Lire un extrait - Editions Persée

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MORALITÉ
Anjali Vial
Moralité
Nouvelles
Éditions Persée
Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages et
les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur et toute
ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait
pure coïncidence.
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© Éditions Persée, 2016
Pour tout contact :
Éditions Persée – 38 Parc du Golf – 13 856 Aix-en-Provence
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Je dédie cet ouvrage à mon grand-père Roland Vial,
Grâce à qui je détiens le plus grand secret de l’écriture,
l’envie…
LE GORILLE ET LES HOMMES
Le gorille
LE GORILLE ET LES HOMMES
I
l fut un temps où les Hommes étaient bons et
généreux, mais les animaux malins et cupides.
En voici une preuve :
Autrefois, au beau milieu de la jungle, vivait un
gorille fort respecté, père d’une grande famille de
gorilles.
Mais un jour, ils commencèrent à mourir de faim,
car cela faisait longtemps qu’ils n’avaient pas mangé.
Le gorille décida de s’aventurer auprès des hommes
pour nourrir sa grande tribu. Pour cela, il apprit à marcher, à parler et à vivre comme eux grâce aux sages de
la canopée.
Enfin, il fut prêt ; on le déguisa et le maquilla à l’aide
de terre et d’argile, si bien qu’il ressembla parfaitement
à un homme de la ville.
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Le gorille partit enfin, et après avoir traversé la moitié de la forêt, il rencontra un ouistiti.
Il était affamé après avoir fait tant d’efforts, et décida
de manger son cousin. Mais le petit, ayant senti venir
le coup facétieux, proposa au gorille de lui faire goûter
une plante qui le rassasierait complètement.
Et le petit ouistiti de sauter d’arbre en arbre pour
trouver la fameuse plante, et lui de croire se rompre le
cou autant de fois qu’il sautait.
Enfin, il put déraciner la plante et l’apporter le plus
rapidement au roi des singes, le gorille, qui trouva la
plante pas si rassasiante que cela. Il se jeta sur le petit
ouistiti pour le dévorer, mais avant d’avoir pu faire le
moindre geste, il fut paralysé : la plante était toxique.
Le petit singe s’enfuit alors en riant de toutes ses
dents, avant de disparaître dans la forêt.
Le gorille se fit plus méfiant, et après avoir digéré la
plante, il décida de continuer son périple à travers les
arbres, pour rencontrer moins de singes.
Après avoir traversé l’autre partie de la jungle, il
ne lui restait plus que quelques arbres à franchir et il
arriverait à sa destination. Mais avant qu’il y arrive, il
rencontra un oiseau. Un magnifique perroquet dont les
plumes scintillaient avec le soleil qui se couchait.
« Que fais-tu là, animal à plumes ? demanda le
gorille.
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— Perrroqueet ! hurla l’oiseau, Perrroqueet !
— Que fais-tu là, perroquet ? » reprit le gorille.
— Je me nourrrriiiis !
— Et comment fais-tu ?
— Je ploooonge dans la juuungle !
— Montre-moi, car j’ai très faim, et tâche de me
satisfaire, ou je te mangerai !
— Toooout de suuuuiiiite ! » répondit le perroquet
en ricanant.
Et le voilà qui plonge à travers les arbres.
Le gorille attendit longtemps que l’oiseau remonte
au-dessus de la canopée mais, quand il revint, il lui jeta
plusieurs noix du Brésil. Le gorille bombardé réussit
quand même à en attraper une qu’il mordilla si fort
qu’il se cassa une dent. Le perroquet se moqua de lui :
le gorille ne pouvait la manger car elle était trop acerbe
pour un individu sans bec. Celui-ci tenta d’attraper le
perroquet imposteur mais il avait déjà déguerpi pour ne
pas se faire manger.
Alors, le primate affamé continua sa route et arriva
le soir même chez les hommes.
Il s’arrêta à la première chaumière qu’il trouva et
frappa à la porte de bois. Une femme ouvrit, habillée pauvrement, les cheveux décoiffés. Elle cria à son
mari : « Paul ! Un paysan ! Je le laisse entrer ! »
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Puis, s’adressant au gorille : « Mon pauvre monsieur ! Entrez, je m’appelle Jeanne de l’Oie, je vais vous
procurer de la nourriture le plus rapidement possible. »
Et elle alla chercher de la viande crue et de la soupe
au poireau en courant dans un escalier qui descendait
dans une cave.
Le gorille se permit de s’asseoir sur un fauteuil de
cuir qu’il trouva fort confortable par rapport à son lit de
feuilles de la jungle. Alors qu’il se demandait comment
des gens si pauvres avaient pu se procurer un aussi
honorable fauteuil, il se rappela soudainement qu’il
devait rentrer au plus vite nourrir sa famille mais voulut
aussi profiter du confort que procuraient les hommes.
Il décida de penser d’abord à lui avant de rejoindre
ses proches, qu’il pensait pouvoir tenir encore quelques
jours de plus.
Jeanne revint alors avec une splendide assiette remplie de viande crue et un bol de soupe.
Le gorille se jeta si sauvagement dessus que Jeanne
fut ravie que cet étranger apprécie son plat, malgré son
étrange ressemblance de caractère avec les animaux.
Ainsi, le gorille resta dormir quelques jours en
appréciant tellement le luxe de l’habitat qu’il ne pouvait s’en passer. Mais il se rappela, à son grand regret,
que sa famille devait mourir de faim à l’heure qu’il était
et qu’il devait rentrer. Mais Paul et Jeanne avaient jus10
tement préparé un poulet rôti avec du riz et le gorille ne
pouvait se refuser une telle abondance de nourriture. Il
resta donc une nuit de plus, une journée de plus, une
semaine de plus…
Cela faisait un mois qu’il était là et sa famille ne
se nourrissait plus que de feuilles rares et de racines
éparses. Ils pensaient tous qu’il était mort et qu’ils
devraient s’en tenir à cette idée.
Alors, ils demandèrent aux sages de la canopée si
leur protecteur était en vie. Ils leur répondirent que le
gorille était vivant, mais affamé. Un des sages savait
qu’il était parfaitement en forme mais ne pouvait
contrarier les affaiblis lui faisaient face. Il se tut, mais
promit d’admonester le gorille quand il reviendrait
d’avoir laissé les siens mourir en ne pensant qu’à lui.
Pendant ce temps, il faisait nuit à la ville et le gorille
avait très faim. Il décida de voler de la nourriture dans
la réserve, en passant par l’escalier qui descendait dans
la cave.
C’est ce qu’il fit. Dans cette salle se trouvaient des
tonneaux de vin, de l’eau fraîche, de la viande d’agneau,
de vache, de bœuf, des légumes verts, des fruits rouges,
du riz, du restant de poulet, des pommes de terre… :
toute une multitude d’aliments tous aussi bons que
beaux et nourrissants.
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Il se régala et il ne resta plus rien après son passage.
Le gorille retourna se rendormir tout en veillant à ne
pas faire de bruit.
Le lendemain, le gorille demanda à manger, mais
Jeanne et Paul n’avaient plus rien, pas même le moindre
ingrédient succinct à offrir. Alors, il les abandonna à
leur triste sort et repartit dans la jungle, le ventre lourd
et les pieds s’enfonçant dans la terre.
Quand le gorille arriva chez lui, les siens et les sages
de la canopée étaient morts de faim. Les autres gorilles
avaient déménagé dans d’autres plaines pour se nourrir,
et il ne restait plus que lui dans les parages.
Il rentra chez Jeanne et Paul, mais ceux-là étaient
aussi morts de faim, et personne ne l’accueillit car le
bruit s’était propagé qu’un paysan volait la nourriture
des autres.
Alors le gorille traversa la jungle pour la énième
fois, retrouva le petit ouistiti qui le fuyait, ainsi que le
perroquet dont les plumes brillaient encore plus que la
fois précédente, et se laissa mourir, car s’il s’était rassasié, il avait perdu tout le reste.
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MORALITÉ
Il n’est d’être aussi cupide que le gorille affamé
Car s’il n’a plus personne, il a de quoi manger,
Qui abandonne les siens
Pour de la nourriture,
Mais meurt quand même de solitude.
Est-il aussi égoïste, que lorsqu’il se régale
Le gorille dont la déréliction fut très rude ?
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LES DEUX FRÈRES ET LA JALOUSIE
A
utrefois, quand l’homme ne voulait que plus
de territoire chaque seconde, vivaient, dans un
grand et luxueux palais, un roi et une reine qui donnèrent naissance à trois fils, qui furent initiés dès leur
plus jeune âge au maniement des armes.
Le benjamin se prénommait Louis et avait onze ans.
Le cadet se nommait Charles et était âgé de quatorze
ans et l’aîné, Auguste, avait dix-neuf ans.
Louis ne passait son temps qu’à admirer les servantes qui se bousculaient sans cesse pour rendre un
travail parfait. Il ne faisait rien à l’école et préférait
aider Anna-Bianca, une servante de son âge, à laver le
linge au lieu de s’instruire. Il ne put même pas porter
une épée car cela fut trop lourd pour lui et il faillit se
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briser le dos. Depuis, il n’alla plus aux cours sous les
ordres de sa mère.
Charles était le plus doué des trois au maniement des
armes, et il gagnait chaque concours que lui proposait
son moniteur personnel, bien qu’il fût le dernier dans
toutes les autres matières. Il ne supportait pas son grand
frère Auguste, qui était toujours le plus aimé et le plus
beau.
Auguste était bien sûr l’aîné, et était doué dans toutes
les matières, excepté au maniement des armes, exercice lors duquel il avait coupé la jambe de son ancien
moniteur qui était mort quelques jours après. Il fit la
cour à la belle Béatrice, ce qui fut un événement impardonnable pour son petit frère Charles, dont il était aimé
depuis longtemps. Malheureusement pour lui, Béatrice
se maria avec Auguste et la relation fraternelle se brisa
entre les deux frères.
Depuis, Auguste dirigeait la Bretagne, Charles une
ville au bord de la mer Méditerranée et Louis le Jura,
avec l’aide de Léapardes, sa monitrice en chef, vieille
femme au corps ridé que Louis détestait à cause de ses
réflexions injustes : elle avait menacé de couper la tête
d’Anna-Bianca s’il ne connaissait pas la table de sept…
Or, un matin, Charles apprit que Béatrice était
enceinte, et qu’ils attendaient un petit garçon. Il explosa
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