Questions de lecture /écriture sur L`INCIPIT De L`Education

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Questions de lecture /écriture sur L`INCIPIT De L`Education
Questions de lecture /écriture sur L’INCIPIT De L’Education Sentimentale (Flaubert)
I Aucune réponse non rédigée entièrement n’est admise. Les extraits et citations nécessaires à la
réponse sont toujours accompagnés d’un commentaire ou d’une analyse.
II Le vocabulaire, la construction et la richesse des phrases, l’orthographe, comptent pour moitié dans
la note d’invention.
I Lecture analytique
1. Qualifiez le type de narration adopté et le(s)point(s) de vue. 1
2. En quoi le titre suggère-t-il un programme narratif ? 1
3. Quelles indications de décor, contexte et milieu vous sont fournies ? En quoi est-ce
réaliste ? 3
4. Evoquez et commentez tous les éléments qui mettent en place le personnage central et
ouvrent des attentes sur le plan de son action à venir. 3
5. Relevez un stéréotype de situation développé sur une phrase : réécrivez-le sous un mode
idyllique / sous un mode réaliste plus offensif et engagé. 2
II Ecriture d’invention sur 10
A vous de composer l’excipit (de même dimension) en prenant soin d’élaborer des correspondances et
des contrastes qui font écho aux choix et registres d’écriture de l’incipit.
Corrigé rédigé des questions 3 et 4 :
I Quelles indications de décor, de contexte, de milieu vous sont fournies ? En quoi est-ce réaliste ?
Méthode de la réponse : il faut assortir les éléments de relevé à un commentaire et une analyse minutieuse qui
compare les données aux divers points de définition du Réalisme. Il faut aussi classer les éléments de relevé
par grandes catégories. Il faut tout rédiger.
« Une grande précision temporelle marque cette page : dès la première ligne, date et heure de l’histoire sont
fournies comme s’il s’agissait de raconter des événements bien réels ayant eu lieu : la date de composition est
de 1869 et la narration semble historique (29 ans plus tôt). Plus loin, on découvre des événements du passé
proche (« nouvellement reçu bachelier ») et l’action toute récente accomplie par le personnage, un voyage au
Havre dont il est rentré « la veille ». Enfin, l’histoire s’ouvre sur une durée à venir : « deux mois » à passer à
Nogent.
Sur le plan des lieux, les références sont nombreuses : le quai Saint-Bernard, ses berges, l’île Saint-Louis, la
Cité, Notre-Dame, Paris. Un cadre parfaitement identifiable, et même un itinéraire à reconstituer sur la
Seine (Le Havre/ correspondance à Paris, Nogent-sur-Seine).
A cette extrême précision réaliste s’ajoutent des effets de réel liés à la représentation exacte de la réalité
d’un embarquement et du transport fluvial par des détails visuels et sonores : sur le quai les « barriques,
câbles, corbeilles de linge » entravent le passage ; on charrie les « colis », dans la mêlée des voyageurs (« on se
heurtait »), et le bruit (« le tapage »). Cette image est exacte et ne présente aucun caractère idéalisé ou
romanesque : elle traduit une observation du réel et une connaissance du milieu, elle est vraie et objective.
Ni laide ni belle, la scène a tout du document pris sur le vif.
Enfin, des éléments liés à la peinture du travail et aux réalités industrielles et urbaines du Paris moderne
du 19ème siècle trouvent leur place dans la description : « le bruissement de la vapeur », les « plaques de
tôle », les « magasins/chantiers/usines » montrent le nouveau visage de la capitale actuelle, alors que les
monuments les plus prestigieux « Notre-Dame » sont à peine cités sans être décrits, sinon comme des
« édifices » « à travers un brouillard ». Il y a donc un refus de l’exceptionnel et du sujet noble et une
préférence pour des éléments ordinaires, sans éclat.
Sur le plan du milieu social dans lequel on se trouve, la foule mêlée est ordinaire et sans distinction (« des
gens », « personne »). Des travailleurs (« les marins ») sont désignés en passant. Le personnage central est un
petit-bourgeois provincial banal. Ni « son oncle », ni « sa mère » ne sont caractérisés par des traits originaux. A
priori, c’est un personnage moyen, tout à fait vraisemblable.
Tous ces choix d’écriture manifestent le réalisme de Flaubert.
II La Mise en place du personnage central et les attentes
En deux paragraphes (4/5), les éléments de son portrait et de son action sont mis en place.
Pour le portrait, on le distingue d’abord par son attitude « immobile » à une place isolée, ce qui le détache de la
vue d’ensemble. C’est « un jeune homme de 18 ans » dont les « longs cheveux » annoncent le statut d’étudiant et
la mode de l’époque pour la jeunesse. Le détail du « livre » sous le bras caractérise aussi ce statut. Il a l’air de
poser pour le pinceau d’un peintre, un peu artificiellement.
Pour l’action, le narrateur fournit quasiment son état-civil : un nom assez commun, un diplôme et des études
courantes en vue (« faire son droit » expression en italiques) un programme banal : il passera des vacances (deux
mois) à son domicile avant sa rentrée. On comprend que son budget est moyen sans être dramatiquement
insuffisant puisque ses études ne sont pas compromises : la « somme indispensable » pour une visite auprès d’un
« oncle » à héritage le prouve. Le thème de l’argent, de l’économie et des calculs familiaux est introduit pour la
suite, et cet héritage à venir ou non est peut-être une piste.
D’autres éléments psychologiques offrent aussi des pistes : la capitale l’attire sans qu’il la connaisse très bien
(« dont il ne savait pas les noms »/ « se dédommageait de ne pouvoir séjourner ») et sa province l’ennuie
(« languir » indique ce thème). Son « dernier coup d’œil » et son « grand soupir » montrent cet état d’esprit ainsi
que le choix de la « route la plus longue » pour faire durer le voyage.
On peut imaginer que le contraste entre la province et Paris sera important dans son histoire, que des désirs
ambitieux et mondains le traversent vaguement. Cela dit, il se laisse tout de même porter par ses obligations et ne
semble pas du tout au désespoir : un personnage aux émotions moyennes, donc, sans héroïsme particulier. C’est
ici que le sens du titre peut nous servir : « Education sentimentale » annonce une formation, un apprentissage,
celle de la personnalité et des relations amicales ou amoureuses. On sent bien que F.Moreau est dans l’attente
d’un destin : il n’a encore rien accompli d’exceptionnel, et ses projets sont ordinaires. On peut se demander ce
qui va surgir en province ou à Paris dans deux mois pour modifier la dimension du personnage et de l’histoire.