Mémoire Le choix des personnages dans une œuvre littéraire

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Mémoire Le choix des personnages dans une œuvre littéraire
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Mémoire
Le choix des personnages dans une œuvre littéraire
Le choix des personnages dans Madame Bovary de
Gustave Flaubert et dans Candide de Voltaire
Författare: HAKIZIMANA JUSTIN
Handledare: LEBLANC ANDRE
Examinator: ARONSSON MATTIAS
Ämne: FRANSKA
Kurs: EXAMENSARBETE
Poäng: 15
Betygsdatum: 2014-01-13
Högskolan Dalarna
791 88 Falun
Sweden
Tel 023-77 80 00
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TABLE DES MATIÈRES
1- INTRODUCTION
3
2- LE ROMAN ET SON AUTEUR
5
2.1 LES PERSONNAGES ET LEUR ACTION DANS LES DEUX ŒUVRES
5
2.2 QUELQUES PERSONNAGES ET LEUR ACTION : CANDIDE
6
2.3 QUELQUES PERSONNAGES ET LEUR ACTION : MADAME BOVARY
6
3-A LA RECHERCHE DE LA LEÇON
7
4- A LA RECHERCHE DES PERSONNAGES
9
4.1 LE STATUT SOCIAL DES PERSONNAGES
10
4.2 SI LES AUTRES PERSONNAGES DU ROMAN ÉTAIENT LES MEILLEURS
12
5 CONCLUSION
16
BIBLIOGRAPHIE
19
ANNEXES I
20
LE RÉSUMÉ DE DEUX ŒUVRES
20
CANDIDE
20
MADAME BOVARY
21
ANNEXES II
EDITION UTILISÉE
L’OPTIMISME LEIBNIZIEN
23
-3–
1- INTRODUCTION
Il y a déjà plusieurs siècles que les écrivains travaillent à leur table et composent leurs
romans. Ces derniers sont de plusieurs catégories et traitent différents sujets de la vie sociale,
d’une société particulière ou d’un fait universel. Ils sont lus, commentés et compris. Ainsi la
leçon est donnée. Il n’est pas rare de trouver chez les lecteurs de nos jours une interrogation
sur ce qui pousse l’auteur d’un livre à choisir tel ou tel autre personnage. C’est une
interrogation qui survient quelquefois dans nos pensées quand nous lisons certains ouvrages.
Elle ne nous cause aucun problème sur le sujet traité, néanmoins elle peut créer en nous une
ambiguïté sur le choix des héros. Ce choix peut être libre ou conditionné par les circonstances
du moment ou par le contenu du roman ou encore choisi d’avance dans le cadre du
développement de l’œuvre. Dans son étude sur le choix des personnages, François Mauriac
souligne « qu’il faut beaucoup pardonner au romancier, pour les périls auxquels il s’expose.
Car écrire des romans n’est pas de tout repos » (Mauriac 1933 :158). Et il ajoute encore que «
c’est bien la personnalité même du romancier, c’est son ″ moi ″ qui, à chaque instant est en
jeu. De même que le radiologue est menacé dans sa chair. Il joue tous les personnages ; il se
transforme en démon ou en ange. Il va loin en imagination, dans la sainteté ou dans l’infamie»
(Idem : 158-159). En empruntant ce fameux mot d’après Mauriac sur Gustave Flaubert
« Madame Bovary c’est moi-même » (Ibid : 143), il expose le rôle central joué par l’auteur
d’une œuvre donnée. Ces affirmations comme toutes les autres de semblable nature nous
imposent de découvrir les spéculations de l’auteur et ses expectations quand il s’engage à
former son ouvrage. Le romancier joue tout dans son roman comme le signale François
Mauriac (Ibid : 159). Il est le personnage principal de sa propre œuvre, il occupe tout le reste
des rôles supposément joués par les autres personnes en dehors de lui-même. Mais comme la
nature de l’œuvre romanesque lui impose de prendre tout, il se trouve dans l’obligation de se
diviser en morceau pour combler tous les vides. Malgré cela les interrogations se posent sur la
discipline que l’auteur s’impose et la motivation qui le pousse vers le choix des personnages
de son œuvre. Cette recherche essayera d’analyser les différents points qui jouent un grand
rôle sur le choix de ces personnages et de répondre aux questions sur ce qui a poussé l’auteur
à faire un tel choix. Quels sont les caractères des personnages ? Une autre question à laquelle
nous essayerons de répondre est pourquoi ces personnages principaux et non les autres ?
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Pour faciliter les recherches, il est préférable de limiter les analyses à deux œuvres
reconnues d’écrivains français, à savoir Candide1, un conte écrit par Voltaire et Madame
Bovary2 un roman de Gustave Flaubert. Ces deux œuvres sont bien connues par le public
francophone et écrits par deux grands écrivains réputés de la littérature française. Ils sont
aussi de différentes époques et ils traitent aussi deux thèmes différents.
Comme il est difficile d’aborder les grands sujets relatifs à ces œuvres, la limitation encore
une fois du champ d’analyse s’impose dans la comparaison des personnages tant principaux
que secondaires et le rôle joué par chacun dans l’accomplissement de l’œuvre et la leçon à
donner aux lecteurs. Il s’agit ici de trouver certains traits clefs dans ces deux romans qui
peuvent nous éclairer sur le choix des personnages chez un auteur quelconque. On peut
imaginer que l’auteur a ses personnages dès le début de sa rédaction même si ceux-ci peuvent
changer le rôle et l’apparition au cours de la composition de l’ouvrage. Nous avons choisi
d’utiliser comme ouvrage principal pour l’analyse Le Romancier et ses personnages de
François Mauriac qui a soulevé, expliqué et commenté le chemin et les circonstances qu’il a
traversés lors de la composition de ses œuvres. Mauriac suppose que n’importe quel écrivain
emprunte la route similaire lors de la composition de son ouvrage et du choix de ses
personnages. Les personnages d’une œuvre littéraire n’étant pas une création scientifique en
laboratoire où les règles et les formules sont régies et suivies par tous les scientifiques et que
les résultats trouvés doivent êtres les même. Il est certain de comprendre que tous les
écrivains n’empruntent pas les mêmes méthodes en vue de choisir leurs personnages mais
grâce à son expérience comme écrivain et en s’appuyant sur d’autres ouvrages nous pourrons
trouver certains points qui sont plus ou moins communs pour le choix des personnages. Cette
étude est complexe car elle nous oblige de remonter à la mémoire et au plan de l’auteur avant
même la composition de son œuvre et exige de suivre l’auteur pendant toute la composition
pour découvrir ses choix.
Ce mémoire comprend deux parties majeures. L’existence des personnages révèle aussi une
existence d’une tâche préétablie que ceux-ci vont accomplir. La première partie essayera de
comprendre ces périodes où l’auteur se trouve et qui précède le choix des personnages. La
deuxième partie est la plus étendue. Les deux œuvres et leurs traits communs seront comparés
tout en considérant d’autres ouvrages. Nous analyserons ensuite profondément les différentes
motivations qui influencent l’auteur et qui le poussent vers son choix.
1
2
Voir annexe sur la version utilisée pour cette référence
Idem
-5–
Afin de réaliser cette recherche, certains ouvrages ont été consultés parmi eux : le romancier
et ses personnages et d’autres éditions critiques de Madame Bovary et Candide où les
phrases, les textes et voire même la pensée de l’auteur sont commentés par d’autres auteurs de
renom. L’un des moyens d’analyse au cours de cette étude sera la comparaison des
personnages et leur action dans chaque œuvre. Ensuite l’analyse donnera un aperçu d’un ou
de plusieurs personnages dans une œuvre par rapport à un autre personnage dans une autre
œuvre. Le résultat de l’analyse approfondie nous aidera à tirer les conclusions qui vont
éclairer certains aspects du choix des personnages dans une œuvre littéraire.
2. LE ROMAN ET SON AUTEUR
Un bref aperçu sur ces deux ouvrages et leur auteur permettra de mieux comprendre les
points focaux de ces œuvres et ouvrira des portes pour les analyser. François-Marie Arouet dit
Voltaire était un écrivain et philosophe français du XVIIIe siècle qui a beaucoup contribué à
l’éclosion de l’époque des Lumières ; ce courant philosophique qui a éveillé la mentalité
citoyenne de la France et a poussé les français à faire la Révolution. Il s’opposait aux idées
qui liaient les gens au fanatisme religieux et à l’optimisme et proposait l’amélioration de la
condition de l’homme par lui-même et la liberté de penser.
De son côté, Gustave Flaubert fait partie des écrivains français de grande renommée du XIXe
siècle et l’un des grands écrivains du courant réaliste français.
2.1 Les personnages et leur action dans les deux œuvres
Le choix des personnages et leur intervention dans les différentes circonstances dans le
roman jouent un grand rôle dans l’accomplissement de l’œuvre. Après le choix des
personnages principaux, l’auteur focalise aussi son choix sur les personnages secondaires
pour accompagner les personnages principaux dans l’accomplissement de la mission dont il
les a chargés à un moment donné. Cependant dans les deux œuvres, Voltaire comme Gustave
Flaubert ont choisi leurs personnages secondaires mais ils les ont utilisés différemment, qu’ils
soient hommes ou femmes. Les réactions des personnages dans Candide sont semblables à
celles des films d’action américains modernes où l’utilisation de la violence n’est pas exclue
alors que dans Madame Bovary chaque personne participe paisiblement, sans violence, à
l’action.
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2.2Quelques personnages et leur action dans Candide
L’analyse d’une œuvre littéraire permet de découvrir que pendant la composition de son
œuvre l’auteur choisit la forme de ses personnages et la place de leur intervention. Il est aussi
évident que les actions de chaque intervenant concourent à l’aboutissement du but de l’œuvre.
Ainsi chez Voltaire, les personnages secondaires participent aussi à la violence de l’acteur
principal qui est Candide. Le forfait est commis par Candide et parfois il ne sait quoi
faire : « sainte Vierge ! S’écria-t-elle, qu’allons-nous devenir ? Un homme est tué chez moi !
si la justice vient, nous sommes perdus. Si Pangloss n’avait pas été pendu, dit Candide, il
nous donnerait un bon conseil dans cette extrémité, car c’était un grand philosophe» (Voltaire
2003 : 53) et l’issue de ce problème est venue de la vieille qui leur proposa de fuir à Cadix. La
recherche du coupable du meurtre du juif et de l’inquisiteur se poursuit jusqu’à Buenos Aires
où les fugitifs ont trouvé refuge. Dans cette circonstance, Cunégonde, après avoir reçu des
conseils de la vieille et ayant assurée sa survie à Buenos Aires, alla chercher Candide et lui
proposa de fuir. Un autre événement se produit lorsque Candide et son valet séjournaient au
Paraguay. Candide tua le père jésuite et ensuite il se mit à pleurer : « Hélas ! Mon Dieu, dit-il,
j’ai tué mon ancien maître, mon ami, mon beau frère ; je suis le meilleur homme du monde et
voilà déjà trois hommes que je tue ; et dans ces trois il y a deux prêtres » (Voltaire 2003 : 76)
et encore une fois c’est son valet Cacambo qui donne une issue favorable à cette situation. La
suite des événements est surprenante car à chaque fois que Candide est dans l’embarras, tout
le monde qui se trouve sur la scène se précipite pour trouver une solution. L’action et
l’utilisation de la violence du héros et des autres personnages dans Candide ne sont pas
conditionnées par le fait que ces personnages sont tels qu’ils sont présentés dans une situation
réelle, mais ils réagissent ainsi en vue d’aboutir aux fins de l’auteur qui les a créés.
2.3 Quelques personnages et leur action : Madame Bovary
En considérant les actions susmentionnées chez Voltaire, on constate par contre que
l’action du personnage principal et l’intervention des personnages secondaires chez Flaubert
sont complexes. Le héros du roman chez Flaubert ne reçoit pas la même aide que le héros
chez Voltaire. Emma Bovary apparaît comme une héroïne que personne ne veut aider à part
son mari Charles Bovary et lorsqu’elle ne trouve pas de l’aide, elle se lance d’une aventure à
l’autre pour trouver le bonheur et satisfaire son âme. Elle a vécu au couvent pendant plusieurs
années et se voyait obligée de quitter le couvent pour aller aider son père à la ferme bien que
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celui-ci eût les moyens de trouver quelqu’un d’autre pour l’aider et occuper la place d’Emma
qui continuerait ses activités charitables. Au couvent, les sœurs n’ont pas réussi à redonner le
goût de la vie à Emma. Celle-ci en avait pourtant besoin : « les bonnes religieuses, qui avaient
si bien présumé de sa vocation, s’aperçurent avec de grands étonnements que Mlle Rouault
semblait échapper à leur soin. » (Flaubert 1961 : 57). Malgré les conseils et toutes sortes
d’action pour la redresser, Emma était devenue en quelque sorte un fardeau pour les sœurs
comme la supérieure l’avoue : « Quand son père la retira de pension, on ne fut point fâché de
la voir partir. La supérieure trouvait même qu’elle était devenue, dans les derniers temps, peu
révérencieuse envers la communauté. » (Flaubert 1961 : 58). Vers la fin du roman, certaines
scènes ne peuvent pas passer inaperçues pour montrer le manque d’une intervention en faveur
d’Emma Bovary et surtout lorsque celle-ci se trouvait dans le désespoir de trouver l’argent
pour rembourser ses dettes. Dans cette situation sérieuse, personne ne lui vient en aide ni
même ses amants qui exprimaient un grand amour pour elle. Emma dit à Rodolphe l’un des
amants : « Eh bien […] je suis ruinée, Rodolphe ! tu vas me prêter trois milles ! […] Enfin
Rodolphe dit d’un air très calme : Je ne les ai pas, chère madame. » (Flaubert 1961 : 366-367)
3-A LA RECHERCHE DE LA LEÇON
En analysant une œuvre littéraire comme Candide, Madame Bovary ou toute autre
œuvre, on peut constater que l’auteur ne peut en aucun cas détacher les personnages de la
leçon à donner. Ces éléments sont liés les uns aux autres et l’écrivain fait son possible pour
qu’ils aillent tous l’un à côté de l’autre pour atteindre le but de l’ouvrage. Il est aussi simple
de découvrir que l’auteur d’un ouvrage quelconque ne s’écarte pas non plus de ″son moi ″, de
la leçon et des personnages du livre quand il se met à l’œuvre. Il s’agit ici du lieu où il a vécu,
sa famille, ses fréquentations, ses convictions et de ses préférences. Ce n’est pas étrange que
la ville de Rouen, ses environs et la profession de médecin interviennent dans Madame
Bovary. Le père de Gustave Flaubert était médecin à Rouen et Flaubert lui-même y est né et a
vécu (Gengembre 1990 :10). Il va sans dire que nous ne tenons pas compte ici des romanciers
qui, selon François Mauriac, sous un léger déguisement, sont eux-mêmes tout le sujet de leurs
livres (Mauriac 1933 :96). Ceci montre par exemple combien plusieurs œuvres de pareille
dimension exposent souvent l’opinion générale de l’auteur bien que celui-ci se force de
dissiper quelques éléments de son œuvre qui peuvent exposer davantage sa personnalité dans
son propre ouvrage. Ainsi Voltaire comme Flaubert avaient une conviction quelconque et
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voulaient transmettre une leçon à travers leurs ouvrages. Cette leçon n’est pas le fruit du
hasard, mais elle est motivée. C’est le cas par exemple de Candide, une œuvre qui s’inscrit
dans le débat sur le fatalisme et l’existence du mal. A son époque Voltaire s’opposait
farouchement à la philosophie leibnizienne3, une doctrine optimiste qui était très répandue au
XVIIIe siècle qui enseignait que le monde dans lequel nous vivons est le meilleur des mondes
possibles (Gaillard 1999 :21). En considérant ces affirmations, il est facile de présenter
l’auteur du livre comme donneur de leçon mais aussi il participe de manière sous-entendue à
la leçon. Il s’explique et donne son point de vue sur un problème donné. Ces affirmations
montrent également que l’auteur est souvent confronté à son propre intérieur et s’efforce de se
maintenir à la réalité de l’extérieur. C’est cette confrontation qui peut manifester qu’écrire des
romans n’est pas de tout repos (Mauriac 1933 :158).
Composer un ouvrage est un travail continuel qui prend des années. A titre d’exemple,
Gustave Flaubert a composé son roman Madame Bovary pendant plusieurs années
(Gengembre 1990 :11) ; Il existe même certains ouvrages que les écrivains ne sont pas
parvenus à terminer de leur vivant et que d’autres ont achevés. Outre ce travail pénible et
exigeant, il se cache une grande richesse à l’intérieur de l’écrivain lorsqu’il se décide de
prendre un stylo et se met à former les grandes lignes de son œuvre. Il lui faut du temps, de
l’imagination, de la réalité et de la conviction pour donner sa leçon. Néanmoins cette peine ne
saute pas directement aux yeux des lecteurs qui savourent du contenu de l’œuvre plein
d’éléments intéressants. C’est ce qu’on peut appeler « le phénomène de lecture ». Mais bien
que l’auteur soit au courant de ce « phénomène de lecture », il n’est découragé ni sur son
œuvre en cours ni sur les autres ouvrages antérieurs. Il a un but à atteindre et est motivé de
l’atteindre. Ainsi Madame Bovary est un roman qui est né pour donner une leçon sur la
recherche d’un vrai bonheur et d’une vraie vie amoureuse. Le chemin vers un vrai bonheur
n’est pas toujours facile d’où le besoin de faire attention car les conséquences peuvent être
néfastes. C’est dans les mêmes circonstances que Candide n’est pas une histoire créée pour
égayer les mémoires des lecteurs sur un héros qui a parcouru toute la terre pour prouver son
amour à Cunégonde et qui a refusé de rester dans le pays d’Eldorado malgré qu’il ait connu
beaucoup de difficultés et que cette occasion était la meilleure pour en finir avec cette
calamité. Mais ce conte est plutôt une réponse, un moyen que l’auteur a choisi pour expliquer
sa conviction sur un problème de société auquel il voulait trouver une solution. Le problème
était ici la philosophie de l’optimisme qui se répandait au XVIIIe siècle et qui poussait les
gens à prendre tout comme un divin destin. Or, l’auteur de son côté voyait cette philosophie
3
Voir l’annexe: L’optimisme leibnizien
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comme étant un outil que les adeptes de l’optimisme utilisaient pour freiner la capacité des
gens de penser. C’est sur ce constat que l’auteur a fait reposer son œuvre. Elle se présente
comme une réponse ou une philosophie qui explique que tout ce qui arrive n’est que fatalité et
montre la nécessité de prendre conscience d’améliorer sa condition de vie.
4- A LA RECHERCHE DES PERSONNAGES
Après la leçon, c’est le tour d’aller à la chasse aux personnages tant principaux que
secondaires. Cette étape importante oriente l’auteur vers le choix central de ses personnages
cruciaux qui vont occuper les grandes lignes de son œuvre et les personnages secondaires qui
vont les accompagner pour enrichir le tout. A cela s’ajoute aussi plusieurs autres éléments tant
mobiles qu’immobiles comme les endroits, les bâtiments, les voitures, les circonstances et
autres choses que l’écrivain juge bon d’inclure dans son ouvrage. Les personnages d’une
œuvre quelconque ont leur origine dans le contact entre l’auteur et son entourage comme
Mauriac le souligne « les héros de romans naissent du mariage que le romancier contracte
avec la réalité » (Mauriac, 1933 :96).
Comme dans la recherche de la leçon, l’auteur ne s’éloigne pas non plus de son entourage, du
milieu qu’il connaît bien et a fréquenté au cours de sa vie quand il est temps de chercher les
personnages de son œuvre. L’inspiration de ses personnages lui vient des gens qu’il a connus
étant adulte ou dans son enfance. C’est ainsi que François Mauriac admet premièrement que
dans ses livres les personnages de second plan sont ceux qui ont été empruntés à la vie
directement. Il explique qu’il avait un principe pour choisir ses personnages. Il a donc établi
comme une règle que moins, dans le récit, un personnage a d’importance, et plus il a de
chances d’avoir été pris tel quel dans la réalité (Idem :107-108). Ce choix prend aussi
plusieurs tournures (décomposition de la personne réelle) pour que le personnage dans une
œuvre finisse de devenir ce qu’il est. En prenant pour exemples ses romans Thérèse
Desqueyroux et Nœuds des vipères, il continue en révélant qu’un personnage dans ce premier
roman est né d’une de ses visions quand il avait dix-huit ans dans une salle d’assise et que
son emprunt direct s’est arrêté là. Avec cette réalité, il a construit un personnage tout différent
et plus compliqué. Concernant ce deuxième roman, le personnage principal se rattache à un
souvenir précis de l’auteur. Et pour brouiller un peu l’image qu’en avait gardée sa mémoire,
l’auteur s’est emparé de circonstances, de certaines habitudes, d’un certain caractère qui ont
réellement existé, mais il les a centrés autour d’une autre âme (Ibid, p 110-112).
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De l’emprunt de Mauriac ou de l’existence d’une stratégie quelconque qu’on utilise pour le
choix d’un personnage, il existe plusieurs moyens que chaque auteur emprunte et qui le
dirigent vers le bon choix de ses personnages.
La discussion autour de la source où l’auteur puise ses personnages peut être longue et sans
une solution adéquate car les avis sont différents et parfois contradictoires pour les analystes
sur le choix des personnages dans une œuvre littéraire. A propos de Candide, certains
commentateurs ont dit et redit que les personnages de cette œuvre sont des marionnettes et
que Voltaire tire toutes les ficelles. Cet avis n’est pas celui de Pol Gaillard qui considère que
leurs opinions ne paraissent en aucun cas exactes. Il est convaincu que l’auteur est derrière
ses personnages et ceux-ci apparaissent bien vivant en chair et en os : il y voit encore que la
vérité physique et la vérité psychologique sont suffisamment respectées pour nous obliger de
les accepter telles qu’elles sont sans discussion possible. (Gaillard 1999 :51).
4.1 Le statut social des personnages principaux
Les personnages dans Madame Bovary ou dans Candide ou dans une autre œuvre
littéraire, s’il faut bien les analyser, bien qu’ils soient imaginaires ou créés par l’écrivain, ont
toujours des traits, des caractères, des sentiments et toute autre capacité leur permettant d’agir
comme une personne réelle. Ils occupent leurs rôles et interviennent dans le déroulement des
actions de l’œuvre comme des individus ayant existé au cours d’une période quelconque à
travers laquelle l’œuvre se réfère. Mais la question se pose de saisir ce qui est important pour
l’auteur dans ce moment où il a déjà une leçon et une vision de ce qui deviendrait ses
personnages. Le moment est venu de trouver la forme physique et morale de la personne.
Ainsi Flaubert nous présente un de ses personnages principaux en la personne de Charles
Bovary. Il était un fils unique qui vivait avec ses parents dans la petite ville de Tostes près de
Rouen. Il s’en sortait pas mal à l’école et avait une grande affection pour sa maman qui
l’aidait beaucoup. Charles Bovary était compréhensif et sensible aux circonstances mais il
était aussi indécis dans ses profonds choix. Ces cas d’indécisions apparaissent dans le roman
quand il s’agissait de faire un choix que personne d’autre ne pourrait réaliser à sa place. Le
choix de ses deux femmes n’a pas été directement le fruit de l’intervention du concerné luimême. Pour la première femme, sa maman a pris cette obligation de l’offrir à son fils alors
que pour Emma sa deuxième femme, son beau père n’avait pas hésité de lui donner des
astuces pour la conquérir. Étant médecin, il avait le cœur d’aider ceux qui souffrent et
d’écouter les conseils des autres tout en ignorant ce qui se cache derrière ces conseils. Dans ce
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dernier cas, il effectua une opération risquée qui tourna à un grand échec à cause d’un conseil
reçu d’Homais, le pharmacien d’Yonville alors que celui-ci lui proposa cette opération pour le
discréditer.
Dans ce même roman, Emma est un autre personnage principal, issue de la petite bourgeoisie.
Ayant passé par le couvent, elle aimait lire les romans, jouait au piano qui lui donnait la joie
de vivre et se lançait à la recherche du vrai bonheur. Outre cette recherche, elle est exigeante
et manipulatrice bien que la cupidité soit loin d’elle. Ces caractères sont manifestés par
l’accumulation excessive des dettes chez monsieur l’Heureux, le marchand d’étoffes, son
abandon des responsabilités familiales (le cas le plus précis et touchant est l’abandon de son
propre enfant à une femme pour l’élever à sa place) et son choix d’avoir deux vies secrètes.
Pour sa part, Voltaire présente Candide son personnage principal et le titre de son
conte qui est à la recherche de la vérité. Candide avait deux caractéristiques de vie particulièrs
qu’il est du moins nécessaire de soulever. D’une part il est sensible à la situation qui se
présente et cherche à donner une réponse adéquate aux circonstances du moment. Et d’autre
part l’auteur nous présente Candide comme un héros capable de passer dans les situations
difficiles mais qui se débrouille bien. Il est l’homme de toutes les situations et n’hésite pas à
montrer ou dire ce qu’il pense quitte à utiliser la violence. Ainsi étant l’un des membres qui
vivaient au château de Thunder-ten- tronckh il n’a pas manqué d’exprimer son affection à la
fille du baron, chose qui lui a coûté très cher car dès que le baron a été au courant de cette
relation intime, il a chassé Candide hors du château (Voltaire, 2003 :30). C’était le début du
calvaire pour Candide et aussi l’ouverture de ses nouvelles expériences. Au cours de ses
aventures, il n’hésita pas à tuer le juif et l’inquisiteur. Comme qui dirait à quelque chose
malheur est bon ; les situations traversées lui ont permis de s’affermir comme un être humain
et de connaître d’autres faces de la vie qui sont différentes de celle du château à Westphalie
ou de la philosophie enseignée par le professeur Pangloss.
Il s’agit d’une part de l’homme du malheur du fait qu’au cours du récit Candide est au centre
des événements néfastes qui le poussent à en subir les conséquences et de trouver une issue
favorable quoi qu’il n’en soit pas l’origine. Malgré cela il se montre patient et compréhensif
de la situation. D’autre part il est l’homme de l’espoir au grand cœur et prêt à accueillir toute
bonne nouvelle de son amour Cunégonde.
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4.2 Et si les autres personnages du roman étaient les meilleurs
L’intervention des personnages au cours de différentes circonstances ne peut passer
inaperçue chez un lecteur avide qui veut mesurer la tâche du personnage principal, son action
dans le déroulement des faits et le comparer avec un autre personnage secondaire qui selon lui
pourrait faire mieux que le choix de l’auteur. Ce constat d’existence d’un autre personnage
qui valait plus que celui de l‘auteur n’est pas seulement une pensée d’un lecteur mais il existe
des périodes au cours desquelles l’écrivain lui-même est obligé de changer le plan de
composition de son livre et de se soumettre à un autre nouveau plan inattendu comme
l’explique François Mauriac :
Que de fois m’est –il arrivé de découvrir en composant un récit, que tel personnage de premier
plan auquel je pensais depuis longtemps, dont j’avais fixé l’évolution dans les derniers détails ne
se conformait si bien au programme que parce qu’il était mort : il obéissait mais, comme un
cadavre. Au contraire, tel autre personnage secondaire auquel je n’attachais aucune importance
se poussait de lui-même au premier rang, occupait une place à laquelle je ne l’avais pas appelé,
m’entraînais dans une direction inattendue.
C’est ainsi que dans le désert de l’amour, le docteur Courrège ne devait être, d’après mon plan,
qu’un personnage épisodique: le père du héros principal. Puis il finit par envahir tout le roman.
(Mauriac, 1933 :127).
Les personnages tels qu’ils interviennent dans une œuvre quelconque ne suivent pas
nécessairement le plan que l’auteur a conçu d’avance. Il est en revanche quasiment impossible
de découvrir ce changement de plan ou de personnage si ce n’est que l’écrivain lui-même
admet ce changement et dans quelle circonstance il a opté l’abandon de son plan préconçu.
Néanmoins il est possible pour un lecteur de procéder à une étude de personnages qui sont les
meilleurs en se basant sur ce qui apparait dans une œuvre. Ces arguments penchent surtout
vers Candide bien que Madame Bovary n’échappe pas à cette comparaison. Après avoir reçu
le sujet de son conte, Voltaire nous présente deux personnages qui vont occuper deux
positions différentes pour aboutir à leur but. Il choisit en premier lieu Pangloss, un professeur
de Candide qui est le défenseur de l’optimisme et Candide en second lieu qui est à la
recherche de la vérité à savoir si les choses telles qu’elles sont enseignées par Pangloss
existent réellement. C’est Candide que l’auteur a jugé utile de faire voyager pour découvrir le
vrai monde et en tirer les conclusions qui s’imposent. Or le passé de Candide c’est à dire la
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malchance autour de sa conception, le refus de sa mère d’épouser son père et le fait qu’il a été
élevé chez son oncle qui l’a chassé par la suite sont choquants. Ces événements sont
supposément révélateurs que le monde tel qu’enseigné par Pangloss n’est pas le meilleur et le
besoin était évident pour Candide d’en tirer la conclusion sans toutefois devoir passer par les
différentes circonstances pour y songer ; ainsi ce conte pouvait être constitué de quelques
pages. En prenant en compte le statut social de tous les personnages dans ce conte, on
découvre que la considération de Cunégonde et de la vieille comme force motrice des
circonstances concorderait mieux avec le développement de l’auteur pour aboutir à sa leçon.
Le cas de Cunégonde qui peut vraisemblablement être comparable à celui de la vieille, fille du
pape et de la princesse, est frappant car les enseignements de Pangloss était vrais jusque
quand la guerre a éclaté en Westphalie et que sa façon de vivre a changé dramatiquement. La
vie qu’elle menait et le confort dont elle jouissait, pouvaient être des raisons de considérer
qu’il y avait un monde meilleur que celui où elle vivait. Mais le changement qui a fait en sorte
qu’une fille de baron avec un avenir sûr et plein de rêves pour ensuite devenir maîtresse et
esclave sans avenir, sans droit et sans espoir, pousserait Cunégonde à s’interroger sur le biens
fondé de cette philosophie du professeur Pangloss et à chercher à découvrir le vrai monde à
travers les circonstances. Dans un pareil cas, toutes les raisons étaient remplies pour se lancer
dans une recherche de la vérité. Les conditions militaient en sa faveur en vue de trouver la
réponse au changement de son mode de vie à moins que la naïveté et la peur l’envahissent
pour la décourager et la pousser d’accepter sa condition de vie telle qu’elle est. Pourtant,
l’auteur du livre est passé outre en minimisant ces personnages qui apparemment se
présentent comme étant les meilleurs choix et il a choisi Candide à leur place.
Certains personnages secondaires dans Madame Bovary ont joué aussi un rôle
primordial. Il s’agit en particulier de Rodolphe et Léon, les deux amants d’Emma, Homais le
pharmacien et Lheureux le marchand d’étoffes. Ces personnages ont effectué des actions que
si l’auteur l’avait voulu, il aurait développées dans le roman pour soulever et exposer les
mœurs de province. Les passages du texte dans ce roman peuvent aider à découvrir certains
caractères de quelques uns de ces personnages secondaires. Ces personnages étaient autour du
couple Bovary et prétendaient vouloir l’aider mais ils faisaient réellement tout pour leur
propre bien et profitaient du bon cœur du couple Bovary et de sa faiblesse. Le pharmacien,
Homais qui proposa l’opération chirurgicale premièrement à Emma et puis à Charles Bovary,
ne le faisait pas du tout pour le bien du malade Hyppolyte qui avait des pieds bots mais plutôt
pour se faire connaître. On peut découvrir le caractère d’Homais et sa vision dans cet extrait
du roman :
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Il avait lu dernièrement l’éloge d’une nouvelle méthode pour la cure des pieds bots ; et, comme
il était partisan du progrès, il conçut cette idée patriotique que Yonville, pour se mettre au
niveau, devait avoir des opérations de stréphopodie. Car disait-il à Emma, que risque-t-on ?
Examinez (et il énumérait sur ses doigts les avantages de la tentative) : succès presque certain,
soulagement et embellissement du malade, célébrité vite acquise à l’opérateur. Pourquoi votre
mari, par exemple, ne voudrait-il pas débarrasser ce pauvre Hyppolyte, du Lion d’or ? Notez
qu’il ne manquerait pas de raconter sa guérison à tous les voyageurs, et puis (Homais qui
baissait la voix et regardait autour de lui) qui donc m’empêcherait d’envoyer au journal une
petite note là-dessus ? Eh ! mon Dieu ! un article circule […] on en parle [..,] cela finit par faire
la boule de neige ! Et qui sait ? qui sait ?» (Flaubert 1961 : 211)
Charles, sans la moindre hésitation sur les conséquences qui pourraient surgir après
l’opération, se laissa manipuler par le pharmacien et effectua l’opération. Les intérêts et la
renommée d’Homais occupaient la première place. Celui-ci décida même de rédiger une note
pour le journal avant même que l’opération ait montré ses résultats et la présenta hâtivement
chez Bovary pour appréciation. Les résultats de l’opération devinrent peu prometteurs et
Homais se montrait encore une fois coopératif pour aider le malade. Au moment où tout
Yonville se plaignait de l’erreur commise par Bovary alors qu’en réalité il n’était pas l’origine
de cet échec, le vrai coupable Homais était tranquille, sans la moindre inquiétude de ce qui
venait de se passer bien que ses intérêts ne soient pas satisfaits.
Dans ce roman, Flaubert présente aussi monsieur Lheureux, le marchand d’étoffe et
habile commerçant qui n’avait pas manqué de fréquenter Emma et de conquérir son cœur tout
en écoulant ses marchandises. Emma a décliné à mainte reprise ses avances et ses tentatives
de l’approcher. Malgré ces déclinaisons, il était toujours prêt à chaque fois qu’Emma voulait
quelque chose et lui proposait une solution pour combler le besoin de madame Bovary. Le
marchand ne ratait aucune occasion pour vendre autant de choses que possible comme
l’auteur le soulève :
Puis la dépense du ménage, à présent que la cuisinière était maîtresse, devenait effrayante ; les
notes pleuvaient dans la maison ; les fournisseurs murmuraient ; M. Lheureux surtout le
harcelait. En effet au plus fort de la maladie d’Emma celui-ci profitant de la circonstance pour
exagérer sa facture, avait vite apporté le manteau, le sac de nuit, deux caisses au lieu d’une,
quantité d’autres choses encore. Charles eut beau dire qu’il n’en avait pas besoin, le marchand
répondit arrogamment qu’on lui avait commandé tous ces articles et qu’il ne les reprendrait pas,
d’ailleurs ce serait contrarier madame dans sa convalescence ; monsieur réfléchirait; bref, il était
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résolu à le poursuivre en justice plutôt que d’abandonner ses droits et que d’emporter ses
marchandises. (Flaubert 1961 : 253)
Étant prêt à recourir à tous les moyens pour écouler ses articles, Lheureux peut être
considéré comme vainqueur de ses actions et le personnage qui avait toutes les capacités
d’occuper le rôle principal dans le déroulement des faits. En plus, c’est bien Lheureux que
l’auteur a jugé nécessaire d’utiliser comme un élément déclencheur qui va pousser Emma à
commettre le suicide et toute la suite qui a suivi après la mort de celle-ci.
Madame Bovary est une œuvre riche en personnages secondaires qui ont différents caractères
autour du personnage principal. Emma devenait la maîtresse de Rodolphe mais celui-ci ne
voulait pas qu’ils exposent leur relation au grand public. Ses déclarations d’amour envers
Emma ne se concrétisent pas par les actes :
Aussi je serai tout pour toi, je te serai une famille, une patrie : je te soignerai, je t’aimerai. Que
tu es charmante ! dit-il en la saisissant dans ses bras.
Vrai ?fit-elle avec un rire volupté. M’aimes-tu ? Jure-le donc. Si je t’aime ! mais je t’adore, mon
amour. (Flaubert 1961 : 238)
A peine juré qu’il aimait Emma et qu’il était d’accord de voyager ensemble loin de
Yonville, il n’hésita pas de rompre cette promesse sans toutefois penser aux conséquences
néfastes que cette déception aura sur Emma. Il prétendait qu’il l’aimait mais les actes
manifestés par Rodolphe montrent qu’il n’aimait pas réellement Emma et profitait de sa
faiblesse pour satisfaire ses aventures amoureuses. Enfin Emma ruinée, exacerbée et pleine
d’amertume eut recours à son ancien amant et espérait au moins que cette fois-ci, il aurait
pitié d’elle et lui prêterait de l’argent :
Mais tu as pleuré ! dit –il. Pourquoi ? Elle éclata en sanglot. Rodolphe crut que c’était
l’explosion de son amour ; comme elle se taisait, il prit ce silence pour une dernière pudeur, et
alors, il s’écria : Ah ! Pardonne-moi ! Tu es la seule qui me plaise. J’ai été imbécile et méchant !
Je t’aime et je t’aimerai toujours ! Il s’agenouilla. (Flaubert 1961 : 366)
La reconnaissance de sa méchanceté et sa déclaration répétitive d’amour n’ont rien changé
pour que Rodolphe agisse autrement en faveur d’Emma. Il a manqué une occasion noble pour
effacer son image ancienne de décepteur et de profiteur pour enfin montrer que les paroles
qu’il disait, étaient vraies et qu’il était là pour son amour. Il pouvait faire au moins tout ce
qu’il était à son pouvoir pour sauver la situation d’Emma. On peut imaginer que l’ampleur de
- 16 –
la situation importait peu pour lui et ses ambitions amoureuses valaient plus que toute autre
chose. Ceci se manifestait quand Emma lui exposait son problème qui était la cause de sa
visite chez lui, il n’hésita pas de lui donner une réponse choquante. (Flaubert. Op.cit.7)
5- CONCLUSION
Aujourd’hui comme dans l’avenir le choix de personnage dans une œuvre va susciter
une certaine interrogation sans réponse adéquate. Les chemins qui mènent vers les solutions
des interrogations d’un lecteur sont nombreux. Le centre de tout est le « moi» de l’auteur. Or
son « moi» ne peut être découvert que par lui seul. Mais aussi les circonstances qui
l’entourent au cours de la composition de son œuvre jouent aussi un grand rôle car on peut
imaginer que l’orientation du roman peut changer dans la mesure où l’auteur traverse une
période critique qui affecte son « moi».
Les éléments qui poussent l’auteur au choix étant nombreux, la limitation des événements
autour des personnages tant principaux que secondaires est préétablie dans la mesure où les
personnages sont présentés comme des individus qui ont été créés pour une mission et qu’ils
doivent effectuer cette mission telle qu’elle est conçue. Dans ces deux œuvres, Flaubert et
Voltaire ignorent les affinités familiales des personnages créés qui peuvent aider les lecteurs à
mieux comprendre les personnages et leur action dans le livre. Ces ignorances peuvent
susciter des interrogations tout en donnant des éclaircissements sur la limitation des
événements autour des personnages. En lisant un roman, les lecteurs sont à la recherche de la
leçon. Or certains éléments sont nécessaires pour s’impliquer davantage dans le raisonnement
de l’auteur et capturer la leçon. Il peut s’agir de la naissance, de l’enfance ou l’éducation de
ces personnages principaux ou autre personnage dans le roman qui occupe une place
importante. Ou encore leur famille, des événements traversés étant jeune ou adulte qui ont fait
le personnage ce qu’il est et qui peuvent contribuer à mieux comprendre les réactions du
personnage.
Le hasard peut nous pousser à nous demander pourquoi les auteurs de ces deux œuvres
ont choisi Candide ou Emma, des enfants uniques tout en se réservant le droit de dissimuler
s’il existait encore d’autres gens autour de Candide ou d’Emma que ceux qu’ils ont jugés utile
d’inclure dans leur récit. Partant de cet aspect de la présentation des personnages, il est
vraisemblablement correct que l’auteur a le droit entier de présenter ses personnages tels qu’il
- 17 –
le désire et de transformer son ouvrage comme il le souhaite car il est le maître de son
ouvrage et toutes les conséquences qui en découlent lui tombent sur sa tête. Mais comme il est
dit : « écrire des romans n’est pas de tout repos » (Mauriac 1933 :158). Il ne sert à rien de se
donner du mal ou encore de passer des années à travailler sur une œuvre qui n’aidera pas à
l’auteur d’exprimer sa pensée ou ne contribuera jamais à l’édification de ses lecteurs.
Les jugements faits par les écrivains ne cachent pas seulement des éléments importants,
ils créent aussi des ambiguïtés sur les choix des personnages. Dans les deux œuvres Candide
et Emma ont joué chacun un rôle primordial dans l’accomplissement des événements. D’une
part Voltaire présente Candide son personnage principal, comme un jeune homme que les
anciens domestiques de la maison soupçonnaient être l’enfant de la sœur du baron de
Thunder-ten-tronckh (Goldzink 1991 :24). D’autre part Flaubert commence à peindre son
personnage Emma alors qu’elle est au couvent des sœurs ursulines et qu’elle vient de rentrer
chez elle pour aider son père à la ferme. Le moment d’apparition de ces personnages
principaux révèle aussi une différence chez les deux écrivains, car Voltaire a choisi que
Candide apparaisse dès le début de son livre alors que Flaubert a pris le temps de présenter
d’autres moments de son récit et a jugé utile d’exposer Madame Bovary (Emma) seulement
après plusieurs pages.
Dans cette présentation des personnages, les écrivains utilisent leur choix bien qu’ils
puissent susciter des interrogations au niveau de leur construction physique ou morale ou
encore les imperfections qu’ils peuvent manifester. Pourquoi Gustave Flaubert n’a-t-il pas
mentionné l’origine des mauvais comportements d’Emma ? Qu’est-ce qui l’a poussé à se
comporter ainsi ? Est-ce le couvent ? Est-ce la mort de sa mère ? Mais Flaubert a choisi de
présenter Emma comme étant un personnage bien rempli et équipé de ce qu’il va accomplir
dans le roman. Ou encore comment se fait-il que le même auteur qui a créé un personnage
n’est pas sûr ou doute sur l’origine de son personnage créé ? Si du moins on considère le cas
de Candide qui était « un jeune homme que les anciens domestiques de la maison
soupçonnaient qu’il était l’enfant de la sœur du baron de Thunder-ten-tronckh » (Goldzink.
1991 : 21).
Ces interrogations montrent combien l’auteur, après avoir conçu sa leçon et choisi ses
personnages, se concentre vers l’achèvement de son œuvre et ne donne pas une grande
importance à certains éléments quoique ceux-ci soient nécessaires pour les lecteurs. Les
caractères inadéquats ou les petites imperfections que les personnages conçus manifestent,
jouent un moindre rôle chez l’auteur. Il est difficile pour un lecteur de découvrir la vraie
image de son personnage en dehors de ce qui est mentionné dans l’œuvre et nous sommes loin
- 18 –
de l’auteur pour lui suggérer nos opinions pendant la composition de son ouvrage puisque
nous ne découvrons l’existence de ses personnages qu’après la publication du roman.
Les difficultés résident aussi sur le rapport que l’auteur avait avec ses personnages avant et
pendant la composition de son œuvre. Dans le résumé sur sa version de Candide, l’écrivain
Frédéric Deloffre souligne : « On sait tout de Candide, sauf une chose : quel rapport l’auteur
avait-il avec ses personnages ? Les a-t-il imaginés ou connus ? A-t-il partagé certaines de
leurs aventures ? Est-il caché dans un coin du roman pour les observer ? » (Deloffre 2003)
En effet l’auteur de l’œuvre est le seul à comprendre la vraie image de ses personnages créés.
Les spéculations autour du choix des personnages peuvent exister mais l’auteur est le seul à
connaître les motivations qui l’ont poussé de placer un tel personnage au lieu de tel autre.
Ces différents moments et points que nous venons d’analyser peuvent nous aider à
comprendre quels parcours un auteur emprunte au cours de la composition d’une œuvre et
surtout quand il s’agit de choisir ses personnages. Il est pourtant clair que la leçon est comme
une mission que les personnages doivent accomplir. Le choix des personnages vient aussi en
premier lieu bien que la leçon prenne la première place et oriente l’auteur dans ses multiples
choix des personnages.
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BIBLIOGRAPHIE
Sources primaires
Flaubert Gustave(1858). Madame Bovary. Gengembre Gérard (1990).Texte et
contexte. Paris, Magnard
Mauriac François. (1933). Le Romancier et ses personnages suivi de l’éducation
des filles. Paris, Buchet/Chastel
Voltaire(1759). Candide ou l’optimisme. Goldzink Jean(1991) texte et contexte.
Paris, Magnard.
Sources secondaires
Deloffre Frédéric(2003) in Voltaire Candide (1759), Paris, Gallimard
Gaillard Pol (1999) Candide (Voltaire) profil d’une œuvre, résumé, personnages
et thèmes. Paris, Magnard
Marceau Félicien (1961), in Flaubert Gustave (1858 Madame Bovary (1858),
Paris, Gallimard
Sources électroniques
Candide, Wikipedia l’encyclopédie libre 18 novembre 2013 [Consulté 1
décembre 2013] Disponible sur le Web : http://fr.wikipedia.org/wiki/Candide
Gottfried Wilhelm Leibniz, Wikipedia l’encyclopédie libre 9 décembre 2013
(Consulté 13 décembre 2013) Disponible sur le Web :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Leibniz
- 20 –
Flaubert Gustave, Le site web du Centre Flaubert [Consulté 20/092013].
Disponible sur le Web ://flaubert.univrouen.fr/questions_reponses/reponses.php#reponse11
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ANNEXE I
LE RÉSUMÉ DES DEUX ŒUVRES
CANDIDE
Candide, l’une des œuvres majeures de Voltaire ne peut faire taire les intrigues sur sa
composition. Il nous présente Candide, le titre du roman et le nom du personnage principal du
conte. Le héros du roman vivait au château de Thunder-ten-tronckh en Westphalie chez un
baron dont les gens soupçonnaient qu’il était son oncle maternel. Le baron de Thunder-tentronckh
avait une jolie fille du nom de Cunégonde. Candide et Cunégonde habitaient
ensemble dans le château du baron. Candide tomba amoureux d’elle et personne ne savait
rien de leur amour, si ce n’est le philosophe Pangloss qui donnait des cours de métaphysique
et de théologo-cosmolonigologie à Cunégonde et Candide et qui leur enseignait aussi que le
monde dans lequel ils vivaient était le meilleur possible et qu’il ne fallait pas se soucier du
mal. Les jours passaient et la vie continuait comme d’habitude pour les deux amants qui
poursuivaient leur aventure amoureuse.
Un jour dans le bois du château, le baron les a aperçus dans leur relation intime et chassa
Candide du château. Ce fut le début pour lui des aventures au cours desquelles il a dû
affronter les réalités de la vie dans plusieurs coins du monde. Bien qu’il soit loin d’elle et
malgré les situations difficiles qu’il a traversées, Candide ne cessait d’aimer Cunégonde et
cherchait à avoir de ses nouvelles. Il est enrôlé de force dans les troupes bulgares et assiste
aux différents combats qu’ils livraient. Cependant la guerre éclata en Westphalie et plusieurs
personnes qui vivaient au château furent touchées. Certaines furent tuées et d’autres furent
déportées par le camp gagnant. Parmi les déportés se trouvait Cunégonde. Après la
déportation, elle fut vendue aux différents propriétaires. Candide s’enfuit de chez les Bulgares
et retrouve Pangloss qui était méconnaissable et qui lui apprend la mort de Cunégonde, violée
par les Bulgares. Les deux compagnons embarquent pour Lisbonne et échappèrent à la mort
dans la mer quand une tempête violente écrasa leur bateau. Durant ces circonstances, Candide
perdit son ami Jacques l’anabaptiste qui l’avait accueilli lorsqu’il s’était enfui de chez les
Bulgares. Celui-ci s’était noyé quand il tentait de sauver un autre passager qui était tombé
dans la mer. Ils arrivèrent à Lisbonne le jour où il y eut un tremblement de terre et furent
victimes de l’autodafé qui conduisit Pangloss à la pendaison. Candide échappa à sa punition et
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retrouva Cunégonde qui était maîtresse de deux propriétaires et avait à son service une vieille
femme, fille du pape et de la princesse palatine. Il se voit dans l’obligation de tuer les deux
maîtres de Cunégonde pour la récupérer et s’enfuit avec elle et la vieille vers l’Espagne puis
vers le Paraguay afin d’échapper aux enquêtes en cours sur ces deux meurtres. Ce voyage les
conduisit dans plusieurs contrées et à travers plusieurs aventures. D’abord à Buenos Aires où
Candide et son valet Cacambo laissèrent Cunégonde et la vieille au Paraguay. Dans ce pays,
ils tombèrent dans le camp des jésuites qui faisaient la guerre contre l’Espagne. Candide
transperça d’un coup d’épée le frère de Cunégonde qui était jésuite au Paraguay et ils
s’échappèrent pour découvrir le pays d’Eldorado. Vivant aisément dans ce pays, ils décidèrent
de le quitter avec une grande fortune pour une autre aventure de la vie qui les amènera dans
plusieurs coins du monde, accomplissant différentes missions pour enfin rejoindre
Constantinople. Et Candide racheta Cunégonde, Cacambo et le frère de Cunégonde. Ils
retrouvèrent Pangloss qui avait échappé à la pendaison. Néanmoins les circonstances
traversées avaient poussé Cunégonde à perdre sa beauté. Malgré cela Candide l’épousa.
Candide découvrit que le monde tel qu’enseigné par Pangloss n’existe pas et proposa à ses
amis que chacun « cultive son jardin pour survivre »
MADAME BOVARY
Charles Bovary était médecin à Tostes et sa mère lui trouva comme femme Héloïse,
la veuve d’un huissier qui avait quarante cinq ans. La consultation auprès du père Rouault lui
permit de faire la connaissance d’Emma sa fille. Elle a été élevée chez les sœurs Ursulines et
aimait la lecture et la musique. Elle était rentrée chez elle pour aider son père à la ferme,
devenu veuf. Après la mort d’Héloïse, Charles épousa Emma. Ils quittèrent Tostes pour
Yonville-l’Abbaye où naquit leur fille Berthe dont la venue ne réjouissait pas sa mère car
celle-ci aurait préféré mettre au monde un garçon. Peu après sa naissance elle la confia à une
nourrice pour prendre soin d’elle. Dans cette nouvelle habitation elle se sentait mieux à l’aise
que dans la demeure précédente. Emma faisait la connaissance des plusieurs personnes du lieu
qui l’accueillirent bien grâce à son charme ; parmi eux le pharmacien M. Homais, le curé
Bournisien. M. Lheureux, le marchand d’étoffes et bien d’autres comme Léon Dupuis dont
Emma résista premièrement aux avances amoureuses. Les jours avançaient et Madame
Bovary perdait la passion de la lecture et de la musique alors que Charles de son côté faisait
tout pour rendre sa femme heureuse. Elle finit par laisser tomber ses leçons de piano et le
désespoir d’une vie meilleure s’empara d’elle. Pour combler son vide sentimental, elle se
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lança dans une vie de luxe et s’endetta à plusieurs reprises chez Lheureux, le marchand
d’étoffes. L’amour pour son mari Charles diminua et elle se mit à la recherche des amants.
Mais malgré cela Charles Bovary continua à aimer son épouse. Madame Bovary tomba dans
les mains de Rodolphe boulanger qui lui promit de pluie et de beau temps. Les deux amants
continuèrent leur aventure amoureuse jusqu’au jour où ils se sont convenus de quitter
Yonville pour un long voyage. Madame Bovary déménagea et mit tout en œuvre afin de
quitter Charles son mari pour aller vivre loin avec Rodolphe. Arrivée chez Rodolphe, il refusa
de céder aux aventures de sa maîtresse et ne quitta pas Yonville. Madame Bovary déçue, le
quitta et continua sa quête d’une vie meilleure. Elle finit par tomber sur le charme de Léon
malgré qu’elle se considérait vieille et voyait Léon comme un jeune homme qui ne pouvait
l’aimer. Cette liaison devenait une nouvelle aventure amoureuse toujours aux dépends de son
mari Charles.
Comme toute histoire à sa fin, le notaire Guillaumin se présenta chez les Bovary pour la
régulation des dettes qu’Emma avait accumulées, faute de quoi leurs biens devaient être saisis
pour le remboursement des dettes. Emma tenta de trouver une solution mais en vain. Elle pria
ses amants de la secourir dans cette situation mais ceux-ci ne l’aidaient pas. Voyant qu’elle
avait ruiné son mari et qu’elle n’avait aucune autre issue, elle se suicida.
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ANNEXES II
⃰ Édition utilisée
Les deux œuvres que j’ai utilisés à savoir Candide et Madame Bovary sont des versions
amplifiées. Les ouvrages contiennent les textes de l’œuvre
suivi d’un ou plusieurs
commentaires des différentes personnes. Les textes du livre sont commentés par chapitre ou
par partie du texte. Ceci permettra aux lecteurs de savoir que toutes les références données
(texte, pensée) dans mon mémoire ne proviennent pas de l’ouvrage de l’auteur mais certaines
d’entre elles proviennent des opinions des commentateurs.
⃰ ⃰ L’optimisme leibnizien
Gottfried Wilhelm Leibniz est né le 1er juillet 1646 à Leipzig et est mort le 14 novembre
1716 à Hanovre. C’est un philosophe, mathématicien, diplomate, juriste, logicien,
bibliothécaire et philologue allemand qui écrivit en latin, allemand et français4.
Selon l’écrivain Pol Gaillard, Leibniz développa ses idées philosophiques dans des nombreux
ouvrages. Dans la Théodicée (parue en 1710 et traduite en français en 1747). Il aborde, plus
particulièrement le problème de la comptabilité du mal avec l’existence de Dieu.
Voici la démonstration qu’il établit :
Si Dieu existe, il est parfait, et il est le seul parfait. Par conséquent, tout ce qui n’est pas lui est
nécessairement imparfait. Sinon Dieu ne serait pas Dieu, il y aurait contradiction.
Mais, d’autre part si Dieu est parfait, il est, par la même nécessité :
-
tout puissant ; il peut tout ce qu’il veut,
-
toute bonté et toute justice ; il ne veut que le bien,
-
toute sagesse ; il sait exactement et harmonieusement adapter les moyens aux fins.
Il en résulte que si Dieu existe, il a nécessairement pu vouloir et su créer le moins imparfait de
tous les mondes imparfaits théoriquement concevable, le mieux adapté aux fins suprêmes- le
meilleur des mondes possibles. D’où le nom de la théorie, qui vient du latin optimum et du
suffixe –isme : « la doctrine du meilleur » (Gaillard 1999 : 21).
4
http://fr.wikipedia.org/wiki/Leibniz

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