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d es r éf o r mes ?
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É d u c a t i o n c o m p a r é e / n o u v e l l e sé r i e
Vo l. 8 / 20 1 3 / IS S N 0 339-54 56
> É d u c a t i o n c o m p a r é e / n o u v e l l e sé r i e <
Vol . 8
couveduccomparee8-2013.indd 1
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N° 8 / 2013
L'enseignement supérieur
en Europe : harmonisation
ou hybridation des
réformes ?
Éducation comparée
Revue de recherche internationale et comparative en
éducation
Membre fondateur : Michel DEBEAUVAIS
Rédacteur en chef : Régis MALET
Co-rédacteurs en chef adjoints : Juergen SCHRIEWER, José Luis WOLFS
Secrétaire de rédaction : Marie-Lise HORTHOIS
Comité de rédaction
Abdel BABA-MOUSSA, Université de Caen
Sylvie CONDETTE, Université de Lille 3
Marc DEMEUSE, Université de Mons
Vincent DUPRIEZ, Université catholique de Louvain
Julia RESNIK, Université Hébraïque de Jérusalem
Comité scientifique
Mark BRAY, Université de Hong Kong
Hélène BUISSON-FENET, Ecole Normale Supérieure, Lyon
Rui CANARIO, Université de Lisbonne
Luís Antonio CUNHA, Université Fédérale de Rio de Janeiro
Georges FELOUZIS, Université de Genève
Henri FOLLIET, AFEC, Paris
Mariane FRENAY, Université catholique de Louvain
Juan Carlos GONZALEZ FARACO, Université de Huelva
Claude LESSARD, Université de Montréal
Marie MCANDREW, Université du Québec à Montréal
Suzanne MAJHANOVICH, Université de Western Ontario
Christian MAROY, Université de Montréal
Denis MEURET, IREDU, Université de Bourgogne
Nathalie MONS, Université de Cergy
Romuald NORMAND, INRP, Université de Lyon II
Antonio NOVOA, Université de Lisbonne
Marylin OSBORN, Université de Bristol
Francesc PEDRO, Université de Barcelone
Daïsuké SONOYAMA, Université de Oïta
Malika TEFIANI, Université d’Alger
Agnès VAN ZANTEN, OSC-CNRS, Paris
Directeur de la publication : Régis MALET, Président de l’AFEC
Mise en page : Anne SENECAL
L'enseignement supérieur
en Europe : harmonisation
ou hybridation des
réformes ?
Roser Cussó & Romuald Normand (coord.)
Sommaire n° 8
L'enseignement supérieur en Europe : harmonisation ou
hybridation des réformes ?
Dossier coordonné par Roser Cussó & Romuald Normand, rédacteurs en
chef invité
Roser Cussó & Romuald Normand
L'enseignement supérieur en Europe : harmonisation ou
hybridation des réformes ? ..................................................................7
Articles
Susan Robertson
Union Européenne, « régionalisme de l’Etat régulateur » et
nouveaux modes de gouvernance de l’enseignement
supérieur ..............................................................................................15
Jean-Émile Charlier & Sarah Croché
Comment le processus de Bologne a modifié la signification
et les enjeux de l’évaluation des enseignements ............................43
Dennis Niemann, Tonia Bieber & Kerstin Martens
Contre toutes attentes - L’influence européenne sur les
politiques d’enseignement supérieur en Allemagne et en
Suisse. ...................................................................................................63
Cécile Hoareau
Les limites de la gouvernance délibérative ? Processus de
Bologne et tentatives d’émulation aux Etats-Unis .........................97
Jeoffrey Gaspard
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe :
une analyse du discours promotionnel en ligne des
universités..........................................................................................127
Antonio Luzón, Miguel A. Pereyra & Mónica Torres
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités
espagnoles: Les subterfuges du discours et le vide de la
pratique. .............................................................................................149
Veille scientifique, Parutions .............................................................177
Agenda des colloques ...........................................................................225
Abonnement, adhésion et commande de numéros .........................239
Note aux contributeurs .........................................................................243
I n t r o d u c t i o n …7
Introduction
Roser CUSSÓ
& Romuald NORMAND
Les réformes de l’enseignement supérieur et de la recherche se sont
accélérées depuis le lancement du Processus de Bologne (1998), un
processus intergouvernemental, suivi de la Stratégie de Lisbonne (2000)
à dimension supranationale. Des recommandations et divers
instruments ont été mis en œuvre pour accompagner ces réformes à
travers notamment la Méthode Ouverte de Coordination. Des
directives ont pu être adoptées comme celles relatives à la certification
et à la qualité. Le sens politique de ce programme institutionnel est
aujourd’hui assez bien mis en évidence : autonomie des institutions,
développement de la compétition marchande, adaptation au marché
de l’emploi, augmentation du financement privé, évaluation de la
qualité, place de l’expertise dans le processus de décision, etc.. Mais il
est plus difficile d’identifier les liens entre ce projet d’harmonisation
plus ou moins souple (qualifié de « soft law ») et les décisions
concrètes et nombreuses prises à l’échelle des Etats. Nous faisons face
à l’hybridation, dans un même espace européen, d’une production de
normes dont la légitimité reste ambiguë parce qu’elle relève largement
d’un pouvoir technocratique différent de la puissance législative sur
laquelle se fondent habituellement les modes traditionnels de
représentation politique.
De même, il existe peu de travaux sur la façon dont sont réalisés des
emprunts mutuels et des transferts de politiques d’enseignement
supérieur entre les organisations internationales et les Etats, voire
entre les Etats eux-mêmes. On sait finalement peu de choses sur la
manière dont les décideurs politiques vont s’approvisionner auprès
d’institutions comme la Commission Européenne, l’OCDE, la banque
mondiale et comment ils utilisent les savoirs et les outils mis à leur
disposition. La littérature d’éducation comparée a produit bon nombre
d’études de cas, elle a assez peu investi les processus transnationaux
de traduction et de circulation des normes, connaissances, instruments
à la différence des études de sciences politiques où cette
problématique est en plein développement. L’interaction entre les
deux champs, celui de l’éducation comparée et celui des sciences
politiques de la construction européenne, constitue donc un enjeu
intéressant pour explorer davantage les effets du processus de
Bologne. Toutefois, il paraît nécessaire de ne pas en rester à l’échelle
internationale et d’être capable simultanément de prendre en compte
les contextes politiques nationaux et locaux comme la manière dont
ces normes internationales sont adaptées et recontextualisées après
qu’elles aient été transférées ou importées d’un Etat à un autre. Il
devient alors possible de s’intéresser aux acteurs et à l'espace où
s'exercent le pouvoir, la décision publique et le changement
institutionnel. En se situant dans cette problématique, les auteurs
réunis dans ce dossier entendent retracer un certain nombre de
tensions et d’ambivalences dans la mise en œuvre des politiques
d’enseignement supérieur selon différents contextes nationaux.
Les contributions couvrent une bonne partie des questions
auxquelles s’intéresse aujourd’hui la recherche internationale
consacrée à l’enseignement supérieur. Pour Susan Robertson
(Université de Bristol), l’Union européenne (UE) constituerait une
unité régulatrice (pouvoir normatif) revendiquant un statut de type
étatique. Il s’agit d’un régionalisme régulateur qu’elle propose de
conceptualiser. L’approche privilégiée est celle de la progressive
émergence d’un « projet politique », les gouvernances régionales
relevant de différents blocs (Europe, Amérique, Asie, etc.) n’étant pas
encore établies. Ce sont les conditions économiques qui, dans un
premier temps, sont à la base des transformations politiques. La
restructuration du capital domestique et étranger crée une dynamique
de régionalisation qui, à son tour, conduit à la formation de règles
supranationales. Robertson donne par là une explication de type
économique aux mutations actuelles dans les différents échelons du
pouvoir : c’est la nouvelle situation économique qui fait exister l’Etatrégion. La création d’un « marché unique » s’est d’abord fait à
l’intérieur de l’UE pour ensuite, une fois le capital restructuré, se situer
dans la mondialisation externe en tant que région. Dans ce contexte,
l’espace étatique multi-scalaire exerce une « souveraineté
contingente ». Cette perspective permet de comprendre l’évolution de
la cohabitation entre différentes légitimités, les entités européennes
I n t r o d u c t i o n …9
tendant peu à peu à assumer les souverainetés traditionnellement
fondées la reconnaissance des peuples. De fait, il est significatif que le
Traité constitutionnel ne contienne jamais ensemble les termes
« souveraineté » et « peuples » diluant alors la première notion dans
l’expression « Peuples d’Europe » (ajouter citation).
En s’intéressant aux fonctions de l’évaluation en Belgique
francophone, Jean-Emile Charlier et Sarah Croché montrent comment
les instruments de la qualité transportent une logique managériale
dont les fondements sont observables dès la première réunion de la
Sorbonne par la mise en réseau des acteurs et des institutions de
l’enseignement supérieur en Europe. S’appuyant sur la notion de
dispositif empruntée à Michel Foucault, les deux auteurs retracent les
différentes configurations ayant fait émerger cette politique et cette
architecture de la qualité entre les Etats-Membres. La migration des
objets, des standards aux classements internationaux, des réseaux
sociopolitiques jusqu’aux agences supranationales, s’est opérée par
différentes étapes selon un processus de traduction conférant en
même temps une puissance normative et convergente à l’évaluation
des institutions d’enseignement supérieur.
L’article de Dennis Niemann, Tonia Bieber et Kerstin Martens
nourrit le dialogue avec les contributions précédentes. Les auteurs
pensent également que la compétitivité est déjà là, indépendamment
des positions gouvernementales. Plus encore, les Etats ont adopté la
mise en compétition des institutions universitaires et des étudiants
comme allant de soi. Le Processus de Bologne est considéré comme la
mise en œuvre d’une volonté politique préalable qui introduit les
réformes mais aussi le reflet d’un processus économique préexistant et
quelque part inévitable. Cependant, les cas de l’Allemagne et de la
Suisse permettent d’identifier des effets sensiblement différents selon
les contextes nationaux. Alors que le gouvernement allemand a choisi
d’accentuer la décentralisation de l’enseignement supérieur, la Suisse
a procédé à une centralisation. Les auteurs mettent en avant l’idée
d’une « instrumentalisation » du processus de Bologne dans
l’avancement de l’agenda politique national, grâce notamment à un
« jeu à deux niveaux » entre l’UE et l’Etat. La preuve en est faite par
l’analyse des discours officiels : le même appel aux mots d’ordre
internationaux a toutefois été utilisé pour légitimer des directions
opposées. Cette différence est expliquée par l’émergence d’une «
nouvelle raison d’Etat » variable selon les contextes politiques,
sociaux, et culturels.
Cécile Hoareau, quant à elle, met en valeur la notion de
« gouvernance délibérative » en comparant la situation de l’UE et des
Etats-Unis. En effet, le processus de Bologne conduit à la diffusion de
croyances et de normes partagées parmi les décideurs politiques et les
responsables institutionnels. L’idée de « gouvernance délibérative »
ouvre donc une nouvelle perspective théorique dans le champ des
études politiques européennes. Plutôt que de considérer en généralité
une « politique publique européenne », l’expansion de la gouvernance
multi-niveaux permet de rendre compte de la complexité à l’oeuvre.
Le système politique européen possèderait des strates institutionnelles
multiples, au-delà des deux niveaux (national et européen)
généralement retenus, comprenant des gouvernements nationaux, des
agences régionales et indépendantes comme des groupes d’intérêts. La
gouvernance délibérative repose sur la participation réciproque
d’agents ouverts à l’échange d’arguments au sein des institutions
européennes. La méthode ouverte de coordination fait partie de ce
processus. Le terme de « gouvernance délibérative » ne renvoie pas à
la constitution d’univers politiques traditionnels (comme la majorité et
l’opposition dans les partis politiques ou les institutions
représentatives européennes) mais au fait que se développent des
échanges continus entre les acteurs qui créent une connaissance
commune sur la base d’une expertise et de règles partagées. Par
contraste, l’action exercée par le discours politique demeure beaucoup
plus figée alors que la gouvernance délibérative relève d’un processus
d’apprentissage dynamique.
L’article de Jeoffrey Gaspard explore ensuite une perspective plus
« locale » : impact des discours, recommandations et instruments
européens sur un échantillon d’universités. La comparaison des sites
Internet de ces différentes institutions lui permet d’identifier
l’harmonisation selon la place sociale accordée à l’enseignement, son
internationalisation et sa transformation : la vulgate de l’échec et la
réussite des étudiants se substituent à la mise en œuvre de moyens
nécessaires en termes de recrutement et de financement. Les mêmes
énoncés promotionnels et régularités discursives sont à l’œuvre et
surdéterminés par le contexte de l’européanisation croissante des
politiques d’enseignement supérieur. Malgré les décalages dans les
pratiques effectives, cet univers sémantique se matérialise dans des
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discours qui renforcent la logique entrepreneuriale des universités et
la justification de l’ouverture à des parties prenantes (stakeholders). Ces
discours relèvent d’une autonomie contrôlée et opèrent, à l’image du
benchmarking, un phénomène de convergence entre institutions et
Etats.
Enfin, l’article d’Antonio Luzón, de Miguel A. Pereyra et Mónica
Torres s’intéresse à l’adaptation de l’Etat espagnol au projet de
création d’un Espace Européen de l’Enseignement Supérieur dérivé
du Processus de Bologne. Elle constitue un bon exemple de la vacuité
discursive des décideurs politiques et institutionnels tout en possédant
des effets réels de transformation des structures universitaires. Les
auteurs montrent également comment se justifie un ajustement des
enseignements au marché de l’emploi et à la compétitivité
économique. Enfin, l’Espagne connaît aussi un processus de
recentralisation de son système universitaire et de recherche par voie
législative, similaire à la Suisse. L’autonomie des universités, fondée
notamment sur une gestion entre pairs, est progressivement
remplacée par un mode de gestion
d’inspiration néolibérale,
préoccupé par l’efficience, la rentabilité et la maîtrise des coûts.
Plus généralement, les questionnements des auteurs nous amènent à
considérer plusieurs pistes et/ou champs d’analyse pertinents pour
l’éducation comparée. Peu de travaux ont été développés dans
l’espace francophone pour comparer les différentes formes de
justifications données aux politiques européennes d’enseignement
supérieur et de recherche. En ce sens, Susan Robertson avance une
thèse novatrice qui mériterait sans doute le développement de travaux
empiriques et comparatistes. L’analyse de la construction européenne
montre que la libéralisation des services et la marchandisation du
secteur sont encouragées depuis plus de quarante ans par les
responsables de certains Etats et les grandes organisations
internationales. Comment penser en même temps les effets de la
globalisation et de la construction européenne et les reconfigurations
à l’œuvre derrière le mot d’ordre « autonomie des universités » ?
Cecile Hoareau souligne l’imbrication d’acteurs multiples dans la
construction de la prise de décision européenne. Des questions
demeurent sans réponse : peut-on discerner des hiérarchies, des types
de pouvoir différents ? Qui a l’initiative des premiers textes à discuter,
par exemple ? Quelle est la place de l’expertise et des groupes
d’intérêts ? Quels sont les réseaux concrets de cette « nébuleuse » ? Ce
travail de normalisation européen est toutefois équilibré, comme le
montre la comparaison entre la Suisse et l’Allemagne par l’importance
du législatif et de l’action gouvernementale. Le cas de l’Etat espagnol
permet de confirmer, comme pour la Suisse, un processus de
recentralisation (réf Dale pour l’Angleterre). Dennis Niemann, Tonia
Bieber et Kerstin Martens analysent cette politique nationale en termes
d’instrumentalisation. Pour l’Etat espagnol, il semble que celle-ci soit
plus diffuse et qu’un régime discursif prédomine.
Toutefois, les instruments sont bien là comme l’attestent l’article de
Jean-Emile Charlier et de Sarah Croché sur les dispositifs de la qualité
mais également celui de Jeoffrey Gaspard sur les sites Internet. En ce
sens, ils contribuent, comme les rapports de la Commission
Européenne, à créer différentes formes d’irréversibilité dans l’espace
européen de l’enseignement supérieur et de la recherche. Classements,
standards, benchmarks, discours stéréotypés, modifient les
représentations des acteurs mais aussi les techniques de
gouvernement et les types d’organisation des institutions comme du
travail académique. La production des normes s’affranchit des
contraintes législatives et règlementaires traditionnelles pour instituer
une nouvelle normativité en dehors du contrôle étatique mais aussi
des formes de délibération démocratique propres aux Etats. Cette
nouvelle forme de gouvernance délibérative, décrite par Cecile
Hoareau, suffit-elle à nourrir un vrai espace de discussion entre tous
les acteurs concernés par ces évolutions sans s’enfermer dans des
circularités discursives ?
Enfin, il existe peu de travaux capables d’expliquer les relations
transversales entre acteurs et institutions au-delà des frontières. Par
exemple, on connaît mal l’univers des relations entre les responsables
des ministères et leurs homologues européens dans la définition d’un
nouvel agenda politique pour l’espace européen de l’enseignement
supérieur et de la recherche. Le rôle des organisations ou des agences
non-gouvernementales est assez mal délimité. L’ouverture d’un
nouveau chantier de recherche permettrait d’étudier cette « nouvelle
raison d’Etat », de plus en plus déconnectée de son assise politique,
traditionnelle, alors qu’elle est investie dans des échanges et des
réseaux supranationaux de plus en plus nombreux. Il apparaît, si l’on
en juge par la littérature de sciences politiques développée sur le sujet,
que ces normes internationales sont utilisées pour forger des alliances
I n t r o d u c t i o n …13
politiques ou économiques afin de soutenir et d’imposer des réformes
contestées au travers de rhétoriques mais aussi de groupes d’intérêts
mobilisées à certains moments de la mise en œuvre des réformes.
Un tel programme de recherche ne peut ignorer la tension entre d’un
côté une instrumentalisation par des normes et des rhétoriques
officielles et de l’autre une harmonisation des systèmes et des
institutions rendue difficile par la variété des contextes nationaux et
locaux. Si les réformes adoptées possèdent des effets variés, comme
l’ont montré les auteurs, elles présentent aussi des convergences. En ce
sens la notion d’hybridation aurait pu être mieux développée afin de
montrer l’articulation entre le commun et le particulier, à l’image de
l’article de Gaspard qui analyse systématiquement les discours mais
aussi les politiques concrètes des institutions, à travers l’accès aux sites
Internet des universités. Les modalités de traduction gagneraient aussi
à être précisées : quelle est la part entre l’action volontaire des Etats
(mimétisme, transfert de « bonnes pratiques », participation à des
groupes d’experts) et des approches plus coercitives (imposition de
benchmarks, harmonisation législative, création de cadres normatifs
notamment statistiques) ? Au-delà des effets d’une harmonisation ou
d’une production de normes dans l’espace européen et international,
l’enjeu est de mieux comprendre les mécanismes de pouvoir et les
relations entre groupes transnationaux et la façon dont ils contribuent
progressivement à diminuer l’autonomie des Etats dans la formulation
et la mise en œuvre de leur politique d’enseignement supérieur.
Éducation comparée / nouvelle série, n°8, pp 15-41.
Union Européenne, « régionalisme de l’Etat
régulateur » et nouveaux modes de
gouvernance de l’enseignement supérieur
Susan Robertson
Centre for Globalisation, Education
& Societies
Université de Bristol
Royaume-Uni
RÉSUMÉ
La conceptualisation d’un “régionalisme régulateur” proposée par
Jayasuriya est utile pour examiner la présence, la signification et les effets des
nouveaux mécanismes de gouvernance de l’enseignement supérieur dans la
constitution de l’Europe comme région compétitive et économie de la
connaissance. En particulier, il défend l’idée que nous avons besoin, d’une
part, de prendre suffisamment en compte le rôle des économies politiques
domestiques dans la constitution des régions, et d’autre part, le rôle constitutif
de ces processus dans leur construction. En m’intéressant à cette tendance du
projet de régionalisation et de mondialisation en Europe, je montre que le
« régionalisme régulateur » peut être toutefois nuancé s’il prend en compte les
dynamiques « extra-régionales » qui ont des effets sur la construction
régionale à travers la manière dont elles confortent et intègrent de nouvelles
structures, processus et relations sociales, à l’intérieur comme à l’extérieur de
la région. La conclusion de l’article postule que dans le cas de l’Europe, cette
tendance actuelle du régionalisme régulateur dans l’enseignement supérieur
peut aussi être conçue comme la partie d’un projet statiste plus vaste qualifié
de « régionalisme régulateur étatique ».
MOTS CLÉS
Europe;
enseignement
supérieur;
gouvernance;
régionalisation; économie de la connaissance
mondialisation;
ABSTRACT
Jayasuriya’s conceptualisation of ‘regulatory regionalism’ is particularly
useful for examining the presence, significance and effect of new higher
education governance mechanisms in constituting Europe as a competitive
region and knowledge-based economy. In particular he argues that we need
to take sufficient account of the role of domestic political economies in
constituting regions, on the one hand, and the role of governance
mechanisms, on the other, and the constitutive role of these processes in
region-building. Focusing on the current moment of this regionalising and
globalising project in Europe, I argue that ‘regulatory regionalism’ can be
further nuanced if it takes into account ‘extra- regional’ dynamics that have
effects on region-building through the way they thicken and embed new
structures, processes and social relations within and beyond the region. I
conclude by arguing that in the case of Europe, this current moment of
regulatory regionalism through higher education might also be conceived of
as part of a wider project around statehood called ‘regulatory state
regionalism’.
KEYWORDS
Europe; higher education; governance; globalisation; regionalisation;
knowledge economy
Introduction
La conceptualisation d’un « régionalisme régulateur » défini par
Jayasuriya (2003, 2008) est particulièrement utile pour examiner (a) la
présence, le sens et l’effet des mécanismes de gouvernance de
l’enseignement supérieur dans la constitution de l’Europe comme
région compétitive et économie de la connaissance, et (b) le rôle des
économies politiques domestiques dans ce processus. Pris dans son
ensemble, ce « champ » dynamique et politique d’inter/action (Chorey,
2007) offre une bonne vision des relations constitutives et
transformatives entre l’Europe comme région d’une part, et comme
économies domestiques et nationales de l’autre. Dans la première
partie de cet article, j’examine ces mécanismes et la façon dont ils
constituent et rendent gouvernable un espace européen (compétitif) de
l’enseignement supérieur et de l’économie de la connaissance, en
défendant l’idée qu’il existe des phases distinctes dans ce projet
politique- c’est aussi le résultat d’une transformation des forces
sociales, d’un re-calibrage et d’une ré-articulation de son contenu
socio-économique.
En explicitant la conjoncture du projet, je montrerai que le
« régionalisme régulateur » dans l’Europe peut aussi être nuancé afin
de prendre en compte la façon dont l’extra-régional (économies
voisines, économies domestiques stratégiques mais plus distantes,
anciennes relations et réseaux coloniaux, nouvelles formations
interrégionales) est aussi enrôlé, mobilisé et transformé au travers du
déploiement d’outils de gouvernance de l’enseignement supérieur. Au
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e …17
sein de cet assemblage, l’« extra-régional » dans le projet politique
européen semble guidé par une combinaison de forces et de projets : la
revendication par l’Europe d’une souveraineté territoriale comme
d’un statut étatique (Elden, 2006) ; l’extension de l’Europe dans son
projet politique à d’autres exigences géostratégiques ; l’attraction des
acteurs domestiques voisins et distants pour l’usage des outils de
l’enseignement supérieur en Europe à des fins de mise en cohérence
interne d’un certain nombre de transformations, le désir d’une
exportation et d’une importation mondiales des institutions
d’enseignement supérieur et d’économies domestiques au-delà des
frontières de l’Europe pour aligner l’architecture et les cadres
régulateurs en maximisant la place du marché ; et l’émergence du
pouvoir normatif de l’Europe sur la scène mondiale. Je conclue en
suggérant que dans le cas de l’Europe, cette conjoncture de
régionalisme régulateur peut être aussi conçue comme « régionalisme
régulateur étatique »
Le régionalisme régulateur: une approche
Le « régionalisme régulateur » est une approche permettant
d’étudier le régionalisme mis en avant par Jayasuriya pour dépasser :
(a) la survalorisation des « institutions » formelles régionales au
détriment d’une « compréhension des ressorts principaux politiques et
domestiques de la gouvernance régionale » (2003, 199, souligné par
moi) ; (b) une vision prédominante du régionalisme comme un
processus conduit de l’extérieur au lieu de l’intérieur ; et ‘(c) la
tendance à voir le processus de régionalisation comme le suivi d’un
modèle particulier et idéal-typique plutôt que le résultat de projets
politiques régionaux qui reflètent et construisent les programmes de
régionalisation selon de multiples facettes et dimensions. L’adoption
d’une perspective en termes de « projet politique » à propos du
régionalisme :
« …nous permet de regarder les régions non comme des identités
abstraites mais comme des projets plus ou moins cohérents de
gouvernance régionale. Ces derniers, à leur tour, intègrent des
constellations de pouvoirs et d’intérêts- un cadre qui possède la vertu de
situer les dynamiques de la gouvernance dans le contexte plus large de
projets politiques domestiques (Jayasuriya, 2003, 201)
S’appuyant sur les études d’auteurs comme Felker (2003) et Phillips
(2003) de même que sur ses propres travaux, Jayasuriya soutient que
les projets politiques régionaux émergent comme des réponses aux
crises d’accumulation dans l’économie politique domestique et
mondiale, c'est-à-dire que :
« …les impératifs externes ne peuvent pas être situés en termes de
changement de la dynamique des relations inter-gouvernementales, mais
plutôt dans la façon dont les activités et les opérations du capital
domestique et étranger sont restructurés. C’est ce processus interne de
restructuration qui crée la dynamique de la régionalisation qui, à son
tour, conduit à la formation de règles pour le nouvel espace économique
régional (Jayasuriya, 2003, 201)
Les projets politiques sont avancés par ces forces sociales qui
possèdent un pouvoir discursif et un potentiel matériel pour proposer,
mobiliser, institutionnaliser et gouverner des revendications
territoriales, politiques et marchandes capables de sécuriser de
nouvelles frontières, et ensuite établir et rendre possibles de nouvelles
formes relationnelles et stratégiques, comprenant une organisation
étatique et des règles politiques.
En ajoutant « régulation » pour fabriquer le couple « régionalisme
régulateur », Jayasuriya attire l’attention sur les aspects extraéconomiques dans la stabilisation et la reproduction des relations
sociales capitalistes et en particulier dans la façon dont les modes de
calcul et de gouvernance émergent, et dans la façon dont ils
deviennent institutionnalisés, médiatisés et modifiés (Jessop 2004,
150). En d’autres mots, les régimes d’accumulation sont constitués et
gouvernés à travers un assemblage d’institutions, de projets, de
pratiques et de subjectivités. C'est-à-dire que les projets politiques
n’ont pas des effets discontinus et déconnectés sur une seule échelle,
ils sont plutôt reliés à d’autres échelles et niveaux de l’action politique.
En termes de projets politiques régionaux, nous pouvons dire que les
analyses sur la constitution des régions doivent prendre en compte la
relation dialectique et co-constitutive entre les échelles, plutôt que de
« voir seulement la gouvernance régionale comme une échelle spatiale
qui existe indépendamment de l’Etat national » (Jayasuriya 2008, 21).
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e …19
Le constat est aussi établi par Nitsan Chorey (2007) qui introduit
l’idée d’un « champ unifié d’action », selon une division fluide entre
différents niveaux afin de prendre acte de la façon dont les projets
politiques sont dispersés asymétriquement selon différentes échelles.
S’appuyant sur l’analyse historique des facteurs internationaux et
domestiques dans la formation de la politique commerciale
américaine, elle défend l’idée qu’à n’importe quel moment de
l’histoire, la nature de l’équilibre entre différents niveaux politiques
provient du jeu croisé entre l’asymétrie dynamique et un jeu
particulier d’arrangements institutionnels qui, ensuite, tendent à
donner la primauté à une échelle sur l’autre. Ce type d’analyse nous
alerte sur le fait que les ordres scalaires sont toujours des constructions
sociales contestées, et que les concentrations du pouvoir et des
capacités à des échelles particulières sont le résultat de luttes entre les
forces sociales (Jessop, 2006). Cette vue résonne bien avec celle de
l’analyse néo-gramscienne du pouvoir, de la production et des ordres
du monde par Cox (1999) ; avec celle de Jessop (2004) dans son
approche de l’économie politique culturelle qui attire l’attention sur
les aspects sémiotiques et extra-sémiotiques de l’économie politique ;
et l’analyse de Sassen (2006) sur les relations mouvantes sur un plan
historique et temporel, entre des territoires, une autorité et des droits à
travers la mobilisation de capacités, l’encastrement de logiques et la
réalisation et les effets de points de basculement. J’ai utilisé ces
approches ailleurs, pour examiner la façon dont l’éducation est
mobilisée comme secteur dans l’avancement des projets politiques des
régions (Robertson 2006, 2008a, 2008b; Robertson and Keeling 2008).
Jusqu’à présent, le travail sur le « régionalisme régulateur » a centré
l’attention sur les économies domestiques qui constituent une partie
d’un projet politique régional, ou en d’autres mots ces économies
domestiques qui fabriquent la topographie politique de la région et se
trouvent à l’intérieur de ces frontières. Néanmoins, ce que révèle la
phase récente de la mobilisation de l’enseignement supérieur dans la
construction d’une économie de la connaissance, et c’est un argument
que je mets en avant dans cet article, ce sont les dynamiques qui
conduisent à la transformation de la région qui ne sont pas confinées à
ces économies domestiques au sein d’une région émergente. Ce sont
plutôt, dans cette phase la plus récente, des frontières de l’Europe et
des réseaux de pouvoir qui s’étirent de plus en plus en dehors, et qui
transforment les secteurs de l’enseignement supérieur du voisinage et
les autres économies domestiques autour de la planète. De plus, cette
extension de l’espace mondial, et l’interaction avec la restructuration
domestique et les projets régionaux naissants au-delà de l’Europe,
fournissent une plate-forme pour un leadership normatif par l’Europe
en tant que région. Cela contribue de manière importante à la
naissance d’un espace étatique européen qui s’exprime es qualités
dans les occasions offertes par l’organisation de forums globaux et
régionaux.
« Connaissances », « Economie », « Europe » :
les commencements
La création d’une Europe compétitive et cohérente date des années
1950, et les initiatives dans l’enseignement supérieur y ont joué un rôle
important depuis le début Corbett 2005; Hingel 2001). Néanmoins, de
1950 au début des années 1990, le projet d’enseignement supérieur de
l’Union Européenne était presque entièrement intra-régional dans son
ontologie et ses productions. A l’exception notable du Royaume-Uni
(et dans une moindre mesure de la France et de l’Allemagne),
l’« internationalisation » des programmes d’études dans les contenus,
la mobilité étudiante et la carrière des chercheurs étaient d’abord
orientés vers des partenaires européens et des processus
d’européanisation. Les marqueurs clés pendant cette période furent
l’institutionnalisation de rencontres régulières entre les ministres
européens de l’éducation, la création d’un Institut Universitaire
Européen à Florence en 1971, et l’établissement des programmes
européens de mobilité Erasmus qui facilitèrent le mouvement des
étudiants et des professionnels entre universités des différents EtatsMembres. Les objectifs politiques les plus importants s’inscrivaient
dans ces initiatives à l’échelle européenne et ils avaient pour but de
promouvoir l’esprit européen parmi les citoyens, d’étendre l’influence
de la Communauté (et de la Commission Européenne), et de défendre
le concept de culture et valeurs « Européennes ». Néanmoins Delors
avait également une haute idée de l’éducation et du rôle qu’elle
pouvait jouer dans sa stratégie d’avancement de l’intégration
européenne au travers du marché unique (Corbett 2005, 121). Ainsi,
deux préoccupations se rejoignaient et qui semblaient pouvoir être
relayées par les programmes d’enseignement supérieur : comment
création d’un marché unique européen d’un côté, et naissance d’un
citoyen européen de l’autre. Renforcer l’engagement dans le projet
européen était perçu comme essentiel pour combattre « le
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e …21
nationalisme étroit », un obstacle à l’avancement de l’Europe en tant
que projet politique et culturel.
En 1992, un marché unique et une Union Européenne furent
annoncés par le traité signé à Maastricht par les responsables des Etats
Membres de la Communauté Européenne. Le Traité de Maastricht
reconnaissait le rôle direct de l’Union Européenne dans l’éducation,
essayant en même temps de circonscrire fermement les marges de
manœuvre de la Commission en réduisant l’action au niveau
européen à des activités « supplémentaires ». Alors que le Traité de
Maastricht semblait suggérer que le rôle de l’Union Européenne devait
être modeste, la Commission Européenne sous Delors avait l’ambition
de développer une politique plus compréhensive de l’enseignement
supérieure à l’échelle européenne. Le mémorandum sur
l’enseignement supérieur de 1991 montre que l’enseignement
supérieur était déjà devenu la partie d’un agenda communautaire plus
large visant une certaine cohérence économique et sociale (Huisman
and van der Wende 2004, 350). La Commission réalisa rapidement une
évaluation interne des programmes de l’Union Européenne et
développa une nouvelle stratégie pour exploiter les opportunités
offertes par la reconnaissance de la « dimension européenne » de
l’éducation dans le Traité de Maastricht. Elle commença à regarder
ailleurs au-delà de son espace régional. Elle établit des programmes de
collaboration dans l’enseignement supérieur avec des pays noneuropéens au travers d’initiatives comme le programme ALFA en
Amérique Latine, le développement du programme de coopération
Tempus avec les pays des Balkans de l’Ouest, de l’Est de l’Europe, de
l’Asie Centrale et des pays voisins de la Méditerranée, mais aussi de
relations Asie-Europe au travers de structures interrégionales comme
Asia-Link (Robertson 2008b). Toutefois à cette époque ces
programmes semblaient fondés sur des objectifs de coopération et
d’échanges culturels, et ils n’étaient pas très bien coordonnés avec les
programmes politiques émergents dans le domaine de l’éducation en
Europe. Pour donner un sens à la politique derrière le mémorandum
et aux événements qui ont suivi, il est crucial que nous considérions
maintenant la nature changeante du large contexte géopolitique et
économique dans lesquels les Etats Membres de l’Europe se sont
trouvés eux-mêmes impliqués. En 1991-1992, les plus grandes
économies (comme l’Allemagne) firent l’expérience d’une récession
qui augmenta le nombre des diplômés sans emploi en Europe
(Teichler and Kehm 1995). Cela donna une légitimité au projet de la
Commission Européenne pour l’enseignement supérieur. Néanmoins
les grands changements qui prenaient place dans l’économie mondiale
du fait de la globalisation marchande, de la trans-nationalisation de la
production et de la finance sur le plan matériel et du passage du
keynésianisme au néo-libéralisme sur un plan idéologique avaient un
rôle primordial (Cox 1993, 259–60). Ces changements structurels dans
l’économie mondiale ont eu des implications directes pour l’Union
Européenne dans la mesure où ils ont directement affecté sa
restructuration. Pour être compétitive dans l’économie mondiale,
l’Europe devait se transformer pour adopter une ligne de libéralisation
du commerce et du marché. Comme Bieler et Moron (2001, 5) le
montrent:
“…la dérégulation des marchés financiers nationaux fut
institutionnalisée dans le Programme du Marché Intérieur….alors que le
passage au néo-libéralisme s’exprimait dans la vraie nature de ce
programme et qu’il conduisait à une libéralisation et l’adoption de critères
de convergence néo-libérale pour l’Union Monétaire Européenne en se
centrant sur l’inflation et la stabilité des prix »
Plus généralement, l’impératif de faire avancer l’Europe comme
projet politique et économique, et plus spécifiquement l’économie de
la connaissance, est lié au déclin de la proportion de biens produits à
l’échelle internationale par les Etats-Unis et l’Europe. C’est pour cette
raison, que les Etats-Unis comme l’Europe avaient un intérêt commun
à étendre l’économie mondiale de services - y compris l’enseignement
supérieur considéré comme un marché, un moteur pour l’innovation,
et un secteur clé dans le développement de nouvelles formes de
propriété intellectuelle. Et Hartmann fait remarquer : alors que les
Etats-Unis dominaient le commerce mondial dans les services
commerciaux (avec 14,3% de la part mondiale (WTO, 2007, 12), la part
des Etats-Membres européens (maintenant à 27) était d’environ 46%.
Cette part a également augmenté l’envie et la capacité de l’Union
Européenne de mettre en œuvre des standards dans cette économie
mondiale de services en émergence, en donnant plus tard plus de
poids dans le conflit l’opposant aux Etats-Unis pour exercer le
leadership dans le développement d’une économie mondiale et
compétitive de services.
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e …23
La Stratégie de Lisbonne et l’expansion du
processus de Bologne : visions et mécanismes
En 2000, les activités de l’Union Européenne connaissent une
accélération importante au travers de la « stratégie de Lisbonne », une
pièce majeure de l’extension de la plateforme économique de l’Union
Européenne présentée à travers la fameuse déclaration : « l’Union
Européenne doit être l’économie de la connaissance la plus
compétitive et la plus dynamique dans le monde capable de soutenir
une croissance économique durable avec de meilleurs emplois et une
plus grande cohésion sociale » (European Council 2000). La stratégie
de Lisbonne fournit un mandat et un agenda pour étendre davantage
les responsabilités politiques de l’Europe à l’intérieur des territoires
nationaux-comme dans l’éducation-et en dernière extrémité au reste
du monde. La stratégie de Lisbonne confirmait l’appréhension
néolibérale de la contribution de l’enseignement supérieur au bienêtre socio-économique de la région européenne, en construisant et en
sécurisant le capital humain. En Janvier 2000, sur proposition de la
Commission Européenne, une décision fut prise pour établir un
Espace Européen de la Recherche et de l’Innovation (EERI), avec
l’objectif principal et explicite de soutenir l’économie de la
connaissance à l’échelle européenne dans le cadre d’une « Europe de
la connaissance ». L’agenda de Lisbonne de 2000 pour l’enseignement
supérieur était parallèle au processus de Bologne, un projet distinct et
ambitieux conduit par les gouvernements nationaux, et d’autres,
porteurs d’intérêt pour créer une architecture commune et un Espace
Européen de l’Enseignement Supérieur. Le processus de Bologne
prenait ses racines dans une articulation stratégique entre des agendas
domestiques et régionaux. Après la rencontre de Paris en 1998 qui
célébrait le 800e anniversaire de la Sorbonne, le ministre français de
l’éducation, Claude Allègre, stabilisait l’accord entre les ministres
allemand, italien, et britannique afin d’engager les pays dans une
nouvelle architecture pour l’enseignement supérieur (Ravinet 2008).
Cette architecture devait se construire sur la base de la Convention
pour la reconnaissance des qualifications dans l’enseignement
supérieur dans le cadre d’une région européenne (Convention de
Lisbonne, laquelle avait été signée en 1997). Allègre défendait l’idée
que pour développer une économie de la connaissance, l’Europe avait
besoin à la fois de concurrencer le système américain et de limiter le
flux des diplômés américains en direction des Etats-Unis. L’année
suivante, la Déclaration de Bologne (1999) mobilisait 29 pays
signataires autour de 6 « lignes directrices » afin d’établir un Espace
Européen de l’Enseignement Supérieur (EEES) qui devait être mis en
œuvre en 2010. Au sein de cet « espace », la mobilité des étudiants et
des chercheurs devait être renforcée par un alignement sur des
systèmes nationaux d’assurance qualité, des niveaux d’études
compatibles, l’adoption d’un système de transfert de crédits, et une
façon commune de décrire les qualifications apparaissant en
complément du diplôme individuel. Pris ensemble, ces mécanismes
régulateurs auraient permis de faire du processus de Bologne un
moyen d’accroissement de l’attractivité de l’Europe comme marché
mondial de l’éducation (Zgaga 2006, 10) (voir Figure 1).
Le Processus de Bologne représente un accord international
volontaire, situé en dehors du cadre de gouvernance de l’Union
Européenne, bien qu’il est largement commandé par des intérêts de
l’union et qu’il promeut beaucoup d’initiatives (comme le système de
crédit ECTS) pilotées à l’origine par la Commission Européenne
(Keeling 2006). « Convaincus que l’établissement de l’espace européen
d’enseignement supérieur nécessitait une adaptation, une supervision et un
soutient constants au regard de l’évolution permanente des besoins »
(Bologna Declaration 1999), les ministres décidèrent de se rencontrer
régulièrement pour évaluer les progrès, en transformant l’engagement
de Bologne en un processus politique continu. Le groupe de suivi de la
Conférence de Bologne a eu la responsabilité de faire avancer cet
agenda politique. Néanmoins, comme nous avons le voir bientôt, la
création récente en 2009 du Forum des politiques de Bologne (Bologna
Policy Forum) offre la possibilité d’un site stratégique pour les
développements d’une politique mondiale et continue. Le nombre de
membres du Processus de Bologne et de l’espace européen de
l’enseignement supérieur qui lui est associé a augmenté depuis pour
inclure, en 2099, 46 pays comprenant autour de 5600 institutions
publiques et privées avec plus de 16 millions d’étudiants. L’espace
européen de l’enseignement supérieur comprend la Russie et le Sud
Est de l’Europe. Ainsi, il s’étend bien au-delà de l’Union Européenne
comme entité constitutionnelle.
Mobilité des universitaires,
des étudiants et du travail
Stratégie de
construction
de l’Etat
Modèle pour mettre en
œuvre des normes
« Qualité » et attractivité de
l’Espace Européen
d’Enseignement Supérieur
Espace Européen de la
Recherche
Lisbonne
Cerveaux pour
l’économie de la
connaissance
Mécanismes de coopération et
d’apprentissage
Mondialisation
à travers les
régions
Marchés pour
l’économie de services
Schéma 1. Projets et processus dans la construction d’une Europe de la Connaissance dans l’Enseignement Supérieur
.
Néanmoins, déterminer la base de l’appartenance au processus de
Bologne, a constitué un important enjeu géostratégique. Comme le fait
remarquer Hartmann la première forme d’appartenance relevait
largement des signataires de la Convention de Lisbonne (1997). Pour
des raisons historiques, elle comprenait les Etats-Unis, le Canada et
l’Australie via la définition de l’Europe par l’Unesco (les Etats-Unis et
le Canada ont signé en 1975, l’Australie en 1986) (Hartmann, 2008, 13).
Cela signifie que ces pays, et plus encore les Etats-Unis, ont eu leur
mot à dire dans l’élaboration du processus initial de Bologne. Ayons à
l’esprit que l’appartenance institutionnelle devait être plus large que
l’Europe et les pays en voie d’intégration (c’est pourquoi elle
nécessitait d’inclure la Russie mais non son concurrent-les Etats-Unis)
et pour cela des manœuvres politiques très habiles étaient exigées. La
convention de Lisbonne, comme fondement de l’appartenance
formelle dans le processus de Bologne, fut « jetée par-dessus bord » en
2003 au profit de la convention culturelle et européenne du Conseil de
l’Europe, excluant alors les Etats-Unis, le Canada et l’Australie.
Hartmann (2008, 214) explique que ce fut l’une des séries de
déplacements opérés par l’Europe pour définir le rôle impérial des
Etats-Unis dans la mise en œuvre de standards, ce qui les rendait en
même temps à la fois rival et modèle.
L’ « Extra-régional » : ressouder le modèle
mondial d’enseignement supérieur et l’Europe
Ainsi, même si, entre 2003 et aujourd’hui, dans ces avancées
successives, l’enseignement supérieur a été orienté vers le
management d’un projet territorial et de sa politique dans une région
en expansion, les appareils politiques et variés de l’Europe, en
particulier la Commission Européenne, ont commencé à poursuivre
une stratégie de « mondialisation extra-régionale » plus explicite. Cette
stratégie a eu des effets directs et indirects. Les effets directs sont les
résultats, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe, de stratégies
explicites pour réaliser un espace et un marché concurrentiel de
l’enseignement supérieur européen, comme le programme Erasmus
Mundus, la politique de voisinage, les négociations du GATT, la
mobilisation des anciens liens coloniaux pour l’aligner avec les intérêts
du marché européen, et ainsi de suite. Les effets indirects furent les
conséquences des réactions à cette stratégie sur les économies
domestiques dans l’économie mondiale, où l’architecture de Bologne
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e … 27
était diversement considérée : comme menace potentielle (aux EtatsUnis, en Australie), comme modèle de restructuration domestique (au
Brésil, en Chine), ou base de nouveaux projets régionaux dans le
monde (Afrique, Amérique Latine). Le texte préalable à ce
changement de stratégie peut être situé autour de 2003, de même que
la prise de conscience progressive au sein de la Commission
Européenne d’une croissance déclinante dans le secteur des services
en Europe. Cette prise de conscience est intégrée dans un constat
opéré par Viviane Reding, alors responsable de l’éducation et de la
culture à la Commission Européenne, où elle insistait sur les
fondements nécessaires pour « faire de l’Union Européenne une figure
prééminente de marché mondial de l’éducation ». Reding défendait
l’idée que « les gouvernements nationaux seuls ne peuvent pas faire
face aux défis de la mondialisation, des nouvelles technologies et du
marché unique » (2). Pour la Commission Européenne, cela signifiait :
mobiliser le secteur privé au travers de ses différentes activités,
promouvoir le leadership à l’échelle européenne et continuer à faire
avancer la libération des services éducatifs au sein de l’Organisation
Mondiale du Commerce et du GATT) (Robertson 2008b).
Une série d’initiatives pour l’enseignement supérieur était
maintenant lancée par la Commission, toutes caractérisées par un fort
accent sur la compétitivité mondiale. Elles gagnèrent en force, en
caractère et en légitimité à la suite de la révision de moyen terme de la
stratégie de Lisbonne présidée par Wim Kok (European Commission,
2005a). Kok (2004) expliquait que la stratégie de Lisbonne 2010 avait
échoué à fournir une performance économique satisfaisante, et que
l’Europe était loin de réaliser les améliorations socio-économiques
promises par la stratégie de Lisbonne. Il annonçait ensuite que
l’Europe allait se retrouver rapidement derrière les Etats-Unis et
l’Asie. Au spectre de la Chine et de l’Inde, à la fois considérées comme
une menace et une opportunité (Kok 2004, 12), venait s’ajouter une
nouvelle dimension critique dans les défis externes que devait
affronter l’Europe. Pour que l’Europe soit compétitive, expliquait Kok,
elle avait besoin de « développer son propre domaine de spécialités,
d’excellence et d’avantages comparatifs qui devait inéluctablement reposer
sur un engagement dans l’économie de la connaissance dans son sens le plus
large » (Kok 2004, 12).
Les conclusions de la présidence du conseil européen reconnurent
ensuite les résultats mitigés de Lisbonne, et appelèrent à des actions
urgentes, en acceptant le principe d’une nouvelle stratégie de
Lisbonne proposée par la Commission (European Council 2005, 3), qui
redirigeait l’attention presque entièrement vers « l’emploi et la
croissance ». La révision à moyen terme de Lisbonne permit à la
Commission Européenne de jouer sur le discours de crise pour lancer
un ensemble de nouvelles initiatives qui appelaient à une réforme du
secteur de l’enseignement supérieur (EC 2005b), et qui se focalisaient
sur l’investissement, l’innovation, et l’emploi (EC 2005a, 4; Collignon
2006).
Cette « nouvelle » stratégie de Lisbonne en promouvant « moins du
même » (Collignon 2006) adoptait fermement une vision néolibérale
sur la manière dont l’économie de la connaissance européenne pouvait
être dynamisée, alors que l’enseignement supérieur était considéré
comme appelé à jouer un rôle critique dans ce processus. La
Commission Européenne (2005a) envisageait le rôle des universités
dans la production d’une économie de la connaissance européenne
comme dérivée et dépendante de sa relation à l’industrie (ce qui
explique la préoccupation soutenue de « transfert de connaissances »).
Les opérations des universités, les structures de gouvernance et
d’incitations, et pas seulement les résultats de la recherche et de
l’éducation, devenaient maintenant un sujet de préoccupation
politique à l’échelle européenne. Une semaine après la rencontre du
conseil européen en mars 2005, le président de la Commission, Jose
Manuel Barroso, délivrait un vibrant discours pour le secteur de
l’enseignement supérieur à la convention de l’Association Européenne
Universitaire à Glasgow, intitulée Des Universités fortes pour l’Europe
(Barroso 2005). Là, il défendait l’idée que l’état (la situation) de
l’éducation en Europe, comparée à d’autres régions du monde était
loin d’être « misérable » (25). Dans un nouveau départ, la Commission
commençait à donner des recommandations directes sur la façon dont
les structures de gouvernance des universités, leur financement et le
management de la recherche (incluant les mesures de performance et
les incitations) devaient être « modernisées » pour permettre à
l’Europe d’être compétitive dans la concurrence mondiale des
cerveaux et des marchés (European Commission 2005b, 2006).
Cette inclusion de soi-disant “pays tiers” dans les accords de
coopération pour empêcher leur fuite vers le système éducatif
américain devint aussi un important sujet du « dialogue sectoriel »
avec un certain nombre de pays asiatiques, y compris la Chine. Le
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e … 29
programme d’échange mondial « Erasmus Mundus », lancé en 2003
avec un budget de 230 millions d’euros pour les quatre premières
années, comprenait un financement supplémentaire pour accroître la
participation des étudiants étrangers provenant des pays asiatiques
comme l’Inde ou la Chine (les soi-disant « vitrines asiatiques »).
Erasmus Mundus visait aussi à encourager les étudiants talentueux à
étudier en Europe et à y rester pour poursuivre leurs études afin de
contribuer à une économie européenne compétitive. En 2008, Erasmus
Mundus soutenait plus de 100 cours de masters. La stratégie mondiale
de l’Union Européenne pour les talents cherchait aussi à attirer les
chercheurs européens de pointe pour les ramener en Europe en
redéfinissant les instruments du programme et de la politique « Marie
Curie ». Dans le cadre européen FP7 de financement de la recherche
(2007-2013), la dimension européenne fut renforcée, avec des fonds
ciblés pour le « retour et la réintégration des chercheurs de pointe qui
avaient travaillé à l’étranger ». De plus, les étudiants ayant étudié en
Europe pendant 4 des 5 années précédentes devenaient éligibles pour
demander le financement de bourses Marie-Curie afin de continuer
leur recherche dans les universités européennes. La commission,
malgré les résistances initiales, développa aussi une proposition pour
la création d’un « Institut Européen de Technologie » qui devait « agir
comme un pôle d’attraction pour les plus grands cerveaux et les
entreprises du monde entier » (European Commission 2005a). Une
version a minima du projet original, en raison des profondes
résistances nationales qu’il avait suscitées, fut lancé en 2008 (Jones
2008). Ainsi, l’enseignement supérieur fut profondément intégré dans
le projet de l’Union Européenne pour améliorer sa position
économique et son influence dans le monde.
Le remarquable déroulement du processus de Bologne quoique
inégal dans son intégration, et ses instruments variés incluant le
programme Tuning (2003-) traduisait les disciplines d’études
existantes en compétences. Il établissait aussi le Registre Européen des
Qualifications (2008-), pour rassurer les opérateurs d’assurance-qualité
de l’enseignement supérieur. Co-constitutif de l’émergence de
nouveaux objets et sujets de gouvernance, ces instruments ont généré
une discussion mondiale considérable dans les économies clés au sujet
des implications du projet européen sur leurs propres intérêts
domestiques et leurs stratégies à long-terme. Cette discussion a des
chances d’être prochainement nourrie par le récent projet de la
Commission Européenne de développement d’un système de
classement qui serait mis en œuvre(élaboré) à l’échelle mondiale
(Robertson 2009). L’intention ici est de mettre à l’épreuve les systèmes
de classement de Shanghai Jiao Tong et du Times Higher au regard
des intérêts européens, alors qu’il est largement justifié (spécialement
par les Etats Membres du continent, et particulièrement la France) que
de tels systèmes de classement conforte et consolide les intérêts
américains plutôt que ceux de l’Europe.
En somme, il est clair que les techniques de gouvernance régionale
prennent de l’ampleur non seulement en termes de régulation interne,
mais qu’ils ont été considérés de manière croissante comme possédant
la capacité de remettre en cause le fondement du leadership normatif
dans le secteur des services d’éducation. Cela a donné une dynamique
considérable par les effets directs et indirects du projet européen
d’enseignement supérieur sur les autres économies domestiques et les
ambitions régionales naissantes à l’échelon local et au-delà. Dans un
communiqué en 2006, la Commission expliquait « que les ministres
voyaient l’espace européen de l’enseignement supérieur comme un
partenaire des systèmes d’enseignement supérieur présents dans les
autres régions du monde et faisait remarquer que « le rôle et la
visibilité de l’enseignement supérieur dans les relations extérieures à
l’Union Européenne s’accroissait notamment dans les pays voisins où
les programmes comme Tempus avaient été chargés d’un mandat
explicite à la suite de la conférence de Bologne (une politique de
voisinage européen), mais également dans les nations industrialisées
(membres de l’OCDE et du G8) et les pays en voie de développement
(Albanie, Asia Link, etc) (EC 2006, 7). Le BFUG (Bologna Follow-up
Group) reçut aussi le mandat d’élaborer et de fonder l’accord sur une
stratégie à la dimension externe de façon à renforcer l’attractivité de
l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur (BFUG Work
Programme 2005–2007; Zgaga 2006). Cette stratégie, être avec les autres
régions plutôt qu’avec des pays (BFUG 2005, c’est moi qui souligne),
fut établie lors de la rencontre des ministres en 2007 à Londres. Cela
veut dire que les régions en (développement sont d’un intérêt
prioritaire pour l’Europe. Le travail ensuite consistait à créer les
conditions d’une mobilité internationale (Modalité 4 de l’accord du
GATT), des structures de reconnaissance, de coopération et
d’attractivité. Néanmoins, beaucoup de chercheurs européens que
l’Union Européenne souhaitait rapatrier étaient installés aux EtatsUnis, bien établis comme première destination internationale pour les
scientifiques et les étudiants étrangers. Les Etats-Unis sont aussi la
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e … 31
résidence des universités leader au plan mondial, dominant les
classements internationaux depuis les années 1950 (Graham and
Diamond 1997; THES 2006; Jiao Tong 2006). Selon la plupart des
commentateurs, un « gradient de performance » continue de séparer
les universités de recherche américaines du reste du monde (Herbst
2004). Quoiqu’il en soit, les analyses aux Etats-Unis révèlent que les
autres pays rattrapent leur retard sur de nombreux fronts (OECD
2006; THES 2006; Spellings Commission 2006), et qu’il « existe des
indicateurs alarmants de stagnation et de déclin réel » (Douglass 2006)
dans le secteur de l’enseignement supérieur américain. Aux EtatsUnis, il y a maintenant un intérêt croissant pour les développements
en Europe. S’est exprimée une admiration pour la rapidité des
changements européens et la force de la volonté politique qui
l’entourait (Jaschik 2006; Adelman 2008).Cela implique une perte
d’avantage compétitif pour les Etats-Unis s’ils n’offrent pas un modèle
d’enseignement supérieur attractif à l’échelle mondiale. Comme
Adelman le faisait remarquer dans un important rapport pour
l’Institute of HIgher Education Policy :
« Ce qui a transpiré depuis 1999 ne peut pas être seulement reconnu
avec légèreté aux Etats-Unis. Bien que le travail soit en cours, les
éléments du processus de Bologne ont été imités en Amérique Latine, en
Afrique du Nord, et en Australie. Les caractéristiques centrales du
processus de Bologne possèdent une dynamique suffisante pour devenir le
modèle d’enseignement supérieur dominant et mondial dans les deux
prochaines décennies. Nous avons plutôt intérêt à être vigilant. (Adelman
2008, v)
L’un des effets des réformes de Bologne sur les Etats-Unis fut
alimenté par un débat sur la “crise” de l’enseignement supérieur
américain, et spécialement le besoin de revoir le marketing, les
procédures de visa et d’admissions pour empêcher le déclin du
nombre des étudiants internationaux après les attentats du 11
septembre (Robertson and Keeling 2008; Adelman 2008). Cela a suscité
d’importants changements de l’enseignement supérieur américain.
S’en suivit un effort politique de haut niveau et concerté pour
sécuriser la position américaine comme destination première. En 2009,
le rapport annuel sur l’opération Portes Ouvertes de l’Institut
International de l’Education révélait une augmentation de 8%- la plus
grosse augmentation en pourcentages dans les recrutements
internationaux depuis 1980. En 2009, des expérimentations plus
radicales étaient mises en œuvre dans trois Etats américains (Utah,
Indiana et Minnesota) en s’appuyant sur les instruments clés du
processus de Bologne - le programme Tuning. Le projet est en cours
de développement par la Fondation Lumina, des conseillers en
éducation proches du président Obama. Le déploiement de Tuning
aux Etats-Unis a pour objectif de favoriser une compréhension
partagée parmi les porteurs d’intérêt en éducation sur les
connaissances disciplinaires et les compétences transférables que les
étudiants doivent démontrer pour achever un programme d’études.
Tuning a été aussi promu et repris par 18 pays d’Amérique Latine et
des Caraïbes (connu sous le nom de Tuning Latino-Américain)
impliquant 181 universités et 12 domaines disciplinaires.
La réponse américaine à l’Europe peut être mise en perspective avec
celle de l’Australie, qui considère le fait d’être dominant sur le marché
comme le fruit d’un jeu de hasard. En avril 2006, Julie Bishop, alors
ministre de l’éducation, des sciences et de la formation en Australie,
présentait un document intitulé Le processus de Bologne et l’Australie. Les
prochaines étapes. Cette réponse officielle postulait que l’Australie
devait s’assurer d’une compatibilité avec le processus de Bologne ou
prendre le risque d’être un « outsider » (Bishop 2006). Considéré de
cette façon, les développements de l’espace européen de
l’enseignement supérieur représentent une menace majeure pour un
certain nombre de raisons. Il y a un flux croissant d’étudiants venant
de l’Europe, et être compatible avec Bologne favorise et accroît ces
mouvements, dans la mesure où les étudiants pourraient quitter une
université australienne avec une qualification jugée acceptable sur le
marché du travail européen. Deuxièmement, le gouvernement
australien est bien conscient que la Commission Européenne a utilisé
un certain nombre d’instruments pour créer des liens et des
partenariats avec les régions d’Amérique Latine et d’Asie (Robertson
2008a) afin de faire avancer les intérêts économiques de l’Union
Européenne. Si l’Europe devenait une destination enviée par les
étudiants asiatiques en raison de sa structure de droits d’inscription
très compétitive, du statut des universités et de la tendance croissante
à enseigner en Anglais dès la licence, alors elle pourrait aussi menacer
la domination de l’Australie sur le marché. En avril 2007, l’Australie a
signé une déclaration commune avec l’Europe pour devenir
compatible avec les critères de Bologne et renforcer sa coopération
pour prendre en compte les questions d’assurance-qualité, de
benchmarking et d’indicateurs, de cadres des qualifications (Figel and
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e … 33
Bishop 2007). Ces programmes sont considérés par le gouvernement
fédéral australien comme essentiels au développement d’une
« nouvelle conscience mondiale» parmi les travailleurs et les citoyens.
En lien avec la région Asie- la région d’intérêt stratégique pour
l’Australie- la Commission Européenne a utilisé le programme
« Fenêtres Asiatiques » d’Erasmus Mundus pour recruter des
étudiants indiens et chinois afin qu’ils optent pour les masters des
universités européennes. Le processus de Bologne a été aussi le
principal sujet de conversation d’un nombre important de rencontres
Asie-Europe depuis 2005. En plus de cela, certains pays asiatiques ont
surveillé étroitement le processus de Bologne, car la Chine bénéficiait
d’un statut d’observateur en 2007, pendant la réunion des ministres de
l’Union Européenne préparant Bologne, et qu’elle fait partie
maintenant de son Forum Politique.
Le processus de Bologne et la création d’un espace européen de
l’enseignement supérieur ont clairement inspiré la plupart des modes
stratégiques de penser les régions tout en valorisant la création et
l’institutionnalisation du rôle de l’éducation dans les relations
régionales. Alors que l’éducation a été sur l’agenda de forums comme
l’APEC (Dale and Robertson 2002), Bologne offre un type d’imaginaire
différent, en créant une architecture régionale de l’enseignement
supérieur qui donne la possibilité d’un marché unique des services
universitaires et le potentiel pour améliorer l’employabilité future. Ces
développements laissent penser que les économies domestiques,
comme l’Australie et les Etats-Unis, sont impliqués dans un jeu
complexe de positionnements stratégiques de façon à gérer la menace
(et les opportunités) créés par la croissance rapide de l’Espace
Européen de l’Enseignement Supérieur et le processus de Bologne.
L’entrée de l’Union Européenne dans cette sphère a clairement « fait
basculer » l’équilibre des forces dans une direction très différente. Il
n’est donc pas possible d’ignorer ces pressions- étant donné les
multiples voies dans lesquelles l’Union Européenne s’est engagée par
des projets interrégionaux à la fois dans les régions asiatiques et
latino-américaines (Robertson 2006), et face à l’ombre grandissante de
la Chine. Au même moment, des économies, comme le Brésil, utilisent
l’architecture de Bologne comme un modèle de rationalisation de
l’accès afin de générer de nouvelles efficiences du système. Ces
développements offrent clairement aux diplômés brésiliens une
articulation efficace avec les études supérieures européennes et les
marchés du travail du futur, en fournissant une alternative viable au
choix des Etats-Unis comme destination pour étudier et travailler.
Comme je l’ai fait remarquer plus haut, l’Europe a joué de manière
croissante un rôle actif dans la création de plateformes et
d’opportunités lui permettant de faire avancer ses propres intérêts à
l’échelle mondiale, particulièrement dans la définition de standards
internationaux. Lors de la conférence ministérielle de Bologne
organisée à Louvain-la-Neuve en mars 2009, un Forum Politique de
Bologne fut organisé qui impliquait les ministres de l’éducation des 46
pays membres et des collègues de différentes parties du monde :
Australie, Brésil, Canada, République Populaire de Chine, Egypte,
Ethiopie, Israël, Japon, Kazakhstan, Kirghizistan, Mexique, Maroc,
Nouvelle-Zélande, Tunisie et Etats-Unis, et aussi l’Association
Internationale des Universités. Présentée comme une occasion
d’engager un « dialogue mondial », les questions abordées par le
Forum incluait : la reconnaissance des qualifications, l’échange
d’enseignants, de chercheurs et d’étudiants, et l’assurance-qualité.
« Le régionalisme de l’Etat régulateur »
Dans cette section finale, je vais revenir à l’idée d’un régionalisme
régulateur comme manière de penser la complexité des régions et la
façon dont elles sont constituées- et dans ce cas précis l’Europe. J’ai
défendu l’idée que le développement de l’Europe comme région
devait être considéré comme un projet politique dont les antécédents
peuvent être trouvés dans les crises de production, y compris les crises
des économies domestiques. Et, nous pouvons voir à partir du
développement d’une stratégie pour l’économie de la connaissance en
Europe dans l’enseignement supérieur, que c’est évidemment le cas.
En suivant Jayasuriya, j’ai montré qu’il était crucial que nous
percevions l’Europe, non comme un champ d’action construit selon
une seule échelle, mais comme une relation dialectique entre de
multiples échelles d’activité, constitutives chacune leur tour de
l’Europe, d’un secteur européen de l’enseignement supérieur, et de
citoyens européens comme objets et sujets de gouvernance.
Néanmoins, j’estime aussi que le contenu socio-économique du projet
politique au cœur du régionalisme régulateur de l’Europe s’est
transformé dans le temps, comme résultat d’une lutte entre des forces
sociales promouvant des projets politiques à de multiples échelles
autour d’une re/direction de l’économie européenne. Depuis 2003, une
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e … 35
nouvelle phase a commencé à se matérialiser, dirigée par une
rhétorique explicite de la « mondialisation » et d’une série de projets.
Cela inclut la médiation entre des réseaux régionaux, des composants
essentiels de l’architecture de l’enseignement supérieur. Au même
moment, la dynamique et l’impact qui résultaient du succès visible du
projet d’enseignement supérieur européen créait une série de
conditions au niveau mondial qui faisaient que ce projet était
impossible à ignorer par les acteurs clés. J’ai nommé cette dimension
« l’extra-régional ». Cette « source », pour utiliser l’expression de
Jayasuriya, par combinaison avec les économies domestiques
comprises sur le territoire européen, a été la stratégie et le fruit d’un
travail dynamique et dialectique, direct et indirect.
Au final, demeure une importante question: pourquoi ensemble le
BFUG et la Commission Européenne, avec les auteurs acteurs clés au
niveau européen comme l’EUA, lesquels sont tous engagés dans le
développement de l’Europe comme un projet politique, ont cherché à
donner priorité aux régions plutôt qu’aux pays comme moyen de
promouvoir ce que Zgaga appelle l’« écho » mondial de Bologne (2006,
16) ?
A ce niveau, nous pouvons lire cette centration sur les autres régions
comme un mouvement politique, capable d’invoquer un type
particulier de légitimité provenant du fait d’être un signataire de la
Convention de Lisbonne (1997). Selon les termes de la convention,
l’approche d’autres régions du monde devait contribuer à renforcer la
capacité de l’Europe à « promouvoir la paix, la compréhension
mutuelle et la tolérance » (Zgaga 2006, 19). Néanmoins, nous pouvons
aussi lire cette priorité donnée aux partenariats régionaux comme une
stratégie, la conséquence de conflits, « par-dessus l’accroissement des
géométries variables en matière de gouvernance dans et au-delà des
frontières de l’Union Européenne » (Jessop 2005, 225). Les partenariats
régionaux ont tiré leur potentiel des vieux liens coloniaux, de leurs
diasporas élitaires et des réseaux intellectuels (par exemple l’Afrique
francophone, l’Afrique lusophone, l’Amérique Latine). Ils sont aussi
des mécanismes utiles pour activer et constituer de nouvelles formes
de ré/organisation régionale qui aspirent progressivement à
l’existence, des cadres normatifs européens (les instruments de
restructuration de l’enseignement supérieur européen) et un pouvoir
normatif, plutôt que son alternative : la capacité américaine à fabriquer
de la norme (Hartmann 2008).
Néanmoins, je voudrais aussi souligner que négocier à travers les
régions signifie aussi être capable de passer par-dessus les échelles
(Jessop 2005, 226), escalader les positions existantes, comme celles de
l’Etat-Nation et sa revendication Westphalienne du territoire et de la
souveraineté, en cherchant en lieu et place à faire avancer et
institutionnaliser ses intérêts au travers de nouvelles alliances. Comme
cet article l’a montré, la redistribution scalaire du travail de l’Etat et de
l’éducation est un aspect important de la restructuration économique
et politique (Collinge 1999). Considéré de cette façon, les interrégionalismes offrent une plate-forme et une possibilité pour une
région naissante- dans ce cas précis l’Europe- pour agir comme un
Etat, faisant avancer la revendication d’une domination dans l’arène
interrégionale qui elle-même opère stratégiquement sur un terrain
sélectif, étant donné les caractéristiques, les capacités et les activités
des organisations situées à cette échelle régionale.
Ailleurs, Jayasuriya (2008, 21) y a fait référence comme « la
transformation de l’espace territorial dans lequel l’Etat opère » et il a
établi qu’en reprenant les idées de Poulantzas (1978, 104) selon
lesquelles l’Etat a tendance à monopoliser les procédures
d’organisation de l’espace, « la gouvernance régionale a besoin d’être
conceptualisée comme un processus politique qui trace les courbes
d’un espace régional dans l’Etat ». Cette affirmation semble être
fondée lorsqu’on observe le projet politique européen tel qu’il a été
présenté ci-dessus. Cet espace étatique multi-scalaire, comme
représentant légitime et autorisé de ses composantes respectives (c’està-dire des Etats-Membres, quelque soit leur mode opératoire), exerce
une « souveraineté contingente » (Elden 2006), au travers d’un
leadership avant-gardiste et dénationalisé dans une « communauté du
rendre compte » nouvellement constituée (Jayasuriya 2009). Nous
pouvons donc admettre que la phase actuelle de régionalisme
régulateur dans l’enseignement supérieur, constitue un moment
distinct, discontinu, mais non déconnecté dans la formation d’un état
européen qui semble bien représenté à travers la notion de
« régionalisme d’Etat régulateur ».
« r é g i o n a l i s m e d e l ’ E t a t r é g u l a t e u r » e t n o u v e a u x m o d e s d e g o u v e r n a n c e … 37
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Éducation comparée / nouvelle série, n°8, pp 43-63
Comment le processus de Bologne a
modifié la signification
et les enjeux de l’évaluation des
enseignements
Jean-Émile Charlier
Professeur ordinaire,
Université catholique de Louvain UCL Mons
Sarah Croché
Maître de conférences,
Université de Picardie Jules Verne
RÉSUMÉ
Au cours de ses premières années, le processus de Bologne a semblé
peu contraignant. Il n’a amené que des contraintes de forme, qui
n’affectaient ni le travail des enseignants, ni les représentations des
fonctions de l’université. La stratégie de Lisbonne, en 2000, a fixé des
objectifs à l’enseignement supérieur européen, ce qui a contribué à
modifier la représentation de ses fonctions. Puis, à partir de 2003, le
dispositif européen de l’enseignement supérieur activé en 1998 à la
Sorbonne a intégré un nombre croissant de règlements et d’éléments
porteurs de contraintes. La mise en place de procédures de contrôle de
la qualité de l’enseignement supérieur permet d’agir sur les pratiques
des enseignants. Il en résulte que l’évaluation des enseignements, tel
qu’elle était pratiquée dans les universités de la Communauté
française de Belgique a changé de monde et a acquis des significations
totalement différentes de celles qui lui étaient données précédemment.
MOTS CLÉS
Processus de Bologne, évaluation de la qualité,
enseignement supérieur, évaluation des enseignements
dispositif,
ABSTRACT
During its first years, the Bologna Process seemed not very
constraining. It brought only constraints of form, which affected
neither the work of the teachers, nor representations of the functions
of the university. The Lisbon strategy, in 2000, set objectives at
European higher education, which contributed to modify the
representation of its functions. Then, starting from 2003, the European
higher education apparatus activated in 1998 in the Sorbonne
integrated a growing number of regulations and elements writservers. The installation of control procedures of the quality of higher
education makes possible to act on the practices of the teachers. It
results that the evaluation of the lesson, such as it was practised in the
universities of the French-speaking Community of Belgium changed
world and acquired significances completely different from those
which were given previously.
KEYWORDS
Bologna process, Quality evaluation, Higher education, courses
evaluation & assessment
Introduction
L’évaluation des enseignements est entrée dans les pratiques des
universités de Belgique francophone d’assez longue date. Elle y a été
introduite par quelques fourriers de la pédagogie universitaire, dont la
majorité avait fait un séjour au Québec, qui ont voulu en faire un
moyen de rendre plus fluides les relations entre les professeurs et les
étudiants et de fédérer leurs efforts dans l’objectif de produire un
enseignement ajusté aussi finement aux capacités des apprenants
qu’aux exigences des univers professionnels auxquels ils se
destinaient. L’accord sur cette définition des fonctions de l’évaluation
des enseignements universitaires n’a pas été remis en cause jusqu’à ce
que des logiques managériales, portées autant par des organismes
privés d’accréditation tel EQUIS (European Quality Improvement
System), que par des instances publiques comme AEQUES (Agence
pour l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur en
Communauté française de Belgique) (Souto Lopez, 2012) imposent de
le faire. Les évaluations ont alors changé de monde sans que les
Le dispositif impose la migration des objets … 45
instruments qui servent à les réaliser ne soient d’une quelconque
manière modifiés. Elles sont désormais utilisées par le management
universitaire qui peut subordonner les nominations définitives ou les
promotions des professeurs à l’avis que les étudiants donnent de leurs
enseignements. Ces pages proposent une lecture de cette migration en
s’appuyant sur le concept de dispositif fondé par Foucault.
Le dispositif de production du nouvel
universitaire
Parmi les concepts dont disposent les sciences humaines pour
analyser comment des éléments de diverses natures peuvent se
combiner pour orienter les représentations et les comportements des
individus, celui de dispositif présente l’intérêt de suggérer un
mécanisme plutôt que d’en décrire précisément le fonctionnement. En
cela, il s’agit d’un concept heuristique qui vaut surtout par les
interprétations auxquelles il ouvre et invite. La citation canonique de
Foucault énonce que le dispositif est « un ensemble résolument
hétérogène comportant des discours, des institutions, des
aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois,
des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des
propositions philosophiques, morales, philanthropiques ; bref, du dit
aussi bien que du non-dit, voilà les éléments du dispositif. Le
dispositif lui-même c’est le réseau qu’on établit entre ces éléments […]
par dispositif, j’entends une sorte […] de formation qui, à un moment
donné, a eu pour fonction majeure de répondre à une urgence. Le
dispositif a donc une fonction stratégique dominante » (Foucault,
1994, p. 299). Trois points essentiels figurent dans cette définition : le
dispositif est un ensemble hétérogène ; c’est le réseau qu’on établit
entre ces éléments ; il a une fonction stratégique dominante.
Au départ de cette conceptualisation, nous avons considéré qu’en
convoquant la réunion de la Sorbonne, en 1998, Claude Allègre avait
activé un dispositif européen de l’enseignement supérieur, dont toutes
les pièces étaient d’ores et déjà en place et attendaient d’être mises en
réseau pour combiner leurs effets prescriptifs. Parmi ces pièces, citons
« les discours sur la perte d’attractivité de l’enseignement supérieur et
les propositions énoncées pour tenter de l’enrayer, les textes que le
Conseil de l’Europe et l’UNESCO ont fait adopter pour faciliter la
reconnaissance des parties d’études et des diplômes obtenus à
l’étranger, les conférences régionales organisées par l’UNESCO à
partir de 1997 sur l’enseignement supérieur, dont chacune a abouti a
un rapport qui prônait des réformes du supérieur sur chaque
continent, les initiatives prises par la Commission européenne pour
soutenir la mobilité des étudiants et des personnels, les projets pilotes
de mobilité lancés par la Commission et testés par les universités, la
réponse très positive de beaucoup de familles qui analysent la mobilité
de leurs enfants comme un signe de distinction et acceptent dès lors de
la soutenir financièrement, la Magna Charta Universitatum adoptée par
les universités européennes, le forum universités-industries qui a été
créé par la CRE et l’ERT pour formuler des propositions communes à
présenter aux Communautés européennes et aux gouvernements
nationaux sur les rapports entre les universités et leur environnement,
les débats américains sur les fonctions prioritaires de l’enseignement
supérieur et son choix de privilégier la formation de l’élite » (Croché,
2010, p. 128-129).
Avant l’action que Claude Allègre, soutenu par ses collègues, les
ministres responsables de l’enseignement supérieur au Royaume-Uni,
en Allemagne et en Italie, a exercée sur ces pièces pour les mettre en
réseau, elles ne constituaient pas un dispositif. Tout au contraire, les
initiatives prises entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la
réunion de la Sorbonne pour faciliter la circulation internationale des
étudiants et la reconnaissance de leurs acquis apparaissent
particulièrement peu concertées, chacune d’elles semble avoir été
inspirée par la volonté de baliser le territoire et de valoriser un
opérateur aux dépens des autres, bien plus que par celle de faire
avancer un grand dessein. En reliant toutes ces pièces dans une
logique cohérente, tendue vers la construction de ce qui ne pouvait
alors avoir qu’un statut d’utopie, à savoir l’harmonisation de
l’architecture du système européen de l’enseignement supérieur par la
création d’un espace européen ouvert de l’enseignement supérieur,
Allègre les a placées dans une configuration qui a attribué à chacune
un potentiel d’influence sur les représentations collectives et les
comportements. La construction de ce dispositif poursuivait un but
stratégique. Les observateurs ne s’y sont pas trompés, le premier
objectif d’Allègre et de ses trois homologues était incontestablement
de faire barrage à la Commission européenne pour préserver
l’autonomie des systèmes nationaux et des établissements
d’enseignement supérieur (Paradeise, 2009 ; Ravinet & Muller, 2008).
Le dispositif impose la migration des objets … 47
L’acteur qui parvient à activer un dispositif peut espérer rester
maître de sa puissance, mais cette maîtrise ne lui est nullement
garantie. Quand les pièces qui le composent s’agencent et trouvent
leur place dans l’ensemble qui leur donne force, il est fréquent que le
dispositif échappe à son initiateur : le démiurge n’est pas propriétaire
de sa création, et le moment où elle s’émancipe de son emprise est
paradoxalement celui qui atteste qu’il a bien réussi son entreprise. Un
dispositif a une capacité d’influence sur les représentations collectives
et l’orientation des conduites proportionnelle au nombre et à la
puissance des acteurs qui l’alimentent par leurs discours, leurs
décisions, les institutions ou les règlements qu’ils mettent en place.
Ces acteurs sont dans une interminable concurrence pour proposer
des synthèses susceptibles de fédérer un maximum de partenaires et
d’orienter l’action des institutions. Le concept de « mise en boîte
noire » de Latour (1987) aide à décrire ce qui se joue concrètement : les
acteurs ne sont pas engagés dans une simple lutte de pouvoir qui
ferait de chacun l’adversaire de chacun et de tous les autres. En fait,
chacun est incité, par la dynamique propre du dispositif, à chercher la
manière d’exprimer l’intérêt collectif de la meilleure des manières,
c’est-à-dire par celle qui peut fédérer et mobiliser le plus de
partenaires, qui peut les convaincre de s’inscrire dans un mouvement
collectif et de se soumettre à sa discipline parce que cette adhésion
leur apparaît à ce moment comme la garantie la plus sûre de leurs
intérêts particuliers. Le dispositif européen de l’enseignement
supérieur a rapidement échappé au contrôle de ses concepteurs 1 qui
en ont été proprement expulsés2 et il a été annexé par la Commission
européenne, contre laquelle il avait été initialement suscité lors de la
rencontre de la Sorbonne.
Le propre d’un dispositif est de se nourrir de tout ce qui lui est
adressé et d’en faire une matière propre à orienter les actions et les
représentations. Même les critiques qui visent les éléments qui le
constituent ou les liens qui les rendent solidaires le renforcent, en ceci
qu’elles le mettent au centre de l’attention et suggèrent que les
domaines qu’il concerne ne peuvent être abordés en des termes autres
que ceux qu’il a mobilisés. Le constat de l’inanité des critiques, du
désarmement systématique des attaques gonfle la puissance
Pour les détails de cette annexion, voir Croché, 2010.
Disparu des instances de pilotage du processus de Bologne dès 1999, Allègre n’a
même pas été invité aux festivités organisées à l’occasion de son dixième
anniversaire.
1
2
persuasive du dispositif qui s’appuie sur des éléments de natures très
variées pour « conduire les conduites », pour reprendre les termes de
Foucault. L’argumentaire décrit dans ces pages est un de ces éléments.
Il n’aurait toutefois qu’une puissance persuasive bien limitée s’il
n’était adossé à des éléments politiques et organisationnels qui lui
confèrent une crédibilité et à des règlements qui, en établissant un
système de récompenses et de sanctions, donnent une substance
tangible aux messages prescriptifs.
Depuis son activation en 1998 par Allègre, le dispositif européen de
l’enseignement supérieur n’a pas cessé de s’enrichir de nouvelles
pièces qui remplissent ces fonctions. Parmi les plus importantes, la
stratégie de Lisbonne (2000) désigne les objectifs de l’enseignement
supérieur européen, mis au service de l’objectif de « faire de l’Europe
l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus
dynamique au monde d’ici 2010 ». L’échec incontestable de la stratégie
de Lisbonne n’a pas amené la Commission européenne à renoncer à
cet objectif, qui, dans la stratégie Europe 2020 (2010), est devenu : faire
de l’Union européenne « une économie intelligente, durable et
inclusive ». Plusieurs instruments qui visent explicitement à
accompagner et orienter les politiques nationales sont venus
compléter le dispositif. En 2000, la Commission européenne a mis en
place l’ENQA (European Network Quality Assurance, devenu
European Association for Quality Assurance in Higher Education en
2004) ; en 2007, sur proposition du groupe E4, dont fait partie l’ENQA,
les ministres de l’enseignement des pays membres du processus de
Bologne ont décidé de créer l’EQAR (European Quality Assurance
Register for Higher Education). Nous reviendrons sur le rôle majeur
de ces deux instances dans le pilotage de l’enseignement supérieur
européen. C’est aussi en 2000 que la Commission européenne a
demandé à chaque pays de désigner des promoteurs de Bologne,
qu’elle a commencé à décerner des labels ECTS (European Credit
Transfer System) et supplément aux diplômes pour distinguer les
établissements les plus avancés dans l’adoption de réformes. En 2002,
elle a adopté le programme Erasmus World (Erasmus Mundus) et a
élargi son programme Tempus à davantage de pays hors de l’Europe.
Dans les deux cas, l’objectif a été d’affirmer l’ambition de
l’enseignement supérieur européen de rayonner au-delà de ses
frontières. Enfin, la Commission européenne a eu des actions répétées
visant à structurer tout le champ de l’éducation et de la formation en
lançant en 2002 le programme Éducation-Formation 2010, en adoptant
Le dispositif impose la migration des objets … 49
en 2008 un « cadre européen des certifications pour l’éducation tout au
long de la vie », en soutenant le processus de Bruges-Copenhague
initié en 2001, en créant un système de crédits pour la formation
professionnelle à l’image des ECTS (ECVET – European Credit system
for Vocational Education and Training).
Le dispositif européen de l’enseignement supérieur est matérialisé
par un ensemble de liens fonctionnels, d’organismes et de règles qui
puise sa force contraignante dans l’imaginaire qui assure la mise en
réseau de tous ses éléments, tant le nouvel argumentaire qui modifie
les représentations du rôle des universités que les nouveaux outils mis
au point pour encadrer leur fonctionnement ou encore les nouvelles
manières de piloter l’enseignement supérieur. Beaucoup de celles-ci
ont été amenées ou validées par la Commission européenne, qui a
introduit la Méthode ouverte de coordination (MOC) lors du sommet
de Lisbonne de 2000. Cette méthode a mis dans la lumière un attirail,
aujourd’hui peu contesté, où se retrouvent le benchmarking, les
indicateurs de mesure des résultats, les auto-évaluations, les
classements, le repérage des « bonnes pratiques », l’evidence based
policy, etc. Cet attirail est destiné à s’enrichir encore : en 2009, la
Commission européenne a lancé la réflexion sur la manière dont il
serait possible d’établir un classement des universités en Europe.
Année après année, elle a par ailleurs financé de nombreux rapports et
études de faisabilité dont elle a confié la rédaction à une courte liste
d’organisations avec lesquelles elle collabore de façon régulière (EUA
– European University Association, ESIB, devenu ESU – European
Student Union en 2007, EURASHE – European Association of Higher
Education Institutions, ACA – Academic Cooperation Association,
etc.).
Chacune des pièces du dispositif est reliée de façon directe à chacune
des autres et contribue à lui imputer un sens qui n’est contraint que
par une seule exigence, celle de préserver les liens logiques entre
toutes les pièces qui constituent le réseau. Chacune est en même temps
marquée par les significations amenées par les liens établis avec
chacune des autres. Le dispositif se présente donc comme un ensemble
de liens, tous capables de se distendre sans se rompre quand ils sont
sollicités pour absorber les chocs qui peuvent intervenir à n’importe
lequel de ses nœuds. L’adhésion au processus de Bologne de pays aux
traditions universitaires éloignées de celles des fondateurs, ou
l’appropriation à la carte des principes qu’il promeut sont autant de
chocs. L’élasticité des liens a protégé le réseau qui tend à se resserrer le
plus possible, en ce sens qu’il exerce une action ininterrompue pour
établir la plus grande cohérence entre tous ses éléments. Ceci explique
que des politiques d’enseignement supérieur nationales qui paraissent
amenées par des facteurs strictement nationaux contribuent encore à
renforcer le dispositif européen de l’enseignement supérieur
puisqu’elles partagent sa vision du rôle que l’enseignement supérieur
doit jouer dans les sociétés contemporaines et de la manière dont il
doit être piloté. La logique d’ensemble est donnée par le tout autant
que par chaque élément qui le constitue, chaque décision particulière
donne davantage de crédit aux représentations qui expriment cette
logique et légitime les outils dont elle requiert la mise en œuvre.
Un réseau dont les liens se resserrent peu à peu
Dans les premiers temps qui ont suivi son activation, le dispositif
européen de l’enseignement supérieur a été peu contraignant. Son
expression la plus explicite est le processus de Bologne, qui n’a pas
amené tout de suite de grands changements dans l’organisation ou la
conception de l’enseignement supérieur. Les seules mesures qui
peuvent lui être imputées de façon directe sont le remodelage des
curricula selon la nouvelle architecture des études supérieures
adoptée au sommet ministériel de Bologne en 1999 et la généralisation
de l’usage des ECTS. Ces deux transformations ont essentiellement été
vécues comme des aménagements de forme, parce qu’elles n’ont que
faiblement affecté le travail des enseignants et des chercheurs et les
conceptions communes de l’université.
L’évolution la plus visible a été le passage à une architecture des
études supérieures en trois cycles qui, dans de nombreux pays, a
contraint à modifier la durée des études. Il n’a toutefois pas débouché
sur une standardisation des durées d’études et a au contraire été de
pair avec leur multiplication (Croché, 2006). Ce paradoxe a pu laisser
croire que le dispositif était par essence tolérant. L’arbre ne peut pas
cacher la forêt, la tendance globale a été à l’adoption d’un premier
cycle de trois ans, d’un deuxième d’une ou deux années (Reichert &
Tauch, 2003 ; BFUG, 2007 ; BFUG, 2009). En 2005, les nombreuses
exceptions ont été intégrées au cadre global des qualifications pour
l’espace européen de l’enseignement supérieur. Celui-ci détermine les
nombres minimaux et maximaux d’années d’études et d’ECTS pour
chacun des trois cycles d’études (Ministry of Science, Technology and
Le dispositif impose la migration des objets … 51
Innovation 2005). Constatant qu’elle ne pouvait imposer la même
architecture à toutes les filières d’études supérieures et que ce n’était
sans doute pas souhaitable, la Commission européenne a ajusté sa
stratégie en organisant la prolifération des durées d’études pour
qu’elle contrarie le moins possible ses objectifs de comparabilité et de
compatibilité des études supérieures.
L’autre modification spectaculaire, le passage aux ECTS, a souvent
résulté de l’application d’une règle de trois, qui a permis de
transformer des nombres d’heures par année en nombres d’ECTS, sans
que cela impose de réformer les manières d’enseigner.
Ces deux transformations induites par le processus de Bologne ont
donc été vécues comme cosmétiques, il n’est pas apparu que les
changements de gabarit ou d’instrument de mesure étaient porteurs
d’une altération du sens de ce qui est mesuré. Ceci ne signifie pas que
ces transformations se sont faites sans mal, aucune n’a été indolore,
chacune a fait l’objet d’âpres débats et toutes ont contribué à fragiliser
des équilibres, d’une part sur les territoires nationaux entre les filières
d’études et entre les établissements, d’autre part entre les systèmes
nationaux d’enseignement supérieur.
Le dispositif européen de l’enseignement supérieur ne se résume pas
au processus de Bologne, qui n’en est que l’expression la plus
apparente. Ce processus a été systématiquement utilisé par des
responsables politiques nationaux comme justification pour modifier à
la fois la gestion des établissements et le pilotage de l’enseignement
supérieur et de la recherche. Depuis les années 1960, le secteur avait
acquis la réputation d’être rétif au changement et capable de
mobilisations acharnées. Dans beaucoup de pays, les responsables
politiques avaient dès lors préféré différer les réformes, même s’ils les
estimaient très nécessaires. Le processus de Bologne a ouvert une
« fenêtre d’opportunité » (Kingdon, 1995) qu’ils ont pu exploiter pour
débloquer des dossiers que rien ne rapprochait, si ce n’est qu’ils
concernaient l’enseignement supérieur. Ces différences masquaient
l’action profonde du dispositif qui a valorisé le changement dans
l’enseignement supérieur. L’essentiel n’était pas dans le contenu des
réformes, il était dans le fait qu’il était désormais devenu possible
d’envisager une réforme en profondeur de l’enseignement supérieur.
Les responsables politiques qui ont introduit des réformes
significatives dans les systèmes nationaux d’enseignement supérieur
l’ont fait en s’appuyant sur un argumentaire qui lie la mobilité des
personnels et des étudiants, la concurrence internationale dans une
économie de la connaissance, la nécessité de s’adapter à une
organisation de l’enseignement supérieur plébiscitée par la majorité
des pays développés. Ce faisant, ils ont contribué à populariser et à
crédibiliser l’orientation donnée au dispositif de l’enseignement
supérieur.
En 2003, Viviane Reding, alors commissaire européenne à
l’Éducation, a entrepris de resserrer le dispositif. Elle l’a fait en
signifiant qu’il n’y aurait pas d’application du processus de Bologne
« à la carte » (Reding, 2003) et qu’il n’était pas question de remettre en
débat l’orientation que la Commission européenne a imposée au
processus de Bologne en l’annexant à la stratégie de Lisbonne en 2000
puis à la stratégie Europe 2020 qui lui a succédé : l’université doit
jouer un rôle moteur dans la construction de l’économie de la
connaissance. Les discours de Viviane Reding structurent les
arguments plaidant pour la réforme des universités. Son diagnostic est
des plus alarmants : « sans de profondes mutations, nos systèmes
d'enseignement supérieur sont menacés de déclin dans un
environnement devenu hautement compétitif […] Les filiales
d'universités américaines s'installent chaque année plus nombreuses
en Europe […] Il est trop tard pour crier au loup, car celui-ci est depuis
longtemps dans la bergerie et n'en partira pas » (Reding, 2003). Les
universités européennes ne pourront être sauvées que si elles
acceptent de se réformer : « quelle est l'alternative à la réforme ? Pour
les étudiants, c'est celle de diplômes non reconnus la frontière passée
et, souvent, de conditions d'études sous-optimales […]. Pour les
universités, l'alternative, c'est le déclin inexorable […] » (Reding,
2003). Sa position la rend très consciente des oppositions que
suscitaient alors certaines mesures adoptées par les États et imputées,
à tort ou à raison, au processus de Bologne ou à la Commission
européenne. Elle s’en prend donc à ceux qui ne partagent pas son
analyse, en affirmant qu’ils n’ont rien compris, ce qui disqualifie leurs
avis : « j'entends parfois que l'Europe ou l'Organisation mondiale du
commerce voudraient privatiser l'enseignement supérieur. C'est ne
rien comprendre à la réalité ! » (Reding, 2003). Aux yeux de Reding,
les modifications organisationnelles induites par le processus de
Bologne ne se justifiaient que par la mutation culturelle dont elles
faisaient le lit, comme en témoigne l’appel qu’elle a lancé « aux
Le dispositif impose la migration des objets … 53
universités, pour que celles qui n'ont pas encore changé de mentalité
le fassent rapidement » (Reding, 2003).
Les deux éléments-clés du discours de Reding sont qu’il n’y a nulle
place pour une adhésion à Bologne « à la carte » et que l’objectif de la
Commission européenne est de produire un changement « de
mentalité ». Mis en perspective, ces deux éléments dessinent les
contours d’un projet politique ambitieux : il s’agit de transformer les
conceptions du rôle et de la place de l’université dans les sociétés
européennes contemporaines. Les modifications organisationnelles
amenées par la nouvelle architecture des études supérieures ou les
ECTS n’étaient pas des objectifs finaux, elles étaient destinées à agir
sur les mentalités pour faire converger toutes les pratiques vers le
modèle de fonctionnement considéré par la Commission européenne
comme le seul qui peut sauver l’université européenne. En modifiant
les gabarits et les instruments de mesure des études supérieures, le
processus de Bologne n’a pas affecté de façon directe les définitions
socialement partagées du rôle et de la fonction des universités, mais il
a désarmé leurs systèmes de défense. Elles ne peuvent plus arguer
d’une tradition pour justifier leurs pratiques, puisque le changement
de gabarit et d’instrument de mesure leur fait entamer une nouvelle
histoire, devant laquelle elles se retrouvent sans expérience pertinente.
Ce changement a donc eu des répercussions profondes : en imposant à
tous les établissements d’adopter de nouveaux outils, il les a rendus
identiquement incompétents. Tous doivent désormais justifier leurs
choix à l’intérieur d’une configuration dont ils ne maîtrisent pas
encore les pièges et les ressources.
Le réseau resserré provoque la migration des
objets
L’action normative menée par la Commission européenne à partir du
sommet de Berlin de 2003 a produit ses effets sur le dispositif
européen de l’enseignement supérieur et a rendu imaginable ce qui ne
l’était pas en 1998, ce contre quoi quatre ministres de l’Enseignement
supérieur s’étaient coalisés à la Sorbonne : des contraintes édictées ou
suggérées par la Commission européenne pèsent désormais sur les
systèmes et les établissements nationaux d’enseignement supérieur.
En présentant comme une évidence incontestée la constitution d’un
espace européen de l’enseignement supérieur, le dispositif a appelé en
corollaire la nécessité de coordonner le fonctionnement des
établissements qui occupent cet espace. La première tentative d’établir
cette coordination est passée par des textes dont la force résidait dans
l’accord des responsables nationaux sur lequel ils étaient établis. Cette
force s’est révélée insuffisante. Quand elle n’est que morale, la
contrainte a une efficacité moindre que quand des règles explicites
dotent une instance de la puissance de réserver à ceux qui la respecte
scrupuleusement l’accès à des ressources précieuses, comme la
réputation (Dale, 2010).
La justification de la contrainte et les moyens de l’exercer ont été
fournis par la qualité : le dispositif européen de l’enseignement
supérieur a intégré à la fois un discours sur la qualité, qui tend à la
constituer en enjeu vital et des structures organisationnelles dédiées à
évaluer les programmes et les établissements. Le projet de coordonner
les initiatives adoptées en vue de contrôler la qualité de
l’enseignement supérieur n’est pas neuf, il a été affirmé explicitement
dès le lancement du processus de Bologne, certains analystes
considèrent même que c’en est l’axe essentiel. S’il n’a pu se réaliser
rapidement, c’est en bonne partie parce que les États se sont montrés
très réticents à accepter de déléguer à une instance internationale le
droit de fixer les critères de qualité de leurs établissements
d’enseignement supérieur et de recherche. La multiplication des
rankings autant que le bruit médiatique qu’ils suscitent ont fait évoluer
les mentalités en montrant à quel point il était devenu illusoire de
protéger les établissements des comparaisons. En effet, dès lors qu’ils
sont incités à recruter sur une scène internationale, les établissements
ne peuvent pas refuser les mécanismes d’évaluation qui y ont cours,
ils sont même tenus de s’y soumettre et de collaborer en livrant des
informations qui permettent de les classer. En se soumettant
volontairement à des épreuves d’évaluation ou de certification de la
qualité dans lesquelles ils peuvent faire valoir les spécificités de leur
projet, les établissements peuvent finalement mieux se protéger que
quand ils sont classés de façon très mécanique au départ de quelques
critères dont ils ne peuvent négocier ni l’application ni la pondération
dans la construction de la note finale.
Les autorités européennes n’ont pas été les premières à affirmer qu’il
était nécessaire de mettre en place des procédures d’évaluation de la
qualité dans l’enseignement supérieur, elles ne sont pas les seules à
continuer à le soutenir. Une illustration parmi bien d’autres possibles
Le dispositif impose la migration des objets … 55
en est offerte par la déclaration finale de la conférence mondiale de
l’UNESCO de 2009, qui recèle cette prescription peu nuancée : « des
mécanismes de contrôle et d’assurance qualité doivent être mis en
place pour tout le secteur de l’enseignement supérieur » (UNESCO,
2009, p. 4). Comme en écho aux propos de Viviane Reding qui affichait
sa volonté de changer les mentalités des universités, l’UNESCO estime
que « la qualité exige à la fois la mise en place de systèmes d’assurance
qualité et de programmes d’évaluation et la promotion d’une culture
de la qualité au sein des établissements » (UNESCO, 2009, p. 4). Le
mode européen d’organisation de l’évaluation de la qualité est
considéré comme celui qu’il faut suivre : « la mondialisation a mis en
lumière la nécessité de créer des systèmes nationaux d'homologation
et d'assurance qualité et de promouvoir leur mise en réseau »
(UNESCO, 2009, p. 6). Ces éléments s’intègrent harmonieusement au
dispositif européen de l’enseignement supérieur en présentant le
cheminement vers la qualité comme tout aussi souhaitable
qu’inéluctable. Le lexique convoqué pour la circonstance est
impératif : « des mécanismes […] doivent être mis en place », « la
qualité exige », « la nécessité de créer ». L’UNESCO n’a pas les moyens
de contraindre les États, et le décalage entre la fermeté de ses
recommandations et la faiblesse de ses moyens d’action peut amener à
se questionner sur la pertinence de ses propos. Isolés, ils paraissent
dérisoires, mais quand ils prennent leur place dans un réseau de sens
déjà bien établi, ils s’avèrent très efficaces pour apporter un surcroît de
légitimité aux prescriptions que d’autres instances ont émises.
Dans l’espace européen de l’enseignement supérieur, ces
prescriptions sont sans ambiguïté. Tous les pays membres du
processus de Bologne ont été fortement incités à créer leur agence
nationale d’évaluation de la qualité et à la faire reconnaître par
l’EQAR et l’ENQA. Les agences nationales sont libres de mener leurs
évaluations des établissements d’enseignement supérieur comme elles
l’entendent, mais si elles veulent être reprises dans le registre EQAR
« qui facilitera l’identification des agences professionnelles et
crédibles » (CNE, 2006, p. 5), elles sont tenues de se conformer aux
directives du Standard and Guidelines for Quality Assurance in the
European Higher Education Area, adopté par les instances de pilotage du
processus de Bologne en 2005. L’EQAR et l’ENQA s’inscrivent dans le
dispositif comme les gardiens de la qualité des agences de qualité,
c’est-à-dire comme les instances habilitées à attester que les
évaluations des établissements qu’elles opèrent sont effectuées selon
les règles de l’art. En être membre ouvre sans réserve le droit de
participer aux échanges d’idées, d’étudiants, de chercheurs et
d’enseignants que soutient la Commission européenne. Ne pas en être
n’exclut pas d’office de ce droit, mais impose d’autres épreuves à ceux
qui veulent en bénéficier. Le Standard and Guidelines est un catalogue
de prescriptions, plus impératives l’une que l’autre. Dans la traduction
française qu’en propose le Comité national d’évaluation français
(CNE), « les mots dérivés du verbe "devoir" apparaissent 67 fois »
(Croché, 2012, p. 102), on peut dénombrer dans le texte original 165
occurrences de should, ce modal auquel recourt la langue anglaise pour
dire l’obligation quand elle veut le faire avec courtoisie et élégance.
Nous ne reprendrons ici que les quelques consignes qui portent sur
l’évaluation des enseignements, dans la mesure où elles ont modifié la
signification qu’elle avait dans les universités de Belgique
francophone et dont il convient de présenter quelques caractéristiques.
L’évaluation des enseignements s’y est introduite à petit bruit au
cours des dernières décennies. La facilité avec laquelle elle a pu
s’intégrer souplement aux pratiques peut surprendre quand on sait les
oppositions vives auxquelles elle se heurte en France (Garcia, 2008b).
Les rapports que les citoyens entretiennent avec l’État expliquent cette
différence entre les deux pays. L’évaluation de l’enseignement par les
étudiants est née aux États-Unis, où le doute sur la capacité des
autorités publiques d’avoir une gestion efficace est intégré à la culture
d’une bonne partie de la population. Dans l’histoire de la Belgique, cet
État sans nation, le refus de laisser les autorités publiques intervenir
dans l’enseignement autrement que pour lui garantir les moyens de
fonctionner correctement a été constant 3. Le financement des
établissements de tous les degrés de l’enseignement dépend
directement du nombre d’inscrits. Les universités sont tenues
d’accueillir tous les porteurs d’un diplôme de l’enseignement
secondaire, et l’obtention de celui-ci est de la seule responsabilité des
écoles, qui ne doivent justifier leurs décisions auprès d’aucune
instance. Les étudiants entament dès lors leurs études supérieures
avec des acquis très différents et des ambitions très contrastées. Dans
cette configuration particulière, l’évaluation des enseignements par les
étudiants se présente comme une ressource précieuse pour les
professeurs, elle leur permet de prendre une mesure approximative
La proposition doit être un peu nuancée : depuis la communautarisation de
l’enseignement intervenue en 1989, des responsables politiques ont fait preuve d’un
interventionnisme jusque-là inédit dans tous les degrés de l’enseignement.
3
Le dispositif impose la migration des objets … 57
des compétences et des intérêts des étudiants. Jusqu’à ce que les
pilotes du processus de Bologne en décident autrement, l’évaluation
des enseignements par les étudiants était inscrite dans une logique
domestique, au sens que Derouet (2000), dans la foulée de Boltanski et
Thévenot, donne à ce terme. L’inscription dans cette logique
domestique allait de pair avec une conception de la qualité de
l’enseignement comme le fruit d’une interaction entre les parties en
présence. Pour améliorer cette qualité, l’évaluation aidait chaque
partie à s’enquérir de l’attente de l’autre, en postulant que la démarche
volontaire dans laquelle les deux s’étaient inscrites (le professeur en
organisant l’évaluation, les étudiants en acceptant d’y répondre)
garantissait qu’elles feraient le meilleur usage possible des
informations qu’elles auraient obtenues. Au début, les questionnaires
d’évaluation n’étaient pas du tout standardisés, puisque chacun de
ceux qui étaient administrés servait le projet pédagogique particulier
qu’avaient construit un professeur et des étudiants. Avec le temps, un
noyau commun de quelques questions a été accepté par tous parce
qu’il permettait d’opérer quelques comparaisons entre les
enseignements, ce qui donnait d’utiles points de repère à chacun. La
majeure partie des questions restait toutefois sous le contrôle des
acteurs impliqués, un professeur et ses étudiants. Les réponses à ces
questionnaires d’évaluation n’appartenaient qu’au professeur
concerné, qui avait le droit, mais non l’obligation, d’en faire mention
dans les dossiers qu’il déposait pour solliciter une promotion ou pour
postuler un cours.
C’est cet univers que des interprétations extensives des normes
adoptées en 2005 ont déséquilibré dans certains établissements. Le
Standard and Guidelines ne requiert pas explicitement qu’une
évaluation des enseignements par les étudiants soit organisée. Tout au
plus insiste-t-il sur « l’implication des étudiants dans le management
de la qualité » (CNE, 2006, p. 15), « la participation des étudiants aux
activités de management de la qualité » (CNE, 2006, p.16), sur la
nécessité, pour les établissements, de connaître « le niveau de
satisfaction des étudiants vis-à-vis des programmes » (CNE, 2006,
p. 18), sur « la participation des étudiants » (CNE, 2006, p. 21) au
management externe de la qualité. Le Standard and Guidelines ne
présente toutefois que des exigences minimales, il n’est, selon le
président de l’ENQA qui le préface, « que la première étape de ce qui
s’annonce comme une route longue et probablement ardue vers la
mise en place d’un ensemble largement partagé de principes,
d’objectifs et de bonnes pratiques dans le domaine de la qualité et de
son management » (CNE, 2006, p. 3). D’autres systèmes de
certification, très valorisés dans nos établissements, vont beaucoup
plus loin. Il en est ainsi, par exemple de la certification EQUIS. Dans
les Equis standards & criteria de l’European Foundation for Management
Development, il est précisé que parmi les documents qui doivent être
mis à la disposition des experts externes de l’évaluation figurent les
« teaching evaluation questionnaires for completion by students »
(EFMD, 2012, p. 22) et la « teaching evaluation (summary) by students
for each course » (EFMD, 2012, p. 23). Les établissements doivent
rendre compte de la manière dont ils intègrent le résultat de ces
évaluations dans l’attribution des cours et la progression de carrière
des professeurs. Equis rejoint en cela le Standard and Guidelines dans
lequel on peut lire : « Il est important qu’ils [les enseignants] puissent
bénéficier d’un retour d’appréciation sur la qualité de leurs activités
d’enseignement. […] Les établissements doivent offrir à des
enseignants peu pédagogues la possibilité de s’améliorer jusqu’à un
niveau acceptable, et doivent pouvoir les éloigner des fonctions
d’enseignement s’ils restent manifestement inefficaces » (CNE, 2006,
p. 17).
Lestée de nouvelles fonctions, l’évaluation des enseignements
change de monde. De support à la co-construction d’un enseignement
attentif aux projets des apprenants et aux particularités des
configurations de leurs acquis, elle devient un outil de contrôle d’une
production dont la qualité dépendrait exclusivement du professeur
(Garcia, 2008a). Les questionnaires d’évaluation sont standardisés, ce
qui facilite la mesure de l’écart de performances de chacun par rapport
à la norme statistique. Le monde de référence est désormais celui de
l’industrie, il s’agit pour chaque professeur ou chaque responsable de
programme de prouver que les conditions de l’efficacité technique
sont réunies et que rien ne peut donc lui être reproché. Les
gestionnaires deviennent comptables de la réputation de leur
établissement, qui trouve ses « indicateurs objectivement vérifiables »
dans les rankings et les verdicts des experts en certification de la
qualité. L’évaluation des enseignements ne vise plus à enrichir la
relation entre le professeur et l’étudiant, elle est le moyen par lequel il
est vérifié que les services promis à l’usager, volontiers désigné sous le
vocable de « client », lui ont été rendus dans les formes
contractuellement convenues. Les interviews de responsables
institutionnels attestent la puissance du dispositif qui les conduit à
Le dispositif impose la migration des objets … 59
faire leurs les critères du monde industriel. Interrogé sur le fait que le
résultat d’évaluations qui avaient été recueillies dans le modèle
domestique de co-production de l’enseignement par le professeur et
ses étudiants était dévoyé quand il était utilisé pour vérifier l’efficacité
pédagogique du professeur, un responsable institutionnel a répondu
que sa priorité absolue était de fournir le meilleur service aux
étudiants.
Conclusion
La mise de l’évaluation des enseignements au service du management
n’a été désirée par aucun des acteurs qui l’ont introduite dans
l’institution ou qui l’ont pratiquée pendant des décennies. Elle est
apparue initialement dans le seul monde où elle ne représentait
aucune menace pour quiconque, ce monde domestique qui bannit
toute comparaison interpersonnelle, toute compétition, toute
hiérarchie. Le changement de monde n’a pas été brutal, il s’est opéré
par glissements progressifs, dont aucun n’a alerté les acteurs. Le
premier a été la standardisation partielle des questionnaires
d’évaluation, explicitement voulue par les professeurs qui ont
demandé de disposer de points de comparaison pour pouvoir
interpréter les scores que leur enseignement obtenait sur les différents
indicateurs. Pour cela, il fallait que des questions soient communes à
tous les questionnaires et que des moyennes soient calculées. La
comparaison a fait sortir l’évaluation du monde domestique sans que
nul n’en ait été conscient. Le second glissement a été induit par des
choix techniques. Pour diverses raisons, il a fallu changer de
prestataire de service pour le codage des questionnaires. Le choix,
auquel les professeurs n’ont pas été associés, a donné de l’importance
à des critères comme la rapidité, la qualité technique et le coût de la
prestation. Il a impliqué une standardisation complète du
questionnaire, qui n’a pas été débattue, puisque le cœur du
questionnaire était déjà fait de questions standardisées. L’évaluation
des enseignements avait alors changé de monde sans que personne ne
s’en rende compte. Le dernier glissement l’a fait basculer pleinement
dans le monde industriel, elle fournit désormais des indicateurs
chiffrés à des gestionnaires qui les utilisent pour asseoir leurs
décisions stratégiques.
La migration de l’objet technique qu’est l’évaluation des
enseignements s’est opérée par étapes, et chacune d’elles a été
l’occasion d’une nouvelle traduction au sens où l’entendent Callon et
Latour. La légitimité de l’objet a été réaffirmée à chaque traduction,
mais les arguments pour la justifier ont évolué, presque
imperceptiblement, et d’une manière compréhensible puisqu’ils
rencontraient les questions pratiques du moment : comment aider les
professeurs à ajuster leurs enseignements aux compétences et à
l’attente des étudiants ? comment leur fournir une information
suffisante pour qu’ils puissent interpréter les résultats qui leur sont
donnés ? comment obtenir rapidement les résultats des évaluations
afin qu’ils soient utiles ? comment montrer que nous garantissons le
meilleur enseignement aux étudiants ? D’une question à l’autre, le
déplacement est manifeste, et le processus de traduction qu’il atteste a
pour nécessité fonctionnelle l’infidélité du produit final au produit
initial (Derouet 2002). L’évolution ne semble pas pour autant
erratique. La puissance normative du dispositif a inspiré la hiérarchie
des critères de choix, chaque fois qu’un problème a imposé de
modifier l’appareillage technique de l’évaluation des enseignements.
Et chaque choix a amené à le configurer mieux pour qu’il trouve sa
place dans le réseau de sens de ce dispositif.
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Contre toutes attentes- L’influence
européenne sur les politiques
d’enseignement supérieur en Allemagne
et en Suisse
Dennis Niemann, Tonia Bieber &
Kerstin Martens
Université de Brême
RÉSUMÉ
Même si les recommandations du processus de Bologne n’ont pas un
caractère contraignant, elles mettent de manière croissante les Etats Nations
sous pression pour réformer leurs systèmes d’enseignement supérieur. En
particulier, les pays germaniques ont mis en œuvre des réformes de grande
portée au cours de la dernière décennie alors que leurs systèmes éducatifs
différaient particulièrement des arrangements de Bologne. Dans cet article,
nous montrons que le processus de Bologne, quoiqu’il vise un alignement des
systèmes éducatifs nationaux à travers l’Europe, refaçonne de fait aussi les
institutions politiques allemandes et suisses- selon des directions différentes,
néanmoins. Alors que l’Allemagne a davantage fédéraliser son secteur de
l’enseignement supérieur, le gouvernement suisse a renforcé ses efforts de
centralisation. En considérant que les deux pays sont coordonnées par des
économies de marche avec des acteurs pouvant exercer un droit de veto et
bloquer les décisions politiques, et alors qu’ils ont en plus des traditions
similaires dans l’enseignement supérieur, l’interrogation demeure pourquoi
leurs réponses aux efforts d’Européanisation diffèrent dans la politique
éducative. Dans nos analyses, nous examinons dans quelle mesure les
réactions dissimilaires des deux pays peuvent être expliquées par
l’interprétation du discours de Bologne comme la partie d’un jeu à deux
niveaux où les gouvernements nationaux sont amenés à utiliser le niveau
internationale comme un argument pour justifier l’introduction de réformes
tardives ou controversées. Alors qu’en Suisse les défis posés par le processus
de Bologne sont considérés comme un moyen de centraliser l’enseignement
supérieur, l’Allemagne a davantage poussé en direction d’une fédéralisation
de façon à être compétitive sur le marché international émergent de
l’enseignement supérieur. L’étude s’appuie sur des méthodes quantitatives
pour suivre le processus, une analyse de documents, des entretiens avec des
décideurs politiques nationaux dans l’enseignement supérieur.
MOTS CLÉS
Bologne,
pays
germaniques,
centralisation/décentralisation
institutions,
gouvernance,
ABSTRACT
Even though provisions in the Bologna Process are of non-binding character,
they put nation states increasingly under pressure to reform their higher
education systems. Particularly, German-speaking countries underwent farreaching reforms in the last decade since their education systems were
particularly different to the Bologna arrangements. In this paper, we argue
that the Bologna Process, although aiming at aligning national education
systems across Europe, in fact reshaped German and Swiss political
institutions as well – in different directions, however: While Germany further
federalized its higher education sector, the Swiss government enforced its
centralization efforts. Considering that both countries are coordinated market
economies with many strong veto players that are able to block policy
decisions, and additionally have similar higher education traditions, the
question remains why their responses to Europeanization efforts in education
policy differ. In our analyses, we examine to what extent the dissimilar
reaction patterns of the two countries can be explained by the interpretation of
the Bologna discourse as part of the two-level game where national
governments may use the international level as an argument to justify the
introduction of overdue or controversial reforms. While in Switzerland the
challenges posed by the Bologna process were considered as a task to
centralize higher education, Germany pushed for more federalization in order
to be competitive on the emerging international higher education market. The
study relies on qualitative methods of process tracing, document analysis, and
expert interviews with national decision makers in higher education.
KEYWORDS
Bologna,
German-speaking
centralization/decentralization
countries,
institutions,
governance,
Introduction
L’enseignement supérieur devient international. En une décennie, la
politique éducative, qui a longtemps été considérée comme une
politique relevant du domaine politique «national», est devenue une
question largement débattue par delà les frontières. Le processus
global de mondialisation n’est pas sans lien avec cet état de fait et l’on
peut même dégager deux aspects de la mondialisation qui ont
influencé les évolutions de l’enseignement supérieur.
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 65
D’une part, l’excellence de l’enseignement supérieur est considérée
comme un facteur déterminant pour le progrès économique et la
prospérité d’une économie nationale. D’autre part, les systèmes
d’éducation nationaux sont confrontés à des restrictions financières, ce
qui induit une compétition mondiale entre les étudiants. Pour contrer
cela, les gouvernements nationaux doivent être en mesure de
développer des stratégies pour rendre leurs systèmes d’éducation
compétitifs à l’échelle mondiale. En Europe, la réponse la plus
significative à ces problèmes est la mise en place du Processus de
Bologne, dont le but est de rendre l’enseignement supérieur en Europe
le plus attractif possible.
A l’origine, le processus de Bologne de 1999 a été lancé afin
d’harmoniser les systèmes d’enseignement supérieur des pays
Européens. Son objectif principal a été la création d’une Zone
Européenne de l’Enseignement Supérieur (EHEA), qui a vu le jour en
2010 (Déclaration de Bologne 1999). Il s’agissait de mettre en place un
système de diplômes lisibles et aisément comparables d’un pays à
l’autre. Les objectifs élémentaires consistaient donc à implémenter un
système à trois niveaux ainsi qu’un système commun de transfert des
crédits (ECTS). S’ajoutait à cela la promotion de la mobilité des
universitaires et des étudiants, ainsi qu’une collaboration Européenne
sur la notion de système qualité. En 2011, 47 pays avaient rejoint le
processus de Bologne, de l’Islande à la Turquie, du Portugal au
lointain Kazakhstan. A l’exception de la Biélorussie, le processus de
Bologne regroupe l’ensemble de l’Europe et ses pays frontaliers. En
plus de ces membres gouvernementaux, la Commission de l’Union
Européenne est devenue membre à part entière du processus en 2003,
tout comme de nombreuses Organisations Non Gouvernementales
(ONG,) ainsi que divers groupes d’intérêt qui ont rejoint le processus
en tant qu’organes consultatifs. Etant donné que tous les objectifs
n’ont pas été atteints complètement en 2010, le Processus de Bologne
va être prolongé dans les prochaines années (Secrétariat de Bologne
Benelux 2009).
La participation au Processus de Bologne a impliqué, pour certains
pays, une réforme globale de leur système d’enseignement supérieur.
Les pays germanophones en particulier, ont subi des changements de
grande ampleur à la suite de leur adhésion au processus. Etant donné
que le système éducatif des pays germanophones est très différent des
accords de Bologne, lesquels sont fondés sur une approche anglo-
américaine qui privilégie les cursus «consécutifs» et les notions
«d’utilisabilité économique» et consorts, les pays germanophones se
sont trouvés contraints d’adapter leur système d’enseignement
supérieur au nouveau modèle. D’importantes réformes ont été menées
par l’Allemagne et la Suisse afin de se conformer au cadre du
processus de Bologne et d’en atteindre les objectifs. L’harmonisation
vers les cursus Licence et Master, les crédits ECTS, les structures
d’assurance-qualité et le Supplément au Diplôme sont les
changements les plus visibles de la politique menée. Dans l’ensemble,
les deux pays appartiennent au groupe qui a pris le Processus de
Bologne et les réformes envisagées au sérieux.
Bien que son but ait été d’aligner les différents systèmes éducatifs en
Europe, le Processus de Bologne a, de façon indirecte, contribué à
remodeler les institutions politiques de l’Allemagne et de la Suisse.
Lorsque les Etats ont commencé à se rendre compte que leurs
systèmes d’enseignement supérieur ne se limitait plus à un niveau
national mais qu’ils étaient entrés en compétition au niveau
international sur le marché de l’éducation, la volonté première des
décideurs politiques nationaux a été de rendre leur enseignement
supérieur meilleur que tous les autres. Pour cela la Suisse et
l’Allemagne ont engagé une réorganisation complexe de leurs
systèmes. Alors que le changement des Cursus peut être directement
imputé aux prescriptions de Bologne, la reconfiguration des
institutions politiques n’a pas été initiée par le modèle de Bologne
mais est une réalité visible. Cette reconfiguration est étroitement liée
au processus général d’internationalisation de l’enseignement
supérieur.
Dans cet article, nous avançons que le Processus de Bologne a, par
effet de ricochet, affecté les institutions politiques de l’Allemagne et de
la Suisse. Cependant, en fonction du pays, les effets diffèrent:
Alors qu’en Allemagne le gouvernement a choisi d’accentuer la
décentralisation de l’enseignement supérieur, la Suisse a décidé la
centralisation. Comment peut-on expliquer des développements si
différents? Le processus de Bologne est-il l’unique raison de ces
évolutions? En réalité, les deux pays ont une approche similaire sur
plusieurs éléments qui déterminent l’action politique en termes
d’éducation. L’Allemagne et la Suisse sont des sociétés qui
fonctionnent selon une économie de marché coordonnée et toutes
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 67
deux sont dotées de nombreux contre-pouvoirs puissants qui sont en
mesure de bloquer les décisions prises pour mener les politiques (Hall
& Soskice, 2001; Tsebelis, 1995) De la même manière, les deux pays
possèdent une tradition de l’enseignement supérieur ancrée dans la
pensée Humboldtienne (Clark 1983; Martens et al 2010). Enfin, les
deux pays ont bâti leurs systèmes d’enseignement supérieur sur une
structure fédérale. (Griessen & Braun, 2010)4 . Ces éléments ne peuvent
donc pas expliquer la différence de réponse au processus de Bologne
de ces deux pays.
Dans notre analyse, nous avançons l’idée selon laquelle les réactions
différentes des deux pays peuvent être expliquées par le fait que le
processus de Bologne est considéré par les pays comme faisant partie
du «jeu des deux niveaux» Européen, grâce auquel les gouvernements
nationaux utilisent le niveau Européen pour justifier des réformes
tardives ou controversées (Moravscik, 1993; Wolf, 2000). Nos
recherches montrent que dans les deux pays les mêmes arguments de
«l’international» ont été utilisés pour légitimer des changements
diamétralement opposés de compétence gouvernementale. Alors
qu’en Suisse les défis posés par le Processus de Bologne ont été
envisagés comme une invitation à centraliser l’enseignement
supérieur, l’Allemagne a poussé vers plus de décentralisation afin
d’être plus compétitive sur le marché naissant de l’enseignement
supérieur international. L’étude se fonde sur des méthodes
qualitatives de traçage des processus, d’analyses de documents et
d’entretiens approfondis de décideurs politiques nationaux dans le
champ de l’enseignement supérieur5.
L’article est organisé de la manière suivante: le paragraphe qui suit
commence par un cadre analytique de recherche sur la gouvernance
dans
l’enseignement
supérieur
et
sur
son
processus
d’Européanisation, qui a été mis en jeu dans le processus de Bologne.
Alors que l’enseignement supérieur allemand est sous la responsabilité exclusive
des Länder, les compétences politiques dans l’enseignement supérieur suisse sont
divisées entre le gouvernement fédéral et les autorités cantonales en fonction du
type d’institution chargée de l’enseignement supérieur.
5
Cet article est le produit d’une recherche conduite dans le projet
„internationalisation of Education Policy“ au centre de recherche collaboratif.
Transformation de l’Etat“ de l’Université de Brême. Le centre est financé par la
Deutcshe Forschungsgemeinschaft. Entre mars 2008 et mars 2010, 35 experts en
Suisse et entre mars et juillet 2008 quinze experts en Allemagne ont été interviewé.
4
Dans ce contexte, le Processus de Bologne et ses objectifs y sont
définis. Les deux paragraphes suivants fournissent des données
empiriques sur la (dé)centralisation et les processus d’Européanisation
dans l’enseignement supérieur de la Suisse et de l’Allemagne. Nous
présentons les réformes nationales et évaluons quels processus ont
créé les changements observés. Le paragraphe final compare les
résultats et indique des pistes de recherches potentielles. Nous
montrons, non seulement que le Processus de Bologne a provoqué et
encouragé des dynamiques de réforme dans les institutions politiques
en Allemagne et en Suisse, mais également que l’internationalisation
de l’enseignement supérieur a conduit à des changements
institutionnels nationaux.
Approche théorique: User et abuser du niveau
international pour les réformes nationales.
Dans l’ensemble, le Processus de Bologne n’est pas basé sur un traité
intergouvernemental mais formé par un accord volontaire des
ministres responsables de l’enseignement supérieur des pays
participants. Ses recommandations sont consultatives et le fait de ne
pas s’y conformer n’amène aucune sanction. Il est du ressort des
gouvernements de chaque pays participant de s’approprier ou au
contraire de rejeter les principes fondateurs du Processus de Bologne.
Ainsi, toute réforme qui se réclame du Processus de Bologne est entre
les seules mains des Etats membres. Comment, dès lors, expliquer que
les réformes institutionnelles de l’Allemagne et de la Suisse suivant le
processus de Bologne soient aux antipodes l’une de l’autre? Pourquoi
ces Etats ont-ils même pris la peine de conduire des réformes
politiques étant donné que le Processus de Bologne visait en priorité à
réformer les cursus universitaires et pas les institutions politiques?
L’approche intergouvernementale libérale (Moravcsik, 1993), un
concept centré sur le rôle des acteurs, autrement appelé «la nouvelle
raison d’Etat» (Wolf, 2000) apporte une réponse à ces questions. Cette
approche des Relations internationales estime que les gouvernements
nationaux entrent dans l’arène intergouvernementale non seulement
dans le but de centraliser des ressources stratégiques et de réduire les
coûts des transactions, mais aussi pour gagner une marge de
manœuvre sur le plan national. Ainsi que Thompson (1995, p. 226) l’a
formulé: Les initiatives internationales peuvent «prêter [...] à l’Etat,
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 69
une autonomie nationale grâce aux institutions telles que le droit et la
diplomatie internationale, qui donnent à l’Etat le pouvoir de
surmonter les résistances sociétales à ses manœuvres politiques». Des
accords intergouvernementaux tels que le Processus de Bologne
peuvent ainsi servir de justifications par l’exécutif national pour
introduire des réformes dans le contexte national. En faisant cela, ils
utilisent et détournent le niveau international en lui faisant porter la
responsabilité des réformes à engager, cela même alors que de telles
réformes ne sont pas une conséquence directe du processus
international.
Selon ces suppositions, le processus gouvernemental international
sert d’instrument de pression sur le processus politique national tant
qu’il reste sous le contrôle de l’Etat-membre impliqué. Une
quelconque implication au niveau intergouvernemental ne doit donc
pas résulter en une prise d’ascendant du niveau international sur le
niveau national en termes d’initiatives, étant donné que cela induirait
une perte par l’Etat de sa capacité à déterminer sa propre politique,
c’est aussi ce que les approches principal-agent sur les organisations
internationales ont montré. (Voir par exemple, Hawkins et al, 2006)
Au moins trois des quatre Etats initiateurs, à savoir la France,
l’Allemagne et l’Italie ont été amenés, pour des raisons nationales à
mettre en valeur le Processus de Bologne. Ainsi que l’ont montré
diverses études, les motivations principales pour s’engager dans une
initiative internationale pour l’enseignement supérieur étaient de
pouvoir encourager des réformes des systèmes éducatifs nationaux,
plutôt que de souhaiter une initiative Européenne en matière
d’éducation. (Martens & Wolf, 2009; Toens, 2007).
La
recherche
d’un
soutien
politique
à
un
niveau
intergouvernemental pour mettre stratégiquement en valeur les
capacités nationales doit être effectuée de manière délibérée. D’un
côté, afin de construire le pouvoir et d’exercer un contrôle vis-à-vis des
institutions et acteurs nationaux, l’influence des engagements
intergouvernementaux doit être assez solide pour mettre une certaine
forme de pression sur le processus décisionnaire. Le processus de
Bologne est l’initiative la plus complète concernant l’enseignement
supérieur. En tant que telle, il est quasiment impossible de ne pas la
prendre en compte dans la mesure où une telle stratégie conduirait le
pays à un isolement de sa politique éducative et cela ne le rendrait
guère attractif pour les étudiants. Cependant, d’un autre côté, le
pouvoir formel au niveau intergouvernemental ne doit pas être trop
étendu car cela affecte négativement la souveraineté nationale des
gouvernements. Tout comme dans le processus intergouvernemental,
le Processus de Bologne ne représente pas une autorité formelle (ou
même l’engageant légalement). En effet, il ne peut en aucun cas initier
des régulations pour les pays participants en ce qui concerne
l’éventuelle nécessité de réformes et la façon de les mener.
L’approche intergouvernementale de l’européanisation part du
principe qu’il y a des raisons nationales pour s’engager dans un
processus international. Cependant, celle-ci ne prédit en rien comment
ni dans quelle direction un pays va changer. Le processus de Bologne n’a
pas pour objectif d’harmoniser le contenu des études, pas plus que la
longueur des études, il propose tout juste de structurer les études en
différents cycles. Au regard des institutions politiques nécessaires
pour atteindre ces objectifs, le processus de Bologne ne fait aucune
recommandation. Ainsi, les pays participants peuvent facilement
utiliser le Processus de Bologne pour justifier de leurs réformes
respectives tant qu’elles tiennent le processus d’européanisation pour
responsable, et ce même si les réactions conduisent à emprunter des
directions divergentes, la décentralisation pour l’Allemagne et la
centralisation pour la Suisse.
Les réponses des différents systèmes politiques à
Bologne: comparaison de l’Allemagne et de la
Suisse.
La tendance actuelle du système d’enseignement supérieur mondial
est intrinsèquement liée au modèle anglo-américain de l’université qui
valorise la compétition institutionnelle et les mécanismes de marché
(Dobbins, 2011). De ce point de vue, l’Allemagne et la Suisse suivaient
toutes les deux le modèle universitaire Humboldtien (Clark, 1983) qui
est assez différent du modèle proposé par le Processus de Bologne. De
plus, la structure fédérale et un certain nombre d’opposants vigoureux
ont rendu les tentatives de réforme globale particulièrement difficiles.
Quoi qu’il en soit, les deux pays ont répondu au Processus de Bologne
non seulement en réformant leurs systèmes d’enseignement supérieur
mais aussi en modifiant leurs institutions politiques : pour ce faire, ils
ont pris en compte le nouveau paradigme de la marchandisation et ont
amélioré l’efficacité. Cependant, cela a été fait de façon très différente
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 71
dans les différents pays. Comme nous l’avons vu, l’Allemagne a
presque totalement décentralisé le secteur de l’enseignement
supérieur et a accordé beaucoup d’autonomie aux institutions
individuelles chargées de l’enseignement supérieur alors que la Suisse
a pour sa part centralisé l’enseignement supérieur pour améliorer la
coordination interne et pour renforcer son rôle dans le monde de
l’enseignement supérieur.
L’Allemagne: à la redécouverte d’une
décentralisation de l’enseignement supérieur.
Après vingt-cinq années sans aucune réforme, les systèmes
d’enseignement supérieur allemands ont été confrontés à des
changements radicaux lors du changement de siècle. Ces changements
n’ont pas seulement concerné des réformes des cursus et de
l’organisation de l’enseignement supérieur mais aussi des réformes au
niveau institutionnel. Dans l’ensemble l’enthousiasme récent pour les
réformes de l’enseignement supérieur fut une réelle surprise. D’un
côté, la suprématie traditionnelle des Länder en matière
d’enseignement (cf. Führ, 1997) a rendu des réformes globales et
unitaires particulièrement difficiles. De l’autre côté, le modèle
traditionnel allemand de l’université Humboldt, favorisant l’unité de
la recherche de l’enseignement était en inadéquation avec le modèle
international en vigueur, qui est orienté vers le marché et organisé en
fonction de ses exigences. En dépit de ces obstacles, une réorganisation
profonde des institutions politiques et des responsabilités dans le
système de l’enseignement supérieur a eu lieu et les décideurs
politiques
allemands
ont
répondu
aux
exigences
de
l’internationalisation en accentuant la décentralisation dans le secteur
de l’enseignement supérieur. Les Länder allemands et les institutions
individuelles chargées de l’enseignement supérieur ont gagné en
autonomie alors que le gouvernement fédéral a perdu ses
compétences déjà limitées en matière de gouvernance. Par conséquent,
un changement global des rôles en matière d’enseignement supérieur
a eu lieu en Allemagne et la relation à double niveau entre le
gouvernement fédéral et les Länder s’est quasiment dissoute.
La politique d’enseignement supérieur en
Allemagne avant Bologne.
Contrairement aux récentes évolutions en matière de
décentralisation de l’enseignement supérieur allemand, l’évolution
historique (d’après guerre) de l’influence fédérale sur l’enseignement
supérieur s’est caractérisée par un accroissement successif des
compétences du gouvernement fédéral depuis 1949. Au départ, le
gouvernement fédéral n’avait pas vraiment son mot à dire en matière
de politique d’enseignement supérieur. Ce ne fut qu’après le célèbre
choc occasionné par Spoutnik que le secteur de l’enseignement ouestallemand est devenu grossièrement coordonné. Confrontée à un retard
technique anticipé par rapport à ses ennemis de l’autre côté du rideau
de fer (Krücken, 2005, p.17), l’Allemagne a fait beaucoup d’efforts
pour faire avancer les sciences et l’enseignement. Pour ce faire (et ce
parmi d’autres choses), un rôle de coordonnateur et de soutien a été
exigé au niveau fédéral et le Ministère Fédéral a acquis ainsi des
compétences plus développées en matière de sciences et de gestion de
la recherche.
A la fin des années 1960, la classe moyenne allemande, nouvellement
apparue a appelé à une expansion du secteur tertiaire. Une assistance
financière était particulièrement nécessaire pour créer de nouvelles
universités et agrandir celles qui existaient déjà pour offrir des
opportunités d’accès aux études supérieures à davantage d’étudiants
(Teichler, 2005, p.31). Dans ce contexte de « massification », un
engagement plus fort du gouvernement fédéral était exigé. En résumé,
le gouvernement fédéral a successivement gagné de la voix et des
compétences plus importantes en ce qui concerne l’enseignement
supérieur, ce qui lui a permis finalement d’aboutir à la création de
l’Acte d’Encadrement de l’Enseignement Supérieur en 1976. Cet acte
d’encadrement fédéral est devenu un point de référence pour une
politique commune d’enseignement supérieur. Cela a clairement
défini les tâches principales de toutes les institutions chargées de
l’enseignement supérieur, leur statut légal, les pré-requis pour accéder
à l’enseignement supérieur et toute autre préconisation générale
(Künzel, 1982; Mushaben, 1984). Avec la création du Ministère Fédéral
de l’Enseignement et de la Recherche (BMBF) en 1994, le
gouvernement fédéral a mis en place un ministère dans un domaine
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 73
pour lequel il n’y avait pas, à l’origine, de juridiction constitutionnelle
(Erk, 2003, p.308). Cela ne signifie pas que les Länder ont été
totalement marginalisés, ils ont gardé leurs prérogatives politiques
pour l’enseignement supérieur.
L’influence soutenue du gouvernement fédéral s’est aussi ressentie
dans les arrangements institutionnels de la politique en matière
d’enseignement supérieur. L’accroissement des compétences du
gouvernement fédéral est allé de pair avec un besoin d’institutions
permettant une coordination à l’échelle verticale. C’est dans cette
perspective qu’un certain nombre d’institutions ont été créées et
d’autres étendues pour garantir la coopération entre le gouvernement
fédéral et les Länder. La Conférence Permanentes des Ministres de
l’enseignement et des Affaires Culturelles (KMK)6 et le Congrès de la
Fédération et des Länder pour la Promotion de la Recherche et de
l’Organisation de l’Enseignement (BLK) illustrent bien cette démarche.
Par conséquent, le gouvernement fédéral a vu son influence sur
l’enseignement supérieur grandir et au milieu des années 1990, il avait
acquis une part quasiment aussi importante que les Länder, la
politique relative à l’enseignement supérieur étant quasiment devenue
une activité conjointe des Länder et du gouvernement fédéral.
De nouveaux défis pour l’enseignement
supérieur allemand à l’ère de la mondialisation.
Après un « boom des réformes » à la fin des années 1960 et au début
des années 1970, la politique d’enseignement supérieur en Allemagne
s’est caractérisée par une période de consolidation et d’application des
différentes étapes des réformes préalablement décidées (Teichler,
2005, pp.32-33). Cependant compte tenu de la mondialisation
croissante et des interdépendances plus fortes à l’échelle
internationale, le secteur de l’enseignement supérieur en Allemagne
s’est trouvé contraint de se réformer pour faire face aux défis
émergeant et aux exigences à venir. A ce moment là, l’administration
allemande a clairement expliqué que la coopération internationale en
matière d’enseignement supérieur était une condition nécessaire pour
Le KMK peut avant tout être vu comme une institution où les Länder coordonnent
leurs politiques éducatives entre eux. Le KMK en tant qu’union des seize Länder
coopèrent avec le BMBF pour développer des positions et des recommandations
communes.
6
être performant à l’heure de la mondialisation croissante. « La
connaissance
ne
connait
pas
de
frontières
nationales.
L’internationalisation ouvre la voie aux réformes et au développement
et à la modernisation de l’enseignement supérieur. »7 Comme cela a
été mentionné dans un entretien, la mondialisation économique affecte
aussi la politique éducative, ce qui signifie que, sous couvert de
compétition accrue, les décideurs politiques allemands ont été amenés
à regarder de l’autre côté des frontières et à comparer leur propre
système d’enseignement supérieur et leurs performances académiques
aux Etats Unis et à leurs voisins européens (Interview GER 05). Selon
le leitmotiv consistant à vouloir faire des institutions d’enseignement
supérieur allemandes des institutions plus efficaces à l’échelle
internationale (KMK, 2010, p.31), deux courants de réformes
fondamentales récentes peuvent être identifiées comme ayant mené à
une réorganisation institutionnelle radicale en matière d’enseignement
tertiaire.
Tout d’abord, la conséquence directe de ce processus
d’internationalisation de l’enseignement a été de permettre aux
politiques allemands de participer activement aux efforts européens
pour créer un secteur commun d’enseignement supérieur qui pourrait
amener à établir le processus de Bologne in fine (Martens & Wolf,
2006). C’est ainsi que le secteur de l’enseignement supérieur allemand
a été significativement et fortement affecté par la réforme globale
initiée par le processus de Bologne du point de vue structurel.
Dans un deuxième temps, en plus du Processus de Bologne, une
réforme globale du fédéralisme allemand a eu un impact substantiel
sur le secteur de l’enseignement supérieur en accroissant encore
l’autonomie des Länder. La Réforme du Fédéralisme de 2006 a été la
réforme la plus complète des Lois Fondamentales Allemandes
(German Basic Law) depuis leur promulgation en 1949 et elle a
redistribué les compétences entre le gouvernement fédéral et les
Länder. Bien qu’elle n’ait pas eu pour but de changer la politique
d’enseignement supérieur allemande, la Réforme du Fédéralisme a
causé des changements institutionnels en la matière de façon indirecte
(Griessen & Braun, 2010, p.726). Les changements induits par la
Réforme du Fédéralisme ont mis l’accent sur une tendance plus
orientée vers les marchés dans l’internationalisation de l’enseignement
7
http://www.bmbf.de/en/3336.php, dernier accès le12 décembre 2011.
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 75
supérieur. De plus, la Réforme du Fédéralisme a implicitement créé un
accroissement de l’autonomie des universités et des universités de
sciences appliquées elles-mêmes.
En règle générale, l’application du Processus de Bologne et la
Réforme du Fédéralisme ont suivi une tendance identique qui peut
être perçue comme un phénomène de mondialisation (Toens, 2009,
p.254). A cet égard, les changements initiés par le processus de
Bologne ont été accompagnés de près par des réformes initiées par la
Réforme du Fédéralisme elle-même. En d’autres termes, sans Bologne
(ou de plus larges évolutions de l’internationalisation de
l’enseignement supérieur), les dispositions de la Réforme du
Fédéralisme auraient pu prendre une toute autre direction. Ainsi, les
efforts pour européaniser le Processus de Bologne ont permis aux
réformes institutionnelles d’avoir lieu par une Réforme du
Fédéralisme.
Les changements de l’enseignement supérieur
allemand: Bologne et la réforme du fédéralisme.
Dans l’ensemble, la tâche principale pour les politiciens allemands a
été de moderniser les institutions chargées de l’enseignement
supérieur en Allemagne. Au niveau des structures et de l’organisation,
ils ont cherché à atteindre ces objectifs au mieux en appliquant les
réformes préconisées par le Processus de Bologne.
La gouvernance souple souhaitée par le Processus de Bologne a
introduit des changements radicaux de l’enseignement supérieur
allemand du point de vue de la politique structurelle. Dans la mesure
où le Processus de Bologne a pour but de mettre en place un modèle
d’études consécutives composé de deux cycles principaux (étudiantdiplômé)8 alors que le programme d’études traditionnel allemand se
composait d’un seul cycle, des efforts sérieux ont du être engagés pour
aboutir aux objectifs des programmes de Licence et de Master
(BA/MA). Dans la lignée des préconisations de Bologne, le Système
d’Accumulation et de Transfert des Crédits Européens (ECTS) a été
établi afin de garantir la transférabilité des acquis universitaires entre
Depuis le Communiqué de Berlin (2005), le modèle des deux cycles a été modifié
par l’inclusion d’un cursus doctoral.
8
les différentes universités européennes. Le système qualité appliqué à
l’accréditation devait garantir que le cursus universitaire ainsi que les
diplômes universitaires des différents programmes d’études
répondent aux exigences préalablement définies par les autorités
étatiques. Globalement, de nombreuses réformes structurelles du
système d’enseignement supérieur allemand ont été menées jusqu’au
bout et ont permis de réorganiser en profondeur l’enseignement
supérieur. L’application concrète des réformes de Bologne en
Allemagne s’est passée en douceur et sans problèmes,
comparativement à d’autres endroits (Toens, 2009, p.247; Interview
GER 11). Pour exemple, jusqu’en 2009/2010, les structures BA/MA ont
été introduites dans 79% des programmes d’études (KMK, 2010 p.284).
Cependant, en ce nouveau siècle, le changement de l’enseignement
supérieur allemand ne s’est pas limité à des réformes structurelles.
D’autres réformes concernant l’organisation institutionnelle de
l’enseignement supérieur ont été introduites. Alors que le Processus
de Bologne a permis d’effectuer un changement de la dimension des
structures et de l’organisation de l’enseignement, les institutions ont,
elles, connu des changements importants au cours de la dernière
décennie. Enfin, ces changements peuvent également être mis
directement en relation avec les développements de la sphère de
l’enseignement européen, voire mondial. Le changement institutionnel
qui a eu lieu au niveau politique dans l’enseignement allemand a mis
en évidence une augmentation des compétences des Länder et dans le
même temps une diminution des compétences du gouvernement
fédéral, compensée par l’influence grandissante des IOs. Autrement
dit, le gouvernement fédéral a perdu la plus grande partie de ses
compétences, pourtant déjà assez limitées, en matière de politique
d’enseignement supérieur. A titre d’exemple, le gouvernement fédéral
n’était plus habilité à fournir directement une assistance financière et à
financer des programmes d’enseignement de son propre chef.
A cause de la redistribution des compétences dans le domaine de
l’enseignement, certaines institutions coopératives existantes ont
disparu, comme par exemple celle qui gérait « l’Organisation
Conjointe de l’Enseignement » et l’Acte définissant le Cadre de
l’Enseignement Supérieur, qui avaient servi d’instrument pour assurer
un secteur d’enseignement supérieur homogène dans tous les Länder.
Ils ont expiré en 2008. De plus, le conseil de coordination entre le
gouvernement fédéral et les Länder, le BLK, a été abrogé et remplacé
par la Conférence Conjointe sur les Sciences (GWK) en 2008. Le GWK
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 77
a mis l’accent sur la recherche (et son financement) et sur les stratégies
politiques9 à adopter. A cet égard, la composante « enseignement » de
l’enseignement supérieur s’est retrouvé volontairement employée de
façon plus abstraite dans le « jeu des deux niveaux » entre le
gouvernement fédéral et les Länder. C’est pourquoi il n’y a
actuellement aucune commission au sein de laquelle le gouvernement
fédéral et les Länder peuvent coordonner les questions relatives à
l’enseignement (supérieur) sur une base égalitaire. Ainsi la réforme
fédérale a conduit à une capacité de coopération moindre entre le
gouvernement fédéral et le Länder en ce qui concerne la politique
d’enseignement.
Grâce à la Réforme du fédéralisme, le caractère fédéral de la
politique d’enseignement a été accentué et cela a renforcé les Länder
pour leur permettre d’agir de manière autonome en ce qui concerne
l’enseignement supérieur et a ainsi souligné le retrait de fait du
gouvernement fédéral. Il est exact de parler de fédéralisation de
l’ensemble de la politique éducative en Allemagne. Cela ne signifie
pas pour autant que le gouvernement fédéral en a fini d’influencer la
politique relative à l’enseignement supérieur. Cependant son influence
s’est déplacée. En effet, à y regarder de plus près, le gouvernement
fédéral entre à une échelle différente dans le processus de
gouvernance concernant l’enseignement supérieur. Par rapport aux
décennies passées, cette influence est avant tout indirecte et
informelle. Aujourd’hui, la gouvernance fédérale est conduite sous
forme d’incitation positive (qui va de pair avec des opportunités
financières). Comme le gouvernement fédéral peut encore proposer
des facilités de financement à la recherche (en partenariat avec chaque
Land), il peut aussi adapter le financement à des besoins spécifiques
(Interview GER 05; Interview GER 13), comme par exemple l’Initiative
pour l’Excellence, aussi appelée Hochschulpakt 202010.Cette nouvelle
façon de gouverner par incitation reflète globalement une tendance
Pour plus d’informations sur le GWK, voir: http://www.gwkbonn.de/index.php?id=126, dernier accès le 5 janvier 2012.
10
En 2005, l’Initiative pour l’Excellence a été mise en place et a fourni un
financementt supplémentaire pour quelques universités sélectionnées (pour plus de
détail, voir Hartmann 2006). Le Hochschulpakt 2020, un accord conjoint entre le
gouvernement fédéral et les Länder assurait un soutien financier fédéral afin d’offir
à plus de nouveaux étudiants une chance de poursuivre des études universitaires.
(voir
http://bmbf.de/pubRD/verwaltungsvereinbarung_hochschulpakt2020.pdf,
dernier accès le 10 janvier 2012.)
9
indirecte du gouvernement fédéral à promouvoir ses intérêts en
matière d’enseignement supérieur.
En Allemagne, un des effets secondaires de cette internationalisation
fut le déclin de l’influence générale des autorités de l’Etat sur les
institutions
responsables
de
l’enseignement
supérieur.
Traditionnellement, le rôle des institutions d’Etat en matière
d’enseignement supérieur était très fort (Teichler, 2005, p.35) et c’est
en cela que ce système « peut être considéré comme un système
centralisé » (Pritchard, 2006, p.92).Le besoin ressenti d’être compétitif
à l’échelle internationale et les dispositions prévues par la Réforme
Fédérale ont impliqué de libérer les universités allemandes d’un
contrôle étatique rigoureux et de leur accorder davantage d’autonomie
en abolissant le droit de l’Etat de légiférer sur tout. Cette plus grande
autonomie accordée aux Länder afin de prendre des décisions en
matière d’enseignement supérieur a été accompagnée d’une
autonomie accrue des institutions responsables de l’enseignement
supérieur lui-même.
Ainsi, les institutions responsables de l’enseignement supérieur vont
agir comme des entreprises vis-à-vis de l’Etat et de la société. Elles
élaborent des objectifs et des stratégies qui leur sont propres, gèrent
leur budget par elles-mêmes et développent également des
programmes d’études originaux. Ces institutions d’enseignement
supérieur ont la possibilité d’établir leurs propres statuts mais ceux-ci
doivent êtres approuvés par le Ministère des Sciences et de la
Recherche du Land. En référence au « New Public Mangement », les
Lander gouvernent de plus en plus par l’intermédiaire d’accords
cibles, de moyens financiers propres et de contrats-cadres (cf.
Lanzendorf & Pasternack, 2008, pp.52-55; Interview GER 03). Dans ce
contexte, l’expression d’une « université libérée » (Müller-Böling,
2000) a émergé comme concept pour décrire le nouveau rôle des
institutions chargées de l’enseignement supérieur. Actuellement, le
contrôle approfondi des autorités d’état (des Lander) est en train
d’être remplacé par une gestion autonome des institutions chargées de
l’enseignement supérieur.
Cependant, le niveau actuel d’autonomie des universités est
différent en fonction des différents Länder. En Rhénanie du nord et en
Westphalie par exemple, la promulgation de la Loi de Base en matière
d’éducation (en 2007) a été la disposition la plus aboutie. Les
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 79
universités ont pu agir de façon totalement autonome sans être
affectées par l’administration du Land (Kamm & Köller, 2010, p.668).
En revanche, en Bavière, l’autonomie des institutions chargées de
l’enseignement supérieur a été étendue mais pas dans la mesure de ce
qui a été fait en Westphalie et en Rhénanie du nord. Les universités
bavaroises sont encore en relation étroite avec l’Etat. D’ailleurs,
l’amendement de « l’Acte Bavarois pour l’Enseignement Supérieur»
de 2006 limite l’influence de l’administration sur l’enseignement
supérieur à des aspects basiques tels que ses intérêts fondamentaux et
les questions financières.
Conclusion pour l’Allemagne - Explication des
Réformes de l’enseignement supérieur.
Pour résumer, la politique de décentralisation de l’enseignement
supérieur en Allemagne a clairement été promue par des processus et
des défis internationaux en la matière. En effet, les récentes réformes
institutionnelles de l’enseignement supérieur allemand peuvent être
définies par une influence moins formelle de l’Etat grâce à la
gouvernance fédérale, un renforcement structurel des Lander et une
autonomie croissante des différentes institutions chargées de
l’enseignement supérieur. Dans les faits, l’enseignement supérieur en
Allemagne est devenu plus décentralisé et par conséquent moins
régulé par le pouvoir central. Pour faire face à une compétition
mondiale grandissante, les autorités allemandes sont revenues sur
l’administration approfondie de ces institutions et elles ont initié un
processus de gestion autonome des institutions chargées de
l’enseignement supérieur. Cependant, ce n’est pas seulement le
Processus de Bologne qui a stimulé les réformes de l’enseignement
supérieur en Allemagne mais aussi un processus de mondialisation
plus large qui a introduit la notion de « besoin perçu », afin de
préparer le système de l’enseignement supérieur allemand à un
contexte mondial. Grâce à des stimuli divers, extérieurs et liés entre
eux occasionnés par le Processus de Bologne et une compétition
internationale toujours plus soutenue, les réformes de l’enseignement
supérieur allemand ont pris de la vitesse et cela a permis des
changements substantiels (Interview GER 12).
La Suisse: en route pour une centralisation de
l’enseignement supérieur.
Pendant les années 80, le secteur de l’enseignement supérieur en
Suisse a souffert d’une réforme tardive dans la mesure où la
modernisation des universités avait été débattue longuement sans
aboutir à aucun résultat. Au milieu des années 90, cette situation a
abouti à d’énormes problèmes. A titre d’exemple, une réforme de
l’enseignement
était
nécessaire pour
améliorer le ratio
enseignants/élèves, pour garantir la qualité de l’enseignement et pour
gérer des questions d’accréditation (Interview CH07, CH08) et les
universités avaient de plus en plus besoin de se coordonner entre elles
(et entre les différents cantons) pour favoriser la mobilité. Cependant,
les réformes d’harmonisation devaient être légitimées alors même que
la diversité avait toujours été considérée comme nécessaire
(Osterwalder & Weber, 2004 p.16). De plus, il y a avait des
manquements fondamentaux dans le système d’enseignement
supérieur suisse : une certaine opacité, une reconnaissance des
diplômes problématique et une mobilité internationale difficile
(Interview CH01, CH05). La situation s’est aggravée lorsque de
nouveaux compétiteurs venus des Etats Unis et du Royaume Uni ont
accru la pression déjà existante sur les « Sociétés Européennes de la
Connaissance » (Aeberli & Sporn, 2004). En adoptant un regard
extérieur, les réformes semblent avoir été menées afin de répondre à
des processus d’internationalisation. Alors que les réformes suisses
liées au Processus de Bologne devaient accroître la soi-disant « eurocompatibilité » de ce pays non membre de l’Union Européenne aux
pays membres, ces réformes de la centralisation ont en fait amélioré la
coordination des institutions chargées de l’enseignement supérieur au
sein même de la Suisse, lui permettant d’acquérir un statut plus
cohérent et sérieux dans le paysage mondial de l’enseignement
supérieur.
Traditions suisses en matière de politique
d’éducation Supérieure Antérieur à Bologne.
Les tendances contemporaines des réformes de la centralisation
n’ont rien à voir avec les tendances précédemment adoptées par la
gouvernance
de
l’enseignement
supérieur
en
Suisse.
Traditionnellement, l’éducation a toujours été gérée par les autorités
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 81
cantonales depuis la fondation de la Communauté Helvétique en 1848
– les compétences fédérales en la matière n’avaient pas beaucoup
changé depuis lors. Contrairement à l’Allemagne, la Suisse n’a pas
expérimenté de forte expansion de son système d’enseignement
supérieur ou encore de « massification » dans les années 1960. Au
contraire, l’éducation et la formation professionnelles ont joué un rôle
prépondérant et ont attiré une majorité de personnes ayant quitté
l’école avec le diplôme de fin d’études (Matura). Dans la mesure où
l’éducation et la formation professionnelles ont toujours été gérées par
la Fédération, les courants centralistes n’étaient pas d’actualité.
Dans les années 1990, des réformes marquées par des courants
d’internationalisation ont été initiées. La loi sur les Universités de
Sciences Appliquées de 1995 constitua un changement fondamental
dans la mesure où cela créa le Fachhochschulen (FHs), un nouveau
genre d’institution d’enseignement supérieur qui venait s’ajouter aux
universités déjà existantes (Fachhochschulgesetz, 1995). Cette réforme
significative a impliqué ce qui est connu comme la tertiarisation, c’està-dire que la formation des enseignants, l’enseignement et la
formation professionnelle supérieure n’étaient plus délivrées dans des
Seminarien et des Höhere Fachschulen, à savoir des institutions
administratives, commerciales ou des écoles polytechniques mais dans
des Pädagogische Hochschulen (PHs) et FHs. De cette façon, ces
différents types d’enseignement ont pu être valorisés et les PHs et FHs
ont reçu un statut comparable à celui des universités.
En ce début de nouveau siècle, des transformations radicales de
l’enseignement supérieur, aussi bien institutionnelles que structurelles
ont eu lieu. Ces réformes sont liées au Processus de Bologne mais elles
témoignent également d’une « centralisation » de la politique en
matière d’enseignement supérieur. Tout d’abord, en 1999, le processus
de Bologne a profondément modifié les structures d’études existantes
en introduisant de nouveaux programmes en Licence et en Master, un
système ECTS et des systèmes de garantie de la qualité Dans un
deuxième temps, La Loi de Promotion de l’Université de 1999 et sa
nouvelle version de 2006, l’Acte Fédéral concernant les Universités de
Sciences Appliquées et enfin l’avant projet de Hochschulförderungs- und
Koordinationsgesetz de 2009 concernent tous une nouvelle distribution
des responsabilités politiques allant vers une centralisation des
pouvoirs décisionnaires aux dépends des autorités cantonales.
Changements du paysage de l’enseignement
supérieur Suisse: Bologne et ses réformes.
Des réformes liées au Processus de Bologne et le principe de
centralisation ont émergé contre toutes attentes : la Suisse est en effet
un candidat peu probable en ce qui concerne des transformations
radicales et ce en raison de ses structures fédéralistes et de ses
principes fondamentaux en matière d’éducation, qui ne s’inscrivent
pas dans la philosophie de Bologne. Le gouvernement fédéral suisse
ainsi que les cantons partagent les compétences en matière de
politique d’enseignement supérieur : la Fédération est responsable de
l’Eidgenössische Technische Hochschulen, c’est-à-dire de ETH Zürich et
de EPFL Lausanne et aussi de Fachhochschulen, alors que les
universités cantonales et les Pädagogische Hochschulen sont soumises
aux autorités cantonales. De plus, le modèle de l’université suisse basé
sur le principe de Humboldt qui promeut l’unité de la recherche et de
l’enseignement est en conflit avec les idées de Bologne concernant
l’enseignement supérieur.
En dépit de ces obstacles, la participation de la Suisse au processus
de Bologne a fondamentalement changé le paysage de l’enseignement
supérieur au cours de la dernière décennie (Interview CH07, Criblez,
2008). Dans la mesure où l’enseignement supérieur suisse s’appuie à la
fois sur les autorités fédérales et les autorités cantonales en fonction
du type d’institution d’enseignement supérieur, les réformes pour
appliquer Bologne ont requis une discipline rigoureuse à l’échelle
nationale pour garantir une application uniforme et coordonnée
(Trampusch & Busemeyer, 2010, p.605). De cette façon, les réformes
reflètent la tendance à nationaliser la politique d’enseignement
supérieur suisse et à établir des organes communs pour améliorer la
coordination nationale des trois différents types d’institutions
chargées de l’enseignement supérieur en Suisse, à savoir les
universités, les FHs et les instituts de formation des enseignants. Ces
trois organes sont régulés par différents fondements légaux et par
différentes autorités : alors que les universités sont soumises à la Loi
de Promotion des Universités (UFG), les universités de Sciences
Appliquées sont régulées par l’Acte Fédéral sur les Universités de
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 83
Sciences Appliquées (FHSG) et les PHs11 suivent les Directives pour
l’Application de la Déclaration de Bologne du FH Council.
Pour les universités, l’UFG de 1999 a renouvelé la direction politique
en introduisant une coopération entre les deux niveaux étatiques, le
niveau fédéral et les cantons dans ce qui relevait par le passé du
domaine de compétence des cantons concernant les universités
(Bundesversammlung, 1999). L’UFG a créé de nouvelles institutions
lors de la Conférence de l’Université Suisse (SUK), précédemment
appelée Centre d’Accréditation et de Garantie de Qualité (OAQ). En
réalisant une telle réforme structurelle basée sur une coopération
verticale, l’UFG a organisé le SUK comme une institution politique
conjointe entre la Fédération et les cantons possédant une université12
(Bundesrat et Regierungen der Universitätskantone, 2000). Dans cette
perspective, la Fédération et les cantons ont formellement délégué un
certain nombre de responsabilités à la SUK en lui confiant des
pouvoirs décisionnaires (Benninghoff & Leresche, 2009). Ainsi, une
responsabilité unique pour l’application des réformes a été créée.
L’UFG a permis la fixation des directives de la SUK pour toutes les
universités. La Fédération et les cantons ont fourni à la SUK les
moyens financiers nécessaires à la direction, ce qui a permis de
garantir le caractère engageant de Bologne et a permis son application
sereine (Griessen & Braun, 2010, pp.731-732).
Ce nouveau type d’organisation a mis en valeur le fédéralisme
coopératif, ce qui signifie une coopération verticale de la Fédération et
des cantons (Benninghoff & Leresche 2009, Interview CH14). Cela a
été une vraie nouveauté, pas tant parce que la Fédération s’est
impliquée davantage et plus formellement dans l’enseignement
supérieur mais plutôt parce que les cantons ont bien voulu transférer
leur autonomie. Cela a mis un terme à la politique informelle qui était
la règle par le passé et qui consistait à trouver des accords entre la
Fédération et les cantons (Griessen & Braun, 2010, p.731).
Typologiquement les PHs appartiennent aux FHs mais tombent dans l’aire de
compétence des cantons qui les financent. Ils ont sujets aux règles cantonales et
inter-cantonales.
12
Les cantons des universités sont les dix cantons qui ont une université et
comprennent: Zurich, Bern, Lucerne, Fribourg, Basel-stadt, St Gallen, Ticino, Vaud,
Neuchâtel et Genève. Le Land de Basel a présenté sa candidature afin d’être
reconnu comme canton universitaire en février 2011.
11
Les autorités politiques suisses ont transféré la responsabilité de la
coordination de la partie la plus simple de l’application de Bologne à
des organisations intermédiaires, à savoir les conférences des recteurs
CRUS concernant la portée des universités, le colloque pour les
universités de Sciences Appliquées (KFH), pour les FHs, et le congrès
pour les Instituts de Formation des Enseignants (COHEP) pour les
PHs en 2000 (Bundesrat 2009; Lepori & Fumasoli, 2010, p.811). Cela a
été important car la Fédération n’avait pas les compétences pour
intervenir dans les questions d’éducation à l’échelle cantonale. La
coordination nationale a permis de garantir la réalisation d’une
réforme unitaire des institutions chargées de l’enseignement
supérieur, de façon à ce que les objectifs de Bologne puissent,
comparativement, être rapidement atteints et appliquées dans leur
ensemble en Suisse (SBF & BBT 2007; Universität Zürich, 2009). Par
exemple, les rapports faisant l’inventaire des différents points relatifs à
Bologne mis en application en Suisse ont montré que la Suisse est
parmi les pays pionniers en ce qui concerne l’application du processus
de Bologne (Benninghoff & Leresche, 2009, p.203).
Pour l’introduction du système de Bologne, la nouvelle loi FH de
1995 a déjà été partiellement révisée au bout de cinq ans (Interview
CH07). L’Acte Fédéral sur les Universités de Sciences Appliquées
(FHSG) de 2005 a mis tous les FHs 13 sous supervision fédérale
(Bundesversammlung 1995). Il a transféré la responsabilité pour les
professions de santé, les questions sociales et les arts des cantons à la
Fédération. Le but était de mettre en valeur la compatibilité nationale
et internationale et la compétitivité des diplômes. A cette fin, la
nouvelle loi a fourni les fondements légaux pour l’introduction des
études de licence et master obligeant les FHs à offrir des programmes
de licence et leur permettant d’offrir des programmes de Master, ainsi
que des QA établis et des systèmes d’accréditation.
Les changements de régime politique da ns
l’enseignement supérieur Suisse.
Les deux révisions de la constitution au début des années 1970 et à la
fin des années 1990 n’étaient pas parvenues à renouveler les
fondements légaux de l’enseignement supérieur. Le seul changement
13
Le terme FHs est appliqué dans le sens strict et n’inclut pas les PHs.
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 85
important lors de la révision de la constitution de 1999 avait consisté à
élargir les compétences fédérales en matière d’enseignement et de
formation professionnelle dans tous les domaines (Criblez, 2008,
p.288). En ce qui concerne l’enseignement supérieur cependant, la
révision de l’article constitutionnel n’avait pas pu aboutir en raison de
divergences d’opinions entre la Fédération et les cantons. Ainsi,
compte tenu de ce passif, la révision totale des articles de la
Constitution concernant l’enseignement en 2006 peut être considéré
comme un virage décisif. Pour la première fois dans l’histoire du pays,
une prétendue « zone d’éducation suisse » a été proclamée. Pour
arriver au but, la révision de la constitution a centré ses efforts sur les
changements dans l’enseignement en général et dans l’enseignement
supérieur en particulier.
En ce qui concerne l’enseignement en général, la garantie de la
qualité et la perméabilité de cette zone d’enseignement suisse ont été
confiées à la Fédération et aux cantons de manière conjointe afin
d’établir une zone d’enseignement suisse homogène. Cela les a
contraint à coopérer au sein d’organismes communs et à coordonner
leurs actions afin de promouvoir l’équivalence de l’enseignement
général et de la formation et l’enseignement professionnel (BV 1999,
art. 61a). La Fédération s’est vue confier des compétences subsidiaires
lui permettant de réguler des zones anciennement sous la
responsabilité des cantons. Les révisions constitutionnelles ont ainsi
permis des réformes substantielles en ce qui concerne l’harmonisation
des systèmes d’enseignement cantonaux.
En matière d’enseignement supérieur, le nouvel article
constitutionnel 63a a pour but de renforcer la coopération entre la
Fédération et les cantons en les engageant à piloter conjointement les
institutions chargées de l’enseignement supérieur, leur permettant
ainsi de garantir la qualité de l’enseignement supérieur suisse via des
contrats et le transfert de compétences vers des organes communs.
Cela peut avoir lieu sans changer fondamentalement la répartition
existante des compétences au sein du système, l’éducation élémentaire
restant à la charge des cantons (Interview CH13). Cela a créé les
conditions préalables nécessaires à un pilotage plus fort et simplifié de
l’ensemble de la zone d’enseignement supérieur suisse, un
financement transparent qui s’intéresse davantage aux performances
et aux résultats, une organisation stratégique et un partage des tâches
entre les différentes
supérieur14.
institutions
chargées
de
l’enseignement
Afin d’établir un “paysage d’enseignement supérieur Suisse”, un
avant projet de Loi Fédérale sur la Promotion des Universités et la
Coordination des Institutions de l’Enseignement Supérieur (HFKG 15) a
été élaboré en 2009 (Bundesrat, 2009). L’intention première était
d’accomplir le devoir constitutionnel de l’article 63a concernant le
processus de pilotage simplifié de l’enseignement supérieur afin de
permettre une régulation uniforme de l’ensemble du système
d’enseignement supérieur. Cette loi doit remplacer les deux différents
décrets concernant les UFGs pour les universités et les FHSGs pour les
FHs en 2012. Cela deviendra ainsi la seule base légale de la Fédération
concernant l’avancement financier des universités cantonales et des
FHs mais aussi pour le pilotage politique de l’ensemble de la zone
suisse d’enseignement supérieur, en partenariat avec les cantons.
Pendant le soi-disant processus de consultation, l’avant projet a
attiré l’attention par sa volonté d’unifier et de faciliter la coordination
de la zone d’enseignement supérieur suisse16. La coordination
simplifiée a été pensée pour garantir la qualité, la compétitivité, la
cohérence et l’efficacité du système d’enseignement supérieur suisse.
Après avoir été adopté par la Seconde Chambre (le Conseil des Etats)
en 2010, l’avant projet du HFKG doit être proposé aux consultations
parlementaires de la Première Chambre (Conseil National).
Le HFKG va définir les fondements de la coordination fédérale mais
aussi le financement en fixant un certain nombre de conditions aux
contributions fédérales pour les FHs et les universités cantonales. Les
principes et les procédures à appliquer pour une répartition des tâches
et une organisation politique cohérente de l’enseignement supérieur
http://www.sbf.admin.ch/htm/themen/uni/hls_de.html
et
http://www.sbf.admin.ch/htm/dokumentation/publikationen/grundlagen/factsheets
/FS01_Hochschulsystem_e_2008.pdf [22.12.2011]
15
http://www.parlament.ch/d/mm/2010/seiten/mm-wbk-s-2010-06-29.aspx
[22.12.2011]
http://www.parlament.ch/ab/frameset/d/n/4819/357525/d_n_4819_357525_357931.ht
m [22.12.2011]
http://www.parlament.ch/ab/frameset/d/n/4819/358887/d_n_4819_358887_358888.ht
m [22.12.2011]
16 http://www.sbf.admin.ch/htm/themen/uni_en.html [22.12.2011]
14
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 87
suisse ont été posés, tout comme les principes du QA. Le HFKG
institue aussi la création d’organes et d’objectifs communs. Cela
permet d’unifier l’accréditation de l’ensemble de la Suisse à l’égard
d’une soi-disant accréditation institutionnelle, et cela la rend
obligatoire pour toutes les institutions éducatives, alors que, par le
passé, seules les FHs devaient subir cette procédure (Interview CH04).
Conclusion pour la Suisse - Explication des
réformes de l’enseignement supérieur.
A l’aune de ce nouveau siècle, il est maintenant possible d’affirmer
que des changements radicaux ont été opérés en Suisse dans le secteur
de l’enseignement supérieur. Alors que le Processus de Bologne a
complètement transformé les programmes d’études suisses et établi
pour la première fois un système de garantie de la qualité, les réformes
de la gouvernance ont été marquées par une centralisation du
contrôle, accomplie grâce à la Loi de Promotion de l’Université, d’une
révision constitutionnelle, d’un Acte Fédéral pour les Universités de
Sciences Appliquées et enfin d’un avant-projet de Hochschulförderungsund Koordinationsgesetz. Ce sont à la fois les processus
d’internationalisation et la mondialisation rapide du secteur de
l’enseignement supérieur qui ont agi comme des forces conductrices
de ces développements actuels et qui ont engagé les politiciens suisses
à intégrer toutes les compétences décisives en matière d’enseignement
supérieur à un niveau fédéral. Le Processus de Bologne a tout
particulièrement donné aux politiciens HE suisses une chance
historique d’appliquer les réformes nécessaires (SBF & BBT, 2005).
L’antagonisme entre le modèle de Bologne et le modèle HE suisse a
modifié les opportunités de structurer autrement une réforme
nationale basée sur une coalition entre l’autorité fédérale HE du
ministère (SBF), les universités et leurs organisations respectives.
Conclusion
Il est devenu évident en Allemagne et en Suisse que
l’internationalisation croissante de l’éducation était un levier décisif
pour initier des projets de réformes. De plus, dans les deux pays, les
réformes ne se sont pas limitées à une dimension structurelle mais
elles ont aussi concerné des fondements institutionnels en matière de
politique d’enseignement supérieur. Afin de rendre leurs systèmes
d’enseignement supérieur plus compétitifs à l’échelle mondiale, des
réformes structurelles complètes ont été initiées. Tout d’abord, ces
réformes ont été chapeautées de façon coordonnée par le Processus de
Bologne. Par conséquent, des changements radicaux ont été opérés :
les cursus consécutifs ont été introduits, un travail a été mené sur la
comparabilité des programmes académiques et des mesures pour
garantir la qualité ont été mises en place ou étendues. En ce qui
concerne les changements structurels, le Processus de Bologne peut
être considéré dans les deux cas comme un modèle pour les tentatives
de réformes nationales. Cependant, cela a également impliqué des
réformes institutionnelles de l’enseignement supérieur. La prise de
décision et les autorités politiques plus largement ont été amenées à
changer de façon non négligeable. En Allemagne, l’enseignement
supérieur est devenu plus décentralisé et a déplacé les compétences à
l’échelle des Länder et en accordant plus d’autonomie aux universités.
A l’inverse, en Suisse, la centralisation de l’enseignement supérieur
s’est accentuée en accordant plus de pouvoir au gouvernement
fédéral.
Ce qui a conduit à décentraliser les politiques de l’enseignement
supérieur
en
Allemagne,
en
réponse
aux
processus
d’internationalisation, peut être mesuré par l’approche de la
« nouvelle raison d’état ». A la fin des années 1990, les réformes de
l’enseignement supérieur étaient en retard. Par le passé, la structure
nationale complexe en matière de politique d’éducation, avec la
suprématie du Länder, avait empêché toute réforme complexe d’avoir
lieu pendant plus de 20 ans. Les développements à l’échelle
internationale- en particulier la mondialisation croissante des relations
économiques et sociales- ont créé un réel besoin de réformer le secteur
de l’enseignement en Allemagne afin de lui permettre d’être
compétitif à l’avenir. Une des réponses proposées à ce défi a été la
participation au Processus de Bologne qui a mené à des changements
substantiels de certains aspects structurels de l’enseignement
supérieur.
Des
réformes
institutionnelles
des
politiques
d’enseignement supérieur ont eu lieu également. De cette façon, Toens
(2009) a montré que le Processus de Bologne était utilisé par les
politiciens allemands, principalement à l’échelle fédérale pour justifier
les réformes globales de l’enseignement supérieur. Sans le cadre
intergouvernemental de Bologne, ces réformes n’auraient pas été
faisables.
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 89
Alors que la mise en place de réformes structurelles peut être
expliquée par l’approche de la « nouvelle raison d’état », la
décentralisation allemande actuelle doit cependant être expliquée plus
avant. Il se peut qu’elle soit liée à des institutions politiques internes
qui définissent la façon dont les réformes en matière d’enseignement
doivent être introduites. La tâche simple consiste à démêler les
compétences en matière de politique d’enseignement supérieur afin
d’être capable de réagir de façon appropriée aux développements et
défis internationaux. Avec l’ancien modèle d’un jeu à deux niveaux
entre le gouvernement fédéral et les Länder, une réponse rapide et
adéquate était quasiment impossible. Comme les Länder ont
fortement insisté sur leur suprématie formelle en matière de politique
d’éducation, le gouvernement fédéral n’avait pas d’autres choix que
d’augmenter ses propres compétences dirigeantes. L’objectif principal
a été de faire de la politique d’enseignement supérieur allemande une
politique plus efficace et réactive en annulant l’autorité conjointe du
Länder et du gouvernement fédéral. Comme il n’était pas possible de
centraliser l’enseignement supérieur, la seule solution était de
décentraliser et d’accorder plus d’autonomie aux Länder.
Avant le début du processus de Bologne, la complexité des
responsabilités dans les institutions de l’enseignement supérieur en
Suisse avait abouti à une réforme à contretemps qui existait en fait
depuis les années 1980. Quand le processus de Bologne a abouti à la
fin des années 1990, cela a bousculé le paysage fragmenté de
l’enseignement supérieur suisse, l’obligeant à mieux coordonner les
différents niveaux politiques et à clarifier les compétences politiques
de chacun. En jouant le jeu à tous les niveaux, la Suisse a
stratégiquement exploité le processus de Bologne à l’échelle
internationale et l’a utilisé comme un argument international pour
légitimer l’aboutissement de projets de réformes et pour dépasser les
critiques conservatrices des institutions politiques suisses. Afin d’être
un acteur à part entière sur le terrain de l’enseignement supérieur, la
Suisse a rejoint le processus de réforme européen dès le début. Le
gouvernement fédéral a pris les rênes et –assez inhabituellement pour
un pays fédéral- a préparé d’amont en aval des structures et des
processus permettant de garantir la réalisation de réformes conformes
au processus de Bologne. Avec le soutien des fédérations
d’employeurs, les administrations des universités suisses ont utilisé
cette opportunité historique pour moderniser l’enseignement et la
recherche et pour remodeler l’ensemble des parcours universitaires.
Par conséquent, la petite économie ouverte a finalement expérimenté
un changement, même s’il a été induit de façon externe, ce qui a
changé les choses à trois niveaux différents : au niveau du régime
politique, de la politique ainsi menée et plus largement dans la façon
de faire de la politique.
Le témoignage suisse prouve clairement que l’approche de
« nouvelle raison d’état » a un pouvoir explicatif évident et justifie les
récentes évolutions politiques de l’enseignement supérieur suisse. Des
recherches plus approfondies peuvent mettre en évidence une
perspective davantage centrée sur les acteurs de ce changement et se
focaliser un peu plus sur les l’importance des entrepreneurs de cette
politique, en particulier le gouvernement fédéral et les coalitions de
réformes nationales comme les administrations des universités et les
associations économiques en faveur de l’européanisation de
l’enseignement supérieur suisse.
Contre toutes attentes – L’influence européenne … 91
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Les limites de la gouvernance
délibérative? Processus d e Bologne et
tentatives d’émulation aux Etats -Unis 17
Cécile Hoareau
RÉSUMÉ
Le Processus de Bologne a mené à des réformes étendues en Europe dans le
domaine de l’enseignement supérieur, et attire une certaine curiosité dans
plusieurs pays, dont les Etats-Unis. Cet article utilise le concept de
gouvernance délibérative afin d’expliquer la capacité réformatrice du
Processus de Bologne. L’article se concentre en particulier sur la genèse du
Processus, qui mena à la déclaration de la Sorbonne du 25 mai 1998. Cette
genèse est comparée à la tentative d’émulation menée aux Etats-Unis, par
l’intermédiaire de l’initiative TuningUSA ; une comparaison qui permet
d’examiner la reproductibilité du processus de Bologne, les raisons de cette
émulation ainsi que ses limites. Cette comparaison souligne le rôle clef du
cadre de mise en œuvre de ces exercices en gouvernance délibérative,
particulièrement en ce qui concerne les relations entre universités et Etat, et
mène à une conclusion critique en ce qui concerne la différence entre discours
et action politique au niveau de ces relations entre universités et Etat en
Europe.
MOTS CLÉS
Enseignement supérieur, réformes, Europe, Etats-Unis, gouvernance,
délibération
ABSTRACT
The Bologna process has led to extensive reforms in higher education in
Europe, and has attracted the curiosity of several countries, including the
United States of America. This article uses the concept of deliberative
governance to explain the capacity the Bologna process had to lead to reforms.
This article concentrates in particular on the beginning of the process, which
led to the declaration of the Sorbonne on the 25th of May 1998. This beginning
is compared to the attempt to emulate part of the process in the US, through
Cet article a bénéficié des commentaires des participants du séminaire au Center
for Higher Education and Equity Research de l ‘Université de Sussex le 6 février
2012. La rédaction de cet article a été possible grâce au soutien de la Commission
Fulbright ainsi que du fond de recherche de l’Université de Londres.
17
an initiative known as TuningUSA. Such comparison leads to examine the
potential to reproduce the Bologna process, the reasons for this emulation as
well as its limits. This comparison underlines the key role of the framework on
these exercises of deliberative governance, in particular regarding the
relationships between Government and universities, and leads to a critical
conclusion regarding the difference between discourse and political action
regarding the relationships between Governments and universities in Europe.
KEYWORDS
Higher education, reforms, Europe, United States of America, governance,
deliberation.
Introduction
Le Processus de Bologne, commencé par une initiative du
gouvernement français en mai 1998 afin de réformer les systèmes
d’enseignement supérieur européen, fait l’objet d’une littérature de
plus en plus extensive tant au niveau de son institutionnalisation
(Ravinet, 2005) ainsi que de sa mise en œuvre dans les pays membres
(voir par exemple Witte, 2006), des discours accompagnant son
européanisation (Fejes, 2005 ; Nokkala, 2005). La définition
d’européanisation s’appuie sur celle de Claudio Radaelli (2000:4)
comme un « processus de (a) construction, (b) diffusion, et (c)
institutionnalisation de règles formelles et informelles, de procédures,
de paradigmes de politiques publiques, de styles, « de façons de
faire », de croyances partagées et de normes qui sont définies et
consolidées dans la fabrication des politiques de l’Union Européenne
et incorporées dans la logique d’un discours, d’identités, de structures
politiques et de politiques publiques sur un plan domestique ».
Pour les analystes de l’européanisation, le Processus de Bologne
représente un puzzle particulier, vu qu’il a mené à des réformes
étendues sans passer par un mode coercif et législatif communautaire
(le processus est intergouvernemental et non communautaire).
Cette gouvernance toute particulière, ainsi que l’étendue du
processus, tant au niveau des réformes enclenchées que de
l’enthousiasme des gouvernements des pays de la région européenne,
a attiré la curiosité du monde entier, avec des efforts de coordination
en matière d’enseignement supérieur ayant commencé en Amérique
Latine, en Afrique, en Asie du Sud Est ainsi qu’aux Etats-Unis (voir
l’article de Susan Robertson dans la même édition). Aux Etats-Unis, le
Les limites de la gouvernance délibérative … 99
processus de Bologne rencontre un certain intérêt, la fondation
Lumina ayant lancé une phase expérimentale d’émulation du
processus de Bologne depuis 2008, entre les Etats du Minnesota, de
l’Indiana, de l’Utah et du Texas (le Texas joignant l’initiative en 2009).
Cet article a deux objectifs. Premièrement, il explique comment le
processus de Bologne a mené à la diffusion de croyances et de normes
partagées en conceptualisant le processus de Bologne en tant que
gouvernance délibérative, qui constitue une approche alternative de
politique publique européenne (Teague, 2001 ; Hoareau, 2011).
Deuxièmement, cet article utilise une approche comparative, qui vise à
s’interroger sur la reproductibilité du Processus de Bologne et sur les
raisons pour lesquelles le Processus a été émulé aux Etats-Unis, ainsi
que sur l’étendue de ce processus d’émulation. Une comparaison
Union Européenne Etats-Unis est particulièrement intéressante étant
donné que le discours accompagnant Processus de Bologne sousentendait une comparaison avec les Etats-Unis, compris en Europe
comme le système d’enseignement supérieur dominant. D’autre part,
une coordination interétatique s’avérait difficile aux Etats-Unis comme
en Europe, le niveau fédéral (compris au sens large incluant les
institutions exécutives de la Commission européenne et du Department
of Education américain). Les relations entre institutions de
l’enseignement supérieur et gouvernement étatique aux Etats-Unis
sont bien entendu différentes des processus européens. Les universités
aux Etats-Unis sont connues pour leurs traditions d’autonomie vis-àvis du gouvernement ainsi que pour une présence visible du secteur
privé, certaines universités privées réputées internationalement pour
leur sélectivité, d’autres, notamment les universités à profit (‘for profit
universities’) étant moins sélectives et adressées principalement a une
démographique dont les résultats scolaires sont considérés comme
insuffisant pour une admission universitaire par plusieurs institutions.
Ces universités privées sont principalement autorégulées avec très peu
d’influence des autorités publiques, ou principalement dans le
domaine de l’aide aux étudiants par l’intermédiaire des bourses et
prêts subventionnés par l’Etat.
Pourtant, les institutions publiques occupent 80% du système
universitaire américain. Les universités d’Etat, telles que les State
Universities of New York (SUNY), reçoivent des fonds du gouvernement
d’Etat, et comprennent un système d’établissements publics de taille
équivalente à un pays européen de taille moyenne (64 institutions
pour le système SUNY, un des plus grands systèmes universitaires
aux Etats-Unis, qui inclut des universités délivrant des doctorats, des
universités collèges, des collèges techniques, et des collèges de
communauté ‘community college’, institutions délivrant des diplômes
professionnalisant de deux ans. Ce système est gouverné par un
conseil d’administration (‘Board of Trustees’), qui décide de la
coordination entre établissements, de la délivrance des diplômes, des
systèmes d’admissions, des frais étudiants, ainsi que des nominations
du personnel haut placé. Le gouvernement étatique a une influence
sur ce conseil d’administration par le système de nomination, 15 des
18 membres étant nommés par le Gouverneur avec approbation du
sénat de New York.
Les autorités publiques jouent un rôle de coordination plus limité
qu’au sein de l’Union Européenne, ou des initiatives telles que le
Processus de Bologne ou Tuning sont supportées par la Commission
européenne selon Adelmann (2010), qui a acquis une influence
croissante dans la formation d’un espace européen de l’enseignement
supérieur (Croché, 2010 ; Ravinet, 2010).
Cet article a pour but d’analyser comment différents représentants
étatiques arrivent à un accord politique menant à des réformes.
L’article se concentre donc sur la genèse du processus de Bologne, et
plus particulièrement sur les négociations préalables à la déclaration
de la Sorbonne. L’article compare cette genèse à la mise en place du
Tuning USA, l’objectif étant de comparer deux moments de mise en
place d’un mécanisme de coordination entre gouvernements étatiques
au sujet de l’enseignement supérieur. Dans cette perspective, le
processus Tuning Europe aurait correspondu à une phase plus
institutionnalisée et donc pas entièrement comparable avec le
processus aux Etats-Unis.
Cet article utilise aussi sur des exemples de mise en place de
politiques universitaires dans le cadre de la France, étant donne le rôle
central que le Gouvernement français a joué dans le Processus de
Bologne.
Finalement, cette approche comparative est liée à l’effort d’émulation
a vertu à isoler les facteurs critiques liés à la mise en œuvre du
processus de Bologne en Europe et à revisiter et ajouter au concept de
gouvernance délibérative présenté en première partie.
Les limites de la gouvernance délibérative … 101
L’article commence donc par définir la gouvernance délibérative,
avant de démontrer comment le processus de Bologne correspond à
une telle gouvernance et d’isoler les facteurs clefs de la mise en œuvre
de cette gouvernance au travers du cas des Etats-Unis.
L’article conclut en soulignant le rôle des relations entre le
gouvernement et les établissements d’enseignement supérieur dans la
mise en œuvre du processus de Bologne. Plus particulièrement, cette
relation souligne que le Processus de Bologne a été rendu possible en
Europe en raison d’un contrôle étroit du Gouvernement, malgré le
discours du Processus de Bologne, qui préconisait l’autonomie des
universités. Ces relations soulignent un paradoxe au cœur du
Processus de Bologne entre discours et action politique en ce qui
concerne l’autonomie universitaire en Europe, une conclusion qui
rejoint les observations de Susan Robertson autour de l’Etat dans le
régionalisme de régulation européen.
1 - La gouvernance d élibérative et ses
caractéristiques en Europe
Cet article conçoit l’européanisation comme un processus de
gouvernance délibérative, où les croyances et normes sont ajustées par
l’intermédiaire d’échanges et de cadrages d’arguments politiques
plutôt que d’imposition de réglementations.
Le concept de gouvernance délibérative, aussi appelé délibération
polyarchique directe, ou gouvernance expérimentale, est, selon ses
militants, une nouvelle voie théorique dans le champ des études
européennes (Cohen et Sabel 1997; Sand 199 ; Eriksen et Fossum 2000;
Joerges et Neyer 2006; Neyer 2006). La gouvernance délibérative est
liée à l’expansion de la gouvernance à niveaux multiples, qui a
souligné les limites des mouvements intergouvernementalistes et
néofonctionnalistes dominant le champ des études européennes
depuis les quinze dernières années, pour expliquer la complexité des
politiques européennes en tant que système politique à couches
institutionnelles multiples, qui ne comprend pas seulement deux
niveaux (national et européen), mais plusieurs, dont les
gouvernements nationaux, les agences régionales et indépendantes
ainsi que des groupes d’intérêts (Hooghe 1995; Marks et al. 1996). La
gouvernance délibérative repose sur la participation réciproque
d’agents qui sont ouverts à l’échange d’arguments, souvent basé sur
des points de références, avec pour objectif explicite de résoudre un
problème politique. Comme les instruments de gouvernance
délibérative sont en permanente révision au sein de l’Union
Européenne, Sabel et Zeitlin (2007 :7) conclurent que la gouvernance
délibérative devrait être comprise comme fonctionnelle plutôt que
structurelle ou institutionnaliste. La gouvernance délibérative est
utilisée de façon croissante au sein des politiques européennes, des
télécommunications aux politiques sociales et à la méthode ouverte de
coordination (Sabel et Zeitlin 2007; Teague 2001). Cette expansion fait
écho à un mouvement mondial basé sur un changement idéologique
consistant à promouvoir l’encouragement à travers la communication
plutôt que la contrainte basée sur l’application obligatoire de règles
(Sunstein and Thaler, 2003,2008). Sabel et Zeitlin (2007) explorent
plusieurs applications, qui incluent la loi American No Child Left
Behind Act de 2000, ainsi que les accords de l’Organisation Mondiale
du Commerce (mesures sanitaires et phytosanitaires). D’autres mises
en pratique incluent la gouvernance de l’Organisation pour la
Coopération Economique et le Développement, qui encourage les états
membres à discuter ouvertement les indicateurs comparatifs et points
de références.
La gouvernance délibérative s’appuie aussi sur trois conditions
minimales. Premièrement, les participants doivent justifier de leurs
positions au travers d’arguments résonnés. Cette argumentation
donne aux acteurs des informations nécessaires en ce qui concerne le
problème considéré, les dimensions du problème qui devraient être
incluses, les règles du jeu, et n’est donc fondamentalement pas
exclusive d’autres formes de négociations (Gehring 2003: 87; Risse
2000) Deuxièmement, les participants doivent être ouverts à l’échange
d’arguments. Finalement, l’argumentation doit être réciproque, ce qui
implique des conditions plus ou moins strictes, telles que le droit de
questionner, affirmer et participer (Habermas, 1984). Ces conditions
sont à distinguer des résultats de la délibération, par exemple en ce
qui concerne le potentiel des délibérations à mener à un accord
consensuel. Un accord consensuel est une conséquence, et non un trait
définitif des délibérations. Et la délibération peut aussi mener à un
compromis (Elster, 1992 ; Mackie, 2006). De plus, la délibération ne
mène pas nécessairement à une polyarchie, comme Cohen et Sabel
(1997) expliquent, plusieurs délibérations prenant place dans un
contexte hiérarchisé (Sabel et Zeitlin, 2007).
Les limites de la gouvernance délibérative … 103
La gouvernance délibérative comprend cinq éléments. Elle aide: a) à
résoudre les problèmes ; b) à un cadrage au travers de la mise en place
de l’agenda au niveau européen ; c) à apprendre entre juridictions ; d)
à la création de politiques ouvertes et flexibles ; ainsi qu’à e) des
changements politiques incrémentaux (Teague, 2001). Le concept du
cadrage politique émerge de Goffman (1974).Le cadrage agit sur les
champs cognitifs des individus, ce qui leur permet de donner un sens
au monde. Les acteurs formulent un cadrage politique visent à
influencer les champs cognitifs de leurs interlocuteurs, au lieu de
prescrire des résultats concrets. Les acteurs nationaux avec des visions
du monde différentes pourraient adhérer à un cadrage similaire au
niveau européen, soit parce que le cadre est suffisamment ambigu
pour correspondre à différentes situations, ou alors parce qu’ils sont
aptes à redéfinir un problème à partir de liens à d’autres champs
politiques (Geddes et Guiraudon, 2004). Selon Teague (2001), l’acteur
qui a le plus de pouvoir de définir l’agenda politique est celui qui est
le mieux positionné pour sélectionner les cadres de référence. Les
cadres pour l’intégration européennes sont conçus pour changer le
climat politique domestique et renforcer le support pour les objectifs
Européens. L’intégration européenne au travers du cadrage est
particulièrement forte quand le contexte de décision européen permet
l’adoption de politiques vagues et plus ou moins symboliques pour
naviguer autour des conflits d’intérêts entre états membres menant à
des accords politiques flexibles (Knill et Lehmkuhl, 1999).
La gouvernance délibérative mène à un apprentissage et défit les
croyances liées à une politique La gouvernance délibérative est
similaire au discours, même si les conditions de réciprocité et
d’ouverture sont plus explicites dans le terme délibération (le terme de
discours inclut à la fois une série d’idées et un processus de
formulation, de communication et d’apprentissage, Radaelli et
Schmidt, 2005). L’apprentissage change les paradigmes, réévalue les
instruments politiques, ajuste la mise en œuvre et émule les politiques
d’autres pays (Bennett et Howlett, 1992 ; Hall, 1993 ; Rose, 1991). Les
acteurs apprennent entre eux pour réduire l’incertitude et résoudre un
problème, qui peut aussi sauvegarder les coûts liés à la collection
d’informations. Et la mise en œuvre des idées des autres accroit
potentiellement la légitimité, spécialement si ces idées sont inspirées
par ceux qui ont été perçus comme ayant plus de légitimité. La
légitimité dans ce cas vient de l’argumentation plutôt que de
l’adoption par un certain nombre d’élus représentatifs au sein d’un
processus démocratique (Sabel et Zeitlin, 2007). De plus, justifier une
inspiration par les autres réduit en apparence l’intérêt de l’architecte
des réformes et fait que l’opposition devient moins évidente, par une
logique de déclin de responsabilité ou les décideurs politiques
justifient des réformes domestiques en expliquant que les institutions
supranationales sont responsables (Dyson and Featherstone 1996;
Radaelli 2000 ; Jacquot and Woll 2004).
Le processus d’apprentissage mène à ce que les théoristes de
l’évolution appellent recombinaison, un processus de changement
politique qui passe par des étapes incrémentales plutôt que de large
domaine, l’accumulation de changements de petite dimension
pouvant mener à une altération radicale du régime politique (Nelson
et Winter, 1982 ; Teague, 2001). La recombinaison est particulièrement
probable dans le processus de délibération en raison du processus
cognitif. L’apprentissage par la délibération, s’il mène à l’introduction
de nouvelles informations ou est dissonant par rapport à une carte
cognitive, commence par affecter des aspects politiques secondaires
avant de changer des aspects fondamentaux (Majone, 1989 ; Hall,
1993 ; Sabatier, 1998).
2 - Méthode
Cet article repose sur une quarantaine d’entretiens semi-ouverts avec
les personnes ayant pris partis à la formation du processus de Bologne
ainsi que des Initiatives Tuning en Europe et aux Etats-Unis, conduits
entre 2008 et 2011. Ces entretiens se concentrent sur les ‘gouvernants’,
qui incluent donc des hommes politiques ainsi que leurs cabinets, des
membres des personnels administratifs et universitaires, certains
experts ayant eu un rôle de conseil dans ces initiatives des quatres
pays ayant initié le processus de la Sorbonne (France, Italie, RoyaumeUni et Allemagne) ainsi qu’aux Etats-Unis. Les entretiens ont suivi le
principe de Chatham House, selon lequel les personnes interviewées
gardent un anonymat par rapport à leur nom et fonction afin de
faciliter l’échange d’informations. Ces entretiens eurent vertu à
faciliter la reconstruction des événements et d’opinions18.
Cette analyse est complementée par une enquête en ligne commprenant 169
réponses visant à mesurer le changement d’attitudes et de preferences des partis
prenantes au Processus de Bologne. Les résultats de cette analyse en ligne sont
disponible dans : Hoareau (2010) ‘Does deliberation matter ? The impact of the
18
Les limites de la gouvernance délibérative … 105
Les entretiens sont substantiés et vérifiés par une analyse de
documents officiels, sources secondaires ainsi que d’une collection
d’archives dans le cas Européen obtenus après requête selon la loi sur
la liberté d’accès aux documents administratifs en France ainsi qu’au
Royaume-Uni.
3 - Le Processus de Bologne en tant que
processus délibératif
Le Processus de Bologne, qui a mené à des réformes étendues à
plusieurs pays européens, correspond à cette gouvernance
délibérative. Cet article s’appuie tout particulièrement sur le début du
processus de Bologne, et en particulier aux délibérations antérieures à
la signature de la déclaration de la Sorbonne du 25 Mai 1998 (le
processus fut nommé Bologne au lieu de Sorbonne parce qu’un
nombre plus large de ministres furent invites à Bologne et la
déclaration devint donc plus représentative). La déclaration de la
Sorbonne, signée entre Claude Allègre, Luigi Berlinguer, Jurgen
Ruettgers et Tessa Blackstone. Les négociations ayant mène à cet
accord intergouvernemental sont particulièrement intéressantes à
étudier pour plusieurs raisons. Premièrement, cet accord a commencé
le processus de Bologne et mène à des réformes domestiques
extensives. Deuxièmement, l’accord était peu probable pour plusieurs
raisons. L’enseignement supérieur est une politique redistributrice,
qui est plus difficile à intégrer que les politiques régulatrices, telles
que celles liées au marché intérieur (Hix, 2005). L’Union européennes
a en effet des compétences limitées en ce qui concerne l’enseignement
supérieur, avec des compétences complémentaires, qui sont régulées
par les articles 149 et 150 du traité. Les quatre ministres venaient de
systèmes d’enseignement supérieurs différents, relativement
centralisés en Italie et en France avec un modèle napoléonien, et
relativement décentralisés dans le modèle Humboldtien allemand et la
tradition Anglo-saxonne influencée par Oxbridge (Deer, 2002).
Finalement, les ministres viennent de majorités différentes. Tous les
ministres n’étaient pas de la même majorité politique, Jurgen Ruttgers
étant Christian Démocrate (de tendance plus droitiste que les autres).
Les ministres ont toutefois signé la déclaration en tant record (le
Bologna process on attitudes and policies in European higher education’, chapitre 5,
thèse doctorale, London: London School of Economics.
processus de rédaction n’ayant duré que deux semaines selon les
personnes interviewées) et plusieurs ont fait de grands efforts pour
mettre en place ces mesures (entretien, UKCM1 24 April 2007).
*Résoudre un problème : Avoir un problème commun a galvanisé les
ministres. Tous faisaient face à des difficultés pour mettre en œuvre
leurs réformes sur le front national, Claude Allègre devait faire face à
l’opposition des têtes des grandes écoles et école d’ingénierie sur sa
réforme des classes préparatoires et a éventuellement du la rétracter
(Witte, 2006 : 272). Berlinguer avait dû enlever la limite sur les
admissions universitaires après les manifestations étudiantes
(Associated Press Worldstream, 1996). Les étudiants étaient aussi très
opposés aux plans de réforme de Jurgen Ruttgers qui a mené à un rejet
de la loi cadre Hochschuhlrahmengesetz (HRG) le 6 Mars 1998
(Steghaus-Kovac, 1998). Tessa Blackstone est devenue ministre en
1997, après quelques années tourmentées dans le milieu de
l’enseignement supérieur au Royaume-Uni. Les universitaires
résistaient à la réforme sur l’assurance qualité qui occupait une large
partie des années 1990s et a mené à la création de l’assurance d’agence
qualité le 2 avril 1997 (QAA, 1997). Ces ministres avaient commencé
des consultations nationales pour accroitre leur légitimité nationale,
ayant mené trois d’entre eux à considérer une réforme des niveaux de
qualification, la commission Martinotti, prenant place de Juin 1996 à
Octobre 1997, ayant abordé une réforme des Laurea, le Ministère
fédéral de l’éducation et de la recherche voulant préparer un
quatrième amendement à la HRG, et la commission Attali en France
ayant publié un rapport en février 1998 proposant la réorganisation
des niveaux de diplômes en undergraduate, master et doctorat. Tessa
Blackstone se concentrait quant à elle sur une réforme plus étendue du
financement de l’enseignement supérieur, le rapport Dearing sur les
coûts de l’enseignement supérieur ayant été publié le 23 Juillet 1997.
*Echange ouverts d’arguments: les ministres ont délibéré au sujet de
l’enseignement supérieur durant plusieurs échanges informelles et
rencontres. Plusieurs se souviennent en particulier des rendez-vous du
groupe Carnegie, organisés par la Commission Carnegie en science,
technologie et gouvernement. Ce rassemblement des ministres et
conseillers des pays du G7 de l’Union européenne et de ce qui
constituait auparavant l’Union soviétique, mis en place en 1991, a
opéré comme un espace instrumental de pensée en ce qui concerne
l’harmonisation européenne (interview, FM1 02 April 2007; interview
IT1, 05 Septembre 2007). Claude Allègre, alors conseiller spécial de
Les limites de la gouvernance délibérative … 107
Lionel Jospin, qui était Ministère de l’Enseignement national, et Luigi
Berlinguer, Ministre pour l’Enseignement supérieur et la recherche
scientifique à partir de 1993, étaient particulièrement exposés à ces
rencontres. Les conseillers ont délibéré sur la déclaration pus
précisément durant la mi-mai pendant la rencontre à Londres et
plusieurs emails et conversations téléphoniques ont eu lieu avant la
conférence de la Sorbonne.
*Cadrage et contrôle de l’agenda au niveau européen: les ministres
ont eu l’idée de suggérer un cadrage en ce qui concerne
l’enseignement supérieur pendant ces rendez-vous. Claude Allègre
proposa que cette idée devienne officielle durant une rencontre à Paris
pour l’anniversaire de la Sorbonne (Dauvin, 1998). Ce cadrage incluait
une double dimension économique et intégrationniste, et plus
particulièrement l’idée que l’Europe devait devenir plus intégrée afin
de résister à la compétition internationale croissante. Un tel cadrage
correspondait aux objectifs de long-terme diffusé dans les
organisations internationales, où les ministres se sont aussi rencontrés,
en particulier à l’OCDE. Le Centre pour la Recherche Educative et
l’Innovation (CERI) et le Programme sur le Management Institutionnel
en Enseignement Supérieur (IMHE) avait commencé à explorer des
modèles alternatifs pour l’enseignement supérieur depuis les années
1970s. La publication d’indicateurs comparatifs a mené les pays à
évaluer leurs performances de façon critique (Lindard and Grek 2008;
Taylor et al., 1997). Ce discours sur la compétition internationale et la
performance fut diffusé en Europe dans les années 1990s. Lindard et
Grek ont souligné comment les indicateurs et benchmarks généré par
l’OCDE ont été utilisé de façon subjective pour aider à former une
‘nouvelle’ identité européenne d’avantage compétitif et de
responsabilité individuelle (Lindard et Grek, 2008 : 11). Cette
rhétorique de rationalisation économique était en ligne avec les efforts
de réformes précédents des ministres. Afin de promouvoir ces efforts
nationaux, les ministres devaient obtenir une légitimation
additionnelle, celle de l’intégration européenne. Le processus de
Bologne a donc joué un rôle de catalyste pour l’action Européenne
pour adresser ce nouveau paradigme international en ce qui concerne
l’enseignement supérieur.
*Apprentissage entre juridictions : Les ministres ont ensuite délibéré
sur la dimension sur laquelle l’harmonisation de l’enseignement
supérieur aurait lieu et ajusté leurs préférences en accord avec ces
délibérations. Le ministre français a changé ses préférences en ce qui
concerne la longueur des diplômes de license (undergraduate). Claude
Allègre avait à l’origine prévu d’harmoniser le premier niveau de
diplôme en France à partir d’une durée de quatre ans (Allègre, 1997).
Il expliqua qu’il fût convaincu par le ministre allemand Jurgen
Ruttgers, de réduire la longueur du niveau license (interview, FM1, 2
April 2007). Ce changement d’opinion fut aussi consolidé par les
discussions de la Commission dirigée par Jacques Attali (interview
FCM1, 28 Avril 2007). De plus, la logique présentée par Jurgen
Ruttgers selon laquelle les diplômes d’une durée plus courte seraient
compétitifs avec les Etats-Unis résonnaient avec la volonté de Claude
Allègre de rendre l’enseignement supérieur français plus compétitif.
Cette volonté s’appuyait sur l’expérience d’enseignement de Claude
Allègre à la Massachussetts Institute of Technology (MIT) en 1975-76
(Allègre 200). Une fois convaincu par le ministre allemand, Claude
Allègre partagea ses pensées avec le Ministre Italien, Luigi Berlinguer.
Luigi Berlinguer paya attention à la proposition de Claude Allègre,
d’autant plus qu’il était inspiré par l’exemple anglais (entretien IT3, 6
September 2007). Luigi Berlinguer avait déjà accepté en principe un
diplôme de deux ans en Décembre 1997, et changea son opinion de
façon progressive en faveur d’un diplôme en trois ans (email
correspondance IT7, Septembre 2007). Ce changement força Luigi
Berlinguer à amender la direction des plans nationaux de réformes,
qualifié comme une ‘des décisions politiques les plus difficiles’
(interview IT3, 6 Septembre 2007), étant donne le risque de perte de
crédibilité. Ce pari venait de la perception que l’intégration
européenne aidait à adopter les réformes domestiques nécessaires
(interview IT3, 6 Septembre 2007; voir aussi Ravinet 2005: 18). Cette
recollection narrative complémente les résultats d’un questionnaire en
ligne envoyé à 161 participants aux délibérations du processus de
Bologne (entre 1998 et 2007). Des participants, 93,61% ont confessé
avoir appris de ces rencontres, 91.3% ont reconnu que ces rendez-vous
avaient un impact sur leurs opinions sur les questions liées à
l’enseignement supérieur, avec 37.27% ayant reconnu qu’ils avaient
changé d’opinion. Une fois cet accord de principe obtenu, les
conseillers spéciaux des ministres respectifs ont négocié la déclaration
en deux semaines, une première ébauche ayant circulé le 7 mai 1998,
deux semaines avant la conférence de la Sorbonne, avec une version
pratiquement finale produite le 14 mai lors d’une rencontre à Londres
(interview UKCM1, 24 April 2007), prête pour la signature finale le 25
May 1998.
Les limites de la gouvernance délibérative … 109
*Accords politiques ouverts et flexibles : Les délibérations de la
Sorbonne ont mené à un accord politique ouvert et flexible.
Premièrement, la déclaration ne fut pas liante légalement. Aucune
date limite ne fut fixée pour sa mise en œuvre. Deuxièmement,
plusieurs références inclues dans l’ébauche originale furent diluées
pour faciliter une adoption au niveau national (interview FCM1, 28
April 2007). Par exemple, les Ministres supprimèrent le nombre
d’années nécessaires pour l’atteinte du premier niveau de diplôme,
bien qu’ils aient discuté de ce sujet a priori (interview FM1, 2 April
2007; interview IT3, 6 Septembre 2007). Le conseiller italien
Michelangelo Pipan suggéra une dilution des références économiques,
en supprimant la référence à ‘l’esprit d’entreprise’ pour ne pas se
heurter à une opposition italienne. Les conseillers ont aussi ajouté une
référence à l’héritage ‘intellectuel, social et culturel’ en Europe.
Finalement, la déclaration inclut une invitation à tous les états
membres européen à joindre leurs réformes.
*Changement politique incrémental : Les ministres italiens, français
et allemands partageaient l’intuition selon laquelle un accord
européen pourrait diminuer une opposition domestique aux réformes
(email IT7, Septembre 2007; interview EU1, 2 July 2007; interview FF4,
7 Juin 2007; interview IT4, 10 Septembre 2007; interview IT8, 10
Septembre 2007). En France, Claude Allègre (2000 : 263) décrivait la
déclaration de la Sorbonne et le processus d’harmonisation
européenne comme le point principal d’attaque des réformes (Allègre
2000: 259). Claude Allègre pris avantage de l’impulsion européenne
donné par la déclaration de la Sorbonne pour proposer une réforme
extensive des niveaux de diplôme (‘License-master-doctorat’). Il mit en
place un débat national intitulé ‘harmonisation européenne’, peu
après l’événement de la Sorbonne les 25 et 26 janvier 1999. La stratégie
porta fruit. Les acteurs non gouvernementaux, qui s’étaient opposés
au principe de simplification des niveaux de diplômes quelques mois
plus tôt que le rapport Attali (Attali, 1998) ne contredirent pas la
déclaration de la Sorbonne. Ils ont principalement souligné des soucis
en ce qui concerne ses implications (CNESER, 1999). Les consultations
menèrent à un changement des niveaux de qualification en France
(décret n 99-747 et arrêté du 17 Novembre 1999). Cette réforme eut des
implications larges, liées à l’autonomie des universités de déterminer
leurs niveaux de diplômes mais aussi aux contenus par l’intermédiaire
de l’élimination des maquettes nationales (Demichel and Garden 1998;
interview FCM2, 22 May 2007).
Le processus de Bologne continua à jouer un rôle de légitimation
dans les réformes de l’enseignement supérieur français plusieurs
années après le départ de Claude Allègre. L’assurance qualité fut
reformée un an après la conférence interministérielle de Bergen avec la
création de l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de
l’Enseignement supérieur avec la loi du 18 avril 2006. Plus récemment,
le président Nicolas Sarkozy justifia la loi sur les libertés et
responsabilités des universités du 11 août 2007 en utilisant la
rhétorique de compétitivité internationale liée au processus de
Bologne.
Cette analyse de la genèse du processus Bologne démontra le rôle de
la gouvernance délibérative, dont les critères furent inspirés par
Teague (2001), dans la formulation et la mise en place de réformes en
Europe. Le processus de Bologne mena à des réformes étendues aux
pays membres, la majorité de ces pays s’étant converties au système
d’enseignement supérieur à trois niveaux (Eurydice, 2007).
*Initiatives délibératives liées au Processus de Bologne : Tuning
Le processus de Bologne engendra plusieurs réformes, par
l’intermédiaire du principe de réforme incrémentale, ainsi que
plusieurs plateformes delibératrices, ayant vertu à étendre la
participation aux Universités, représentée par l’Association
Européenne des Universités pendant les négociations suivant la
déclaration de la Sorbonne en 1999. Ces réformes couvrirent le
système de crédits, la réforme du système de qualité de
l’enseignement, ainsi que l’adoption d’un cadre européen de
compétences (European qualification framework) visant à déterminer ce
que les étudiants devraient apprendre par niveau de diplôme. Cet
échange sur le contenu de l’apprentissage fut aussi stimulé au travers
d’une initiative intitulée Tuning.
Débutée en année 2000, l’initiative Tuning a pour objectif de faciliter
un échange entre plusieurs acteurs de l’enseignement supérieur, dont
les administrateurs des universités, en ce qui concerne les sujets liés
aux structures de l’enseignement. Cette initiative peut être interprétée
comme le pendant du processus de Bologne au niveau de la mise en
oeuvre universitaire. Ce pendant est moins lié à la participation
politique qu’universitaire, mais garde une ambition délibérative claire,
visant à l’échange d’idées se porte sur la recherche de cadres de
références communs et d’apprentissage entre juridictions afin
Les limites de la gouvernance délibérative … 111
d’adresser les problèmes liés à la reconnaissance. En pratique, les
partenaires inclus à cette initiative se rencontrent afin de définir le
profil des diplômes universitaires, de l’évaluation des connaissances
ainsi que la structure des diplômes afin d’identifier des similarités et
d’échanger au sujet de l’évaluation de ces structures. L’ initiative
Tuning couvre plusieurs aspects techniques, tels que les niveaux de
qualification pour identifier des points de similarité entre compétences
(liées aux sujets et compétences génériques), le développement d’un
système d’accumulation, le transfert de crédits, les approches et
techniques d’enseignement, l’évaluation liée à l’apprentissage, ainsi
que les compétences, l’assurance et la revalorisation de la qualité. Ce
processus faciliterait la mise en place du Processus de Bologne et
mènerait à une amélioration de la qualité des programmes L’initiative
Tuning couvre onze disciplines et l’ensemble des pays du Processus
de Bologne en Europe.
4 - La tentative d’émulation du processus de
Bologne aux Etats -Unis
L’étendue des réformes entamées par le processus de Bologne en
Europe attira l’attention de plusieurs pays au monde, dont les EtatsUnis. Cliff Adelman, de l’Institute for Higher Education Policy, publia
deux rapports sur le processus de Bologne en 2008 et 2009
commissionné par la Fondation Lumina sous l’égide de son vicepresident pour les opérations et le conseil général Holiday Hart
McKiernan. Ces ouvrages furent intitulés ‘Le Club de Bologne : ce que
l’enseignement supérieur aux Etats-Unis peut apprendre d’une
décennie de construction européenne’ (2008) et ‘le Processus de
Bologne pour des yeux américains : réapprendre l’enseignement
supérieur à un âge de convergence’ (2009). Ces deux rapports
expliquaient ce que les Américains devaient retirer du processus de
Bologne et recommandait en particulier une émulation de la
discussion sur les acquis de formation (learning outcome), problème qui
fut discuté par la suite du processus de Bologne dans le cadre des
discussions ayant mène à l’adoption du cadre de compétences
européen (European qualifications framework).
La Fondation Lumina décida alors de mettre en place une initiative
sur les acquis de formation et les cadres de compétences à la fin 2008.
Le Conseil d’état des régents de l’Utah, la Commission pour
l’enseignement supérieur de l’Indiana, le Bureau pour l’enseignement
supérieur du Minnesota et le Conseil de coordination pour
l’enseignement supérieur du Texas nominèrent des administrateurs et
universitaires qui prirent part à un groupe d’étude. Ce groupe d’étude
mena à l’adoption du document Profil de qualification par degrés
(Degree qualification profile) en 2011, qui visa à spécifier ce que les
étudiants apprennent par niveaux et est donc similaire au cadre de
compétences européen. Le groupe de travail TuningUSA travaille en
cinq étapes. Il définit les structures des diplômes, développe les profils
de carrière liés à ces diplômes, consulte les partis intéressés, définit les
compétences cœurs et les apports de connaissances liés aux diplômes
afin d’identifier des spécifications communes à chaque diplôme.
L’initiative TuningUSA vise, comme son parallèle européen, à
identifier des points de référence plutôt qu’à obtenir une
standardisation des diplômes.
Ce groupe d’étude, plus connu sous le nom de Tuning USA, épousa
les critères de la gouvernance délibérative adoptes par Teague.
*Il visa à résoudre un problème. Ce problème est lié à la qualité de
l’enseignement supérieur aux Etats-Unis, qui a inquiété une grande
partie de la littérature et fait l’objet d’un rapport gouvernemental de la
Commission Spellings (Douglass, 2006; Babcock et Marks, 2012).
Arum et Roska (2011) ont par exemple démontré que 45% des
étudiants de niveau équivalent à la license (‘undergraduate’) ne
présentaient aucun gain d’apprentissage après deux ans d’étude et
que 25% des titulaires d’un diplôme undergraduate ne disposaient
d’aucun gain d’apprentissage après quatre ans passés dans
l’enseignement supérieur. Ce souci est corroboré par les statistiques de
l’OCDE, qui montrent que le pourcentage des diplômés de
l’enseignement supérieur aux Etats-Unis est environ 25% plus bas que
dans l’Union européenne et que dans la moyenne des pays de l’OCDE
(OCDE, 2010). Adelman (2009 :9) fit écho à ces soucis, lorsqu’il
expliqua : « Nous avons passé un bon temps, comme on dit, mais nous
ne sommes plus d’avant-garde. L’enseignement supérieur aux EtatsUnis ne peut plus présumer de sa dominance mondiale, ignorant les
énergies créatives, l’intelligence naturelle et le dur travail des autres
nations ».
Le groupe d’étude lancé par la Fondation Lumina visait aussi à
cadrer le discours sur l’enseignement supérieur dans le sens du débat
Les limites de la gouvernance délibérative … 113
sur la responsabilité (accountability) liée à l’enseignement. Ce débat sur
la responsabilité fut traditionnellement limité à des considérations sur
l’acquisition de compétences générales discuté par l’Association de
collèges et universités américaines AAC&U (AAC&U; 2007). Le
processus de Bologne cadra ce discours et força une reconsidération
plus précise de la responsabilité liée à l’enseignement supérieur
(Gaston, 2010).
*Ce groupe mena à la création de recommandations ouvertes et
flexibles. Les niveaux d’apprentissage furent relativement clairement
définis selon six dimensions -connaissances spécialisées, apprentissage
intégratif général, compétences intellectuelles, apprentissage civique,
domaine institutionnel spécifique. Mais le document n’était pas liant
légalement, et laissait aux participants la possibilité de l’adopter ou
non.
*Finalement, cet exercice aboutit à un apprentissage entre
juridictions, puisqu’il permettait d’explorer les différences sur les
niveaux de diplômes.
La formation d’un tel effort aux Etats-Unis était largement
surprenant. Susan Robertson (2009) commenta : « Le monde a changé.
Les frontières entre l’enseignement supérieur aux Etats-Unis et en
Europe sont maintenant quelques peu perméables […]. Un européen
en Amérique est maintenant pensable ! » (Robertson, 2009). Adelman
(2009: 8) repris: « Trois états examinent le processus de Bologne pour
déterminer leurs formes et l’étendue de leur potentiel dans un
contexte américain. Il y a seulement un an, un tel effort était
inimaginable » (Adelman, 2009: 8).
Pourtant, l’effort demeura limité. Peu de réformes y sont associées à
ce jour, ce qui n’était pas le cas en Europe – quelques années après son
début, le Processus de Bologne avait mène à des réformes radicales
dans plusieurs pays incluant la France, l’Allemagne et l’Italie. Les
efforts de la Fondation Lumina ont aussi mène à une attitude très
sceptique aux Etats-Unis, et la continuité de l’initiative est réévaluée.
L’étendue de l’initiative demeura limité à quelques états les systèmes
universitaires les plus reconnus (tels que ceux de Californie ou de
Michigan) ne prenant pas part à l’exercice. (Même si l’on compare le
Tuning USA non à la genèse mais au Tuning Europe, la différence
d’échelle reste marquée).
5 – Expliquer les différences : le rôle clef des
relations entre universités et Etats
Pourquoi est-ce que l’effort d’émulation américain rencontra moins
d’enthousiasme et fut lié à moins de réformes que le Processus de
Bologne en Europe?
Si le changement d’opinions peut arriver sans mécanisme
contraignant dans le cadre d’une délibération ouverte, la mise en
œuvre des décisions délibératives dépend des relations entre principal
régulateur (Etat) et agent régulé (université), ainsi que des relations au
sein de l’université. La culture universitaire aux Etats-Unis implique
une méfiance des universitaires par rapport aux efforts de
coordination des administrations des universités. Cette dichotomie
interne aux universités n’est pas unique aux Etats-Unis. Musselin
(2004) souligne une tension similaire tension entre autonomie
académique et autonomie de la direction universitaire dans le cas de la
France. Mais, selon Adelman (2010) la relation avec l’Etat est
différente. Les universités restent beaucoup plus perçues comme une
responsabilité de l’Etat en Europe. L’initiative TuningUSA, bien que
présentée comme un processus mené par les universitaires, fut
initialement soldé par une réticence de la part du personnel
universitaire, qui le vivait comme un processus d’harmonisation
administrative, même si que certains personnels deviennent plus
impliqués au fur et à mesure des délibérations, d’après le Bureau pour
l’Enseignement supérieur de Minnesota (Minnesota Office of Higher
Education, 2010 :4). Cette distance du personnel académique est
facilitée par une certaine indépendance financière, les universités
Les limites de la gouvernance délibérative … 115
d’Etat, prises comme exemple en introduction, même si elles sont
largement financées par le secteur public, gardent une certaine
responsabilité de gestion financière, dont la décision d’augmenter ou
pas les frais étudiants, qui leur permettent de garder une certaine
distance vis-à-vis du gouvernement.
Cette influence mène à des plans de coordination plus importants.
Par exemple, les universités américaines n’ont pas les mêmes
contraintes en matière d’évaluation qu’en Europe. Le processus
d’accréditation (a priori) étant assuré par des agences et les universités
américaines ne sont pas soumises à des évaluations périodiques par
des agences gouvernementales telles qu’en Europe (Gaston, 2010). De
plus, les universités américaines ne sont pas soumises à
l’accomplissement d’objectifs pour leur financement, comme c’est le
cas en France dans le cadre de la procédure contractuelle, qui est liée à
l’évaluation et où le budget des universités peut dépendre de la
poursuite d’indicateurs de performance ou accroître en fonction de
leur adaptation aux réformes; ou en Angleterre où le budget des
universités pour la recherche dépend du nombre de publications et de
la qualité de ces publications. Ces différences impliquent que les
universités américaines ont une motivation moindre pour embrasser
les réformes gouvernementales que les universités européennes, ce qui
explique la différence d’étendue entre le processus de Bologne en
Europe et son effort d’émulation aux Etats-Unis.
Les deux régions ne partaient aussi probablement pas avec la même
base de coordination intergouvernementale. Certains éléments cœur
au processus Tuning étaient plus coordonnés en Europe. Les crédits à
l’apprentissage bénéficient d’une initiative coordonnée par la
Commission européenne sous la forme du système européen de
transfert d’unités de cours capitalisables, mis au point en 1989
(Commission, 2006), alors que le transfert de crédits entre état
demeure principalement du domaine des universités aux Etats-Unis,
étant donné que la mobilité entre universités y reste principalement
intra-étatique.
Conclusion : le paradoxe de l’autonomie
Cet article a analysé deux efforts de coordination interétatiques sur
l’enseignement supérieur par l’intermédiaire du processus de Bologne
en Europe et d’un effort d’émulation similaire aux Etats-Unis. Dans les
deux cas, ces processus de coordination étaient souples, non
légalement liant, et pouvait être qualifié de gouvernance délibérative,
suivant la définition de Teague (2001). Ces processus de gouvernance
délibérative avaient pour objectif de résoudre un problème politique
donné, ont mené à la mise en place d’un cadre de référence, devait
faciliter un apprentissage entre juridictions, menant à l’adoption d’un
plan politique ouvert et flexible et éventuellement à des changements
politiques par incréments (à l’opposé d’une approche de choc). Le
processus de Bologne fut l’objet de plus de changements politiques et
d’une plus large adhésion gouvernementale que son parallèle EtatsUnien.
Plusieurs différences existent entre les deux régions, par exemple des
différences culturelles basées soit sur l’individualisme ou le concept de
l’Etat providence. Cette approche a néanmoins permis d’isoler une le
rôle clefs des relations entre principal et agent comme facteur clef
d’adhésion aux réformes et au processus délibératif.
En ce qui concerne le cadre théorique de la gouvernance délibérative,
cette considération ne souligne donc non pas les limites de la
gouvernance délibérative, mais le fait que sa portée politique dépend
du cadre de mise en œuvre.
D’un point de vue appliqué, cet article a démontré que l’échelle de la
coordination en ce qui concerne les politiques de l’enseignement
supérieur aux Etats-Unis ne répond pas au souci croissant vis-à-vis de
la qualité de l’enseignement supérieur. L’apport principal de cet
article réside dans ses considérations européennes. Cet article a
souligné le paradoxe de l’autonomie lié aux réformes du Processus de
Bologne en Europe. L’adhésion au processus de Bologne repose sur
une relation avec le gouvernement contraignante pour les universités
Cette adhésion des gouvernements repose donc sur leur conscience de
leur marge de manœuvre et de la légitimité apportée par le Processus
de Bologne ainsi que d’une mise en place par les universités incitée au
travers de leur financement public – même si cette mise en place peut
Les limites de la gouvernance délibérative … 117
laisser porter a des différences entre universités (Mignot-Gérard et
Musselin, 2002).
Ces considérations témoignent d’un paradoxe de l’autonomie qui est
concurrent au processus de Bologne. Ce dernier embrasse – et
réaffirme à chaque déclaration – le principe de l’autonomie des
universités (la déclaration de Bologne faisant référence à la déclaration
sur l’autonomie des universités Magna Charta Universitatum de
1998). Et une large partie du processus de Bologne vise à rendre les
universités plus compétitives vis-à-vis du monde ainsi qu’entre elles,
notamment en facilitant la mobilité étudiante par la transférabilité des
systèmes de crédits par exemple, compétitivité qui passe par
l’acquisition d’une certaine autonomie. Pourtant, les gouvernements
européens ont paradoxalement visé à mettre en place cette autonomie
par l’intermédiaire de procédures d’orientation plus ou moins lourdes,
basées sur l’imposition d’indicateurs de performance comparatifs - par
exemple liés à la production d’indicateurs sur l’adoption du
processus.
L’Etat reste un acteur principal des réformes, comme le souligne
Susan Robertson. L’autonomie décriée dans les déclarations
successives du processus de Bologne reste en large partie de jure, et
l’interventionnisme étatique reste présent de facto. L’autonomie
devient imposée et passe paradoxalement par un interventionnisme
étatique lourd au sein des politiques universitaires. Les mécanismes
d’intervention étatiques par rapport aux universités ont certes
beaucoup changé au travers des quinze dernières années dans
plusieurs pays européens, passant d’une régulation a priori à un
contrôle a posteriori, un changement commun a plusieurs secteurs
publics en transition (Politt et Bouckaert, 2004). Ce changement des
relations entre Gouvernements et universités est qualifié de transition
du contrôle vers la supervision étatique (Van Vught et Neave, 1991).
Mais le gain en autonomie, préconisé par les documents officiels
nationaux et européens, est loin d’être clair dans cette transition entre
contrôle étatique et supervision. D’un côté les universités ont acquis
plus de liberté en France, par exemple dans le contenu des diplômes
au travers de la suppression des maquettes nationales. De l’autre la loi
sur les libertés et responsabilités des universités du 11 août 2007 en
France, qui d’une certaine façon fut facilité par les considérations
d’ordre général discutées lors du processus de Bologne, reposait en
principe sur une mise en place volontaire des universités. Pourtant, le
Gouvernement encouragea fortement la mise en place de cette loi
grâce à des primes financières liées aux négociations contractuelles
quadriennales (Hoareau, 2011).
Ces dynamiques en ce qui concerne les relations entre
gouvernements et universités au sein des processus de coordination
ont une portée plus large que l’Europe et une comparaison avec
d’autres régions du monde, telles que l’Amérique latine ou l’Asie,
pourrait informer les débats internationaux sur les politiques
universitaires, portant une attention marquée sur l’inscription de ces
relations gouvernement/université dans la structure socio-économique
des pays concernés.
Les limites de la gouvernance délibérative … 119
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L’européanisation de
l’Enseignement supérieur en Europe :
une analyse du discours promotionnel en
ligne des universités
Jeoffrey Gaspard
Doctorant à l’Université Libre de
Bruxelles
MOTS CLÉS
Analyse du discours – discours promotionnel – site web – universités –
européanisation
RÉSUMÉ
Dans cet article, nous proposons d’envisager le discours promotionnel en
ligne des universités en tant que reflet d’un contexte socio-politique englobant
l’Enseignement supérieur en Europe, activé notamment depuis le processus
de Bologne. Plus spécifiquement, à travers une analyse du discours basée sur
un échantillon de sites web d’universités francophones en Europe (Suisse
romande, France métropolitaine, Belgique francophone et Luxembourg), nous
voulons montrer que ce DP se caractérise par des régularités discursives qui
tendent à l’homogénéiser, désingularisant par là les spécificités des
institutions qu’il est pourtant censé promouvoir. Nous suggérons que cette
homogénéisation du discours prend sa source dans l’harmonisation des
politiques publiques en matière d’Enseignement supérieur en Europe. En
s’attardant sur les marques d’européanisation du discours de
promotion/valorisation des missions de l’université (au niveau des rubriques
disponibles, des destinataires cibles explicitement évoqués et des expressions
récurrentes), nous voulons montrer que le discours promotionnel constitue
une des manifestations de la « formation discursive » néolibérale de
l’enseignement supérieur que cultivent les pouvoirs publics au niveau
européen.
ABSTRACT
In this article, we propose to consider the online promotional discourse of
universities as a reflection of a sociopolitical context embracing Higher
Education in Europe, which emerged with the Bologna process in particular.
More specifically, through a discourse analysis based on a sample of websites
belonging to European francophone universities (Switzerland, France,
Belgium and Luxembourg), we intend to show that this promotional discourse
is characterized by homogenizing discursive regularities which tend to
smoothe the institutional specificities of the universities it is supposed to
promote. We suggest that these homogenized features originate in the
harmonization of Higher Education public policies in Europe. Concentrating
on the marks of a europeanization of the studied discourse (when it comes to
available website sections, explicitly mentioned target publics and recurrent
expressions), we want to show that it constitutes one of the manifestations of a
neoliberal « discurive formation » that is being cultivated at the European
level.
KEYWORDS
Discourse analysis – promotionnal discourse – web site – universities –
europeanization
Dans certaines disciplines, les politiques européennes en matière
d’Enseignement supérieur (désormais ES) constituent des cas d’étude
exemplaires : par exemple, il s’agira, pour le chercheur en droit,
d’analyser la façon dont s’articulent, en textes de loi, politiques
nationales et supranationales, ou, pour le chercheur en sociologie,
d’étudier la façon dont s’organisent, au sein des universités, les
processus d’institutionnalisation de changements complexes. Plus
spécifiquement, pour le chercheur en analyse du discours, le cas de
l’ES est notamment privilégié pour l’étude de la circulation de
discours émanant d’instances hétérogènes (Commission européenne,
syndicats, OCDE, etc.) et se retrouvant mobilisés, réappropriés, altérés
dans différents contextes, espaces ou périodes (voir, par exemple,
Jessop, Fairclough, & Wodak, 2008). Dans le cadre de cette
contribution, nous proposons précisément d’explorer la façon dont le
discours promotionnel (désormais DP) en ligne des universités, qui
vise principalement à promouvoir l’établissement en construisant une
identité spécifique à l’institution, se trouve être surdéterminé par
l’européanisation croissante de l’ES en Europe. Faisant l’hypothèse
que l’intégration systématique de nos universités dans des cadres plus
ou moins contraignants se manifeste à travers les différents discours
qui s’y trouvent (re)produits, nous suggérons que les énoncés
promotionnels disséminés sur les sites web institutionnels présentent
des régularités discursives qui témoignent de l’ampleur que prend
l’européanisation en tant que contexte socio-historique inédit dans
lequel sont désormais baignées les universités depuis une décennie.
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe … 129
Dans un premier temps, nous définirons ce que nous entendons par
européanisation, ainsi que les différentes dimensions à travers lesquelles
elle se manifeste dans le cadre de l’ES européen, ce qui nous a permis
d’analyser notre corpus, constitué d’une sélection de sites web
émanant d’universités francophones en Europe. Dans un second
temps, nous présenterons brièvement trois exemples de marques
d’européanisation observées dans les hypertextes étudiés. Enfin, nous
terminerons par une brève discussion des résultats exploratoires que
nous aurons dégagés.
L’européanisation de l’Enseignement supérieur
Les études traitant du concept d’européanisation sont nombreuses
(voir, par exemple, Palier & Surel, 2007, pour une revue de la
littérature) et témoignent tant de la polysémie que de la complexité
conceptuelle que recouvre ce terme. Avec Oberdorff (2008), nous
définirons l’européanisation comme une « manière de qualifier
l’influence déterminante de l’Union européenne (UE) sur tous les États
membres, notamment sur leurs politiques publiques » (tant
économiques que sociales, culturelles ou éducatives) et qui résulte du
« processus d’intégration d’États dans un espace transnational ». Cette
européanisation se décline à travers 1) « une distribution des
compétences [qui peuvent être exclusives à l’Union, partagées, ou
complémentaires à celles des États] accompagnée d’un engagement
des États à coopérer avec et dans le cadre de l’Union pour gérer en
commun [ces] compétences » et 2) « une reconnaissance de la
légitimité d’une intervention au niveau européen plutôt qu’au niveau
national ».
Dans le cas de l’ES, qui n’est pas une matière communautarisée mais
demeure une compétence exclusive des États membres,
l’européanisation se caractérise principalement par une volonté
d’harmoniser les systèmes nationaux d’Enseignement supérieur et de
réduire leur hétérogénéité (Pongy, 2008). Bien que cette harmonisation
ne soit pas pilotée par les institutions européennes stricto sensu mais
plutôt sur base d’un régime décisionnel volontaire et
intergouvernemental, elle est fortement soutenue par la Commission
européenne : cette dernière participe aux instances de décision,
soutient les priorités d’action du processus, et encourage la
coopération entre États. Légalement non contraignante, la méthode
ouverte de coordination (MOC) promue par les institutions européennes
est privilégiée pour coordonner les différentes étapes de cette
harmonisation. La MOC entend définir et traduire des « lignes
directrices » en politiques nationales et régionales tout en tenant
compte des diversités propres à chaque État membre :
(...) avec le benchmarking19 pour pièce maîtresse, ce dispositif
fonctionne à l’incitation, à l’émulation entre pairs et à la
surveillance multilatérale, sans recours à la contrainte légale. C’est
par la quantification des performances nationales et la publicité de
leur classement qu’il plie les dirigeants étatiques à la discipline
d’une gestion par objectifs. Autrement dit, les champs fraîchement
investis par l’Union sous la bannière de la MOC ne font plus l’objet
d’une intégration par le droit, mais d’une européanisation par le
chiffre. (Bruno, 2008, p. 13)
La MOC prévoit également des évaluations qui permettent de
suivre, pour chaque pays, l’état d’avancement des mesures adoptées et
qui fondent « un effet d’émulation qui permet d’assurer la
convergence au regard des principaux objectifs, une diffusion des
"meilleures pratiques" et une réduction des écarts par un effet
d’imitation » (Pongy, 2008).
Concrètement, l’européanisation de l’ES se manifeste en trois blocs.
Premièrement, le programme Erasmus, mis en place en 1987 à l’initiative
de la Commission, vise à favoriser la mobilité des étudiants et
promouvoir le sentiment d’appartenance à l’UE. Deuxièmement, le
processus de Bologne a pour objectif d’harmoniser l’architecture des
systèmes européens d’Enseignement supérieur autrefois complexes et
variés. Le processus se fonde sur trois piliers : 1) la mise en place de
trois cycles d’études BA20/MA/DOC, dont le but est d’accroître la
visibilité des formations, 2) l’instauration du principe des crédits ECTS
qui permet d’établir des équivalences de cursus et enfin 3) la création
d’un supplément au diplôme, qui décrit en détail le parcours de son
détenteur et permet la comparabilité des diplômes au sein d’un
nouveau « marché » de l’Enseignement supérieur. Conjointement à ces
impératifs de visibilité et de comparabilité, s’ajoute la question du
management de la qualité de l’enseignement, qui entend assurer, à
travers une culture de l’ « excellence », les conditions favorables à une
Pratique consistant à comparer, à l’aide de chiffres et indicateurs, les pratiques
d’entreprises ou institutions rivales plus « performantes » afin de s’en inspirer.
20 « Licence », en France.
19
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe … 131
meilleure compétitivité interinstitutionnelle. Troisièmement, la
stratégie de Lisbonne, à laquelle s’intègre et se complémentarise le
processus de Bologne, vise à faire de l’UE « l’économie de la
connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici
à 2020 »21, en impliquant notamment les universités, qui sont appelées
à se « moderniser » à travers leur autonomisation, une indépendance
financière et le renouvellement de leur mode de gouvernance et de
gestion. Ces trois piliers – le programme Erasmus, le processus de
Bologne et la stratégie de Lisbonne – constituent les fondamentaux de
l’européanisation de l’ES.
Cussó (2008), à partir d’un corpus de communications de la
Commission, avait détecté « quatre temps d’argumentation » visant à
promouvoir une société de la connaissance et qui constituent le noyau
des discours européens sur l’ES : des évolutions socio-économiques
importantes (1), notamment la « mondialisation », perçue comme un
des « chocs moteurs » qui « transforment profondément et
durablement le contexte de l’activité économique et le fonctionnement
de nos sociétés »22, requièrent, pour les universités, le pari d’une
ouverture sur le monde (2) ainsi que l’acceptation d’un devenir
compétitif sur un marché de l’ES et de la recherche globalisé ; ceci
nécessite une batterie de réformes pour transformer les systèmes
d’Enseignement supérieur (3), notamment à travers une meilleure
flexibilité des formations pour prendre en compte la diversité des
publics et des demandes du monde socio-professionnel mais aussi à
travers une attention accrue portée aux « compétences » qui se doivent
d’être en adéquation avec les besoins du « marché de l’emploi ». Ces
réformes s’accompagnent d’une redéfinition de l’espace public (4) et
surtout d’un nouveau mode de gouvernance pour les universités, qui
prend notamment en compte les nouveaux « partenaires » (entreprises
en tête) auxquels l’université doit s’ouvrir en vue de répondre à des
objectifs communalisés.
De nombreux chercheurs ont tenté d’interpréter ces politiques et
orientations collectives. Bruno, Clément, et Laval (2010) estiment par
exemple que « le point fondamental tient à ce que l’Europe se
construit selon une norme suprême, qui n’est pas toujours clairement
À ce sujet, voir les Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Lisbonne
des 23 et 24 mars 2000.
22 Livre blanc sur l’éducation et la formation. Enseigner et apprendre. Vers la société
cognitive de la Commission européenne (1995).
21
énoncée : la logique de marché étendue à tous les domaines ». Il
s’agirait de ne pas perdre de vue que les politiques européennes, en ce
compris celles liées à l’ES, ont toujours des origines et motivations
économiques qui les subordonneraient, de cette manière, aux
impératifs économiques que s’impose l’Union. Ainsi, le processus de
Bologne et la stratégie de Lisbonne, en promouvant, entre autres, une
formation de plus en plus professionnalisante et un accès étendu et
flexible aux études « tout au long de la vie », viseraient surtout à
alimenter les entreprises du continent en « capitaux humains ». Le
concept d’employabilité des (futurs) étudiants (en formation continue) est
ici fondamental : face à une mondialisation jugée « inévitable », les
États ne protègent plus mais « arment » les citoyens-étudiants afin
qu’ils puissent résister à une mise en concurrence généralisée :
mobilité, stages en entreprises, flexibilité, assurance qualité,
suppléments au diplôme, etc. concourraient davantage à faire de
l’européanisation de l’ES un projet de survie dans une compétitivité
constante, en ce compris pour les universités elles-mêmes, que la
renaissance d’un projet humaniste hérité des premières universités
médiévales.
Mise en concurrence et communication des
universités : le cas du discours promotionnel
Dans ce nouveau contexte, hautement concurrentiel, les universités
développent leurs activités de communication, souvent calquées sur
celles pratiquées en entreprises. Ainsi, les principes de la
communication corporate, qui désigne la « communication où
l'entreprise parle d'elle-même, de son identité, de sa mission et de ses
valeurs et se présente comme personne morale, au-delà de ses
produits et services » (Libaert & Johannes, 2010, p.13), sont importés
au cœur des dispositifs stratégiques du management universitaire.
Parmi tous les outils à disposition des services de communication, le
site web constitue de loin l’outil le plus valorisé pour promouvoir
directement l’institution et informer les individus susceptibles de
vouloir obtenir des compléments d’information à son sujet :
Les nouveaux médias virtuels et la possibilité d’avoir accès à un
public réellement international joue un rôle important et provoque
des changements (…) dans la communication externe des
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe … 133
universités. En même temps, la concurrence (...), les évaluations, le
benchmarking, poussent [celles-ci] à se mettre en valeur, à se
présenter de nouvelles manières, dans des médias nouveaux et
dans un discours qui ressemble à celui des entreprises. (Andersen,
2009)
Destinés à construire l’identité des universités qu’ils sont censés
valoriser, ces hypertextes promotionnels sur lesquels nous nous
concentrons constituent, à notre avis, un « lieu d’observation » (KriegPlanque,
2007) privilégié
pour
évaluer
l’ampleur
d’une
européanisation de l’ES.
Pour Maingueneau (1984), envisager l'étude d'un discours
particulier, entendu comme « une dispersion de textes que leur mode
d'inscription historique permet de définir comme un espace de
régularités énonciatives » (ibidem, p.5), passe nécessairement par la
mise en évidence des discours autres qui cohabitent et interagissent
avec lui. Le concept d'interdiscours permet de rendre compte de ces
enchevêtrements : « l'interdiscours prime le discours. Ce qui revient à
poser que l'unité d'analyse pertinente n'est pas le discours mais un
espace d'échanges entre plusieurs discours convenablement choisis »
(ibidem, p.11). Nous intégrant de ce cadre théorique, nous défendons
l’hypothèse que ce processus précis de construction discursive d’une
identité institutionnelle passe nécessairement, dans le cas du DP des
universités, par l’activation d’éléments (inter-)discursifs propres aux
discours européens sur l’ES. Pour étayer notre propos, nous
examinons de manière exploratoire les hypertextes promotionnels
d’un échantillon d’universités francophones en Europe (France
métropolitaine, Belgique francophone et Suisse romande). À partir de
cet échantillon23, nous basons notre analyse sur trois matériaux : 1) les
différentes rubriques proposées en pages d’accueil, 2) la liste des
publics ciblés par l’Université, également proposée en pages d’accueil
L’échantillon, conçu aléatoirement, comprend les 18 sites web institutionnels des
universités suivantes : Université Blaise Pascal – Clermont-Ferrand, Université de
Nice – Sophia Antipolis, Université de Strasbourg, Université de Bretagne
Occidentale, Université de Pau et des Pays de l’Adour, Université de Paris-Est
Créteil Val de Marne, Université de Rennes 1, Université de Rennes 2, Université de
Limoges, Université de Cergy Pontoise, Université Paris 8, Université de Perpignan,
Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, Université de Poitiers, Université de la
Méditerranée – Aix-Marseille II, Université François Rabelais – Tours, Université de
Liège et Université de Lausanne.
23
et enfin, 3) les hypertextes de présentation institutionnelle
généralement disponibles dans les rubriques de type « À propos de
l’Université ». Nous proposons donc d’illustrer trois exemples de
marques d’européanisation que sont 1) le choix des modules (ou
rubriques) constitutifs des hypertextes promotionnels, 2) le choix des
destinataires explicitement ciblés et enfin 3) l’activation d’une
sémantique discursive propre aux discours européens sur l’ES.
Marques d’européanisation dans le DP en ligne
1 ) Mo d u le s hyp e r tex tu e ls
Les différents sites internet, caractérisés par l’hypertextualité propre
au web, sont structurés en modules ou rubriques, reliés par un système
d’hyperliens qui, contrairement au texte papier, autorise un parcours
de lecture non linéaire qui installe l’hyperlecteur dans un processus de
zapping constant, même si ce parcours est cadenassé par la
structuration même de l’hypertexte et le nombre limité de modules
disponibles. Si l’on considère que le choix des modules présents sur
les sites web traduit la stratégie de communication des établissements,
les plans de site – pouvant être envisagés comme des tables des matières –
permettent de déterminer les priorités argumentatives déployées par
les universités sondées.
Plus fondamentalement, on retrouve 5 types de modules,
systématiquement présents dans le corpus : 1) un module de
présentation de l’institution, 2) un module de présentation des
formations, 3) un module de présentation de la recherche, 4) un
module de présentation de la documentation/bibliothèques, 5) un
module consacré aux actualités et 6) un module destiné aux
médias/presse. S’ajoutent à cela les modules habituels destinés à
l’intranet, aux prises de contact, aux recherches avancées, à l’annuaire
institutionnel, etc. qui ne sont pas spécifiques aux sites web
universitaires. Cependant, d’autres modules apparaissent, qui sont à
mettre en relation avec les impératifs mis en avant par Bologne et
Lisbonne : il s’agit des modules relatifs 1) aux relations avec les
entreprises, 2) à l’insertion professionnelle des diplômés, 3) à la
formation continue et 4) au caractère international 24 de l’institution.
Module contenant généralement des informations (disponibles en anglais) à
destination des étudiants Erasmus incoming/outgoing et des chercheurs étrangers.
24
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe … 135
Au sein de chaque module, on retrouve également différentes sousrubriques qui rendent également compte des tendances actuelles. Par
exemple, à côté des pages de présentation de l’institution (histoire de
l’institution, description de la politique de l’établissement,
présentation de la structure et des missions de l’université, description
des campus), on retrouve des sections consacrées aux « indicateurs »
et autres « chiffres clés » qui permettraient de résumer et d’offrir un
instantané de la santé de l’université. Enfin, les modules consacrés aux
recrutement/offres d’emploi, s’ils ne sont pas propres aux sites
universitaires, projettent une image proactive des universités en
matière de contribution au développement socio-économique du
territoire dans lequel elles s’insèrent.
Les modules, et les stratégies argumentatives qu’ils activent,
correspondent ainsi, pour la plupart, aux domaines de priorités
avancés par les instances européennes. Nous suggérons donc que la
structuration même des hypertextes se calque en partie sur des
thématiques imposées par l’extérieur, qui surdéterminent missions et
plans de communication des universités sondées. Il semblerait que le
site web universitaire puisse, de facto, devenir un véritable outil de
comparaison hautement normé ayant intégré les réflexes propres au
benchmarking tant les paramètres permettant comparaisons et mises en
contraste deviennent aisément disponibles.
2 ) De st i na ta ir es i nvo q u és
Censées s’ouvrir à l’extérieur, les universités, à l’instar des
entreprises, doivent désormais s’intégrer dans différents réseaux qui
mettent en relation toute une série de partenaires tant institutionnels
qu’individuels afin de s’assurer un avantage compétitif. Ces
partenaires sont qualifiés de parties prenantes ou stakeholders (voir, par
exemple, Jongbloed, Enders, & Salerno, 2008). Cette approche trouve
son origine en entreprise, où une partie prenante est un « groupe ou
individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs
de l’entreprise » [notre traduction] (Freeman, 1984, p. vi). Dans la
même veine, le développement de ces alliances réticulaires est valorisé
dans les textes européens, à l’instar de la communication de la
Commission européenne (2003) intitulée Le rôle des universités dans
l’Europe de la connaissance, où l’on peut lire que :
Les universités doivent utiliser le plus efficacement possible les
ressources financières limitées dont elles disposent. Elles en ont
l'obligation vis-à-vis de leurs « parties prenantes » : les étudiants
qu’elles forment, les autorités publiques qui les financent, le
marché du travail qui utilise les qualifications et les compétences
transmises par elles et la société dans son ensemble, pour qui elles
remplissent des fonctions importantes liées à la vie économique et
sociale.
Cette hétérogénéité des parties prenantes à cibler se retrouve
également reflétée dans les sites web. Sur les pages d’accueil, par
exemple, les parties prenantes sont explicitement désignées par des
segments hypertextuels qui ont pour vocation de les canaliser vers les
différents modules contenant l’information les concernant. Barats
(2010), qui parle de « formes d’adresse », considère ainsi que « la
présence ou l’absence de [tels ou tels destinataires évoqués]
témoignent de choix stratégiques en termes de communication ».
Globalement, nous avons pu repérer au moins 12 destinataires,
internes ou externes à l’institution, directement ciblés de cette manière
à l’aide de dénominations parfois variées : 1) les étudiants
(internationaux), 2) les adultes en reprise d’étude, 3) les anciens
étudiants (alumni), 4) les entreprises, 5) les chercheurs
(internationaux), 6) les enseignants, 7) les chercheurs d’emploi, 8) les
journalistes, 9) le personnel, 10) les visiteurs, 11) les bailleurs de fonds
potentiels et enfin, mais plus rare, 12) les citoyens lambda. Si la
pratique consistant à invoquer directement les hyperlecteurs est
courante sur la toile et vise à rendre efficiente la recherche
d’informations, elle témoigne également des représentations que se
font les universités sondées des destinataires auxquels elles
s’adressent, ainsi que de leur hétérogénéité. À travers la scénographie
de leur site web, les universités mettent donc en scène leur ouverture et
les publics qu’elles désirent capter. Le rapport intérieur/extérieur est,
en ce sens, beaucoup plus perméable, explicitement redéfini, et se plie
à la volonté de briser la tour d’ivoire, métaphore qui symbolisait
l’Université jusque là. Cette nouvelle gouvernance universitaire, qui
tient compte des acteurs extérieurs, se donne donc à voir à travers la
structure des hypertextes promotionnels mais également à travers les
« formes d’adresse » inscrites directement en pages d’accueil.
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe … 137
3 ) Fo rm es lex ica l e s réc ur r en te s
Le corpus25 présente également un certain nombre de régularités
lexicales qui caractérisent la phraséologie du discours promotionnel en
ligne. Par exemple, on retrouve des termes et formules propres au
genre du catalogue (emploi d’énumérations, de listings et
d’expressions telles que offre, éventail, gamme, etc.) mais on retrouve
également un vocabulaire relevant du domaine managérial – emploi
d’expressions et syntagmes tels que gestion, prioritaire, stratégique,
génère des revenus, crée des emplois, outils professionnels, structurer une
offre, réseaux, évaluation, qualité, benchmarking, spin-off, production, etc.
Plus spécifiquement, nous avons également repéré dans le corpus
des formes lexicales à travers lesquelles se manifeste précisément
l’européanisation de l’ES : nous suggérons en effet que les
exploitations sémantiques de ces formes correspondent à celles
déployées par les textes européens. Le tableau26 ci-dessous reprend
douze de ces formes répétées, ainsi que leur fréquence. Quatre d’entre
elles méritent qu’on s’y attarde : « partena* », « mobil* »,
« compétence* » et « vie ».
Comme spécifié plus haut, les textes présentant l’institution, repris dans des
rubriques généralement dénommées « À propos de l’université », « Université » ou
encore simplement « Institution », etc. Ces textes, le plus souvent courts, ont été
traité par le logiciel textométrique TXM 0.6 développé par un partenariat de 4 unités
de recherche françaises (http://www.textometrie.ens-lyon.fr). Le logiciel propose
notamment une fonctionnalité Index, utilisée pour la présente section, qui permet de
calculer, pour chaque forme lexicale (le « mot ») présente dans le corpus, le nombre
d’occurrences (« fréquence ») qui y est associé. L’astérisque permet d’opérer des
troncatures.
26 Les formes présentes dans le tableau ont, pour la plupart d’entre elles, une
fréquence supérieure à 20. Les formes ayant une fréquence supérieure à 20
correspondent à 0,03% du lexique, soit 106 formes (mots vides compris) sur 3392.
25
Formes
Fréquences
1. ouvert*
n=31
2. service*
n=26
3. excellen*
n=22
4. partena*
n=28
5. mobil*
n=19
6. développement*
n=36
7. compétence*
n=13
8. internationa*
n=89
9. qualité*
n=16
10. réseau*
n=21
11. entrepr*
n=27
12. vie
n= 20
Dans le cas de « partena* », les différents partenaires/partenariats
évoqués à travers le corpus sont l’université elle-même, les
collectivités territoriales/la ville/l’agglomération de communes/le
Conseil régional, les laboratoires, les pays développés 27, les acteurs du
monde économique/les entreprises, les « structures partenaires », etc.
et dans certains cas, les partenaires évoqués ne sont tout simplement
pas déterminés. Pour « mobil* », on parlera principalement de la
mobilité des étudiants et des chercheurs, qui est/doit être « accrue »,
« augmentée »,
« encouragée »,
« favorisée »,
« renforcée »,
« soutenue », « promue », etc. et qui est considérée comme une
« valeur » ou encore faisant partie d’un « programme politique
volontaire ». En ce qui concerne « compétence* », il s’agira de
compétences qu’on « échange », qu’on « développe », qu’on
« acquiert » ou qu’on « développe constamment ». Les compétences
sont également « décrites dans les diplômes » mais aussi intégrées
dans la « politique des pôles de compétitivité ». On retrouve
également une occurrence vantant la façon dont les compétences sont
27
L’énoncé en question parle au contraire de coopération avec les « pays émergents ».
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe … 139
« sollicitées pour répondre aux problématiques scientifiques et
sociétales actuelles ». Enfin, concernant la forme lexicale « vie », on
retrouve, à côté de « sciences de la vie », les syntagmes « formation
tout au long de la vie », vie communautaire/universitaire/sur le
campus/étudiante, « vie de la société » (à laquelle participe
l’université), « vie professionnelle » et « vie internationale » (de
l’institution). Le potentiel argumentatif actualisé par « vie » est ici
intéressant : une fois sa « vie étudiante » terminée, la prochaine étape
pour l’étudiant consiste à transiter vers sa « vie professionnelle »,
avant qu’il ne se forme « tout au long de la vie » : l’Université suit
donc l’étudiant où qu’il soit (au côté d’une formation intra muros
s’ajoute une « formation à distance ») et propose même de l’aider à
« s’orienter » et « s’insérer dans la vie professionnelle ».
Ces quelques exemples témoignent, à notre avis, de la
correspondance intertextuelle, certes peu surprenante, entre, d’une
part, les énoncés de présentation institutionnelle, et, d’autre part, les
propositions disséminées dans les textes européens sur l’ES. Le cas de
la formule excellence est ici emblématique et constitue un lexème
fondamental – et souvent passe-partout – pour la construction
discursive de l’identité universitaire. Voici deux exemples tirés du
corpus, repris dans leur cotexte :
(1) Pôle d’excellence de formation et de recherche pour les
humanités et les sciences humaines et sociales, l’Université
Rennes 2 œuvrera pour que ces champs scientifiques aient
toute leur place dans les restructurations de l’enseignement
supérieur et de la recherche qui sont en cours, notamment
dans l’initiative d’excellence qui s’élabore entre la Bretagne
et les Pays de la Loire. (Université de Rennes 2)
(2) Depuis sa constitution en 1971, Paris 1 a constamment
exprimé son attachement à un modèle universitaire
combinant ouverture et recherche de l'excellence, assumant
la responsabilité d'accueillir le public étudiant le plus
nombreux et diversifié parmi les universités françaises, mais
aussi de se positionner comme l'une des premières
institutions de recherche dans ses domaines, comme
l'attestent différents indicateurs. (Université Paris 1)
Le substantif « excellence » est constamment préféré à l'adjectif «
excellent » (0 occurrence dans le corpus). L’emploi spécifique du terme
excellence – au détriment d'excellent – s’explique bien entendu par sa
valeur intertextuelle, dont il est possible de retracer l’origine. Par
exemple, dans la même communication de la Commission, Le rôle des
universités dans l'Europe de la Connaissance (2003), on retrouve 14
occurrences du substantif « excellence » et 0 de l'adjectif « excellent ».
En fait, excellence renvoie bien ici à une notion de politique générale
précise, à savoir celle consistant à promouvoir l’excellence des
activités universitaires dans le but de maintenir, pour l’établissement
qui s’y emploie, un avantage compétitif par rapport à ses concurrents.
Discussion et conclusion
Ces trois exemples témoignent en faveur d’une relative homogénéité
des hypertextes promotionnels en ligne des universités. Nous
défendons l’idée que les énoncés se constituent, ce faisant, en un
(genre de) discours, socio-historiquement situé et hautement réglé :
promouvoir l’Université contemporaine est une pratique discursive
qui commande une certaine façon de dire spécifique à propos de thèmes
spécifiques, dans un espace-temps spécifique. Il peut, de prime abord,
sembler paradoxal que des énoncés promotionnels puissent être à ce
point homogènes alors qu’ils sont justement censés, dans un contexte
qui se veut concurrentiel, singulariser les institutions qui les
produisent. Si les énoncés publicitaires des entreprises se ressemblent
structurellement (phrases courtes, sloganisations, etc.), ils sont
néanmoins marqués par une certaine créativité, qui les singularisent à
l’extrême dans un univers interdiscursif hautement concurrent : il
s’agit, pour les publicitaires, de faire du « jamais vu », de se distinguer
dans et par le discours. Or, dans le cas du discours promotionnel
étudié, ces régularités discursives finissent par aplatir les différences
entre institutions, au profit d’un discours figé, voire stéréotypé, et
dont il serait même possible d’établir un prototype. In fine, les
universités présenteraient les mêmes avantages et qualités, constat
déjà dressé par Readings (1996, p.12) pour les Etats-Unis :
University mission statements, like their publicity brochures,
share two distinctive features nowadays. On the one hand, they all
claim that theirs is a unique educational institution. On the other
hand, they all go on to describe this uniqueness in exactly the same
way.
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe … 141
En réalité, nous suggérons que les thèmes et objectifs évoqués
(valorisation du caractère international de l’institution, mise en avant
des formations destinées aux travailleurs en reprise d’études, etc.),
ainsi que les termes mobilisés pour en parler, sont donc surdéterminés
par un contexte englobant caractérisé par l’européanisation croissante
de l’ES européen. Si l’on reprend la définition d’européanisation
donnée par Radaelli (2003, p.30), pour qui l’européanisation est un
« processus de (a) construction, (b) diffusion et (c) institutionnalisation
de règles formelles et informelles, de procédures, de paradigmes de
politiques publiques, de styles, de "façons de faire", de croyances
partagées et de normes qui sont (...) incorporées (...) dans la logique
d’un discours, d’identités, de structures politiques et de politiques
publiques sur un plan domestique » 28, le discours promotionnel
constitue bien une de ces instances au moyen desquelles s’intègrent
ces « croyances partagées » et ces « normes » propres à
l’harmonisation de l’ES. L’homogénéité discursive caractéristique de
ce discours, et les représentations afférentes de l’Université qu’en
produisent ses producteurs, rendent donc compte d’une intrication
contextuelle grandissante et de son impact sur certaines pratiques
discursives intra muros : harmonisation de l’ES et harmonisation du
DP vont ici de pair.
Plus fondamentalement, à travers les hypertextes promotionnels,
c’est donc toute une vision de l’ES qui se trouve matérialisée, mais
également la redéfinition sémantique du concept « université ». Bien
entendu, des décalages peuvent surgir entre, d’une part, les pratiques
effectives au sein des institutions et, d’autre part, les pratiques (et
atouts) valorisé(e)s (« enseignement de qualité », « recherche
d’excellence », « qualité de vie des campus », « partenaires
privilégiés », etc.) par le discours. Mais si ces décalages existent, le
discours, dans toute sa matérialité discursive, crée néanmoins une
réalité signifiante pour les acteurs qui en sont les producteurs et
bénéficiaires, réalité discursive qui constitue également un lieu de
bataille symbolique. Par exemple, Mautner (2005), ayant entrepris
d’analyser l’usage des termes entrepreneurial, entrepreneurship et
entrepreneur(s) dans les sites web de 30 universités anglaises, a montré
« Processes of (a) construction (b) diffusion and (c) institutionalization of formal
and informal rules, procedures, policy paradigms, styles, “ways of doing things”
and shared beliefs and norms which are first defined and consolidated in the
making of EU public policy and politics and then incorporated in the logic of
domestic discourse, identities, political structures and public policies ».
28
comment la redéfinition des relations entre universités et entreprises
peut donner lieu à cette combinaison jusqu’ici improbable des termes
« université » et « entrepreneuriale ». Les nouvelles collaborations
escomptées entre universités et entreprises génèrent ainsi de
« nouvelles pratiques discursives et sociales » que les autorités
politiques, en déterminant les agendas, contribuent en grande partie à
propager : « they are imported into the academic domain, where
previously the prevailing norm was characterized by [...] its
concomitant non-commercial discourse ». À travers l’emploi de ce
vocabulaire, Mautner perçoit deux polarisations : d’un côté, on
retrouve le « management » qui promeut l’emploi même de ces termes
- alors chargés positivement -, de l'autre, on retrouve le personnel qui
ne semble pas nécessairement enclin à mobiliser ces mêmes termes
favorablement. Ainsi, l’emploi positif ou négatif de ces termes, et les
polarisations que cela engendre, est intimement lié à deux niveaux de
pouvoir spécifiques :
Those in favour of academic entrepreneurship emphasize
innovation and the positive connotations of entrepreneurial, while
those against highlight commercialization and negative
connotations. The symmetry is deceptive, however, because the
playing field which the two camps compete on is far from level
either socially or discursively : supporters of academic
entrepreneurship tend to be members of university management,
holding positions which give them the power to implement
entrepreneurial policy [...] [while those against it] are not in such
positions of power [...]. As a result, their polemics are generally as
passionate as they are inconsequential.
Il en va de même pour l’ouverture à des parties prenantes de plus en
plus hétérogènes (entreprises en tête), qui n’est pas définie de la même
manière par tous les acteurs concernés (administrateurs, chercheurs,
politiques, citoyens, etc.) : différentes conceptions de cette ouverture
peuvent entrer en conflit et la nature des acteurs à engager peut se
révéler tout aussi problématique. L’état d’esprit actuel vise en effet à
considérer les parties prenantes comme des agents économiques avant
tout : les universités doivent bel et bien s’engager avec leur
communauté, mais aussi longtemps que les collaborations et
partenariats permettent de contribuer au développement socioéconomique local et/ou régional du territoire sur lequel est implantée
l’institution. Dans ce cas, les « partenaires » sont aussi ceux qui dictent
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe … 143
les objectifs à atteindre – mais également les critères visant à les
évaluer (Dardot & Laval, 2010, p.359). In fine, la façon dont les
administrateurs conçoivent les interlocuteurs privilégiés de leur
institution peut ne plus correspondre à l’idée traditionnelle du
« public » auquel s’adressait l’Université et la pluralité des
coénonciateurs invoqués cache parfois la superficialité des
partenariats, recherchés ou effectifs (voir, par exemple, Irving &
English, 2008). Ainsi, dans bien des cas, l’ouverture, vantée et affichée
dans les textes, signifie davantage l’acceptation d’un devenir compétitif,
justifié à travers les textes européens par la « réalité » d’une
mondialisation jugée inévitable, et non la mise en place d’une
ouverture démocratique générée de l’intérieur.
Les régularités discursives détectées témoignent également de
« l’autonomie contrôlée » (Dardot & Laval, 2010, p.309) à laquelle les
universités sont actuellement assujetties. Si les textes européens
garantissent et promeuvent l’autonomie des institutions académiques,
celle-ci est néanmoins contrôlée par toute une série de dispositifs
(évaluation des chercheurs, agences d’évaluation de la qualité de
l’enseignement, etc.) qui rend cette autonomie paradoxale.
L’homogénéité du discours identitaire rend manifeste le peu de
marges laissées aux universités quand il s’agit de se représenter « sur
papier ».
La dépendance discursive vis-à-vis de l’interdiscours
européen, à travers un vocabulaire et des arguments qui ne lui sont
plus spécifiques, est symptomatique de la dépendance des universités
vis-à-vis de critères qui doivent désormais compter sur le « marché de
l’enseignement supérieur », où chaque établissement se doit d’exceller
– et le faire savoir – dans certains domaines communs imposés par
l’extérieur. C’est notamment par la mobilisation du terme
« excellence » que s’actualise l’ethos concurrentiel propre au contexte
ambiant : le discours de l’excellence instaure de facto un mode de
pensée fondé sur une concurrence entre institutions, qui valorisent à
outrance la qualité de leurs formations, recherche, etc. Si l’idée
principale est de faire en sorte que les universités travaillent à rendre
l’Europe compétitive sur le plan international, il n’en reste pas moins
qu’elles entrent en concurrence avec elles-mêmes, ceci étant le prix à
payer pour accroitre leur visibilité mondiale. L’Université de
Perpignan reconnaît mêmes les « paradoxes » qui lui seraient
inhérents : « Car [l’Université de Perpignan] cultive les paradoxes, et
notamment celui de compter parmi ses chercheurs certains des plus
éminents, mondialement reconnus, tout en préservant une réelle
proximité avec les étudiants ».
Enfin, insistons sur le fait que le discours promotionnel et
définitionnel ne se fonde pas exclusivement sur cet interdiscours
européen. Nous nous sommes attachés à traiter des marques
d’européanisation mais on retrouve également des spécificités propres
à chaque université, d’autant plus que « la convergence [des politiques
nationales en matière d’ES] n’interdit pas pour autant une certaine
diversification des trajets nationaux, selon les situations, les agendas et
politiques domestiques » (Pongy, 2008). Ainsi, si chaque université
traite de thèmes identiques (histoire de l’institution, campus,
formations, etc.), certains contenus sont malgré tout spécifiques à
chacune d’elles, au contraire de ces marques dont il a été question. Ces
« zones de résistance » propres se détectent par exemple dans la
présentation des « valeurs29 » propres à chaque établissement 30.
Toutefois, ces valeurs, souvent liées à une tradition historique forte
pour les plus anciennes universités, entrent en conflit avec certains des
préceptes et impératifs de l’économie/société de la connaissance qui
constituent en partie le programme officiel de la Commission. La
confrontation entre ces impératifs et ces valeurs se manifeste au
niveau social – mouvements de contestation, stratégies de
détournement31 – mais également au niveau discursif, où des
tentatives de lissage sont parfois tentées. On retrouve par exemple une
telle tentative de « lissage » dans l’hypertexte de l’Université de
Limoges : « Tout en veillant sur sa pluridisciplinarité, l’université
privilégie l’excellence scientifique et bénéficie de la présence et du
dynamisme d’un grand nombre de personnalités scientifiques et
d’équipes de recherche ayant un réel rayonnement national et
international ». L’Université reconnaît que l’importance accordée à
« l’excellence scientifique » (et les disciplines, non citées, auxquelles
elle peut s’appliquer) ne devrait pas porter atteinte à « sa »
pluridisciplinarité qui lui est propre.
Par exemple, l’Université Libre de Bruxelles défend le principe du libre examen,
une valeur fondatrice de cette institution.
30 Dans le cas de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) par exemple, une part
importante du module de présentation institutionnelle est ainsi consacrée à la
description de la valeur du libre examen, un principe fondateur de cette université.
31 Voir, par exemple, le mouvement Slow Science ou le collectif Sauvons l’Université.
29
L’européanisation de l’Enseignement supérieur en Europe … 145
Pour conclure, le site web universitaire, produit du « management »
académique et ressemblant de plus en plus à s’y méprendre au site
web d’entreprises, constitue peut-être la marque la plus explicite de
cette perte de spécificités due à l’européanisation de l’ES : il s’agit d’un
outil de benchmarking normalisé, réceptacle d’un discours
promotionnel et définitionnel harmonisé qui mobilise des éléments
d’un interdiscours exogène qui ne fait pas l’unanimité, pour, in fine,
devenir une plate-forme ouverte à la comparaison entre institutions
devenues concurrentes sur les plans régional, national mais également
international – comme le laissent voir les pages entières traduites en
anglais et destinées aux hyperlecteurs (étudiants, chercheurs,
entreprises) étrangers.
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Éducation comparée / nouvelle série, n°8, pp 149-176
Le processus de Bologne et la
gouvernance des universités espagnoles:
Les subterfuges du discours et le
vide de la pratique.
The Bologna Process and
Governance of Spanish Universities:
The subterfuges of discourse and the
vacuum of practice
Antonio Luzón
Miguel A. Pereyra
Mónica Torres
Université de Grenade
RÉSUMÉ
Cet article problématise toute l'architecture rhétorique de la réforme de
l'enseignement supérieur en Espagne. Bien que les réformes visent à proposer
des modèles solides et claires orientations pour la prise de décision, ils sont
souvent une source de division, conflit et confusion. Leurs effets sont donc
contradictoires et paradoxales. En collaboration avec la projection optimiste de
l'avenir, la nostalgie des temps de pousse apparemment plus sûres passé.
Discours devient de plus en plus fragmenté contre l'unité apparente de la
théorie.
À travers de l’utilisation des documents officiels et un échantillon
représentatif des programmes d'études approuvés au niveau du Bachelor et
des diplômes de Master dans les différentes universités espagnoles, nous
caractérisons les usages du «Processus de Bologne» en Espagne comme un
véhicule discursive. Nous analysons également le genre de pratiques
discursives employées par les voix critiques contre le «processus de Bologne»
comme un lieu de concevoir pour décrire cette réforme et aussi comme un
modèle de la gouvernance néolibérale de l'Université espagnole.
MOTS CLÉS
Processus de Bologne, Espace Européen de l’Enseignement Supérieur,
Gouvernance, Réforme de l’Enseignement Supérieur.
ABSTRACT
This article problematizes the whole rhetorical architecture of the higher
education reform in Spain. Although reforms attempt to present solid models
and clear-cut orientations for decision-making, they are often a source of
division, dispute and confusion. Their effects are therefore contradictory and
paradoxical. Together with the optimistic projection of the future, nostalgia
grows for apparently safer times past. Discourse becomes increasingly
fragmented against the apparent unity of theory.
Using official documents and a representative sample of the recently
approved programmes of the Bachelor and Master diplomas at the different
Spanish universities, we characterize the uses of the “Bologna Process” in
Spain as a discursive vehicle. We also analyze the kind of discursive practices
employed by the critical voices against the “Bologna Process” as a rather
simple devise to describe this reform, and we also conceive it as an exponent
of neoliberal governance of the Spanish University.
KEYWORDS
Bologna Process, European Higher Education Area, Governance, Reform of
Higher Education.
Introduction
L’Espagne fait partie des quarante-six pays qui, dans les dix
dernières années, ont adhéré au "processus de Bologne" qui prévoyait
la création d’un Espace Européen de l’Enseignement Supérieur fondé
sur les principes de qualité et de compétitivité, de même que sur la
promotion de la diversité et de la mobilité. Alors que le processus a été
lancé en 1988, lors d’une réunion de plusieurs recteurs d’universités à
Bologne pour la commémoration du 900e anniversaire de la plus
ancienne université de l’hémisphère ouest, il n’a réellement débuté
qu’en 1998 par la déclaration de la Sorbonne à l’initiative du ministre
français de la recherche de l’époque, Claude Allègre, après une
réunion avec les ministres chargés de l’enseignement supérieur
d’Italie, de Grande-Bretagne et d’Allemagne.
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 151
Le texte connu sous le nom de Magna Charta Universitatum, signé
en 1988 à Bologne, peut être considéré comme le début du processus,
et comme un document clé pour analyser et comprendre sa mise en
place dans le temps. Un an après la réunion de la Sorbonne, les
ministres chargés de l’enseignement supérieur de vingt-neuf pays se
rencontrent à Bologne en juin 1999 pour signer la déclaration de
Bologne, qui sera à l’origine d’une vague de réformes dans toutes les
universités européennes au cours des dix années qui suivront. Le
processus a pris de l’envergure grâce aux conférences ministérielles
qui avaient lieu tous les deux ans et qui ont conduit et supervisé sa
mise en œuvre dans les différents pays : Prague (2001), Berlin (2003),
Bergen (2005), Londres (2007) et Louvain (2009)32.
Bien qu’il y ait eu des objectifs communs au départ, telle que la
création d’un large Espace Européen de l’Enseignement Supérieur,
possédant la flexibilité et les ressources nécessaires pour gérer la
convergence structurelle provoquée par la demande économique d’un
capitalisme de plus en plus enclin à créer "une Europe de la
connaissance"- cette formule de rhétorique fut répétée ad nauseam dans
d’innombrables documents institutionnels puis proclamée par le
Conseil de l’Europe.
Cependant, les autorités de l’Union européenne (UE) réclament de la
part des systèmes d’éducation et de formation, une position plus
compétitive et des stratégies de régulation afin qu’ils « s’adaptent aux
demandes de la société de la connaissance et à la nécessité
d’augmenter le niveau et la qualité de l’emploi. » Ces objectifs
s’associent et s’harmonisent avec la stratégie générale de l’Union
européenne telle qu’elle a été définie lors du Conseil européen de
Lisbonne en mars 2000, qui a fixé l’ambition de « devenir l’économie
fondée sur la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique
au monde »33, plus connu sous le nom d’agenda de Lisbonne. De cette
manière, les politiques conçues pour la convergence, l’intégration, la
synergie de la connaissance, de la recherche et de l’innovation sont au
Pour toutes informations complémentaires sur la conduite du processus de
Bologne
depuis
sa
création,
voir :
http://www.ond.vlaanderen.be/hogeronderwijs/bologna/ (consulté le 31/07/2011).
33 . Voir le document de la Commission Européenne "Enseignement et formation en
Europe : systèmes différents, objectifs communs pour 2010", disponible sur le site :
www.educaragon.org/files/educacion_y_formacion_2010.pdf (consulté le
31/07/2011).
32
service de la croissance économique, et deviennent de fait la base
fondamentale de toutes les politiques développées par la suite par
l’UE.
Ces "clairs-obscurs", tout comme les hauts et les bas de la mise en
oeuvre du processus de Bologne durant les dix dernières années, ont
donné lieu à une réflexion qui a mis à jour les mécanismes de cette
approche et qui a examiné la transparence d’un processus soumis à un
excès de bureaucratie tout autant qu’à un excès de hiérarchisation
(Meyer & Schofer, 2006; Teichler, 2006; Muller & Ravinet, 2008;
Ravinet, 2009; Cascante, 2009; Linde, 2010; Wodak & Fairclough, 2010).
L’objet de cet article est de déterminer les catégories cognitives
(Lakoff, 2007) qui ont été prédominantes dans les politiques liées au
processus en cours, ainsi que les répercussions des réformes conduites
depuis que l’Espagne a adhéré à la déclaration de Bologne, sur les
universités espagnoles et leur gouvernance. A cette fin, nous
utiliserons l’analyse critique du discours (Fairclough, 2003; Wodak,
2003; Fairclough & Wodak, 2008; Van Dijk, 2009; Fairclough & Wodak,
2009) pour examiner les textes les plus représentatifs et les plus
répandus du processus d’ensemble, dans le but de montrer plus
particulièrement comment les pratiques d’une société donnée
génèrent des discours qui façonnent ses institutions – dans ce cas
précis, les universités. Au sein des textes produits durant les réformes
induites par le processus de Bologne dans les universités européennes,
il existe comme l’a souligné Foucault (1979, p.77) des formations
discursives dominées par :
« des règles pour la formation d’objets, des règles pour la
formation de concepts, et des règles pour la formation de théories.
Ces règles, utilisées au travers de la pratique discursive à un temps
donné, expliquent pourquoi quelque chose est mis en évidence (ou
omis); pourquoi il est perçu d’une façon particulière et analysé à un
niveau donné ; pourquoi un mot est utilisé dans un sens particulier
dans une phrase donnée. »
C’est la raison pour laquelle le discours occupe un rôle essentiel dans
la reproduction et le changement socioculturels (Fairclough, 2008), ce
qui permet de comprendre les structures et les stratégies de
légitimation du pouvoir, ainsi que les processus de régulation et de
standardisation qu’il véhicule. Du point de vue de Fairclough (2003,
2008), le discours constitue le pouvoir, produisant des pratiques
discursives spécifiques associées à des attitudes idéologiques
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 153
particulières, en position de domination envers d’autres pratiques
alternatives. L’hétérogénéité et la diversité même du discours
implicite dans les textes, particulièrement dans leurs projections
nationales, en conduisant à la "technicité du discours", peuvent servir
d’indicateur dans l’analyse des contradictions inhérentes à la mise en
œuvre du processus de convergence. L’analyse critique du discours
constitue un outil analytique puissant parce qu’au-delà de leur sens,
les textes sont des espaces où des processus sociaux fondamentaux
interviennent de manière simultanée : la compréhension, la
représentation du monde et les interactions sociales (Fairclough, 2003 ;
Fairclough & Wodak, 2009).
Cette étude se concentrera donc sur quelques-uns des aspects les
plus significatifs du processus de convergence dans la construction de
l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur en Espagne ces dix
dernières
années,
lequel
présente
certaines
particularités
comparativement à la structure générale des nouvelles qualifications
universitaires choisie dans la plupart des pays européens (un premier
cycle de quatre ans au lieu de trois, un Master en un an au lieu de
deux). Notre contribution portera sur trois caractéristiques
significatives et révélatrices de la récente réforme de l’enseignement
supérieur espagnol. Tout d’abord, il y a l’intensité et la rapidité des
importants changements quantitatifs réalisés ; deuxièmement, la
transition d’un gouvernement centralisé et autoritaire à une
organisation quasi fédérale, où les régions autonomes constituent
l’élément d’ajustement le plus significatif ; troisièmement des
financements publics insuffisants qui conduisent à l’appauvrissement
et à l’instabilité de toute transformation (l’Espagne occupe toujours la
dernière place des pays de l’OCDE pour les dépenses nationales et
privées en R&D -Recherche et Développement).
A travers l’analyse du discours des textes les plus significatifs de ce
processus, nous essaierons de montrer que derrière chaque réforme de
l’éducation, se cache un projet contenant une dose plus ou moins
grande de rhétorique politique, définie plus ou moins comme une
tentative pour faire naître un nouveau type de citoyen, ainsi que
certains types de modèles ou d’images des différents acteurs
(étudiants et enseignants, tout comme le rôle de l’université et de
l’éducation). Ces modèles et ces images sont aussi relativement précis
et sont soumis à un processus verbal intense et complexe, qui révèle
les points de vue disparates caractérisant les différents acteurs de
l’éducation. Nous essaierons de montrer que les effets sont
contradictoires et paradoxaux, avec la coexistence d’une vision
optimiste du futur et d’une nostalgie persistante du passé. Notre point
de départ sera une contextualisation relative du processus de
changement et de transformation mené par l’institution universitaire
espagnole depuis qu’elle a rejoint le processus de Bologne en 1999.
Nous ne parlerons que des aspects et des domaines d’application pour
lesquels l’enseignement supérieur n’a pénétré le tissu social qu’au
moyen de la résonance de son discours et qu’au prix de sa
grandiloquence.
Le mouvement des universités espagnoles vers
l’Europe au cours de la dernière décennie : une
excellence fragile
Afin de contextualiser la réalité des universités espagnoles dans le
cadre du processus de Bologne, nous mettons l’accent sur trois aspects
importants qui décrivent la situation et qui montrent son évolution
durant les dix dernières années (Pereyra, Luzón & Sevilla, 2009). Il
s’agit de l’intensité et de la rapidité avec lesquelles des changements
quantitatifs importants ont eu lieu, du passage d’un gouvernement
centralisé à un gouvernement quasi fédéral et d’une insuffisance de
financements.
a ) Un cha ng em e nt q ua nt it a tif a m b iva le nt
Un des changements les plus notables dans le panorama de
l’université espagnole au cours des dernières décennies, est de nature
quantitative, mais il a eu des répercussions clairement qualitatives et
même structurelles. Si nous comparons les années 60 à nos jours, nous
remarquons que 3% d’une classe d’âge accédait à l’université en 1960
alors qu’en 2010, 24,5% de la population âgée de 18 à 24 ans fréquente
l’Université, en tenant compte d’une baisse de 3% dans cette classe
d’âge. Au cours des quarante dernières années, la population
étudiante est passée de 170 000 à plus d’un million et demi, bien que la
situation se soit stabilisée à partir des années 2000 (une baisse modérée
dans l’enseignement supérieur et une augmentation de l’enseignement
non-universitaire) puis qu’elle soit repartie légèrement à la hausse
depuis 2010 à tous les niveaux de l’enseignement supérieur.
L’augmentation importante des diplômés constitue un autre exemple,
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 155
il a atteint 72,4% au cours des vingt dernières années (Ministère de
l’Education, 2010; pp.9-12)34. Un nombre considérable d’étudiants a
même choisi le cursus des Masters officiels, leur nombre ayant été
multiplié par trois pendant la dernière décennie. Il en est de même de
la présence majoritaire des filles à tous les niveaux et dans tous les
domaines, excepté dans l’enseignement technique, elles représentent
54,2% du total des étudiants à l’Université.
En adhérant au processus de Bologne et en mettant en place une
structure de convergence dans l’Espace Européen de l’Enseignement
Supérieur, les universités espagnoles se sont efforcées d’abandonner
un modèle dépassé, circonscrit à la sphère nationale, marqué par le
statut de fonctionnaire de son personnel, avec des formes de
gouvernance rigides et bureaucratiques orientées essentiellement vers
la tradition. C’était une institution dont la mission fondamentale était
la transmission des savoirs, qui devaient servir pratiquement pour une
vie entière et qui devaient être reconnus par une qualification donnant
accès à une profession stable. Reste à savoir si les universités
espagnoles ont réellement mené à terme les changements engagés par
leur nouvelle organisation, maintenant qu’elles ont achevé leur
adaptation à l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur avec une
offre officielle de 2338 Licences et de 2429 Masters comme en 2010. En
Aujourd’hui (2010), le Système Espagnol Universitaire (SUS) est constitué de 78
universités, dont 50 (64,1%) sont publiques et 28 (35,9%) privées. En 1975 il n’y avait
que 28 universités dans toute l’Espagne, avec le double 35 ans plus tard.
Durant l’année scolaire 2009-2010, il y avait 1 556 377 étudiants inscrits dans le SUS,
89% dans les universités publiques et 11% dans les universités privées. Cependant,
pour préciser ce changement quantitatif, nous devons signaler que le nombre
d’étudiants le plus élevé dans les universités espagnoles a été enregistré, il y a dix
ans, au cours de l’année scolaire 1999-2000 (1 589 473 étudiants) coïncidant avec
l’arrivée des classes d’âge correspondant avec la forte baisse du taux de natalité qui
se produisit en Espagne après 1975. Toutefois, selon les sources du Ministère de
l’Education (2010), pour 2010-2011, une augmentation de 10% des nouvelles
inscriptions est prévue, ce qui veut dire que 385 000 étudiants vont intégrer le SUS,
inversant la tendance de la dernière décennie (2000-2008) qui a vu une réduction de
8% du nombre d’étudiants (Eurostat), contrairement aux 26 autres pays de l’UE. Le
Ministère de l’Education prévoit qu’il y aura 1 600 000 étudiants inscrits dans les
universités, ce qui est supérieur au niveau maximum des années 1990. (Source :
Données
et
chiffres
sur
le
Système
Universitaire
Espagnol.
20102011. Madrid : Secretaría General Técnica). Sur le site :
http://www.educacion.gob.es/educacion/universidades/estadisticas-informes/datoscifras.html.
Voir aussi le rapport CYD 2010 sur l’université sur le site : www.fundacioncyd.org
34
fait, elles se trouvent encore dans une situation ambiguë de transition,
avec des caractéristiques de l’ancien système imbriquées dans celles
du nouveau système. Nous soulignerons, entre autre, le niveau
insuffisant d’ouverture à la compétition et aux services de la société en
tant qu’institution spécialisée dans la création de nouveaux savoirs et
dans la promotion du progrès technique. A de nombreux égards,
l’université espagnole semble se limiter à l’octroi de qualifications sans
aucun effet sur le marché du travail, générant un nombre de diplômés
sans emploi en constante progression et des espoirs déçus qui
amènent à penser à quoi bon de longues études et de longues
formations.
De plus, il y a un flot ininterrompu de déclarations institutionnelles
émanant du Ministère de l’Education et de la Conférence des Recteurs
(CRUE – Conferencia de Rectores de las Universidades Españolas) qui
en appellent à une université plus compétitive orientée vers la société
de la connaissance, telle qu’elle est définie dans l’agenda de Lisbonne
et dans le traité de Lisbonne qui a suivi : «L’un des enjeux majeurs
auquel l’Espagne doit faire face tout de suite, c’est une participation
adéquate à la Société de la Connaissance, sur les bases de laquelle elle
doit construire, en toute liberté, un nouveau modèle de production
très efficace et compétitif à l’intérieur d’un modèle social de grande
solidarité et de viabilité à long terme ».35 Les références à la
compétitivité sont constantes dans pratiquement tous les documents
européens et nationaux concernant l’université et la création de
l’EEES.
Un des exemples de cette insuffisance de développement est
précisément le manque d’ouverture et de compétitivité. Si on fait
abstraction des universités privées, puisque leurs droits d’inscription
deviennent trop élevés pour la majorité de la population et qu’elles
sont situées presque exclusivement à Madrid et à Barcelone, on
remarque que seuls 12,6% des étudiants espagnols étudient en dehors
de leur Communauté Autonome36, peut-être parce que les budgets
Document préliminaire du Ministère de l’Education et de la Conférence des
Recteurs intitulé : Stratégie des Universités 2015. Gouvernance de l’Université et ses
institutions de recherche et d’innovation.
36 A Madrid, 26,1% des étudiants viennent des autres Communautés autonomes,
beaucoup viennent des Communautés autonomes voisines, par exemple 31% de
Castille- La Manche (Castilla-La Mancha), alors qu’en Catalogne (Catalonia)
seulement 7% des étudiants viennent d’une autre Communauté autonome.
35
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 157
prévus pour les bourses37 sont trop faibles, ou bien à cause de
l’adoption d’un modèle de localisation, caractérisé par la
prédominance de la proximité sur la mobilité, comme cela s’est déjà
produit avec la mise en place des campus d’excellence.
Le faible niveau d’ouverture transparaît également dans le nombre
d’étudiants étrangers qui est bien inférieur à celui des autres pays
voisins. Bien qu’il ait augmenté de 60% au cours des sept dernières
années, le système universitaire espagnol attire très peu d’étudiants
étrangers, c’est particulièrement vrai pour ceux de niveau Licence
(4,1%). Au cours de l’année scolaire 2009-10, il y avait 76205 étudiants
étrangers inscrits en Espagne, ce qui représentait 4,9% du total. C’était
le cas, en dépit du fait que la langue représentait un atout
supplémentaire, particulièrement pour les étudiants d’Amérique
latine (45,6%), dont la plupart suivaient des études de troisième cycle
(41,65%). La mobilité des étudiants des universités espagnoles reste
faible avec un taux de participation au programme Erasmus de 2,1%
seulement, même si la tendance globale à l’internationalisation dans
l’enseignement supérieur est en augmentation. En 2001, quand le
gouvernement de droite fit adopter la loi sur l’université nouvelle,
plus connue sous le nom de LOU (Ley Orgánica de Universidades), ils
légitimèrent cette loi, en plus de donner une justification détaillée de la
nécessité de s’intégrer dans le nouvel EEES, en insistant sur le besoin
de renforcer les politiques qui encouragent la mobilité des étudiants :
« pour stimuler la mobilité des étudiants, des enseignants et des
chercheurs à l’intérieur du système espagnol, mais aussi sur la scène
européenne et internationale. »
L’existence d’universités hors site, représentant 13,7% de l’ensemble,
a également constitué une relative nouveauté au cours de la dernière
décennie. Les institutions utilisent un autre argument pour
(Ministère de l’Education (2010) : Données et chiffres sur le Système Universitaire
Espagnol. 2010-2011; pp. 30-31). Selon le rapport CYD 2010, les universités de
Madrid, de Catalogne, d’Andalousie et la Communauté de Valence accueillent les
deux tiers des étudiants des universités espagnoles.
37 Pendant l’année scolaire 2009-2010, le budget total pour les bourses et les aides
universitaires de toutes sortes dans l’enseignement supérieur espagnol (avec plus de
1,5 millions d’étudiants au total) s’élevait à plus de mille millions d’euros (1 011 454
204 euros), représentant 0,1% du PIB, ce qui équivaut exactement à la moitié de la
moyenne de l’OCDE (Source : Ministère de l’Education (2010): Données et chiffres sur
le Système Universitaire Espagnol. 2010-2011; p. 42).
instrumentaliser la légitimation de l’adaptation de l’université
espagnole au processus de Bologne, c’est l’augmentation de 9,3% du
personnel enseignant au cours des cinq dernières années,
contrairement à la baisse et à la stabilisation du nombre d’étudiants 38.
De toute façon, il existe un indicateur du manque d’adéquation et
d’adaptation, c’est le taux d’obtention de diplômes universitaires pour
l’année 2008 tant en premier cycle qu’en deuxième cycle qui est
inférieur à celui de l’OCDE.
De nos jours, "le classement des universités" est un autre indicateur
qui constitue un puissant stimulant pour les universités, comme le
décrivent avec précision Lindblad et Foss (2009, p.180) : « les
classements internationaux sont considérés comme un puissant
facteur de changement, influençant l’organisation et la qualité de
l’enseignement supérieur ainsi que son identité. » Malgré la
controverse que cela soulève, il n’est pas rare d’entendre que les
universités espagnoles doivent obtenir une meilleure position dans les
classements internationaux comme preuve de l’amélioration de leurs
performances. Par exemple, aucune université espagnole ne se classe
parmi les cent premières mondiales et seulement une parmi les quatrevingt premières en Europe. En regardant de plus près le "Top 200
World Universities" dans le Times Higher Education (THE), on
remarque que la première université espagnole figure à la 171 ème place
en 2009. De la même façon, dans le classement mondial ARWU
(Academic Ranking of World Universities), on trouve onze universités
espagnoles parmi les 500 premières mondiales. Sans faire plus de
commentaires sur les autres analyses du discours utilisé pour définir
ces classements, il faut dire qu’il contribue de façon importante à la
commercialisation de l’enseignement supérieur (Foss & Lindblad,
2010).
Malgré tout cela, un autre changement quantitatif important doit
être pris en compte dans l’évolution des universités espagnoles ces dix
dernières années : leur production scientifique a été multipliée par
deux, tout comme leur participation aux programmes cadre de l’UE, et
cela malgré la faible contribution des entreprises, ce qui limitait de fait
le transfert des connaissances.
De 1996 à 2008, le personnel enseignant avait augmenté de 43,55% en moyenne. Le
rapport étudiant/professeur en Espagne est de 11,6 comparé au 15,8 en moyenne
dans l’UE (19). (Source : Indicateurs académiques de l’université. 2008/2009, p.36.
Sur le site : www.crue.org).
38
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 159
b ) La t ra n s it io n ve r s u n c ha ng em ent d e g o uve r na nce : d ’ un
a uto ri ta ri sm e ce nt ra li sé à u ne a uto no m ie q ua si féd é ra le
Sous la dictature de Franco, les universités étaient gouvernées d’une
main de fer par le Ministère Central de l’Education. Vers la fin de la
dictature, les universités devinrent un foyer de résistance aux
agissements répressifs des autorités. Dans une atmosphère si hostile, il
n’était pas surprenant que le concept d’autonomie des universités
devint un mythe et une solution miracle pour résoudre
automatiquement un grand nombre de problèmes qui se posaient aux
universités. Un phénomène identique s’est produit avec la
participation de l’Espagne au processus de Bologne - cela devrait
résoudre les graves problèmes structurels dont souffraient les
universités depuis des dizaines d’années, non seulement en terme de
compétitivité, de recherche et de développement, mais aussi en terme
de gouvernance. La Constitution Espagnole adoptée en 1978
reconnaissait l’autonomie des universités comme une garantie légale
absolue : "l’autonomie des universités" comme garantie de la liberté
académique.
La Magna Charta Universitatum signée par les présidents des
universités européennes en 1988, mentionne l’autonomie des
universités comme étant un des quatre principes fondamentaux, qui
doit être compris comme l’obligation pour les universités d’atteindre
leurs objectifs en tant qu’institutions chargées de la production et de la
transmission des connaissances. Le terme "autonomie" devient un
élément majeur dans un discours hybride qui, du point de vue de
Fairclough (2009, p. 349), oscille entre l’idéal universel "Humboldtien",
holistique et pluraliste et le modèle nouveau de compétitivité à
l’ombre de Bologne. L’Autonomie pour quoi faire ? « Pour satisfaire
les besoins du monde qui nous entoure » comme préalable normatif
de légitimation.
Dans le contexte espagnol, l’autonomie des universités en tant
qu’argument de légitimation a pris deux formes. D’une part, elle a
permis aux universités de défendre leur espace de liberté et
d’autogouvernance face aux autres pouvoirs afin de mener à bien les
deux missions fondamentales qui sont les leurs, à savoir, la recherche
et l’enseignement. D’autre part, elle a permis, dans certains cas, que les
intérêts corporatistes prennent le dessus sur les politiques menées
dans le but de créer un service public adapté. Ce qui était prévisible
s’est produit : une fracture et une dissociation entre les universités et
la société civile qui les ont protégées et leur ont donné de l’importance.
Les Conseils Sociaux, composés de membres éminents de la vie
culturelle, professionnelle, économique et sociale, furent créés afin
d’intégrer la société civile à la gouvernance des universités, mais ils
n’ont pas réussi à s’implanter et à exister autrement que comme un
élément de décorum sans aucune réelle utilité ou fonction.
De plus, il existe une double relation avec le pouvoir politique. Les
universités sont liées à l’Etat à travers le Conseil de l’Université,
présidé par le ministre concerné, et impliqué à deux niveaux de
gouvernance – le politique et l’universitaire. Le premier niveau est
représenté par les politiciens responsables de l’enseignement
universitaire dans les 17 Communautés Autonomes, alors que le
niveau universitaire est constitué des Recteurs (Dirigeants ou
Présidents) de toutes les universités. Le Conseil de l’Université est
responsable de la coordination, de la planification et de la régulation
des programmes et garantit une certaine uniformité du système au
niveau national. Cependant, les relations avec les Communautés
Autonomes sont essentiellement des relations de dépendance
financière. Dans ces conditions, l’autonomie de chaque université est
totale, et la responsabilité, la compétition et l’évaluation externe sont
des indicateurs qui exigent une qualité constante et une amélioration
des universités. Toutefois, la responsabilité a souvent été détournée, la
compétition entre les universités est souvent très limitée comme nous
l’avons vu et l’évaluation externe a été l’un des instruments les plus
encourageants concrétisé par la création des Agences de Qualité
autonomes et nationales.
Il n’est pas surprenant que la Ministre de la Science et de
l’Innovation ait déclaré dans une interview en 2009 « qu’il est
largement acquis que le système actuel de gouvernance de l’université
espagnole ne fonctionne pas. » Elle a proposé ensuite une formule plus
orientée vers une gestion professionnalisée, dotée de mécanismes de
responsabilité plus en accord avec les demandes sociales, et fait
référence d’une manière plus générale, vague et imprécise au modèle
de gouvernance dans les universités européennes. Selon Barbara
Kehm (2011, p.12), la gouvernance et la nouvelle gestion publique
« font partie de l’agenda européen pour moderniser l’université et la
responsabiliser davantage face aux besoins sociaux et économiques à
l’ère de la société de la connaissance », en référence à une gouvernance
"créative" qui restaurera la confiance sociale envers l’institution.
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 161
Un des objectifs du processus de Bologne est d’encourager une
gouvernance à plusieurs niveaux, à des échelles différentes,
améliorant ainsi la participation des acteurs sociaux. Les universités
espagnoles ont dû adapter le processus d’harmonisation européen à la
nature autonomiste de leur structure administrative, créant ainsi une
carte quasi fédérale des différents degrés d’autorité. Ce processus a été
excessivement long et complexe et s’est conclu par une perte
d’uniformité, mais non par une perte d’homogénéité, car il s’est
adapté à la diversité de plus en plus large et de plus en plus
importante de la structure administrative prédominante. Le récent
"Informe CYD 2010" (p.257) (Rapport de la Fondation Conocimiento y
Desarrollo) est un diagnostic du système universitaire espagnol établi
par un réseau d’experts en gestion. Il met en évidence qu’un des
enjeux majeurs dans la période 2006-2010, était d’offrir une
organisation appropriée aux universités qui leur permettent d’agir
comme une force de développement économique, et de favoriser en
même temps un partenariat entre le monde des affaires, les entreprises
et l’université. Malgré cela, le financement privé de la R&D des
universités est tombé à 6,5% en 2008-2009. De plus, la nouvelle
littérature scientifique cherche à propager les valeurs de
développement de la gestion stratégique, afin de rendre les universités
espagnoles plus entrepreneuriales, ce qui doit constituer une
caractéristique particulière de leurs responsabilités sociales, mais les
faits mentionnés par le rapport CYD 2010 exposent clairement que l’on
parle surtout de généraliser les agendas de la nouvelle réforme en
accord avec la rhétorique de la nouvelle recherche (Kirby, Guerrero &
Urbano, 2011; Gaete Quezada, 2011).
c) L’ éte r ne l p ro b lèm e d u f ina nc em ent a sym ét r iq u e
Le rapport 2010 des recteurs des universités espagnoles (CRUE)
intitulé "L’Université espagnole en chiffres" révèle l’évolution des
mécanismes de financement des universités publiques, le financement
public s’étant intensifié ces dernières années afin de répondre aux
exigences de résultats. Toutefois, le besoin de financement de la
croissance rapide de l’enseignement universitaire due à une forte
demande sociale, conjugué avec un faible budget essentiellement
public, est devenu l’une des causes de l’excellence précaire des
universités espagnoles aujourd’hui.
En 2007, l’Espagne a consacré 1,1% de son PIB à l’enseignement
supérieur, ce qui est inférieur à la moyenne de l’OCDE (1,5%) et
légèrement inférieur à la moyenne de l’Union Européenne (1,4%).
Comme cette donnée représente un pourcentage du PIB, c’est encore
plus négatif, l’Espagne se situe en dessous de la moyenne européenne
alors que le Danemark (1,7%) ou la Suède (1,6%) occupent les
premières places39. Le coût par étudiant dans l’enseignement
supérieur était de 12548 euros en 2007, c’est à dire beaucoup moins
élevé que celui de la moyenne de l’OCDE qui était de 12907 euros,
mais légèrement supérieur à la moyenne de l’UE (19) (12084 euros).
Ces chiffres varient en fonction de la Communauté Autonome
concernée, cela va du simple au double40 entre la Communauté
Autonome qui investit le plus par étudiant universitaire et celle qui
investit le moins.
Si les possibilités de rénovation et de modernisation du système
universitaire espagnol dépendent essentiellement des financements
publics provenant de sa Communauté Autonome (83,3%), qui est
supérieur à la moyenne de l’OCDE (80,4%), le degré de dépendance
économique s’accroît et la capacité d’autonomie est plus limitée.
Néanmoins, le Conseil de l’Université tient à placer la modernisation
du système universitaire dans le cadre stratégique connu sous le nom
de Estrategia Universidad 201541, cadre dans lequel le financement,
tout comme la responsabilité et la gouvernance constituent les facteurs
Alors que le PIB par personne s’élevait à 22886 € en 2009 en Espagne, la moyenne
des 27 pays de l’UE était de 23600 € et de 40300 € au Danemark (Eurostat, 2010).
40 Les trois communautés autonomes qui dépensaient le plus par élève dans
l’enseignement supérieur universitaire en 2008 étaient : le Pays basque (9314 €), la
Cantabrie (8596 €), et la Catalogne (8477 €). Les trois qui dépensaient le moins : les
Iles Baléares (5988 €), Murcie (5966 €) et Estrémadure (4934 €). (Source : CRUE,
2010).
41
Pour plus d’informations voir : "Document sur l’amélioration et le suivi des
politiques de financement des universités afin de promouvoir l’excellence
académique et d’augmenter l’impact socio-économique du Système Universitaire
Espagnol (SUS)". Stratégie des Universités 2015. Conférence sur la politique de
l’Université,
Conseil
de
l’Université.
Sur
le
site
:
http://www.educacion.gob.es/educacion/universidades/educacion-superioruniversitaria/financiacion-sue.html.
Stratégie des Universités 2015 est une initiative de l’actuel gouvernement socialdémocrate, qui a débuté en 2008, dans le but d’adapter l’université espagnole à
l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur (EEES), avec la vision plus large de
la modernisation des universités espagnoles par la promotion de l’excellence
scientifique et éducative, l’internationalisation du système universitaire et sa
participation au changement économique basé sur la connaissance.
39
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 163
fondamentaux du développement. Un changement pour le
financement est donc envisagé dans le but d’améliorer l’efficacité du
système universitaire afin d’atteindre certains objectifs, tel que
« intégrer les universités comme une force motrice pour le
développement économique et l’emploi » (Document de financement
de l’université, p.5). En dépit de la déclaration d’intention et des
changements de modèles de financement de l’université, cela ne fait
aucun doute que si ce dernier dépend des administrations autonomes,
la question est de savoir comment ces administrations vont pouvoir
faire si elles doivent réduire leur budget de 50% vers 2013 dans le but
de respecter les plans de réduction du déficit. Une autre considération
doit également être prise en compte, jusqu’à quel point va-t-on
pouvoir mettre en oeuvre les nouveaux cursus, comme le Master, afin
d’apporter une réponse suffisante à la demande des étudiants. Les
objectifs principaux vont donc devoir être réévalués en fonction de la
réduction des dépenses et des mesures d’austérité telle que la stabilité
budgétaire qui vont dans le sens du discours néo-libéral en ces temps
de crise et d’incertitude dans lesquels nous vivons aujourd’hui.
Le processus de Bologne en Espagne ou "l’entrée
par la petite porte"
Des études de Fairclough (2009), Wodak & Fairclough (2010) et
Ravinet (2008) ont montré la dissonance et l’antinomie qui existent
entre le discours implicite et le discours explicite dans l’architecture
du changement de l’enseignement supérieur européen. Ce processus a
commencé avec la Magna Charta Universitatum (Bologne, 1988), à
laquelle il est très peu fait référence dans les documents officiels
espagnols, et a conduit à la déclaration de Bologne (1999) qui
correspond au lancement d’un processus de coordination et
d’harmonisation des politiques de l’enseignement supérieur en
Europe supervisé par les autorités de l’UE. Comme mentionnée dans
la déclaration d’ouverture, « la consolidation de l’Espace Européen de
l’Enseignement Supérieur » est un objectif supranational, bien qu’il n’y
ait aucune indication de la réalité de son institutionnalisation au
niveau du gouvernement européen, contrairement à ce qui avait été
conçu au départ à la Sorbonne, selon Ravinet (2009), car les conditions
de lancement et les priorités nationales étaient différentes.
Les différences entre les deux documents étaient considérables, bien
qu’ils semblaient faire partie du même agenda : « les deux documents
faisaient la liste des réformes, mais seul celui de Bologne utilisait ce
qu’on pourrait appeler une technique discursive » (Fairclough, 2009,
p.356). Dans le cas de l’Espagne, cette réforme a commencé sous un
gouvernement de droite et a été mise en oeuvre en grande partie par
différents gouvernements socialistes, mais cela n’a rien apporté de
vraiment nouveau, en dehors des changements réglementaires déjà
prévus. Nous allons donner quelques exemples des procédés
discursifs utilisés dans son institutionnalisation en Espagne. Ils ont été
acceptés avec très peu de résistance, devenant une étape
supplémentaire dans la symbologie de la construction de l’Europe, un
attribut inséparable de la modernité institutionnelle, dont seule une
petite minorité d’enseignants et d’étudiants critiques les erreurs
d’application et l’assimile à une commercialisation de l’université 42.
Nous allons illustrer les formes discursives utilisées dans le discours
des principaux textes qui ont institutionnalisé 43 et légitimé les
réformes proposées à Bologne44.
Un langage commun pour d es directions
différentes
Dans les considérants préliminaires (Section XI) et dans le chapitre
XIII de la Loi de l’Université adoptée par le Parti populaire (Partido
Popular - PP) en 2001, il est déjà fait mention d’un des axes majeurs de
. Voir le supplément El Mundo. Campus (1/06/2005); El País (26/04/2010), "Le
nouveau système éducatif a soulevé l’opposition d’un mouvement étudiant sans
précédent" (El País; 19/09/2010). « Les étudiants opposés au processus de Bologne,
prévoit la commercialisation de l’éducation dans un manifeste » (La Vanguardia;
22/01/2009).
43 Nous entendons "institutionnalisation" comme un processus dans lequel les
pratiques sociales sont standardisées et deviennent des normes structurelles qui
sanctionnent et légitiment le comportement dans la société
44 Les six objectifs énoncés dans la déclaration de Bologne sont : l’adoption d’un
système universitaire similaire et facilement compréhensible ; l’adoption d’un
système basé essentiellement sur deux cycles principaux – Licence et Master ;
l’établissement d’un système de crédit – équivalent à l’ECTS – comme étant un
moyen pertinent de promouvoir une mobilité plus grande des étudiants ; la
promotion de la coopération européenne dans l’évaluation de la qualité ; la
promotion de la nécessité d’une dimension européenne de l’enseignement
supérieur.
42
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 165
la déclaration de Bologne : « pour intégrer de manière compétitive les
meilleurs centres de l’enseignement supérieur dans le nouvel espace
universitaire européen qui commence à voir le jour »45. Ce processus,
décrit dans la loi comme un objectif encore confus, mal défini, fut
développé plus clairement par le Ministère de l’Education deux
années plus tard dans un document devant être débattu, qui spécifiait
les moyens et les mécanismes d’intégration du système universitaire
espagnol à l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur. Bien que
la nouvelle loi ne mentionnait pas l’architecture de la nouvelle
structure dont il était question dans la réforme proposée par Bologne,
le dernier document, intitulé "Intégration du système universitaire
espagnol dans l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur",
publié en 2003, faisait des propositions spécifiques qui allaient donner
naissance aux mesures réglementaires. Ce texte de base à la
discussion, contenait des "techniques discursives" (Fairclough, 2009)
de haut niveau. Examinons quelques-uns des termes les plus
controversés :
a ) A q ue lle so cié té d e la c o nna i ssa nc e no u s réf ér o ns - no u s ?
Tout au long des années 1990, l’UE insistait de plus en plus sur la
nécessité pour l’Europe de faire partie de l’économie et de la société de
la connaissance, un artefact rhétorique sans définition et sans précision
(Ravinet, 2009), dont on trouve la version la plus éloquente dans le
document intitulé "L’UE et la société basée sur la connaissance" 46, ou
bien dans la résolution de la Commission européenne intitulée "Le
rôle des universités dans l’Europe de la connaissance" 47. C’est une
véritable caisse de résonance pour un discours plein d’ambiguïtés,
alors qu’il s’agit en réalité de reconquérir la place de l’Europe dans le
monde et de préserver une influence formative à un moment où la
géopolitique globale se déplace pour la première fois de l’Atlantique
Nord vers les pays riverains du Pacifique (Japon et Australie). Des
termes tels que "employabilité", "mobilité" et "compétitivité" sont aussi
45
46
Loi Organique 6/2001 sur les Universités (BOE nº 307, 24/12/2001).
Commission européenne (2003) : L’UE et la société basée sur la connaissance.
Luxembourg : Office de Publications de la Communauté européenne.
Sur le site : http://ec.europa.eu/publications/booklets/move/36/es.pdf
47
Voir : COM (2003): "Le rôle des universités dans l’Europe de la connaissance" sur
le site :
http://europa.eu/legislation_summaries/education_training_youth/lifelong_learning
/c11067_es.htm]
incorporés dans une matrice cognitive tout autant que normative
visant à renforcer le marché unique européen et la libre circulation des
travailleurs en accord avec la stratégie de Lisbonne (2000). D’une
certaine façon, Anthony Giddens (2006) l’avait déjà suggéré dans un
article de journal publié en Espagne sous le titre "Améliorer les
universités européennes" quand il déclara : « Que signifie cet
élargissement ? Pourquoi les leaders politiques sont-ils si intéressés
par l’expansion des universités ? Les raisons sont avant tout
économiques. Ils doivent composer avec les forces puissantes qui
transforment aujourd’hui les économies de tous les pays développés. »
En d’autres termes, le discours prétentieux sur la société de la
connaissance constitue en lui-même une "politique de réalité" qui
limite et articule les capacités du gouvernement et qui les interprète.
L’enseignement supérieur est l’une des voies pour établir l’Europe de
la connaissance comme prévu dans la stratégie de Lisbonne (2000), en
activant le prétendu triangle de la connaissance, recherche, éducation
et innovation – un mécanisme paré de rationalité scientifique afin que
l’économie profite de l’exigence de compétitivité. Depuis que le
Conseil Européen a déterminé un nouvel objectif stratégique pour
l’Union Européenne à Lisbonne en mars 2002, qui est d’en faire la
société et l’économie basée sur la connaissance les plus avancées au
monde, le processus de Bologne a cessé d’être le seul moteur du
changement et de la modernisation des universités en Europe, et il est
devenu un moyen de plus dans « l’espace d’action publique à intensité
variable » (Muller & Ravinet, 2008; p.664) du programme "Education
et formation 2010" conduit par l’UE.
La rationalité cognitive acquise par l’Européanisation des politiques
se construit par le biais d’une « logique de comparaisons permanentes,
qui sont légitimées et mises en place grâce à de "nouvelles stratégies",
dans le but de trouver des solutions plus efficaces et plus rentables »
(Nòvoa, 2010; p.35). La méthode ouverte de coordination est l’une
d’entre elles (Wodak & Fairclough, 2010).
b ) L’ ha rm o ni sa t io n d e la s tr uc tu r e d e s p a rco u rs o u red éf i ni tio n
d es m o d èl es u ni ve r si ta i re s tra d it io n ne l s
Comme nous l’avons déjà mentionné dans d’autres textes (Pereyra,
Luzón & Sevilla, 2008; Faraco, Luzón & Torres, 2009; Luzón, Sevilla &
Torres, 2009), la création d’une structure équivalente et intelligible des
cours universitaires est un autre des objectifs majeurs du processus et
l’un des plus originaux pour le développement de l’EEES. Il ne s’agit
pas uniquement d’encourager la mobilité des étudiants ou
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 167
d’harmoniser des cursus similaires, mais aussi de garantir une
formation professionnelle suffisante dans un marché du travail étendu
et diversifié, et surtout forcément compétitif. C’était mis en évidence
dans la stratégie de Lisbonne (2000) et dans les documents ultérieurs
spécifiant cette stratégie, tel que le programme "Education et
Formation 2010" (Commission européenne, 2004), dans le but de
combattre le niveau inquiétant du chômage qui représentait 21% de la
population active, l’Espagne ayant un des taux les plus élevés
(Eurostat, 2011)48. La démarche s’inscrivait dans la tendance
internationale à renforcer l’idée d’un enseignement universitaire qui
produirait des personnes qualifiées professionnellement et
améliorerait ses relations avec le marché. Les conséquences de cette
tendance sont nombreuses et profondes, car elle invite à une
reconsidération des fonctions et des objectifs traditionnels de
l’université et par-dessus tout, de l’esprit de ses modèles historiques
tel que celui de Von Humboldt, où les objectifs de professionnalisation
occupent un rôle secondaire.
L’Espagne agit conformément aux postulats de base dans la mise en
place de l’EEES, suivant les principes de Bologne et les accords des
différentes conférences de suivi, où les discours clairement orientés
vers la formation professionnelle, priment sur l’enseignement général,
culturel ou humaniste. (La proposition présentée pour être examinée
par les universités et l’administration de l’éducation dans les
Communautés Autonomes, prévoit d’harmoniser la structure cyclique
de l’enseignement universitaire avec celle proposée par la déclaration
de Bologne qui est majoritaire dans la plupart des Etats de l’Union
Européenne et dans le reste du monde. Ministère de l’Education.
Document cadre pour l’établissement de l’EEES). Il est question
"d’harmoniser" les politiques, c’est à dire de les adapter aux directives
européennes ou à un mode de gouvernance imbriqué à plusieurs
niveaux.
Le document cadre pour l’application des directives sur l’EEES
précise que le premier cycle de l’enseignement supérieur universitaire
48
L’inquiétude face au problème de l’augmentation du chômage en Europe a déjà
été exprimée en 1993 dans le Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l’emploi
(Commission européenne, 1993), qui a mis en évidence la nécessité de mettre en
place des politiques de formation permanente et qui aurait affecté sans aucun doute
l’enseignement supérieur.
doit être la "Licence", durant entre 180 et 240 ECTS (European Credit
Transfer System – Système européen de transfert de crédits de cours),
c’est une nouvelle structure dont le but évident est de se concentrer
sur l’acquisition de connaissances et de compétences afin d’obtenir
une qualification professionnelle qui offre de réelles opportunités
d’emploi sur le marché du travail. Le second cycle ou "Master" dure
entre 60 et 120 ECTS et est destiné à la spécialisation professionnelle
ou à la recherche.
En Espagne, la question du premier cycle traditionnel qui dure cinq
ou six ans, s’est posée. Est-ce que c’était un premier cycle ? Si c’était le
cas, sa durée devait être reconsidérée (3-4 ans) et les études de
deuxième cycle devaient être renforcées (il fallait réorganiser au moins
l’offre officielle du Master). Quand un nouveau gouvernement socialdémocrate arriva au pouvoir en Espagne, il essaya d’encourager
l’établissement de l’EEES et, alors que l’on discutait de la révision de
la loi de l’Université votée par le gouvernement précédent quatre ans
plus tôt. Une nouvelle réglementation fut adoptée en 2005 qui
établissait la structure de l’enseignement universitaire et qui organisait
de nouveaux cursus49 de premier cycle et de second cycle. Il ne
semblait pas raisonnable de repousser une réglementation qui devait
être approuvée plus tard, à un plus haut niveau normatif tel que la
modification d’une loi organique, alors que l’année 2010 approchait et
que les mesures d’application en Espagne étaient très en deçà de ses
voisins européens. Néanmoins, dès 2003 un bon nombre
d’enseignements expérimentaux avaient déjà été entrepris concernant
la mise en place des nouveaux crédits ECTS, dans le but de respecter
la réglementation du système de crédits européen qui demandait une
adaptation50 progressive. La totalité des règles normatives du
processus est empreinte d’artifices techniques étant donné la demande
implicite de changement de mentalité en vue de l’introduction du
nouveau système de crédits, présenté comme bénéfique pour la
"qualité de l’enseignement", l’étudiant se trouvant au centre des
nouvelles méthodologies de l’enseignement universitaire (l’adoption
49
L’arrêté royal 55/2005 (21 janvier), qui a établi la structure de l’enseignement
universitaire et réglementait le premier cycle universitaire officiel et l’arrêté royal
56/2005 (21 janvier) réglementant le deuxième cycle universitaire officiel. BOE, nº 21,
25/1/2005).
50 Voir la disposition transitoire de l’arrêté royal 1125/2003 (5 septembre), qui établit
le système de crédit européen et le système de notation des diplômes universitaires
officiels dans toute l’Espagne (BOE, nº 224, 18 septembre 2003).
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 169
du système de crédits ECTS entraîne un changement du système et de
la méthodologie de l’enseignement qui devrait favoriser
l’apprentissage et l’auto-formation).
Nous avons là un exemple où la fonction du langage apparaît dans
toute sa subtilité, le changement implique la "qualité" et
l’expérimentation du nouveau système de crédits apporte un nouveau
système d’enseignement plus compétitif qui peut être utilisé tout au
long de la vie une fois que les "compétences" ont été acquises. Comme
vous pouvez le voir, les artifices du langage utilisent un nombre de
procédés rhétoriques creux, dépourvus de tout contenu véritable.
La réglementation, approuvée par le nouveau gouvernement
socialiste en 2005 sur la structure des études universitaires, présente
de nombreuses omissions. Elle conserve l’ambiguïté sur la durée des
nouveaux premiers et second cycles et donne aux universités la
responsabilité de structurer les cours conformément aux directives
définies. Les études de second cycle (Master et Doctorat.) furent
organisées de manière plus souple, mais sans préciser la durée du
Master (60-120 crédits et un ou deux ans), en fonction du niveau du
premier cycle, et sans lignes directrices générales. Au contraire,
l’existence du cursus de Master jusqu’ici inexistant en tant qu’études
de second cycle, fut soulignée comme une innovation importante. La
demande et les attentes concernant les études de Master ont conduit
les universités à accélérer leur offre, dès que la modification de la Loi
de l’Université de 2001 fut adoptée en 200751, les mécanismes de
réglementation nécessaires à la spécification des structures du premier
cycle, du Master et du Doctorat furent mises en application (article 33,
articles 37 et 38 modifiés de la LOU), bien qu’il n’y eut pas de
différences fondamentales. La structure des nouveaux cursus
universitaires fut spécifiée définitivement à la fin 2007 52. Elle fut
considérée comme une des réglementations essentielles dans le
processus de réforme des universités pour la construction de l’EEES
en Espagne et comme une référence réglementaire en ce qui concerne
le nouvel aménagement des cursus universitaires et des diplômes
officiels. Dorénavant, l’initiative concernant le processus était
transférée aux universités et à leur cadre institutionnel pour la
51
Loi organique 4/2007 (12 avril) modifiant la Loi organique des Universités 6/2001
(21 décembre) (BOE nº 89 13/04/2007).
52
L’arrêté royal 1393/2007 (29 octobre) établissant la réglementation de
l’enseignement universitaire officiel (BOE, nº 260, 30 octobre 2007).
préparation, l’analyse, l’approbation et la mise en place des nouveaux
cursus officiels du système universitaire espagnol.
La durée du premier cycle était donc de 240 crédits (quatre ans),
contrairement aux 180 crédits et aux trois ans prévus à l’origine et mis
en place pour la Licence dans de nombreuses universités européennes.
Apparemment, la réduction du cursus traditionnel de cinq ans à trois
ans, avait été jugée excessive. En ce qui concerne les Masters, ils
étaient de 60 crédits et d’une durée d’un an, ce qui se différenciait à
nouveau des universités européennes où ils duraient deux ans.
Toutefois, malgré les différences et les divergences dans leur véhicule
discursif prédominant, en l’espace de tout juste deux ans (2006-2008),
l’offre des Masters officiels s’élevait à plus de mille. Mi-2010 en
particulier, il y avait 1870 cursus de Masters authentifiés et les attentes
sont si grandes dans les années à venir, que le chiffre pourrait
atteindre 3000. La qualité est sensée être garantie par les mécanismes
de vérification et de suivi fixés par la réglementation. Les challenges et
les nouvelles attentes se portent maintenant sur la coopération
interuniversitaire et les Masters internationaux afin de promouvoir la
mobilité.
D’un point de vue normatif, l’harmonisation et la structure des
nouveaux cursus se concluent par un autre dispositif réglementaire, il
s’agit du Supplément européen au diplôme (European Diploma
Supplement), une nouveauté jusqu’à présent dans la légitimation du
mécanisme d’adaptation à l’EEES. C’est un document qui détaille la
carrière universitaire et les compétences acquises et qui a été
réglementé en même temps que l’adaptation aux crédits européens.
c) L’ a m élio ra t io n d e la q u a lit é d e s sy s tèm es d ’a cc réd ita tio n o u
le s no uv ea ux m o d es d e g o uve r na n ce d a n s l’ e ns eig nem ent
sup é rie u r
Dans la déclaration de Bologne, le dispositif réglementaire de
l’harmonisation et de l’européanisation, on peut remarquer qu’au-delà
des différences nationales, il existe une tendance au changement des
modes de gouvernance dans l’éducation et la formation mais aussi
dans l’enseignement supérieur. Il y a des mécanismes de substitution
qui constituent de nouvelles techniques de gouvernance réduisant le
contrôle exercé par les Etats nationaux, ou plus simplement, leur
permettant de s’assurer de la suffisance de la qualité en s’appuyant
sur les résultats obtenus par les agences d’évaluation (Faraco, Luzón &
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 171
Torres, 2009). Cela signifie que le concept de qualité n’a pas été
reformulé, puisqu’il continue d’être centré sur l’action de certains
mécanismes d’évaluation fonctionnant avec des indicateurs dont les
références sont toujours l’efficience et l’efficacité de systèmes
nationaux au regard de la responsabilité d’un point de vue que l’on
peut qualifier de purement économique. C’est pourquoi, António
Nòvoa (2010, p. 37) trouvait tout à fait approprié d’affirmer « qu’une
conception arithmétique du pouvoir est complètement inadéquate. ».
Quoiqu’il en soit, dans la rhétorique politique et institutionnelle,
comme il est écrit dans l’article 149.1 du Traité Constitutionnel de
l’Union Européenne, la qualité se comprend comme quelque chose en
plus : « La Communauté contribue au développement d’une
éducation de qualité en encourageant la coopération entre les Etats
membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leurs actions
tout en respectant pleinement la responsabilité des Etats membres
pour le contenu de l’enseignement et l’organisation du système
éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique. » (Journal
Officiel de l’Union Européenne C 321 E/3, 29.12.2006, p.112).
Comme nous pouvons le déduire de ce passage, la qualité devient
un élément clé et légitime, en conséquence, une intervention de l’UE
dans les politiques éducatives nationales. Cela constitue donc un
nouveau mode de gestion supranationale, communément appelée
"Méthode ouverte de coordination", sur la base de laquelle ont été
conçues les agences d’évaluation et d’accréditation au niveau national
et régional, avec le principe de coopération entre elles et de
coordination au niveau supranational par le biais d’une agence des
agences connue sous le nom de "Réseau européen pour l’assurance
qualité dans l’enseignement supérieur" (European Network for
Quality Assurance in Higher Education - ENQA)53.
Les universités espagnoles ont mis du temps à participer aux
mécanismes de contrôle, d’efficience, d’efficacité et de résultats
associés aux pratiques du marché. Un des premiers programmes
institutionnels d’évaluation de la qualité dans les universités fut créé
en 1995 par le Premier plan national pour l’évaluation et la qualité
53
L’ENQA a été crée en 1998, peu avant la déclaration de Bologne, dans le but de
promouvoir le « Co-fonctionnement européen » dans les domaines de l’évaluation
et de l’accréditation. Pour plus d’informations, voir son site web :
http://www.enqa.net
dans les universités, qui n’a jamais vu le jour. Avec la mise en place du
processus de Bologne, la garantie de la qualité dans les universités a
pris plus d’importance et a trouvé un nouvel élan. En 2001, la LOU a
créé l’Agence nationale pour l’évaluation de la qualité et
l’accréditation (ANECA – Agencia Nacional de Evaluación de la
Calidad y Acreditación), qui fut rejoint petit à petit par les Agences
autonomes, ce qui prouvait que l’université espagnole était engagée
dans un processus constant d’évaluation institutionnelle avec l’objectif
d’assurer l’excellence des cursus diplômant, de permettre une plus
grande transparence et une meilleure insertion sur le marché du
travail. En fait, sous le slogan de "garantie de qualité", ces dix
dernières années, les universités espagnoles ont développé un
processus de réglementation extrêmement complexe d’accréditation et
de vérification des nouveaux cursus de premier et de second cycle et
l’accréditation du personnel universitaire enseignant, dans lequel la
qualité basée sur des critères quantifiables, vérifiables et objectifs a
constitué le discours dominant. Bien que la performance de l’ANECA
bénéficie d’un large consensus54, l’enjeu est de dépasser la forte
complaisance et l’ambivalence générée par le discours sur la qualité
pour lui permettre de s’adapter aux exigences sociales, scientifiques et
de productivité, que nécessite chaque situation particulière.
En conclusion
Le processus de Bologne et l’adaptation à l’Espace Européen de
l’Enseignement Supérieur (EEES) ont eu une importance particulière
pour la recontextualisation des universités espagnoles. C’est un
processus complexe, dynamique et relativement récent, qui est à
l’origine du besoin d’amélioration ressenti et exprimé par les
universités, ainsi que du désir des différents gouvernements
d’entreprendre des réformes dans la sphère de l’éducation qui joue un
rôle important dans le progrès économique de l’Union Européenne.
Laissant derrière elle une résistance relativement faible, la maxime
d’Ortega y Gasset est toujours d’actualité : « L’Espagne est le
problème, l’Europe la solution. » L’enseignement supérieur a constitué
un tremplin pour sécuriser l’Europe en tant que vaste espace
d’éducation ou de formation, avec une forte composante économique
dans son discours qui a instrumentalisé la société de la connaissance
54
Voir http://www.aneca.es
Le processus de Bologne et la gouvernance des universités espagnoles … 173
pour lui donner une valeur économique. Comme nous l’avons déjà
dit, une des mélodies les plus dissonantes est la transition entre un
modèle universitaire forgé dans une identité historique particulière,
avec un certain caractère Humboldtien et imprégné d’un certain
élitisme et un modèle plus standardisé, breveté par le processus de
Bologne qui propose des cursus courts (premier cycle) accessibles à un
fort pourcentage de jeunes avec une caractéristique très
professionnelle orientée vers le marché du travail.
En Espagne, en dépit de différences substantielles avec les pays
voisins, les formes d’adaptation auxquelles l’université a dû faire face
au cours des dernières décennies, ont été similaires et ont répondu à
un "idéal de réglementations" qui a affecté de manière radicale la
construction des politiques nationales. La réglementation du
processus a subi une charge discursive considérable et, malgré la
désinvolture de certaines opinions, nous avons retrouvé la capacité
critique de nous positionner sur le champ de force latente de la
"logique d’adaptation" de l’enseignement universitaire au marché du
travail. Dans ce sens, les gouvernements de droite ou sociauxdémocrate d’Espagne, ont tous deux construit le grand Espace
Européen de l’Enseignement Supérieur à travers la promotion d’un
dispositif législatif qui a rendu possible l’harmonisation de la structure
des études, l’organisation et le contenu de nouveaux cursus et la
garantie de qualité grâce aux agences créées dans ce but. Ce que nous
avons obtenu, c’est un outil institutionnel qui a exigé des ressources
humaines et matérielles pour répondre aux attentes et qui nous a
fourni des leçons inattendues mais précieuses qui interviennent dans
la formation des identités professionnelles avec des conséquences à
long terme.
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Éducation comparée / nouvelle série, n°8, pp 179-226
Veille scientifique, parutions
Ouvrages
Décoloniser l'école ? Hawaï, Nouvelle-Calédonie. Expériences
contemporaines
Auteur(s) : SALAÜN Marie
Editeur(s) : Presses universitaires de Rennes
Année : 2013
Référence : Coll. Essais, 304 pages, 17 €
Parution : Janvier 2013)
Ce livre part d'une interrogation : comment penser une éducation
postcoloniale ?
Il y répond en analysant empiriquement deux cas de décolonisation
inachevée dans le Pacifique, et deux modèles nationaux a priori
incomparables : celui des États-Unis d'Amérique à Hawaï et celui de la France
en Nouvelle-Calédonie. L'institutionnalisation récente d'un enseignement des
langues et cultures autochtones est un angle privilégié pour saisir la portée
du mot d'ordre d'une « décolonisation » de l'école. Cette institutionnalisation
est un terrain exceptionnel pour tester les limites du désir de concilier
l'universalisme du droit avec la reconnaissance de droits collectifs spécifiques
au nom de la réparation des torts de la colonisation.
En quoi l'émergence d'un système scolaire qui se veut désormais
«culturellement adapté » remet-elle en question « l'indifférence aux
différences » qui caractérise le fonctionnement de l'école ? Quels sont les
objectifs des réformes en cours, les registres de leur justification, et en quoi
sont-ils compatibles ? Jusqu'où les dispositifs adaptés peuvent-ils rompre
avec le système éducatif national, et comment les évaluer avec les outils dont
on dispose ? La transmission des savoirs autochtones s'est faite jusqu'à
présent hors de l'école : quelles peuvent être les conséquences sur la nature de
ces savoirs du fait qu'ils soient transmis désormais par l'école ? Jusqu'où peuton le faire dans le respect de la forme scolaire, et jusqu'où peut-on le faire
sans transformer radicalement le rapport des sujets à leur culture ?
Les contenus disciplinaires. Approches comparatistes
Auteur(s) : REUTER Yves, DAUNAY Bertrand, THÉPAUT Antoine (dir.)
Editeur(s) : Presses universitaires du Septentrion
Année : 2013
Référence : coll. Éducation et didactiques s, ,274 pages, 25 €€
Parution : Janvier 2013)
Quels contenus caractérisent les différentes disciplines ? Quels sont leurs
sources et leurs modes de structuration ? Quels problèmes posent-ils aux
maitres et aux élèves ? Comment sont-ils mis en scène dans la classe au
travers des pratiques d'enseignement ? Comment les acteurs se les
approprient-ils ? C'est à ces questions que cet ouvrage tente de répondre en
réunissant des contributions issues du 2e colloque de l’Association
Internationale pour des Recherches comparatistes en Didactiques qui s’est
tenu à Lille en janvier 2011. Il croise ainsi les regards de spécialistes reconnus
des différentes disciplines (didactiques du français, des mathématiques, des
sciences…) sur les définitions possibles des contenus d’enseignement et
d’apprentissages, sur leurs catégories, sur leurs variations selon les matières
scolaires, les activités ou encore sur les représentations des maitres et des
élèves. A un moment historique où se développent dans nombre de pays des
débats sur les curriculums, sur les relations entre programmes et socles ou
sur la priorité à accorder aux savoirs ou aux compétences, cet ouvrage
propose des analyses informées et des pistes de réflexion loin des
simplifications partisanes.
Ecoles en mouvements et réformes
Auteur(s) : CHARLAND Patrick, DAVIAU Claude, SIMBAGOYE Athanase,
CYR Stéphane (dir.)
Editeur(s) : De Boeck
Année : 2012
Référence : Coll. Perspectives en éducation et formation, 272 pages, 36 €
Parution : octobre 2012
Dans un contexte de tension, voire de distance entre les propositions des
réformes curriculaires et des pratiques sur le terrain des écoles, cet ouvrage
regroupe les contributions de différents acteurs, en provenance de divers
milieux de l’éducation issus de toute la francophonie (Amérique du Nord,
Veille scientifique, parution … 179
Europe et Afrique de l’Ouest) qui tentent de mettre leurs écoles et leurs unités
administratives en mouvement.
L’ouvrage vise donc à mettre de l’avant les nombreuses initiatives
individuelles ou collectives, témoignant de l’ingéniosité didactique et
pédagogique d’enseignants, de conseillers pédagogiques, ainsi que de la
créativité des gestionnaires des établissements scolaires.
En traitant des enjeux globaux comme des thématiques spécifiques à un
contexte ou un pays donné, les auteurs présentent leur propre perspective
des enjeux, des défis et des perspectives de différentes réformes curriculaires
en cours dans le monde.
lien : http://superieur.deboeck.com/titres/127028_3/ecoles-en-mouvementset-reformes.html
Les mobilités étudiantes
Auteur(s) : ERLICH Valérie
Editeur(s) : La Documentation française
Année : 2012
Référence : coll. Panorama des savoirs, 224 pages, 19 €
Parution : octobre 2012
L’Observatoire national de la vie étudiante publie, en octobre 2012, Les
mobilités étudiantes. Cet ouvrage de Valérie Erlich propose un état des lieux
des mobilités étudiantes en Europe. Plus qu’une simple synthèse des travaux
sociologiques existants sur la question, l’auteure analyse les processus en jeux
dans ces mobilités, les spécificités des étudiants mobiles par rapport aux
migrants « classiques » et expose les perspectives attendues pour les
prochaines années.
Cet ouvrage est donc autant un manuel à destination des étudiants qu’une
réflexion sur les évolutions des mobilités étudiantes utiles aux responsables
politiques et universitaires.
lien : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ouvrages/9782110091024-lesmobilites-etudiantes
Les Précurseurs de l'oralité scolaire en Europe. De l'oral à la
parole vivante
Auteur(s) : LANGLOIS Roberte
Editeur(s) : Publications des Universités de Rouen et du Havre
Année : 2012
Référence :258 pages, 21 €
Parution : septembre 2012
« Quand on sait, on se tait ! » : cette injonction paradoxale, que l'on peut
aujourd’hui encore entendre dans une salle de classe, montre le rapport
ambigu qu’entretient le couple parole et savoir au sein du système éducatif
français.
Cet ouvrage éclaire la question de l’oralité scolaire, point aveugle de la
recherche en éducation, à travers l’histoire des idées éducatives.
En soulevant la question de l’héritage républicain et plus largement, en
mettant à jour un réseau de précurseurs européens de l’éducation dont l’idéal
est centré sur le concept de parole vivante, cet ouvrage propose, à l’échelle
européenne, une réflexion sur les enjeux et la dimension anthropologique de
l’oralité scolaire.
Le virage réflexif en éducation. Où en sommes-nous 30 ans après
Schön ?
Auteur(s) : TARDIF Maurice, BORGES Cécilia, MALO Annie (dir.)
Editeur(s) : De Boeck
Année : 2012
Référence : Pédagogies en développement, 232 pages, 36 €
Parution : août 2012
Dans les années 1980, Donald Schön propose, avec ses idées de praticien
réflexif et de réflexion, une nouvelle manière d’envisager le travail et la
formation des professionnels. Ses idées sont rapidement reprises par des
milliers de chercheurs et de formateurs à travers le monde. Le modèle du
praticien réflexif gagne l’Europe dès le début des années 1990, mais aussi les
pays latino-américains et, progressivement, la plupart des systèmes de
formation des enseignants qui, partout à travers le monde, prétendent
aujourd’hui former des enseignants réflexifs. La recherche en éducation subit
Veille scientifique, parution … 181
le même impact. Bref, tant sur le plan scientifique que professionnel, dès la
fin des années 1980, autant à travers les adhésions que les réactions critiques
qu’elle suscite, la conception de Schön devient une référence obligée, voire un
quasi-paradigme au sein de la recherche internationale sur l’enseignement et
la profession enseignante.
Près de trente ans plus tard, cet ouvrage collectif s’efforce de prendre la
mesure du virage réflexif initié par Schön. Quel sens faut-il donner à ce
virage réflexif ? Quelles ont été son importance et ses retombées pour la
profession enseignante et la formation à l’enseignement ? Cette orientation
réflexive est-elle encore pertinente de nos jours pour penser l’activité et la
formation professionnelle des enseignants ? Telles sont les questions qui sont
au cœur de cet ouvrage, fruit d’une collaboration internationale entre des
chercheurs nord-américains et européens.
lien:
http://superieur.deboeck.com/titres/126970_3/le-virage-reflexif-eneducation.html
La formation des enseignants en quête de cohérence
Auteur(s) : PAQUAY Léopold, ALTET Marguerite, PERRENOUD Philippe,
ÉTIENNE Richard (dir.)
Editeur(s) : De Boeck
Année : 2012
Référence : Perspectives en éducation et formation, 248 pages, 34 €
Parution : septembre 2012)
Les appels à une amélioration de la cohérence se multiplient dans les textes
d’orientation qui prévalent au développement des programmes de formation
à l’enseignement et ce, un peu partout dans le monde. Pourtant, la cohérence
reste un concept plutôt mal défini, que chacun approche le plus souvent à
tâtons ou de façon intuitive. Les recherches en ce domaine sont peu
nombreuses et les textes de conceptualisation quasi inexistants.
Pour répondre aux besoins des chercheurs comme à ceux des acteurs
impliqués dans le développement et l’amélioration des programmes de
formation à l’enseignement, cet ouvrage propose un ensemble de textes qui
permettent de baliser conceptuellement la notion de cohérence et de
l’appréhender à travers la description de divers exemples de dispositifs dont
est analysée la portée sur la mise en cohérence des programmes, à travers le
regard croisé des divers acteurs concernés (formateurs, étudiants, etc.).
Mais au-delà de la clarification conceptuelle et des pistes
d’opérationnalisation de la cohérence, le présent invite aussi le lecteur à se
poser les questions suivantes : la cohérence est-elle souhaitable ? Est-elle
possible ? Pour cela, il adopte une posture non complaisante, faisant le point
sur les intérêts, les limites, les potentialités et les obstacles à la cohérence des
programmes, et ce à travers la lunette de contextes nationaux variés.
lien : http://superieur.deboeck.com/titres/127019_3/la-formation-desenseignants-en-quete-de-coherence.html
Veille scientifique, parution … 183
Revue de revues
Les évaluations externes dans quelques pays ou régions
d'Europe : élaboration, analyses et diffusion
Référence : Note d'information du SRED, N°54, décembre 2012
Thème : Les évaluations externes dans quelques pays ou régions d'Europe :
élaboration, analyses et diffusion
"Cette note complète le rapport Évaluation des acquis à l'école obligatoire et
se centre sur les évaluations externes dans quelques pays ou régions
d'Europe.
Par évaluation externe, nous entendons toute évaluation qui n'est pas
réalisée par les enseignants de l'école et ce quelle que soit sa fonction
(monitorage, bilan, évaluation certificative ou sommative, évaluation
formative)". (Anne Soussi et Christian Nidegger)
Informations complémentaires :
http://www.ge.ch/.../notes-sred-54.pdf
European Journal of Education : Research, Development and
Policy
Référence : Vol.47, n°4, décembre 2012
Thème : Early Childhood Education and Care in Europe: re-thinking, researching and re-conceptualising policies and practices



Caring and Learning Together: exploring the relationship between
parental leave and early childhood education and care, Peter Moss
Researching Early Childhood Policy and Practice. A Critical Ecology,
Mathias Urban
Towards Competent Systems in Early Childhood Education and
Care. Implications for Policy and Practice, Mathias Urban, Michel
Vandenbroeck, Katrien Van Laere, Arianna Lazzari and Jan Peeters






The Education and Care Divide: the role of the early childhood
workforce in 15 European countries, Katrien Van Laere, Jan Peeters
and Michel Vandenbroeck
Rights of the Child and Early Childhood Education and Care in
Europe, Maria Herczog
The Public Good. Historical and Political Roots of Municipal
Preschools in Emilia Romagna, Arianna Lazzari
A Minority within a Minority? Social Justice for Traveller and Roma
Children in ECEC, Colette Murray
A Nordic Perspective on Early Childhood Education and Care
Policy, Kirsti Karila
The Benefit of Educational Inclusiveness for Early School Leavers in
the European Labour Market, Stan van Alphen
Informations complémentaires : http://onlinelibrary.wiley.com/.../issuetoc
European Educational Research Journal (EERJ)
Référence : Vol.11, n°4, décembre 2012
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



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A Diminished Self: entrepreneurial and therapeutic ethos operating
with a common aim, Kristiina Brunila
Governing Education in Europe: a ‘new’ policy space of European
schooling, Sofia Carlos
Social Inequalities of Post-secondary Educational Aspirations:
influence of social background, school composition and institutional
context, Vincent Dupriez, Christian Monseur, Maud van
Campenhoudt & Dominique Lafontaine
Reconstructing Higher Education? The Case of Master’s and PhD
Programmes in Education in a Portuguese Institution, Mariana G.
Alves, Cláudia Neves, Nair R. Azevedo & Teresa N.R. Gonçalves
Suitable Enemies? Governmentality of Youth: youth as a threat,
Helena Ostrowicka
Understanding the Difficulties of Implementation of a Teachers’
Evaluation System in Greek Primary Education: from national past to
European influences, Georgios Stamelos, Andreas Vassilopoulos &
Marianna Bartzakli
Veille scientifique, parution … 185





The Discourses of Vocational Education and Training: a
developmental response from a European perspective, Aurora
López-Fogués
Multi-level Steering and Institution Building: the European Union’s
approach to research policy, Mitchell Young
The Map is the Territory: educational evaluation and the topology of
power, Antti Saari, ECER 2011 BERLIN: EMERGING
RESEARCHERS BEST PAPER
Pupil Responses to a Saviour Pedagogy: an ethnographic study,
Anneli Schwartz
Quantifying Quality: the construction of Europe and the road to the
policy of learning, Eszter Neumann
Informations complémentaires : http://www.wwwords.eu/.../issue11_4.asp
PISA à la loupe
Référence : N°22, novembre 2012
Thème : Où en sont les élèves issus de l'immigration dans les établissements
d'enseignement défavorisés ?
" Les élèves issus de l’immigration doivent souvent surmonter de nombreux
obstacles à la fois pour réussir à l’école.
Dans la plupart des pays de l’OCDE, la moindre performance des élèves
issus de l’immigration par rapport aux autres élèves est fortement liée au
profil socio-économique défavorisé de leur établissement d’enseignement,
caractérisé par la concentration d’élèves dont la mère est peu instruite.
La concentration, dans un établissement d’enseignement, d’élèves issus de
l’immigration ou d’élèves qui ne parlent pas la langue d’instruction à la
maison ne présente pas une corrélation aussi forte avec une moindre
performance scolaire. "
Informations complémentaires :
http://www.oecd-ilibrary.org/.../ou-en-sont-les-eleves-issus-de-limmigration-dans-les-etablissements-d-enseignementdefavorises_5k8zpchwjfq0-fr;jsessionid=3hdhtssuovjjd.x-oecd-live-02
Revue internationale d'éducation - Sèvres (RIES)
Référence : N°61, décembre 2012
Thème : Enseignement et littérature dans le monde
Dossier
 Le métier de chef d'établissement, Coordination : Emmanuel Fraisse
 Introduction : L’enseignement de la littérature : un monde à explorer
Emmanuel Fraisse
 La littérature à l’école en Chine, Chen Wei, Li Qin
 Une histoire ancienne, de nouveaux défis : L’enseignement de la
littérature en France, Violaine Houdart-Merot
 Entre deux langues et deux approches didactiques : L’enseignement
de la littérature en Haïti, Darline Alexis
 La littérature dans l’enseignement scolaire en Russie : Au service des
valeurs nationales et humanistes, Lioudmila Troubina, Viktor
Chertov
 Directives pédagogiques et soubassement idéologique: La littérature
à l’école sénégalaise, de l’époque coloniale à aujourd’hui, Abdoulaye
Elimane Kane
 Un affrontement idéologique et politique durable : Littérature et
enseignement au Danemark, Jørn Boisen
 La lecture des œuvres complètes en contexte scolaire au Québec: État
des lieux, Olivier Dezutter, Julie Babin, Marcel Goulet, Lise
Maisonneuve
 L’enseignement général de la littérature aux États-Unis existe-t-il ?,
M. Martin Guiney
À lire également dans ce numéro

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
France : La concertation, un nouvel art de gouverner ?, Nathalie
Mons
Kazakhstan : Un développement rapide de la formation technique et
professionnelle, Lisa Bydanova, Ganat Dalabayev
Le système éducatif de la Tanzanie continentale, Nathalie Bonini,
Suleman Sumra
Réformes et enjeux de l’enseignement supérieur en Bulgarie, Gilles
Rouet
Informations complémentaires : http://www.ciep.fr/.../ries61b.php
Veille scientifique, parution … 187
Spirale
Référence : N° 51, janvier 2013
Thème : Éducation et mondialisation
Présentation, Régis MALET et Éric MANGEZ:
 Espaces, acteurs et modalités de l’hybridité politique. Le cas de la
construction d’un modèle pour l’évaluation externe des écoles au
Portugal dans la première décennie du siècle Luís Miguel,
CARVALHO, Estela COSTA et Natércio AFONSO
 PISA en Belgique francophone. Métissage entre équité et
positionnement international, Miguel Souto LOPEZ et Sarah CROCHÉ
 Les évaluations nationales en CE1 et CM2 en France : entre enjeux
institutionnels et tensions professionnelles, Isabelle HARLÉ-GIARD
 Partir en Erasmus : et après ? Parcours d’insertion professionnelle
comparés de diplômés Erasmus, Magali BALLATORE
 Décentralisation et recentralisation éducative. Approche comparée
de trois États fédéraux latino-américains, François MALGOUYRES
 École, relations internationales et mondialisation en Afrique,
Marie-France LANGE
 Représentations du changement chez les enseignants dans le champ
scolaire en France et accompagnement d’équipes d’écoles, Martine
JANNER et Laurent LESCOUARCH
 Teachers’ Unions, the Capitalist State and the Contradictions of
Educational Reform, Carlos Alberto TORRES et al.:
 School Community, Parent Participation and Non-Neutrality in the
context of globalization : A Communitarian Perspective, Monica E.
MINCU
 Analyse comparative des représentations sociales d’enseignants
libanais et français au sujet des besoins d’apprentissage d’élèves en
situation de handicap et des besoins en formation associés, dans une
dynamique mondiale d’école inclusive, Valérie BARRY
 L’enseignement français à l’étranger, une exception éducative:
aspects contradictoires de la mondialisation, Noël MARTINE
Informations complémentaires :
http://spirale-edu-revue.fr/spip.php?rubrique150
Carrefours de l'éducation
Référence : N° 34, 2012/2
Thème : L'éducation face au défi de la globalisation : entre local et global
Dossier
 Claude Carpentier:L'éducation face au défi de la globalisation : entre
local et global
Études et recherches
 Annie Vinokur: Réflexions sur la place du marché dans l'éducation
 Fabienne Maillard:Professionnaliser les diplômes et certifier tous les
individus : une stratégie française indiscutable ?
International
 Teresa Mariano Longo: Dix années de transformation de l'école et de
la culture en Italie (2001-2010)
 Ione Ribeiro Valle, Lucídio Bianchetti: Éducation et recherche au
brésil : du projet nationaliste à la globalisation
 Abdeljalil Akkari, Mylene Santiago:L'impact des politiques
néolibérales sur l'éducation : tensions entre prise en compte des
diversités et standardisation
 Claude Carpentier: La globalisation vue par les manuels d'histoire
sud-africains : entre « main invisible » et griffes du diable
 Tidiane Sall: L'impact de la globalisation sur l'Afrique et les « petites
patries » vu par les élèves sénégalais
Rencontre avec...
 Françoise Lorcerie, Florence Cesbron et Francine NyambekKanga :
Évolution des publics scolaires et des cadres institutionnels dans un
contexte migratoire lié à la globalisation
Varia
 Michel Soëtard: La tache aveugle de l'Émile
 Emmanuelle Leclercq : Enseigner le projet professionnel personnalisé
: une nouvelle approche pédagogique pour les enseignants
chercheurs ?
 Jeanne Guiet-Silvain, Yvan Malabry: Le geste professionnel, du
savoir à la compétence : l'exemple de la proportionnalité des doses
chez les infirmiers
 Jacques Méard, Philippe Zimmermann et Eric Flavier: Quand les
enseignants lèvent le doigt : le façonnage de l'identité professionnelle
des professeurs des écoles débutants
Veille scientifique, parution … 189
International
 Florence Legendre : Processus de Bologne dans l'enseignement
supérieur hongrois: représentations et pratiques enseignantes
Note de synthèse
 Jean Houssaye: La gestion pédagogique des différences entre les
élèves: variations françaises
Informations complémentaires :
http://www.cairn.info.fr/revue-carrefours-de-l-education.htm
Recherches en éducation
Référence : N° 15, janvier 2013
Thème : Modalités de leadership et indices de variations de climat dans les
établissements scolaires
Dossier
 ALAIN BAUDRIT, Edito - Des « faiseurs » de climat de travail dans
les écoles ? Perspectives comparatives Chili/France
 JOEL RICH, Climats et pratiques de leadership dans les équipes
enseignantes des écoles élémentaires
 ALAIN GUERRIER, Fonctions et roles des directeurs d’école :
apports métaphoriques
 LUCILE BONCOMPAIN-KATZ, Climat social et professionnel : un
comparatif écoles publiques/écoles privées
 SERGE LE BIHAN, Leadership distribué, leadership partagé :
coopération et pouvoir
 LORENA PENAILILLO, SERGIO GALDAMES, SIMON
RODRIGUEZ, La discusión sobre la formación de lideres
intermedios. Fundamentos, aprendizajes y desaf os
 SIMON RODRIGUEZ & CAROLINA SALINAS, La escuela como
organización que mejora
 SIMON RODRIGUEZ, CRISTIAN CARDENAS, FABIAN CAMPOS,
Historias de aprendizaje y formación de ocho directores/as de
escuela. Una aproximación a la formación del liderazgo educativo en
Chile
 JEAN-MARIE DE KETELE, Le leadership des chefs d’établissement :
un exercice en tensions et balances
Varia

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

BAPTISTE JACOMINO, L’idée de pédagogie scientifique chez
Freinet
ANDRE PACHOD, L’instituteur du Code Soleil : la vocation d’un
prophète missionnaire
AGATHE EVIN, CAROLE SEVE & JACQUES SAURY, Activité de
l’enseignant et dynamique coopérative au sein de dyades d’élèves.
Une étude de cas dans des taches d’escalade en Education Physique
THIBAUT LAUWERIER, MARIE BRUNING, ABDELJALIL
AKKARI, La qualité de l’éducation de base au Bénin : la voix des
acteurs locaux
SOPHIE MORLAIX & CATHY PERRET, L'évaluation du Plan
Réussite en Licence : quelles actions pour quels effets ? Analyse sur
les résultats des étudiants en première année universitaire
Informations complémentaires :
http://www.recherches-en-education.net/spip.php?article146
Note d'analyse
Référence : N° 316, janvier 2013
Thème : Enseignements des recherches sur l'effet de l'autonomie des
établissements scolaires
"Depuis les années 1980, la grande majorité des pays de l’OCDE ont accru le
degré d’autonomie de leurs établissements scolaires, c’est-à-dire les marges
de manœuvre dont ces derniers disposent en termes de pédagogie, de gestion
financière et de ressources humaines. Cette autonomie étendue a
généralement pour contrepartie un contrôle plus strict des résultats obtenus
par les établissements.
La France est restée relativement en retrait de ce mouvement, les
établissements bénéficiant d’un degré de liberté restreint, notamment en
termes de recrutement et de programmes scolaires. Néanmoins, en la matière,
des évolutions récentes doivent être mentionnées, avec les réformes
successives des lycées professionnels puis polyvalents et le lancement du
programme Écoles, collèges et lycées pour l’ambition et la réussite (ÉCLAIR).
Un certain nombre de travaux ont cherché à évaluer les effets de
l’autonomisation. Les analyses menées en comparaison internationale
suggèrent bien que l’autonomie bénéficie à la réussite des élèves.
Veille scientifique, parution … 191
En revanche, dans des pays où les établissements scolaires disposent déjà
d’un niveau élevé d’autonomie (Grande-Bretagne, États-Unis et Suède), il
semble qu’un nouvel accroissement de l’autonomie apporte des gains de
réussite scolaire limités, voire nuls. Les mêmes études suggèrent par ailleurs
que dans les établissements les plus autonomes, la satisfaction des parents,
des élèves et des enseignants est sensiblement supérieure, et que les élèves, à
niveau comparable, poursuivent plus souvent leurs études. Enfin,
l’autonomie permet de faire émerger des structures et des dispositifs
éducatifs innovants." (Pierre-Yves Cusset et Sarah Sauneron)
Informations complémentaires :
http://www.strategie.gouv.fr/.../autonomie-etablissements-scolaires-NA316
Administration et éducation
Référence : N° 135, octobre 2012
Thème : Enjeux internationaux pour les professionnels de l'éducation
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Éditorial, Françoise MARTIN VAN DER HAEGEN et Lydie KLUCIK
Lumières sur l’école. Comment interpréter les débats éducatifs
contemporains dans le monde ?, António NÓVOA
Savoirs voyageurs, réflexion sur la transmission internationale des
savoirs éducatifs, Roger-François GAUTHIER
Mieux connaître pour mieux agir : vers une synthèse des travaux
colloque, Jean-Marie DE KETELE
L’international, un horizon socialement construit, Xavier PONS
Se comparer en éducation : pourquoi ? Comment ?, Luisa
LOMBARDI
Les enquêtes internationales en France : de l’indifférence à la «
référence », Jean-Claude EMIN
Données chiffrées et gouvernance en Europe, Martin LAWN et Jenny
OZGA
Former des enseignants : un casse-tête international, Isabelle ROBIN
Les financements de l’éducation en France et ailleurs : qui paye
quoi ? Comment?, Jean-Richard CYTERMANN et Thierry
CHEVAILLIER
École inclusive : conceptions croisées, Jean-Claude ROUANET
L’école « CHIME » : un modèle d’éducation inclusive, Adie
BUCHINSKY et Alisa STEERS
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L’établissement scolaire en France et ailleurs : autonomies, pilotages,
évaluations, Gérard MAMOU
L’établissement scolaire en Écosse, Isobel McGREGOR
La querelle des redoublements : l’apport de l’économétrie, Robert
GARY-BOBO et Jean-Marc ROBIN
Une ouverture internationale à l’épreuve des appartenances :
quelques observations sur le cas français, Daniel CHARBONNIER
Management et éducation, deux univers à réconcilier, Alain
BOUVIER et Marie-Caroline MISSIR et Jean-Pierre OBIN
Informations complémentaires : http://www.education-revue-afae.fr/
Spirale
Référence : N°50, octobre 2012
Thème : Les éducations à… : nouvelles recherches, nouveaux
questionnements ?
Coordination : Maria PAGONI et Nicole TUTIAUX-GUILLON
Une pluralité d’« éducations à…"
 Effervescence contemporaine des propositions d’éducations à… :
Regard rétrospectif pour le tournant curriculaire à venir, Joël
LEBEAUME
 Enseignement de l’informatique, éducation aux technologies de
l’information et de la communication en France, dans l’enseignement
général du second degré, Béatrice DROT-DELANGE
 Éducation à la santé et à la citoyenneté à l’école primaire : diversité et
cohérence des pratiques enseignantes en éducation à…, Corinne
MÉRINI, Patricia VICTOR et Didier JOURDAN
 L’éducation à l’entreprenariat : enjeux, statut, perspectives, Patricia
REMOUSSENARD
 Des sciences à forte vivacité sociale à l’école: entre disciplines et
éducations à… ?, Virginie ALBE
L’éducation à la santé.
 Histoire de l’éducation à la santé à l’école : une lente et complexe
ascension (XVIIIe-XXIe siècles), Didier NOURRISSON et Séverine
PARAYRE
 L’éducation à la santé dans le curriculum libanais des Sciences de la
Vie : _ l’impératif d’une réforme vers une approche écologique, Odile
SAAB, Dominique Berger et Fadi El HAGE
Veille scientifique, parution … 193
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Éduquer à la santé et à la sexualité, c’est transmettre aussi des
valeurs, Salah-eddine KHZAMI, Abdelaziz RAZOUKI, Sabah
SELMAOUI, Boujemaa AGORRAM et Dominique BERGER
L’éducation à la santé entre discipline scolaire et approche
transversale : analyse de la tâche représentée des enseignants dans
les systèmes éducatifs français et irlandais, Carine SIMAR et Didier
JOURDAN
Le déjà-là décisionnel de l’enseignant en éducation à la santé.Une
étude de cas en didactique clinique à l’école élémentaire, Yves LÉAL
et Marie-France CARNUS
L’éducation à la santé à l’école aujourd’hui : quelle évolution ?, Jeanne
GUIET-SYLVAIN
Formateurs en éducation à la santé : un outil d’analyse des
conceptions, Jean-Pierre CARDOT et Dominique BERGER
L’éducation au développement durable
Quelle(s) spécificité(s) pour l’Éducation au Développement Durable
(ÉDD)?, Aurélie ZWANG et Yves GIRAULT
Les éducations à, un changement de logique éducative ? L’exemple
de l’éducation au développement durable à l’université, Angéla
BARTHES et Yves ALPE
Question scientifique socialement vive et médiation participative :
apports et limites d’un partenariat entre école et professionnels de
l’éducation au développement durable, Angélique MOREAU,
Catherine BRUGUIÈRE et Eric TRIQUET
L’éducation au développement durable, entre agir et comprendre :
étude au sein de quatre collèges français, Suzan KOVACS
Informations complémentaires :
http://spirale-edu-revue.fr/spip.php?rubrique147
Recherches en éducation
Référence : N°14, septembre 2012
Thème : PISA, TIMSS : regards croisés et enjeux actuels
Dossier
 Les enjeux des évaluations internationales, Faouzia Kalali & Edgar
W. Jenkins
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Varia
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Quels enseignements peut-on tirer du PISA : l’exemple des écarts de
performances entre les sexes, Maciej Jakubowski & Francesca
Borgonovi
Using TIMSS and PIRLS to improve teaching and learning, Ina V.S.
Mullis & Michael O. Martin
L’évaluation de la culture scientifique des élèves français de 15 ans
dans PISA 2009, Nicolas Coppens
PISA : politique, problèmes fondamentaux et résultats paradoxaux,
Svein Sjøberg
De la crise de l’éducation et de ses nouveaux avatars, Alain Trouvé
Retour sur un paradoxe de la normativité éducative, Henri Louis Go
L’Ecole Républicaine est-elle le fruit des idées et de valeurs
protestantes?, Anne Ruolt
La mise au jour d’un contrat réflexif comme régulateur de démarches
de recherche participative : le cas d'une recherche-action et d'une
recherche collaborative, Nadine Bednarz, Serge Desgagné, JeanFrancois Maheux, Lorraine Savoie Zajc
Le métier impossible des moniteurs de Maison Familiale Rurale :
analyse de l’activité, entre l’audace d’un projet et la réalité du terrain,
Violaine Charil
Quel(s) besoin(s) d’accomplissement pour quelles carrières ? Une
exploration dans le contexte tunisien pour mieux comprendre
l’attrait pour la carrière entrepreneuriale, Ilia Taktak Kallel
Informations complémentaires :
http://www.recherches-en-education.net/spip.php?article140
Note d'analyse
Référence : N° 292, octobre 2012
Thème: Quels services rendus aux étudiants par les universités ? Les
enseignements d'expériences étrangères
Les universités françaises rendent, à des degrés divers, des services à leurs
étudiants visant à améliorer leur réussite. Cette note analyse différents cas
étrangers, notamment en Angleterre (Est de Londres et Oxford), au Japon
(Hiroshima et Seikei), en Suède (Södertörn et Uppsala) et en Suisse (Genève).
Veille scientifique, parution … 195
Dans ces pays, les services péri universitaires, c’est-à-dire intrinsèquement
liés à la formation, relèvent systématiquement de la responsabilité des
universités. En revanche, ces dernières s’impliquent de manière variable dans
les services para-universitaires, souvent liés aux conditions de vie des
étudiants.
Dans le contexte d’une autonomie accrue, les universités françaises
pourraient jouer un rôle plus central dans les politiques de vie étudiante.
Elles gagneraient à renforcer prioritairement leurs services péri universitaires,
notamment en réorientant leurs moyens vers le développement des services
d’accompagnement à la réussite, à l’orientation et à l’insertion. Les
universités devraient également s’impliquer davantage dans la conception
des services para-universitaires. Enfin, elles pourraient inciter plus fortement
leurs étudiants à s’engager dans l’animation, la conception et la gestion de
tous ces services.
Sommaire
 Des définitions et des conceptions variées de la politique de vie
étudiante
 Le périmètre des politiques de vie étudiante des universités varie en
fonction de multiples facteurs
 Des études de cas étrangers riches d'enseignement pour la France
 Auteurs : Nicolas Charles et Mohamed Harfi, CAS, département
Travail Emploi et Jun Oba, maître de conférence à l'université
d'Hiroshima, Japon.
Informations complémentaires :
http://www.strategie.gouv.fr/.../vie-etudiante-na292
Politix
Référence : n°98, 2012/2
Thème : Politiques scolaires
Dossier coordonné par Frédéric Sawicki
 Frédéric Sawicki, Pour une sociologie des problématisations
politiques de l'École
 Philippe Bongrand, La mise en système et l'économicisation de
l'enseignement en France au début des années 1950 : la
fonctionnalisation d'une institution

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

Sylvie Aebischer, Réinventer l'école, réinventer l'administration Une
loi pédagogique et managériale au prisme de ses producteurs
Pierre Clément, Le Conseil national des programmes (1985-1994) :
l'institutionnalisation chaotique d'une entreprise réformatrice
Lorenzo Barrault, Les résistances de la carte scolaire Les limites du
volontarisme politique dans l'action publique
Hélène Buisson-Fenet et Xavier Pons, L'européanisation de l'École
française en débat : le cas contrasté de l'évaluation des établissements
scolaires
Claire Lemêtre, La création et la diffusion du « bac théâtre » : une
offre scolaire promue « d'en bas »
Informations complémentaires :
http://www.cairn.info/revue-politix-2012-2.htm
Revue internationale d'éducation - Sèvres (RIES)
Référence : N° 60, septembre 2012
Thème : Le métier de chef d'établissement
Les évolutions du métier de chef d'établissement : constats, enjeux et
perspectives, Ghislaine MATRINGE
 Le leadership en des temps incertains : pratiques clés pour les chefs
d'établissement aux États-Unis, Rachel D. ROEGMAN, Thomas
HATCH, Carolyne RIEHL
 La gestion scolaire, entre modernisation et exigence démocratique: le
cas du Portugal, Joao BARROSO
 Des identités professionnelles en construction : les chefs
d'établissement en France (table ronde), Anne BARRÈRE, Pascal
BOLLORÉ, Alain BOUVIER, Ghislaine MATRINGE, Bernard
TOULEMONDE
 La direction pédagogique des chefs d'établissement, un défi à
relever : le cas du Chili, José WEINSTEIN, Gonzalo MUNOZ, Javiera
MARFAN
 Entre droits et devoirs élargis : une perspective empirique sur l'action
des chefs d'établissements allemands, Stefan BRAUCKMANN
 Quel développement professionnel des chefs d'établissement? Le cas
de la Slovénie, Andrej KOREN
 Quelle identité pour les chefs d'établissement? La Suède entre
décentralisation et recentralisation, Dan COLLBERG
Veille scientifique, parution … 197
Informations complémentaires : http://www.ciep.fr/ries/ries60.php
Revue française de pédagogie (RFP)
Référence : N° 178, Janvier-mars 2012
Thème : Les politiques de lutte contre les inégalités scolaires d’un pays à
l’autre
Dossier coordonné par Daniel Frandji et Jean-Yves Rochex
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Jean-Yves Rochex – Les politiques de lutte contre les inégalités
scolaires d’un pays à l’autre
Adam Gamoran – Bilan et devenir de la loi No Child Left Behind aux
États-Unis
Alan Dyson, Kirstin Kerr & Carlo Raffo – Area-Based Initiatives in
England: Do They Have a Future?
Alan Dyson, Kirstin Kerr & Carlo Raffo – Quel avenir pour les
initiatives territoriales en éducation en Angleterre ?
José Alberto Correia & João Caramelo – Les figures du local dans les
politiques d’éducation prioritaire au Portugal
Anne Soussi, Christian Nidegger, Marion Dutrévis & Marcel Crahay – Un
réseau d’enseignement prioritaire dans le canton de Genève : quels
effets sur les élèves ?
Marc-André Deniger – Les politiques québécoises d’intervention en
milieux scolaires défavorisés : regard historique et bilan critique
Varia

Marie-Christine Toczek, Michel Fayol & Marion Dutrévis – Dictée notée
ou dictée non notée ? Analyse des erreurs orthographiques des
élèves en situation scolaire
 Muriel Nicot-Guillorel – Bilinguisme et apprentissage de la lecture à
Madagascar : quelle place pour la phonologie ?
Note de synthèse
 Cyrille Gaudin & Sébastien Chaliès – L’utilisation de la vidéo dans la
formation professionnelle des enseignants novices
Informations complémentaires :
http://catalogue-editions.ens-lyon.fr/.../?GCOI=29021100830710
Carrefours de l'éducation
Référence : N°33, 2012/1
Thème : Que "peut" le syndicalisme enseignant?
Dossier
 Que « peut » le syndicalisme enseignant ?, André D. Robert
 Varia, Philippe Monchaux
 La « forteresse FEN » vue du ministère de l'Éducation nationale, un
colosse aux pieds d'argile, Sylvie Aebischer
 Groupes d'intérêt et discours éducatif : le cas du syndicat des
enseignants primaires en Grèce (1946-1967), Panagiotis Papadouris
 Les évaluations au Mexique : un effet de la globalisation impliquant
le syndicat des enseignants, Julieta Espinosa
 Le combat syndical des enseignants sud-africains depuis les
dernières années de l'apartheid : entre unionism et
professionalism, Claude Carpentier
 Politiques néolibérales et syndicalisme des enseignants : l'expérience
italienne (1980-2002), Teresa Mariano Longo
 Brève histoire d'un engagement international : la FIPESO, Louis
Weber
Etudes et recherches
 Culture commune versus émancipation ? Les effets pervers de la
canonisation des auteurs philosophiques, Sébastien Charbonnier
 Analyse anthropodidactique de l'aide mathématique aux « élèves en
difficulté » : l'effet Pharmakéia, Christophe Roiné
 Etude des trajectoires d'apprentissage autodirigé : place de la
planification, des intentions, du hasard, Peggy Candas
 Les orientations de valeur des enseignants d'éducation physique et
leur compatibilité avec les objectifs de développement personnel
des programmes, Gaëlle Le Bot
 Préparation aux concours d'enseignants : l'épreuve orale d'EPS au
CRPE. Les incidences contre- intuitives des textes de cadrage sur
les interactions entre candidats et jurés, Pascal Ramon
 Classement en ZEP et moyens supplémentaires : réalité ou illusion ?
Regard historique sur une question sensible et mal connue (1981 –
2001), Lydie Heurdier
Veille scientifique, parution … 199
Note de synthèse
Méthodes d'entraînement à résumer et leurs effets, Sonia Mandin
Informations complémentaires :
http://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education.htm
Diversité Ville-École-Intégration
Référence : N° 169, juillet 2012
Thème : La pression évaluatrice Quelle place pour les plus faibles ?


Éditorial, Régis Guyon
L'évaluation : éclairer, piloter et infléchir l'action, et non justifier a
posteriori les décisions prises et les politiques suivies !, Entretien
avec Jean-Claude Émin
I - Critique de la raison évaluative
 Pourquoi croyons-nous à l'évaluation ?, Danilo Martuccelli
 Évaluation, contrôle et accompagnement : où en est-on ?, Michel Vial,
Nicolas Goubkine, Annie Tellini
 La qualité de l'éducation : un faux ami ?, Elisabeth Chatel
 Qu'est-ce qu'un effet Pisa ? – Réflexions sur la politique française
d'évaluation en éducation, Xavier Pons
 Comparer les systèmes éducatifs européens – Une entreprise
complexe mais indispensable, Marc Demeuse
 Tradition, médiatisation et mesure de l'efficacité scolaire – Brève
histoire immédiate de l'évaluation des systèmes éducatifs, PierrePhilippe Bugnard
 L'évaluation, entre contrôle et réflexivité, Lise Demailly
 La politique de la ville ou les déconvenues de l’évaluation néomanagériale, Thomas Kirszbaum
II - L'évaluation et l'école
 Les angles morts de l'évaluation du système éducatif – Retour sur les
disparités d'éducation en France, Choukri Ben Ayed
 L'évaluation des politiques éducatives – Des principes pertinents, des
résultats impertinents, Georges Felouzis
 Du bon usage de l'évaluation en éducation prioritaire, Anne Armand
 Le français comme totem et tabou – La langue de scolarisation et les
publics les plus fragiles, Maryse Adam-Maillet

La pression de l'évaluation sur les réformes scolaires et les pratiques
enseignantes – Le cas du canton de Vaud, Patricia Gilliéron Giroud
 Des parcours scolaires sous contraintes – Orientation des élèves et
évaluation des établissements, Séverine Chauvel
 Les chefs d'établissement face à l'évaluation – Tâches, dilemmes,
épreuves, Anne Barrère
 L'évaluation et la formation des enseignants : le malaise ?, Richard
Étienne
 L'évaluation, une compétence professionnelle en question, Anne
Jorro, Véronique Bordes
 L'action politique et sociale aux prises avec la raison évaluative,
Marie-Christine Bureau
III - Des méthodes et des pratiques
 Resserrer ou justifier les classements ? L'évaluation scolaire entre
deux injonctions, Olivier Maulini
 Évaluation, innovation : la mesure du changement, Bénédicte Robert,
François Muller (entretien)
 « Peser le cochon tous les jours ne l'a jamais fait grossir » –
Représentations et dilemmes d’enseignants confrontés aux «
compétences », Patrick Picard
 Pourquoi la question de l'évaluation est-elle si importante à l'heure
des compétences ?, Jean-Michel Zakhartchouk
 Enseignants expérimentés et enseignants novices : les effets du
contrôle en cours de formation en EPS, Sabine Coste
 L'évaluation formative en contexte – Points de vue d'enseignants et
d'élèves, Nathalie Younès, Elvire Gaime
 Pratiques innovantes d'enseignement de l'orthographe : focalisation
sur les résultats ou les processus ?, Céline Devès, Brigitte Marin
 L'évaluation des enfants nouveaux arrivants - Problèmes spécifiques
ou problématiques transversales ?, Emmanuelle Huver
 Notation à l'école élémentaire – Retour sur un débat, Eunice MangadoLunetta
 L'orientation vers les enseignements adaptés – Évolution des
procédures et des profils des élèves, Fatiha Tali
 Évaluation et innovations des politiques publiques – Une
expérimentation visant à soutenir la parentalité, Jessica Pothet
Informations complémentaires : http://www2.cndp.fr/vei/
Veille scientifique, parution … 201
Higher Education
Référence : Vol.64, n°6, décembre 2012
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Examining the role of authenticity in supporting the development of
professional identity: an example from teacher education, Louise
Sutherland, Lina Markauskaite
Is there a gap between students’ preference and university
presidents’ concern over college ranking indicators?: a case study of
“College Navigator in Taiwan”, Angela Yung-Chi Hou, Robert Morse,
Yueh-jen E. Shao
Developmental patterns of privatization in higher education: a
comparative study, Laleh Jamshidi, Hamidreza Arasteh, Abdolrahim
NavehEbrahim
Did they sell their soul to the devil? Some comparative case-studies
on academic entrepreneurs in the life sciences in Europe, Giancarlo
Provasi, Flaminio Squazzoni, Beatrice Tosio
Tuition fees and the challenge of making higher education a popular
commodity in South Africa, Gerald Wangenge-Ouma
Re-situation challenges for international students ‘becoming’
researchers, Margaret Franken
Graduateness: an empirical examination of the formative function of
university education, J. M. Steur, E. P. W. A. Jansen, W. H. A. Hofman
Recasting the academic workforce: why the attractiveness of the
academic profession needs to be increased and eight possible
strategies for how to go about this from an Australian perspective,
Hamish Coates, Leo Goedegebuure
Exploring emotion in the higher education workplace: capturing
contrasting perspectives using Q methodology, Charlotte Woods
Mutual recognition of quality assurance decisions on higher
education institutions in three regions: a lesson for Asia, Angela
Yung-Chi Hou
Informations complémentaires :
http://link.springer.com/journal/10734/64/6/page/1
European Journal of Education : Research, Development and
Policy
Référence : Vol.47, n°3, septembre 2012
Thème : The Bologna Process Revisited
Editorial, Barbara M. Kehm
 The Bologna Process in Italy, Gabriele Ballarino and Loris Perotti
 The Transformation of the European Educational Discourse in the
Balkans, Aristotelis Zmas
 Bologna 2010. The Moment of Truth?, Amélia Veiga
 Academic Understandings of and Responses to Bologna: a threecountry perspective, Cristina Sin
 The Shifting Relationship between Vocational and Higher Education
in France and Germany: towards convergence?, Justin J. W. Powell,
Lukas Graf, Nadine Bernhard, Laurence Coutrot and Annick Kieffer
 Fulfilling a European Vision through Flexible Learning and Choice,
Margaret S. G. Harris
 Evaluation Tools in the European Higher Education Area (EHEA): an
assessment for evaluating the competences of the Final Year Project
in the social sciences, Joan Mateo, Anna Escofet, Francesc MartínezOlmo, Javier Ventura and Dimitrios Vlachopoulos
 Universities and a Human Development Ethics: a capabilities
approach to curriculum, Melanie Walker
 Developing Generic Competences in the European Higher Education
Area: a proposal for teaching the principles of economics, Manuel
Salas Velasco, María Teresa Sánchez Martínez and Noelina Rodríguez
Ferrero
Informations complémentaires :
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ejed.2012.47.issue-3/issuetoc
Journal of Education Policy (JEP)
Référence : Vol.27, n°6, décembre 2012

Education policy racialisations: Afrocentric schools, Islamic schools,
and the new enunciations of equity, Kalervo N. Gulson & P. Taylor
Webb
Veille scientifique, parution … 203









Relays and relations: tracking a policy initiative for improving
teacher professionalism, Jenny Reeves & Valerie Drew
Safety in numbers? Middle-class parents and social mix in London
primary schools Kim James Vowden
Overcoming resistance to change: PISA, school reform in Germany
and the example of Lower Saxony, Sigrid Hartong
Recognition of prior learning (RPL) policy in Australian higher
education: the dynamics of position-taking, Tim Pitman & Lesley
Vidovich
Centrifugal schooling: third sector policy networks and the
reassembling of curriculum policy in England, Ben Williamson
The new compulsory schooling age policy in NSW, Australia:
ethnicity, ability and gender considerations, Carol Reid & Helen Young
Contested discourses of teacher professionalism: current tensions
between education policy and teachers’ union, Sølvi Mausethagen &
Lise Granlund
Professionalism and partnership: panaceas for teacher education in
Scotland?, Aileen Kennedy & Robert Doherty
Truth telling in Foucault and Arendt: parrhesia, the pariah and
academics in dark times, Maria Tamboukou
Informations complémentaires :
http://www.tandfonline.com/toc/tedp20/27/6
Journal of Curriculum Studies
Référence: Vol. 44, n°5, novembre 2012





Policy networks and boundary objects: Enacting curriculum reform
in the absence of consensus, Indira Banner, Jim Donnelly & Jim Ryder
‘You’ve got to teach people that racism is wrong and then they won’t
be racist’: Curricular representations and young people’s
understandings of ‘race’ and racism, Audrey Bryan
Economic wellbeing: Critical reflections upon policy and practice in
English primary schools, Howard Gibson
Building Potemkin schools: Science curriculum reform in a STEM
school, Tang Wee Teo
Curriculum-making in pre-vocational education in the lower
secondary school: A regional comparative analysis within Europe,

Susanne Berger, Roy Canning, Michael Dolan, SŁAWOMIR Kurek,
Matthias Pilz & Tomasz Rachwał
Curriculum change and climate change: Inside outside pressures in
higher education, Shireen J. Fahey
Informations complémentaires : http://www.tandfonline.com/toc/tcus20/44/5
School Leadership & Management
Référence : Vol.32, n°5, novembre 2012
Tensions and dilemmas in leading Australia's schools, David Gurr & Lawrie
Drysdale
 Drowning or waving? Coping strategies among Scottish head
teachers, John MacBeath, Jim O'Brien & Peter Gronn
 Should leadership talent management in schools also include the
management of self-belief?, Christopher Rhodes
 Principalship in an Indonesian school context: can principal decisionmaking styles significantly predict teacher job satisfaction?, Hasan
Hariri, Richard Monypenny & Murray Prideaux
 Independent state-funded schools: some reflections on recent
developments, Christopher Chapman & Maija Salokangas
 Lessons from crisis recovery in schools: how hurricanes impacted
schools, families and the community, Holly Howat, Nikki Curtis,
Shauna Landry, Kara Farmer, Tobias Kroll & Jill Douglass
 Instructional leadership in Indonesian school reform: overcoming the
problems to move forward, Francesco Sofo, Robert Fitzgerald & Umiati
Jawas
 Symbolic leadership and leadership culture in one unified
comprehensive school in Finland, Tapio Juhani Lahtero & Mika Risku
Informations complémentaires : http://www.tandfonline.com/toc/cslm20/32/5
Veille scientifique, parution … 205
European Journal for Research on the Education and Learning of
Adults (RELA)
Référence : Vol.3, n°2, octobre 2012
Thème : The effects of policies for the education and learning of adults - from
'adult education' to 'lifelong learning', from 'emancipation' to 'empowerment'





Editorial: The effects of policies for the education and learning of
adults - from 'adult education' to 'lifelong learning', from
'emancipation' to 'empowerment', Danny Wildemeersch and Henning
Salling Olesen
Political globalization and the shift from adult education to lifelong
learning, Marcella Milana
From lifelong education to lifelong learning: Discussion of some
effects of today's neoliberal policies, Rosanna Barros
Discursive turns from 'Bildung' to managerialism: Memory-work of
the Finnish adult education generations, Karin Filander
Subordinating careers to market forces? A critical analysis of
European career guidance policy, Ingela Bergmo-Prvulovic
Informations complémentaires :
http://www.rela.ep.liu.se/issues/10.3384rela.20007426.201232/10.3384rela.2000-7426.201232.pdf
Policy Futures in Education
Référence : Vol.10, n°5, novembre 2012
Thème : The School in the Plural and Divided Society

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
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Introduction: The School in the Plural and Divided Society, Joanne
Hughes & Caitlin Donnelly
Faith Schools: democracy, human rights and social cohesion, Gerald
Grace
Catholic Schools and Sectarianism in Scotland: educational places
and the production and negotiation of urban space, John Flint
Faith Schools and the Plural Society: exploring notions of diversity in
school provision in England, Andrew B. Morris






Sharing Classes between Separate Schools: a mechanism for
improving inter-group relations in Northern Ireland? , Joanne Hughes,
Simon Lolliot, Miles Hewstone, Katharina Schmid & Karen Carlisle
Defending Identity and Ethos: an analysis of teacher perceptions of
school collaboration in Northern Ireland, Caitlin Donnelly
Teachers’ ‘Contact’ at the Integrated Bilingual Schools in Israel, Zvi
Bekerman
Anger and Political Culture: a time for outrage!, Michael A. Peters
Complementary Evaluation: the development of a conceptual
framework to integrate external and internal evaluation in the New
Zealand school context, Carol Mutch
The Wisdom of Sages: nuclear physics education, knowledgeinquiry, and wisdom-inquiry, Alan Cottey
Informations complémentaires :
http://www.wwwords.co.uk/pfie/content/pdfs/10/issue10_5.asp
PISA à la loupe
Référence : N° 20, septembre 2012
Thème : Les chèques éducation permettent-ils d'accroître l'égalité des chances?
"Les établissements d’enseignement dont la gestion relève d’une instance
privée attirent généralement des élèves de milieux plus favorisés. Cependant,
l’écart entre les profils socio-économiques des établissements publics et privés
se resserre lorsque les établissements privés reçoivent un financement public
plus important.
L’écart entre les profils socio-économiques des établissements dont la gestion
relève d’instances publiques ou privées est généralement deux fois plus
important dans les systèmes d’éducation qui ont recours aux chèques
éducation universels par rapport aux systèmes qui utilisent des chèques
éducation ciblés".
Informations complémentaires :
http://www.oecd-ilibrary.org/content/workingpaper/5k918xhsms9t-fr
Veille scientifique, parution … 207
European Educational Research Journal (EERJ)
Référence : Vol.11, n°3, septembre 2012
Thème : THE EUROPEAN CURRICULUM: restructuring and renewal
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The European Curriculum: restructuring and renewal, Kirsten
Sivesind, Jan van den Akker & Moritz Rosenmund
Are the Traditional Curricula Dispensable? A Feature Pattern to
Compare Different Types of Curriculum and a Critical View of
Educational Standards and Essential Curricula in Germany, Daniel
Scholl
Standards-based Curricula in a Denationalised Conception of
Education: the case of Sweden, Daniel Sundberg & Ninni Wahlström
Balancing Curriculum Freedom and Regulation in the Netherlands,
Nienke Nieveen & Wilmad Kuiper
The European Qualification Framework: skills, competences or
knowledge?, Philippe Méhaut & Christopher Winch
Facing the Changing Demands of Europe: integrating
entrepreneurship education in Finnish teacher training curricula,
Jaana Seikkula-Leino, Elena Ruskovaara, Heikki Hannula & Tuija
Saarivirta
The Epistemological Fog in Realising Learning to Learn in European
Curriculum Policies, David Leat, Ulrike Thomas & Anna Reid
Comparison as Curriculum Governance: dynamics of the Europeanwide governance technology of comparison within England’s
National Curriculum reforms, Natalie Papanastasiou
‘Europe’ as an Alibi: an overview of twenty years of policy, curricula
and textbooks in the Republic of Cyprus – and their review, Stavroula
Philippou
‘Tuning’ Education for the Market in ‘Europe’? Qualifications,
Competences and Learning Outcomes: reform and action on the
shop floor, Fátima Antunes
The Bias of Markets, Francesca Gobbo
Informations complémentaires :
http://www.wwwords.eu/EERJ/content/pdfs/11/issue11_3.asp
European Journal of Education : Research, Development and
Policy
Référence : Vol. 47, n°3, septembre 2012
Thème : The Bologna Process Revisited
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Editorial, Barbara M. Kehm
The Bologna Process in Italy, Gabriele Ballarino and Loris Perotti
The Transformation of the European Educational Discourse in the
Balkans, Aristotelis Zmas
Bologna 2010. The Moment of Truth?, Amélia Veiga
Academic Understandings of and Responses to Bologna: a threecountry perspective, Cristina Sin
The Shifting Relationship between Vocational and Higher Education
in France and Germany: towards convergence?, Justin J. W. Powell,
Lukas Graf, Nadine Bernhard, Laurence Coutrot and Annick Kieffer
Fulfilling a European Vision through Flexible Learning and Choice,
Margaret S. G. Harris
Evaluation Tools in the European Higher Education Area (EHEA): an
assessment for evaluating the competences of the Final Year Project
in the social sciences, Joan Mateo, Anna Escofet, Francesc MartínezOlmo, Javier Ventura and Dimitrios Vlachopoulos
Universities and a Human Development Ethics: a capabilities
approach to curriculum, Melanie Walker
Developing Generic Competences in the European Higher Education
Area: a proposal for teaching the principles of economics, Manuel
Salas Velasco, María Teresa Sánchez Martínez and Noelina Rodríguez
Ferrero
International Journal of Science Education (IJSE)
Référence : Vol.34, n°18, décembre 2012
Leisure and Pleasure: Science events in unusual locations, Karen Bultitude &
Ana Margarida Sardo
Lessons with Living Harvest Mice: An empirical study of their effects on
intrinsic motivation and knowledge acquisition, Matthias Wilde, Jona Samuel
Hußmann, Simone Lorenzen, Annika Meyer & Christoph Randler
Veille scientifique, parution … 209
Major Strands in Scientific Inquiry through Cluster Analysis of Research
Abstracts, Yi-Fen Yeh, Tsung-Hau Jen & Ying-Shao Hsu
Student Conceptions of Ionic Bonding: Patterns of thinking across three
European contexts, Keith S. Taber, Georgios Tsaparlis & Canan Nakiboğlu
Nature of Technology: Implications for design, development, and enactment
of technological tools in school science classrooms, Noemi Waight & Fouad
Abd-El-Khalick
Informations complémentaires :
http://www.tandfonline.com/.../18?ai=17b&ui=1053l&af=H
Ressources en ligne
Parce que je suis une fille : la situation des filles dans le monde
2012. Apprendre pour la vie
Auteur : Khadijah Fancy et al.
Editeur : Plan International
Date : 10/2012
Le 6ème rapport annuel de Plan intitulé « Apprendre pour la vie », jette un
regard critique sur l’éducation des filles : le rapport soutient que, malgré une
évolution de la parité dans l’enseignement primaire ainsi que des taux de
scolarisation, on peut déceler une crise, entre autres du côté de la qualité de
l’apprentissage.
De fait, les taux de scolarisation mesurent la présence des élèves sur une
journée de l’année scolaire, ils ne nous révèlent donc rien sur l’accès réel à
l’éducation ou encore sur la qualité de l’enseignement proposé.
Dans le monde entier, la pauvreté et les pratiques discriminatoires
continuent de sévir et constituent des barrières à l’éducation des filles. Dans
bien des cas, lorsqu’une fille atteint l’adolescence, son rôle domestique et
reproductif prend le dessus sur son droit à l’éducation.
Inscrire les filles à l'école n'est donc pas suffisant. Le rapport émet des
recommandations précises pour maintenir les adolescentes dans le système
éducatif.
Voir aussi sur le site de Plan les versions anglaises et espagnoles du rapport,
le résumé exécutif, également trilingue, et toutes les informations sur la
campagne internationale "Because I am a Girl" (pdf, 12 pages).
(pdf, 202 pages, 13 Mo)
Télécharger le document : http://plan-international.org/.../La-situation-desfilles-dans-le-monde-2012-Apprendre-pour-la-vie.pdf
Veille scientifique, parution … 211
TIMSS 2011 International Results in Mathematics
Auteur : Mullis, I.V.S., Martin, M.O., Foy, P., & Arora, A.
Editeur : TIMSS & PIRLS International Study Center, IEA
Date : 12/2012
Ce rapport rend compte des résultats de l'enquête internationale TIMSS
(Trends in International Mathematics and Science Study) de l'IEA, qui porte
sur les performances des élèves de CM1 et de 4ème en mathématiques dans
63 pays participants ainsi que dans certains États américains et Provinces
canadiennes.
Il permet d'analyser l'évolution des performances avec les éditions
précédentes (TIMSS 1995, 1999, 2003 et 2007) et d'établir des comparaisons
entre pays.
L'édition 2011 consacré aux mathématiques fournit de nombreuses
informations sur les contextes d'enseignement dans chaque pays, et en
particulier sur le soutien des familles, les acquis et les attitudes des élèves, les
programmes scolaires, la formation des enseignants, les conditions et activités
dans la classe ainsi que les méthodes pédagogiques.
(pdf, 520 pages, 66 Mo)
Télécharger le document : http://timssandpirls.bc.edu/.../internationalresults-mathematics.html
PIRLS :
http://timssandpirls.bc.edu/pirls2011/international-results-pirls.html
Training leave. Policies and practice in Europe
Editeur : Centre européen pour le développement de la formation
professionnelle (Cedefop)
Date : 12/2012
Les besoins en matière d'apprentissage tout au long de la vie se traduisent
par une demande croissante d'opportunités de formation. Cette évolution
impacte à la fois les modalités de formation au sein des entreprises et les
contenus mêmes de ces formations.
Pour les employés, les principaux freins à la formation sont le manque de
temps, les divergences avec l'employeur et les horaires de travail.
Un congé de formation rémunéré peut encourager plus d'adultes à s'engager
dans une démarche de développement de compétences. Couplé avec un
travail à temps partiel, ce congé de formation peut contribuer à renverser la
tendance à la baisse des demandes.
Dans cette étude, le Cedefop examine les modalités de ces congés de
formation en Europe, analyse ses performances dans plusieurs pays
(Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Pays-Bas,Pologne)
et émet des recommandations pour en améliorer l'efficacité.
(pdf, 220 pages, 3,3 Mo)
Télécharger le document : http://www.cedefop.europa.eu/.../20733.aspx
Curriculum reform in Europe. The impact of learning outcomes
Editeur : Centre européen pour le développement de la formation
professionnelle (Cedefop)
Date : 12/2012
De nombreuses réformes des systèmes d'enseignement professionnel ont été
engagées dans la dernière décennie. Les "résultats d'apprentissage" (learning
outcomes) sont désormais à la base de la conception des curricula dans tous
les pays cherchant à rendre l'enseignement professionnel plus attractif et plus
adapté aux besoins du marché.
A partir de données en provenance de 32 pays participant au programme
Education et formation 2020, ce rapport de recherche du Cedefop (n°29)
discute les différentes politiques curriculaires orientées "résultats
d'apprentissage" et examine leurs implications sur l'enseignement et
l'évaluation des apprenants en formation initiale professionnelle.
Les conclusions offrent des pistes exploitables pour la conception de
curricula.
(pdf, 208 pages, 1,7 Mo)
Télécharger le document : http://www.cedefop.europa.eu/.../20816.aspx
Veille scientifique, parution … 213
Auteur : Nadir ALTINOK, Jean BOURDON
Editeur : Agence Française de Développement
Date : 01/2013
"Ce rapport a pour ambition de présenter l’ensemble des évaluations
existantes sur les acquis des élèves au sein des pays en développement. Pour
ce faire, deux parties permettent d’éclairer l’analyse des évaluations sur les
acquis. La première partie a pour principal objectif de distinguer les
différentes approches disponibles dans la mesure des acquisitions et
compétences, ainsi que de recenser le niveau de participation des pays.
Plusieurs types d’évaluations sont présentés : les évaluations nationales,
régionales, internationales, hybrides, ainsi que celles concernant les
populations adultes. Pour chaque évaluation, notre analyse présente la nature
de celle-ci, des populations évaluées ainsi que les principaux résultats. Nous
montrons que la plupart des pays effectuent des évaluations nationales. Par
ailleurs, si la participation des pays en développement, dans les tests
régionaux et internationaux, s’accroit dans le temps, il subsiste cependant un
noyau dur de pays ne participant à aucune évaluation régionale ni
internationale, en particulier parmi les pays les plus peuplés de la planète
(Chine [ 1 ], Inde, Nigeria [ 2 ], Bangladesh), ceci meme si l’évaluation scolaire
y est active. Dans la deuxième partie, nous présentons les principales
caractéristiques des évaluations sur les acquis des élèves dans une approche
comparative. Pour chaque évaluation, notre analyse détaille la nature de
celle-ci, en distinguant plusieurs caractéristiques. Après la présentation des
caractéristiques techniques des tests (méthode d’estimation, échantillonnage),
nous nous focalisons sur leur nature et leur contenu. L’utilisation possible des
évaluations par le biais de comparaisons inter- et internationales est relatée.
De nombreuses différences apparaissent entre les évaluations étudiées dans
ce rapport. Bien que l’on observe une tendance à l’homogénéisation des
enquetes, des caractéristiques de l’enquete PASEC [ 3 ] marquent un retard
sur un certain nombre de domaines. Par exemple, le non-recours aux
méthodes modernes de l’estimation d’un score basé sur des compétences
ressort comme la principale faiblesse de cette évaluation. Au contraire,
l’approche en termes de valeur ajoutée est le principal atout du PASEC."
(184 pages)
Developing Key Competences at School in Europe: Challenges
and Opportunities for Policy
Editeur : Eurydice
Date : 11/2012
Ce rapport passe en revue les politiques nationales en matière de
développement des compétences clés à l'école en Europe. Il reconnaît les
progrès réalisés jusqu'à présent dans la mise en œuvre des compétences clés
et aborde plusieurs problématiques qui sont directement liées à la
contribution de l'éducation et de la formation à l'évolution des besoins en
matière de compétences: la lutte contre les faibles performances en lecture,
mathématiques et science; l'augmentation du nombre de diplômés en MST
(Mathématiques, Sciences et Technologie), et l'acquisition de compétences
transversales telles que les capacités en technologie de l'information,
l'entrepreneuriat et la citoyenneté.
Le rapport couvre 31 pays européens (les États membres de l'UE, la Croatie,
l'Islande, la Norvège et la Turquie) et porte sur l'année de référence
2011/2012. L'information porte sur l'enseignement obligatoire et secondaire
général.
Voir aussi le communiqué de presse et le résumé exécutif (pdf, 4 pages).
(pdf, 72 pages)
Télécharger le document :
http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/thematic_reports/14
5EN.pdf
Comparaisons internationales : Concertation sur la refondation
l'Ecole de la République
Editeur : Ministère de l'Education nationale
Date : 09/2012
"Quelle place pour le numérique à l’école ? À quoi, et comment, former les
enseignants de demain ? Comment lutter contre le décrochage scolaire ?
Quelles méthodes développer contre les violences dans les établissements ?
Veille scientifique, parution … 215
Ces questions, au cœur de la concertation pour la refondation de l’École de la
République, se posent également dans la plupart des pays développés qui
cherchent à moderniser leur École pour préparer au mieux les jeunes
d’aujourd’hui au XXIe siècle. De là l’intérêt d’une démarche comparative :
face à ces problématiques communes, elle permet d’étudier les multiples
réponses qu’y ont apporté différents pays, d’analyser leur efficacité au vu des
caractéristiques de chaque système éducatif et surtout d’essayer d’en tirer des
leçons pour notre propre pays. Sur de nombreux sujets, de grandes tendances
se dégagent : on en trouvera dans les synthèses ci-dessous des présentations
synthétiques, appuyées sur des exemples varié"
Les rapports :








comparaisons internationales sur la formation des enseignants
comparaisons internationales sur le numérique
comparaisons internationales sur les rythmes scolaires
comparaisons internationales sur le décrochage scolaire
comparaisons internationales sur l’éducation prioritaire
comparaisons internationales sur les violences scolaires
comparaisons internationales sur le handicap
comparaisons internationales sur les programmes
Télécharger le document :
http://www.refondonslecole.gouv.fr/actualite/comparaisons-internationales/
Le « climat scolaire » : définition, effets et conditions
Auteur : Debarbieux, E., Anton, N. , Astor, R.A., Benbenishty, R., BissonVaivre, C., Cohen, J., Giordan, A., Hugonnier, B., Neulat, N., Ortega Ruiz, R.,
Saltet, J., Veltcheff, C., Vrand, R.
Editeur : Ministère de l’éducation nationale. MEN-DGESCO/Observatoire
International de la Violence à l’Ecole
Date : 08/2012
L'équipe de Debarbieux fait le point sur les recherches françaises et
internationales consacrées aux problèmes liés au climat scolaire. Le groupe
propose quelques pistes destinées à l'améliorer :
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
Améliorer l’environnement physique
Adapter les rythmes scolaires
Renforcer la vie d'équipe
Poser la formation des personnels comme priorité
Assurer une gouvernance démocratique des établissements
Réformer les méthodes de pilotage
Stabiliser les personnels
Repenser la composition des classes
Encourager la justice scolaire et l'évaluation
Former aux compétences sociales par la responsabilisation
Renforcer le lien école-famille
Aider à la gouvernance par la mesure du climat scolaire (systematic
monitoring)
Encourager les recherches et produire des modèles
(25 pages, 1,2 Mo)
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/climatscolaire2012.pdf
Les défis du financement de l'enseignement de base
Auteur : Ilona Genevois et Anne Thévenin
Editeur : Institut international de planification de l'éducation (Unesco)
Date : 11/2012
Garantir une éducation de base de qualité à tous les enfants représente un
facteur clé dans le processus de développement et occupe une place centrale
dans la lutte contre la pauvreté. Mais cette quête implique la mobilisation
d’importants moyens humains, matériels et financiers. Or, dans nombre de
pays en développement, le dynamisme démographique augmente les
besoins, tandis que la faiblesse de la base fiscale limite les ressources
publiques.
Dans ce cadre, des solutions impliquant secteur privé, écoles, partenariats ou
financements innovants représentent aujourd’hui de possibles alternatives.
En 2010, l’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) de
l’UNESCO a organisé un Forum international des politiques éducatives sur le
thème : « Les défis du financement de l’enseignement de base : réexaminer les
solutions impliquant le secteur privé ». Ce Forum a réuni plus de 80 experts
internationaux : décideurs et planificateurs de ministères et de diverses
Veille scientifique, parution … 217
institutions, chercheurs travaillant sur ces questions, représentants d’agences
internationales.
Cet ouvrage reprend les quatre thèmes du Forum : les dépenses des ménages
et la barrière économique à l’accès à l’éducation, les politiques de gratuité
pour l’enseignement primaire, l’offre privée d’éducation pour l’enseignement
de base, et les partenariats public-privé dans l’enseignement de base. Il vise à
réexaminer les solutions impliquant le secteur privé dans le financement de
l’éducation de base.
(pdf, 52 pages, 1,2 Mo)
Télécharger le document :
http://www.iiep.unesco.org/.../les-defis-dufinancement-de-lenseignement-de-base.html
Developing Key Competences at School in Europe: Challenges
and Opportunities for Policy
Editeur : Eurydice
Date : 11/2012
Ce rapport passe en revue les politiques nationales en matière de
développement des compétences clés à l'école en Europe. Il reconnaît les
progrès réalisés jusqu'à présent dans la mise en œuvre des compétences clés
et aborde plusieurs problématiques qui sont directement liées à la
contribution de l'éducation et de la formation à l'évolution des besoins en
matière de compétences:



la lutte contre les faibles performances en lecture, mathématiques et
science ;
l'augmentation du nombre de diplômés en MST (Mathématiques,
Sciences et Technologie) ;
et l'acquisition de compétences transversales telles que les capacités
en technologie de l'information, l'entrepreneuriat et la citoyenneté.
Le rapport couvre 31 pays européens (les États membres de l'UE, la Croatie,
l'Islande, la Norvège et la Turquie) et porte sur l'année de référence
2011/2012. L'information porte sur l'enseignement obligatoire et secondaire
général.
L'analyse montre qu'un tiers des pays européens n'ont pas mis en place de
plan national pour l'acquisition des apprentissages fondamentaux (langue
maternelle, mathématiques, sciences) et qu'ils sont la moitié à ne pas avoir de
stratégie globale pour développer l'apprentissage des langues étrangères.
(pdf, 72 pages)
Télécharger le document : http://eacea.ec.europa.eu/.../145EN.pdf
Rapport mondial de suivi sur l'EPT 2012. Jeunes et compétences :
l'éducation au travail
Editeur : Unesco
Date : 10/2012
A travers le monde, de nombreux jeunes — en particulier défavorisés —
quittent l’école sans avoir acquis les compétences dont ils auront besoin pour
se faire une place dans la société et trouver un emploi décent.
En plus de contrarier les espoirs des jeunes, cet échec des systèmes
d’enseignement compromet l’équité de la croissance économique et la
cohésion sociale et empêche de nombreux pays de tirer parti des avantages
potentiels que peut leur apporter la population croissante des jeunes.
Le Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous 2012 montre de quelle
façon des programmes de développement des compétences peuvent être
améliorés et leur champ d’application étendu afin d’offrir aux jeunes de plus
grandes chances d’accéder à des emplois décents et à de meilleures
conditions de vie.
Voir aussi sur le site de l'Unesco les communiqués de presse, le résumé en
français, les chapitres téléchargeables à l'unité (pdf, 53 pages)
(pdf, 541 pages, 6,33 Mo)
Télécharger le document : http://unesdoc.unesco.org/.../218015f.pdf
Looking Beyond the Numbers: Stakeholders and Multiple
School Accountability
Auteur : Edith Hooge, Tracey Burns, Harald Wilkoszewski
Editeur : OCDE
Date : 10/2012
Veille scientifique, parution … 219
Ce rapport traite de l'autonomie des établissements scolaires et comment les
pouvoirs politiques leur demandent des comptes en matière de résultats et de
performance.
(29 pages, 92 Ko)
Télécharger le document : http://www.oecd-ilibrary.org/.../looking-beyondthe-numbers-stakeholders-and-multiple-school-accountability_5k91dl7ct6q6en
Lessons from abroad: International review of primary languages
Auteur : Teresa Tinsley & Therese Comfort
Editeur : CfBT Education Trust
Date : 09/2012
Les anglophones natifs n'auraient-ils pas besoin d'apprendre d'autres langues
? Ce rapport, commandité par la fondation CfBT Education Trust, met en
évidence la propension des systèmes éducatifs dans les pays anglophones à
fournir moins d'opportunités pour apprendre les langues vivantes et
encourager moins le développement de telles compétences.
Les auteurs s'appuient sur des recherches qui portent sur l'enseignement
primaire et traitent d'exemples en provenance d'Europe, Asie, Amérique et
Australie.
Le rapport est composé de deux parties : la première discute des bénéfices
d'un apprentissage précoce des langues et présente les initiatives existantes
hors du Royaume-Uni, la deuxième se concentre sur les enjeux et défis
communs à tout système éducatif dans cette perspective.
(pdf, 92 pages, 4,2 Mo)
Télécharger le document :
abroad_en.htm
M
h
http://ec.europa.eu/.../20120918-lessons-from-
g
g
:
( GCS)
Auteur : Jandhyala B.G. Tilak
Editeur : Institut international de planification de l'éducation (Unesco)
Date : 09/2012
L’internationalisation de l’enseignement supérieur ne cesse d’évoluer.
Aujourd’hui, la mobilité transfrontalière des étudiants, des établissements,
des programmes et des enseignants s’inscrit dans le cadre de la
marchandisation de l’éducation. L’Accord général sur le commerce des
services (AGCS) a systématisé et formalisé les conditions du commerce des
services, y compris ceux de l’éducation. Le présent ouvrage offre une analyse
détaillée des différentes dimensions de l’AGCS et de ses conséquences sur le
développement de l’enseignement supérieur, en particulier dans les pays en
développement. Cette analyse propose aussi un bilan critique des avantages
et des dangers potentiels que comporte la commercialisation de l’éducation.
Cette étude, parue dans la collection Principes de la planification de
l'éducation de l'IIPE (n°95) apportera un éclairage utile sur la question aux
décideurs et planificateurs de l’éducation, ainsi qu’aux chercheurs.
(pdf, 172 pages, 1,8 Mo)
Télécharger le document : http://www.iiep.unesco.org/.../Fund95FR.pdf
Mind the Gap - Education Inequality across EU Regions
Auteur : Dimitris Ballas, Ruth Lupton, Dimitris Kavroudakis et al.
Editeur : NESSE
Date : 09/2012
Selon un nouveau rapport indépendant publié par les experts du réseau
NESSE pour la Commission européenne, l'éducation et les perspectives
d'avenir sont fortement influencées par l'endroit où l'on vit en Europe.
Ce document souligne les écarts importants dans les possibilités de formation
et les résultats entre les États membres, mais aussi à l'intérieur de ceux-ci.
Le niveau d'instruction semble varier considérablement entre le nord et le
sud, les régions du sud de l'Europe (en particulier au Portugal et en Espagne)
présentant les taux les plus élevés de personnes peu qualifiées (ayant, au
mieux, terminé le premier cycle de l'enseignement secondaire). À l'inverse,
les régions affichant les taux les plus faibles de personnes peu qualifiées se
trouvent principalement au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas et en
Suède. Les inégalités géographiques en matière d'éducation persistent, en
dépit des engagements pris par les États membres pour promouvoir l'équité
des systèmes d'éducation et de formation. Le rapport, le premier du genre,
Veille scientifique, parution … 221
invite les pays de l'Union européenne à intensifier leurs efforts pour réduire
ces inégalités.
Voir aussi les communiqués de presse et les résumés multilingues (pdf, 3
pages)
(pdf, 176 pages, 7,7 Mo)
Télécharger le document : http://ec.europa.eu/.../report_en.pdf
Regards sur l'éducation 2012: Les indicateurs de l'OCDE
Editeur : OCDE
Date : 09/2012
Source d’informations précises et pertinentes, Regards sur l’éducation: Les
indicateurs de l’OCDE fait figure de publication de référence sur l’état de
l’éducation dans le monde. Elle fournit des données sur la structure, le
financement et les performances des systèmes d’éducation des 34 pays
membres de l’OCDE, ainsi que d’un certain nombre de pays du G20 non
membres de l’Organisation. Avec plus de 140 graphiques, 230 tableaux et 100
000 chiffres, Regards sur l’éducation présente des données clés sur : les
résultats des établissements d’enseignement ; l’impact de l’apprentissage
dans les différents pays ; les ressources humaines et financières investies dans
l’éducation ; l’accès, la participation et la progression au sein des systèmes
d’éducation ; et l’environnement pédagogique et l’organisation scolaire. Dans
l’édition 2012, de nouveaux indicateurs portent notamment sur :
les effets de la crise économique mondiale sur les dépenses d’éducation ;
les structures d’accueil de la petite enfance dans le monde ;
la mobilité intergénérationnelle des différents groupes socio-économiques
dans l’enseignement supérieur ;
l’impact de l’éducation sur des variables macroéconomiques telles que le PIB ;
les facteurs spécifiques qui influent sur le niveau des dépenses d’éducation
selon les pays ;
les aspirations professionnelles des filles et des garçons à l’âge de 15 ans par
rapport aux taux d’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur par
domaine d’études ;
la composition du corps enseignant dans les différents pays et les
qualifications requises pour devenir enseignant ;
l’impact des examens sur l’accès à l’enseignement secondaire et tertiaire.
Lire aussi le résumé du rapport
Lire aussi le panorama général
(584 pages, 6,37 Mo)
Télécharger le document : http://www.oecd.org/.../rse2012.htm
Assessment for Qualification and Certification in Upper
Secondary Education: A Review of Country Practices and
Research Evidence
Editeur : OCDE
Date : 09/2012
Dans le domaine de la politique d'évaluation des élèves, l'évaluation des
élèves pour la qualification et la certification dans l'enseignement secondaire
supérieur revêt une importance particulière puisque des décisions clés sur la
progression des élèves peuvent être prises sur la base des résultats de
l'évaluation. Les élèves de la plupart des pays de l'OCDE font face à une
spécialisation dans l'enseignement secondaire supérieur et des enjeux élevés
sont associés à leurs performances lorsque les résultats d'évaluation sont
utilisées comme critère de sélection, en particulier pour l'accès à
l'enseignement supérieur et au marché du travail. Ce rapport décrit les
principales caractéristiques de l'évaluation de la qualification et de la
certification dans l'enseignement secondaire supérieur dans plusieurs pays et
examine les questions relatives à leur conception et leur mise en œuvre.
(53 pages, 650 Ko)
Télécharger le document : http://www.oecdilibrary.com/.../5k92zp1cshvb-en
Evaluer les politiques d'éducation prioritaire en Europe: un défi
méthodologique
Auteurs : Marc Demeuse, Nathanaël Friant
Editeur : Institut d’Administration Scolaire, Université de Mons, Belgique
Date : 08/2012
"L'évaluation des politiques éducatives n'est pas une entreprise aisée, à la fois
parce qu'elle se heurte à des difficultés méthodologiques importantes, mais
aussi parce qu'elle menace ou semble menacer certains projets construits
Veille scientifique, parution … 223
essentiellement sur une base idéologique, alors même que leurs promoteurs
s'en défendent le plus souvent. Il est pourtant essentiel de pouvoir évaluer ces
démarches politiques, d'autant plus qu'elles concernent des publics
défavorisés. Cet article, alimenté par une recherche menée au niveau
européen dans huit pays (EuroPEP), met en évidence cette nécessité et illustre
à la fois les problèmes rencontrés et les pistes qui peuvent être mises en
œuvre. Il indique la nécessité d'une réflexion méthodologique globale et
interroge, notamment, la manière dont sont définies " les bonnes pratiques ",
souvent invoquées dans le domaine des politiques éducatives."
(20 pages, 322 Ko)
Télécharger le document : http://hal.archivesouvertes.fr/.../Demeuse_friant_rsse_modif_VF.pdf
Comparer les systèmes éducatifs européens. Une entreprise
complexe mais indispensable
Auteur : Marc Demeuse
Editeur : Institut d’Administration scolaire (INAS) Université de Mons
(Belgique)
Date : 07/2012
L'école est, en même temps, considérée comme une source potentielle
d'amélioration de la situation des plus démunis et comme un outil de
reproduction des inégalités comme l'ont montré Bourdieu et Passeron dès les
années 70. Elle bénéficie donc à la fois d'un a priori favorable, lorsqu'elle est
pensée comme un des leviers du changement vers une société plus juste, et
est analysée avec suspicion par la sociologie critique qui la perçoit comme
une instance importante de fixation des rapports de classe et de domination.
L'approche comparative permet de proposer une vision nuancée et qui
dépasse la simple description d'une situation perçue comme spécifique et
immuable."
(8 pages, 210 Ko)
Télécharger le document : http://halshs.archivesouvertes.fr/.../Comparer_les_systeI_mes_eI_ducatifs_europeI_ens.pdf
Bringing About Curriculum Innovations: Implicit Approaches in
the OECD Area
Auteur : Kiira Kärkkäinen
Editeur : OCDE
Date : 08/2012
Les réformes curriculaires reposent de façon plus ou moins explicite sur
différentes approches de l'innovation. Doit-elle être descendante et "pilotée"
au niveau central ? ou doit-elle résulter d'une plus forte implication d'acteurs
variés (experts, enseignants, parents) ?
Ce document de travail de l'OCDE (working paper n°82) discute la pertinence
de ces deux approches au travers d'exemples de réformes curriculaires dans
l'enseignement secondaire obligatoire de différents pays membres.
(pdf, 65 pages, 804 Ko)
Télécharger le document : http://www.oecd-ilibrary.org/.../bringing-aboutcurriculum-innovations_5k95qw8xzl8s-en
Éducation comparée / nouvelle série, n°8, pp 225-237
Agenda des colloques
XV WCCES - World Congress - World Council of Comparative
Education Societies - New times, New voices
Date : du 24-06-2013 au 28-06-2013
Lieu : Buenos Aires
Organisation : La Sociedad Argentina de Estudios Comparados en Educación
(SAECE) organise ce congrès avec le World Council of
Comparative Education Societies
Programme :
Des perspectives diverses se font entendre dans les systèmes éducatifs,
nouvelles ou anciennes, et de nouvelles propositions s’affirment. Les mondes
éducatifs et scolaires révèlent des formes d’accompagnement ou de résistance
au changement diverses, d’intensité variée dans leur expression et plus ou
moins fédératives selon les contextes nationaux. Les politiques de
mondialisation tendent à normaliser les voix et la pensée en utilisant, parfois
à l’excès, de nouveaux médias et de nouveaux modes de communication.
Dans ce contexte, l’éducation comparée est appelée à devenir un espace
d’échange et de production de savoirs de premier plan pour les débats sur ces
nouveaux processus politiques, culturels et éducationnels parmi lesquels
beaucoup reste encore inexplorés.
L’éducation forme des individus pour leur avenir : cela exige une vision
prospective et critique, soucieuse de prendre en compte les enseignements du
passé et bien ancrée dans le présent, attentive enfin aux défis posés par les
temps nouveaux et les nouvelles perspectives émergentes.
Les thématiques abordées dans ce congrès sont :






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




Groupe 1. Les nouvelles perspectives théoriques et méthodologiques
pour l'éducation comparée
Groupe 2. Les perspectives provenant du Sud
Groupe 3. Nouvelles perspectives aux niveaux national, mondial et
local
Groupe 4. Les perspectives des acteurs dans les nouveaux dispositifs
Groupe 5. Nouveautés pour les systèmes publiques d'éducation
Groupe 6. Internationalisation de l'éducation, perspectives
académiques et politiques publiques
Groupe 7. Voix de la diversité et de nouvelles formes de
démocratisation de l'enseignement
Groupe 8. Nouvelles perspectives et langage
Groupe 9. Nouveautés du côté du curriculum
Groupe 10. Perspectives de pays ou de régions en conflit
Groupe 11. Les perspectives en éducation des adultes, apprentissage
tout au long de la vie et éducation non formelle
Groupe 12. Nouvelles façons de communiquer
Le délai de soumission des résumés a été fixé au 14 janvier 2013.
URL : http://wcces2013.com.ar/.../
AFIRSE 2013 - Recherche en éducation: Continuité, rupture ou
limites?
Date : du 13-05-2013 au 15-05-2013
Lieu : Montréal
Organisation : section canadienne de l'Association Francophone Internationale
de Recherche Scientifique en Éducation (AFIRSE)
Programme :
La recherche en sciences de l'éducation a pris une importance considérable au
cours des dernières années, à preuve les innombrables colloques qui lui sont
consacrés ainsi que les non moins nombreuses publications sur le sujet.
S'ajoute à cela l'éclosion d'observatoires, de chaires universitaires et de
laboratoires consacrés à des thématiques spécifiques allant de l'intervention
précoce à l'éducation des adultes en passant par la violence scolaire la liaison
formation-emploi et l'abandon des études. Faut-il le rappeler, tant dans les
pays du Sud que ceux du Nord, aucune sphère d'activité, y compris le monde
Agenda des colloques … 227
de l'éducation, ne peut échapper à l'influence de la mondialisation et de la
marchandisation. Il ne saurait être question aujourd'hui d'ignorer l'évolution
des contextes sociaux et économiques dans lequel se situe l'École.
Si les sciences de l'éducation veulent contribuer à trouver des réponses aux
problèmes de notre temps, elles doivent être attentives à l'émergence de
nouveaux noyaux épistémologiques et méthodologiques. Les systèmes
éducatifs se transforment au fil des changements concomitants qui
interpellent la recherche sous de nombreux aspects. Alors même que
l'imposition courante de sujets de recherche par les bailleurs de fonds ou
autres partenaires. De telles conditions risquent de nuire à l'avènement de
démarches innovantes et fructueuses.
C'est dans un tel contexte que s'exerce la fonction de chercheur en sciences de
l'éducation. Ainsi, en raison de la crise économique et des politiques
financières conservatrices des états, la recherche dans ce domaine est souvent
mise à mal par un ensemble de conditions qui risquent de nuire à son
développement et à sa réalisation. Rappelons que les chercheurs en
éducation, comme ceux de nombreux autres secteurs, doivent souvent
consacrer un temps précieux pour quémander le financement nécessaire afin
de mener à bien leurs travaux.
Sous l'angle de la thématique de ce colloque comme fil conducteur, il nous
paraît indispensable de tenter de définir deux concepts clés : continuité et
rupture. Le mot continuité pourrait être compris ici dans le sens d'une
addition d'éléments qui contribueraient à assurer la pérennité de la recherche.
Le mot rupture peut mettre en évidence le fait que le changement n'est pas
forcément négatif. Pensons, par exemple à la rupture de pratiques courantes
pour en adopter d'autres plus efficaces, etc.
Pour mieux comprendre l'évolution de la recherche en éducation, tel que
nous y invitait le dernier Congrès de l'AFIRSE tenu à l'UNESCO en 2011,
plusieurs questions demeurent en suspens. Quels sont les différents types
d'approche? Quelles sont les interactions effectives possibles entre ces
différents types d'approche? La recherche en éducation se dirige-t-elle vers de
nouvelles voies ? Y a-t-il continuité, rupture ou limites concernant la
recherche en éducation ?
Les travaux scientifiques de ce colloque se dérouleront sous la forme de
conférences, tables rondes, séances plénières et ateliers. La réflexion, le débat,
le partage de résultats de travaux de recherche et de rapports d'expériences
menées sur le terrain seront les objets privilégiés lors des ateliers.
Colloque AIFRIS - Les recherches-actions collaboratives : une
révolution silencieuse de la connaissance - colloque international
pluridisciplinaire et plurisectoriel
Date : du 27-05-2013 au 29-05-2013
Lieu : Dijon
Programme :
"Ce colloque vise à réaliser un état des lieux de ces questions, dans plusieurs
secteurs professionnels et dans des disciplines diverses. Pour cela, une égale
parole sera donnée à chacun des protagonistes des recherches-actions
collaboratives (RAC) afin de permettre l’expression d’expériences ou
d’analyses.
Ce sera aussi une manière de laisser la place à une analyse critique des RAC
dans ce qu’elles permettent et ne permettent pas. Cet état des lieux veut être
construit sans a priori, sans définitions préalables de telle ou telle pratique,
sans hiérarchisation de celles-ci.
L’ambition de ce colloque est que les participants fassent de la recherche
ensemble."
URL : http://aifris.eu/.../index_01.php
Colloque/ programme de formation-recherche du CIERA
Bologne et au-delà Experts, entrepreneurs, usagers face à
Date : du 20-06-2013 au 21-06-2013
Lieu : Strasbourg
Programme :
"Ce colloque vise à étudier l’impact du cadre international et européen de
réforme du système universitaire – et notamment du processus de Bologne –
sur l’enseignement supérieur des pays ex-communistes d’Europe centrale et
orientale, y compris l’Allemagne".
Thématiques proposées
Agenda des colloques … 229




Sociologie des acteurs impliqués dans le processus de Bologne
(experts, universitaires, etc.)
Analyse des transferts transnationaux de savoirs, d’instruments et
indicateurs techniques, d’idées, etc.
Impacts directs ou/et indirects du processus de Bologne sur les «
usagers » académiques (étudiants, universitaires, personnels
administratifs…)
Effets globaux du processus de Bologne dans l’espace académique
centre-est- européen (uniformisation vs. hétérogénéité, renforcement
des hiérarchies symboliques et des rapports de dépendance et
domination, etc.)
Date limite pour une proposition de contribution : 15 décembre 2012.
URL : http://calenda.org/226383
C
g
Date : du 27-08-2013 au 30-08-2013
Lieu : Montpellier
Organisation : AECSE (Association des Enseignants et des Chercheurs en
Sciences de l’Éducation)
SSRE (Société Suisse pour la Recherche en Éducation)
ABC-Educ (Association belge des chercheurs en Éducation)
Programme :
Comme pour chaque édition triennale, des symposiums courts ou longs, des
communications en ateliers, des posters et des conférences plénières
viendront éclairer l'actualité en éducation et formation.
URL : http://www.lirdef.univ-montp2.fr/
Agenda des colloques … 231
Colloques en ligne
Biennale internationale de l'éducation de la formation et des
pratiques professionnelles
Date : du 03-07-2012 au 06-07-2012
Lieu : Paris
Organisation : CNAM Association de la Biennale de l'éducation
Programme :
"La nouvelle Biennale Internationale de l’Education, de la Formation et des
Pratiques Professionnelles, qui étend ses préoccupations au-delà des
systèmes d’éducation et de formation a choisi pour l’édition 2012 de mettre
au travail ces thématiques sous des formes diverses : débats, colloques,
conférences, ateliers, communications de recherche et communications
professionnelles..."
Seront abordées notamment les questions suivantes











La transmission est-elle forcément corrélée à la tradition ?
S’inscrit-elle dans une fonction de socialisation ?
Est-elle un élément central dans une perspective de construction
identitaire ?
Les rites sont-ils à la fois occasion de rupture et de transmission ?
Faut-il distinguer transmettre et intention de transmettre ?
Transmettre a-t-il le meme sens pour celui qui transmet et pour celui
à qui on a l’intention de transmettre ?
Quel sens peut avoir la transmission dans une situation d’altérité
(handicap, maladie, interculturalité...) ?
L’expérience et les compétences peuvent-elles se transmettre ?
Transmettre est-il l’équivalent de communiquer ?
Peut-on distinguer transmission des savoirs, transmission des
activités, transmission des cultures et transmission des valeurs ?
Peut-on transmettre autre chose que ce que l’on est ?
Réception des projets de communication avant le 5 mars 2012
URL : http://labiennale.cnam.fr
"Améliorer la performance scolaire. Avantages et limites des
inspirations internationales" - Séminaire de travail
Date : du 14-12-2009 au 14-12-2009
Lieu : Paris
Organisation : Centre d'analyse stratégique- Premier ministre
Programme :
On observe que des modèles d’éducation aux logiques très différentes,
parfois radicalement opposées, sont parvenus à d’excellents niveaux de
performance, non seulement aux regards de leurs propres critères
d’évaluation mais également dans les tests internationaux. Ils ont en partie
inspiré les réformes du système français.
Le séminaire s'est organisé autour de deux tables rondes permettant de
mettre en perspective le système d’éducation primaire français au regard des
cohérences internes de deux « idéaux types » : une excellence fondée sur
l’équité et l’autonomie, illustrée par exemple dans le système finlandais, et
une excellence fondée sur l’élitisme et la transmission des savoirs, symbolisée
par les pays asiatiques."
URL :
http://www.strategie.gouv.fr/.../seminaire-de-travail-ameliorer-laperformance-scolaire-avantages-et-limites-des-inspirations
j x
x
mieux connaître pour mieux agir - Colloque AFAE 2012
:
Date : du 16-03-2012 au 18-03-2012
Lieu : Strasbourg
Organisation : Association française des administrateurs de l'éducation
(AFAE)
Programme :
"Qu’il s’agisse de la construction européenne, de l’impact des grandes
enquetes internationales de type PISA, de la circulation au-delà des frontières
d’idées relatives à l’éducation – mais qui sont parfois originaires d’autres
horizons politiques ou économiques – ou meme des compétences nécessaires
à nos élèves face à un marché du travail fortement internationalisé, des
Agenda des colloques … 233
questions liées à des perspectives internationales font de plus en plus souvent
irruption au cœur de nos pratiques professionnelles".
Pour ce colloque, l’AFAE propose que trois objectifs soient retenus :

s’intéresser au champ de l’international pour y gagner une
professionnalité par déplacement du regard sur les réalités de
l’éducation
 s’intéresser au champ de l’international pour en maitriser les
utilisations
 s’intéresser au champ de l’international pour mieux pouvoir se situer
comme professionnels francais dans les grands débats éducatifs
mondiaux.
Détail du programme
 - une table ronde : «Apprendre des autres : participer aux débats
internationaux de l’éducation ».
 - Lumières sur l’école : comment interpréter les débats éducatifs dans
le monde? », Conférence d’ouverture d’António Nóvoa, professeur
en histoire comparée et recteur de l’Université de Lisbonne
(Portugal), suivie d’un débat avec le public
Des ateliers :
1. L’impact des enquetes internationales dans les différents pays : entre
indifférence et choc.
2. Coordonnateur : Jean-Claude Emin, ancien sous-directeur à la DEPP
(Paris) ; Olivier Rey, IFÉ (Lyon) ; un représentant étranger.
3. « école inclusive » : conceptions croisées...
4. Coordonnateur : Jean-Claude Rouanet, IA-DSDEN honoraire
(Toulouse) ; Teresa Longo, enseignant-chercheur en éducation
comparée à l’UPJV (Amiens) ; Francoise Lorcerie, directrice de
recherches CNRS-INRAM (Aix-en-Provence).
5. école du choix, choix de l’école.
6. Coordonnateur : Alain Taupin, IGAENR (Paris) ; un expert
international ; un représentant étranger.
7. 4. L’établissement scolaire en France et ailleurs : autonomies,
pilotages, évaluations; Coordonnateur : Gérard Mamou, IGEN-EVS
(Paris) ; Isobel MacGregor, Her Majesty Inspector of Education
emeritus (Écosse) ; Reiner Oschewsky, proviseur honoraire
(Allemagne).
8. Le métier d’enseignant en France et ailleurs : référentiel, recrutement,
formation, carrière; Coordonnatrice : Isabelle Robin, chef du bureau
9.
10.
11.
12.
13.
des lycées général et technologique à la DGESCO (Paris) ; un expert
international ; un représentant étranger.
La division du travail éducatif en direction des élèves (direction, vie
scolaire, enseignement, orientation, etc.); Coordonnateur : Claude
Bisson-Vaivre, IGEN (Paris) ; Marie-Hélène Ahnborg, directrice de
l’Inspection générale (Suède) ; Donald Lillistone, chef
d’établissement à Middlesbrough (Angleterre).
Structure des systèmes et des diplomes : état des lieux, problèmes,
évolutions; Coordonnateur : Jean-Marc Huart, sous-directeur des
formations professionnelles à la DGESCO (Paris) ; un expert
international ; un représentant étranger.
Les financements de l’éducation en France et ailleurs : qui paye quoi
? Comment ?; Coordonnateur : Jean-Richard Cytermann, IGAENR
(Paris) ; un expert international ; un représentant étranger.
Existe-t-il une vision européenne de l’école ? Qu’en font les différents
pays ? Qu’en attendent les professionnels ?; Coordonnatrice :
Michèle Sellier, ancien recteur, IGEN honoraire (Paris) ; Martine
Quelen, proviseur du Lycée international des Pontonniers
(Strasbourg) ; Chantal Manes, chargée
de la sous-direction des affaires européennes et multilatérales à la
DREIC (Paris).
URL : http://www.afae.fr/
Éducation comparée / nouvelle série, n°7, pp 235-242
Abonnement et commande de numéros
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Comparée, veuillez remplir le bulletin ci-joint en joignant votre titre de paiement
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électronique, s’effectuent directement auprès de l’éditeur : www.i6doc.com/afec
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b
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Abonnement et commande … 237
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versions papier ou numérique
Prix du numéro (franco de port): 30 euros.
Disponibles à la vente en version numérique sur www.i6doc.com
Numéro 7 – Nouvelle série (2011)
Les enjeux d'évaluation, de politiques de la mesure en éducation et de leurs effets,
envisagés sur un plan comparatif international
Marc Demeuse (coord.)
Numéro 6 – Nouvelle série (2011)
Penser les marchés scolaires
Georges Felouzis et Barbara Fouquet-Chauprade (coord.) .
Numéro 5 – Nouvelle série (2011)
Les politiques d’accountability
Vincent Dupriez et Nathalie Mons (coord.) .
Numéro 4 – Nouvelle série (2010)
Les politiques de la diversité culturelle en éducation
Régis Malet et Michel Soétard (coord.) .
Numéro 3 – Nouvelle série
L’éducation comparée aujourd’hui.
Julia Resnik, Juergen Schriewer, Anthony Welsh (coord).
Numéro 2 – Nouvelle série
Le métier d’enseigner à l’épreuve des contextes.
Régis Malet (coord.) .
Numéro 1 – Nouvelle série
Sciences et croyances en éducation.
José-Luis Wolfs (coord.)
Numéro 62
Education, religion et laïcité. Vol. 2.
Abdel Baba-Moussa (coord.) .
Numéro 61
Education, religion et laïcité. Vol. 1.
Abdel Baba-Moussa (coord.)
Numéro 60
Education et justice sociale
Alain Carry (coord.)
édition papier seulement – reprographie
Prix du numéro (franco de port): 30 euros
Numéro 58
Éducation et handicap. D'une pensée territoire à une pensée monde.
2004 – Denis Poizat (coord) - Co-édition Erès-AFEC-CRHES.
Numéro 56
L'éducation dans tous ses états : Influences européennes et internationales sur les
politiques nationales d'éducation et de formation
2002 – Philippart, A. & Vandevelde, L. (coord.). 304 p.
Numéro 55
Education et travail : divorce ou entente cordiale
2001 – Soledad Perez (coord.), 267 p.
Numéro 54
Les enjeux du pluralisme linguistique pour les systèmes d'éducation et de
formation
2001 – Regnault, E., Folliet, H. & Gauthier P.-L. (coord.), 244 p.
Numéro 53
L'éducation comparée : mondialisation et spécificités francophones
1999 – Leclercq, J.-M. (coord.), CNDP et AFEC, 287 p.
Numéro 52
Les modalités de prise en compte de la diversité dans les institutions éducatives
1998 – Frenay, M. (coord.) (1998). 291 p.
Numéro 51
Le rôle des pouvoirs publics dans l'éducation : approches comparatives des
évolutions et tendances récentes
1977 – Paul, J.-J. & Tomamichel, S. (coord.), 293 p.
Abonnement et commande … 241
Numéro 49
Pluralisme et éducation : politiques et pratiques au Canada, en Europe et dans les
pays du Sud. L’apport de l’éducation comparée
1995 – McAndrew, M., Toussaint, R., & Galatanu, O. (coord.), Presses
Universitaires de Montréal & AFEC, 284 p..
Numéro 47
Les nouvelles formes de coopération internationale en éducation. Exemple
européen et perspectives mondiales
1994 – Sutherland, M. (coord.), 151 p.
Numéro 44
Recherches et pratiques éducatives. Perspectives internationales
1990 – Zay, D. (coord.), 116 p.
Numéro 42
Nouvelles réformes ou changements sans réformes ?
Tome 2 – Représentations et comportements des acteurs sociaux
1989 – Gelpi, E. (coord.),169 p.
Numéro 41
Recherches et pratiques éducatives. Perspectives internationales
Tome 1 – Les politiques éducatives
1989 – Gelpi, E. (coord.), 157 p.
Éducation comparée / nouvelle série, n°7, pp 243-244
Notes aux contributeurs
Vous êtes invités à proposer des articles à la revue Education
comparée.
Les textes ne doivent pas dépasser 40.000 signes (75.000 pour les
notes de synthèse) et seront précédés d’un résumé (français, anglais)
de 6 lignes maximum, assorti de 5 mots clés.
Les comptes rendus d'ouvrage comportent un maximum de 6000
signes et indiquent les références précises de l'ouvrage.
Les notes sont placées en bas de page et non en fin d´article ou de
note. Les appels de note sont en chiffres arabes.
Les références bibliographiques sont placées en fin de texte. Elles se
présentent selon les normes de l´APA :
Articles
Maurice, M. (1989). Méthode comparative et analyse sociétale. Les
implications théoriques des comparaisons internationales. Sociologie du travail,
2, 175-191.
Ouvrage
Lallement, M., & Spurk, J. (Dir.). (2003). Stratégies internationales de la
comparaison. Paris : Editions du CNRS.
Chapitre d´ouvrage
Debeauvais, M. (1992). L'influence des organisations internationales sur les
politiques nationales d'éducation. In Meuris, G., & De Cock, G. (Eds.),
Education comparée. Essai de bilan et projets d'avenir (pp. 96-106). Bruxelles : De
Boeck.
Toute proposition de contribution doit énoncer clairement une
problématique, décrire la méthodologie suivie, situer les conditions de
la comparaison et présenter des résultats qui contribuent à
l´avancement de la réflexion sur le sujet traité. Il est attendu des
propositions les caractéristiques suivantes :
o Répondre aux exigences de la rigueur scientifique, c´est-à-dire aux
critères de cohérence des analyses, de rigueur des démonstrations
et de qualité des sources.
o Avoir
une
dimension
comparative
affirmée
:
- soit dans l´espace : comparaisons au sein d´un même pays, entre
deux ou plusieurs pays, au sein d´un ou entre deux ou plusieurs
ensembles géopolitiques, linguistiques, culturels ;
- soit dans le temps : comparaisons de conjonctures ou de processus
historiques, sociaux ou politiques.
Sous réserve que les propositions s´inscrivent dans le cadre général
ci-dessus décrit, toute liberté est laissée quant au choix :
o de l´approche disciplinaire (toutes les sciences sociales sont
concernées) ;
o du mode de traitement (compte-rendu d´enquêtes et de recherches
empiriques, analyse théorique, synthèse, commentaire de
documents)
o du sujet lui-même.
Toutes les propositions seront soumises au comité de rédaction qui
décidera collectivement sur compte-rendu de deux des membres du
comité scientifique.
Les propositions de contribution doivent être adressées :
o par courriel, au format rtf, à l´adresse suivante
[email protected]
et
o par courrier, en trois exemplaires, à l´adresse suivante :
Revue Education Comparée
à
g M
Université de Bordeaux IV – IUFM
Château Bourran
160, Avenue de Verdun
BP. 152
33705 MERIGNAC
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