques spécialisées en copropriété. L'affirmation « une copropriété, une banque » est donc un mythe. II. Les pratiques « actuelles » qui perdureront forcément en cas de banquier « unique » Le 26 janvier 2011, l'autorité de contrôle prudentiel a diffusé une recommandation à l'attention des syndics professionnels les interdisant d'utiliser des comptes dits « reflets » (voir ANNEXE 1). Pour mémoire, ce dispositif permet de mettre « en miroir» (ou en reflet) l'ensemble des comptes mandants afin de générer des produits financiers au profit du seul syndic. Malgré cette proscription, certains établissements bancaires proposent toujours ouvertement aux syndics de mettre à disposition des comptes dits reflets (voir annexe 2). Plus grave encore : nous avons relevé de nombreuses pratiques mises au point par certaines banques et certains syndics (dont de très gros syndics) qui ont pour but de faire croire aux copropriétaires que le compte de leur copropriété est un vrai compte séparé, alors que ce n'est pas le cas. Ces pratiques sont ahurissantes et montrent que beaucoup ne reculent devant rien pour maintenir les avantages qu'ils tirent du compte unique (au détriment des copropriétaires). La loi ALUR n'y fera rien (les dissimulations seront encore plus sophistiquées). Seule la peur de changement de banque pourra amener les syndics concernés à plus de respect des obligations légales. 3 Voici une liste non exhaustive des pratiques mises en place et repérées par l'ARC. • La banque fournit une attestation de compte bancaire séparé signée alors que le compte est ouvert uniquement au nom du syndic. • La banque fournit une attestation de compte bancaire séparé dans laquelle est mentionné uniquement comme titulaire du compte « le syndicat des copropriétaires » alors que sur la convention de compte figure aussi le nom du syndic (ce qui prouve qu'il ne s'agit pas d'un compte réellement séparé). • Le compte bancaire est bien établi au nom du syndicat des copropriétaires mais il est tout de même fusionné avec celui du syndic. • Le code APE identifiant l'activité du titulaire du compte indique : « administration de biens » alors même que le compte est censé être ouvert au nom du syndicat des copropriétaires. • Les syndics ouvrent les soi-disant comptes bancaires séparés dans des établissements bancaires du groupe se situant à plus de 400 Kilomètres de leur cabinet de syndic : curieux, non ? • La banque invoque « le secret professionnel » pour ne pas répondre au conseil syndical sur des questions qui concernent le compte séparé de la copropriété. • Des banques proposent par écrit aux syndics l'utilisation de « comptes reflets » alors que ces derniers sont proscrits par l'autorité de contrôle prudentiel. • Une convention de compte est présentée sur une seule page sans préciser les informations essentielles comme le code APE ou le numéro d'immatriculation du compte ou sa date d'ouverture. • La banque indique qu'elle avait commis une erreur concernant la mauvaise utilisation du code APE (le code administrateur de biens), mais est prise ensuite à refaire la soi-disant même erreur sur un autre dossier. • Le syndic présente une attestation de « non fusion » pour indiquer que le compte bancaire de la copropriété est séparé alors que le compte est au nom unique du syndic. Comme on le voit à travers ces exemples, les pratiques sont nombreuses, émanant de différents établissements bancaires, souvent difficiles à détecter, même pour un conseil syndical averti. Il est donc probable que « l'avancée » de la loi ALUR supprimant la possibilité de dispense de compte séparé, non seulement n'éradiquera pas ces abus, mais favorisera l'invention de nouvelles « ruses ». 4 III. La nécessité de mise en concurrence de banques entre elles L'intérêt de donner aux copropriétaires la possibilité de mettre en concurrence la banque du syndic est avant tout un moyen de garantir une meilleure transparence et mise en concurrence. Concrètement cela entraînera au moins cinq effets vertueux : 1) Une meilleure transparence dans la gestion et la tenue du compte bancaire de la copropriété Si le syndic sait que sa banque peut être mise en concurrence, il donnera au conseil syndical toutes les garanties et les moyens pour qu'il puisse vérifier la bonne gestion et tenue du compte bancaire (possibilité d'interroger le compte sur Internet en lecture seule, accès aux relevés bancaires, etc.. ). 2) Des offres bancaires plus concurrentielles Certains syndics évoquent le fait que l'ouverture d'un compte bancaire coûte plus de 250 € par an. C'est ce que prétend par exemple M. PUJOL, syndic de copropriété, à un député (voir annexe 3). La mise en concurrence des banques permettra donc une baisse des tarifs, voire même leur gratuité comme cela commence à se faire. 3) Renversement de la charge de la preuve Devant le mutisme des syndics et de leur banque sur la réalité de l'ouverture d'un compte bancaire, les conseillers syndicaux se retrouvent souvent dépourvus de tout moyen pour avoir les réponses à leurs interrogations. En donnant la possibilité aux copropriétaires de mettre en concurrence la banque du syndic, ce dernier sera contraint - s'il souhaite rassurer les copropriétaires - d'apporter au conseil syndical toutes les garanties que le compte est bien séparé. De ce fait, la charge de la preuve sera renversée. 4) Des services qui seront développés spécifiquement pour les copropriétés À défaut de créer une réelle concurrence des banques, ces dernières vont se contenter de présenter des offres ou solutions de base. En revanche, la mise en concurrence permettra d'inciter à développer de nouveaux produits tels que le compte courant adossé au livret A, des comptes bloqués jumelés à un compte rémunéré, etc. Par ailleurs, les établissements bancaires seront intéressés à faire avancer la législation en matière de gestion bancaire des copropriétés en défendant de nouvelles réformes telles que « l e plan épargne copropriété» (PEC), « les fonds travaux obligatoires », ou encore suggérer une fiscalité distincte pour les syndicats de copropriétaires. 5) Limitation des banques qui vont se spécialiser dans le secteur de la copropriété Les chambres syndicales invoquent le fait qu'il n'est pas possible de gérer une banque par copropriété. Bien que cet argument soit une argutie (voir plus haut), la mise en concurrence va entraîner dans le temps une concentration des établissements bancaires qui vont se spécialiser dans le domaine de la copropriété limitant de fait le choix des banques. La mise en concurrence des banques ne va donc pas multiplier le choix, mais au contraire concentrer les offres à 5 ou 6 établissements bancaires. 5 IV. La certitude que si les syndics peuvent appliquer des honoraires supplémentaires, ils imposeront leur banquier au syndicat des copropriétaires Comme on peut actuellement le constater à travers la loi SRU, l'exception qui permet au syndic d'obtenir la dispense d'ouvrir un compte séparé est devenue dans les faits la règle. Treize ans après son application, 90 % des copropriétés ne disposent toujours pas de compte bancaire séparé à leur syndic. Cette situation n'est pas le fruit d'un consentement des copropriétaires, mais la conséquence d'un chantage financier exercé par les syndics à rencontre des copropriétaires. Le procédé consiste à imposer des honoraires supplémentaires élevés (jusqu'à plus 50%) au cas où les copropriétaires refuseraient d'accorder la dispense d'ouverture de compte séparé. L'intérêt pour le syndic d'obtenir une telle dispense est, comme on le sait, de bénéficier de la trésorerie des comptes mandants (compte des copropriétés). Les conséquences constatées sont extrêmement préjudiciables pour les copropriétés : - des retards de paiement afin de garder les fonds un maximum de temps ; la multiplication des comptes d'avances pour augmenter la trésorerie disponible ; une réticence à proposer aux copropriétés le placement des fonds sur un compte rémunéré du type livret A afin que le syndic puisse les placer à son profit ; la constatation des « produits » le plus tard possible, voire jamais ; le « détournement de certaines sommes (soldes des comptes vendeurs ; chèques non encaissés) ; la perception de « ristournes » consenties par certains fournisseurs ; etc. Il est donc capital de ne pas reproduire la même erreur, en ne donnant pas au syndic la possibilité d'exercer « une pression financière » à rencontre des copropriétaires pour les dissuader de proposer une autre banque que celle du syndic. Il est cependant important de préciser, pour conclure, qu'il n'est pas question de considérer de fait la banque du syndic comme suspecte d'avantager les intérêts du syndic au détriment de la copropriété. C'est pour cela que nous ne demandons pas une concurrence automatique, mais simplement une possibilité simple de mise en concurrence pour que la banque du syndic se sente « effectivement mise en concurrence » et apporte toutes les garanties que le compte bancaire est bien séparé au profit exclusif du syndicat des copropriétaires pour emporter l’adhésion des copropriétaires. 6 Comme on peut le voir à travers cette analyse, la possibilité de donner aux copropriétaires le choix de leur banque est avant tout un dispositif de régulation qui permet de garantir la mise à disposition et la gestion des fonds de la copropriété dans le seul intérêt des copropriétaires. Cela évitera des spéculations financières, voire même la faillite de grands groupes d'administration de biens comme cela a failli être le cas avec le groupe URBANIA qui a joué avec les fonds de ses comptes mandants. 7