Télécharger

Transcription

Télécharger
Enquête mycotoxines : la contamination des blés en France depuis 2010 Pour la première fois, NEOVIA publie, en collaboration avec le laboratoire d’analyse LABOCEA (ex LDA 22) les résultats de son enquête sur la contamination en mycotoxines des blés en France, de 2010 à 2013. Aujourd’hui, l’expertise de NEOVIA ne s’étend plus seulement à l’amélioration continue de sa gamme d’additifs, mais aussi à la réalisation d’enquêtes mycotoxines solides sur matières premières et aliments. Le saviez-­‐vous ? La problématique des mycotoxines est connue depuis plus de 50 ans, et il existe potentiellement plus de 300 000 molécules différentes. Plus de 1000 mycotoxines et métabolites ont d’ores et déjà été recensées jusqu’aujourd’hui, et 43 peuvent être analysées en routine pour la nutrition animale. De plus, si les effets de certaines mycotoxines sur la santé et les performances des animaux sont bien connus, les interactions entre différentes molécules sont souvent négligées voire complétement oubliés ! Ces effets combinés (on parle d’effets synergiques) sont pourtant souvent bien plus dangereux pour les animaux que la simple addition des effets un à un des différentes mycotoxines. Regardons ensemble quelles contaminations en mycotoxines ont affecté les blés français depuis 2010… Sans oublier les co-­‐contaminations et les effets de synergies! MATERIEL & METHODE Depuis 2010, plus de 250 échantillons de blé français ont été analysés par Neovia et LABOCEA (cf. tableau n°1). Tous ces échantillons ont été analysés grâce à la méthode de chromatographie liquide couplée à une spectrographie de masse (LC-­‐MS / MS), avec des seuils de détection, très fins, variables en fonction des mycotoxines (cf. tableau n°2). Tableau n°1 : Nombre d’échantillons analysés par an Nombre d’échantillons de blé analysés en 2010 26 Nombre d’échantillons de blé analysés en 2011 67 Nombre d’échantillons de blé analysés en 2012 94 Nombre d’échantillons de blé analysés en 2013 64 Tableau n°2 : Seuils minimaux de détection SEUIL DE MOLECULE DETECTION (PPB) T-­‐2 / HT-­‐2 >10 T-­‐2 Tétraol >20 T-­‐2 Triol >20 DON >10 DOM-­‐1 >10 15 ac DON >10 3 ac DON >10 Nivalénol >10 Zéaralenone >10 Somme des métabolites >10 Somme fumonisines B1, B2 et B3 >10 Monoliformine >100 Acide ténuazonique >50 Somme des alcaloïdes >10 Sommes des aflatoxines >1 Ochratoxine A >1 Au total, 43 mycotoxines différentes ont été testées dans chaque échantillon : des mycotoxines se développant majoritairement au champ comme les trichothécènes, la zéaralénone et les fumonisines ; mais aussi des mycotoxines se développant surtout pendant la conservation au silo, comme les ochratoxines et les aflatoxines ; et des mycotoxines pouvant se développer aussi bien au champ que pendant la conservation, comme les alcaloïdes de l’ergot. Cette étude synthétise donc plus de 10 500 analyses de mycotoxines. Afin d’évaluer la fréquence d’apparition de métabolites ou des molécules de mêmes familles, la présence relative des « molécules sœurs » de la toxine T-­‐2, du DON, de la fumonisine B1, de la zéaralénone, de l’aflatoxine B1 et de l’ochratoxine A ont été calculés. Enfin, 36 couples de mycotoxines les plus fréquents (co-­‐contamination) ont été identifiés, afin de corréler la présence d’une toxine à une seconde. L’interprétation des résultats présentés ci-­‐après doit tenir compte du fait que tous ces échantillons de blés n’ont pas tous été envoyés en analyse au hasard. Certains étaient suspectés d’être contaminés, l’analyse venant confirmer (ou inverser) ces suspicions. RESULTATS OCCURRENCE DES MYCOTOXINES Au travers des 251 résultats d’analyses effectuées sur des blés, des nettes tendances de contamination ont pu être révélées (cf. tableau 3). Ainsi, au cours des 4 dernières récoltes, en moyenne 88% des blés analysés étaient contaminés par du déoxynivalénol (DON) aussi appelé vomitoxine, produit par les moisissures de champs souvent de type Fusarium. Ce taux atteint même 97% pour la récolte 2013 ! D’autres toxines de Fusarium, le nivalénol et la zéaralénone, sont elles aussi retrouvées à fréquences élevées (respectivement 61% et 24% des échantillons contaminés en moyenne). D’importantes contaminations par des mycotoxines produites généralement autant au champ que pendant la conservation ont aussi été observées. C’est de cas de l’acide ténuazonique, présent dans 20% des échantillons de blés analysés, et des alcaloïdes de l’ergot dans 25% des échantillons. Ainsi un profil général {blé français} peut être dégagé. Toutefois les pourcentages et niveaux de contaminations varient chaque année. Les contaminations sont donc à suivre annuellement pour avoir une réelle vue des risques encourus pour la santé des animaux. 2 exemples pour illustrer ce propos : -­‐
En 2010, le pourcentage d’échantillons contaminés par du DON était inférieur à celui de 2013, mais en moyenne les échantillons étaient 60% plus contaminés ! -­‐
2011 a été l’année présentant les plus fortes contaminations en Nivalénol, alors que ce fut l’année 2012 pour les toxines T-­‐2 / HT-­‐2. Tableau n°3 : Occurrence des mycotoxines par année de récolte FAMILLE DE MYCOTOXINE Champs Trichothécènes de type A stockage MOYENNE (PPB) ECART-­‐TYPE (PPB) 2010 2011 2012 2013 2010 2011 2012 2013 2010 2011 2012 2013 T-­‐2 / HT-­‐2 15% 18% 26% 16% 13 23 442 23 5 26 62 29 Métabolites: T-­‐2 Tétraol 12% 6% 9% 9% 380 24 90 53 598 5 125 65 T-­‐2 Triol 0% 0% 1% 0% 0 0 20 0 0 0 0 0 DON 85% 81% 87% 97% 918 187 649 570 598 657 878 628 DOM-­‐1 15% 1% 5% 0% 18 35 11 0 12 0 2 0 15 ac DON 15% 7% 16% 30% 46 131 23 15 13 237 15 4 3 ac DON 15% 4% 7% 11% 31 90 15 14 22 72 6 6 Nivalénol 54% 61% 60% 67% 41 266 31 30 71 1558 55 52 Zéaralenone 38% 9% 29% 27% 148 103 50 66 241 155 51 172 Métabolites 8% 1% 1% 2% 25 30 10 10 0 0 0 0 Fumonisines B1, B2 et B3 15% 4% 5% 8% 48 723 51 55 25 1201 40 58 Autre produit Monoliformine de Fusarium sp. 8% 0% 3% 11% 590 0 133 225 205 0 67 94 Alternaria Acide ténuazonique 42% 34% 12% 8% 93 181 438 118 77 295 552 59 Alcaloïdes de l’ergot Somme des alcaloïdes 8% 16% 37% 25% 148 3055 1490 241 124 8945 4100 329 Aflatoxines Sommes des aflatoxines 0% 0% 0% 0% 0 0 0 0 0 0 0 0 Ochratoxines Ochratoxine A 15% 1% 0% 5% 9 5 0 16 9 0 0 27 Fumonisines Stockage % ECHANTILLONS CONTAMINES Métabolites: Trichothécènes de type B Zéaralenone Champs et MOLECULE Effets sur les animaux Seules ou conjuguées à d’autres problèmes pathologiques ou mauvaises conduites d’élevages, les mycotoxicoses provoquent et amplifient sensiblement les pertes de performances des troupeaux et les effets sur la santé des animaux. Aussi, lorsqu’elles sont présentes simultanément dans une matière première, les mycotoxines peuvent créer des synergies et avoir des conséquences bien plus délétères pour la santé des animaux que la simple addition des effets des mycotoxines isolées ! Le DON, présent majoritairement dans les échantillons analysés, a des effets plus ou moins importants selon la sensibilité des espèces : les porcs y sont très sensibles, les volailles et ruminants relativement moins. Les premiers effets d’une intoxication chronique par le DON sont des baisses de GMQ et d’ingestion ainsi que des altérations de l’immunité. Bien que légèrement moins présent dans les échantillons analysés, le nivalénol, autre trichothécène de type B (comme le DON), est reconnu pour être globalement plus toxique que le DON : il est documenté pour son immunotoxicité et son hématotoxicité. La zéaralénone est, elle, très bien documentée pour ses effets délétères sur la reproduction. Les espèces les plus sensibles aux effets de la zéaralénone sont les porcs, suivis des ruminants et des volailles. Ses effets peuvent varier entre retard d’œstrus, avortements, baisse de la qualité de semence et modifications des caractères sexuels. Enfin, l’acide ténuazonique présent dans 20% des échantillons, amplifie les effets des trichothécènes, et les alcaloïdes de l’ergot retrouvés dans un quart des blés analysés sont à l’origine de baisse de GMQ et de troubles de la fertilité, notamment chez les porcs. CO-­‐CONTAMINATION PAR DES METABOLITES ET / OU DES MOLECULES SŒURS En règle générale, dans les plans de contrôle de matières premières, seules les mycotoxines les plus connues sont recherchées. Mais bien souvent, lorsqu’il y a une contamination par de la fumonisine B1 par exemple, il y a également présence des fumonisines B2 voire B3. Même constat pour le DON et le 15-­‐acetyl-­‐DON ou le 3-­‐
acetyl-­‐DON ou le DOM-­‐1… D’où l’importance de savoir si, lorsque l’on trouve une mycotoxine, il faut considérer cette contamination seule ou s’il faut considérer les autres molécules morphologiquement proches qui auront des effets similaires sur les animaux… Nombre d'échantillons contaminés par mycotoxine et métabolites (%) Le graphique 1 ci-­‐dessous présente le pourcentage d’échantillons contaminés à la fois par une molécule et par des molécules morphologiquement proches, pour les échantillons de la récolte 2013. 70% Graphique n°1: Contaminations multiples. Récolte 2013 (64 échantillons) 67% 60% 50% 40% 30% 40% 34% 20% 10% 6% 0% T-­‐2 + métabolites DON + métabolites Fumonisine B1 Zéaralénone + ABlatoxine B1 + Ochratoxine A + + métabolites métabolites métabolites métabolites Il ressort que pour trois mycotoxines, les blés français sont également très souvent contaminés par leurs métabolites ou molécules sœurs: fumonisine B1, toxine T-­‐2, et DON. Cependant, même si 67% des échantillons contaminés par la fumonisine B1 le sont aussi par ses molécules sœurs (fumonisines B2 et B3), les quantités de toxines présentes ne sont généralement pas assez élevées pour impacter notablement la santé ou les performances des animaux (sauf exceptions). Les métabolites de la toxine T-­‐2 (HT-­‐2, T-­‐2 triol, T-­‐2 tétraol), présents dans 40% des échantillons contaminés par cette première, ont des toxicités globalement très supérieures à celle du DON, tout comme la toxine T-­‐2 elle-­‐même. Il est donc important d’en tenir compte pour l’évaluation de la qualité des blés. Enfin, 34% des échantillons contaminés par le DON contiennent également des métabolites de DON : 3-­‐ac-­‐DON, 15-­‐ac-­‐DON et/ou DOM-­‐1. Comparées au DON, ces métabolites ont des toxicités variables en fonction des espèces. Ainsi le 15-­‐ac-­‐DON est prouvé pour être environ 5 fois plus toxique pour les porcs que ne peut l’être le DON alors que le DOM-­‐1 semble moins toxique, par exemples. CO-­‐OCCURRENCE DES MYCOTOXINES Graphique n°2 : Contamination par couples de mycotoxines Récolte 2013 (64 échantillons) Nivalénol + Alcaloïdes de l'ergot 18,8% Nivalénol + Zéaralénone 19,0% 67,2% DON + Nivalénol DON + Alcaloïdes de l'ergot DON + Monoliformine 25,0% 10,9% DON + Zéaralénone T-­‐2 + Nivalénol T-­‐2 + DON 26,6% 12,5% 14,1% 0,0% 10,0% 20,0% 30,0% 40,0% 50,0% 60,0% 70,0% 80,0% Parmi les 36 couples de mycotoxines étudiés, seuls 8 couples contaminent plus de 10% des échantillons (voir graphique 2). C’est le cas notamment du couple {DON + Nivalénol} qui apparait dans plus de 67% des échantillons de blé analysés. D’autres co-­‐contaminations apparaissent fréquemment, comme le DON associé à la zéaralénone ou le DON associé aux alcaloïdes de l’ergot. Globalement, ces associations de mycotoxines suivent les tendances de contamination des échantillons. En effet, le DON étant présent dans 97% des échantillons de la récolte 2013, il se retrouve de fait très souvent associé à plusieurs types de toxines présentes également dans ces échantillons ! Les effets de ces co-­‐contaminations ne doivent cependant pas être négligés. Deux mycotoxines présentes dans un échantillon à des niveaux individuels trop faibles pour être toxiques peuvent le devenir lorsqu’elles sont associées. C’est notamment le cas de la synergie créée par le DON et le Nivalénol qui, associés, altèrent l’intégrité de la barrière intestinale des animaux, parfois même à de très faibles concentrations. L’association du DON et de la zéaralénone présente également un autre effet synergique notable. Elle provoque notamment des baisses de GMQ et de consommation alimentaire, ainsi qu’une altération de l’immunité, notamment chez les porcs. Des troubles de la reproduction peuvent également être observés, même avec des faibles contaminations en zéaralénone. Enfin, même si peu d’études ont été réalisées sur les potentiels effets synergiques des alcaloïdes de l’ergot et du DON, cette combinaison semble être additive. CONCLUSION L’enquête mycotoxines réalisée par NEOVIA en collaboration avec LABOCEA sur les blés des récoltes 2010 à 2013 apporte une information souvent demandée par les professionnels de la nutrition animale en France : quelles sont les mycotoxines présentes dans les blés ? Au-­‐delà de cette première réponse qualitative et quantitative, l’enquête met en lumière que la contamination des matières premières ne peut se résumer à la seule présence de 6 principales mycotoxines usuellement recherchées (DON, T-­‐2, FB1, ZON, OTA, AFLA). Il s’agit d’un sujet bien plus complexe, qu’il faut aborder dans sa totalité. Plus d’études doivent désormais être menées pour mieux appréhender les effets synergiques que peuvent avoir certaines mycotoxines entre elles, et pour mieux connaitre les effets de certaines toxines. La communauté scientifique internationale publie de nombreux travaux chaque année, enrichissant petit à petit la connaissance sur ce thème compliqué et souvent sous-­‐estimé pour les professionnels. Les mycotoxines dans l’alimentation constituent un problème majeur pour la santé des animaux, très souvent difficile à diagnostiquer. Une approche globale peut être mise en place afin de mieux évaluer les risques pour les animaux. Une stratégie adaptée peut être également adoptée pour contrer les effets néfastes en cas de contaminations avérées. Pour faire face à cette thématique complexe, n’hésitez pas à faire appel à des experts.